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le 7 juillet 2000

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N° 2532

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 juillet 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2426) DE M. ALAIN BARRAU, RAPPORTEUR DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE, sur la sécurité maritime du transport pétrolier (COM [2000] 142 final/n° E 1440),

PAR M. RENÉ LEROUX,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Déchets, pollutions, nuisances.

INTRODUCTION 5

I.- LES SUGGESTIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 7

A.- LES MESURES IMMÉDIATES 7

B.- LES MESURES DU LONG TERME 9

II.- LES PRÉCONISATIONS DE LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE POUR L'UNION EUROPÉENNE ET LES POSITIONS DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES 10

EXAMEN EN COMMISSION 13

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION 19

TABLEAU COMPARATIF 23

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 27

MESDAMES, MESSIEURS,

Le 12 décembre 1999, l'Erika, navire-citerne battant pavillon maltais, qui transportait des produits pétroliers destinés au fonctionnement d'une centrale électrique en Italie, faisait naufrage et se brisait en deux à 40 milles au sud de la pointe de la Bretagne, déversant ainsi plus de 10 000 tonnes de pétrole lourd sur les 30 000 tonnes transportées. 400 kilomètres de côtes ont été ainsi pollués par cette nouvelle « marée noire ».

Venant notamment après les catastrophes du « Torrey Canyon » (mars 1967) et de l'« Amoco-Cadiz » (mars 1978), toujours inscrites dans les esprits, ce nouveau drame a provoqué de graves dommages à la faune et à la flore locales ainsi qu'aux activités de pêche et de tourisme de plusieurs de nos régions.

L'Assemblée nationale a exprimé une vive préoccupation face à ce problème, que reflètent les multiples questions posées au Gouvernement, que reflète aussi la création d'une commission d'enquête parlementaire le 26 janvier 2000.

Le naufrage de l'Erika a révélé, en effet, une nouvelle fois les nombreuses insuffisances que présente la sécurité de nos transports maritimes. L'Erika était certes un transporteur à coque unique (on verra ultérieurement l'importance de ce facteur), de 25 ans d'âge, mais ses certificats légaux étaient en ordre et il avait fait l'objet en mai 1999 d'une inspection approfondie.

C'est donc, semble-t-il, le contenu même des règles applicables au plan international (celles principalement de l'Organisation maritime internationale, l'OMI) et communautaire en matière de sécurité des transports pétroliers maritimes qui paraît poser problème ; ce sont ces règles qui doivent être analysées et éventuellement améliorées.

La Commission européenne, observant précisément que les règles définies par l'OMI souffrent d'une grave lacune, en fait, de l'absence de contrôles effectifs portant sur leur application, vient de suggérer plusieurs actions visant à accroître significativement la sécurité maritime du transport pétrolier.

Présentées le 21 mars 2000, les suggestions de la Commission s'inscrivaient dans quatre documents :

- une communication au Parlement européen et au Conseil « sur la sécurité maritime du transport pétrolier » ;

- une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, modifiant la directive 95/21/CE du Conseil concernant le contrôle par l'Etat du port ;

- une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, modifiant la directive 94/57/CE du Conseil établissant des règles et normes communes sur les sociétés de classification ;

- une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'introduction accélérée des prescriptions en matière de « double coque ».

Ces suggestions sont l'objet de ce bref rapport. On en exposera brièvement le contenu (I), avant d'examiner les préconisations à ce sujet de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne et les positions de la commission de la production et des échanges (II).

I.- LES SUGGESTIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Elles prennent place dans trois textes pour les mesures immédiates, mais concernent aussi le long terme.

A.- LES MESURES IMMÉDIATES

· La première proposition de directive, présentée par la Commission, modifie la directive 95/21/CE du Conseil relative au contrôle par l'Etat du port.

Ce type de contrôle des navires s'est développé en réponse au comportement critiquable de certains exploitants de navires ou d'Etats du pavillon, peu soucieux du respect des règles de sécurité établies par l'Organisation maritime internationale (OMI). Il est fondé sur le principe d'une vérification des règles internationales au moyen d'inspections des navires faisant escale dans les ports.

La Commission suggère de modifier la directive 95/21/CE sur la base de plusieurs principes logiques :

- Une sévérité renforcée pour les navires manifestement inférieurs aux normes : il est proposé ainsi de bannir de tous les ports de l'Union européenne les bateaux de plus de quinze ans d'âge ayant été immobilisés plus de deux fois au cours des deux années précédentes, à partir d'une « liste noire » que la Commission européenne publierait tous les six mois.

- Des contrôles plus étendus sur les pétroliers et les autres navires à risque : ces derniers seraient soumis à une inspection renforcée obligatoire chaque année au moment de leur entrée dans un port de la Communauté. Quant aux pétroliers, la Commission suggère de les soumettre au régime d'inspection renforcée prévu par la directive 95/21/CE, à partir de l'âge de 15 ans et non plus 20 ou 25 ans, comme dans ladite directive.

- Des obligations d'information renforcées : la Commission suggère que les navires aient l'obligation de communiquer diverses séries d'information avant d'entrer dans les ports, afin que les inspections soient préparées efficacement. Les instances d'inspection pourront en outre plus facilement échanger leurs informations.

- Un meilleur suivi, enfin, de l'application de la directive : les Etats membres auront l'obligation d'apporter des informations détaillées à la Commission européenne, afin de permettre à celle-ci de mieux évaluer l'efficacité du dispositif.

· La deuxième proposition de directive modifie la directive 94/57/CE relative aux sociétés de classification.

Il s'agit là d'organisations privées très spécialisées agissant pour le compte des Etats membres et chargées de vérifier la qualité des navires et notamment leur conformité aux exigences de sécurité et de respect de l'environnement prévues par les conventions internationales.

La directive 94/57/CE avait notamment institué un système communautaire d'agrément de ces sociétés de classification.

La proposition de directive présentée par la Commission prévoit un contrôle plus étroit sur ces sociétés.

Elle met en place une procédure d'octroi et de retrait par la Commission de l'agrément aux sociétés de classification, dont la responsabilité serait pleinement engagée en cas de négligence.

Par ailleurs, des critères de qualité plus sévères devraient être remplis par ces organismes, notamment l'obligation de suivre certaines procédures, lorsqu'un navire change de classe, telles que la transmission du dossier historique complet du navire à la nouvelle société de classification.

· Le troisième texte, la proposition de règlement au Conseil est relative à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de « double coque ».

Rappelons, qu'actuellement, la majorité des pétroliers est de conception de « simple coque », le pétrole n'y étant séparé de l'eau de mer que par une tôle de fond et de muraille, ce qui peut poser évidemment des problèmes redoutables en cas de collision ou d'échouement des navires.

La technique de la « double coque » consiste dès lors à entourer les citernes de cargaison d'une seconde tôle interne, réduisant ainsi le risque de pollution. C'est la voie qu'ont choisie les Etats-Unis, après l'accident de l'« Exxon Valdez » en 1989 ; l'« Oil Pollution Act » de 1990 a imposé ainsi unilatéralement des exigences de « double coque » pour les pétroliers neufs aussi bien qu'existants, par des limites d'âge (à partir de 2005 entre 23 et 30 ans) et d'échéances (2010 et 2015) pour l'abandon des pétroliers à « simple coque ».

Dans sa proposition, la Commission propose de généraliser l'interdiction des pétroliers à « simple coque » en fonction d'un calendrier analogue à celui retenu par les Etats-Unis.

Les trois propositions de la Commission européenne forment un ensemble cohérent s'appliquant non seulement aux navires pétroliers, mais aussi, pour les deux premières, aux navires transportant d'autres matières dangereuses ou polluantes.

B.- LES MESURES DU LONG TERME

Pour le long terme, la Commission, dans sa communication suggère quatre lignes d'action :

- la systématisation des échanges d'informations entre les différents acteurs du monde maritime par le biais notamment d'un renforcement du système EQUASIS ;

- l'amélioration de la surveillance de la navigation maritime, évidemment dans les zones les plus fréquentées par les pétroliers ; une réflexion pourrait être menée sur la conduite de contrôles au-delà des eaux territoriales sur les navires les plus dangereux ;

- la mise en place d'une structure européenne de la sécurité maritime ayant pour tâche de mener à une harmonisation des contrôles nationaux ;

- le développement enfin de la responsabilité des différents acteurs du transport maritime du pétrole ; le principe d'une responsabilité du transporteur et du propriétaire de la cargaison pourrait être ainsi retenu.

II.- LES PRÉCONISATIONS DE LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE POUR L'UNION EUROPÉENNE ET LES POSITIONS DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

Le 24 mai dernier, la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne examinait les dispositions communautaires que l'on a exposées au I, effectuant ainsi le travail d'instruction prévu au deuxième alinéa de l'article 151-1 du Règlement.

Elle a adopté alors une proposition de résolution dont la commission de la production et des échanges approuve le contenu.

Dans sa proposition de résolution, la délégation :

- insiste d'abord sur le fait que le naufrage de l'Erika a mis une nouvelle fois en lumière l'insuffisance des règles internationales et communautaires dans le domaine de la sécurité du transport maritime et sur l'urgence de la mise en place d'une réglementation communautaire de nature à renforcer cette sécurité ;

- observe que la communication comme les propositions de règlements et de directives présentés par la Commission européenne en mars 2000 peuvent contribuer à la réalisation de cet objectif majeur, les mesures prévues, renforcement du contrôle de l'Etat du port sur les navires, instauration d'un contrôle plus précis des sociétés de classification, généralisation de l'interdiction des pétroliers à coque unique, suivant un échéancier analogue à celui retenu par les Etats-Unis, apparaissant positives ;

- considère néanmoins et la délégation apporte, sur ce point, une réflexion très utile, que les propositions formulées ne sont pas totalement à la hauteur des enjeux.

La délégation conduit dès lors une réflexion en cinq temps.

1. Tout en approuvant le contenu des propositions communautaires précitées, elle demande que l'inspection des navires pétroliers, prévue par la première proposition de directive, n° 95/21/CE du Conseil, soit étendue à de nouveaux types de navires, ceux qui transportent plus de 2000 tonnes de carburant et que le champ d'application de la convention internationale MARPOL de 1973, modifiée par le protocole de 1978, sur la prévention de la pollution par les navires soit élargi, pour prendre en compte les bateaux qui transportent des déchets nucléaires.

2. La délégation regrette que les mesures suggérées au plan européen ne répondent pas aux conclusions qu'elle a elle même adoptées le 3 février 2000, soulignant alors « la nécessité de renforcer les règles de sécurité pour le transport maritime dans les domaines de la prévention, de la répression et de l'incitation et de créer un espace maritime européen. ».

3. La délégation présente ensuite plusieurs demandes très concrètes touchant à :

- la création d'un corps européen de garde-côtes, qui donnerait une crédibilité au système d'inspection dont la Commission européenne suggère la mise en place ;

- la consécration, dans les faits, du principe « pollueur payeur », permettant une responsabilisation effective du propriétaire du navire et donnant une traduction concrète aux dispositions de l'article 174 du traité instituant la Communauté européenne ;

- la reprise d'une proposition de règlement du Conseil, qui prévoyait l'institution du registre communautaire Euros, ayant pour objet de réserver le cabotage communautaire aux navires inscrits à ce registre, les officiers et la moitié au moins de l'équipage de ces mêmes navires devant de surcroît être des ressortissants des Etats membres. Rappelons que cette proposition est actuellement bloquée du fait d'un désaccord persistant de plusieurs des principaux Etats maritimes de l'Union ;

- la mise en place enfin d'une taxe de sécurité maritime communautaire assise sur les marchandises transportées par la voie maritime.

4. La délégation demande également une « activation » des efforts menés dans le cadre des conventions internationales ; que l'Union européenne donne ainsi à l'Organisation maritime internationale (OMI) les moyens de contrôler l'application effective de ses conventions et règlements ; que l'Union européenne prenne aussi l'initiative d'une campagne de ratification des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) relatives aux conditions de vie et de travail des marins à bord.

5. La délégation demande enfin aux autorités françaises, appelées à exercer, à compter du 1er juillet 2000, la présidence de l'Union européenne, de faciliter la mise en _uvre rapide de ces diverses mesures.

La commission de la production et des échanges suggère de retenir ces propositions de la délégation, qui a accompli en la matière un travail de réflexion approfondi. Elle observe que les mesures visant à renforcer la sécurité de nos transports maritimes sont heureusement de plus en plus nombreuses et que l'Assemblée nationale a récemment adopté en première lecture sur le rapport de M. Gilbert Le Bris une proposition de loi sur « la répression de la pollution par les navires », qui couvre l'hypothèse trop fréquente des activités de « dégazage » ou de « déballastage » illégal des navires.

L'Assemblée nationale a également adopté deux amendements identiques de Mme Odile Saugues, rapporteur, et de MM. Jean-Yves Le Drian et Gilbert Le Bris insérant un article additionnel dans le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports, obligeant les capitaines des navires faisant escale dans un port maritime à déposer leurs déchets d'exploitation et résidus de cargaison dans les stations portuaires prévues à cet effet. Il s'agit là d'anticiper sur une directive communautaire en discussion, afin de prévenir des actes de pollution sournoise.

La définition de mesures nationales et, souhaitons-le donc, communautaires adéquates est devenue une nécessité, à l'heure où l'importance du transport pétrolier par la voie maritime tend à s'accroître et où les opinions publiques manifestent, à l'égard des phénomènes de pollution maritime, une attitude intransigeante tout à fait explicable.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 4 juillet 2000, la commission a examiné, sur le rapport de M. René Leroux, la proposition de résolution (n° 2426) de M. Alain Barrau, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, sur la sécurité maritime du transport pétrolier (COM [2000] 142 final/n° E 1440).

M. René Leroux a présenté à la commission plusieurs textes relatifs à la sécurité maritime des transports pétroliers dont l'adoption est proposée par la Commission européenne. Présentées le 21 mars 2000, les suggestions de la Commission européenne s'inscrivent dans quatre documents :

- une communication au Parlement européen et au Conseil « sur la sécurité maritime du transport pétrolier » ;

- une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, modifiant la directive 95/21/CE du Conseil, concernant le contrôle par l'Etat du port ;

- une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, modifiant la directive 94/57/CE du Conseil, établissant des règles et normes communes sur les sociétés de classification ;

- une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'introduction accélérée des prescriptions en matière de « double coque ».

Le rapporteur a indiqué que ces différents textes avaient été examinés par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Il a fait remarquer que les mesures proposées prévoyaient une sévérité renforcée des contrôles sur les navires manifestement inférieurs aux normes, ainsi que des contrôles plus étendus menés par l'État du port sur les pétroliers et les autres navires à risque. Les suggestions de la Commission européenne portent également, a précisé le rapporteur, sur l'activité des sociétés de classification, pour lesquelles est prévu un régime harmonisé d'agrément au plan européen, ainsi que sur l'alignement des prescriptions communautaires en matière d'abandon des pétroliers à « simple coque » sur le calendrier retenu par les Etats-Unis.

Rappelant que la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne avait effectué le travail d'instruction des textes communautaires prévu par l'article 151-1 du Règlement, M. René Leroux a présenté ensuite le contenu de la proposition de résolution adoptée par la délégation. Cette proposition de résolution souligne les lacunes des normes internationales et communautaires en matière de sécurité du transport maritime et la nécessité de mettre en place rapidement une réglementation communautaire en la matière. Elle approuve le contenu des propositions présentées par la Commission européenne, mais considère que ces propositions ne sont en fait que partiellement à la hauteur des enjeux.

La délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne approuve, dès lors, a indiqué le rapporteur, les dispositions des propositions communautaires, mais souhaite que l'inspection des navires pétroliers prévue par la proposition de directive sur le contrôle par l'État du port soit étendue aux navires pétroliers transportant plus de 2 000 tonnes de carburant et que le champ d'application de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires soit étendu aux navires transportant des déchets nucléaires (point 1 de la proposition de résolution). La délégation regrette également que les dispositions suggérées par la Commission européenne ne répondent que partiellement aux conclusions adoptées le 3 février par la délégation elle-même et dans lesquelles celle-ci suggérait la création d'un espace maritime européen (point 2 de la proposition de résolution).

La délégation constate, en outre, l'absence de mesures relatives à la création d'un corps de gardes-côtes européen, à défaut duquel le régime d'inspection préconisé par la Commission européenne risque d'être fragilisé, l'absence de consécration du principe pollueur-payeur en vue de responsabiliser le propriétaire du navire ou de la cargaison, l'absence de reprise de la proposition de règlement du Conseil sur le registre communautaire et la navigation sous pavillon communautaire, l'absence enfin de création d'une taxe de sécurité maritime communautaire assise sur les marchandises transportées par voie maritime (point 3 de la proposition de résolution).

La délégation juge ensuite nécessaire que l'Union européenne donne à l'Organisation maritime internationale (OMI) les moyens de contrôler l'application de ses conventions et règlements et qu'elle prenne l'initiative d'une campagne de ratification des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) relatives aux marins (point 4 de la proposition de résolution).

La délégation demande enfin aux autorités françaises de faciliter une mise en _uvre rapide de ces différentes actions dans le cadre de la présidence de l'Union européenne (point 5 de la proposition de résolution).

M. René Leroux a proposé à la commission de retenir les propositions de conclusion présentées par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

M. Daniel Paul a indiqué qu'il était d'accord avec l'esprit de la proposition de résolution, rappelant qu'il avait participé aux travaux de la délégation pour l'Union européenne ayant abouti à ce texte. Il a toutefois tenu à préciser que l'exemple du corps des gardes-côtes américains ne lui semblait pas transposable à l'Union européenne. En effet, les Etats-Unis sont un Etat fédéral et la création d'un corps de gardes-côtes européen sous-entend la mise en place d'une autorité unique en matière de sécurité maritime et donc un transfert de pouvoir des Etats vers l'Union. De plus, la sécurité maritime n'est pas organisée de façon uniforme chez les Quinze, les Etats la confiant soit à leur marine nationale, soit à d'autres autorités. Il préfère pour sa part que soit encouragée la coopération entre les différents États membres sous l'égide de l'Union européenne.

Il a rappelé que l'application du principe pollueur-payeur en matière de sécurité maritime devait se traduire par une responsabilisation du propriétaire du navire. Il n'est pas normal, dans le cas de l'Erika, que la FIPOL ait eu à payer 1,12 milliard de francs contre 80 millions de francs par l'armateur. Selon M. Daniel Paul, il faudrait bannir tout armement ne pouvant répondre de l'intégralité des dommages causés.

S'agissant du registre communautaire, il a indiqué qu'il serait plus urgent que l'Union européenne favorise les armements aux normes, employant des équipages qualifiés et homogènes et respectant les règles de l'Organisation internationale du travail.

Il a par ailleurs émis des doutes sur la nécessité de créer une taxe de sécurité maritime communautaire qui serait fatalement répercutée.

Il s'est également montré circonspect sur l'opportunité de donner à l'organisation maritime internationale les moyens de contrôler l'application des conventions et règlements, cette mission relevant de la souveraineté des États. L'Union européenne doit donc intervenir auprès de ceux-ci pour que ces règlements soient strictement appliqués et que les sanctions soient effectivement prises.

Enfin, il a plaidé pour la mise en place d'un « contrôle des contrôleurs » permettant de responsabiliser les États.

M. Serge Poignant a déclaré partager l'esprit de la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne, ainsi que le constat que celle-ci a dressé des insuffisances du dispositif communautaire actuel. Il a notamment estimé nécessaire de responsabiliser les affréteurs. S'agissant de la constitution d'un corps de gardes-côtes européen, il a estimé qu'elle pourrait être mise en _uvre à terme sur le modèle américain.

M. Jean-Michel Marchand a déclaré que l'analyse menée par M. Daniel Paul lui convenait, sauf pour ce qui concernait la question d'un corps de gardes-côtes européen ; la création d'une telle structure demandera, en effet, du temps et nécessitera, en premier lieu, la coordination des moyens propres à chaque pays. Par ailleurs, il a précisé qu'il était partisan d'une responsabilisation de l'armateur et de l'affréteur et a estimé que le point 3 de la proposition de résolution pourrait être utilement modifié en ce sens. Il a également insisté sur la nécessité de responsabiliser les sociétés de classification et de certification.

M. René Leroux, rapporteur, a répondu aux intervenants que les travaux de la commission d'enquête parlementaire sur le naufrage de l'Erika viendront compléter la réflexion menée dans le cadre européen. Il a estimé, s'agissant de la création d'un corps de gardes-côtes européen, que l'exemple des Etats-Unis ne pouvait être transposé tel quel et il a fait remarquer que la proposition de résolution, telle qu'elle est libellée, ne demande pas la création immédiate d'un tel corps.

La commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Daniel Paul, visant à une nouvelle rédaction des points 3 à 5 de la proposition de résolution. M. Daniel Paul a fait valoir que le texte de son amendement différait de celui de la proposition de résolution, en ce qu'il ne prévoit plus de référence à la création d'un corps de gardes-côtes européen et à la proposition de règlement du Conseil sur le registre communautaire et à la navigation sous pavillon communautaire. M. Daniel Paul a souligné, en revanche, la nécessité de faire référence au principe pollueur-payeur ; il a souhaité également qu'une coopération régionale renforcée permette une prise en compte plus effective des moyens de surveillance et d'intervention dont disposent les États.

Le rapporteur convenant de l'intérêt de cette dernière disposition sur la coopération régionale renforcée a suggéré qu'elle soit ajoutée en point 4 au texte de la proposition de résolution, mais il a estimé que la référence à la création d'un corps de gardes-côtes européen et à la proposition d'un registre communautaire devait être maintenue.

M. Daniel Paul a ensuite exprimé son accord avec cette position.

La commission a décidé de retenir un nouveau point 4 dans sa proposition de résolution, portant sur la coopération régionale renforcée entre États mais a en revanche rejeté les autres points proposés par l'amendement de M. Daniel Paul.

M. Jean-Michel Marchand a fait valoir ensuite que, pour mettre en _uvre le principe pollueur-payeur, il fallait responsabiliser le propriétaire du navire et celui de la cargaison. Il a suggéré de modifier le point 3 de la proposition de résolution en ce sens et fait remarquer en effet que les responsabilités devaient être établies d'une manière simple et réaliste.

Après une discussion à laquelle ont pris part, outre le rapporteur et le président André Lajoinie, MM. Serge Poignant, Daniel Paul et Mme Odile Saugues, la commission a retenu la responsabilité du propriétaire du navire et de celui de la cargaison et adopté ainsi l'amendement de M. Jean-Michel Marchand (point 3 de la proposition de résolution).

Elle a ensuite adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

*

* *

En conséquence, la commission de la production et des échanges vous demande d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la sécurité maritime du transport pétrolier

(COM [2000] 142 final/n° E 1440)

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la sécurité maritime du transport pétrolier,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 95/21/CE du Conseil concernant l'application aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des Etats membres des normes internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention des pollutions et aux conditions de vie à bord des navires (contrôle par l'Etat du port),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 94/57/CE du Conseil établissant les règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque (COM (2000) 142 final/E 1440),

Considérant que le naufrage du pétrolier Erika survenu le 12 décembre 1999 au large des côtes de la Bretagne a de nouveau mis en évidence l'application très imparfaite et les lacunes des normes internationales et communautaires en matière de sécurité du transport maritime ;

Considérant que l'ampleur des dommages écologiques impose la mise en place rapide d'une réglementation communautaire propre à renforcer la sécurité maritime dans l'Union européenne ;

Considérant que la communication et les trois propositions susvisées tendent à : renforcer le contrôle de l'Etat du port sur les navires ; instaurer un contrôle plus étroit des sociétés de classification au moyen d'une procédure d'agrément centralisée et harmonisée ; généraliser l'interdiction des pétroliers à simple coque selon un calendrier analogue à celui de la législation américaine ;

Considérant toutefois que, du fait de certaines lacunes majeures, les propositions formulées par la Commission européenne ne sont que très partiellement à la hauteur des enjeux ;

1. Approuve le principe des dispositions contenues dans les propositions susvisées tout en souhaitant, d'une part, que l'inspection d'un navire pétrolier prévue par la proposition de directive susvisée modifiant la directive 95/21/CE du Conseil soit étendue aux navires pétroliers transportant plus de 2.000 tonnes de carburant et, d'autre part, que le champ d'application de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires - dite MARPOL - soit étendu aux navires transportant des déchets nucléaires ;

2. Regrette néanmoins que ces dispositions ne répondent que partiellement aux conclusions adoptées par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne le 3 février 2000, par lesquelles elle a « souligné la nécessité de renforcer les règles de sécurité pour le transport maritime dans les domaines de la prévention, de la répression et de l'incitation et de créer un espace maritime européen » ;

3. Constate, en effet, l'absence de mesures concernant la création d'un corps de gardes-côtes européen, à défaut duquel le régime d'inspection préconisé par la Commission européenne risque d'être fragilisé ; la consécration du principe pollueur-payeur, en vue de responsabiliser le propriétaire du navire et celui de la cargaison et de donner une traduction concrète et immédiate à l'article 174 du traité instituant la Communauté européenne ; la reprise de la proposition de règlement du Conseil sur le registre communautaire et la navigation sous pavillon communautaire ; la création d'une taxe de sécurité maritime communautaire assise sur les marchandises transportées par voie maritime ;

4. Souhaite qu'une coopération régionale renforcée permette une mise en commun plus effective des moyens de surveillance et d'intervention dont disposent les États ;

5. Juge nécessaire que l'Union européenne prolonge son action en vue, d'une part, de donner à l'Organisation maritime internationale (OMI) les moyens de contrôler l'application des conventions et règlements qu'elle publie et d'en sanctionner les manquements, d'autre part, de prendre l'initiative d'une campagne de ratification des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) relatives aux marins, afin d'en accélérer l'entrée en vigueur ;

6. Demande, en conséquence, aux autorités françaises de donner l'impulsion nécessaire à la mise en _uvre rapide des actions précitées dans le cadre de la présidence de l'Union européenne.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte de la proposition de résolution

(n° 2426)

___

Conclusions de la Commission

___

Article unique

Article unique

L'Assemblée nationale,

(Alinéa sans modification)

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

(Alinéa sans modification)

Vu la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la sécurité maritime du transport pétrolier ;

(Alinéa sans modification)

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 95/21/CE du Conseil concernant l'application aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des Etats membres des normes internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention des pollutions et aux conditions de vie à bord des navires (contrôle par l'Etat du port) ;

(Alinéa sans modification)

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 94/57/CE du Conseil établissant les règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes ;

(Alinéa sans modification)

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque (COM (2000) 142 final/E 1440) ;

(Alinéa sans modification)

Considérant que le naufrage du pétrolier Erika survenu le 12 décembre 1999 au large des côtes de la Bretagne a de nouveau mis en évidence l'application très imparfaite et les lacunes des normes internationales et communautaires en matière de sécurité du transport maritime ;

(Alinéa sans modification)

Considérant que l'ampleur des dommages écologiques impose la mise en place rapide d'une réglementation communautaire propre à renforcer la sécurité maritime dans l'Union européenne ;

(Alinéa sans modification)

Considérant que la communication et les trois propositions susvisées tendent à : renforcer le contrôle de l'Etat du port sur les navires ; instaurer un contrôle plus étroit des sociétés de classification au moyen d'une procédure d'agrément centralisée et harmonisée ; généraliser l'interdiction des pétroliers à simple coque selon un calendrier analogue à celui de la législation américaine ;

(Alinéa sans modification)

Considérant toutefois que, du fait de certaines lacunes majeures, les propositions formulées par la Commission européenne ne sont que très partiellement à la hauteur des enjeux ;

(Alinéa sans modification)

1. Approuve le principe des dispositions contenues dans les propositions susvisées tout en souhaitant, d'une part, que l'inspection d'un navire pétrolier prévue par la proposition de directive susvisée modifiant la directive 95/21/CE du Conseil soit étendue aux navires pétroliers transportant plus de 2.000 tonnes de carburant et, d'autre part, que le champ d'application de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires - dite MARPOL - soit étendu aux navires transportant des déchets nucléaires ;

1. (Sans modification)

2. Regrette néanmoins que ces dispositions ne répondent que partiellement aux conclusions adoptées par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne le 3 février 2000, par lesquelles elle a « souligné la nécessité de renforcer les règles de sécurité pour le transport maritime dans les domaines de la prévention, de la répression et de l'incitation et de créer un espace maritime européen » ;

2. (Sans modification)

3. Constate, en effet, l'absence de mesures concernant la création d'un corps de garde-côtes européen, à défaut duquel le régime d'inspection préconisé par la Commission européenne risque d'être fragilisé ; la consécration du principe pollueur-payeur, en vue de responsabiliser le propriétaire du navire ou de la cargaison et de donner une traduction concrète et immédiate à l'article 174 du traité instituant la Communauté européenne ; la reprise de la proposition de règlement du Conseil sur le registre communautaire et la navigation sous pavillon communautaire ; la création d'une taxe de sécurité maritime communautaire assise sur les marchandises transportées par voie maritime ;

3. Constate ...

... du navire et celui de la cargaison ...

... 

voie maritime ;

4. Souhaite qu'une coopération régionale renforcée permette une mise en commun plus effective des moyens de surveillance et d'intervention dont disposent les États ;

4. Juge nécessaire que l'Union européenne prolonge son action en vue, d'une part, de donner à l'OMI les moyens de contrôler l'application des conventions et règlements qu'elle publie et d'en sanctionner les manquements, d'autre part, de prendre l'initiative d'une campagne de ratification des conventions de l'OIT relatives aux marins, afin d'en accélérer l'entrée en vigueur ;

5. (Sans modification)

5. Demande, en conséquence, aux autorités françaises de donner l'impulsion nécessaire à la mise en _uvre rapide des actions précitées dans le cadre de la présidence de l'Union européenne.

6. (Sans modification)

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Article unique

Amendement présenté par M. Daniel Paul :

Substituer aux trois derniers alinéas de l'article unique les quatre alinéas suivants :

3. Constate l'absence de mesures concernant la consécration du principe pollueur payeur, en vue de responsabiliser le propriétaire du navire ou de la cargaison et de donner une traduction concrète et immédiate à l'article 174 du traité instituant la Communauté européenne.

4. Juge nécessaire que l'Union européenne fasse clairement connaître à l'OMI sa volonté de donner la priorité à la sécurité des transports maritimes, pèse pour que cette organisation accélère les prises de décisions, vérifie que tous les Etats membres appliquent les conventions et sanctionnent les manquements ;

5. Appelle à une initiative européenne pour une campagne de ratification des conventions de l'OIT relatives aux marins, afin d'en accélérer l'entrée en vigueur ;

6. Demande en conséquence aux autorités françaises de donner l'impulsion nécessaire à la mise en _uvre rapide des actions précitées dans le cadre de la présidence de l'Union européenne.

2532 - rapport de M. René Leroux sur la proposition de résolution (n° 2426) de M. Alain Barrau, sur la sécurité maritime du transport pétrolier (COM [2000] 142 final/n° E 1440) (commission de la production et des échanges)