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le 17 octobre 2001

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N° 3326

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2001

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 3318) DE M. ALAIN BARRAU, RAPPORTEUR DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (COM [2000] 319 final / E 1520),

PAR M. François BROTTES,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Postes.

La Commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; M. Jean-Paul Charié, M. Jean-Pierre Defontaine, M. Pierre Ducout, M. Jean Proriol, vice-présidents ; M. Christian Jacob, M. Pierre Micaux, M. Daniel Paul, M. Patrick Rimbert, secrétaires ; M. Jean-Pierre Abelin, M. Yvon Abiven, M. Jean-Claude Abrioux, M. Stéphane Alaize, M. Damien Alary, M. André Angot, M. François Asensi, M. Jean-Marie Aubron, M. Pierre Aubry, M. Jean Auclair, M. Jean-Pierre Balduyck, M. Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, M. Christian Bataille, M. Jean Besson, M. Gilbert Biessy, M. Claude Billard, M. Claude Birraux, M. Jean-Marie Bockel, M. Jean-Claude Bois, M. Daniel Boisserie, M. Maxime Bono, M. Franck Borotra, M. Christian Bourquin, M. Patrick Braouezec, M. François Brottes, M. Vincent Burroni, M. Alain Cacheux, M. Dominique Caillaud, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean Charroppin, M. Philippe Chaulet, M. Jean-Claude Chazal, M. Daniel Chevallier, M. Gilles Cocquempot, M. Pierre Cohen, M. Alain Cousin, M. Yves Coussain, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Claude Daniel, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, M. Léonce Deprez, M. Jacques Desallangre, M. François Dosé, M. Marc Dumoulin, M. Dominique Dupilet, M. Philippe Duron, M. Alain Fabre-Pujol, M. Albert Facon, M. Alain Ferry, M. Jean-Jacques Filleul, M. Jacques Fleury, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Louis Fousseret, M. Roland Francisci, M. Claude Gaillard, M. Robert Galley, M. Claude Gatignol, M. André Godin, M. Alain Gouriou, M. Hubert Grimault, M. Lucien Guichon, M. Gérard Hamel, M. Patrick Herr, M. Francis Hillmeyer, M. Claude Hoarau, M. Robert Honde, M. Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, M. Aimé Kergueris, M. Jean Launay, Mme Jacqueline Lazard, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Patrick Lemasle, M. Jean-Claude Lemoine, M. Jacques Le Nay, M. Jean-Claude Lenoir, M. Arnaud Lepercq, M. René Leroux, M. Jean-Claude Leroy, M. Roger Lestas, M. Félix Leyzour, M. Guy Malandain, M. Jean-Michel Marchand, M. Daniel Marcovitch, M. Didier Marie, M. Alain Marleix, M. Daniel Marsin, M. Philippe Martin, M. Jacques Masdeu-Arus, M. Roger Meï, M. Roland Metzinger, M. Yvon Montané, M. Gabriel Montcharmont, M. Jean-Marie Morisset, M. Bernard Nayral, M. Jean-Marc Nudant, M. Jean-Paul Nunzi, M. Patrick Ollier, M. Joseph Parrenin, M. Paul Patriarche, M. Germinal Peiro, M. Jacques Pélissard, M. Jean-Pierre Pernot, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, M. François Perrot, Mme Annette Peulvast-Bergeal, M. Serge Poignant, M. Bernard Pons, M. Jean Pontier, M. Jean-Luc Reitzer, M. Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, M. Jean Roatta, M. Jean-Claude Robert, M. Joseph Rossignol, M. Joël Sarlot, Mme Odile Saugues, M. François Sauvadet, M. Jean-Claude Thomas, M. Léon Vachet, M. Daniel Vachez, M. François Vannson, M. Michel Vergnier, M. Gérard Voisin, M. Roland Vuillaume.

INTRODUCTION 5

A.- LES PERSPECTIVES DE MODIFICATION DE LA DIRECTIVE POSTALE 7

1. Le dispositif européen impose l'adoption d'une nouvelle directive 7

2. La procédure de codécision 7

3. La proposition initiale de la Commission européenne n'est pas acceptable 8

4. La position équilibrée du Parlement européen 9

5. La proposition modifiée de la Commission ne prend pas véritablement en compte les critiques du Parlement européen 10

B.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE 11

EXAMEN EN COMMISSION 13

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE

PAR LA COMMISSION 19

MESDAMES, MESSIEURS,

L'examen de la proposition de résolution adoptée par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne le 11 octobre 2001 conduit à débattre une nouvelle fois de l'ouverture à la concurrence du marché postal.

Le secteur postal est à un moment crucial de son évolution. Comme vous le savez, il est actuellement régi par la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service. En application de son article 27, cette directive deviendra caduque au 1er janvier 2005 sauf si une nouvelle directive postale entre en vigueur au plus tard le 1er janvier 2003.

En cas de caducité, la Commission européenne pourrait imposer de nouvelles règles unilatéralement par une directive adoptée sur le fondement de l'article 86 (ex-90) du traité instituant la Communauté européenne qui ne poursuivrait qu'un objectif de réalisation d'une concurrence sur le marché, donc de libéralisation des services postaux, sans prendre en compte des préoccupations de service universel ou même de service d'intérêt général pourtant visé à l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne.

Il est donc essentiel que soit élaborée au plus vite une nouvelle directive si l'on veut éviter une libéralisation complète des services postaux. Or, la Commission dispose de pouvoirs importants dans la procédure conduisant à la promulgation de cette nouvelle directive. Elle détient en effet un pouvoir de proposition en vertu duquel elle a adopté, le 30 mai 2000, une proposition de modification de la directive de 1997.

Cette proposition initiale de la Commission relevait du libéralisme le plus dogmatique. La délégation pour l'Union européenne s'en étant saisie, l'Assemblée nationale a adopté une résolution, considérée comme définitive dès le 10 décembre 2000 (T.A n°588), la condamnant fermement. Saisi pour avis le 14 décembre 2000 de la proposition de la Commission, le Parlement européen l'a approuvée sous réserve de 47 amendements qui en infléchissent considérablement l'orientation dans le souci de préserver le service universel.

La Commission a modifié sa proposition initiale, en n'acceptant en tout ou partie que 11 des amendements du Parlement. C'est de cette proposition modifiée, parue le 26 juin 2001 au Journal officiel des Communautés européennes que s'est saisie la délégation pour l'Union européenne.

L'équilibre général de cette proposition modifiée n'est pas sensiblement différent de celui de la proposition initiale. On peut d'ailleurs noter que seuls deux des amendements incorporés concernent le dispositif de la proposition, les neuf autres portant sur les considérants de celle-ci.

Elle n'est donc pas davantage acceptable. Aucune avancée n'est réalisée sur la question fondamentale du périmètre des services réservés (limite poids/prix, notion de services spécifiques, cas du courrier transfrontalier sortant).

La proposition de résolution adoptée par la délégation pour l'Union européenne rappelle ce désaccord. Elle intervient à un moment essentiel car la proposition de la Commission sera examinée dans les tous prochains jours par le Conseil.

L'hypothèse la plus probable est que celui-ci adopte une position commune qui deviendra la nouvelle base de la discussion. Il importe donc que cette position commune préserve les conditions de financement du service universel postal.

Votre rapporteur vous propose donc de réaffirmer fermement l'attachement de l'Assemblée nationale à la pérennité d'un service universel de qualité, position qu'il appartiendra au Gouvernement de défendre auprès de nos partenaires à Bruxelles.

A.- LES PERSPECTIVES DE MODIFICATION DE LA DIRECTIVE POSTALE

1. Le dispositif européen impose l'adoption d'une nouvelle directive

En application de son article 27, la directive 97/67/CE du 15 décembre 1997 deviendra caduque au 1er janvier 2005 sauf si une nouvelle directive postale entre en vigueur au plus tard le 1er janvier 2003. En cas de caducité, la Commission européenne pourrait imposer de nouvelles règles unilatéralement par une directive de la Commission adoptée sur le fondement de l'article 86 (ex-90) du traité instituant la Communauté européenne qui permet à la Commission de prendre les mesures nécessaires pour que les entreprises publiques ou détenant un monopole ou des droits exclusifs ne portent pas atteinte au bon fonctionnement de la concurrence sur le marché intérieur. Cette directive prise sur le fondement de l'article 86 ne poursuivrait qu'un objectif de réalisation d'une concurrence sur le marché, donc de libéralisation des services postaux, sans prendre en compte des préoccupations de service universel ou même de service d'intérêt général pourtant visé à l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne.

Ce risque de caducité de la directive rend donc absolument nécessaire un accord sur sa modification. Il faut en outre souligner les effets pervers de ce mécanisme qui permet à la Commission de pouvoir réglementer de son propre chef en cas d'échec de négociations sur lesquelles elle peut par ailleurs peser comme le démontre l'analyse de la procédure de codécision.

2. La procédure de codécision

La modification de la directive du 15 décembre 1997 relève de la procédure de codécision régie l'article 251 (ex-article 189 B) du traité instituant la Communauté européenne.

Celui-ci dispose que le Conseil se prononce, à la majorité qualifiée, sur les propositions de la Commission après avis du Parlement européen. Il peut :

- arrêter l'acte proposé s'il approuve tous les amendements du Parlement européen ou

- arrêter une position commune, qui est une contre-proposition.

Cette position commune est transmise au Parlement européen. Trois cas de figure sont alors possibles :

- si le Parlement européen approuve la position commune ou ne se prononce pas dans un délai de trois mois, l'acte est arrêté conformément à cette position commune,

- si le Parlement européen rejette à la majorité absolue des membres qui le composent la position commune, l'acte est réputé non-adopté,

- enfin, le Parlement européen peut amender à la majorité absolue des membres qui le composent la position commune.

La Commission émet alors un avis sur ces amendements.

L'acte peut alors être arrêté par le Conseil si celui-ci approuve tous les amendements du Parlement européen. Ces amendements sont approuvés en principe à la majorité qualifiée. Toutefois, ceux qui ont fait l'objet d'un avis négatif de la Commission doivent être approuvés à l'unanimité. En pratique, cela signifie que la Commission appuyée par un seul Etat membre peut empêcher un accord à ce stade.

Si le Conseil n'approuve pas tous les amendements du Parlement européen, un comité de conciliation est réuni pour élaborer un compromis dit projet commun.

Si le comité de conciliation parvient à élaborer un projet commun, celui-ci doit ensuite être arrêté par le Conseil (à la majorité qualifiée) et par le Parlement européen (à la majorité absolue des suffrages exprimés).

3. La proposition initiale de la Commission européenne n'est pas acceptable

Conformément à l'article 23 de la directive du 15 décembre 1997, la Commission européenne a présenté un rapport sur l'application de la directive postale et l'a assorti d'une proposition de modification de la directive qu'elle a adoptée le 30 mai 2000.

Cette proposition visait résolument à ouvrir au maximum le marché postal européen. Le point 3 de l'article 7 de la directive du 15 décembre 1997 annonçait d'ailleurs, par avance, cette orientation ultra-libérale : « A titre de mesure complémentaire en vue de l'achèvement du marché intérieur des services postaux, le Parlement européen et le Conseil décident, au plus tard le 1er janvier 2000 et sans préjudice de la compétence de la Commission, de la poursuite de la libéralisation progressive et contrôlée du marché des services postaux, notamment en vue de la libéralisation du courrier transfrontière et du publipostage, ainsi que d'un nouveau réexamen des limites de prix et de poids, avec effet à compter du 1er janvier 2003, en tenant compte de l'évolution notamment économique, sociale et technologique qui aura lieu d'ici là et en tenant également compte de l'équilibre financier du ou des prestataires du service universel, en vue de continuer à poursuivre les objectifs de la présente directive. »

La proposition initiale de la Commission européenne vise à modifier 6 articles parmi les plus importants de la directive 97/67/CE du 15 décembre 1997 :

- article 2 sur les définitions terminologiques,

- article 7 sur les services réservés,

- article 9 sur les conditions d'accès au marché non réservé,

- article 12 sur les principes de tarification du service universel,

- article 19 sur le règlement des litiges,

- article 27 sur la durée d'application de la directive.

Le dispositif proposé consiste à poursuivre l'ouverture à la concurrence en deux étapes :

- au 1er janvier 2003, les services réservés seraient ramenés aux correspondances intérieures ordinaires, aux correspondances transfrontières entrant et au publipostage pesant jusqu'à 50 grammes et dont le prix est inférieur à 2,5 fois le tarif de base. La correspondance transfrontière sortant et le courrier exprès ou répondant à un service spécial (défini de manière très imprécise) ne pourraient plus être réservés, y compris s'ils pèsent moins de 50 grammes et coûtent moins de 2,5 fois le tarif de base ;

- au 1er janvier 2007, de nouvelles mesures de libéralisation pourraient entrer en vigueur, la nouvelle directive devenant caduque à cette date sauf si le Parlement européen et le Conseil décident, au plus tard le 31 décembre 2005, de la poursuite ou non de l'ouverture à la concurrence sur proposition de la Commission présentée avant le 31 décembre 2004.

Comme votre rapporteur l'avait expliqué plus longuement lors de la proposition de résolution portant sur cette proposition initiale de la Commission1, celle-ci ne peut être adoptée en l'état pour les raisons suivantes:

- les nouveaux seuils de poids et de prix sont beaucoup trop bas,

- il est impératif de maintenir le courrier transfrontalier sortant dans le périmètre des services réservés,

- l'introduction de la notion nouvelle de services spéciaux met en péril les services réservés,

- une évaluation complète de l'état du secteur est indispensable,

- l'inscription d'une date d'échéance d'une libéralisation totale n'est pas acceptable.

4. La position équilibrée du Parlement européen

Le Parlement européen s'est prononcé le 14 décembre 2000 et a adopté 47 amendements à la proposition de la commission.

Ceux-ci visent notamment à :

- fixer les nouvelles limites de poids et de prix des services réservés à 150 grammes et 4 fois le tarif de base,

- maintenir la possibilité d'inclure le courrier transfrontalier sortant et le courrier exprès parmi les services réservés sous réserve des limites de poids et de prix,

- substituer à la nouvelle étape de libéralisation prévue l'examen de l'opportunité et, le cas échéant, de l'ampleur de la poursuite de la libéralisation sur la base d'un rapport de la commission présenté avant le 31 décembre 2003,

- supprimer la notion de services spécifiques.

- renforcer le principe d'adaptation du service universel aux évolutions technologiques en affirmant le caractère dynamique de ce concept,

- mieux prendre en compte les différences géographiques et le coût variable du service universel selon les configurations géographiques propres à chaque Etat membre,

- rappeler qu'il convient de préférer au mécanisme du fonds de compensation le financement du coût de la prestation du service universel par les recettes générées par le secteur réservé.

Votre rapporteur approuve vivement ces amendements.

5. La proposition modifiée de la Commission ne prend pas véritablement en compte les critiques du Parlement européen

La proposition a été modifiée pour incorporer quelques amendements proposés par le Parlement européen. Des 47 amendements adoptés par le Parlement européen en première lecture, la Commission n'en a accepté que 10 entièrement et 1 en partie.

Certains des amendements incorporés sont d'un grand intérêt. C'est notamment le cas de l'amendement n° 58 qui met l'accent sur le rôle du réseau postal dans les zones rurales, montagneuses et insulaires, de l'amendement n° 7 qui affirme que le maintien de la prestation durable d'un service universel de qualité est l'objectif principal et qu'il ne peut être garanti que par la possibilité de réserver certains services ou des différents amendements mettant l'accent sur le rôle des Etats membres.

Aucun des amendements incorporés ne modifie toutefois fondamentalement l'équilibre de la proposition de modification de la directive. On peut d'ailleurs noter que seuls deux des amendements incorporés concernent le dispositif de la proposition, les neuf autres portant sur les considérants de celle-ci. Les dispositions relatives à l'évolution du périmètre des services réservés, y compris celles prévoyant l'institution de services spécifiques, restent inchangées tout comme le calendrier de libéralisation ultérieure. Cette proposition modifiée n'est donc pas davantage acceptable que ne l'était la proposition initiale.

Synthèse des propositions en ce qui concerne le périmètre des services réservés

Directive

97/67/CE

Proposition initiale de la Commission

Position du Parlement européen

Proposition modifiée de la Commission

(inchangée)

Limite de poids

350 grammes

50 grammes

150 grammes

50 grammes

Limite de prix (par rapport au tarif de base)

5 fois

2,5 fois

4 fois

2,5 fois

Courrier transfrontalier sortant

réservable

libéralisé

réservable

libéralisé

Services spéciaux

inexistants

définis largement

inexistants

définis largement

B.- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

Lors de sa réunion du 11 octobre 2001, la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne a adopté une proposition de résolution portant sur la proposition modifiée de la commission européenne.

La proposition de résolution rappelle tout d'abord les étapes ayant conduit à l'adoption de la proposition modifiée de directive par la Commission ainsi que le contexte actuel du secteur.

Elle souligne notamment le rôle joué par le service universel dans la cohésion économique, sociale et territoriale de la Communauté ainsi que les avancées jurisprudentielles réalisées par la Cour de justice des Communautés européennes qui admettent la légitimité d'interventions publiques visant à garantir l'équilibre économique du service d'intérêt économique général.

La proposition de résolution affirme également la nécessité de promouvoir un service universel postal de qualité et de garantir une évolution dynamique de son périmètre. Elle réitère l'attachement de l'Assemblée nationale au principe de la péréquation tarifaire en rejetant la création d'un fonds de compensation.

Elle demande ensuite qu'une définition précise de la notion de services spécifiques soit donnée et que celle-ci permette notamment le respect du secteur réservé, en particulier grâce à l'ajout d'une clause anti-contournement.

La proposition de résolution affirme l'importance du contrôle de la qualité des prestations.

Elle s'oppose ensuite à une libéralisation totale et automatique du secteur et exige une nouvelle proposition de modification avant le passage à l'étape de 2009.

Après avoir mis l'accent sur le bilan de l'expérience suédoise de libéralisation du secteur postal, elle se déclare favorable à une évolution graduelle et maîtrisée de ce secteur en trois étapes (2003-2006-2009).

Puis, elle exprime son soutien à l'adoption des seuils de poids et de prix recommandés par le Parlement européen avant de réaffirmer son souhait que soit mise en place une directive cadre relative aux services d'intérêt général.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 11 octobre 2001, la commission de la production et des échanges a examiné, sous la présidence de M. André Lajoinie, président, la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne (n° 3318) sur la proposition de directive du Parlement et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (COM (2000) 319/E 1520).

M. François Brottes, rapporteur, a tout d'abord rappelé l'obstination de la Commission européenne à faire adopter, contre l'avis du Parlement européen, une modification de la directive très libérale. Il a précisé que cette proposition tendait notamment à faire passer le seuil de poids des services réservés de 350 à 50 grammes et le seuil de prix de cinq fois le tarif postal de base à 2,5 fois celui-ci.

Il a souligné que le Parlement européen avait en revanche une position intéressante et que celui-ci déplorait d'ailleurs que la commission n'ait pas procédé à une étude d'impact préalable sérieuse, pays par pays. Le rapporteur a en effet rappelé que les situations des secteurs postaux de chaque Etat membre étaient très différentes puisqu'il est évident, par exemple, que la fourniture du service universel postal est beaucoup plus coûteuse dans les Etats membres qui comprennent d'importantes zones montagneuses ou insulaires. Il a remarqué que de telles situations rendaient nécessaires un périmètre des services réservés suffisant pour pouvoir financer le service universel.

Il a ensuite indiqué que le projet compromis préparé par la présidence belge du Conseil ne lui paraissait pas non plus acceptable. Il a précisé que deux éléments devaient toutefois être pris en compte :

- la nécessité de modifier la directive avant le 1er juin 2003 puisque la Commission pourrait imposer unilatéralement de nouvelles règles dans un souci exclusif de fonctionnement de la concurrence si la directive devient caduque à cette date ;

- la capacité de la Commission à peser dans la procédure dite de codécision dans la phase où le Conseil est saisi des amendements à sa position commune adoptés par le Parlement européen puisque l'unanimité, en pratique très difficile à réunir, est alors nécessaire pour accepter des amendements sur lesquels la Commission a émis un avis négatif.

Le rapporteur a donc jugé que seule la Commission pouvait avoir intérêt à chercher à gagner du temps, qu'elle disposait des pouvoirs nécessaires pour le faire et s'est demandé, au vu de son comportement, si telle n'était pas l'explication de son attitude.

Il a ensuite précisé qu'il était probable que la procédure aboutisse à la réunion d'un comité de conciliation chargé d'aboutir à un accord entre le Conseil et le Parlement européen. Il a jugé que cet accord se ferait donc probablement sur une position comprise entre celle adoptée par le Parlement européen en décembre 2000 et celle que définira le Conseil, la semaine prochaine. Cette réunion du Conseil, a-t-il précisé, sera donc d'une grande importance et il est nécessaire qu'elle aboutisse à une position commune préservant le périmètre des services réservés. Le rapporteur a donc jugé que l'Assemblée nationale devait réaffirmer, dans la perspective de cette négociation, sa volonté concernant le service public postal.

Puis, il a déploré que la Commission ait, en modifiant sa proposition, si peu tenu compte des votes très larges du Parlement européen, dont les membres sont pourtant élus au suffrage universel. Il a également relevé que la Commission semblait marquer peu d'intérêt pour les avancées réalisées lors du sommet de Nice en matière de services d'intérêt économique général.

Le rapporteur a ensuite rappelé que la France n'était pas isolée dans cette négociation et a illustré son propos en citant des extraits d'une proposition de résolution relative au service universel dans le cadre de la libéralisation européenne du secteur des services postaux et des télécommunications adoptée par la commission de l'infrastructure, des communications et des entreprises publiques de la Chambre des représentants de Belgique, Etat qui préside le Conseil.

Après avoir déclaré partager très largement l'exposé du rapporteur, M. Jean Besson a rappelé que la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications avait récemment défendu les seuils de 150 grammes et trois fois le tarif de base en 2003, seuls compatibles, selon elle, avec une ouverture progressive du marché postal à la concurrence. Or, a-t-il indiqué, la proposition de résolution a fixé le seuil du tarif à quatre fois le tarif de base ; il a donc estimé qu'il serait délicat d'adopter une position différente de celle de la Commission supérieure. Il a en outre regretté que les amendements présentés par le rapporteur, par ailleurs très satisfaisants, ne fassent aucune allusion au choix d'un processus de libéralisation à étapes. Il a jugé qu'il serait pourtant important d'insister sur la nécessité de pratiquer un audit de l'étape écoulée avant toute étape ultérieure, car la libéralisation n'est pas un objectif en soi mais un moyen et qu'il convenait donc de justifier à la fin de chaque étape l'opportunité d'aller plus loin dans la libéralisation.

M. François Brottes, rapporteur, a rappelé que la Commission européenne avait fixé l'étape ultime à 2009, année de libéralisation totale. Il a jugé que les députés devaient manifester une opposition absolue à cette décision, qui ne relève pas seulement de la provocation, mais traduit la conviction de ses auteurs. Puis, il a estimé que toute référence au respect d'un calendrier en trois étapes cautionnerait nécessairement l'idée d'une libéralisation progressive du secteur. Il a toutefois exprimé son accord à l'éventuelle introduction, dans la proposition de résolution, de la notion de bilan d'étape. Il a en outre souligné que la position de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications avait été définie avant le vote du Parlement européen. Il a jugé qu'il serait regrettable que l'Assemblée nationale adopte une position en retrait par rapport à ce dernier, d'où le choix d'un seuil fixé à quatre fois le tarif de base.

M. André Lajoinie, président, a fortement déploré que la Commission européenne refuse de procéder à un audit avant de passer à une nouvelle phase de libéralisation, cette attitude de la Commission ne se limitant pas aux services postaux mais concernant la plupart des services d'intérêt général. Il a souligné qu'il s'agissait en quelque sorte d'une position de principe, la libéralisation devant être poursuivie coûte que coûte.

En réponse, M. François Brottes a reconnu la nécessité de procéder à des études d'impact par pays similaires à celles qui sont menées lorsque des fusions d'entreprises qui risquent de menacer le libre jeu de la concurrence sont envisagées. Il a insisté sur le fait que la Commission européenne disposait de tous les moyens nécessaires pour réaliser de tels audits, comme le démontrent les capacités qu'elle met en _uvre pour étudier les fusions d'entreprises.

La commission a ensuite procédé à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

· Article unique

La commission a tout d'abord adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser que c'est la libéralisation qui rend nécessaire la préservation du service universel et non l'inverse, comme l'énonce la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne.

Puis, le rapporteur a présenté un amendement mettant l'accent sur les acquis du Conseil européen de Lisbonne du point de vue des services d'intérêt économique général. La commission a adopté cet amendement.

Elle a également adopté un amendement du rapporteur soulignant les effets pervers constatés dans certains Etats membres ayant procédé à des libéralisations très larges de leurs secteurs postaux, après que le rapporteur eut précisé qu'il proposerait la suppression de la mention de la Suède qui figure dans le texte adopté par la délégation pour l'Union européenne.

Puis, la commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que la libéralisation ne peut être un objectif en soi et supprimant la mention du rôle des services d'intérêt économique général dans le modèle social européen.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur disposant que, comme celui du service universel, le périmètre des services réservés doit évoluer en fonction des progrès technologiques.

Puis, la commission a examiné un amendement du même auteur relatif au périmètre des services réservés.

Le rapporteur a rappelé que la rédaction adoptée par la Délégation pour l'Union européenne insistait sur la nécessité de définir précisément les services spécifiques qui ne peuvent être réservés et demandait que la libéralisation du courrier transfrontalier sortant fasse l'objet de dérogations. Il a jugé que la notion de services spécifiques était dangereuse et susceptible de permettre de contourner les règles régissant les services réservés dont le périmètre sera également réduit pour la libéralisation du courrier transfrontalier sortant. Le rapporteur a donc estimé qu'il était préférable de s'opposer fermement, tant à l'introduction de services spécifiques, qu'à la libéralisation du courrier transfrontalier sortant.

M. Jean Besson a souligné qu'en l'absence de régulateur, la notion de services spécifiques était effectivement dangereuse puisqu'elle pouvait permettre de contourner les règles relatives aux services réservés, au fur et à mesure de la création de nouveaux produits postaux. Il a toutefois estimé que l'apparition de ces nouveaux produits était inéluctable et qu'il pouvait donc être pertinent d'encadrer leur développement en fixant des règles précises.

Après que le rapporteur eut réaffirmé que la meilleure solution lui paraissait une opposition ferme au principe même des services spécifiques, la commission a adopté l'amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement du rapporteur visant à supprimer une référence à l'étape de libéralisation de 2009. Le rapporteur a jugé nécessaire de dénoncer très clairement la perspective inacceptable d'une libéralisation totale des services postaux. Il a ensuite indiqué modifier son amendement pour souligner, conformément au souhait exprimé par le président et par M. Jean Besson, la nécessité que toute évolution normative soit précédée d'un bilan préalable, pays par pays, des règles en vigueur.

La commission a adopté l'amendement du rapporteur ainsi rectifié.

Elle a également adopté un amendement du même auteur supprimant, d'une part, l'alinéa, un peu provocateur, faisant référence, de façon explicite, à l'expérience suédoise, et d'autre part, l'alinéa, faisant référence à une évolution par étapes, le rapporteur ayant jugé qu'en accepter le principe cautionnait la logique, condamnable, de libéralisation progressive et inéluctable.

Puis, la commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que l'Assemblée nationale soutient la position exprimée par le Parlement européen.

Un débat s'est ensuite engagé sur le dernier alinéa de la proposition de résolution qui exprime le souhait que soit édictée une directive cadre relative aux services d'intérêt général. Le rapporteur a estimé que cette question, qui ne concerne qu'indirectement le secteur postal, risquait d'affaiblir la portée de la résolution, par ailleurs très concrète. Il a en outre souligné le risque qu'un débat de principe sur les services d'intérêt économique général donne l'occasion à la commission de procéder à de nouvelles man_uvres dilatoires.

Après que M. Jean Besson eut rappelé qu'il était toujours dangereux, en matière communautaire, de s'écarter de la spécificité de chaque secteur, les règles générales s'inscrivant, en général, dans une approche très libérale, la commission a adopté un amendement proposé par le rapporteur de suppression de cet alinéa.

Puis, la commission a adopté la proposition de résolution (n° 3318) ainsi modifiée.

·

· ·

En conséquence, la commission de la production et des échanges vous demande d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté

(COM [2000] 319 final / E 1520)

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté, du 30 mai 2000 (COM[2000] 319 final / E 1520),

- Vu la proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté, du 21 mars 2001 (COM [2001] 109 final),

- Vu la résolution du Conseil du 7 février 1994 sur le développement des services postaux communautaires (JO C 48 du 16 février 1994),

- Vu la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service,

- Vu les résolutions du Parlement européen du 14 janvier 1999 et du 18 février 2000 sur les services postaux européens,

- Vu la résolution de l'Assemblée nationale adoptée le 10 décembre 2000 sur la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (TA n° 588),

- Vu la résolution de l'Assemblée nationale adoptée le 20 décembre 2000 sur la communication de la Commission sur les services d'intérêt général en Europe (TA n° 599), COM [2000] 580 final / E 1560,

- Vu la proposition de résolution de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne n° 3142 du 14 juin 2001 sur les services d'intérêt général en Europe (COM [2000] 392 final / E 1551),

Considérant que la Commission propose, dans le document COM(2000) 319 final du 30 mai 2000, d'ouvrir le secteur postal européen à la concurrence ;

Considérant que la libéralisation des services postaux rend nécessaire la préservation du service universel postal, garant de la cohésion économique, sociale et territoriale de l'Union européenne ;

Considérant le développement de la jurisprudence relative aux services postaux, et notamment l'arrêt « Corbeau » de la Cour de Justice des Communautés européennes en date du 19 mai 1993, qui rappelle l'importance de l'équilibre économique du service d'intérêt économique général assumé par le titulaire du droit exclusif ;

Considérant que le Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000 a estimé essentiel de tenir pleinement compte des dispositions du traité relatives aux services d'intérêt économique général, au nombre desquels figurent les services postaux, et aux entreprises chargées du fonctionnement de ces services ;

Considérant les effets pervers de la libéralisation des services postaux constatés dans certains Etats membres où celle-ci n'a pas conduit à développer significativement les activités postales et l'emploi, baisser substantiellement les prix et améliorer la qualité et la proximité du service ;

Considérant les évolutions technologiques et économiques qui affectent les acteurs de ce secteur ;

Considérant qu'un accord entre les différents Etats membres est indispensable pour lever les incertitudes qui pèsent actuellement sur l'avenir du service postal universel ;

1. Rappelle que la libéralisation ne peut être un objectif en soi ;

2. Estime que la proposition de la Commission bouleverse l'équilibre initial de la directive 97/67/CE et fragilise les garanties apportées au service universel ;

3. Affirme sa volonté de promouvoir un service postal universel doté des moyens d'assurer un service de qualité en matière de collecte, de tri et de distribution du courrier, en tout point du territoire et à un prix abordable ;

4. Réitère son attachement au principe de péréquation tarifaire et rejette la création d'un fonds de compensation ;

5. Considère que les progrès technologiques peuvent justifier une évolution du périmètre du service universel, dont le contenu devra être périodiquement révisé pour tenir compte du caractère évolutif de sa définition, comme de celui des services réservés afin de garantir la qualité du service universel ;

6. S'oppose à l'exclusion systématique des envois transfrontaliers sortant du périmètre des services réservés ;

7. Dénonce la notion proposée par la Commission de services spécifiques comme remettant indûment en cause le périmètre des services réservés ;

8. S'oppose à une libéralisation totale et automatique du secteur postal, quelle que soit sa date, et exige que toute évolution ultérieure du cadre réglementaire soit justifiée par une étude précise, pays par pays, des conséquences économiques et sociales des règles en vigueur ;

9. Désapprouve les seuils de prix et de poids préconisés par la Commission et défend les amendements adoptés par le Parlement européen qui tendent notamment à :

- supprimer toute référence aux services spécifiques ;

- délimiter le périmètre des services réservés par des seuils de 150 grammes et quatre fois le tarif postal de base, comprenant le courrier exprès, les courriers transfrontaliers entrant et sortant et le publipostage ;

- supprimer tout calendrier pour une libéralisation future et imposer la présentation d'une évaluation exhaustive et contradictoire du secteur postal par la Commission d'ici au 31 décembre 2003 ;

- repousser au 31 décembre 2008 la date d'échéance de la directive 97/67/CE.

1 Cf rapport n°2765 de M. François Brottes, pages 19 à 22.