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le 28 janvier 2002

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N° 3554

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 janvier 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 3518) DE M. DANIEL PAUL, sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : Améliorer la qualité des services dans les ports maritimes : un élément déterminant du système de transport en Europe, et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès au marché des services portuaires (COM [2001] 35 final/E 1702)

PAR M. DOMIQUE DUPILET,

Député.

--

1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Transports par eau.

La Commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; M. Jean-Paul Charié, M. Jean-Pierre Defontaine, M. Pierre Ducout, M. Jean Proriol, vice-présidents ; M. Christian Jacob, M. Pierre Micaux, M. Daniel Paul, M. Patrick Rimbert, secrétaires ; M. Jean-Pierre Abelin, M. Yvon Abiven, M. Jean-Claude Abrioux, M. Stéphane Alaize, M. Damien Alary, M. François Asensi, M. Jean-Marie Aubron, M. Pierre Aubry, M. Jean Auclair, M. Jean-Pierre Balduyck, M. Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, M. Christian Bataille, M. Jean Besson, M. Gilbert Biessy, M. Claude Billard, M. Claude Birraux, M. Jean-Marie Bockel, M. Jean-Claude Bois, M. Daniel Boisserie, M. Maxime Bono, M. Franck Borotra, M. Christian Bourquin, M. Patrick Braouezec, M. François Brottes, M. Vincent Burroni, M. Alain Cacheux, M. Dominique Caillaud, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean Charroppin, M. Philippe Chaulet, M. Jean-Claude Chazal, M. Daniel Chevallier, M. Gilles Cocquempot, M. Pierre Cohen, M. Alain Cousin, M. Yves Coussain, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Claude Daniel, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, M. Léonce Deprez, M. Jacques Desallangre, M. François Dosé, M. Marc Dumoulin, M. Dominique Dupilet, M. Philippe Duron, M. Alain Fabre-Pujol, M. Albert Facon, M. Alain Ferry, M. Jean-Jacques Filleul, M. Jacques Fleury, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Louis Fousseret, M. Roland Francisci, M. Claude Gaillard, M. Robert Galley, M. Claude Gatignol, M. André Godin, M. Alain Gouriou, M. Hubert Grimault, M. Lucien Guichon, M. Gérard Hamel, M. Patrick Herr, M. Francis Hillmeyer, M. Claude Hoarau, M. Robert Honde, M. Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, M. Aimé Kergueris, M. Jean Launay, Mme Jacqueline Lazard, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Patrick Lemasle, M. Jean-Claude Lemoine, M. Jacques Le Nay, M. Jean-Claude Lenoir, M. Arnaud Lepercq, M. René Leroux, M. Jean-Claude Leroy, M. Roger Lestas, M. Félix Leyzour, M. Guy Malandain, M. Jean-Michel Marchand, M. Daniel Marcovitch, M. Didier Marie, M. Alain Marleix, M. Daniel Marsin, M. Philippe Martin, M. Jacques Masdeu-Arus, M. Roger Meï, M. Roland Metzinger, M. Yvon Montané, M. Gabriel Montcharmont, M. Jean-Marie Morisset, M. Bernard Nayral, M. Jean-Marc Nudant, M. Jean-Paul Nunzi, M. Patrick Ollier, M. Joseph Parrenin, M. Paul Patriarche, M. Germinal Peiro, M. Jacques Pélissard, M. Jean-Pierre Pernot, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, M. François Perrot, Mme Annette Peulvast-Bergeal, M. Serge Poignant, M. Bernard Pons, M. Jean Pontier, Mme Marcelle Ramonet, M. Jean-Luc Reitzer, M. Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, M. Jean-Claude Robert, M. Joseph Rossignol, M. Joël Sarlot, Mme Odile Saugues, M. François Sauvadet, M. Jean-Claude Thomas, M. Léon Vachet, M. Daniel Vachez, M. François Vannson, M. Michel Vergnier, M. Gérard Voisin, M. Roland Vuillaume.

INTRODUCTION 5

I.- LE PROJET DE DIRECTIVE CONSACRE L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE DES PORTS EUROPÉENS 7

1. Une vision réductrice de la politique portuaire 7

2. La déréglementation des services portuaires 9

a) L'existence de situations de monopole justifierait une directive libéralisant les services portuaires 9

b) Définition des services portuaires concernés par le projet de directive 10

c) Respect du principe de subsidiarité 11

d) Une liberté d'établissement qui peut être encadrée pour des motifs d'intérêt général 11

e) L'autorité portuaire ne peut être juge et partie pour l'attribution des concessions 12

f) La reconnaissance du droit à l'auto-assistance 13

g) Délais d'application 13

II.- UN PROJET DE DIRECTIVE LARGEMENT INJUSTIFIÉ ET QUI N'ABORDE PAS LA QUESTION DES AIDES PUBLIQUES 13

1. La nécessité de cette directive n'a pas été démontrée 13

2. La directive ne traite pas des financements publics dans les installations portuaires, facteurs importants de distorsion de concurrence 15

3. Les exigences de sécurité sont largement sous estimées 18

a) Des activités essentielles à la sécurité sont ouvertes à la concurrence 18

b) Les risques de l'auto-assistance dans le domaine portuaire 19

4. Ce projet de directive passe sous silence le problème de la qualification des personnels 20

5. La remise en cause des fonctions régaliennes des autorités portuaires 22

a) La sécurité portuaire 22

b) L'aménagement du territoire 23

6. Analyse de la résolution 23

CONCLUSION 25

EXAMEN EN COMMISSION 29

PROPOSITION DE RÉSOLUTION 33

MESDAMES, MESSIEURS,

Fidèle à sa logique libérale, la Commission européenne juge indispensable d'ouvrir les ports à la concurrence et de déréglementer les services portuaires.

Dans le prolongement de ses propositions sur le paquet ferroviaire, elle a publié un projet de directive qui constitue la première phase d'une politique portuaire européenne qui s'articulerait autour de trois thèmes :

- l'intégration des ports dans les réseaux transeuropéens de transport ;

- la volonté d'établir des règles claires d'accès au marché des services portuaires afin d'augmenter l'efficacité des ports ;

- l'instauration de la transparence tant dans l'octroi des concessions aux entreprises sur le domaine portuaire que dans le financement et l'attribution des aides d'Etat.

L'objectif de ce texte est d'établir un cadre juridique communautaire assurant, d'une part, le libre accès au marché des services portuaires et permettant, d'autre part, aux Etats membres de compléter ce cadre par des règles spécifiques tenant compte des caractéristiques des ports et des spécificités locales, régionales ou nationales.

Le champ d'application de la proposition de directive concerne les services marchands fournis à l'intérieur de la zone portuaire. Les services portuaires couverts comprennent la manutention du fret, le remorquage, le lamanage, le pilotage et les services passagers. Le seuil d'activité du port au-dessus duquel la proposition de directive s'applique est de 3 millions de tonnes de marchandises ou 500 000 passagers, en moyenne annuelle sur les trois dernières années.

Ce projet de directive prévoit notamment comment les autorités portuaires doivent traiter les entreprises prestataires de services et les usagers des ports afin de ne limiter l'accès aux ports que pour des motifs liés à la contrainte de l'espace portuaire ou à la sécurité.

La procédure de sélection des fournisseurs de services doit être transparente et fondée sur des principes non discriminatoires. Certains services pourront être assurés par les utilisateurs du port eux-mêmes, les critères fixés pour l'auto-assistance ne devant pas être plus stricts que ceux fixés pour les prestataires de services.

Les autorités portuaires ne pourront plus être à la fois juge et partie lorsqu'elles concourent elles-mêmes pour des appels d'offres de fourniture de services, une autorité indépendante étant alors chargée de procéder à la sélection des candidats.

Cette proposition de directive comporte de multiples dangers car elle sous-estime profondément les problèmes de sécurité et d'environnement. Les missions régaliennes des autorités portuaires pour garantir l'ordre public et la sûreté deviennent secondaires ; les risques de dumping social lié à la déréglementation totale en matière d'embauche de personnel sont passés sous silence, les armateurs ayant toute latitude en la matière.

Le Parlement européen a tenté de limiter cette déréglementation en restraignant le champ d'application de cette directive pour en exclure les activités de service public. Il a également souligné la nécessité de définir les aides étatiques aux ports compatibles avec la législation communautaire.

Outre ces graves imperfections, ce texte paraît totalement inadapté car il se limite à ouvrir les services portuaires à la concurrence sans jamais définir ce que devrait être la politique portuaire communautaire ni fixer de règles de transparence pour le financement des infrastructures.

Préparé dans la précipitation, sans étude d'impact sérieuse, ce texte doit être totalement remanié pour parvenir à ses objectifs qui, eux, sont pertinents : un fonctionnement efficace des ports européens respectant le libre accès aux services portuaires et permettant un financement transparent des infrastructures portuaires.

I.- LE PROJET DE DIRECTIVE CONSACRE L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE DES PORTS EUROPÉENS

1. Une vision réductrice de la politique portuaire

Le droit communautaire dérivé concernant les ports a été longtemps quasiment inexistant, la Cour de justice européenne ayant cependant développé une jurisprudence fondée sur la liberté d'accès au marché.

Le premier principe dégagé a consisté à affirmer que le détenteur d'une infrastructure commettait un abus de position dominante s'il refusait l'accès à cette infrastructure lorsque celui-ci conditionnait l'accès au marché communautaire. Ce principe fut appelé la théorie des infrastructures essentielles.

Ce principe a été étendu, en se fondant sur l'article 86 du Traité de Rome, au cas où le détenteur d'infrastructure, en l'occurrence l'autorité portuaire, appliquait des tarifs discriminatoires à l'encontre de certains partenaires commerciaux utilisateurs des infrastructures portuaires.

Mais, progressivement, la Commission s'est rendue compte qu'assurer un accès non discriminatoire aux ports était insuffisant pour promouvoir une politique équilibrée des transports au sein de l'Union.

Le Livre vert sur les ports et les infrastructures maritimes de 1997 marque une étape décisive dans la définition d'une politique portuaire.

Le Livre vert soulignait que les articles 129 B et 129 C du traité pour l'Union européenne abordaient le développement du réseau transeuropéen de transport et, qu'à ce titre, l'Union était tenue de favoriser l'interconnexion des réseaux en améliorant la coordination du réseau de transport terrestre avec le transport maritime.

Les ports sont donc apparus comme des points d'interconnexion majeurs pour favoriser le transport multimodal et contribuer au développement du cabotage qui permettra de désengorger les transports terrestres.

L'adoption du Livre vert par les instances communautaires a donc conduit à adopter un programme comportant les objectifs suivants :

- intégration des ports dans le réseau transeuropéen de transport ;

- connexion du réseau transeuropéen avec les pays limitrophes, dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne ;

- renforcement des ports comme points de transfert intermodal ;

- développement du transport maritime à courte distance en Europe ;

- meilleure prise en compte de la sécurité maritime et de l'environnement ;

- fixation d'un cadre pour les redevances portuaires qui sera inscrit dans une proposition de directive du Conseil ;

- soutien financier de l'Union européenne pour le développement des infrastructures ;

- respect des règles du traité CE pour les services portuaires ;

- cadre réglementaire pour libéraliser les services portuaires.

Le 13 janvier 1999, le Parlement a adopté à une large majorité une résolution concernant le Livre vert de la Commission demandant notamment :

- la présentation d'une étude sur les structures des ports maritimes, déterminant pour chacun d'entre eux, en ce qui concerne leurs coûts de fonctionnement et leur financement, la part représentée par l'administration du port, la part des dépenses d'infrastructures portuaires et la part des entreprises portuaires, en vue de faire la lumière sur les conditions de concurrence entre les ports européens ;

- une mise en _uvre effective des contrôles sur les aides et la concurrence concernant les ports et entreprises portuaires par la Commission, ainsi que la mise en _uvre, par la Commission, d'orientations concernant les aides octroyées aux ports maritimes et le contrôle de la concurrence dans le cadre de ces ports ;

- une évaluation du financement public des infrastructures portuaires et des transports maritimes distinguant les mesures relatives aux infrastructures portuaires publiques et les mesures concernant les infrastructures portuaires relatives aux entreprises ;

- la garantie d'accès au marché pour les nouvelles entreprises portuaires à travers l'exercice des compétences existantes de la Commission et notamment son contrôle des abus des positions dominantes ;

- et, le cas échéant, une proposition de directive relative à l'accès au marché pour les services maritimes, tels que les services de pilotage, de remorquage et d'amarrage pour le cas où la Commission ne pourrait assurer d'une autre manière un accès libre aux ports.

Le 13 février 2001, la Commission a présenté au Conseil et au Parlement une communication intitulée « Améliorer la qualité des services dans les ports maritimes: un élément déterminant du système de transport en Europe », assortie d'une proposition de directive relative à l'accès au marché des services portuaires ainsi que d'un document de travail établi le 14 février 2001 par les services de la Commission sur les formes de financement public et de tarification dans le secteur portuaire de la Communauté.

Dans ces différents documents, la Commission souligne notamment que :

- au vu des informations fournies par les États membres, il n'est pas encore possible, à l'heure actuelle, de réaliser une transparence suffisante en ce qui concerne l'importance et la qualité du financement public des ports maritimes ;

- quelques principes de base ont été formulés concernant la mise en _uvre de la réglementation de la concurrence, mais l'enquête réalisée auprès des Etats membres conduit à considérer qu'il convient de ne pas élaborer des orientations pour le contrôle des aides octroyées aux ports maritimes ;

- il convient de présenter un projet de directive concernant l'accès au marché non seulement pour les services techniques nautiques (pilotage, remorquage et amarrage), mais également pour la manutention de fret (manutention, arrimage, transbordement et autres transports interportuaires, stockage, mise en dépôt et entreposage, en fonction des catégories de fret) ainsi que pour les services passagers (comprenant l'embarquement et le débarquement).

La communication de la Commission ne répond pas aux demandes formulées par le Parlement européen, dans sa résolution de 1999, concernant la politique en matière de ports maritimes, dans la mesure où cette étude n'aborde pas le problème du contrôle des aides publiques et où elle traite de tous les services portuaires et ne se limite pas aux services techniques nautiques.

La proposition de directive par la Commission apparaît donc prématurée, le travail d'analyse de l'existant n'ayant pas été mené à bien. De plus, il ne paraît pas cohérent de proposer une législation commune alors même que les caractéristiques financières et la notion d'aides économiques au secteur portuaire n'ont pas été précisées. Comme dans d'autres domaines, la Commission cherche à imposer sa logique libérale et à passer outre les demandes du Parlement qui, comme dans le domaine ferroviaire, est soucieux de procéder par étape pour éviter une libéralisation forcenée dont toutes les conséquences n'auraient pas été évaluées.

2. La déréglementation des services portuaires

a) L'existence de situations de monopole justifierait une directive libéralisant les services portuaires

Par cette directive, la commission entend libéraliser l'accès aux ports maritimes et supprimer les aspects anti-concurrentiels des services portuaires.

Le marché des services portuaires couvre les services marchands qui sont fournis contre paiement aux utilisateurs d'un port maritime et qui ne sont pas inclus dans les droits versés par les utilisateurs pour être autorisés à faire escale ou à opérer dans un port. Bien que ce secteur de services soit essentiel au fonctionnement des ports de la Communauté et, partant, pour son commerce, il n'existe actuellement aucun cadre réglementaire communautaire spécifique pour les services portuaires.

Les régimes nationaux applicables aux services portuaires doivent cependant respecter les libertés garanties par le traité (liberté d'établissement, libre circulation des travailleurs, des marchandises et des services) ainsi que les règles de concurrence du traité.

Pour justifier son initiative, la Commission rappelle que les ports jouent un rôle capital dans les échanges intra et extracommunautaires. Ils seront appelés à jouer un rôle de plus en plus important dans le cadre des efforts faits pour augmenter la part du transport maritime dans le transport de passagers et de marchandises, étant donné que ce mode de transport est plus respectueux de l'environnement et moins saturé, et pour encourager le transport intermodal et le rendre moins coûteux ; il est donc nécessaire d'assurer leur efficacité.

La libéralisation du marché intérieur des transports maritimes dans la Communauté a été mise en _uvre au cours de la dernière décennie. Cependant, des règles transitoires permettent encore des restrictions dans le marché du cabotage dans les îles grecques. La situation des services portuaires varie considérablement : dans de nombreux ports, l'accès au marché et le traitement équitable des fournisseurs de services potentiels font encore l'objet de restrictions, ce qui a des conséquences sur la qualité et le coût des services. On observe néanmoins que l'évolution du marché des services portuaires vers une plus grande ouverture suit celle du transport maritime, quoique avec un retard considérable.

Il a donc paru opportun à la Commission d'établir un cadre juridique communautaire assurant, d'une part, l'accès au marché des services portuaires en application des règles du traité et permettant, d'autre part, aux Etats membres et à leurs autorités compétentes de compléter ce cadre par des règles spécifiques qui tiendront dûment compte des caractéristiques géographiques et autres des ports ainsi que des spécificités locales, régionales ou nationales.

b) Définition des services portuaires concernés par le projet de directive

Les services portuaires inclus dans la proposition de directive comprennent les seuls services fournis à l'intérieur de la zone portuaire et non par exemple dans les fleuves menant aux ports. Il s'agit des activités suivantes :

- les services nautiques : pilotage, remorquage et lamanage, c'est-à-dire les man_uvres nécessaires pour accoster au quai ;

- la manutention portuaire (transbordement, mise en dépôt et entreposage, groupage du fret) ;

- les services passagers (embarquement et débarquement des passagers).

Cette directive exclut donc les activités de dragage portuaire, ainsi que les activités de remorquage, assistance dès lors que l'enceinte du port a été franchie. Elle ne concerne pas non plus les activités d'avitaillement des navires.

Cette directive ne s'applique qu'à partir d'un certain seuil d'activité qui a été fixé à 3 millions de tonnes de marchandises ou 500 000 passagers transportés par an, en moyenne sur les trois dernières années (en France, 14 ports sur 29 devraient être concernés).

c) Respect du principe de subsidiarité

La nature hétérogène des services portuaires et la diversité des ports (en termes de statut, de propriété, de dimensions, de fonction et de caractéristiques géographiques) imposent de tenir dûment compte de la spécificité de chaque port et de son importance pour les fournisseurs de services portuaires. Cela peut notamment être le cas où il existe des contraintes d'espace et de capacité dans les ports.

Le principe de subsidiarité implique que les États membres et leurs autorités compétentes soient autorisés à tenir compte de considérations liées à des spécificités locales, régionales ou nationales. Ces considérations, même si elles sont fondées dans de nombreux cas, ne doivent cependant pas restreindre indûment les droits que les libertés fondamentales du traité donnent aux fournisseurs de services. Il est donc nécessaire de fixer au niveau communautaire les conditions d'exercice de ces libertés, et de prévoir notamment que la limitation du nombre de fournisseurs de services, lorsqu'elle est jugée nécessaire, doit être objectivement justifiée et que la procédure d'octroi d'autorisation doit être transparente, non discriminatoire, objective, pertinente et proportionnée.

Bon nombre de ports ont en commun une autre caractéristique: le double rôle joué par l'organisme gestionnaire du port, qui est à la fois l'organisme (public mais parfois aussi privé) ayant la responsabilité de la gestion du port et de son développement, pour lesquels des fonds publics sont octroyés dans de nombreux cas, et un fournisseur de services portuaires à côté d'autres prestataires autorisés à offrir ces services. Les conditions dans lesquelles les fournisseurs de services publics et privés peuvent se faire concurrence manquent souvent de clarté. Le projet de directive vise donc à définir des critères objectifs pour assurer la transparence de l'exercice des prérogatives de puissance publique et pour l'octroi des concessions d'exploitation des services portuaires.

Ce texte ne préjuge en rien du régime de propriété des ports ou des infrastructures portuaires, règles qui relèvent de la compétence de chaque Etat membre.

d) Une liberté d'établissement qui peut être encadrée pour des motifs d'intérêt général

La directive permet aux Etats membres d'exiger d'un fournisseur de services portuaires qu'il obtienne une autorisation préalable. Les conditions d'octroi d'une autorisation doivent être transparentes, non discriminatoires, objectives, pertinentes et proportionnées. Elles ne doivent porter que sur les qualifications professionnelles du fournisseur, sa bonne situation financière et une couverture en assurance suffisante, la sécurité maritime ou la sécurité des installations, des équipements et des personnes. Les obligations de service public peuvent se rapporter à la sécurité, à la régularité, à la continuité, à la qualité et au prix du service considéré.

Ces conditions doivent être rendues publiques, tout comme la procédure à suivre pour obtenir l'autorisation. Obligation est faite à l'autorité compétente de fournir une formation adéquate à un fournisseur de services potentiel, lorsqu'un savoir local est indispensable. Le fournisseur de services portuaires a le droit d'employer le personnel de son choix.

Les Etats membres ne peuvent limiter le nombre de fournisseurs de services portuaires qu'en raison de contraintes liées à l'espace ou à la capacité disponibles ou, en ce qui concerne les services techniques nautiques, pour des raisons de sécurité du trafic maritime. Les parties concernées par ces limitations doivent en être informées, tout comme elles doivent connaître les raisons les motivant.

Le nombre le plus élevé possible de fournisseurs de services doit être autorisé, et dans le secteur de la manutention du fret, au moins deux fournisseurs doivent être autorisés. Une décision de limitation du nombre fournisseurs ne doit pas être prise par l'organisme gestionnaire du port si celui-ci est ou souhaite devenir fournisseur de services dans ce port.

La procédure de sélection des fournisseurs de services doit être transparente et objective, fondée sur des critères pertinents et non discriminatoires. Dans le cas où l'organisme gestionnaire d'un port souhaite fournir un service en concurrence avec un autre fournisseur, il ne peut être l'autorité responsable de la procédure de sélection. Celle-ci doit être menée par un organisme indépendant désigné à cette fin. Les parlementaires européens ont d'ailleurs proposé que ce rôle soit tenu par les autorités étatiques chargées du contrôle de la concurrence (DGCCRF pour la France).

Les autorisations octroyées à la suite d'une procédure de sélection sont limitées dans le temps en fonction de l'importance des investissements consentis. La durée de l'autorisation varie donc selon que le fournisseur de services n'a effectué aucun investissement ou des investissements insignifiants (5 ans), ou qu'il a au contraire effectué des investissements substantiels, dans des actifs à caractère mobilier (10 ans) ou immobilier (25 ans).

Comme l'a souligné l'Union nationale des industries de la manutention (UNIM), il semble regrettable que ces conditions d'autorisation ne tiennent pas compte de la durée d'amortissement des investissements. Par ailleurs, il paraît indispensable, pour que le concessionnaire soit en mesure d'investir jusqu'au terme de sa concession qu'un système de compensation-indemnisation soit mis en place en faveur du concessionnaire au cas où il ne serait pas reconduit.

e) L'autorité portuaire ne peut être juge et partie pour l'attribution des concessions

Outre le fait que l'autorité portuaire ne peut attribuer elle-même les autorisations de concession lorsqu'elle est elle-même candidate pour fournir ces activités, le projet de directive impose une séparation claire des comptabilités entre activités commerciales et recettes de puissance publiques, afin de pouvoir évaluer ce que reçoit comme subventions l'autorité portuaire.

Lorsque l'organisme gestionnaire d'un port, outre sa fonction de gestion, exerce les activités d'un fournisseur de services, il doit séparer les comptes de ses activités de services portuaires de ceux de ses autres activités. Le rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels de l'organisme gestionnaire doit comprendre des informations sur les flux financiers entre les différentes activités de ce dernier.

Les Etats membres devront assurer la transparence totale de toutes les procédures liées à la fourniture de services portuaires et devront établir des procédures de recours, y compris un contrôle juridictionnel.

La proposition de directive ne remet pas en cause les droits et obligations des Etats membres en matière d'ordre public, de sûreté et de sécurité dans les ports, ainsi qu'en matière de protection de l'environnement, mais la Commission souligne que ces mesures de police doivent être proportionnées au but recherché et ne pas créer de distorsions de concurrence entre opérateurs.

Tous les opérateurs doivent se voir imposer les mêmes contraintes de service public, toute différence de traitement entre opérateurs devant être justifiée.

f) La reconnaissance du droit à l'auto-assistance

Le projet de directive prévoit que les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour permettre l'auto-assistance (cas dans lequel l'utilisateur d'un port se fournit à lui-même certains services) et les critères fixés pour l'auto-assistance ne doivent pas être plus stricts que ceux fixés pour d'autres fournisseurs du même service portuaire ou d'un service portuaire comparable.

g) Délais d'application

Cette directive devrait être transposée en droit interne dans un délai de trois ans après son adoption.

II.- UN PROJET DE DIRECTIVE LARGEMENT INJUSTIFIÉ ET
QUI N'ABORDE PAS LA QUESTION DES AIDES PUBLIQUES

1. La nécessité de cette directive n'a pas été démontrée

La Commission n'a apporté aucune démonstration argumentée selon laquelle des atteintes graves à la concurrence avaient été constatées dans l'organisation des services portuaires. Aucun élément statistique n'est fourni en annexe du projet de directive qui permettrait, par exemple, de constater le renchérissement de ces services en raison des situations de monopole. De même, la Commission ne fait pas état de nombreux contentieux engagés pour violation des principes de la liberté d'établissement ou pour l'abus de position dominante. En réalité, les contentieux ont été rares et la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes assez limitée pour définir la liberté d'accès aux ports.

Comme le souligne l'organisation fédérant les ports européens (European sea ports organization - ESPO), la Commission déclare à plusieurs reprises que des opérateurs potentiels publics ou privés désireux de présenter leurs offres de services sur le marché des services portuaires ont rencontré des obstacles variés liés à l'organisation des ports. Mais elle souligne que la nature, la fréquence ou l'importance de ces obstacles ne sont jamais mises en évidence. Elle ajoute que la Commission prétend que les réglementations des ports sont particulièrement et systématiquement obscures et qu'elles ont provoqué une réelle obstruction à l'entrée sur le marché des services portuaires mais à aucun moment la Commission n'apporte d'éléments précis démontrant qu'elle a mené une enquête sérieuse sur un panel significatif de ports européens. L'ESPO conclut qu'en l'absence de démonstration sur cette prétendue atteinte à la transparence, certaines mesures proposées par la Commission européenne paraissent disproportionnées.

Il est paradoxal de constater que la Fédération nationale des ports et des docks CGT arrive à la même conclusion soulignant, elle aussi, que la Commission n'a jamais démontré pourquoi il était urgent de réglementer en la matière.

Cette absence d'étude préalable argumentée est d'autant plus regrettable qu'elle avait été demandée notamment par le Parlement européen lors de la présentation du livre vert sur la politique portuaire. Il avait été décidé de rassembler des informations précises sur la gestion des ports communautaires, sur les financements publics en faveur des différents types de ports ainsi que sur la pratique de tarification des services portuaires.

La Commission a procédé à une enquête beaucoup trop succincte et il est impossible au vu de ces seules données de conclure à l'existence d'un marché monopolistique remettant en cause les grandes libertés économiques consacrées par le traité de l'Union européenne.

Les conclusions de la Commission sont particulièrement vagues comme on peut en juger par quelques unes des observations qu'elle a fait figurer en préambule à son projet de directive :

·  En dépit de l'intervention croissante du secteur privé dans les aménagements portuaires, on estime que 90 % du trafic maritime communautaire est traité dans des ports où ce sont des organismes publics qui prennent, ou tout du moins influencent, dans une plus ou moins large mesure, les décisions en matière d'investissement et les autres mesures d'organisation et de gestion, comme la tarification.

·  Les investissements publics dans des projets portuaires représentent entre 5 et 10 % de tous les investissements communautaires dans des infrastructures de transport. Dans l'ensemble de la Communauté, l'objet principal de ces investissements varie : dans la région de la Baltique, les investissements de démarrage sont les plus nombreux, alors que dans les régions de la mer du Nord et de la Méditerranée, les investissements sont consacrés surtout aux plans de modernisation.

·  Les opérations de financement public ne sont pas suffisamment transparentes : les outils comptables ne peuvent, en règle générale, pas fournir de données agrégées sur les investissements faits par le secteur public dans un port, ni permettre de retracer convenablement les flux financiers et l'utilisation des fonds publics à l'intérieur de ports qui ont des activités à la fois commerciales et de gestion des infrastructures publiques.

·  Les systèmes de tarification et de recouvrement des coûts sont très variables ; le recouvrement des coûts n'est pas toujours le premier objectif recherché.

·  Le marché des services portuaires se développe et il est manifeste que les possibilités d'y accéder se multiplient. Il n'en reste pas moins que les règles destinées à garantir que la procédure de sélection des prestataires de services soit loyale et ouverte lorsque leur nombre est limité sont ambiguës et inadéquates.

De plus, pour des raisons assez obscures, la Commission s'est refusée à traiter des aides étatiques au financement des infrastructures portuaires, question pourtant essentielle pour apprécier les distorsions de concurrence entre ports.

2. La directive ne traite pas des financements publics dans les installations portuaires, facteurs importants de distorsion de concurrence

La Commission s'est bornée à constater que l'enquête préalable avait confirmé que le degré actuel de transparence des opérations dans le secteur portuaire était insuffisant pour que l'on puisse disposer d'informations sur la masse globale des fonds publics alloués aux ports, lorsque cette allocation se fait au titre de régimes nationaux, et retracer les flux de financement et l'utilisation de fonds publics par des autorités portuaires, qui ont des activités à la fois commerciales et de gestion.

Et elle a conclu qu'à l'heure actuelle, en raison de la complexité des régimes institutionnels et financiers appliqués aux ports, à la gestion portuaire et aux infrastructures maritimes dans la Communauté, les relations financières entre le secteur public, les ports et des entreprises travaillant en leur sein manquaient souvent de transparence.

Ce constat ne lui a pas paru étonnant car les systèmes comptables n'ont pas été conçus pour enregistrer les informations qui sont maintenant demandées et pour distinguer les activités commerciales des activités de gestion publique du port et des infrastructures. De fait, le système de comptabilité par budgétisation utilisé par certains ports municipaux et reposant sur le principe d'universalité (« non-affectation des dépenses et des recettes ») empêche toute mise en évidence des flux de capitaux liés à des activités spécifiques.

La Commission souligne d'ailleurs que l'application de la directive 2000/52/CE de la Commission du 26 juillet 2000 modifiant la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques (dite « directive sur la transparence »), assortie d'une obligation légale de tenir des comptabilités séparées qui sera introduite dans la « directive sur l'accès au marché des services portuaires », améliorera considérablement la situation.

Le Conseil et le Parlement européen ont demandé à la Commission d'établir une note analysant les aides d'Etat aux ports compatibles avec la législation communautaire.

Mais la Commission a jugé qu'il était prématuré de se prononcer en édictant des principes généraux car elle ne pouvait se fonder sur les principes dégagés par la jurisprudence car les décisions en matière portuaire sont rares.

La Commission a donc décidé de continuer à procéder à l'étude de dossiers particuliers comme le prévoit le traité qui rend obligatoire la déclaration des aides publiques sélectives à certains secteurs économiques (article 88 du Traité).

Dans son projet de directive, la Commission aborde brièvement le problème et se borne à énoncer quelques idées générales. Elle souligne que les professionnels portuaires en sont venus à distinguer les investissements dans les infrastructures, les superstructures, les biens mobiliers et les services opérationnels, cette distinction ne pouvant se substituer à l'application du critère fondamental utilisé dans le traité pour définir l'aide de l'Etat, à savoir celui de la sélectivité, conformément à l'article 87, paragraphe 1. Elle rappelle que ce critère est le seul valable pour déterminer si une mesure d'investissement constitue ou non une aide, qu'il s'agisse de financer des infrastructures ou des superstructures portuaires, des biens mobiliers ou un service opérationnel.

En ce qui concerne les infrastructures, les professionnels portuaires ont jugé utile d'établir une distinction entre celles « à caractère public (d'intérêt général) » et celles « propres à un utilisateur ».

Les infrastructures « publiques (d'intérêt général) » servent à tous les utilisateurs du port, sans discrimination. Elles incluent les infrastructures d'accès maritime et les moyens de maintenance, d'aide à la navigation, les moyens de transport terrestre public dans l'enceinte du port, enfin les infrastructures d'accès aux équipements collectifs situés près du terminal. La Commission a expliqué qu'elle considérait le plus souvent les investissements dans ce type d'infrastructure comme des mesures générales, étant donné qu'il s'agissait de dépenses supportées par l'Etat dans le cadre de sa mission de planification et de construction d'un système de transport dans l'intérêt général, à condition que ces infrastructures soient mises à la disposition de tous les utilisateurs, actuels ou futurs, conformément à la législation communautaire. Cependant, il peut arriver qu'une infrastructure profite à une entreprise déterminée et qu'elle soit considérée comme une aide pour la construction d'une infrastructure propre à un utilisateur alors que, de prime abord, elle avait les caractéristiques d'une infrastructure publique.

Les infrastructures « propres à un utilisateur » comprennent les dépôts, jetées, canalisations et câbles pour le raccordement aux équipements collectifs des terminaux portuaires, les travaux de préparation du terminal en vue d'y élever des constructions. En principe, dans le cas où des autorités publiques aménagent un terrain qui leur appartient et le vendent ou le louent aux prix du marché, la Commission ne considère pas ces investissements en infrastructure comme des aides d'Etat. La situation est différente si, par exemple, les aménagements sont faits pour en faire profiter un utilisateur bien déterminé.

Les armateurs ont soutenu l'idée qu'un investissement dans des superstructures ne devrait pas être considéré comme une aide d'Etat dans les cas où l'intégralité des coûts est récupérée auprès de l'utilisateur.

La Commission a refusé d'admettre une conclusion aussi générale. La Commission a expliqué que lorsqu'une entreprise reçoit de l'argent pour investir dans des infrastructures ou des équipements, ou lorsqu'elle bénéficie de conditions de financement préférentielles, ou lorsqu'on met à sa disposition les biens pour son usage propre ou celui de ses clients, elle est sans conteste avantagée de plusieurs manières. Son bilan financier s'en trouve amélioré si l'on compare avec une entreprise portuaire qui doit financer l'investissement sur ses ressources propres ou en empruntant. La récupération des coûts auprès des utilisateurs ne supprime pas ces avantages, qui sont une cause de distorsion de concurrence, à moins que le choix du bénéficiaire et les conditions dans lesquelles il a obtenu l'usage des installations ne soient le fruit d'une procédure ouverte et non-discriminatoire.

Elle a aussi précisé que l'aide publique aux investissements dans des biens mobiliers et des services opérationnels, par exemple ceux de certains prestataires de services portuaires, favorisait en général des entreprises données.

Une telle aide constituerait une aide d'Etat, bien que, de nouveau, il soit possible d'appliquer les dérogations prévues par le traité.

Votre rapporteur estime profondément regrettable que la Commission n'ait pas approfondi cet aspect du problème des distorsions de concurrence entre ports car la complexité des mécanismes financiers d'intervention de la puissance publique et les règles de la comptabilité publique rendent très difficile une estimation précise des concours publics aux infrastructures portuaires.

Il paraît totalement illusoire de vouloir imposer des règles très strictes de respect de la concurrence pour l'attribution des autorisations de fourniture de services portuaires, pour la fixation du prix de ces services alors même que le financement des investissements est réalisé dans la plus grande opacité financière, ce qui rend aléatoire tous les calculs de prix pour rentabiliser ces mêmes investissements puisqu'ils ont été opérés en dehors de toute logique de rentabilité.

Fort heureusement, le Parlement européen, lors de l'examen de ce texte en séance publique, a inséré un nouvel article 6 qui vise à clarifier l'admissibilité des financements publics suivant qu'ils concernent les infrastructures ou les superstructures. Sous réserve de la nécessité de définir les notions d'infrastructures et de superstructures, cet amendement représente un premier pas, qui peut être approuvé.

3. Les exigences de sécurité sont largement sous estimées

a) Des activités essentielles à la sécurité sont ouvertes à la concurrence

Il convient de s'interroger sur la pertinence de l'ouverture à la concurrence et de l'application au principe de rentabilité financière aux activités essentielles à la sécurité portuaire et qui constituent des missions de service public.

Les activités de pilotage, de lamanage et de remorquage ne peuvent ni s'effectuer ni s'apprécier selon les lois du marché.

Ce sont de tels principes que le Conseil d'Etat et la Cour de justice des Communautés européennes rappellent fort opportunément dans leur jurisprudence. Dans son arrêt du 2 juin 1972 - Fédération française des syndicats professionnels de pilotes maritimes - le Conseil d'Etat juge que « le service du pilotage dans les ports constitue un service public qui s'exerce sur le domaine public de l'Etat ; qu'il appartient à l'autorité administrative d'organiser ce service en vue d'assurer la meilleure utilisation du domaine ; qu'à cette fin, elle est en droit, lorsqu'une concurrence serait de nature à en compromettre l'efficacité de n'en confier la gestion qu'à une seule entreprise ».

De son côté, dans son arrêt Corsica Ferries SA du 18 juin 1998, la Cour de justice a établi des règles comparables à celles dégagées par le Conseil d'Etat, en ce qui concerne le lamanage. En effet, la société Corsica Ferries critiquait le monopole des lamaneurs en Italie et le montant des contributions à elle demandées comme contraires à la fois au Règlement communautaire du 22 décembre 1986 qui a étendu aux transports le principe de libre prestation de services et aux dispositions des articles 85, 86 et 90 du Traité sur la libre concurrence. Or, la Cour de justice répond que : « S'agissant de l'existence éventuelle d'une restriction à la libre prestation des services de transport maritime, il y a lieu d'observer que le service de lamanage constitue un service technique nautique essentiel au maintien de la sécurité dans les eaux portuaires, qui présente les caractéristiques d'un service public (l'universalité, la continuité, la satisfaction d'exigences d'intérêts public, la réglementation et la surveillance par l'autorité publique). Dès lors, sous la réserve que le supplément de prix par rapport au coût effectif de la prestation corresponde bien au supplément de coût qu'implique le maintien d'un service universel de lamanage, l'obligation de recourir à un service de lamanage local, même si elle était susceptible de constituer une gêne ou une entrave à la libre prestation des services de transport maritime, pourrait être justifiée, au titre de l'article 56 du traité CE, par des considérations de sécurité publique invoquées par les groupes de lamaneurs et sur la base desquelles a été adoptée la réglementation nationale sur le lamanage ». (Considérant 60).

Abondant dans le même sens, le syndicat allemand des pilotes maritimes et portuaires (Bundesverband der Lotsen, BVL) a considéré que l'ouverture du pilotage à la concurrence entraînerait l'arrivée de nouveaux intervenants inexpérimentés, qui ne connaissent pas la topologie des ports. C'est pourquoi de sérieux problèmes ne manqueraient pas de se poser au double plan de la sécurité et de la protection de l'environnement.

Fort utilement, le Parlement européen a adopté un amendement tendant à insérer un nouveau considérant 9 aux termes duquel : « Compte tenu de l'importance particulière des services de pilotage pour la sécurité du transport maritime et, de ce fait, pour la protection de l'environnement dans les régions particulièrement sensibles, chaque Etat membre devrait être libre d'adopter ses propres dispositions nationales pour les services de pilotage, qui tiennent compte des réalités spécifiques des différents ports ».

Des principes analogues devraient également être retenus pour le remorquage et le lamanage et, comme pour le pilotage, leurs modalités d'organisation devraient aussi relever de la compétence des Etats membres.

Il apparaît donc de manière évidente que le champ d'application de ce projet de directive doit être profondément remanié.

b) Les risques de l'auto-assistance dans le domaine portuaire

Cette notion - prévue à l'article 11 de la proposition de directive - est définie comme la situation dans laquelle un usager se fournit à lui-même et avec son propre personnel une catégorie de services portuaires normalement fournis par un tiers qui agit pour compte d'autrui.

La Commission étend ainsi aux ports un dispositif qu'elle a déjà instauré dans le domaine des aéroports, par la directive 1996/67 du 15 octobre 1996 relative à l'accès au marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté. Aux termes du cinquième considérant de cette directive, l'ouverture de l'accès au marché de l'assistance en escale est une mesure qui doit contribuer à réduire les coûts d'exploitation des compagnies aériennes et à améliorer la qualité offerte aux usagers.

L'instauration de l'auto-assistance dans les services portuaires participe de cet objectif général de la proposition de directive « qui est d'assurer l'accès, pour toute personne physique ou morale établie dans la Communauté au marché des services portuaires » (1).

L'auto-assistance est autorisée en France dans le domaine du pilotage, au travers des licences de capitaines-pilotes délivrées pour la conduite des ferries (en application de l'article 7 du décret du 19 mai 1969 relatif au régime du pilotage dans les eaux maritimes). De même encore, la Grande-Bretagne admet-elle aussi la possibilité de recourir à l'auto-assistance, sous certaines conditions.

Si les propositions de la Commission suscitent l'hostilité des organisations professionnelles, c'est parce que, à la différence des législations française ou britannique, elles n'encadrent pas correctement le recours à l'auto-assistance. Celle-ci peut être soumise à une autorisation dont les critères d'octroi ne doivent pas être plus stricts que ceux qui s'appliquent aux fournisseurs du même service portuaire, c'est-à-dire aux pilotes, remorqueurs et lamaneurs. Du fait de son imprécision, cette disposition peut s'avérer très dangereuse, puisqu'elle a pour effet de dispenser les intéressés de devoir justifier des mêmes qualifications professionnelles - notamment - que celles qui sont requises des fournisseurs de services. Cette disposition crée donc d'inévitables distorsions de concurrence, auxquelles peuvent s'ajouter des risques sérieux pour la sécurité.

C'est précisément pour cet ensemble de raisons que le Parlement européen a estimé nécessaire d'introduire deux correctifs : le premier consiste à exiger des bénéficiaires de l'auto-assistance une qualification professionnelle identique à celle dont les prestataires de services doivent justifier. La deuxième vise à limiter l'application de l'auto-assistance aux navires battant pavillon des Etats membres, afin d'en exclure les pavillons de complaisance. Cette mesure ne revêt toutefois qu'un caractère facultatif.

C'est pourquoi il n'est pas sûr que ces correctifs soient de nature à lever toutes les ambiguïtés et à apporter les assurances nécessaires aux différentes professions. En effet, la Commission pourrait s'appuyer, comme ce fut le cas dans le transport aérien, sur l'auto-assistance pour briser des organisations professionnelles - considérées par elle-même, les armateurs et les chargeurs - comme des monopoles injustifiés.

4. Ce projet de directive passe sous silence le problème de la qualification des personnels

Les autorités portuaires ont aujourd'hui toute latitude pour imposer un degré de qualification professionnelle élevé aux délégataires de la puissance publique dans leur activité de pilotage et de remorquage. L'application de la directive pourrait remettre en cause cette prérogative.

Il convient de souligner que le Conseil d'Etat a plusieurs fois rappelé « qu'il appartient également à l'autorité administrative, en vue d'assurer la police de la circulation dans les ports et, dans la mesure où la sécurité de cette circulation l'exige de subordonner le droit de circulation des navires dans les ports à la possession d'un brevet spécial par leur capitaine ou à l'appel au service public du pilotage ». En ce qui concerne les lamaneurs, bien que dépourvus d'un statut précis, ils possèdent une très solide formation en matière de navigation.

Cette directive pourrait bien remettre en cause ce principe.

En effet, dans son article 15, la directive se borne à énoncer : « Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour assurer l'application de leur législation sociale ». A aucun moment la question du statut de ces personnels n'est évoquée, or il est fondamental, surtout en matière d'auto-assistance, que les personnels employés ne soient ni sous-qualifiés ni sous-payés.

Le risque de dumping social lié à l'application de cette directive est très préoccupant. Ce silence de la Commission est d'autant plus curieux que dans le même temps, elle a présenté une communication au Conseil et au Parlement européen le 6 avril 2001 pour lutter contre la pénurie actuelle de marins originaires des pays de la Communauté.

Elle souligne quelques données objectives sur la dégradation des conditions de travail des marins depuis quelques années.

Le nombre total de ressortissants de l'Union européenne employés à bord de navires battant pavillon communautaire est actuellement de 120 000, chiffre en baisse de 40 % par rapport à 1985, alors que le nombre de ressortissants de pays tiers employés à bord de navires de l'Union européenne est passé de 29 000, en 1983, à 34 500 aujourd'hui.

La Commission estime que la pénurie d'officiers dans l'Union européenne pourrait atteindre environ 13 000 postes en 2001 et 36 000 en 2006, situation encore aggravée par le problème du vieillissement de ces officiers.

Plusieurs facteurs sociologiques ou financiers expliquent le manque d'attrait du métier pour les jeunes européens. Ainsi, entre 1992 et 1999, le salaire mensuel moyen des gens de mer qualifiés a chuté de 53 % pour les Allemands, de 51 % pour les Belges, de 49 % pour les Néerlandais, de 26 % pour les Portugais et de 14 % pour les Français. De plus, le taux d'abandon en cours de formation maritime est compris entre 22 et 32 % et atteint 60 ou 70 % dans certains Etats membres.

A cela s'ajoute le fait que, face à la concurrence accrue des pays tiers, plusieurs armateurs de l'Union européenne ont décidé de réduire leurs coûts, en enregistrant leur navire sous pavillon extracommunautaire ou sous des seconds registres, alors que dans le même temps, ils remplaçaient leurs marins communautaires par de la main-d'_uvre de pays tiers, aux coûts salariaux inférieurs.

La Commission souligne que cette pénurie croissante de gens de mer pourrait avoir des conséquences dramatiques. D'abord, en terme de sécurité, puisque 80 % des accidents sont dus à des erreurs humaines et que le personnel des pays tiers est d'une manière générale moins bien formé que le personnel communautaire. Ensuite, pour toute une série d'activités liées au transport (ports, compagnies maritimes, organismes d'inspection, compagnies d'assurance) qui pourraient être confrontées à des difficultés de recrutement dans la mesure où une expérience en mer constitue souvent un avantage ou un préalable pour les candidats à l'embauche.

Face à la tendance récente à embaucher des marins extracommunautaires dans ce secteur (d'abord dans la restauration, puis parmi les officiers), la Commission appelle à l'adoption d'une législation européenne en cours d'examen, qui vise à assurer des conditions d'emploi égales pour les marins communautaires et non communautaires et estime qu'un accord pourrait être conclu en la matière entre les partenaires sociaux. Cet accord pourrait aussi inclure d'autres aspects, tels l'amélioration de la formation, les conditions de vie et de travail, la définition des plans de carrière et le niveau des salaires.

Il est étrange que la commission, consciente du risque de dumping social et de ses conséquences pour la sécurité maritime, ait passé sous silence ce problème crucial dans cette directive, alors même que l'harmonisation des conditions de travail est une question clé pour éviter les distorsions de concurrence, comme l'a montré le travail mené par les instances communautaires sur le temps de travail des chauffeurs routiers.

5. La remise en cause des fonctions régaliennes des autorités portuaires

a) La sécurité portuaire

Il convient de préserver les pouvoirs régaliens des autorités portuaires dans le domaine de la sécurité.

Il s'agit là de la question centrale de la politique portuaire et maritime. En effet, si cette question n'est pas réglée correctement, aucun des autres objectifs
- fiabilité du service, concurrence loyale et respect des normes sociales - ne pourra être poursuivi de façon pleinement satisfaisante, comme le montre malheureusement l'expérience.

En France un consensus se dégage sur l'idée que la sécurité portuaire relève d'une mission essentielle de l'Etat, quel que soit le statut public ou privé de ses ports. De même, convient-il de se réjouir également des amendements adoptés par le Parlement européen réaffirmant cette idée, en particulier ceux ayant exclu le pilotage et le lamanage du champ d'application de la directive.

Pour prévenir efficacement toute dérive vers la privatisation de la sécurité évoquée précédemment, deux séries de dispositions devraient être adoptées.

La première a trait à l'auto-assistance. Il ne s'agit pas d'en proposer l'interdiction absolue, ce que ne prévoit pas la législation française actuelle, ni la législation britannique. Une mesure aussi radicale risquerait d'entraver le développement du cabotage, en faveur duquel le rapporteur se prononce. En effet, le cabotage reposant sur des liaisons régulières, les capitaines de navires ont une connaissance suffisante des ports concernés qui leur permet de se dispenser notamment du recours aux services du pilotage.

La directive devrait poser le principe selon lequel il appartient aux Etats membres de déterminer le régime de l'auto-assistance.

C'est seulement à ce prix que les Etats membres pourront se prémunir contre les dangers d'une généralisation de l'auto-assistance, que la Commission soutient pour le seul profit des armateurs et des chargeurs.

La deuxième série de dispositions, qui pourrait être utilement prise, touche aux obligations de service public. Il est en effet anormal que les obligations de service public ne revêtent qu'un caractère facultatif et non impératif, en ce qui concerne la sécurité. II serait choquant et très coûteux en termes budgétaires que les entreprises puissent se décharger sur l'Etat du soin d'assurer la sécurité alors qu'elles pourraient être à l'origine de risques considérables.

b) L'aménagement du territoire

Les autorités portuaires jouent un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire en étant un des principaux aménageurs de l'espace urbain et en _uvrant au rééquilibrage des moyens de transports en décongestionnant le réseau routier. On peut rappeler à ce titre que la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire reconnaît un rôle important aux ports dans les schémas multimodaux de services collectifs de transports.

Même dans les Etats membres les plus libéraux, personne ne remet en cause le rôle primordial des Etats ou des régions pour mettre en _uvre une politique portuaire qui a de multiples retombées en matière d'aménagement du territoire. Aujourd'hui, il incombe aux autorités portuaires de déployer une stratégie pour attirer des armateurs et des entreprises chargées de la logistique des transports.

Dans ce contexte, il appartient aux autorités portuaires d'être en mesure d'obtenir des opérateurs l'engagement réel à participer au développement des places portuaires, par exemple, en leur imposant d'investir dans l'outil de travail.

En outre, comme l'a bien compris l'auteur d'un amendement déposé au Parlement européen (2), les Etats membres doivent assurer l'application de leur législation sociale pour éviter toute diminution ou pertes de capacités professionnelles, à la suite de l'arrivée de nouvelles sociétés de services sur les places portuaires, qui risquent de recourir à de la main d'_uvre sous-qualifiée.

6. Analyse de la résolution

Après avoir procédé à de multiples auditions des professionnels du secteur portuaire et maritime, M. Daniel Paul, rapporteur pour la délégation à l'Union européenne, a proposé une résolution très critique vis-à-vis de ce projet de directive. Cette résolution souligne tout d'abord que la directive a été élaborée sans procéder aux consultations des professionnels concernés et que l'instauration d'un dispositif unique fondé sur le principe de la concurrence interportuaire méconnaît les spécificités de chaque port et porte une grave atteinte aux pouvoirs régaliens des autorités portuaires.

La résolution souligne les dangers de la directive qui, en incluant les activités de pilotage, de lamanage et de remorquage dans son champ d'application, tient pour négligeable les missions d'intérêt général et de service public qui sont dévolues à ses activités. Les autorités portuaires se voient ainsi dépossédées de leurs prérogatives et ne pourront plus garantir convenablement la sécurité portuaire.

La reconnaissance du droit à l'auto-assistance recèle aussi de graves dangers pour la sécurité dès lors que les critères de compétences et les obligations imposés aux utilisateurs des ports ne doivent pas être plus stricts que ceux prévus pour les fournisseurs professionnels de services portuaires.

La résolution, tout en reconnaissant qu'il est nécessaire de mettre en place un cadre transparent destiné à porter remède aux distorsions de concurrence existant entre les ports et à sélectionner les opérateurs autorisés à fournir des services portuaires selon des critères objectifs, critique le recours à un projet de directive alors que de tels objectifs de transparence auraient pu être atteints par le truchement de diverses dispositions déjà existantes dans la législation communautaire.

La résolution souligne en outre que le projet de texte risque d'aggraver les distorsions de concurrence et de renchérir le coût des services portuaires.

Elle demande donc aux autorités françaises d'obtenir que la Commission européenne engage une véritable concertation qui devrait permettre de définir des principes communs propres à promouvoir la performance portuaire au plan communautaire en s'efforçant :

- de préserver les compétences des Etats qui doivent rester libres d'assurer toutes leurs prérogatives en matière de sécurité et de limiter ainsi les possibilités d'auto-assistance ;

- de garantir la professionnalisation des personnels appelés à fournir ces services afin d'éviter tout dumping social ;

- de favoriser la coopération des autorités portuaires afin d'améliorer les liaisons entre les ports européens et les réseaux de transports terrestres en accélérant notamment la mise en place des réseaux transeuropéens de fret.

CONCLUSION

Ce projet de directive est beaucoup trop réducteur pour appréhender le problème de la politique portuaire communautaire et il démontre une vision très conservatrice de la Commission qui semble s'arc-bouter sur une conception purement idéologique de la concurrence.

Cette position est paradoxale alors que, quelques mois après, la Commission a publié un « Livre blanc sur les transports à l'horizon 2010 » qui est beaucoup plus novateur. En effet, la Commission propose une véritable politique de coopération entre tous les acteurs de la chaîne des transports, ce qui paraît très loin d'une logique purement libérale de concurrence exacerbée entre les prestataires de transport !

Ces deux textes, même s'ils n'ont pas la même portée juridique, posent le problème de la cohérence de la doctrine de la Commission en matière de politique portuaire. Loin d'être complémentaires, ils reposent sur des logiques opposées, le projet de directive considérant comme primordial d'assurer la liberté des prestations de services portuaires, alors que le Livre blanc veut promouvoir une politique portuaire beaucoup plus ambitieuse fondée sur la coopération des ports et sur un effort d'investissement communautaire pour les infrastructures de transport.

Constatant que le transport maritime avait un potentiel de croissance considérable qu'il fallait d'ailleurs encourager pour désengorger les axes routiers, la Commission a néanmoins souligné les lourds handicaps pour le développer en raison de l'insuffisance des infrastructures portuaires qui ne sont plus adaptées aux nouveaux porte-conteneurs de plus de 12 000 EVP (équivalent vingt pieds). Un effort d'investissement considérable devra être entrepris pour adapter les ports à cette nouvelle donne technique.

Pour la Commission, le transport maritime intra-communautaire et le transport fluvial sont deux éléments clés de l'intermodalité qui doivent permettre de faire face à la congestion croissante des infrastructures routières et ferroviaires et lutter contre la pollution atmosphérique.

Le Livre blanc explique que leur relance passe désormais par la création de véritables autoroutes de la mer et par l'offre de services performants et simplifiés. La détermination de ces réseaux transeuropéens maritimes devrait être facilitée par la priorité donnée au niveau national aux ports bien reliés au réseau terrestre, en particulier sur les côtes atlantiques et méditerranéennes, susceptibles de développer une véritable chaîne logistique.

C'est la raison pour laquelle la Commission envisage que certaines liaisons maritimes, notamment celles qui permettent de contourner les goulets d'étranglement que sont les Alpes et les Pyrénées, deviennent des réseaux transeuropéens au même titre que les autoroutes ou les voies ferrées. Or, ces lignes ne se développeront pas spontanément, il faudra, sur la base des propositions des Etats membres, les « labelliser », notamment à travers l'octroi de fonds européens (« Marco Polo », Fonds structurels) afin d'encourager leur décollage et leur assurer une dimension commerciale attractive.

L'expérience montre que le transport maritime à courte distance et le transport fluvial exigent des prestations commerciales intégrées efficaces. Il convient d'envisager de regrouper tous les acteurs de la chaîne logistique (chargeurs, armateurs ou tout autre acteur de l'industrie maritime ainsi que les transporteurs routiers, ferroviaires et fluviaux) dans un guichet unique qui permette de rendre l'expédition intermodale et l'utilisation des transports maritime et fluvial aussi faciles, flexibles et fiables à utiliser que le transport routier.

Pour aider au décollage des opérations intermodales, la Commission va remplacer le programme PACT qui s'achève en décembre 2001 par un nouveau programme d'intermodalité appelé « MARCO POLO ». Un budget de 30 millions d'euros par an est prévu dans le cadre des perspectives financières actuelles en utilisant une part des crédits du budget du réseau transeuropéen « MARCO POLO ».

La commission s'apprête donc à lancer un programme d'investissements qui est l'embryon d'une politique portuaire fondée sur une coopération entre Etats membres, avec des équipements communs à plusieurs ports.

De même, consciente des problèmes cruciaux de sécurité maritime, proposera-t-elle un système de gestion du trafic maritime le long de ses côtes pour réguler le mouvement des navires et dérouter les navires qui présentent des dangers pour la sécurité maritime. La future agence européenne de sécurité maritime facilitera le recueil d'informations et permettra de mettre sur pied une gestion harmonisée du trafic maritime.

Toutes ces propositions démontrent que la Commission a conscience de la nécessité d'organiser le trafic maritime et de mettre en _uvre une véritable politique portuaire plutôt que de se borner à ouvrir tous les services portuaires à la concurrence.

De plus, adoptée en l'état, ce projet de directive risque de conduire non pas au respect des règles de la concurrence mais à une concentration renforcée dans le secteur des armateurs.

En outre, l'introduction de la concurrence intraportuaire risque d'entraîner des effets pervers : la déréglementation conduira à une sélection entre trafics rentables et non rentables, les services portuaires devenant beaucoup plus chers pour la manutention des marchandises en vrac, alors que le trafic des conteneurs restera plus compétitif. La péréquation des tarifs appliqués actuellement entre types de marchandises, par les remorqueurs et les lamaneurs, risque de disparaître, les prestataires de services ayant choisi de n'intervenir que pour des cargaisons très spécifiques.

Une politique portuaire communautaire est une nécessité pour parvenir à rééquilibrer les moyens de transports et à désengorger le réseau routier. Loin de se borner à ouvrir à la concurrence les services portuaires, la politique européenne doit inciter les ports à coopérer pour éviter de gaspiller des investissements qui risquent de conduire à des surcapacités. La coopération entre états et autorités portuaires est aussi indispensable pour améliorer les liaisons ferroviaires, fluviales avec l'hinterland terrestre afin de créer de véritables réseaux coordonnés et multimodaux de transport, notamment dans la partie méridionale de l'Europe où ils sont beaucoup moins développés que dans la partie nord européenne.

Votre rapporteur vous invite donc à adopter la résolution votée par la délégation pour l'Union européenne complétée par un amendement dont l'objet est de rappeler l'importance de la qualification du personnel chargé d'assurer les services portuaires.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 23 janvier 2002, la commission de la production et des échanges a examiné, sur le rapport de M. Dominique Dupilet, la proposition de résolution de M. Daniel Paul (n° 3518) sur la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : Améliorer la qualité des services dans les ports maritimes : un élément déterminant du système de transport en Europe, et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès au marché des services portuaires (COM [2001] 35 final/E 1702).

Après avoir présenté les données essentielles de la proposition de directive et fait part de son accord sur le contenu de la résolution de la délégation pour l'Union européenne, M. Dominique Dupilet a invité les membres de la commission à adopter la résolution proposée par la délégation pour l'Union européenne en l'amendant pour préciser que le personnel assurant les services portuaires doit posséder une qualification professionnelle reconnue afin d'éviter tout risque de dumping social.

Puis, les commissaires ont fait part de leurs observations.

Répondant à la question de M. Jean-Pierre Defontaine, vice-président, concernant les perspectives d'harmonisation des services portuaires européens, M. Dominique Dupilet, rapporteur, a souligné que les statuts des ports européens étaient très disparates. Ainsi, la France comporte des ports autonomes, départementaux ou d'intérêt international ; certains ports européens peuvent être communaux, provinciaux - par exemple en Belgique - ou encore d'intérêt national, tel Hambourg. Il a indiqué que les instances communautaires ne souhaitaient pas pour le moment remettre en cause ces différents statuts mais que la directive avait pour but une harmonisation des services portuaires destinée à éviter la concurrence déloyale.

M. Jean-Claude Lemoine s'est déclaré favorable à l'amendement présenté par le rapporteur mais a estimé souhaitable que celui-ci soit rectifié afin de préciser que les personnels chargés d'effectuer les services portuaires doivent posséder une qualification professionnelle identique dans chaque Etat membre, car de grandes disparités peuvent être constatées en ce domaine, de même que pour d'autres professions, telles celle d'infirmière. Il a par ailleurs souligné que si l'harmonisation des qualifications professionnelles était souhaitable, il était également indispensable d'harmoniser les coûts des services portuaires, faute de quoi les ports français auraient du mal à faire face à la concurrence.

M. Dominique Dupilet, rapporteur, a estimé que le terme « identique » serait trop contraignant et souligné les risques liés à l'emploi croissant de personnels non ressortissants des pays européens.

M. Daniel Paul s'est associé aux propos du rapporteur s'agissant de l'emploi du terme « identique ». Il a souligné qu'il existait en effet peu de domaines dans lesquels les diplômes ou formations pouvaient être considérés comme identiques au plan européen. Il a également attiré l'attention sur la grande diversité des statuts des ports européens : il a indiqué qu'en Grande-Bretagne une grande partie des ports était privée ; ainsi, a-t-il observé, le Conseil général de Haute-Normandie a fait acquisition d'un de ces ports ; l'Allemagne se caractérise, quant à elle, par un véritable foisonnement des aides octroyées par les länder ; en Espagne, le système est également différent. Il a estimé que dans ce contexte, la Communauté européenne devait tendre à une harmonisation des statuts et à une meilleure coopération entre les ports comme ceux de Calais, Boulogne et Dunkerque. Relevant que contrairement à une idée reçue, les tarifs des ports français n'étaient pas forcément plus onéreux que ceux des autres ports européens et qu'on n'observait pas de différences majeures entre les tarifs pratiqués par les ports de Dunkerque, Rouen, Le Havre, Anvers ou Rotterdam ou entre les ports de Marseille, Barcelone ou Gênes, il a insisté sur l'importance des infrastructures terrestres dans l'attraction exercée par un port et sur la nécessité de développer l'intermodalité. Il a estimé qu'il convenait donc de poursuivre les efforts en matière de développement des infrastructures terrestres de pré et post acheminement, qu'il s'agisse de plates-formes intermodales, du mode ferroviaire ou du mode fluvial notamment pour relier l'Est de la France aux grands ports français. Après avoir observé que les anversois regrettaient la mainmise d'entreprises internationales de manutention comme P&O et Hutchinson sur le port d'Anvers, il a jugé que la concurrence entre ports pouvait aboutir à freiner la mise en _uvre de réseaux transeuropéens de transport, comme le montre le retard apporté à la modernisation de la liaison « Rhin d'acier » en raison de la concurrence entre Rotterdam et Anvers.

Il a estimé que la priorité aujourd'hui n'était donc pas d'introduire des mécanismes concurrentiels à l'intérieur des ports, mais plutôt de favoriser des transports rapides permettant par exemple d'acheminer efficacement un conteneur du Havre à Bordeaux. Il a jugé que la mise en concurrence des personnels chargés du lamanage était une question secondaire pour les usagers des ports compte tenu de la modicité du coût de ce service mais aurait pour conséquence de supprimer le lamanage pour y substituer la pratique de l'auto-assistance.

M. Patrick Rimbert a rappelé que le problème central était de permettre un transport rapide des produits, les ports ne constituant qu'un maillon de la chaîne des transports et les services portuaires n'étant qu'un élément minime de cet ensemble. Il a estimé naïf de la part de la commission de vouloir régler la question du transport des marchandises par le seul biais d'une concurrence accrue entre les ports. Il s'est d'autre part inquiété du risque que la mise en _uvre de la concurrence n'aboutisse à déposséder les Etats membres et les instances européennes de leur rôle dans la définition de la politique des transports maritimes, la recherche du moindre coût ne pouvant tenir lieu de politique des transports.

Il a conclu, en soulignant que la Commission européenne aurait du procéder à un état des lieux exhaustif servant de base à une stratégie des transports combinés et organiser un large débat sur une question aussi essentielle pour l'Europe plutôt que de la traiter par cette directive.

M. Jean Claude Lemoine a rappelé que, dans le cadre européen et à l'heure de la mondialisation des échanges, les ports étaient un maillon de plus en plus important de notre économie.

Il a souligné la nécessité d'un effort important en faveur des transports terrestres afin d'instaurer une plus grande complémentarité entre les différents modes de transports. Il a estimé que la France possédait de nombreux atouts en matière maritime et il a suggéré de spécialiser davantage les ports français pour accroître les complémentarités.

M. Dominique Dupilet, après avoir souligné le travail réalisé par M. Daniel Paul dans le cadre de la Délégation pour l'Union européenne, a déclaré partager les critiques formulées par M. Patrick Rimbert et indiqué que, selon lui, le problème de ce secteur, particulièrement en France, était l'intermodalité. Notant que, à l'heure actuelle, les différents opérateurs ne sont pas encore assez coordonnés, il a déploré qu'il n'existe aucune « chaîne » de transport, du bateau au destinataire final, chaîne pourtant indispensable pour accroître la rapidité et l'efficacité de ces activités et en diminuer les coûts.

Il a par ailleurs souligné les enjeux environnementaux et de sécurité routière du développement du transport maritime, observant que les porte-conteneurs disposent de capacités de stockage très importantes et que le transport maritime est, sauf accident grave, bien moins polluant que le transport routier.

Il a enfin accepté de sous-amender son amendement afin de tenir compte des différentes remarques des membres de la commission, et de préciser que les qualifications requises doivent être équivalentes dans l'ensemble des Etats membres, afin de souligner l'importance de l'harmonisation des qualifications et d'éviter la tentation d'embaucher du personnel sous qualifié.

Puis, la commission a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

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En conséquence, la commission de la production et des échanges vous demande d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : Améliorer la qualité des services dans les ports maritimes : un élément déterminant du système de transport en Europe, et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès au marché des services portuaires (COM [2001] 35 final/E 1702)

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 5 et 16, relatifs respectivement au principe de subsidiarité et au rôle des services d'intérêt général,

Vu la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : Améliorer la qualité des services dans les ports maritimes : un élément déterminant du système de transport en Europe, ainsi que la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès au marché des services portuaires (COM [2001] 35 final/E 1702),

Considérant que la proposition de directive susvisée a pour objet de permettre à toute personne physique ou morale d'accéder au marché des services portuaires ; que, dans cette perspective, la Commission européenne souhaite qu'aucun service portuaire de nature commerciale ne soit exclu de la législation communautaire ; que les Etats membres devront assurer la transparence totale de toutes les procédures liées à la fourniture de tels services ;

Considérant qu'aux termes du cinquième considérant de cette même proposition de directive, « le fait de faciliter l'accès au marché des services portuaires au niveau communautaire devrait se traduire par la suppression des barrières à l'entrée du marché pour les fournisseurs de services portuaires, l'amélioration de la qualité des services offerts aux utilisateurs des ports, une efficacité et une souplesse accrues, une réduction des coûts et, partant, la promotion du transport maritime à courte distance et du transport combiné » ;

Considérant toutefois que la Commission européenne a décidé de présenter la proposition de directive susvisée sans avoir procédé à une réelle concertation préalable avec l'ensemble des parties concernées ; que l'instauration d'un dispositif unique fondé sur le principe de la concurrence interportuaire méconnaît les réalités portuaires et les spécificités nationales ; que ce même principe porte gravement atteinte aux pouvoirs régaliens des autorités portuaires, en particulier ceux touchant à la sécurité, du fait de l'inclusion du pilotage, du lamanage et du remorquage - comme de la manutention pour certains de ses aspects - dans le champ d'application de la proposition de directive, malgré les missions d'intérêt général et de service public qui leur sont dévolues ; que les dispositions de l'article 11 autorisant le recours à l'auto-assistance recèlent également de graves dangers pour la sécurité, dès lors que les critères et obligations fixés en la circonstance ne doivent pas être plus stricts que ceux prévus pour d'autres fournisseurs du même service portuaire ;

Considérant, en outre, que s'il apparaît nécessaire de mettre en place un cadre transparent destiné à porter remède aux distorsions de concurrence existant à l'intérieur des Etats membres et entre les Etats membres et à sélectionner les opérateurs autorisés à fournir leurs services, de tels objectifs peuvent toutefois être également atteints par le truchement de diverses dispositions déjà prévues par la législation communautaire et certains mécanismes institués par les Etats membres ; qu'en conséquence, la Commission européenne n'a pas apporté la preuve que ces questions ne pourraient être réglées que par la proposition de directive susvisée ; qu'au contraire, elle méconnaît l'intérêt, pour la sécurité et l'efficacité du service public, des dispositions relatives aux qualifications des personnels assurant les services portuaires ;

Considérant, enfin, que le dispositif proposé par la Commission européenne risque de favoriser une aggravation des distorsions de concurrence ainsi que le renchérissement des coûts ; que ce dispositif risque également d'accroître la partie des services à charge de la collectivité au seul bénéfice des plus gros utilisateurs ; que, de ce fait, il est à craindre que la proposition de directive ne permette pas d'atteindre les objectifs ayant trait au développement de la concurrence et à l'accroissement de l'efficacité des ports ; que de tels dysfonctionnements confirment parfaitement l'inopportunité des réformes ainsi présentées.

1. Demande aux autorités françaises d'obtenir de la Commission européenne que cette dernière engage une concertation avec l'ensemble des parties concernées ; que la Commission européenne puisse modifier le dispositif de la proposition de directive, compte tenu des résultats de cette concertation.

2. Estime souhaitable que cette concertation puisse déboucher sur l'élaboration de principes communs propres à promouvoir la performance portuaire au plan communautaire, en s'efforçant :

- d'une part, de préserver les compétences des Etats membres touchant à la définition des conditions dans lesquelles chaque service portuaire assure la sécurité des ports et à celle du régime de l'auto-assistance ; de garantir le respect du principe de transparence et de prévenir tout dumping social, en exigeant que le personnel chargé d'effectuer les services portuaires possède une qualification professionnelle reconnue et équivalente dans l'ensemble des Etats membres ;

- d'autre part, de contribuer au développement des systèmes portuaires nationaux, grâce, en particulier, à la mise en place d'un dispositif de coopération basé sur une prise en compte de leurs complémentarités.

3. Rappelle que le principal handicap des ports européens réside dans l'insuffisance de leurs liaisons terrestres, source de divers dysfonctionnements et de surcoûts environnementaux et sociaux ; que, dès lors, il est souhaitable d'accélérer la mise en place des réseaux transeuropéens de fret en prenant en compte l'urgence créée par les trafics portuaires et en promouvant l'intermodalité.

4. Juge nécessaire que les autorités françaises poursuivent une politique de soutien résolue aux ports en vue de consolider durablement le regain de dynamisme que l'on peut constater aujourd'hui.

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N° 3554.- Rapport de M.Dominique Dupilet, au nom de la commission de la production, sur la proposition de résolution de M. Daniel Paul, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, relative à l'accès au marché des services portuaires

1 () Huitième considérant de la proposition de directive.

2 () La députée Mme Luciana Sbarbati.