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TEXTE ADOPTÉ no 266

« Petite loi »

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

17 mars 1999

RÉSOLUTION

sur le projet de réforme de la politique agricole commune
(COM [1998] 158 final/n° E 1052).

L'Assemblée nationale a adopté, en application de l'article 151-3 du Règlement, la résolution dont la teneur suit :

Voir les numéros : 1248 et 1381.

Agriculture.

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les propositions de règlements (CE) du Conseil relatifs à la réforme de la politique agricole commune (COM [1998] 158 final/n° E 1052),

Considérant les missions importantes assumées par l'agriculture et les activités agro-alimentaires dans l'économie de notre pays et dans l'ensemble des Etats de l'Union européenne ;

Considérant le rôle essentiel joué par la politique agricole commune dans le développement de la construction européenne ;

Considérant la capacité d'évolution de la politique agricole commune, qui a permis le développement d'agricultures modernes, celui des exportations agricoles, l'approvisionnement des marchés en produits de qualité à des prix accessibles aux consommateurs, tout en assurant le revenu des agriculteurs ;

Considérant que la réorientation progressive de la PAC s'avère cependant indispensable pour construire une politique agricole européenne s'articulant autour d'une nouvelle préférence communautaire, liant les producteurs agricoles et les consommateurs dans un projet de société et reposant sur le principe de prix agricoles rémunérateurs, du développement de l'emploi, d'une occupation équilibrée des territoires, de la préservation de l'environnement et du renouvellement des ressources naturelles ;

Considérant qu'une nouvelle réforme de la politique agricole commune s'avère toutefois nécessaire pour remédier à des dysfonctionnements, en particulier la répartition inégale des aides qui favo rise la disparition des exploitations, la concentration excessive des terres et la difficulté des jeunes à s'installer et prévenir les déséquilibres déjà visibles des marchés ;

Considérant qu'il convient de préparer l'élargissement de l'Union européenne ;

Considérant la reprise prochaine des négociations commerciales de l'OMC qui ne doivent pas conduire l'Union européenne à anticiper, dans son projet de réforme de la PAC, d'éventuelles concessions pouvant y être faites ;

Considérant que cette nouvelle réforme doit prendre en compte l'emploi en agriculture, l'avenir des territoires ruraux, la qualité des produits et donner une image de la politique agricole commune plus lisible et plus légitime pour les opinions publiques ;

Considérant que les propositions de la Commission reposent essentiellement sur une baisse généralisée des prix, qui aurait pour conséquence d'accélérer la concentration des exploitations et de pénaliser les régions les plus fragiles et pourrait favoriser les modes de production intensifs ;

Considérant que le principe d'une modulation des aides directes devrait permettre de rendre plus équitable la répartition des soutiens et de mieux prendre en compte les multiples missions de l'agriculture, à condition que la modulation ne comporte pas des risques de distorsion de concurrence ;

Considérant que, si les contraintes budgétaires imposent un effort de stabilisation des dépenses communautaires, la PAC ne doit pas devenir la variable d'ajustement financier des négociations de l'Agenda 2000 ;

I. - Sur la proposition de réforme de l'OCM grandes cultures :

1. Conteste le principe d'une baisse des prix et rappelle la nécessité de maintenir la préférence communautaire ;

2. Demande à la délégation française, afin de soutenir les cultures déficitaires, d'obtenir : le maintien d'un système particulier de soutien aux cultures d'oléagineux et une revalorisation de l'aide aux protéagineux qui sont nécessaires à l'indépendance protéique de l'Europe ; le maintien d'une base spécifique pour le maïs ; la mise en place d'un dispositif de soutien spécifique au développement de l'agriculture biologique et des cultures non alimentaires.

II. - Sur la proposition de réforme de l'OCM viande bovine :

1. S'inquiète des conséquences de cette proposition sur le revenu des producteurs en système extensif, qui jouent un rôle essentiel dans le maintien des exploitations, l'occupation des territoires et la préservation de l'environnement ;

2. Demande à la délégation française d'obtenir, pour faire face aux déséquilibres structurels du marché de la viande bovine, une stabilisation des prix, assortie d'un renforcement des dispositifs de maîtrise de la production, outils indispensables de régulation du marché ;

3. Demande également à la délégation française d'obtenir un supplément de soutien pour l'élevage allaitant, en particulier par la revalorisation de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, le maintien du régime d'intervention publique pour remédier aux crises graves du marché ; une modification du dispositif des enveloppes nationales dans le sens d'une diminution de l'enveloppe globale, d'une modification de sa clé de répartition et du renforcement des critères communautaires pour la distribution nationale des aides.

III. - Sur les propositions relatives à l'OCM lait et au régime des quotas :

Demande à la délégation française de s'opposer à une réforme de l'OCM qui n'apparaît pas nécessaire compte tenu de l'équilibre actuel et prévisible du marché, du coût budgétaire élevé de la proposition faite par la Commission et de son inutile complexité ; d'obtenir en revanche la prorogation du régime des quotas laitiers qui sont, pour l'instant, un élément essentiel de contrôle de l'offre et de maîtrise des dépenses, ainsi que l'introduction d'une souplesse dans leur gestion.

IV. - Sur la proposition relative au développement rural :

1. Approuve le principe du transfert d'une partie des dépenses structurelles vers le FEOGA-Garantie, ces moyens étant destinés à mieux articuler les politiques de développement rural et les politiques de marché ;

2. Demande un renforcement du dispositif d'indemnités pour compensation de handicaps naturels (ICHN), qui joue un rôle essentiel dans le maintien des exploitations dans les régions défavorisées et dans les zones de montagne ; s'oppose aux nouvelles conditions relatives aux pratiques culturales exigées pour leur attribution.

V. - Sur la proposition établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct :

1. Approuve, dans son principe, le triple dispositif de plafonnement, d'écoconditionnalité et de modulation, qui tend à favoriser une meilleure répartition des aides et une plus grande intégration dans la PAC des préoccupations liées à l'emploi et à l'environnement, afin de préserver l'avenir des territoires ruraux et la protection de l'espace et des ressources naturelles ;

2. Demande à la délégation française d'obtenir que le mécanisme de plafonnement communautaire ouvre aux Etats la possibilité d'écrêter les aides en fonction du critère d'emploi, que le dispositif communautaire d'écoconditionnalité définisse le niveau des exigences environnementales requises pour l'octroi des aides directes et que les critères de modulation soient élargis et diversifiés pour permettre aux Etats de disposer de ressources stables et prévisibles pour rémunérer la multifonctionnalité de l'agriculture.

VI. - Demande à la délégation française de souligner les carences du projet de réforme qui : ne prend pas en compte l'ensemble des productions européennes et, en particulier, les productions ovine et caprine, les cultures méditerranéennes, les cultures des régions ultrapériphériques et les autres productions de l'Union européenne, soumises ou non à des organisations de marché ; ne contribue pas à la simplification des mécanismes de soutien ; n'aborde aucune des réformes de structure pourtant nécessaires à la pérennité de la PAC dans une Union européenne plus intégrée.

VII. - Demande le rejet du cofinancement des aides de marché examiné par la Commission qui entraînerait l'abandon à terme de la politique agricole commune, à l'heure où d'autres politiques sociales et économiques doivent impérativement se dessiner et se mettre en _uvre dans l'Union européenne.

VIII. - Demande à la délégation française de s'appuyer sur la résolution adoptée par l'Assemblée nationale pour défendre les intérêts des agriculteurs français et européens dans les négociations en cours.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 17 mars 1999.

Le Président,

Signé : Laurent FABIUS.