
N° 1113
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999,
TOME III
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
COOPÉRATION
PAR M. PIERRE BRANA,
Député
(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.
La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, MM. Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Jean Espilondo, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Claude Lefort, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Jean Rigal, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.
SOMMAIRE
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INTRODUCTION 5
I - UN BUDGET RÉFORMÉ 9
A - UNE RÉFORME NÉCESSAIRE ET ATTENDUE. 9
1) Une réforme souhaitée 9
2) Des principes et de la méthode 10
3) Les modalités de la réforme 12
B - UN BUDGET DE MODERNISATION 16
1) Un effort de rigueur 17
2) Des priorités affichées 18
II -UNE POLITIQUE AFRICAINE RÉNOVÉE 21
A -UNE CONTRIBUTION À LA PAIX EN AFRIQUE 21
1) Des conflits meurtriers 21
2) Non-ingérence et non-indifférence 23
B -UNE FIDÉLITÉ RÉAFFIRMÉE 24
1) Une présence utile et reconnue 24
2) Des liens économiques à renforcer 25
CONCLUSION 27
EXAMEN EN COMMISSION 29
ANNEXES 31
Mesdames, Messieurs,
"Ce ministère de la Coopération ne peut rester comme il est : il devrait être rattaché au Quai dOrsay. Cest indispensable car cest le Quai qui mène la politique de Coopération et qui, au fond, en conduit lapplication.". Ces mots ne sont pas extraits de la déclaration de politique générale de M. Lionel Jospin du 19 juin 1997 dans laquelle il annonçait "lindispensable réforme du dispositif de coopération" mais des souvenirs de Jacques Foccart, tels que du moins il les a retranscrits dans son journal "Tous les soirs avec de Gaulle"; ils auraient été prononcés par ce dernier en janvier 1966.
Cette citation du général de Gaulle rappelle, sil en était besoin, que la réforme de la Coopération est un serpent de mer de la vie politique et administrative française depuis plus de trente ans et que, cycliquement, lidée revient dune absorption des services de la Rue Monsieur par le Ministère des Affaires étrangères.
Une première tentative de fusion entre les corps des deux ministères a été tentée en 1981-1982, mais elle sest heurtée à lépoque à lopposition des personnels des deux départements. Les agents du Ministère de la Coopération craignaient de perdre leur identité, tandis que ceux du Ministère des Affaires étrangères voyaient dun mauvais oeil larrivée de fonctionnaires que lon soupçonnait de ne pas avoir sufffisamment la "fibre diplomatique". Cette opposition au sein des administrations était elle-même lécho dune division au sein du Gouvernement de lépoque entre partisans dune politique qualifiée de tiers-mondiste, et ceux prônant la continuation dune politique de coopération tournée essentiellement vers lAfrique subsaharienne. Cette dernière position la finalement emporté, ce qui a entraîné le changement du Ministre de la Coopération à la fin de lannée 1982.
De même, après les élections présidentielles de 1995, un rapprochement entre les Ministères des Affaires étrangères et de la Coopération a été mis à létude, et les travaux semblaient suffisamment avancés pour que le Ministre des Affaires étrangères de lépoque se crût autorisé à annoncer, lors de la conférence des ambassadeurs daoût 1995, que le Ministère de la Coopération allait être intégré au Quai dOrsay. Mais ce projet a finalement été abandonné à la suite d'un discours du Président de la République, prononcé lors dun voyage en Afrique, à Cotonou, en décembre 1995, où il affirmait sa volonté de voir maintenir un Ministère de la Coopération indépendant avec ses propres moyens.
Ces rappels historiques illustrent que reparler de la réforme de la coopération était chose dangereuse : cétait ouvrir la boite de Pandore. Lexercice nétait donc pas sans risque même si, jusqu'à présent, la réforme finalement entreprise a été placée sous le signe du consensus. Le Président de la République la approuvée et peu de critiques majeures se sont pour linstant fait entendre. Cette apparente facilité est due en grande partie au travail persévérant des deux principaux ministres concernés : MM. Hubert Védrine et Charles Josselin. Votre Rapporteur voudrait leur rendre hommage pour la façon dont ils ont mené cette réforme qui sinscrira dans les faits à partir du 1er janvier 1999.
Le principal avantage de cette réforme, selon votre Rapporteur, même si le Gouvernement se garde bien de lexprimer ainsi pour des raisons diplomatiques, est de rompre définitivement avec une approche post-colonialiste de la Coopération qui prévaut depuis trente ans, tout en essayant de sauvegarder les liens privilégiés quentretient la France avec ses anciennes colonies. Les critiques qui portaient sur les zones dombre de la politique africaine (détournement de l'aide publique au développement (APD), interventions au service de régimes peu recommandables, complaisances clientélistes, etc...) ont été entendues, mais elles nont pas pour autant conduit à brader la relation particulière entretenue par la France avec lAfrique. Ces liens seront maintenus, mais ils devraient être à lavenir être empreints de plus de dignité et dexigence : cest une évolution dont votre Rapporteur se réjouit et pour laquelle il a souvent plaidé.
Cette modernisation dépendra en grande partie de la capacité à faire évoluer les mentalités en même temps que les pratiques et les structures administratives. Votre Rapporteur se félicite cependant dores et déjà de lesprit de rénovation et douverture qui a prévalu à la mise en place de la réforme.
Les crédits de Coopération qui nous sont aujourdhui soumis sont pour la première fois présentés à lintérieur dun budget unique des Affaires étrangères, ce qui ne facilite pas les comparaisons avec lannée passée. Ces crédits ont toutefois été isolés sur des chapitres particuliers. Il est ainsi possible didentifier une somme totale de 10,53 milliards de francs consacrés à la coopération internationale et au développement. A structure constante, les crédits consacrés à la coopération diminuent de 8,16 % en 1999 par rapport à 1998 (voir tableau en annexe).
Le Ministre délégué à la Coopération et à la francophonie na pas caché, lors de son audition devant la Commission des Affaires étrangères, que la Coopération a payé un peu fortement, en termes de crédits, lapplication de la réforme, en précisant toutefois que les économies demandées, notamment dans le domaine de laide technique civile, ne sont pas de nature à porter atteinte à limage et laction de la France en faveur du développement.
Avec 0,45% de son PNB consacré à laide publique au développement en 1997 - contre 0,48% en 1996 -, la France se place au premier rang des pays du G8. En termes de volume, elle se situe au deuxième rang mondial derrière le Japon, mais devant les Etats-Unis et lAllemagne. Loin derrière suivent le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Canada, la Suède et le Danemark. En 1997, le montant de lAPD des pays de lOCDE a diminué pour la cinquième année consécutive de 0,33% en 1992 à 0,22% en 1997. Cest le plus bas niveau jamais atteint.
Le Premier ministre, M. Lionel Jospin, a précisé que les économies éventuelles dégagées par la réforme seraient recyclées dans le processus daide au développement. Votre Rapporteur souhaite que la Commission des Affaires étrangères soit en quelque sorte le gardien de cette promesse et veille à lavenir à ce que la France conserve un haut niveau daide publique au développement, mais aussi que cette aide soit effectivement appliquée à des projets de développement.
La réforme des structures ne doit pas cependant en cacher une autre, tout aussi importante : celle de notre politique africaine. Cest pourquoi, après la présentation des grandes lignes de la réforme de la Coopération et son budget, une seconde partie évoquera la réorientation de notre politique à légard de lAfrique.
I - UN BUDGET RÉFORMÉ
A - Une réforme nécessaire et attendue.
1) Une réforme souhaitée
Votre Rapporteur fait partie de ceux qui appelaient depuis longtemps de leurs voeux une réforme de la Coopération. Il l'avait réclamé en 1992 dans un rapport similaire et sen est à nouveau longuement expliqué lannée dernière. Le dispositif en place depuis le début des années 60 lui semblait devoir être profondément réformé.
Le reproche le plus souvent adressé à lancien dispositif était dêtre marqué par une certaine confusion institutionnelle, conséquence notamment de la multiplicité des intervenants. En 1997, par exemple, le Secrétariat dEtat à la Coopération na contrôlé que 12,5% de lAPD, le reste étant de la responsabilité du Ministère de léconomie et des finances (pour plus de 40 %), du Ministère des Affaires étrangères, de la Caisse française pour le développement, des Ministères de lEducation nationale, de la Recherche et de la Technologie, des DOM-TOM, de lAgriculture... Cet éparpillement aboutissait à une confusion qui empêchait toute vision globale en favorisant les logiques sectorielles et léclatement des prises de décisions. Il en résultait une absence de contrôle politique réel, une lourdeur et une opacité de notre système daide publique contre laquelle on avait essayé de lutter en créant notamment en mars 1996 une instance de coordination : le Comité interministériel de laide au développement (CIAD). De fait, ce Comité est vite apparu comme une réponse insuffisante aux problèmes rappelés ci-dessus : il na dailleurs eu loccasion de se réunir quune seule fois depuis sa création. Cet échec a eu toutefois comme avantage dillustrer la nécessité de construire un dispositif institutionnel à la fois plus simple et plus resserré.
Cette confusion institutionnelle avait également un autre inconvénient majeur : celui de faire jouer à lEtat toute une série de rôles souvent peu compatibles entre eux, puisquil était à la fois le concepteur de la politique suivie, lautorité de tutelle des organismes publics et lopérateur direct de nombreuses actions de coopération.
Le second reproche que lon pouvait adresser à lancien dispositif était de contribuer insuffisamment à la lisibilité de notre politique de coopération. Le tableau cité en annexe qui met en regard pour chaque pays le montant de notre aide publique par habitant avec celui du PNB par habitant, illustre, sil en était besoin, que le critère de pauvreté nest pas le seul à être pris en compte pour lattribution de laide. Votre Rapporteur ne trouve à cela rien de choquant dans son principe : la bonne gestion des affaires publiques, lexistence dun état de droit, le respect des principes démocratiques et des droits de lHomme doivent - ou devraient- bien évidemment être tout autant pris en considération. Ces critères doivent être prédominants, ils ne l'ont pas toujours été dans le passé. Encore faut-il retenir quelques lignes de cohérence ! Pour y contribuer, et compte tenu de leffacement progressif des frontières entre les questions bilatérales et multilatérales, politiques et économiques, M. Hubert Védrine appelait de ses voeux lacquisition dune "vision panoramique" des problèmes diplomatiques.
Enfin, dernier reproche qui était souvent entendu, notre ancien dispositif de coopération avait quelques difficultés à adapter ses programmes aux mutations politiques, économiques et sociales que connaissent depuis quelques années les pays du sud. La France avait trop tendance à multiplier les aides hors-projet, à privilégier des approches unilatéralistes et interventionnistes de laide au développement, peu propices à une participation directe et active des populations. Limplication de celles-ci constitue pourtant une condition nécessaire à la réussite à moyen terme des politiques de développement. Des efforts douverture du dispositif, notamment vers la société civile, apparaissaient donc comme indispensables.
2) Des principes et de la méthode
La réforme de la Coopération a été, de laveu même du Gouvernement, guidée par quatre principes :
- le renforcement de lunité de conception et de coordination de laction de la France en matière de coopération internationale;
- lamélioration de son efficacité et la modernisation de ses procédures;
- la promotion du partenariat et la valorisation des complémentarités;
- un accroissement de la lisibilité de nos actions et lélargissement de la participation de la société civile.
Ces quatre principes témoignent de la volonté du Gouvernement de répondre aux critiques rappelées ci-dessus. Ils expliquent pourquoi la fusion entre la Rue Monsieur et le Quai dOrsay a finalement été préférée à la création dun grand ministère du développement, dont lidée avait été envisagée et qui aurait regroupé les compétences du Secrétariat dEtat à la Coopération et une partie de celles du Ministère des Affaires étrangères.
Ce souci affirmé defficacité, de rationalisation et de modernisation na pas conduit toutefois à supprimer le Ministère de la Coopération. De fait, depuis la création de ce ministère sous cette dénomination par le décret du 18 mai 1961, chaque gouvernement a comporté un titulaire de la Coopération. La seule exception fut le dernier gouvernement Messmer, de mars à mai 1974, mais ce fut davantage le fait dun oubli, imputable à des changements de dernière minute et des subtilités de dosage politique, que dune volonté délibérée. La Coopération a été, en février dernier, élevée du rang de Secrétariat dEtat à celui de Ministère délégué. Cest une promotion dont votre Rapporteur se réjouit pour M. Charles Jossselin, qui siègera désormais chaque semaine au conseil des ministres, et dont les compétences ne sont plus limitées exclusivement aux pays en développement mais concernent lensemble des pays étrangers notamment en ce qui touche la coopération culturelle, scientifique et technique et les négociations internationales.
Lune des raisons qui expliquent l'aboutissement de la réforme de la Coopération est sans doute la méthode retenue de consultation et de concertation. Une première phase de consultation a duré tout le second semestre 1997 pour déboucher sur une communication le 4 février 1998 en conseil des ministres. Puis un comité de pilotage a été créé fin février 1998 sous la responsabilité de MM. François Nicoullaud et François Mimin, dont la tâche était de concevoir une nouvelle organisation administrative et dorganiser la concertation avec les personnels. Ils ont animé la réflexion de groupes de travail administratifs sur cinq thèmes prioritaires : lorganisation des services gestionnaires, lintégration des personnels et la fusion des corps, la structure opérationnelle, lintégration budgétaire, et enfin lorganisation des réseaux à létranger. Ce travail a débouché sur lélaboration dun projet qui devrait être officialisé par un décret portant organisation des services du Ministère des Affaires étrangères. La nouvelle structure devrait être en place le 1er janvier 1999. Dores et déjà toutefois, depuis le début de ce mois doctobre, les deux directions chargées des affaires administratives ont fusionné en une seule direction générale de ladministration ayant la responsabilité de la gestion des ressources humaines et des moyens matériels et financiers.
Selon M. Charles Josselin, les discussions nont pas toujours été faciles, notamment celles qui, avec le quai dOrsay, ont porté sur les structures et les conditions de lintégration des personnels, et celles qui avec Bercy, ont concerné la répartition entre le bloc finances et le pôle diplomatique, en particulier sur la tutelle de la Caisse Française de développement.
Si l'efficacité et la lisibilité de la politique de coopération seront ainsi incontestablement améliorées, il est néanmoins probable que des problèmes subsisteront, notamment entre les deux blocs financier et diplomatique, et que l'effort de rationalisation et de coordination devra être poursuivi.
3) Les modalités de la réforme
La première modalité est une tentative de rationalisation des institutions en charge de la Coopération.
Cette volonté de rationalisation sexprime tout dabord par la formation "dun grand ensemble diplomatique" sous lautorité du Ministre des Affaires étrangères. Le communiqué du conseil des ministres du 4 février 1998 parlait pudiquement dun rapprochement des administrations centrales. De fait, une simple juxtaposisition aurait entraîné, au mieux des doublons, au pire des conflits de compétences. Le choix de la fusion, qui entraîne une réorganisation en profondeur des services, devrait permettre de donner plus de force et de cohérence à la nouvelle organisation.
La nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) regroupe la direction du développement et le service de la coordination géographique et des études du ministère délégué à la coopération ainsi que lancienne direction générale de la coopération culturelle, scientifique et technique du Ministère des Affaires étrangères. La nouvelle DGCID est organisée autour de quatre directions sectorielles qui représentent les quatre grands domaines daction de la coopération internationale : direction du développement et de la coopération technique; direction de la coopération culturelle et du français; direction de la coopération scientifique, universitaire et de recherche; direction de laudiovisuel et des techniques de communication. Ces dernières ont vocation, chacune dans son domaine, à mobiliser les savoir-faire français qui peuvent être mis à la disposition des partenaires étrangers. A ces directions par métier, sajoute une direction de "pilotage", la direction de la stratégie, de la programmation et de lévaluation, dont la fonction est double : dune part, orientation, synthèse et mise en cohérence des politiques de coopération, tant géographique que sectorielle; dautre part mise en oeuvre et contrôle dutilisation des moyens, tant humains que budgétaires mis à disposition.
Toutefois, un certain nombre de services précédemment intégrés dans ladministration du Ministère délégué se situent en dehors de la DGCID.
Il en est ainsi de la Mission militaire de coopération (MMC) qui, réunie avec lancienne sous-direction de laide militaire du Quai dOrsay, est tranformée en une direction de coopération militaire et de défense, placée au sein de la direction générale des affaires politiques et de sécurité. De même, lintégralité des problèmes concernant la francophonie sera traitée par le service des affaires francophones, alors que la cellule durgence intégrera le service de laction humanitaire.
Sur le terrrain, les missions de coopération seront transformées en services de coopération et daction culturelle au sein des ambassades, les chefs de mission se transformant en chefs de service. Les centres de l'Agence Française de Développement (AFD), qui assurent déjà la réalisation des projets et programmes dans les secteurs productifs et techniques, verront leurs compétences étendues aux domaines sociaux (éducation, santé). LAFD, dont la zone de compétence normale sera la Zone de solidarité prioritaire (ZSP) mais qui pourra également intervenir en dehors de cette zone, deviendra ainsi le véritable opérateur-pivot de la coopération. LEtat ne conservera que la gestion des crédits daide aux secteurs de souveraineté : justice, état de droit, défense, police.
En ce qui concerne les personnels, la fusion au sein du Ministère des Affaires étrangères interviendra progressivement, corps par corps, au cours des deux années à venir. Le Ministère de la Coopération ne dispose pas aujourdhui de corps spécifique; tous les corps existants sont à statut interministériel et, exception faite des administrateurs civils, ont en regard un corps homologue au Ministère des Affaires étrangères.
Deux options sont actuellement envisagées. La première consisterait en une fusion simple avec les corps strictement homologues du Ministère des Affaires étrangères qui interviendrait sans aucune modification statutaire et indiciaire. La seconde donnerait lieu à la création de nouveaux corps uniques du Ministère des Affaires étrangères, qui réuniraient corps dadministration et corps de chancellerie, dont les statuts resteraient à élaborer mais qui devraient rester sans incidence indiciaire. Si cette dernière solution devait être retenue, une première fusion ayant valeur de test serait faite entre les corps dattachés dadministration centrale du Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération et le corps des secrétaires adjoints des Affaires étrangères. Cette expérience pourrait être ensuite étendue aux corps de catégorie B et C. Enfin, il sera procédé rapidement à lintégration, avec droit doption, des administrateurs civils de la Coopération dans le corps des secrétaires et conseillers des Affaires étrangères. Compte tenu du délai doption, cette intégration pourrait être achevée avant la fin de lannée 1999.
Cette réforme devrait permettre la rationalisation de la coopération autour de deux grands pôles, dont les préoccupations, il faut toutefois le reconnaître, sont loin dêtre toujours convergentes : les Affaires étrangères dune part, lEconomie, les Finances et lIndustrie dautre part. Cette dyarchie est notament symbolisée par le partage entre les deux ministères du secrétariat du nouveau comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID). Cette réforme ne devrait pas diminuer le rôle du ministère de lEconomie et des Finances, qui continuera à contrôler une part essentielle de lAPD (44% en 1997), notamment dans le cadre de la gestion des protocoles financiers et sa participation aux principales institutions financières internationales, en particulier celles de Bretton Woods.
Ce CICID, qui sest substitué à lévanescent comité interministériel daide au développement, a pour fonction principale de veiller à la cohérence des priorités géographiques et sectorielles des diverses composantes de la coopération française. Composé des principaux ministres intéressés (affaires étrangères, économie, intérieur, outre-mer, défense, éducation, recherche...), il se réunira pour la première fois au début du mois de décembre prochain, pour notamment déterminer la zone de solidarité prioritaire. Il est chargé également d'établir en début de chaque année les orientations d'une programmation globale et d'évaluer la conformité de notre aide aux objectifs fixés. Le rôle joué par le CICID est lune des grandes inconnues de cette réforme et dépendra du caractère plus ou moins "permanent"de son activité. Votre Rapporteur insiste sur l'importance de la fonction d'évaluation qui doit concerner annuellement l'ensemble des projets et des programmes.
La deuxième modalité de cette réforme de la Coopération est la volonté de maintenir des liens étroits avec les partenaires traditionnels de la France, notamment à travers la création dune zone de solidarité prioritaire (ZSP). Certains chefs dEtat africains, notamment ceux représentatifs de la première génération des dirigeants de lAfrique francophone indépendante, auraient souhaité la création dun "ministère des Affaires africaines". Cette solution na pas été retenue mais la création de la ZSP qui a vocation a comprendre "les pays les moins développés en termes de revenus et nayant pas accès au marché des capitaux" est une garantie que lAfrique francophone sera certes désormais traitée à légal du reste du monde mais néanmoins, pour reprendre les mots du Premier ministre, "avec plus damitié et de générosité". Cette ZSP, dont les contours ont été conçus comme souples et évolutifs, concentrera lessentiel de lAPD bilatérale de la France. Votre Rapporteur souhaite quelle joue un rôle de promotion des valeurs démocratiques, y compris par la pratique dévictions-sanctions en cas de corruption ou de non-respect des droits de lHomme. Il souhaite aussi que priorité soit donnée effectivement à des opérations de lutte contre l'extrême misère. En 1997 on assiste encore à 25 000 décès quotidiens d'enfants de moins de 5 ans dans le monde par faute de soins ordinaires et de nourriture, la plupart en Afrique sub-saharienne.
Un accord de partenariat pour le développement sera conclu avec chaque pays de la ZSP. Cet accord précisera, dans un cadre pluriannuel, les différents domaines de coopération : développement, action culturelle, coopération militaire, maîtrise des flux migratoires... Cette contractualisation se veut le symbole dune relation dégal à égal, et témoigne de la volonté de la France de privilégier des rapports adultes avec les pays aidés.
Enfin, la troisième modalité prévoit une meilleure association de la société civile au travail de définition et au dialogue nécessaire à la mise en oeuvre des missions de la coopération. A cette fin, et conformément à une suggestion émise par les ONG lors des assises nationales de la solidarité internationale doctobre 1997, il est prévu de créer un Haut conseil de la coopération internationale. Cette instance rassemblera les différents acteurs de la Coopération : administration, collectivités locales, ONG, organisations professionnelles et syndicales, entreprises, enseignants, journalistes... Votre Rapporteur demande à ce que les parlementaires y soient associés. Ce Haut conseil, au rôle consultatif, devrait être un lieu dinformations et de débats et un moyen dexprimer questions et recommandations.
Le nouvel organigramme prévoit également au sein de la DGCID une mission pour la coopération non gouvernementale qui a recueilli les compétences de lancien bureau commun pour la vie associative ainsi que de lancienne unité administrative qui traitait de la coopération avec les collectivités locales.
Au terme de cette rapide présentation, votre Rapporteur voudrait donner son sentiment sur cette réforme qui sinscrit somme toute dans la lignée dune évolution que lon observe depuis le début des années 1990. Labandon de la notion de pré carré avec lélargissement du "champ" à dautre pays que les anciennes colonies françaises puis sa suppression, la méfiance de plus en plus grande vis-à-vis de toute action pouvant être interprétée comme une ingérence dans les affaires internes dun Etat, méfiance symbolisée notamment par la réduction du dispositif militaire français en Afrique, la perte progressive dautonomie et dimportance de ladministration de la Rue Monsieur par rapport au Quai dOrsay, sont à bien des égards des tendances en cours depuis plusieurs années. Cette réforme, qui entérine la disparition des services du Ministère de la Coopération, a le mérite, et il nest pas mineur, de donner un cadre institutionnel rénové à cette évolution. Par son double aspect symbolique et concret, elle constitue une étape importante dans lhistoire des relations de la France et de ses anciennes colonies africaines.
B - Un budget de modernisation
Le budget unique Affaires étrangères/Coopération pour 1999 est en recul de 0,7% par rapport au cumul des budgets Affaires étrangères et coopération en 1998 : les crédits passent de 20,92 à 20,77 milliards de francs. Lanalyse de lévolution des crédits consacrés à la coopération - eux-mêmes en recul de 8,16 %) - est rendue très délicate du fait de lintroduction dune nouvelle nomenclature budgétaire.
1) Un effort de rigueur
Il est difficile dévaluer précisément les économies déchelle que provoquera à moyen terme la réforme de la Coopération.
En termes deffectifs tout dabord, sur les 131 emplois budgétaires supprimés en 1999 pour lensemble Affaires étrangères-Coopération, seulement 12 suppressions concernent directement la Coopération.
Leffort demandé est plus important en revanche pour les postes non budgétaires, en particulier pour les postes dassistants techniques qui diminuent de 170 unités, pour un effectif total en 1997 de 2593. Cette diminution ne fait que continuer un mouvement commencé en 1986. Elle est justifiée par la transformation dune assistance technique en une coopération dexpertise et de conseil, qui nécessite des coopérants moins nombreux mais plus qualifiés et expérimentés. Cet argument serait cependant plus recevable sil saccompagnait dune véritable réflexion sur le rôle et le volume de lassistance technique directe dans le nouveau dispositif de la coopération française. La discrétion du Gouvernement sur ce sujet sexplique peut-être par la mission confiée à M. Jean Nemo, ancien directeur général de lORSTOM. Il est temps cependant que le volume de lassistance technique cesse de jouer chaque année le rôle dune variable dajustement budgétaire.
Les montants des concours financiers sont en baisse de 305 millions de francs, ce qui doit être perçu comme une bonne nouvelle puisquelle nest que le reflet de lamélioration de la situation économique et financière des pays de lex-champ et en particulier des pays de la zone franc. Cette amélioration limite dautant les besoins de financement des Etats de la région. Votre Rapporteur prend acte de cette analyse, mais aurait souhaité que les économies réalisées sur les concours financiers soient recyclées dans laide-projet, afin davoir un effet levier sur léventuelle reprise des investissements entrainés par le retour dune marge de manoeuvre budgétaire. Or, malheureusement tel nest pas le cas. Les crédits de paiements qui alimentent le Fonds daide et de coopération et les projets de lAgence française de développement sont en baisse respectivement de 55 et 174 millions de francs. Nous touchons là un plancher sur lequel viendront buter nos actions. Il est vrai toutefois que la stabilité du montant des autorisations de programme préserve le moyen terme.
De fait, il nest pas sûr, selon votre Rapporteur, que le rétablissement des finances publiques que lon constate aujourdhui dans de nombreux pays africains soit tout à fait assuré. Les effets de la crise économique asiatique devraient se faire durement ressentir en Afrique centrale en raison de la baisse des recettes dexportations liées au bois, en Afrique de lOuest en raison de la baisse des recettes dexportations liées au coton, et pour les pays pétroliers, en raison de la baisse des recettes dexportations liées au pétrole, aggravées encore par la baisse du dollar. La stabilité que lon constate aujourdhui est peut-être en trompe-loeil.
2) Des priorités affichées
Ce budget présente le mérite dafficher très clairement un certain nombre de priorités.
La première priorité concerne le renforcement de notre capacité dinfluence culturelle.
Votre Rapporteur citera simplement pour mémoire, puisque ces crédits font lobjet dune étude détaillée dans un autre avis budgétaire de la Commission des Affaires étrangères, laugmentation des crédits consacrés à laction audiovisuelle extérieure qui dépassent pour la première fois le milliard de francs (chapitre 42-26, article 10). Face à la concurrence américaine, il devient urgent daccroître, de manière substantielle, les capacités de diffusion à léchelle mondiale de RFI, de CFI et de TV5 et du bouquet satellitaire francophone.
Votre Rapporteur se réjouit également de la hausse du montant des contributions volontaires aux dépenses internationales ( + 50 millions sur le chapitre 42-32) qui devrait contribuer à renforcer linfluence de la France et du français au sein des organismes internationaux. La France a en ce domaine un lourd retard à rattraper puisquelle se situait en 1997 seulement au 13ème rang des contributeurs de lUNICEF, au 12ème de ceux du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), au 12ème de ceux du Programme alimentaire mondial (PAM) et au 14ème de ceux du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR).
Il est à noter également que la subvention à lAgence pour lenseignement français à létranger augmente de 104,4 millions de francs (chapitre 36-30, article 10).
La deuxième priorité concerne notre politique menée en faveur des futures élites africaines. La coopération dans le domaine de la formation est traditionnellement un point fort de la présence française à létranger. Plus de 20 000 bourses sont offertes à des étrangers chaque année. Plus de 800 millions de francs figurent à ce titre au budget pour 1999 du Ministère des Affaires étrangères. Mais la formation des cadres des pays en développement devenant un marché très concurrentiel, du fait notamment de lattraction de plus en plus grande exercée par les universités anglo-saxonnes, la France se devait de réagir, de mettre en place un dispositif daccueil et de suivi pédagogique et administratif adapté aux besoins des étudiants étrangers. Cet effort se traduit notamment par une augmentation de 5,4 millions des crédits destinés à la coopération culturelle et scientifique (chapitre 42-11).
Enfin, la troisième priorité concerne une meilleure association de la société civile à la politique daide au développement. Voilà pourquoi les collectivités locales et les ONG sont favorisées par le budget 1999. Les crédits de la Coopération décentralisée (chapitre 42-13, article 50), avec 37,7 millions de francs, bénéficient ainsi dune hausse de un million de francs.
Mais au-delà des crédits, la coopération décentralisée doit aussi faire l'objet d'une meilleure coordination des différentes initiatives.
II -UNE POLITIQUE AFRICAINE RÉNOVÉE
A -Une contribution à la paix en Afrique
1) Des conflits meurtriers
Les années 1997 et 1998 ont été marquées, en Afrique, par la persistance de nombreux foyers de tension mais aussi lirruption de crises nouvelles, que votre Rapporteur voudrait brièvement retracer.
En ce qui concerne les conflits inter-étatiques, le différend entre le Cameroun et le Nigeria, sur la possession de la péninsule de Bakassi, qui dure depuis 1993, a donné lieu à de nouveaux incidents entre les armées de ces deux pays en novembre 1997 et février 1998. La France intervient régulièrement pour inciter les deux parties à la retenue dans lattente de larrêt que doit rendre fin 1999 la Cour internationale de justice.
Un incident armé le 6 mai 1998 à la frontière éthio-érythréenne, suivi le 12 mai de lincursion de militaires érythréens dans la région de Badme en territoire éthiopien a dégénéré en conflit ouvert entre lEthiopie et lErythrée. Une médiation de lOUA est en cours. La France soutient cette médiation et sattache à observer une stricte neutralité dans ce conflit.
Mais les conflits les plus nombreux ont pour origine des problèmes internes.
Il en est ainsi tout dabord en Afrique de lOuest. La Casamance est parcourue de mouvements séparatistes, regroupés au sein du Mouvement des forces démocratiques de Casamance. La stabilité de la République centrafricaine, qui a connu trois mutineries en 1996 dont la dernière avait provoqué lintervention des troupes françaises, nest toujours pas assurée en dépit de laction positive de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine (MINURCA). En Guinée-Bissao, le Président Vieira, très affaibli politiquement, doit faire face à des mutins, qui semblent bénéficier de la sympathie des populations. La situation intérieure du Liberia, à lissue de sept années de guerre civile, est en voie de normalisation mais reste fragile. En Sierra Leone enfin, après un coup dEtat raté en mai 1997, les rebelles continuent de mener des attaques sporadiques à lintérieur du pays.
En Afrique centrale et orientale, la situation est particulièrement inquiétante ; cette zone est en train de devenir un des éléments majeurs de déstabilisation de lAfrique. Au Congo, la victoire par les armes de Sassou Nguesso contre Pascal Lissouba en octobre 1997, après une intervention de larmée angolaise, a donné naissance à un régime autoritaire, sans perspectives immédiates délections. Le gouvernement nayant pas réussi à récupérer les armes des milices, une guérilla continue dans les campagnes. La République démocratique du Congo est en proie depuis le début du mois daoût 1998 à une crise profonde qui a pris rapidement une dimension régionale. Cette crise trouve son origine dans le problème non résolu depuis de nombreuses années de la minorité tutsie rwandophone (les Banyamulenge) établie de longue date dans la province orientale du Kivu, à la frontière du Rwanda et du Burundi. En entrant en conflit avec cette minorité qui, avec laide des régimes rwandais et ougandais, a joué un rôle déterminant dans sa prise du pouvoir, Laurent Kabila a provoqué une crise profonde qui la contraint à faire appel au soutien militaire de lAngola, du Zimbabwe et de la Namibie. LOuganda, dont le régime reste stable, doit compter avec une rébellion agissante soutenue par le Soudan. Ce dernier pays pour sa part doit également faire face à une rébellion qui contrôle la zone sud du pays et à une opposition nordiste extérieure qui, soutenue par les pays voisins, a fait le choix de la lutte armée. La Somalie est sans gouvernement depuis la chute de Siyad Barre en 1991. Si le nord (république autoproclamée du Somaliland) et le nord-est (région autoproclamée autonome du Puntland) connaissent une stabilité relative, le centre et le sud du pays, en particulier la capitale, Mogadiscio, sont en état de guerre. En revanche, le Burundi a entamé un processus de paix interne et de réconciliation nationale. Votre Rapporteur, qui a eu loccasion de se rendre dans ce pays au cours de lété 1998, souhaite que la France contribue par son action à la levée de lembargo décrété par les pays voisins, dont les effets napparaissent plus aujourdhui servir le processus de paix auquel sest prêté le Burundi sous légide du facilitateur Julius Nyerere.
En Afrique australe, lAngola connaît actuellement sa plus grave crise depuis la signature du Protocole de Lusaka de novembre 1994, qui avait relancé laborieusement le processus de paix. Les deux parties semblent sêtre désormais engagées à nouveau dans une logique daffrontement.
Enfin, dans lOcéan indien, en République fédérale islamique des Comores, une solution durable na pas encore été trouvée à la revendication indépendantiste anjouanaise qui sétait violemment exprimée en juillet 1997.
2) Non-ingérence et non-indifférence
Tout au long de ces crises, le Gouvernement français a mis en application, l'année écoulée, les principes complémentaires de "non-ingérence" et de "non-indifférence" que le Premier ministre a cités dans son discours du 3 septembre 1998 à lIHEDN comme les principes fondateurs de la nouvelle politique africaine de la France.
Dans la crise anjouanaise, par exemple, et malgré les sollicitations dont elle était lobjet, la France sest rangée aux côtés de ses partenaires de la Commission de lOcéan indien pour appeler les parties concernées à poursuivre leur dialogue sous légide de lOUA. Elle a toutefois alloué en juillet 1998 un crédit de 20 millions de francs en faveur de projets de développement économique et social de la République fédérale islamique des Comores, afin de faciliter la reprise du dialogue inter-îles.
De même, pour la Guinée-Bissao, la France, qui considère comme seule autorité légitime le Président Vieira, a appelé les parties en présence à rechercher une solution pacifique à leur conflit, dans le respect de lordre constitutionnel existant. Malgré les nombreuses sollicitations dont elle a été lobjet, elle sest attachée à ne pas singérer dans ce conflit interne et à ne pas interférer avec les différentes tentatives de médiation.
De même, en ce qui concerne la crise que traverse aujourdhui la République démocratique du Congo, la France a repris lidée de Conférence pour la paix avancée dès 1994, tout en affirmant quil appartenait en premier lieu aux pays concernés de manifester une réelle volonté.
Tous ces exemples témoignent que la France nentend pas - ou n'entend plus - arbitrer des conflits politiques internes aux pays africains.
Cette volonté sexprime clairement dans le domaine de la sécurité où la France estime désormais, comme la exprimé le Premier ministre, que "la première responsabilité revient aux Africains eux-mêmes, qui peuvent néanmoins compter sur notre soutien en faveur de la paix et de la stabilité du continent". Le projet RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix ) vise à permettre aux pays dAfrique dêtre en mesure de mettre sur pied, en cas de besoin, des unités capables dêtre engagées dans des opérations internationales. Des efforts particuliers ont été accomplis dans quatre domaines : linstruction, avec en 1999, louverture à Zambakro, en Côte dIvoire, dune école de maintien de la paix; lentraînement, avec lexercice pratique baptisé "Guidimaka" qui a mobilisé en février 1998, 3 500 hommes, dont 2 600 Africains de huit pays, afin de renforcer la capacité de ces pays à conduire des opérations de maintien de la paix; léquipement avec le prépositionnement par la France de matériels nécessaires pour léquipement des forces africaines intervenant dans le maintien de la paix; et enfin laide à lOUA, notamment à travers une subvention de 6 millions de francs au profit du centre de prévention des conflits de cette organisation.
B -Une fidélité réaffirmée
1) Une présence utile et reconnue
Existe-t-il un réel danger pour la France dêtre évincée de lAfrique ? Les tenants de cette thèse font ressortir lesprit de Fachoda pour évoquer ce quils voudraient décrire comme une menace anglo-saxonne, les Etats-Unis remplaçant la Grande-Bretagne dans son entreprise déviction de la France.
Votre Rapporteur est assez dubitatif sur le regain dintérêt des Etats-Unis pour le continent africain. Certes, le voyage du Président Clinton en Afrique a fait figure de tournée historique puisque cela faisait vingt ans, si lon écarte la rapide visite de Georges Bush aux troupes américaines en Somalie en 1992, quun président américain navait pas mis le pied sur ce continent. De fait, au-delà du succès médiatique, les positions des Etats-Unis nont guère évolué, notamment dans leur stratégie du "trade, but not aid". Le Président Mandela ne sy est pas trompé, qui a jugé que la récente loi américaine sur le commerce et les investissements en Afrique, pourtant adoptée quelques jours avant le début du voyage de M. Clinton, nétait simplement "pas acceptable". Les Sud-africains nont guère caché qu'ils soupçonnent les Etats-Unis de vouloir étendre leur emprise commerciale sur le continent sans contrepartie réelle.
Plus dangereuse apparaît la tendance actuelle des jeunes élites africaines de préférer les universités américaines aux universités françaises pour leur formation. Votre Rapporteur souhaite quune réflexion soit conduite sur les nouvelles orientations stratégiques à donner à la politique des bourses afin de renverser cette tendance.
2) Des liens économiques à renforcer
La France demeure le premier partenaire commercial des cinquante-quatre pays du continent africain, au sein duquel la Zone franc représente, bon an mal an, un tiers des flux dexportation. Huit cents sociétés françaises sont présentes dans cette Zone, dont nombre dentre elles sont des filiales de groupes, ayant des dimensions de PME-PMI. Daprès une enquête menée en 1997, 75% de ces entreprises seraient bénéficiaires; 13% présenteraient des résultats équilibrés, et 12% seulement accuseraient un déficit. Ainsi, malgré des conjonctures contrastées dun pays à lautre, les résultats de gestion ont retrouvé, en zone franc, un régime de croisière satisfaisant. Toutefois, alors que les conséquences de la dévaluation du franc CFA sont aujourdhui maitrisées, la relance des investissements des sociétés françaises demeure timide. Or, ces dernières représentent, selon les pays, 50% ou plus, du produit intérieur brut du secteur productif et commercial formel. La relance de leurs investissements conditionne en conséquence le développement économique des pays concernés. Des problèmes liés à lenvironnement politique des affaires continuent daffecter la confiance des investisseurs concernés aussi la France sefforce-t-elle de développer sur le terrain des projets damélioration de lenvironnement juridique et fiscal.
Il existe également certaines inquiétudes sur le devenir de la Zone franc après le passage à leuro le 1er janvier 1999. Certains pays sinquiètent de la perte par la France dune partie de sa souveraineté monétaire au profit de lUnion européenne dont ils craignent les intentions. Ces inquiétudes ne semblent pas fondées. Les gains de compétitivité obtenus en janvier 1994 nont pas été remis en cause et il nexiste, selon les experts du FMI et des grandes banques, aucune raison économique et financière de dépréciation du franc CFA. Au contraire, le passage à la monnaie unique peut être considéré comme une possibilité pour les pays africains dobtenir un accès plus large au grand marché, ce qui est de nature à favoriser leur intégration régionale et leur insertion dans léconomie mondiale.
CONCLUSION
La réforme de la Coopération nen est quà son premier acte. Sa meilleure chance de succès tient dans ce que le changement institutionnel semble correspondre au changement dune politique, lun appuyant lautre. Il reste bien sûr lessentiel : la mise en oeuvre des principes et des intentions.
Les moyens que met la France au service de la solidarité internationale sont, il est vrai, en lègère diminution. Mais nous pouvons légitimement espèrer que leffort de rationalisation et de modernisation de nos actions compensera ces restrictions.
Au bénéfice de ces considérations, votre Rapporteur vous invite à donner un avis positif à ladoption de ces crédits.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 28 octobre, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Brana, les crédits de la Coopération pour 1999.
Après lexposé du Rapporteur, M. Jacques Myard, après avoir souligné la baisse des crédits de la Coopération et rappelé son accord de principe au processus de réforme, s'est inquiété des structures de la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) qu'il a jugée inopérationnelle. Il a regretté que le principe d'une double direction - l'une chargée de la coopération en Afrique, l'autre du reste du monde - n'ait pas été retenue.
M. Jacques Godfrain a rappelé que la réforme de la Coopération avait été engagée par le précédent gouvernement comme en témoigne la création du Comité interministériel de l'aide au développement, afin d'améliorer la coordination. Il a regretté que la nouvelle zone de solidarité prioritaire ne soit toujours pas définie. Il a dénoncé l'incohérence qu'il y avait, selon lui, à se faire le défenseur de l'aide au développement dans les instances internationales tout en réduisant les crédits au niveau national. Il s'est indigné de la baisse très importante du nombre de coopérants techniques. Il a demandé si le Rapporteur, en appelant de ses voeux une coopération digne et exigeante, estimait l'ancienne politique indigne et laxiste.
Mme Yvette Roudy a demandé des précisions sur le montant des bourses, l'identité de leurs bénéficiaires et leur suivi. Elle s'est inquiétée du statut des coopérants mis à la disposition des gouvernements - parfois peu démocratiques - et de leur sécurité.
M. Pierre Brana a estimé que la DGCID, divisée entre quatre directions sectorielles et une direction de pilotage, présentait des garanties de cohérence. Il a estimé que M. Godfrain avait raison de s'inquiéter de la baisse du montant de notre aide publique au développement et qu'il avait demandé que les parlementaires soient représentés au sein du Haut conseil de la coopération internationale.
M. Pierre Brana a précisé que par son appel à la dignité et à l'exigence, il n'avait pas voulu dénoncer tel ou tel ministre, mais la pratique répandue des "éléphants blancs", de certains investissements dont les pays n'ont pas les moyens d'assurer la maintenance et le gaspillage de l'aide publique.
Le montant des crédits destinés aux bourses en 1999 s'élève à 800 millions de francs ; elles sont destinées aux meilleurs élèves pour former la future élite africaine.
Le Président Jack Lang a rappelé que Mme Alliot-Marie avait présenté au nom de la Commission des Affaires étrangères un rapport sur les bourses.
Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Coopération.
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