N° 1114
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078).
TOME II
DÉFENSE
DISSUASION NUCLÉAIRE
PAR M. René GALY-DEJEAN,
Député.
(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.
La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :
M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Michel Voisin, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Elie Hoarau, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Marius Masse, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Arthur Paecht, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Philippe de Villiers, Jean-Claude Viollet, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.
S O M M A I R E
Pages
PRÉAMBULE 5
PREMIÈRE PARTIE
LE CONTRÔLE DES ARMEMENTS ET LE DÉSARMEMENT,
LÉTAT ACTUEL DE LA PROLIFÉRATION
I. LES ACCORDS INTERNATIONAUX 12
A. LES TRAITÉS BILATÉRAUX ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET
LEX-URSS 12
1. Les accords START 12
2. Le traité ABM 16
B. LES TRAITÉS MULTILATÉRAUX : LA NON-PROLIFÉRATION 17
1. Les zones exemptes darmes nucléaires 17
2. Le Traité de non-prolifération nucléaire 18
3. Le Traité dinterdiction complète des essais nucléaires 21
4. Le contrôle des matières fissiles 23
II. LATTITUDE FRANÇAISE À LÉGARD DE LA DISSUASION
NUCLÉAIRE 24
III. LA PROLIFÉRATION 27
A. LA DISSÉMINATION ET LE TERRORISME NUCLÉAIRE 28
1. Les liens entre latome civil et militaire 28
2. La dissémination des technologies et des cerveaux 30
a) Les transferts technologiques 31
b) Lexpatriation des cerveaux 33
3. La contrebande de matières et le terrorisme nucléaire 34
B. LÉTAT DE LA PROLIFÉRATION NUCLÉAIRE 37
1. La prolifération nucléaire au Moyen-Orient et autour du
bassin méditerranéen 38
2. La prolifération en Asie 41
3. La prolifération dans le sous-continent indien 42
4. Les pays ayant officiellement renoncé à loption nucléaire
militaire 45
C. LES LIENS ENTRE PROLIFÉRATION NUCLÉAIRE ET PROLIFÉRA-
TION BALISTIQUE 47
DEUXIÈME PARTIE
LE FINANCEMENT DE LA DISSUASION
I. LÉVOLUTION DES CRÉDITS ET DES MOYENS DE LA DISSUA-
SION 49
A. LÉVOLUTION DES CRÉDITS DESTINÉS À LA DISSUASION 49
B. LÉVOLUTION DES MOYENS DE LA DISSUASION 53
1. La Force océanique stratégique (FOST) 57
a) La nouvelle posture stratégique de la FOST 58
b) Le programme SNLE-NG 59
c) Les missiles balistiques 61
2. La composante aéroportée 63
a) La configuration actuelle 63
b) Lévolution de la composante aéroportée 64
3. Les programmes de simulation 66
a) Le programme français 66
b) La simulation à létranger 69
II. LE PROJET DE BUDGET AFFECTÉ À LA DISSUASION POUR
1999 69
A. LES CRÉDITS DE RECHERCHE 72
B. LES SYSTÈMES DARMES 73
1. Le renouvellement des sytèmes darmes 73
2. Le maintien en condition opérationnelle (MCO) 74
C. LES PLATES-FORMES 75
D. LES PROGRAMMES DE TRANSMISSION 76
E. LES RESTRUCTURATIONS DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS
MILITAIRES DU CEA 77
F. LES CRÉDITS CONSACRÉS AUX OPÉRATIONS DE DÉMANTÈ-
LEMENT 79
1. Le démantèlement du système Hadès 79
2. Le démantèlement des usines de production de matières
nucléaires 80
3. Lavenir du plateau dAlbion 81
TRAVAUX DE LA COMMISSION 83
I. AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE 83
II. EXAMEN DE LAVIS 98
Mesdames, Messieurs,
Dans le rapport consacré à la dissuasion nucléaire française que javais présenté devant vous voici un an, à loccasion de la première loi de finances de la nouvelle mandature, javais accompagné mon analyse budgétaire dune réflexion sur létat de la doctrine de dissuasion de notre pays. En effet, trois facteurs émergents venaient fortement interférer sur le cours de cette doctrine pratiquement figée depuis trente ans : le contexte institutionnel nouveau résultant de la cohabitation, la contrainte financière induite par une forte et brutale diminution des crédits, limpulsion particulière qui venait dêtre donnée à notre dissuasion par le Président de la République, à travers une loi de programmation portant sa marque.
Lanalyse historique du fonctionnement de notre dissuasion, lévolution de sa composition et de sa doctrine demploi dans un contexte international mouvant et une Europe en devenir, enfin les conclusions et propositions pouvant découler de cette étude, ont pu apparaître, lors de leur publication, comme un exercice dérangeant, en rupture avec la torpeur ambiante.
En effet, la fin de la guerre froide, la tranquille indifférence de notre opinion publique à légard de ces problèmes, lenvahissement de la scène internationale par une succession accélérée dactions diplomatiques et de traités consacrés au désarmement des arsenaux nucléaires, voilà autant déléments qui rendaient un peu vaine, voire inopérante, lidée qui sous-tendait mon travail, à savoir que la France ne pouvait amoindrir sa vigilance politique, financière, doctrinale, dans le domaine de la dissuasion nucléaire.
Or voici que depuis lors, deux pays, lInde et le Pakistan, ont, à la face du monde et en méconnaissant totalement les discours sur le désarmement, procédé à plusieurs essais nucléaires. Certes il ne faut pas sexagérer la portée de tels gestes qui sinscrivent dans des compétitions de caractère régional et qui ne prétendent pas accompagner un messianisme guerrier. Ils apportent cependant la preuve que la maîtrise du nucléaire militaire reste au coeur des politiques de sécurité des Etats et par là montrent la précarité du contrôle international de lutte contre la prolifération.
Cest précisément sur ce point que portera cette année la première partie de mon rapport, lanalyse des crédits budgétaires venant ensuite. Votre rapporteur va donc sefforcer de mettre à la disposition de lAssemblée nationale une analyse détaillée des nombreuses démarches visant le contrôle des arsenaux nucléaires à travers divers traités de désarmement et de lutte contre la prolifération.
Cependant et en préambule à cette analyse détaillée, il a paru utile de fournir un condensé, une sorte de synopsis, de ce que jappellerai la nécessaire mais désespérante quête diplomatique du désarmement nucléaire. Il sagit, à mes yeux, par une mise en perspective rapprochée des faits avérés, daboutir à une prise de conscience du relatif échec, sans cesse renouvelé, de toutes les démarches diplomatiques entreprises jusquà ce jour dans ce domaine particulier. Jévoquerai successivement les divers traités consacrés au nucléaire militaire.
Où en sont aujourdhui, du point de vue de leurs effets pratiques, les deux traités phares START I et START II ?
Il est vrai que dans les apparences, le traité START I a abouti momentanément à une diminution effective des arsenaux nucléaires américains et russes. Dans la réalité cette diminution quantitative saccompagne dun profond réaménagement qualitatif des performances destructrices. Ceci apparaît très clairement si lon fait le rapport du nombre de têtes nucléaires sur les divers systèmes demport.
Ces rapports ont évolué de la façon suivante entre 1990 et 1998 :
pour les vecteurs sol-sol, Russie 4,9 ® 3,35 - USA ® 2,5 ;
pour les composants maritimes, Russie 3 ® 4 - USA stable à 8 ;
pour les bombardiers, les rapports sont quasiment multipliés par deux. De surcroît, le nombre de bombardiers stratégiques lui-même a enregistré une progression en raison du souci américain de maintenir le niveau de plan de charge de lindustrie aéronautique au cours de la crise récente.
Quant au traité START II, signé en janvier 1993, deux échéances successives avaient été prévues pour marquer les franchissements de seuils à la baisse. Ces échéances ont été repoussées lors du sommet russo-américain dHelsinki de mars 1997. Désormais, il est prévu que la première phase de baisse des armements ne sachèvera quen 2004, la seconde en 2007. Dici là il peut se passer bien des choses.
Mais il y a plus : la non-ratification du traité par la Douma russe, laquelle affiche clairement sa volonté de ne pas ratifier. En fait, cette attitude sous-tend une sorte de chantage diplomatique en regard du processus délargissement de lOTAN vers les pays de lEst européen.
On pourrait considérer que cette partie de bras de fer se résoudra à terme rapproche. Mais, dores et déjà, le retard pris hypothèque, pour de simples raisons de délais amonts, la réalisation des clauses du traité aux échéances ci-dessus, après prorogations. A lévidence ces échéances ne seront pas tenues.
Le Traité antimissiles balistiques, dit Traité ABM, conclu entre les USA et lUnion soviétique en 1972, partait dune remarquable constatation de bon sens. Dans léternelle compétition entre lépée et le bouclier, on décidait dinterrompre le perfectionnement du bouclier. En limitant les progrès dans la protection antimissiles on évitait la course visant à rendre toujours plus sophistiqués et performants les missiles eux-mêmes et leurs charges utiles. Quen a-t-il été ?
En fait les recherches se sont poursuivies sur les lasers de neutralisation et sur les antimissiles de haute vélocité. Tant et si bien que les hautes parties contractantes en ont été réduites à un troc intervenu récemment et bien dérisoire : les Américains ont renoncé à tester la haute vélocité avant le mois davril 1999, obtenant de Moscou en contrepartie la faculté de poursuivre les études et développements sur tous les autres aspects de leur programme antimissile. On connaît, à cet égard, les échecs répétés (au nombre de sept successifs dont quatre en conditions réelles dinterception) enregistrés par Lockheed Martin sur son missile dinterception.
De fait, lon sait que les Américains veulent se doter à court terme dun système antimissile de théâtre dopération et la presse a déjà fait état de leurs expérimentations sur les lasers de neutralisation.
Mais il y a plus. Un projet de sanctuarisation du territoire national américain par système antimissile global a été récemment présenté au Congrès par les Républicains. Faute de la majorité des deux-tiers -il manquait une seule voix sur les soixante nécessaires- le projet a été repoussé.
Cependant, si les élections de novembre prochain renforcent les Républicains au Sénat, ceux-ci auront la faculté de relancer leur projet, inspiré de lIDS de Ronald Reagan, et de le faire adopter. Un tel geste ne pourrait pas rester sans conséquences pour le reste du monde, des côtés russe et chinois en particulier.
La France, elle, aurait alors à mesurer les conséquences de son retrait du programme MEADS conduit par les Américains. Quant à lEurope, non protégée, elle redeviendrait à terme le champ de bataille avancé des Etats-Unis en cas de conflagration grave. Tel est, dans ses grandes lignes, létat actuel du Traité ABM.
Le TNP, Traité de non-prolifération, a connu un sort identique. Base juridique incontestable de tout effort de lutte contre la prolifération nucléaire, le TNP portait cependant en germe son propre système autodestructeur. Pour endiguer la prolifération, il prétendait limiter à cinq le nombre de pays diplomatiquement et militairement autorisés à détenir larme nucléaire.
Dès sa signature, il apparaissait comme un trompe loeil. Dabord en raison de son caractère ségrégatif, à tous égards injustifiable, ensuite, parce que, de notoriété publique, un sixième Etat, Israël, était de fait autorisé à posséder des têtes nucléaires et des vecteurs demport et donc à déroger au principe qui venait dêtre établi.
Les essais indiens et pakistanais sont venus rompre les digues ainsi mises en place et désormais, de proche en proche, les facteurs de souveraineté, dindépendance et de fierté nationale, de parade aux tentations hégémoniques, de réponse aux antagonismes ancestraux, dintégrisme religieux enfin, vont inéluctablement modifier la donne stratégique nucléaire mondiale.
A quoi lon peut ajouter que les systèmes de veille anti-prolifération, si sophistiqués quils soient, se sont révélés bien inopérants, les services spécialisés américains ayant été apparemment surpris et par les essais indiens et par la fusée balistique de la Corée du Nord.
Le TICE, Traité dinterdiction complète des essais nucléaires a été tourné en dérision, avant même sa mise en application, dans les conditions suivantes. Fort curieusement, cest sur une initiative de lInde que ce traité a été initié en janvier 1994. Signé en juillet 1996, à Genève, il était le fruit de longues négociations conduites durant plus de deux ans au sein dun Comité ad hoc composé de 61 membres de la Conférence de Désarmement.
Or voici que cest précisément lInde qui, peu de temps après lissue des négociations, portait au pouvoir un parti ayant fait campagne sur laccession au nucléaire militaire. Aussitôt installé, le gouvernement issu de ce parti préparait et exécutait les essais que lon connaît.
La pression internationale allait-elle bloquer le Pakistan pour lempêcher dentreprendre une démarche similaire ? Il nen a rien été, immanquablement.
Certes, ses essais ayant été réalisés, lInde fait connaître aujourdhui quelle entend adhérer au TICE avant septembre 1999. Le Pakistan déclare, lui, quil examine activement, avec prudence et circonspection la question de la signature du TICE. LIran quant à lui reste muet.
Tel est létat de laction diplomatique internationale qui peine désespérément à la poursuite dobjectifs quelle ne parvient pas à atteindre. La prolifération des armes nucléaires, sans doute atténuée par cette action diplomatique, se poursuit inexorablement.
Les développements du présent rapport détaillent les divers aspects de cette prolifération, en décrivant les liens entre latome civil et militaire, en évoquant la dissémination des technologies et des cerveaux, la contrebande des matières et le terrorisme nucléaire, en traçant enfin la cartographie de la prolifération mondiale.
Au titre du présent préambule, je souhaite mettre en exergue seulement deux faits extraits de ces développements.
Tous les réacteurs nucléaires peuvent être utilisés pour produire du plutonium 239 utilisable dans les armes nucléaires. Certes, il subsiste encore quelques verrous technologiques bridant les velléités de nombreux pays mais lexemple de lIrak montre quavec une forte détermination et les moyens financiers voulus, un projet militaire est possible à partir de technologies denrichissement datant de plusieurs décennies. La fuite des cerveaux et laide internationale ne peuvent quaccentuer cette dérive.
Dans cette problématique, entre autres cas, le cas de lAlgérie mérite dêtre examiné. Ce pays a ratifié le Traité de non-prolifération nucléaire en 1995. Ses installations sont donc, en principe, soumises au contrôle de lAIEA.
Il dispose actuellement de deux réacteurs de recherche nucléaires, lun de faible puissance situé près dAlger, fourni par lArgentine, lautre plus puissant situé aux confins du Sahara, installé par la République populaire de Chine.
La destination de ce dernier ne peut manquer de nous interpeller dans la mesure où sa puissance et son éloignement des centres urbains conduit à sinterroger sur sa réelle utilité comme source dénergie. Quoi quil en soit, il est hors de doute que les infrastructures et le savoir-faire acquis rendent désormais possible la mise en oeuvre dun programme darmement. En labsence de pressions internationales appropriées, le risque de voir lAlgérie accéder à la capacité nucléaire militaire paraît réel.
Cet état de fait constitue-t-il une menace pour la France ? Ceci nest pas certain à court terme et ce nest en tout cas pas la seule hypothèse stratégique. Mais une Algérie conquérante vis-à-vis de la Tunisie ou du Maroc, et détentrice de larme nucléaire bloquerait évidemment toute possibilité dintervention extérieure...
Les développements plus détaillés qui suivent ce préambule synthétique mettent en lumière les menaces potentielles que le nucléaire militaire continue à faire peser sur le monde. Ils montrent également la prudence avec laquelle Russes, Américains et Chinois font semblant de désarmer.
La question se pose de savoir si la France saura ou non, dans les temps qui viennent, tirer la leçon dun tel état de choses pour ce qui concerne sa posture nucléaire des années à venir. La baisse inquiétante des études amont, divisées par deux entre 1997 et 1999, ainsi que des autorisations de programme qui passe de 20 milliards de francs en 1997 à 13 milliards de francs dans le présent budget 1999 de la dissuasion nucléaire française ne plaident pas dans ce sens. Ceci ne peut que constituer une source de vive préoccupation pour ce qui concerne la sécurité de notre pays à moyen terme.
PREMIÈRE PARTIE
LE CONTRÔLE DES ARMEMENTS ET LE DÉSARMEMENT,
LÉTAT ACTUEL DE LA PROLIFÉRATION
Dans son discours du 3 septembre dernier, devant lInstitut des hautes études de Défense nationale, le Premier Ministre a clairement identifié le désarmement et la non-prolifération parmi les objectifs prioritaires de laction internationale de la France. A cette occasion, il a rappelé que la France avait : de façon unilatérale, donné lexemple en matière nucléaire avec le démantèlement des composantes sol-sol (Hadès et le plateau dAlbion), la réduction du format de la force océanique stratégique, la fermeture du centre dessais du Pacifique, larrêt de la production de matières fissiles destinées aux armes nucléaires et le démantèlement des installations de production de Marcoule et de Pierrelatte .
Laction conduite en ce sens par le Gouvernement sinscrit dans la logique des décisions prises par le Président de la République et annoncées aux Françaises et aux Français le 22 février 1996. Cest également dans cet esprit que le Parlement français a autorisé, au printemps dernier, la ratification du Traité dinterdiction complète des essais nucléaires, dont la France avait lun des premiers signataires le 24 septembre 1996.
Force est aujourdhui de constater que lexemplarité française na peut-être pas encore porté les fruits que lon en escomptait. En effet, les expérimentations nucléaires réalisées dans le sous-continent indien conduisent à sinterroger sur la vanité dune démarche éthiquement défendable, mais dont la pertinence mérite dêtre jugée à la portée réelle de ses résultats. Dautre part, bien quil faille se féliciter de la décision prise le 11 août dernier à Genève par la conférence du désarmement dengager des travaux sur la préparation de la négociation dun traité dinterdiction de la fabrication des matières fissiles pour des armes nucléaires, lobservateur objectif ne peut que remarquer que ni les Etats-Unis, ni la Chine et la Russie nont à ce jour ratifié leur adhésion à linterdiction des essais et que la Douma russe nenvisage toujours pas de ratifier le traité START II, pourtant signé par les Russes et les Américains le 3 janvier 1993.
Enfin, il convient de noter que la doctrine demploi des forces nucléaires des Etats-Unis a été réaffirmée en 1997 et na pas évolué depuis. Elle repose toujours sur la possibilité demploi en premier, de même que la structure de larsenal américain demeure fondée sur la triade nucléaire (missiles balistiques sol-sol intercontinentaux, sous-marins, bombardiers stratégiques). Pour sa part, la Russie conçoit sa doctrine nucléaire selon un concept proche de celui élaboré par la France. En effet, la Russie a déclaré considérer larme nucléaire comme un moyen politique de prévenir la guerre et non comme un outil permettant de mener une opération militaire. Enfin, sagissant de son arsenal militaire nucléaire, elle considère quil lui revient de maintenir son volume à un niveau garantissant le préjudice que lon cherche à porter à lagresseur quelles que soient les circonstances. Le Royaume-Uni quant à lui a clairement affiché sa volonté de conserver une force de dissuasion fondée sur le système Trident, posture qui serait compatible, selon lui, avec les objectifs dun désarmement équilibré. Les forces nucléaires britanniques sont en partie affectées à la défense de lOTAN et leur emploi est planifié dans ce cadre. Toutefois, si les intérêts vitaux du Royaume-Uni venaient à être menacés, la décision demploi demeurerait le fait du Gouvernement britannique.
I. LES ACCORDS INTERNATIONAUX
Le nombre des acteurs du club militaire nucléaire, malgré ladmission de fait de deux nouveaux arrivants lInde et le Pakistan demeure aujourdhui limité. Toutefois, au sein de ce groupe, limportance des arsenaux détenus par les Etats-Unis et la Russie ont conduit ces deux Etats à négocier bilatéralement des accords de diminution et de limitation de leurs forces nucléaires, tout en étant partie prenante au processus multilatéral de désarmement nucléaire auquel la France participe pleinement.
Les accords START I et START II (Strategic arms reduction talks : négociations sur la réduction des armements stratégiques) ont été respectivement signés, le 31 juillet 1991 par les Etats-Unis et lURSS, et le 3 janvier 1993 par les Etats-Unis et la Fédération de Russie. Ils ont pour objectif de limiter, par une réduction drastique de leurs arsenaux nucléaires, le nombre de vecteurs (missiles balistiques et aéronefs) et de têtes nucléaires des deux grandes puissances militaires. Ces deux traités sont le résultat de longues et difficiles négociations, entamées par lURSS et les Etats-Unis au printemps 1982.
Ratifié par le Sénat américain le 1er octobre 1992 et par le Soviet Suprême russe le 5 novembre 1992, le traité START I établit un calendrier de sept ans pour une réduction dun tiers des arsenaux nucléaires stratégiques américains et soviétiques. Toutes les Républiques de lex-Union Soviétique, qui détenaient des armes nucléaires sur leur territoire (Russie, Biélorussie, Ukraine et Kazakhstan), ont ratifié le traité START I qui est officiellement entré en vigueur le 5 décembre 1994. Par le Protocole de Lisbonne du 23 mai 1992, elles se sont engagées à assumer les obligations découlant du traité. La Russie étant reconnue comme gestionnaire du désarmement nucléaire de lex-URSS, lensemble des têtes nucléaires stratégiques entrant dans le champ dapplication du traité a été transféré fin 1996 sur le territoire de la Fédération de Russie.
En dépit des difficultés dordre technologique, le processus de réduction des armements nucléaires stratégiques est pour le moment respecté. Il convient ici de noter que le démantèlement des armes dorigine soviétique est largement facilité par les programmes daide au désarmement nucléaire soutenus par les pays occidentaux. Les Etats-Unis, au titre du programme Nunn-Lugar , participent pour une part essentielle à leffort occidental. Le Japon, le Royaume-Uni, la France, lAllemagne, le Canada, la Suède et lItalie, dans une moindre mesure, joignent leurs moyens pour rendre effective la réduction des arsenaux stockés sur le territoire de la Fédération de Russie. Il convient de rappeler ici que la participation étrangère aux opérations de démantèlement effectuées par les ingénieurs et techniciens russes est, pour linstant, exclusivement cantonnée à laspect financier du programme.
Le tableau ci-après permet de constater que la diminution des arsenaux nucléaires américains et russes, si elle est effective, saccompagne néanmoins dun profond réaménagement qualitatif, notamment en ce qui concerne les capacités des composantes maritimes. En effet, si le rapport nombre de têtes/vecteurs sol-sol ne diminue guère (4,29 en 1990 contre 3,35 en 1999 pour la Russie et de 2,4 contre 2,5 pour les USA), le même rapport pour composantes maritimes et aéroportées est, lui, en augmentation.
Le nombre moyen de têtes nucléaires sur les missiles mer-sol russes passera de 3 à 4, alors que celui des Américains restera stable à 8. Par contre, pour chacune des deux parties au traité, les ratios armes aéroportées/bombardiers sont quasiment multipliés par deux. Toutefois, il convient de noter ici que le nombre de bombardiers stratégiques ex-soviétiques a dores et déjà enregistré une forte diminution, alors que le parc américain enregistre, pour sa part, une progression, due vraisemblablement à la volonté américaine de ne pas gêner son industrie aéronautique en interrompant des programmes en phase de fabrication.
ACCORDS START I
|
|
|
|
|
Situation*
1er septembre 1990
|
Situation**
1er juillet 1998
|
Répartition
en fonction
des plafonds
START I (1999)
|
ICBM (missiles sol-sol)
|
|
|
|
ex-URSS/Russie
|
1 539
|
811
|
939
|
Etats-Unis
|
1 000
|
701
|
550
|
|
|
|
|
Têtes sur ICBM
|
|
|
|
ex-URSS/Russie
|
6 612
|
4 144
|
3 153
|
Etats-Unis
|
2 450
|
2 451
|
1 400
|
SLBM (missiles sol-sol)
|
|
|
|
ex-URSS/Russie
|
940
|
648
|
432
|
Etats-Unis
|
672
|
464
|
424
|
|
|
|
|
Têtes sur SLBM
|
|
|
|
ex-URSS/Russie
|
2 804
|
2 480
|
1 744
|
Etats-Unis
|
5 760
|
3 776
|
3 456
|
Bombardiers nucléaires
|
|
|
|
ex-URSS/Russie
|
162
|
118
|
100
|
Etats-Unis
|
258
|
317
|
209
|
|
|
|
|
Armes aéroportées
|
|
|
|
ex-URSS/Russie
|
855
|
916
|
1 552
|
Etats-Unis
|
2 353
|
1 755
|
3 700
|
Totaux
|
|
|
|
Nombre de vecteurs
stratégiques
|
|
|
|
Ex-URSS/Russie
|
2 641
|
1 577
|
1 471
|
Etats-Unis
|
1 930
|
1 482
|
989
|
Nombre de têtes
|
|
|
|
Ex-URSS/Russie
|
10 271
|
7 540
|
6 449
|
Etats-Unis
|
10 563
|
7 982
|
8 556
|
Sources : * Lannée stratégique
|
La signature, par la Fédération de Russie et les Etats-Unis, le 3 janvier 1993, du traité START II engage les deux Etats à poursuivre leffort en faveur dune limitation des armements nucléaires en divisant globalement par le coefficient 2 les plafonds prévus dans le premier accord.
La mise en uvre de laccord START II devrait comprendre deux phases successives dont les échéances ont été reculées lors du sommet russo-américain dHelsinki en mars 1997. Compte tenu du report intervenu dans lentrée en vigueur du traité, la première de celles-ci devrait sachever en 2004, avec un plafond total de têtes déployées par chaque pays fixé à 4 250 et la seconde, en 2007, avec les plafonds suivants : 3 000 pour la Russie et 3 500 pour les Etats-Unis.
Dun point de vue qualitatif, le traité START II vise principalement à limiter le nombre de missiles sol-sol balistiques intercontinentaux multitêtes détenus par chacune des deux grandes puissances. En ce sens, il apparaît comme un complément indispensable du traité START I. Force est en effet de constater que ces missiles constituent un segment important des arsenaux russes et américains et que, compte tenu de leurs capacités, ils sont perçus comme particulièrement déstabilisants en temps de crise, la moindre activité affectant leur environnement pouvant donner lieu à interprétation alarmante.
Le Sénat américain a approuvé la ratification du traité START II dès le 26 janvier 1996. A ce jour, la Douma russe ne semble toujours pas disposée à ratifier cet accord. Il semble en effet que le Parlement russe utilise la ratification comme une arme diplomatique en liant apparemment son attitude au processus délargissement de lAlliance atlantique vers les pays de lEst. Labsence de ratification ne peut se prolonger trop longuement sans faire peser une hypothèque, pour des raisons de délais, sur la mise en uvre des clauses du traité. Sans doute ne serait-il pas inutile que le Gouvernement de la France, qui sengage tant en faveur du désarmement, prenne une initiative diplomatique pertinente en ce sens auprès des autorités de la Fédération de Russie. Cette intervention apparaîtrait dautant plus opportune que la mise en uvre dun échange de lettres portant sur la désactivation anticipée de toutes les têtes de missiles stratégiques devant être éliminées en 2007 est subordonnée à lentrée en vigueur du traité START II et donc de sa ratification par la Douma Russe.
Enfin, il convient de signaler quà loccasion du sommet dHelsinki de 1997, les Etats-Unis et la Russie se sont engagés à entreprendre de nouvelles négociations ayant pour objectif une nouvelle réduction des têtes nucléaires déployées sur des vecteurs stratégiques et linstauration de mesures de transparence concernant tant les inventaires de têtes que leur destruction. Le début de telles négociations constituerait un pas important sur la voie du désarmement par le côté novateur de la démarche visant la transparence susceptible dêtre instituée sur la destruction des armes.
Le Traité ABM, conclu entre les Etats-Unis et lUnion Soviétique en 1972, a été conclu dans un souci de stabilisation des rapports de force ; dans lesprit des négociateurs, des systèmes de protection contre les missiles stratégiques balistiques trop efficaces ou en nombre trop élevé auraient eu pour effet de rendre encore plus sophistiqués les missiles et leurs charges utiles, et donc daccélérer la course aux armements. Pour ces raisons, le nombre dintercepteurs autorisés par le traité a été volontairement limité à 100 missiles, ceux-ci devant être regroupés sur un seul site dont la localisation doit être notifiée à lautre partie. Les performances des intercepteurs avaient volontairement été écartées des négociations initiales afin de maintenir lessence du traité malgré les progrès technologiques. La pérennité de ce traité demeure un élément fondamental de la stabilité stratégique.
Les formulations imprécises du traité concernant la définition des systèmes ABM devaient conduire les deux parties à créer rapidement une Commission consultative permanente pour tenter de saccorder sur une interprétation commune de la notion de système de défense contre les missiles balistiques stratégiques. Jusquen 1995, les négociations ont essentiellement porté sur des caractéristiques techniques (vitesse du corps de rentrée, vitesse des intercepteurs). La volonté des Etats-Unis de développer des défenses antimissiles, notamment pour faire face à la prolifération des missiles balistiques, posait le problème de la frontière entre un système défensif capable dintercepter des missiles balistiques stratégiques (intercontinentaux) faisant lobjet du traité et un système ayant pour objectif linterception de missiles balistiques de théâtre (courte et moyenne portée).
En létat actuel des négociations, les deux parties se sont dores et déjà accordées pour interdire le déploiement de tout système antimissiles dans lespace, notamment la mise en uvre de systèmes fondés sur des principes physiques nouveaux (lasers) basés dans lespace. Par ailleurs, les Russes ont obtenu une renonciation des Américains à tester des systèmes antimissiles de haute vélocité avant le mois davril 1999, et Washington a obtenu de Moscou la faculté de poursuivre le développement de lensemble des programmes antimissiles américains.
La lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, au premier rang desquelles figure larme atomique, constitue lune des priorités de la Communauté internationale. Le formidable pouvoir dévastateur et destructeur de latome, révélé par les bombardements américains dHiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août 1945, devait conduire un groupe dingénieurs et de techniciens américains à proposer linstitution dun contrôle international sur les matières nucléaires et leur utilisation. Plus connu sous la dénomination de rapport Franck , cette contribution datant de 1945 constitue les prémices de la lutte contre la prolifération qui, passant par le plan Baruch de 1946 et le plan Atoms for peace de 1953, devait déboucher sur la conclusion du Traité de non-prolifération (TNP) et le Traité dinterdiction complète des essais nucléaires (TICE), ainsi que sur un ensemble de traités tendant à instituer des zones exemptes darmes nucléaires.
La France a toujours milité en faveur de linstitution de zones exemptes darmes nucléaires. Cet engagement a toutefois toujours été assorti de la réserve portant sur le respect de conditions lui paraissant indispensables à une mise en uvre efficace de ladoption de dispositions internationales en la matière. Cest ainsi que la France a constamment subordonné son soutien à de telles initiatives à la reconnaissance internationale des traités (présence des pays nucléaires dans le nombre minimum de pays requis pour lentrée en vigueur du Traité), à la libre adhésion et à la participation des Etats de la région considérée aux négociations, à la pertinence stratégique et géographique du Traité, à linstauration de mesures de vérification efficaces des engagements pris par les parties et au soutien sans ambiguïté des puissances nucléaires.
Dans un même temps, la France a toujours considéré quil ne devait pas être porté atteinte à sa propre sécurité, aussi veille-t-elle scrupuleusement, dans la phase préalable de négociation, à ce que linstauration de zones exemptes darmes nucléaires préserve le libre exercice de sa dissuasion, en rappelant en permanence quen application de larticle 51 de la Charte des Nations-Unies (clause de la légitime défense) les dispositions des traités ne lui seraient plus applicables dans lhypothèse où des pays parties au traité et concernés par son application mettraient en cause les intérêts français.
Cest dans cet esprit quelle a dores et déjà ratifié, en 1992, les protocoles annexés au Traité de Tlatelolco concernant lAmérique latine, quelle a signé ceux annexés au Traité de Rarotonga, le 25 mars 1996, créant une zone exempte darmes nucléaires dans le Pacifique Sud, ainsi que ceux annexés au Traité de Pelindaba, le 11 mars 1996, qui instituent la dénucléarisation du continent africain. Il convient de noter que les quatre autres puissances nucléaires reconnues sont également signataires de ces traités. Toutefois, son adhésion au Traité de Bangkok, créant une zone exempte darmes nucléaires en Asie du Sud-Est, demeure, conformément à sa doctrine, subordonnée à la signature de ce Traité par les autres puissances nucléaires.
Bien que le Traité de Bangkok ait encore aujourdhui une portée limitée du fait de labsence dadhésion des puissances nucléaires, il apparaît intéressant de noter que la quasi-totalité de lhémisphère Sud, à lexception toutefois des zones de haute mer, est aujourdhui militairement dénucléarisée.
A linitiative du Kazakhstan, des projets concernant linstauration dune zone exempte darmes nucléaires en Asie centrale voient le jour. Ils ont dores et déjà fait lobjet de premières réunions à Tachkent en 1997 et Bichkek en 1998. Il convient de rappeler que les populations kazakhes ont eu particulièrement à souffrir des tirs expérimentaux darmes atomiques, que les soviétiques ont effectués dans le polygone de Semipalatinsk. Les 470 tirs auxquels les soviétiques y ont procédé depuis 1949, dans la plus parfaite indifférence vis-à-vis des populations, conduisent certains observateurs à évoquer une tragédie nucléaire kazakhe . Selon une étude de lONU devant être prochainement rendue publique, citée dans la revue Enerpresse : En tout, environ 1,2 million de citoyens kazakhes ont été affectés par les essais menés à Semipalatinsk et... quelque 100 000 dentre eux, répartis sur trois générations, ont été touchés par les radiations.
Le Traité de non-prolifération (TNP), élaboré en 1968 et conclu pour une période initiale de 25 années, est entré en vigueur en juin 1970 ; il a été prorogé pour une durée indéterminée le 11 juin 1995 à New-York. Le TNP a largement contribué à asseoir les bases du régime de non-prolifération nucléaire par le biais dun contrôle intégral des activités nucléaires. Celui-ci est placé sous la surveillance de lAgence internationale de lénergie atomique (AIEA), dont le siège est à Vienne (Autriche). Depuis sa signature, le champ dapplication du régime de non-prolifération a été complété par différentes directives portant restriction aux exportations. En effet, les pays détenteurs de technologies nucléaires se sont accordés pour limiter et contrôler les matériaux et matériels susceptibles de favoriser la prolifération nucléaire.
Base juridique incontestable de tout effort de lutte contre la prolifération nucléaire, le TNP limite à cinq le nombre des pays détenteurs de larme nucléaire. Par pays officiellement détenteurs de larme nucléaire, il convient dentendre les Etats ayant procédé à une explosion dune arme nucléaire avant le 1er janvier 1968 (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Union soviétique qui a transféré à la Russie son arsenal nucléaire). La France na adhéré que tardivement à ce traité qui compte aujourdhui pas moins de 186 Etats parties.
Le TNP se décline en trois objectifs :
la limitation de la diffusion des armes nucléaires, les Etats signataires détenteurs darmes nucléaires sengagent à ne pas transférer darmes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs aux Etats non dotés de ce type darmement. De même, ils sengagent à naccepter de telles armes daucun autre pays ;
la promotion de la coopération nucléaire pacifique assortie dun contrôle du cycle des matières fissiles. Le traité engage les Etats signataires à coopérer pour lutter contre la prolifération nucléaire et à faciliter lapplication des garanties de lAIEA aux activités nucléaires pacifiques. Il rappelle également le principe selon lequel les avantages des applications pacifiques de la technologie nucléaire doivent être accessibles à toutes les parties au traité, autorisant ainsi léchange de renseignements scientifiques ;
Le processus de contrôle des obligations souscrites transfère, sous une forme contractuelle, à un organisme international -lAIEA- les opérations dinspection. Aux termes de son statut, lAgence de Vienne a pour mission dinstituer et dappliquer des mesures visant à garantir que les produits fissiles spéciaux et autres produits, les services, léquipement, les installations et les renseignements fournis par lAgence ou à sa demande ou sous sa direction ou sous son contrôle, ne sont pas utilisés de manière à servir à des fins militaires et détendre lapplication de ces garanties, à la demande des parties, à tout accord bilatéral ou multilatéral ou, à la demande dun Etat, à telle ou telle des activités de cet Etat dans le domaine de lénergie atomique .
Le système de garanties mis en place par lAIEA, dans le cadre de ce contrôle, prévoit un mécanisme de sanction en cas de violation des règles édictées. Celui-ci consiste en une alerte de la communauté internationale par le biais dune information à lensemble des pays membres et à la saisine du Conseil de sécurité des Nations unies. Lexemple irakien a démontré la portée du contrôle de lAIEA. Cette pratique se révèle à tout le moins dissuasive et institue, en faisant appel à la responsabilité des Etats, un régime de confiance entre les différentes parties au traité.
Il convient de rappeler que les inspections conduites par lAIEA ont lieu régulièrement sur près de mille installations nucléaires, réparties dans plus de cinquante pays. Celles-ci portent non seulement sur les réacteurs nucléaires, mais également sur les installations denrichissement et de retraitement de combustible, sur les sites de stockage des déchets, ainsi que sur toute autre installation ayant un lien direct avec la fabrication et lutilisation de matières nucléaires ;
le souhait à long terme dun désarmement, notamment nucléaire. Ce dernier objectif a été une nouvelle fois rappelé, lors de la Conférence de 1995 des Etats-parties au traité chargée dexaminer la question de sa prorogation : Le désarmement nucléaire est considérablement facilité par la détente internationale et le renforcement de la confiance entre les Etats qui ont résulté de la guerre froide. Les engagements pris aux termes du traité de non-prolifération des armes nucléaires en matière de désarmement nucléaire doivent donc être résolument remplis. A cet égard, les Etats dotés darmes nucléaires réaffirment... quils sont résolus à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives au désarmement nucléaire.
La France et la Chine nont adhéré que tardivement à ce Traité (1992). Israël, lInde et le Pakistan, malgré un regain dintérêt récent pour la non-prolifération, ne sont pas encore signataires. Sans doute lattitude de lInde et du Pakistan est-elle aujourdhui dictée par la volonté de ces pays dêtre admis parmi les puissances nucléaires officielles, tandis que lattitude dIsraël trouve son explication dans le fait que cet Etat, pour des raisons politiques et diplomatiques évidentes, ne souhaite pas avoir à lever le voile sur ses activités nucléaires.
Lors de la réunion de la Conférence de 1995 chargée dexaminer lopportunité de proroger les dispositions du TNP, les Etats-parties ont accompagné la prorogation de trois décisions complémentaires au Traité. La première énonce et réaffirme certains principes et objectifs concernant la non-prolifération et le désarmement nucléaire. La deuxième a trait au renforcement du processus dexamen ; elle prévoit la tenue dune conférence de suivi tous les cinq ans, précédée de réunions préparatoires devant se tenir les trois années précédant cette conférence dexamen (les Etats-membres ont tenu du 7 au 18 avril 1997 à New-York leur première réunion préparatoire à la conférence dexamen de lan 2000). La troisième décision concerne la mise sous contrôle de lAIEA de toutes les installations nucléaires qui ne le sont pas encore, son objectif principal est le Moyen-Orient, et notamment Israël.
A loccasion de la première réunion préparatoire, les cinq puissances nucléaires reconnues ont fait une déclaration liminaire commune, préparée à linitiative de la France, qui a permis de souligner les avancées faites par chacun deux au titre de la réduction de leurs arsenaux nucléaires. Ainsi, chaque pays nucléaire a pu afficher les progrès quil avait pu réaliser sur la voie du désarmement nucléaire, que ce soit dans le cadre daccords bilatéraux ou à la suite de décisions unilatérales. Cette déclaration commune, outre quelle ait permis à la France de rappeler publiquement et solennellement ses actes positifs, a également eu pour effet de désamorcer les critiques acerbes et la mauvaise humeur des pays non alignés sur la question du désarmement nucléaire. A ce sujet, il convient de noter que, pour la première fois, la Chine a accepté de se joindre officiellement à une déclaration commune portant sur le désarmement nucléaire.
La deuxième réunion préparatoire, qui sest tenue à Genève du 27 avril au 28 mai 1998, na pas abouti. Elle a achoppé sur la question du Moyen-Orient, le groupe des pays arabes ayant demblée déclaré quaucun accord ne pourrait se dégager en labsence dune référence à la résolution de 1995 concernant le contrôle intégral de lAIEA sur les installations nucléaires au Moyen-Orient.
Le Traité dinterdiction complète des essais nucléaires (en anglais, Comprehensive test ban treaty-CTBT) constitue un élément important du dispositif international de lutte contre la prolifération nucléaire. Adopté par lAssemblée générale des Etats-Unis le 10 septembre 1996, il est le fruit de longues négociations qui se sont déroulées de janvier 1994 à juillet 1996 à Genève, au sein dun Comité ad hoc composé de 61 pays de la Conférence du Désarmement suite à une initiative de lInde.
Par ses objectifs, il sinscrit dans le prolongement du premier traité concernant la limitation des essais nucléaires, conclu le 5 août 1963 entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et lUnion Soviétique qui interdisait les essais nucléaires dans latmosphère, dans lespace extra-atmosphérique et sous leau. Bien que nimpliquant que trois Etats, ce traité a été, de fait, appliqué par des Etats qui nen étaient pas signataires. Le TICE constitue également une extension de laccord américano-soviétique du 3 juillet 1974 qui limitait la puissance des essais souterrains à une charge maximale de 150 kilotonnes.
En proscrivant le recours aux essais nucléaires en vraie grandeur, il interdit à déventuels pays candidats daccéder à un armement nucléaire technologiquement crédible. En effet, sil demeure possible de parvenir à la réalisation darmements nucléaires rustiques et peu perfectionnés sans un minimum dexpérimentation, laccès à une capacité nucléaire militaire sophistiquée suppose de pouvoir soit recourir à la pratique dessais, soit bénéficier dune aide extérieure.
En excluant également les essais de faible énergie, quelque que soit lintensité de cette dernière, il arrête de fait la course aux performances des armes nucléaires, contraignant ainsi fortement, en pratique, le développement darmes nouvelles par les pays disposant déjà dune technologie nucléaire militaire.
Par les restrictions quil apporte à laccès aux technologies nucléaires militaires, le TICE constitue à lévidence un réel complément au Traité de non-prolifération nucléaire. Linterdiction des essais nucléaires quil prévoit est assortie dun système de surveillance international reposant sur un dispositif de vérification apte à détecter et à interpréter à distance tout événement susceptible de constituer une explosion nucléaire kilotonnique. Il convient de noter ici que lexpertise et le savoir-faire des ingénieurs et techniciens du Commissariat à lénergie atomique ont permis à la France dêtre présente humainement et technologiquement dans le processus de surveillance qui sera mis en uvre.
Ouvert à la signature le 24 septembre 1996, le TICE a été signé, le jour même, par 72 états dont la France et les quatre autres puissances nucléaires. Bien quà ce jour, 149 pays aient adhéré au traité, 16 seulement lont ratifié, au nombre desquels figurent la France et le Royaume-Uni. Les Etats-Unis ont, pour ce qui les concerne, entamé la procédure de ratification.
Pour entrer en vigueur, le traité doit être ratifié par quarante-quatre Etats, membres de la Conférence du Désarmement, possédant des capacités nucléaires de recherche ou de production dénergie, ce qui inclut, sans les désigner, les cinq puissances nucléaires et les trois Etats du Seuil (Inde, Israël, Pakistan). Cette condition nayant pas été atteinte dans les deux années suivant louverture à la signature du traité (huit des quarante-quatre pays requis layant ratifié), il sera fait application de la clause figurant à larticle XIV du traité prévoyant la tenue dune Conférence des Etats ayant déjà ratifié, afin détudier les moyens de parvenir à une entrée en vigueur du traité. La France qui sest engagée fortement en faveur du traité participe activement à la préparation de cette conférence qui devrait se tenir à lautomne 1999.
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ÉTATS AYANT RATIFIÉ LE TICE
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Etat
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Date de signature
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Date de ratification
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Brésil*
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24 septembre 1996
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14 juillet 1998
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Australie*
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24 septembre 1996
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9 juillet 1998
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Tadjikistan
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7 octobre 1996
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10 juin 1998
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France*
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24 septembre 1996
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6 avril 1998
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Royaume-Uni*
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24 septembre 1996
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6 avril 1998
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Autriche*
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24 septembre 1996
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13 mars 1998
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Slovaquie*
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30 septembre 1996
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3 mars 1998
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Turkmenistan
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24 septembre 1996
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20 février 1998
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Pérou*
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25 septembre 1996
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12 novembre 1997
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République Tchèque
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24 septembre 1996
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12 septembre 1997
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Mongolie
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1er octobre 1996
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8 août 1997
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Micronésie
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24 septembre 1996
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25 juillet 1997
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Japon*
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24 septembre 1996
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8 juillet 1997
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Ouzbekistan
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3 octobre 1996
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29 mai 1997
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Qatar
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24 septembre 1996
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3 mars 1997
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Fidji
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24 septembre 1996
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10 octobre 1996
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* Etats dont la ratification est requise pour lentrée en vigueur du traité
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Lattitude de lInde et du Pakistan qui avaient clairement manifesté leur intention de ne pas signer le TICE, a sensiblement évolué après la réalisation de leurs expérimentations nucléaires du mois de mai dernier. Le Premier Ministre indien, M. Vaspaye, a récemment réitéré son intention de transformer le moratoire sur les essais annoncé par son pays en un engagement juridiquement contraignant et a annoncé à lONU que lInde entendait adhérer au TICE avant septembre 1999. Pour sa part, le Pakistan a déclaré quil examinait activement, avec prudence et circonspection , la question de la signature du TICE.
LAssemblée générale de lONU a adopté, à lunanimité, en décembre 1993, la résolution 48/75L recommandant aux Etats-membres de négocier un traité dinterdiction universelle et de vérification de la production des matières fissiles pour la fabrication darmes nucléaires ou dautres dispositifs nucléaires explosifs (négociations cut-off ). Cette négociation a constitué lun des engagements pris lors de la prorogation du Traité de non-prolifération nucléaire en mai 1995.
Les clauses du traité pourraient sarticuler autour des principes suivants : la fabrication des matières fissiles pour des usages civils devra rester autorisée mais elle sera soumise à vérification selon un système déchanges dinformation et un régime dinspection dont les modalités seront à définir.
En 1995, il avait été possible de trouver un accord à la Conférence du désarmement de Genève sur le mandat de négociation, le Pakistan renonçant à sa demande initiale dinclure formellement la question des stocks de matières fissiles. Cet accord na pas été entériné par la Conférence du désarmement, notamment pour des questions de procédure et le mandat na pas été renouvelé en 1996. La négociation dun traité multilatéral interdisant la production de matières fissiles pour les armes nucléaires na donc pas commencé à Genève. Les discussions multilatérales entamées après les essais nucléaires indiens et pakistanais de lété 1998 pourraient permettre de trouver prochainement un accord pour entamer cette négociation en 1999, à la Conférence du désarmement.
II. LATTITUDE FRANÇAISE À LÉGARD DE LA DISSUASION NUCLÉAIRE
Le Livre Blanc sur la Défense de 1994 et le rapport annexé à la loi de programmation militaire pour 1997-2002 ont réaffirmé la validité du concept de dissuasion, base de la doctrine nucléaire française : la capacité nucléaire de la France est dédiée à la protection de ses intérêts vitaux contre toute menace, quelles quen soient lorigine et la forme.
Bien que la France ne soit plus menacée dans sa survie par la présence à proximité de ses frontières de forces nucléaires, conventionnelles et chimiques considérables, il nen demeure pas moins que des milliers darmes nucléaires subsistent dans les arsenaux hérités de la guerre froide. Par ailleurs, si la menace venant de lEst sest estompée, dautres types de risques existent ou sont susceptibles de se développer qui seraient en mesure de mettre en péril les intérêts vitaux français. La prolifération darmes de destruction massive, principalement chimiques et conventionnelles, associée à la prolifération balistique sur dautres continents conduisent à ne pas baisser la garde stratégique. La France se doit, face aux possibles débordements de la prolifération et au risque de résurgence dune menace majeure de conserver une dissuasion crédible.
La composante balistique emportée par les sous-marins nucléaires a pour caractéristiques essentielles sa très faible vulnérabilité et sa puissance. La force océanique stratégique repose désormais sur quatre sous-marins nucléaires lanceurs dengins, ce qui permet, si nécessaire, le maintien en permanence à la mer de deux sous-marins et donc dune puissance de feu dissuasive. A lhorizon 2008, le missile M51 permettra de répondre à une grande diversité de situations grâce à des caractéristiques techniques renforcées.
La composante aéroportée, bâtie autour de missiles aérobies, apporte une souplesse et une diversification des modes de pénétration, renforçant ainsi le dispositif français de dissuasion. A terme, le couple avion-missile sera totalement recomposé. Lavion Rafale disposera dun nouveau missile air-sol moyenne portée dérivé de lactuel AMSP mais doté dune allonge plus importante et de meilleures capacités de pénétration ; il sera équipé dune nouvelle tête.
Le développement de ces nouvelles capacités a dores et déjà conduit la France à accomplir unilatéralement un pas important sur la voie de la limitation de ses armements nucléaires. Elle a, dans un même temps, décidé de retirer certaines armes de ses arsenaux, arrêté la production de matières fissiles et fermé son centre dessais du Pacifique, clôturant ainsi la période qui sétait ouverte avec lexplosion atomique gerboise bleue le 13 février 1960, dans le Sahara français.
Force est de reconnaître que les opérations de démantèlement, aujourdhui largement commencées, nont été rendues possibles et réalisables quà la suite de la décision prise par Jacques Chirac le 13 juin 1995 dentreprendre une ultime campagne dessais nucléaires. La volonté politique française quil a ainsi osé afficher publiquement a redonné une nouvelle crédibilité à une dissuasion que son prédécesseur avait légèrement entamée en décidant personnellement dun moratoire sur les essais français. Outre la validation de la tête nucléaire destinée à équiper le futur missile balistique mer-sol, cette série dessais permet daborder le programme simulation dans des conditions optimales et, par conséquent, de préserver lavenir de la clef de voûte du système de sécurité français.
Le démantèlement du système Hadès, décidé et annoncé par le Président de la République le 22 février 1996 est effectif. Le retrait des 32 têtes nucléaires TN93, stockées au 15ème Régiment dartillerie de Suippes, a été définitivement réalisé dès la fin du premier semestre 1997. Le démontage des têtes, qui avait débuté en février 1997 au centre militaire spécial de Valduc, sest achevé à la fin du mois doctobre de la même année. Les sous-ensembles nucléaires qui les composaient ont été stockés dans des conditions de sécurité contraignantes dans lattente de leur démantèlement complet. Pour leur part, les vecteurs ont été entièrement détruits au centre dachèvement et dessais des propulseurs et engins de la DGA, près de Bordeaux.
Sagissant des missiles balistiques sol-sol S3D du plateau dAlbion, la phase de retrait des matériels des zones de lancement sest achevée au mois daoût de cette année. Les têtes nucléaires ont été démontées sur le site par le Commissariat à lénergie atomique, puis acheminés vers ses établissements où elles doivent être démontées. Les vecteurs, dont les étages propulsifs ont été démontés par lArmée de lair ont été acheminés pour être détruits au centre dachèvement et dessais des propulseurs et engins. Lenvironnement technologique des missiles est en phase de démontage. Les diverses opérations sont, selon leur nature et leur objet, confiées soit à lArmée de lair, soit à la société Aérospatiale ; celles-ci devraient être achevées à la fin de lannée 1998.
La dissolution de la Direction des centres dexpérimentations nucléaires (DIRCEN) le 7 septembre dernier (décret n° 98-810 du 7 septembre 1998) tourne la page de 36 années dessais nucléaires. Cet établissement avait été créé en 1964 pour permettre la mise au point de la dissuasion française. De fait, sa mission sétait achevée le 27 janvier 1996 à 22 heures 30 avec la réalisation de Xouthos , ultime essai sur latoll de Fangataufa au centre dexpérimentation du Pacifique. De juillet 1966 à janvier 1996, la DIRCEN a conduit la totalité des essais réalisés à Mururoa et Fangataufa. Comme la précisé le Président Jacques Chirac à loccasion de la cérémonie de dissolution de la DIRCEN, cette dissolution met fin à lexceptionnelle aventure scientifique, technique et humaine que fut la réalisation de nos essais nucléaires dans le Pacifique. Ceux-ci ont permis de doter notre pays de larmement nucléaire dont il a besoin pour assurer sa sécurité ultime en toutes circonstances .
Si larrêt de la production de plutonium a été décidé en novembre 1992, la fermeture de lusine de Pierrelatte a été elle aussi annoncée par le Président Jacques Chirac en février 1996. Elle trouvait sa justification dans le fait que la France disposait dès cette date des quantités duranium très enrichi nécessaires pour atteindre le niveau de suffisance quelle sétait fixé pour sa dissuasion.
Dans le contexte particulier de prolifération des armes de destruction massive associé à une prolifération balistique inquiétante, votre rapporteur pour avis ne peut que se féliciter que lultime campagne dessais ait conféré à la simulation des capacités technologiques et une sûreté des paramètres techniques de nature à garantir la fiabilité des armes futures et par là, la crédibilité de la dissuasion.
III. LA PROLIFÉRATION
Le Livre Blanc sur la Défense de 1994 accordait déjà une place importante à la prolifération dans son chapitre consacré à lévolution des risques et des menaces, considérant que plusieurs facteurs daggravation de ce phénomène et des menaces quil fait craindre sont apparus ces dernières années , ce qui en a fait lun des défis majeurs pour la sécurité internationale et pour notre défense . Outre les menaces connues et identifiées que font courir la prolifération des armes nucléaires et celle de leurs vecteurs potentiels, il convient de ne pas négliger les risques résultant déventuelles actions terroristes exploitant les voies ouvertes par une dissémination de matières nucléaires.
Les rédacteurs du Livre Blanc devaient dailleurs donner une définition assez exhaustive de la prolifération en indiquant que la prolifération présente une double dimension : dune part, lexportation ou la diffusion, généralement considérées comme illicites, par un pays ou une entreprise, déquipements, de technologies, de matières ou de savoir-faire, liés à la fabrication darmes nucléaires, biologiques, bactériologiques, chimiques ou de missiles, notamment balistiques ; dautre part, leffort conduit par un Etat pour rechercher, développer et produire ces mêmes armes, entreprises le plus souvent clandestinement .
Bien que la prolifération des armes de destruction massive constitue globalement une menace quil convient de prendre en compte, votre rapporteur centrera lessentiel de son propos sur la prolifération des armes nucléaires, celle-ci étant plus directement liée à lobjet de son rapport. Par ailleurs, il sefforcera, si besoin en était, de faire apparaître la nature des liens qui sétablissent naturellement entre prolifération nucléaire et prolifération balistique.
Les régions où les risques de prolifération nucléaire demeurent les plus forts sont, sans équivoque, le Moyen-Orient et le pourtour de la Méditerranée où lon assiste à une croissance des capacités nucléaires, le sous-continent indien où récemment lInde et le Pakistan ont procédé à des essais nucléaires, et lAsie.
Périodiquement, la presse se fait lécho de larrestation de trafiquants de matières nucléaires, de la saisie de matériaux radioactifs (sans toujours établir dailleurs de distinction entre les usages civils et militaires des matières saisies) et de déclarations de terroristes affirmant détenir des armes nucléaires. Bien quune part de fantasme alimente généralement ce type dinformations -mais après tout, la dissuasion nucléaire ne repose-t-elle pas sur limpact psychologique de la menace- force est de constater que la circulation des éléments radioactifs civils, les trafics de matières, la dissémination darmes et de technologies liées aux éventuels phénomènes de migrations humaines, posent sérieusement la question des activités duales liées au nucléaire.
Le dilemme central posé par lénergie nucléaire tient au fait que les mêmes installations peuvent être utilisées pour produire de lénergie électrique ou pour fabriquer des matières fissiles utilisables dans les armes. La distinction entre les deux réside principalement dans la configuration et le fonctionnement des installations.
Trois types dinstallations, produisant cinq types de matériaux nucléaires sont identifiables: les réacteurs quils soient de recherche, de production ou de puissance, les installations de retraitement du combustible irradié, les installations denrichissement. Les matières nucléaires produites dans ces installations sont : le plutonium-239, luranium-235, le tritium, le lithium-6 et le deutérium.
Tous les réacteurs nucléaires peuvent être utilisés pour produire du plutonium-239 utilisable dans des armes nucléaires, de même quils peuvent également produire du tritium. Ce dernier est obtenu soit par irradiation daiguilles de lithium-6 dans un réacteur, soit par extraction de leau lourde utilisée comme modérateur dans certains types de réacteurs.
Les réacteurs de recherche, principalement ceux dune puissance supérieure à 10 Mwe, fonctionnant généralement à luranium hautement enrichi, directement utilisable dans une arme sil na pas été irradié, et capables de produire du plutonium, doivent être considérés comme proliférants.
Certains types de réacteurs de puissance construits dans les années 1960 par la Grande-Bretagne, lex-Union soviétique, et le Canada pouvaient facilement être utilisés pour produire du plutonium de qualité militaire. Pour y parvenir, il suffit simplement de faire varier la durée de séjour du combustible dans le réacteur.
Il convient de signaler que les réacteurs à eau légère ne sont pratiquement pas utilisables pour la production de plutonium. Les manoeuvres quune telle production nécessiterait, seraient de nature à altérer le réacteur et la sécurité de son environnement, ce qui accroîtrait, dans des proportions considérables, une production au coût déjà élevé.
Les installations de retraitement reposent sur des technologies chimiques. Dans ces installations, le combustible irradié est traité pour séparer luranium du plutonium et des actinides formés. De telles installations sont utilisables pour isoler du plutonium de qualité militaire.
Sagissant de lenrichissement de luranium, six méthodes existent pour fabriquer du combustible nucléaire : la diffusion gazeuse, la séparation aérodynamique, la centrifugation, le procédé chimique, le procédé laser et le procédé électromagnétique. Chacune de ces méthodes présente à la fois des inconvénients et des avantages. Le stade le plus difficile est de passer de luranium naturel à 0,7 % duranium-235 à luranium enrichi à 20 %. Le passage ultérieur à un uranium hautement enrichi, utilisable pour les armes requiert beaucoup moins dénergie et peut se faire dans une installation annexe ne demandant pas un déploiement important de moyens techniques.
Même si laccès au nucléaire militaire est largement conditionné par la détention des matières fissiles nécessaires, il convient de signaler que le fait pour un pays den disposer, ne lui permet pas denvisager de passer rapidement au stade de la fabrication dengins nucléaires. En effet, bien dautres technologies sont nécessaires pour développer une arme nucléaire. Ces technologies nucléaires sont, pour lessentiel, des technologies à usage théoriquement civil mais elles peuvent être détournées à des fins militaires ; elles sont généralement désignées sous la terminologie de technologies à double usage ou technologies duales .
Parmi ces technologies à double usage , on recense tout à la fois des technologies simples et des technologies très sophistiquées dont la possession peut aider un pays proliférant à accélérer le développement de son programme nucléaire militaire. Figurent notamment au nombre de ces dernières les super-ordinateurs, les composants électroniques et les pompes à vide, dont lutilisation est a priori civile.
Devant limpossibilité de contrôler les milliers déléments qui entrent dans la fabrication dune arme nucléaire et dont la plupart sont à double usage (civil et militaire), il est apparu nécessaire de ne faire porter le contrôle que sur les biens et les technologies réellement critiques , ceux sans lesquels une filière technologique ne peut pas fonctionner. Les processus de contrôle ont été mis en place par le Club de Londres, organisation sur laquelle votre rapporteur reviendra plus en détail dans la suite de son rapport.
La plupart des données scientifiques et techniques nécessaires à la fabrication dune bombe peuvent être puisées dans la littérature ouverte . Sur le plan scientifique, de nombreuses informations nont toutefois pas été déclassifiées : les architectures internes des armes à fission exaltée, la compressibilité dynamique du plutonium. Cest dans la partie de la détonique, qui traite de la mise au point des implosoirs, que subsistent les verrous technologiques les plus nets. Il est notamment difficile de détenir la maîtrise technologique nécessaire à la réalisation de bonnes lentilles pour les conformateurs donde de détonation, de même quil est malaisé dobtenir une implosion de qualité sans laquelle une arme de seconde génération ne serait pas utilisable.
Parallèlement à ces verrous technologiques, la production et la vente limitées de certaines matières présentant des qualités nucléaires militaires , telles que le plutonium ou le béryllium, constituent un frein effectif à la prolifération. Toutefois, comme le montre lexemple de lIrak, un pays affichant une forte détermination et capable de mobiliser des moyens financiers importants sur un projet militaire, peut, à partir de technologies denrichissement datant des années 1940, produire de façon inquiétante des matières susceptibles dintervenir dans la fabrication darmes nucléaires rustiques.
Le développement des connaissances scientifiques, celui de linformation et des moyens de communication (les internautes ne connaissent pas les frontières et saffranchissent des réglementations) favorisent objectivement la dissémination des technologies et demain peut-être des matières nucléaires sur lensemble de la planète. A titre dexemple, il convient de rappeler quil y a une vingtaine dannées, le déclassement par les Etats-Unis dinformations se rapportant aux technologies thermonucléaires et leur publication dans des revues, accessibles à tout public, ont permis à dautres pays daccélérer sensiblement leur maîtrise de ce type darmement. Cest notamment à partir dinformations parues dans la littérature ouverte que lex-URSS est parvenue dans un temps record à développer son arsenal thermonucléaire.
a) Les transferts technologiques
Les programmes civils de coopération nucléaire conduits par les Etats nucléaires avec dautres Etats désireux officiellement de diversifier leurs approvisionnements énergétiques, constituent une autre source possible de prolifération. Le risque est en effet grand de voir les experts nucléaires de ces pays transférer des technologies et du savoir-faire vers des pays proliférateurs, dans la mesure où les connaissances requises pour utiliser latome à des fins pacifiques présentent un important tronc commun avec celles qui permettent les études préalables, la mise au point et la fabrication darmes nucléaires.
Suite à une initiative américaine, une réflexion a été conduite dans le cadre du Comité Zangger sur la nécessité de mettre sur pied un régime tendant à limiter les transferts de matériel et de technologie relative à lutilisation des matières nucléaires à des fins militaires. Lextension des exportations déquipements nucléaires civils au début des années 1970, la prise de conscience de la communauté internationale du problème de la prolifération après lexplosion nucléaire indienne de 1974, et le fait que la France, un des principaux exportateurs, nétant alors pas partie au Traité de non-prolifération nucléaire, ne participait pas aux travaux du Comité Zangger, ont conduit les sept principaux fournisseurs nucléaires dalors à se regrouper pour former le Club de Londres.
Les travaux du Club de Londres ont eu pour principal objet délaborer des règles dharmonisation de leurs politiques dexportation darticles nucléaires à des fins pacifiques vers les Etats non dotés darmes nucléaires. Ils ont établi en 1978 un code de bonne conduite plus connu sous le nom de directives de Londres .
Ces directives établissent les principes de base que les pays exportateurs sengagent à respecter pour lexportation de biens nucléaires sensibles. Le premier de ces principes reprend les critères définis par le Comité Zangger (assurance formelle dun usage pacifique, garanties AIEA, garanties sur le retransfert) qui sapplique aux biens eux-mêmes ainsi quaux technologies. Le second précise que la protection physique de ces biens contre les actes de sabotage, le terrorisme ou le vol doit faire lobjet daccords clairement définis entre les deux gouvernements. De plus, les Etats fournisseurs se réservent le droit de restreindre les transferts déquipements et de matières sensibles (plutonium, uranium enrichi), dinstallations denrichissement duranium, de retraitement de combustibles nucléaires, ou de production deau lourde exerçant ainsi une tutelle sur les marchés internationaux et matériels considérés comme susceptibles de favoriser la prolifération.
A côté de ces grands principes, les directives de Londres préconisent aux fournisseurs une auto-limitation des transferts de technologies et de matières sensibles. Les matières prises en compte sont définies dans deux annexes publiées pour la première fois par lAIEA en février 1978, plusieurs fois mises à jour depuis. La première annexe énumère les produits et matériels considérés comme les éléments de base du nucléaire (matières fissiles, réacteurs, etc.), la seconde définit des critères communs aux pays exportateurs pour les transferts de technologies relatifs aux installations ainsi que les principaux composants.
Par ailleurs, les membres du Club de Londres, dont le nombre sélève aujourdhui à 35 Etats, parmi lesquels figurent actuellement tous les pays signataires du TNP, à lexception de la Chine, se tiennent mutuellement informés des programmes quils mènent en coopération. Ces échanges dinformations constituent le complément indispensable aux règles édictées pour les matériaux et matériels. Ils permettent ainsi à tous les pays exportateurs didentifier les pays souhaitant acquérir des technologies nucléaires et, en fonction des matériaux ou matériels recherchés, les intentions de ces pays.
Le Club de Londres ne sest pas réuni entre 1978 et 1991 mais a repris ses travaux après la découverte du programme nucléaire irakien à la suite de la guerre du Golfe et de ladoption par le Conseil de sécurité de la résolution n° 678 du 3 avril 1991. Il a élaboré en avril 1992, à Varsovie, de nouvelles règles plus contraignantes concernant les matériels à double usage civil et militaire.
A loccasion de la réunion plénière de Lucerne (Suisse) en 1993, les membres du Club de Londres ont adopté le principe du contrôle intégral comme norme commune sappliquant à la fourniture de biens nucléaires à un Etat non doté darmes nucléaires. Il est désormais exigé, préalablement à la signature dun contrat avec un Etat non-nucléaire, la mise sous contrôle de lAgence internationale de lénergie atomique non seulement des matières et équipements nucléaires transférés, mais aussi de la totalité des installations existantes et futures de ce pays, quil soit adhérent ou non au TNP. Par ces effets naturellement contraignant, cette dernière mesure constitue un frein effectif à la prolifération.
Il est toujours délicat dapprécier la portée réelle de mesures restrictives telles que celles adoptées par le Club de Londres dans la mesure où, par essence, elles créent des non-événements. Toutefois, votre rapporteur, malgré la réalité de la dissémination, considère que leur existence contribue à enrayer ce phénomène et par là même renforce la sécurité internationale. Il estime que la France se doit de tout mettre en oeuvre diplomatiquement pour faire en sorte que les pays disposant de fait de capacités nucléaires militaires rejoignent au plus tôt le Club de Londres et subordonnent leurs activités exportatrices nucléaires au respect des directives contraignantes quil a adopté.
b) Lexpatriation des cerveaux
Au début des années 1990, on pouvait estimer, Asie non comprise, à près de 150 000 leffectif des personnels du nucléaire militaire. Selon une étude de la CIA, citée par Marie-Hélène Labbé1, environ 100 000 militaires et civils soviétiques travaillaient directement pour le secteur des armes nucléaires dans lex-URSS ; parmi ceux-ci, 2 000 auraient eu une connaissance approfondie de la conception des armes, et 3 000 à 5 000 auraient travaillé à la production du plutonium ou à lenrichissement de luranium.
Leffondrement de lempire soviétique, puis la crise économique, politique et sociale qui secoue les Etats-membres de la Communauté des Etats indépendants, ont entraîné une remise en cause profonde du complexe militaro-industriel qui constituait lun des fondements de la puissance soviétique. Le manque déquipements et le déficit de financement des instituts, universités et centres de recherche de ces pays ont eu bien souvent pour effet le délitement des équipes et la démotivation des chercheurs. Nombreux sont ceux qui ont pu être tentés ou peuvent encore lêtre démigrer vers des pays proliférateurs pour exercer leurs talents sous des cieux plus favorables et y négocier leurs compétences.
Selon une interview confiée à lagence Tass en juillet 1992 par V. Medvedev, membre du Présidium de lAcadémie des sciences de Russie, trois types de fuite de cerveaux de la communauté scientifique russe étaient à craindre : le départ vers un pays étranger, leur transfert interne par changement de profession, enfin leur intégration aux activités de nouvelles sociétés issues du complexe militaro-industriel . Si un nombre restreint de scientifiques sélectionnés ont semble-t-il trouvé une situation au sein de ces sociétés, la majeure partie exerce une profession dans des établissements aux moyens réduits, lorsquils nont pas été simplement licenciés, constituant ainsi un vivier de candidats à lexil.
Cest tout naturellement vers les pays industrialisés de lOccident que se sont en majorité tournés les scientifiques de haut niveau, séduits alors par les fastes nouveaux quils escomptaient y trouver. Les Etats-Unis ayant pour leur part constitué un pôle dattraction important.
Toutefois, il paraît fort probable quun certain nombre de ces candidats au départ ait été attiré par les offres aussi alléchantes que discrètes de pays cherchant à accéder au rang de puissance nucléaire. Il convient de remarquer quen toute logique le nombre de ces mercenaires scientifiques doit être relativement limité dans la mesure où ni la sécurité du chercheur (et a fortiori de sa famille), ni le retour en fin de contrat ne seraient véritablement assurés après une collaboration à des programmes clandestins, par définition très secrets. Cependant, il est vraisemblable quun tropisme idéologique a pu également pousser certains scientifiques vers des pays de lancien camp communiste, ou qui en étaient proches, avec lesquels ils auraient pu conserver des liens tissés auparavant (Cuba, Corée du Nord, Syrie, Irak, Inde, etc.).
La ville de Dijon a accueilli, au mois de septembre dernier, un colloque international2 réunissant les représentants de 83 pays, organisé conjointement par lAIEA, Interpole et lOrganisation mondiale des douanes, sur le thème de la délinquance nucléaire et le contrôle des substances radioactives, traduisant ainsi les préoccupations des acteurs internationaux.
A cette occasion, M. Hans-Friedrich Meyer, porte-parole de lAgence internationale de lénergie atomique, précisait que depuis 1993, lAgence avait comptabilisé 227 cas confirmés de trafic, et 103 autres cas pour lesquels la réalité du trafic navait pas pu être établie . Parallèlement, Mme Jytte Edkahl, spécialiste de ce secteur à Interpole, constatait une baisse très nette des saisies, après une pointe en 1994-1995 . Elle notait, par ailleurs, que les saisies de matières fissibles ont été rarissimes et quil sagissait toujours de très petites quantités , relativisant ainsi limportance de la contrebande de substances pouvant alimenter la prolifération des armes nucléaires.
Depuis léclatement de lancienne Union Soviétique et les informations alarmantes diffusées sur létat de son arsenal nucléaire et les incertitudes planant sur lefficacité de son contrôle par les autorités russes, la contrebande de matières fissiles ou dengins nucléaires constitue un réel motif dinquiétude. Il est pour le moins exact, quen dépit des assurances prodiguées par de hauts responsables russes, le risque existe que le marché noir et les éléments du crime organisé ne permettent la dissémination de composants nucléaires.
Il convient toutefois de noter que seulement quatre cas de contrebande de matières susceptibles de servir à la fabrication darmes nucléaires ont été répertoriés ces dernières années : 363 grammes de plutonium 239 concentré à plus de 87 % saisis, le 10 août 1994, à Munich ; 6 grammes de plutonium 239 pur à 99,8 % découverts, à la même époque, dans un garage de Tengen (Bade-Wurtemberg) ; 2,73 kg duranium enrichi à 87,7 % trouvés le 14 décembre 1994, à Prague, dans le coffre dune voiture, par des policiers tchèques ; et 38 grammes duranium hautement enrichi saisis, le 27 février, en Italie.
Bien quimportantes, les saisies répertoriées paraissent toutefois limitées dans leurs conséquences prolifératrices, lorsque lon sait que la fabrication dune bombe exige toutefois des quantités très supérieures à celles saisies (entre 4 et 6 kg de plutonium ou un peu plus de 20 kg duranium hautement enrichi), des matériaux et des pièces mécaniques et électroniques sophistiquées, de sérieuses compétences techniques, ainsi que dimportants moyens financiers.
Quatre éléments apparaissent cependant de nature à alimenter les risques de terrorisme nucléaire :
lincertitude qui pèse sur le devenir et la sécurité des armes nucléaires tactiques déployées sur lensemble du territoire de lancienne URSS, à cet égard on ne peut négliger les déclarations rapportées le 12 octobre dernier par le quotidien Al-Hayat selon lesquelles M. Oussama Ben Laden, milliardaire dorigine saoudienne soutenant les Talibans afghans, se serait procuré des armes nucléaires dans danciennes républiques soviétiques ;
les risques de diversion de matières radioactives par des groupes mafieux à partir des installations nucléaires de lancienne URSS, quelles soient civiles ou militaires ;
laugmentation des stocks de plutonium issu des installations de retraitement ;
la prolifération nucléaire qui multiplie le nombre de sites potentiels pour l approvisionnement des terroristes ou pour la conduite dactions déstabilisatrices du type attentat.
En tout état de cause, le terme de terrorisme nucléaire paraît susceptible de répondre à trois scénarios différents :
des actions terroristes conduites contre des installations nucléaires civiles ou militaires, incluant les dépôts darmes nucléaires, les véhicules de transport, les composants nucléaires et les matériels associés. Compte tenu du nombre dinstallations existantes, la probabilité doccurrence est loin dêtre nulle.
Il convient cependant de distinguer les menaces daction, par exemple contre les centrales nucléaires, dun groupe terroriste dont le but serait avant tout de retirer un avantage politique de son chantage en exerçant une pression psychologique sur les populations, du passage à lacte qui requerrait la mise en uvre de moyens considérables passant difficilement inaperçus. Le détournement de déchets radioactifs, par exemple issus de milieux hospitaliers ou universitaires, est un des risques les plus vraisemblables. Ce risque doit être pris en compte, mais relativisé compte tenu de la quantité de produits radioactifs concernés et du danger quils représentent ;
la menace demplois dengins nucléaires ou de matières radioactives dans le but de causer des dommages considérables au pays visé. Cette seconde possibilité pouvant être une suite logique de premier scénario. En dépit de sa popularité en terme de fiction, la menace demploi dune arme nucléaire dérobée ou dun engin rudimentaire bricolé par un groupe de terrorisme ne sest heureusement jamais transformée en réalité. La prolifération nucléaire, en augmentant les sites daction possible et le nombre de groupes de terroristes, engendre néanmoins une multiplication des risques.
Lhypothèse de lassistance matérielle d Etats terroristes à des groupes terroristes nest pas à exclure, mais il convient ici de préciser que la complicité dun pays tiers, si elle était avérée, conduirait le pays victime à considérer que lEtat complice est en quelque sorte lauteur de lagression, ce qui lexposerait à de réelles sanctions ;
laction de groupes nationaux ou transnationaux opposés au développement de nucléaire civil, à la détention darmes nucléaires, ou au stockage de déchets hautement radioactifs. Dans ce cas précis, les terroristes auraient comme objectifs de démontrer linsuffisance du dispositif de sécurité de linstallation et de sûreté nucléaire plutôt que de se livrer à des actes criminels mettant en jeu la vie des populations. Ce dernier scénario paraît de loin le plus probable. Ses conséquences sont essentiellement politiques et la sécurité des populations ne serait pas menacée. On ne peut cependant pas totalement exclure un quelconque dérapage ou un accident technique toujours possible.
La lutte contre la prolifération des armes nucléaires est aujourdhui une préoccupation constante de la Communauté internationale, ce qui a permis, au cours des dernières années, de remporter dincontestables succès en ce domaine. Le nombre de pays détenteurs de fait de larme nucléaire a régressé, lAfrique du Sud ayant renoncé et entrepris le démantèlement de son arsenal nucléaire en 1991. Par ailleurs, un grand nombre de pays ont adhéré au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Celui-ci est devenu quasi universel puisque seuls Cuba, lInde, Israël et le Pakistan ny ont pas adhéré. Ce résultat a été acquis grâce à une vigilance constante en matière de non-prolifération et au prix de pressions et dinterventions fortes sur des pays comme la Corée du Nord et lIrak, pour lesquels de nombreux indices permettaient de conclure quils conduisaient des programmes darmement nucléaire.
Il est communément convenu de distinguer deux grandes catégories de pays proliférateurs :
les Etats dits du seuil sont ceux que les experts estiment être sur la voie de lacquisition dune capacité daccès à larme nucléaire. En font partie la Corée du Nord, lIran, lIrak, le Brésil, lArgentine, la Syrie, la Libye et lAlgérie ;
les pays nucléaires de fait , soit parce quils ont ou quils ont eu, soit quils laissent entendre plus ou moins explicitement quils ont ou quils avaient la capacité de construire des armes nucléaires, soit parce quils ont procédé à des expérimentations nucléaires militaires (Afrique du Sud, Israël, Inde et Pakistan).
Les régions où les risques de prolifération demeurent sont le Moyen-Orient et le pourtour de la Méditerranée, le sous-continent indien et lAsie du sud-est. Par contre, la prolifération nucléaire est à tout le moins en nette régression, voire définitivement stoppée dans dautres régions : Amérique latine et Asie du sud.
LIran ne possède à ce jour aucune arme nucléaire, mais il est soupçonné de chercher à développer un programme nucléaire dont la finalité militaire apparaît quasiment certaine. Ce pays sefforce dacquérir toutes les technologies en rapport avec le nucléaire, y compris des réacteurs de recherche dune puissance qui pourraient soutenir indirectement un programme darmement nucléaire ou être réorientés au profit dun tel programme.
LIran a recherché laccès au nucléaire depuis les années 1970 et ce malgré des réserves importantes en pétrole et en gaz naturel qui le mettaient théoriquement à labri de problèmes énergétiques. Il a dailleurs passé au début des années 1990 un accord de coopération avec la Chine sur le développement dune filière nucléaire à des fins pacifiques. Début 1992, les Etats-Unis ont dissuadé la Chine et lArgentine de céder à lIran des technologies nucléaires jugées critiques. Lexistence de programmes civils permet dapprofondir et de renforcer la formation des chercheurs, ingénieurs et techniciens iraniens dans la maîtrise de technologies nucléaires susceptible dêtre utilisée à des fins civiles comme à des fins militaires.
Les experts internationaux évaluent à une dizaine dannées environ le délai minimum nécessaire à lIran pour parvenir au stade de la production darmes nucléaires, sous réserve quil puisse se procurer à létranger les équipements indispensables à leur réalisation.
Les inspections des installations iraniennes conduites par les experts de lAIEA, notamment en 1992, nont révélé aucune activité suspecte. Il convient toutefois de signaler quelles avaient été effectuées à la demande de lIran et que la visite était planifiée plusieurs semaines à lavance.
LIrak aurait eu les capacités techniques de produire quelques engins nucléaires rustiques dès 1993 sil ne sétait pas engagé dans la conquête du Koweït en 1990. Les infrastructures qui avaient été construites à cet effet ont été détruites par les raids alliés pendant la guerre du Golfe. Ce démantèlement a été parachevé par les opérations de destruction ordonnées par lONU et conduites par les équipes de lAgence internationale de lénergie atomique (AEIA).
LAIEA est actuellement engagée dans un programme de contrôle à long terme sous les auspices de lONU. Les résolutions nos 687 et 715 du Conseil de sécurité des Nations unies interdisent de fait la reconstruction par lIrak de ses infrastructures nucléaires. Cependant ce pays possède lexpertise scientifique, technologique et humaine pour pouvoir, le cas échéant, reprendre son programme nucléaire. Il est clair que la conduite dun programme nucléaire dual par lIran est de nature à inciter lIrak à relancer ses propres recherches ; le couple dissuasif pourrait ainsi être appelé à se reconstituer dans lavenir, dautant plus que les tensions entre ces deux pays nont pas véritablement disparu.
Lattitude récente de lIrak face aux exigences de lONU sagissant des visites de sites susceptibles dabriter des unités de fabrication ou de stockage darmes chimiques montre combien il est important de maintenir un contrôle permanent sur les installations sensibles (résolution n° 715 du Conseil de sécurité) et sur les importations de biens et équipements nucléaires à double usage, dont le principe a été posé dans la résolution n° 1081 du Conseil de sécurité du 27 mars 1996.
Israël, dont lexistence même nest pas reconnue par tous les pays du Moyen-Orient, figure, compte tenu de son environnement, au nombre des pays proliférateurs3. La mise au point et la détention par ce pays dune force de dissuasion nucléaire paraît, de lavis unanime des experts, acquise. Celle-ci pourrait être constituée soit dune composante aérienne, soit dune composante balistique et comprendrait un nombre de têtes nucléaires évalué par certains experts entre quelques dizaines et par dautres à un peu plus de cent.
Ce pays a, dès 1952, créé une Commission israélienne pour lénergie atomique, destinée à coordonner les efforts de recherche civile. Israël signe en 1955 un accord cadre de coopération nucléaire avec les Etats-Unis qui permettra dune part la formation de caches aux Etats-Unis et dautre part lachat dun réacteur de recherche fonctionnant à luranium hautement enrichi. Cest à cette époque que le Président Ben Gourion décida de doter son pays de larme nucléaire.
En 1963, un réacteur à uranium naturel et une installation dextraction du plutonium, fournis par la France, furent mis en service à Dinoma, dans le désert de Néguev, permettant ainsi à Israël de produire les matières fissiles indispensables.
Selon un expert américain, S. M. Hersh, Israël aurait disposé, dès 1973, dune vingtaine dengins nucléaires contenant du plutonium. Par ailleurs, un technicien nucléaire israélien ayant travaillé sur le site, Mordechai Vanunu a déclaré au Sunday Time en octobre 1986, que le centre de Dinoma aurait été agrandi vers la fin des années 1970 pour accroître la production de plutonium. Suite à ses déclarations et aux photographies quil aurait fournies aux experts américains, il paraît vraisemblable quIsraël aurait construit des engins boostés au tritium ou au deuteriure de lithium développant des puissances supérieures à 100 kilotonnes.
Officiellement, Israël naurait pas expérimenté darmes nucléaires. Toutefois, les déclarations récentes du Vice-Ministre des Affaires étrangères sud-africain ont confirmé les révélations parues dans la presse internationale en 1988 qui attribuait à une expérimentation conjointe dIsraël et de lAfrique du Sud un flash dorigine nucléaire observé en 1979 au large de lAfrique du Sud. La grande majorité des experts internationaux saccordent sur le fait quIsraël aurait pu également bénéficier pour partie de transferts technologiques américains.
Ce constat soppose aux déclarations des autorités israéliennes selon lesquelles Israël ne serait pas le premier Etat à introduire des armes nucléaires au Moyen-Orient et que cet Etat souhaitait voir sinstaurer une zone exempte darmes de destruction massive dans cette région.
LAlgérie a ratifié le Traité de non-prolifération nucléaire en 1995 et toutes ses installations sont soumises aux garanties et par conséquent au contrôle de lAIEA. Elle dispose actuellement de deux réacteurs de recherche nucléaires, lun de faible puissance situé près dAlger fourni par lArgentine et lautre plus puissant à Ain Oussara, installé par la République populaire de Chine. Lusage de ce réacteur pose toutefois question dans la mesure où sa puissance et son éloignement des centres urbains conduit à sinterroger sur sa réelle utilité comme source dénergie, à moins que sa localisation réponde à une optimisation des mesures de sécurité.
Bien que le programme nucléaire algérien ne soit pas aujourdhui orienté vers la création dune capacité nucléaire militaire, force est de constater que les infrastructures et le savoir-faire acquis pourraient un jour servir à la mise en oeuvre dun programme darmement.
La Libye a signé le Traité de non-prolifération nucléaire. Elle ne possède pas darmes nucléaires et ne dispose pas des infrastructures en permettant la fabrication. Elle a toutefois développé un programme de recherche nucléaire qui est totalement tributaire du savoir-faire étranger. Lassistance technique dont elle a bénéficié provenait de lex-URSS ; elle a, depuis la disparition de lUnion soviétique, tenté détablir des liens de coopération dans le domaine nucléaire avec la Russie, la Chine, lInde et le Pakistan. Selon les experts occidentaux, la Libye pourrait toujours être à la recherche darmes ou de technologies nucléaires.
La Syrie est signataire du Traité de non-prolifération nucléaire dès 1968, mais na ouvert que tardivement ses installations aux inspections de lAIEA (1992). Elle a récemment acquis un petit moteur de recherche à la Chine dont la vente na été autorisée par lAIEA quaprès que la Syrie eut signé laccord de contrôle. Ce pays détient par ailleurs dautres armes de destruction massive, notamment chimiques, associées à la détention de missiles balistiques ; par ailleurs, il tenterait de développer des composantes bactériologiques.
Alors que la Corée du Nord avait adhéré au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) en 1987, elle a annoncé, en mars 1993, son intention de se retirer de ce traité et de refuser désormais les contrôles de lAIEA suite à un différend avec lAgence de Vienne.
Linquiétude quant aux possibles activités nucléaires militaires de la Corée du Nord provient de lopacité qui a été entretenue par ce pays autour de son réacteur de recherche nucléaire de Yongbyon. En 1989, tout ou partie du combustible de ce réacteur de 5 mégawatts aurait pu être déchargé et le plutonium qui aurait pu en être extrait serait susceptible de permettre la fabrication dune arme nucléaire.
A la différence de la plupart des autres pays proliférateurs, la plus grande partie des installations nord-coréennes sont de conception locale, ce qui permet de mesurer le niveau de connaissance technologique des ingénieurs et techniciens nords-coréens, mais prive deffet, par ailleurs, les mesures de contrôles dexportation sur les équipements réalisés dans ce pays.
A la suite de la crise qui a opposé la Corée du Nord aux Etats-Unis, ces deux pays ont signé un accord cadre le 21 octobre 1994 ayant pour objectif de geler le programme nucléaire militaire de la Corée du Nord. A ce jour, lAIEA na toujours pas été autorisée à accéder aux combustibles stockés. De fortes interrogations pèsent donc sur les capacités nucléaires militaires de la Corée du Nord.
Il convient enfin de signaler que Pyongyang a testé un missile vraisemblablement de la famille Taepo-Dong I, dune portée de 1 500 à 2 000 kilomètres à la fin du mois daoût de cette année.
Depuis lété 1998, lInde et le Pakistan sont devenus des pays nucléaires militaires de fait en procédant à une série dessais nucléaires souterrains faisant craindre une reprise de la course aux armements nucléaires.
Ces deux pays disposent depuis plusieurs années dinfrastructures scientifiques et technologiques sophistiquées leur permettant de développer des armes nucléaires et leurs vecteurs. Bien que leur politique ne vise pas le soutien de transferts déstabilisants vers dautres pays, ils nont pas adhéré aux régimes de non-prolifération et peuvent donc constituer des sources dinformations et de technologies pour des pays proliférateurs. Ni lInde, ni le Pakistan nont adhéré au TNP malgré les vives pressions diplomatiques qui ont été exercées sur leurs dirigeants. De plus, les désaccords territoriaux qui persistent entre eux font peser la menace dun conflit au cours duquel les armes de destruction massive pourraient être utilisées. Si ce devait être le cas, cela poserait alors bien évidemment un problème politique global.
Les discussions internationales qui se tiennent aujourdhui visent à convaincre les deux pays, dune part de ne pas déployer darmes nucléaires, dautre part daccepter dadhérer au traité dinterdiction des essais nucléaires et de participer à une négociation visant à interdire la fabrication de matières fissiles pour les armes nucléaires.
La détention de larme nucléaire par lInde trouve objectivement sa justification dans un déséquilibre stratégique du sous-continent indien et dans son environnement immédiat. En effet, ce vaste pays a dû subir une lourde défaite lors de la guerre sino-indienne de 1962 et depuis lors persiste une tension permanente avec ses deux voisins, la Chine et le Pakistan qui disposent lun et lautre de capacités nucléaires utilisables à des fins militaires.
Dès 1960, un réacteur de recherche de quarante mégawatts fourni par le Canada donna aux Indiens la capacité de produire du plutonium par retraitement dès 1964. Cest en 1971 quIndira Gandhi après sa réélection aurait pris la décision de construire un engin nucléaire explosif. La mission fut confiée au Bhabba atomic research center et au Defence research and development organisation. Les travaux de recherche et développement auraient été entrepris dès 1964, date de la première explosion nucléaire chinoise. Après lessai nucléaire souterrain de 1974 dun engin au plutonium dune puissance de 12 kilotonnes, leffort nucléaire sest poursuivi par la mise en service dun autre réacteur plutonigène, extrapolation indienne du réacteur canadien, puis par des développements de la filière uranium hautement enrichi par ultracentrifugation, concrétisés par la réalisation dune unité denrichissement.
Initialement, le Canada et les Etats-Unis ont apporté leur coopération au développement du nucléaire civil indien. Laccès à la matière fissile, essentiellement le plutonium, a été rendu possible grâce à lacquisition de la technologie canadienne. Il semble quil ny ait pas eu de coopération ou daide extérieure pour la réalisation dun engin nucléaire, ce qui expliquerait le délai relativement long entre les premiers travaux en 1964 et lessai nucléaire en 1974.
LInde est officiellement le seul pays, autre que les cinq Etats nucléaires déclarés, qui avait fait exploser un engin nucléaire de quelques kilotonnes en 1974, qualifié à lépoque dessai à des fins pacifiques. Ce pays nest pas membre du TNP quil dénonce comme discriminatoire et refuse dadhérer au Traité dinterdiction des essais nucléaires (TICE). LInde a développé de longue date un programme nucléaire civil et militaire et maîtrise à peu près pratiquement lensemble du cycle du combustible nucléaire ainsi que les filières du nucléaire militaire (enrichissement, retraitement, production de tritium, séparation disotopes). Il semblerait que si lInde a pu, dans un premier temps, acquérir des matières fissiles grâce à des coopérations extérieures indirectes, elle aurait, par contre, accédé à larme nucléaire sans aide connue, autre que celle apportée par les publications scientifiques et techniques et par la qualité de ses chercheurs.
Deux mois seulement après son arrivée au pouvoir, le BJP (Bharatiya Janata : parti du peuple indien) a concrétisé, par une série de cinq essais nucléaires les intentions quil avait affichées sur fond de nationalisme au cours de la campagne électorale indienne. La population indienne, ou du moins la partie la moins miséreuse de celle-ci, a salué les essais réalisés les 11 et 13 mai, comme étant un signe de cohésion retrouvée de la Nation indienne. Il est vrai que lInde cherche par tous les moyens à saffirmer sur la scène internationale vis-à-vis, dune part, de son puissant voisin chinois qui linquiète aux confins de lHimalaya et, dautre part, par rapport au Pakistan avec qui la question du Cachemire demeure une source daffrontement.
Le Pakistan est un pays qui ne dispose pratiquement pas de ressources énergétiques dorigine fossile, ce qui justifie pleinement son intérêt pour lénergie électrique dorigine nucléaire. Dès 1955, il se dota dun organisme chargé de développer le nucléaire civil, la Commission pakistanaise à lénergie atomique. En 1965, les Etats-Unis livraient un réacteur de recherche de cinq mégawatts fonctionnant à luranium hautement enrichi à linstitut Pinstech de Rawalpindi. Puis le Canada fournit en 1972 un réacteur électronucléaire de 125 MW de type Candu fonctionnant à luranium naturel.
Dès 1973, le Pakistan commença à sintéresser aux techniques de retraitement permettant de séparer le plutonium des combustibles irradiés. A cet effet, il approcha la France qui renoncera finalement au projet. En 1978, il construisit à Rawalpindi, avec le concours de la Belgique, un laboratoire capable de séparer quelques kg de plutonium par an. Poursuivant son effort de diversification des filières daccès aux matières fissiles, le Pakistan sintéressa également au procédé denrichissement de luranium par ultracentrifugation pour produire en 1987 de luranium hautement enrichi. Outre les coopérations déjà citées, le Pakistan aurait bénéficié de laide la Chine.
Par ailleurs, le Pakistan a perdu la guerre qui lopposait à lInde et a été amputé de la partie occidentale de son territoire, devenu le Bangladesh. Cest à cette époque que les autorités pakistanaises ont pris la décision de développer larme atomique, décision renforcée par lexplosion nucléaire à laquelle sest livrée lInde en 1974.
En février 1992, le Ministre des Affaires étrangères du Pakistan a déclaré que son pays possédait les composants pour construire au moins une bombe nucléaire, mais que la production de ces composants et des matières fissiles avait été gelée dès 1989. Selon des déclarations à la presse de lancien Chef dEtat-major pakistanais, le Général Mirza Aslam Beg, le Pakistan aurait franchi la ligne en 1987 en effectuant un essai à froid sur son territoire, sans autre détail sur la nature de cet essai froid . En juillet 1993, les autorités pakistanaises ont cependant affirmé ne pas détenir darmes nucléaires.
Ces propos semblent toutefois largement contredits par les six à sept tirs expérimentaux auxquels sest livré récemment le Pakistan. Bien que dintensité limitée, les essais réalisés dans le Balouchistan les 28 et 30 mai dernier par Islamabad y apportent un démenti formel. Le Premier Ministre pakistanais, Nawaz Sharif a justifié ces essais en déclarant quils constituaient la réponse à la militarisation du programme nucléaire indien.
Comme son rival indien , le Pakistan aurait les moyens de rendre opérationnelles très rapidement quelques nouvelles armes nucléaires de première génération. Le Pakistan est soupçonné davoir produit suffisamment duranium enrichi de qualité militaire pour fabriquer plusieurs dizaines de bombes nucléaires. On estime que, grâce à ses réacteurs nucléaires de recherche, ses installations de retraitement et ses installations denrichissement par centrifugation, le Pakistan produit suffisamment de matières fissiles spéciales pour confectionner environ deux engins nucléaires par an.
Le Brésil est considéré comme faisant partie des pays capables de produire du matériel pour les armes nucléaires depuis 1989. Il a accepté, en accord avec lArgentine, en 1990, de renoncer à lacquisition de telles armes et détablir des garanties communes sur les installations nucléaires. Tout au long des années 1980, le Brésil a maintenu un programme darmes nucléaires clandestin. Une partie des militaires continuerait cependant dexercer une pression en faveur de programmes liés au nucléaire, comme, par exemple, lacquisition ou la réalisation de sous-marins à propulsion nucléaire, sans toutefois vouloir apparemment entraîner le pays dans un programme visant à développer les armes nucléaires.
LArgentine se livre à des activités de recherche sur lénergie nucléaire qui remontent aux années 1950. Elle dispose dune capacité denrichissement de luranium lui permettant de préparer du combustible enrichi à 20 % et, comme le Brésil, possède des installations de traitement de luranium et de fabrication de combustibles qui ne sont pas sous garanties d lAIEA. En 1978, les militaires argentins au pouvoir avaient décidé de construire une usine dextraction du plutonium à partir de combustibles usagés, un projet abandonné en 1990. Depuis lors, labandon du développement dun programme nucléaire militaire semble acquis.
Durant les années 1980, lArgentine est aussi devenue un exportateur nucléaire, vendant des réacteurs de recherche à des clients tels le Pérou et lAlgérie. En 1992, les USA ont fait pression, avec succès, pour empêcher la vente déquipements de fabrication de combustible nucléaire à lIran.
LAfrique du Sud était la seule nation nucléaire à vocation militaire du continent africain. Sa décision de construire larme nucléaire remonterait à 1974. Il sagit du premier pays ayant renoncé au nucléaire militaire, décision qui remonte à 1991.
Laventure nucléaire militaire des autorités sud-africaines consistait à doter leur pays dune capacité nucléaire et avait pour but de préserver lexistence et la nature du régime face à la menace militaire que représentait la force dintervention cubaine en Angola alors soutenue par lex-Union soviétique. Lintérêt de lAfrique du Sud pour lénergie nucléaire civile par ailleurs justifié par le fait que ce pays est le troisième producteur duranium naturel au monde.
LAfrique du Sud créa lAtomic energy corporation (AEC) sur la base de travaux de recherches menés en commun par la Grande-Bretagne. En 1957, un accord de coopération les Etats-Unis dans le cadre du plan Atom for peace permit dassurer la formation de plus de 90 experts sud-africains et dacheter aux Etats-Unis en 1965 un réacteur de recherche de 20 mégawatts. Cette première phase a permis de former un réservoir de scientifiques et techniciens nucléaires de grande qualité et de constituer des centres de recherches nucléaires actifs et bien équipés.
Dès 1970, lAfrique du Sud a entrepris la construction dune unité denrichissement de luranium (procédé de séparation aérodynamique vortex à partir dhexafluorure duranium mis au point en Allemagne). Cette unité a été mise en service en 1975. La production duranium enrichi sest poursuivie jusquen 1989. Lexistence dun site dexpérimentation a été connue en 1977 lorsque furent détectés par satellites les préparatifs destinés à tester les premiers engins nucléaires.
Selon les déclarations officielles du Président de Klerk, la production darmes nucléaires fut limitée à six engins sur les sept initialement programmés. Ces armes nucléaires de type canon sont des bombes fonctionnant avec de luranium hautement enrichi. Pesant environ une tonne, elles étaient susceptibles de dégager une puissance estimée à 12,5 kilotonnes. Larrêt du programme nucléaire militaire sud-africain, ainsi que le début des opérations de démantèlement furent décidés en 1989. En 1991, lAfrique du Sud a adhéré au Traité de non-prolifération nucléaire. Elle a par ailleurs interrompu le programme darmes nucléaires qui devraient remplacer à lhorizon 2000 son arsenal.
Outre les coopérations dans le domaine nucléaire civil évoqué ci-dessus, il a longtemps été supposé quIsraël aurait échangé avec lAfrique du Sud sa technologie contre la fourniture duranium naturel et enrichi, ou contre certaines facilités dexpérimentation. Le technicien nucléaire israélien Mordechai Vanunu a dit avoir rencontré des Sud-Africains au centre de recherche nucléaire israélien de Dimona. La presse sud-africaine a fait état de la fourniture de 30 g de tritium par Israël. Par ailleurs, Israël et lAfrique du Sud auraient établi une coopération pour le développement de missiles.
A ce jour, il paraît clairement établi que lAfrique du Sud a procédé au démantèlement des têtes nucléaires quelle avait construites et que son abandon dun programme nucléaire militaire est effectif.
Les rédacteurs du Livre Blanc considéraient que le missile balistique constituait une menace particulièrement redoutée, non pas en lui-même, mais parce quil procure aux armes de destruction massive le maximum deffets militaires, stratégiques et psychologiques .
Les missiles peuvent en effet servir de vecteur à toutes sortes darmes, classiques ou de destruction massive. Les pays qui les acquièrent, et particulièrement ceux situés dans des zones de fortes tensions peuvent avoir lintention de les utiliser comme vecteurs darmes de destruction massive, et en particulier darmes nucléaires, ou donner à penser à leurs voisins quils lenvisagent. De fait, si un Etat ayant une capacité nucléaire et possédant des missiles décidait de se doter darmes nucléaires, il aurait à sa disposition des vecteurs plus dangereux que lavion, car très difficiles à intercepter. En outre, la plupart des missiles acquis jusquici par les pays en développement sont connus pour être relativement imprécis ainsi que la montré lemploi de missiles Scud par lIraq dans la guerre du Golfe. Leur efficacité militaire serait considérablement accrue sils étaient équipés darmes de destruction massive, voire chargés de déchets radioactifs, plutôt que darmes classiques conçues pour détruire des objectifs précis.
Le régime de non-prolifération serait donc renforcé si les limitations existantes touchant les transferts de matières et déquipements nucléaires étaient complétées par des limitations applicables aux transferts des systèmes darmes mixtes, cest-à-dire pouvant servir de vecteurs pour des armes classiques ou nucléaires. Cette recommandation a été partiellement mise en pratique en avril 1987 lorsque les gouvernements de sept pays -Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, République Fédérale dAllemagne et Royaume-Uni- ont établi un régime de contrôle des technologies relatives aux missiles (MTCR) en adoptant des directives identiques pour les transferts sensibles se rapportant aux missiles. Ces règles, qui ne sappliquaient à lorigine quaux transferts déquipement et de technologie susceptibles dapporter une contribution aux systèmes de missiles capables demporter une charge nucléaire, ont été modifiées en juillet 1992 pour sappliquer aussi aux missiles pouvant emporter des armes biologiques et chimiques, quelle que soit leur portée ou la charge utile quils pourraient transporter.
Le contrôle de la diffusion des technologies sensibles touchant les missiles passe par ladhésion de tous les Etats producteurs de missiles au MTCR. Votre rapporteur considère quil conviendrait de renforcer les règles du MTCR en donnant force obligatoire aux limitations et en créant un organisme international chargé de vérifier le respect des règles quil édicte. Jusquà présent, cette vérification est assurée unilatéralement par les parties, essentiellement par les Etats-Unis qui se limitent à la menace de sanctions commerciales vis-à-vis des sociétés contrevenantes.
Il est, par ailleurs, intéressant de noter que la totalité des pays nucléaires de fait ou du seuil ont développé parallèlement à leur programme darmements nucléaires des programmes de missiles balistiques.
DEUXIÈME PARTIE
LE FINANCEMENT DE LA DISSUASION
Après avoir soigneusement analysé lévolution du contexte géostratégique, que ce soit en termes dévolution des menaces et des risques, de perspectives ouvertes par les promesses de désarmement et par la lente maturation dun possible projet européen, comme du développement de certaines technologies classiques sophistiquées, le Livre Blanc sur la Défense de 1994 confirme à la fois la pertinence du concept de dissuasion et le bien-fondé du choix français en faveur de larmement nucléaire . Considérant que les armes nucléaires constituent un élément majeur de lindépendance de la France et un élément de sécurité face à des risques persistants ou peut-être croissants, il précise que la nécessité de disposer de ce type darmement demeure. Enfin, il réaffirme que le concept français continuera de se définir par la volonté et la capacité de faire redouter à un adversaire, quel quil soit, et quels que soient ses moyens, des dommages inacceptables, hors de proportion avec lenjeu dun conflit, sil cherche à sen prendre à nos intérêts vitaux .
Ce concept a été confirmé par la décision du Président Jacques Chirac, en juin 1995, de reprise dune ultime série dessais nucléaires.
I. - LÉVOLUTION DES CRÉDITS ET DES MOYENS DE LA DISSUASION
Les options politiques retenues par le Président de la République en Conseil de défense sinscrivaient dans le droit fil des conclusions du Livre Blanc. Elles trouvaient tout naturellement leur concrétisation dans la loi de programmation militaire, qui plaçait la dissuasion en tête des quatre grandes fonctions opérationnelles confiées aux forces armées. Lévolution des équipements et des moyens financiers au cours de la période 1997-2000 traduisait ces choix, la programmation ayant pour ambition affichée de donner à la France un outil de défense rénové, adapté à lenvironnement transformé décrit dans le Livre Blanc .
La loi n° 96-589 du 2 juillet 1996 relative à la programmation militaire pour les années 1997-2002 fixait lensemble des crédits destinés à la dissuasion à 105,785 milliards de francs 1995 (soit 111,167 milliards de francs en 1999) sur lensemble de la période couverte par la programmation, ce qui représentait 9,53 % du montant de leffort de défense au cours des six années de référence.
Cet objectif était cohérent avec la redéfinition de nos moyens de défense qui, selon lintroduction du rapport annexé à la loi de programmation militaire, sinscrivait dans un contexte de maîtrise des finances publiques, avec le souci non seulement de limiter à un niveau raisonnable les crédits consacrés par lEtat à sa défense, mais aussi dédifier une défense plus efficace et moins coûteuse .
Le niveau des crédits destinés à la dissuasion figurant dans le référentiel de programmation était fixé de façon à faire en sorte que la dissuasion demeure lélément fondamental de la stratégie de défense de la France et quelle reste la garantie contre toute menace sur nos intérêts vitaux. Le montant des crédits avait été établi en tirant parti du répit quoffrait la situation géostratégique pour redéfinir les moyens et la posture des forces mais en tenant compte toutefois de la présence des arsenaux de la guerre froide et de lapparition dautres types de danger .
Dans son précédent avis budgétaire, votre rapporteur avait fait part des inquiétudes quil éprouvait face à lavenir de la dissuasion. Si les crédits que la France consacrera en 1999 à la clef de voûte de sa sécurité se situent à un niveau comparable à ceux quelle y a consacré cette année, force est de constater que le dérapage de 12 % constaté lannée précédente par rapport à la pénultième est lui aussi reconduit dans le projet de budget. Ce décalage permanent se traduira pour les trois premières années dexécution de la loi de programmation par une amputation globale de 4,357 milliards de francs (soit - 7,64 %).
Si lon peut estimer que les moyens de la dissuasion correspondent désormais au plus près au concept de suffisance, il convient toutefois de savoir jusquoù ne pas aller trop loin ; ce que lon considère aujourdhui comme les risques liés à la prolifération pourrait demain se muter en menace, nécessitant une remontée en puissance des moyens de la dissuasion à laquelle il convient en tout temps de pouvoir faire face.
On comprendra mieux les craintes formulées par votre rapporteur si lon tient compte du fait que cette chute brutale des crédits de la dissuasion au cours des deux exercices budgétaires 1998 et 1999 présente un effet cumulatif avec la diminution des crédits déjà prévue dans la programmation, ceux-ci nauraient dû en effet baisser que de 7,66 % entre la première et la dernière annuité.
Les tableaux ci-après présentent, dune part, lévolution des crédits de la dissuasion ainsi que la proportion quils représentent dans le budget de la Défense telle quelle était prévue par la loi de programmation et, dautre part, le décalage entre léchéancier prévisionnel et le montant des crédits inscrits en loi de finances initiale.
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CRÉDITS DE PAIEMENT DISSUASION SUR LA PÉRIODE 1997-2002
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(en millions de francs constants prix du PIBm 1999)
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Années
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1997
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1998
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1999
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2000
|
2001
|
2002
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Total
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Crédits défense
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194 416
|
194 416
|
194 416
|
194 416
|
194 416
|
194 416
|
1 116 496
|
Part dissuasion dans la programmation
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9,92 %
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9,78 %
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9,61 %
|
9,43 %
|
9,26 %
|
9,16 %
|
9,53%
|
Crédits dissuasion en programmation
|
19 286
|
19 013
|
18 683
|
18 333
|
18 003
|
17 808
|
111 167
|
Sur lensemble de la période 1997-2002, la part de la dissuasion dans le budget de la Défense présente une diminution quasi-linéaire, sétablissant en moyenne à un niveau denviron 0,12 % ; le volume annuel des crédits passant de 19,286 milliards de francs en 1997 à 17,808 milliards de francs au terme de la programmation. Or, on ne peut que remarquer, comme le fait apparaître le tableau suivant, que déjà, deux des exercices budgétaires correspondant aux annuités de la programmation comportent des crédits nucléaires qui se situent à un niveau inférieur à celui prévu pour lannuité 2002
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ÉCART AVEC LA PROGRAMMATION
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(en millions de francs constants prix du PIBm 1999)
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Variations
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Crédits programmation
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Crédits budgétaires
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Annuellement
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Sur les montants cumulés
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Annuité
|
Cumul
|
Annuité
|
Cumul
|
Montant
|
%
|
Montant
|
%
|
1997
|
19 286
|
19 286
|
19 286
|
19 286
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1998
|
19 013
|
38 299
|
16 715
|
36 001
|
- 2 298
|
- 12,08
|
- 2 298
|
- 6,00
|
1999
|
18 683
|
56 982
|
16 624*
|
52 625
|
- 2 059
|
- 11,02
|
- 4 357
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- 7,64
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* Projet de loi de finances
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Le tableau ci-après permet de mesurer lévolution, année après année, des crédits nucléaires sur une longue période. Lannée 1997 marquait une interruption de la tendance à la baisse permanente de leffort consacré par la France à sa dissuasion. Or, lon ne peut que constater que la lente et pernicieuse érosion des moyens budgétaires nucléaires semble reprendre son cours, au risque dhypothéquer à terme lindispensable cohérence dont doit impérativement bénéficier la base de la stratégie française de défense.
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CRÉDITS NUCLÉAIRES DEPUIS 1984
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Année
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Millions de francs courants
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Millions de francs constants
(prix du PIBm 1999)
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Autorisations de programme
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Crédits de paiement
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Crédits de paiement
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1984
|
28 976
|
21 742
|
32 694
|
1985
|
27 614
|
23 295
|
33 101
|
1986
|
30 795
|
25 128
|
33 904
|
1987
|
31 816
|
27 798
|
35 534
|
1988
|
30 350
|
30 546
|
38 855
|
1989
|
33 122
|
31 528
|
38 815
|
1990
|
31 320
|
32 089
|
40 379
|
1991
|
31 332
|
31 066
|
35 893
|
1992
|
26 186
|
29 896
|
33 780
|
1993
|
21 824
|
26 446
|
29 159
|
1994
|
20 901
|
21 676
|
23 536
|
1995
|
19 464
|
20 745
|
22 083
|
1996
|
18 480
|
19 452
|
20 261
|
1997
|
19 689
|
18 848
|
19 286
|
1998
|
16 343
|
16 517
|
16 715
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La décroissance permanente de leffort budgétaire nucléaire a dores et déjà largement affecté lensemble du secteur industriel à qui la France doit lédification de sa dissuasion et, par voie de conséquence, son indépendance et son rang de puissance internationale. Elle affecte directement les plans de charges des arsenaux de la Direction des constructions navales, principalement celui de Cherbourg, spécialisé dans la construction des sous-marins nucléaires lanceurs dengins, de même quelle touche lindustrie missilière, avec Aérospatiale, la SEP et la SNPE, ainsi que la Direction des applications militaires du Commissariat à lénergie nucléaire. Elle nest pas non plus sans avoir de lourdes répercussions sur le tissu de PME-PMI sous-traitantes qui, pour certaines, connaissent de gros problèmes de trésorerie et sont, du fait des errements liés aux retards de paiement des factures, au bord du dépôt de bilan . Alors que nos industries de défense sont confrontées à une concurrence implacable et que le Gouvernement entend faire de lemploi une priorité, elle a un impact économique et social direct sur les bassins demploi et les régions où sont implantées ces industries.
Lédification de lensemble du dispositif français dissuasif a été le fruit de longues années de travail et dun effort financier durable. Il est vrai que la volonté du Général de Gaulle de doter la France des moyens de sa souveraineté et de son indépendance a mobilisé tout à la fois des moyens budgétaires, technologiques et surtout humains importants, tant la complexité du projet était importante.
En effet, outre les difficultés auxquelles se sont trouvés confrontés les chercheurs, ingénieurs et techniciens atomistes, leurs homologues des industries aéronautiques, aérospatiales et des chantiers navals ont dû assurer une parfaite cohérence des vecteurs et des plate-formes aux armes ou équipements quils étaient chargés de pouvoir délivrer. Parallèlement, il convenait dassurer à lacheminement dun éventuel ordre de déclenchement du feu nucléaire une fiabilité et une sécurité telles que la dissuasion ne présente aucune faiblesse dans les systèmes de transmissions mis en place par les spécialistes des télécommunications.
Il convient de rappeler que les matières qui composent le cur même des armes nucléaires sont soumises à une instabilité naturelle. Leur structure nest pas inerte et lactivité propre aux matériaux radioactifs nest pas sans incidence sur la qualité des armes que ce soit sur leur cur nucléaire, comme sur leur enveloppe.
Ce constat, au demeurant banal, conduit, si lon veut maintenir la crédibilité à la dissuasion et lindispensable sûreté des armes, à tenir compte de la durée de vie limitée des composants primaires des têtes nucléaires. Il convient au surplus de conserver présent à lesprit que les connaissances humaines en ce domaine sont elles aussi limitées par une expérience ne dépassant guère une trentaine dannées et quelles sont sans cesse enrichies par des travaux des chercheurs. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que lon peut à tout moment être confronté à un saut technologique important, dans un des domaines liés au nucléaire, qui pourrait avoir pour effet une remise en cause totale ou partielle des processus, voire des armes, nucléaires français.
Sagissant des éléments radioactifs composant le cur des armes nucléaires, les nombreuses observations des scientifiques démontrent que lactivité propre des composants génère une modification structurelle de la matière susceptible daltérer les caractéristiques de larme et, par voie de conséquence, son comportement, doù la nécessité de suivre attentivement les conditions de vieillissement des armes.
Pour conférer à la dissuasion une crédibilité permanente, il convient de faire en sorte que les systèmes darmes qui y participent fassent preuve dune fiabilité totale. Cette nécessité dune fiabilité sans faille a trois conséquences incontournables :
lentretien en permanence dune recherche à la fois fondamentale et appliquée sur lévolution de la matière ;
le renouvellement optimisé des armes de manière à assurer la pérennité et la crédibilité de la dissuasion ;
la conservation, lentretien et la transmission du savoir-faire accumulé depuis près de quarante années des chercheurs, ingénieurs et techniciens des équipes scientifiques et techniques de la Direction des Applications Militaires (DAM) du CEA. Par ailleurs, il existe une corrélation étroite entre les éléments du trinôme arme-vecteur-plate-forme. Chacun participe de façon complémentaire des deux autres. Si les vecteurs doivent être dimensionnés aux armes quils emportent et parfaire par leurs capacités celles des armes transportées, les caractéristiques des plates-formes (sous-marins et avions) sont elles aussi étroitement liées aux systèmes darmes quelles sont appelées à délivrer.
Cest dans ce cadre cohérent que le Président de la République, Chef des Armées, a arrêté le format futur de nos forces stratégique et les moyens nécessaires pour garantir, dans la durée, la crédibilité de la dissuasion. La traduction de cette volonté politique dassurer durablement la défense de la France passe, dune part, par la modernisation des systèmes darmes nucléaires dont notre pays sest doté et, dautre part, par un maintien permanent des capacités opérationnelles des systèmes darmes et des unités qui les servent.
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LES MOYENS FUTURS DES FORCES NUCLÉAIRES
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1996
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2002
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Modèle de référence (2015)
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Dissuasion nucléaire
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5 SNLE dont 1 NG
1 lot TN 75
Mirage 2000 N/ASMP
18 Mirage IV P/ASMP
Super Etendard ASMP
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4 SNLE dont 3 NG
2 lots TN 75
Mirage 2002 N/ASMP
et
Super Etendard ASMP
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4 SNLE NG
3 lots TNO***
Rafale / ASMP
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Simulation
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LMJ* phase 1 (LIL)**
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LMJ* pleine puissance
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* Laser mégajoule
** Ligne dintégration laser
*** Tête nucléaire océanique
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Au cours de la période couverte par la loi de programmation militaire, la modernisation des armes nucléaires, décidée en Conseil de Défense par le Président de la République, concernera la Force océanique stratégique et la composante aéroportée. Cette modernisation comprend non seulement les plates-formes et vecteurs des armes, mais aussi les armes elles-mêmes doù la nécessité, compte tenu de la fermeture du Centre dessai du Pacifique, de poursuivre et développer le programme Simulation .
Aux termes de la loi de programmation, les forces nucléaires françaises devraient se composer de quatre SNLE, dont trois sous-marins de nouvelle génération au lieu de cinq sous-marins du type Le Redoutable ; ces sous-marins seront armés de deux lots M45 et dun lot de M4 équipé de la TN71 au lieu dun lot de M45 et trois lots de M4. Les dix-huit Mirage IV, les dix-huit missiles SSBS-S3 du plateau dAlbion et les trente missiles Hadès auront été soit démantelés, soit retirés du service. Enfin, les trois escadrons de Mirage 2 000 N et les deux flottilles de Super Etendard équipés de lactuel ASMP seront encore opérationnels dans lattente du Rafale nucléaire.
Selon les déclarations du Ministre de la Défense, les choix opérés par le Gouvernement à lissue de lexercice de revue de programme à lautomne précédent, sont marqués par un souci de cohérence , notamment celle des moyens affectés à chacune des grandes fonctions du modèle darmée a fait lobjet dune attention particulière . Lors de son audition, le 8 avril dernier, par la Commission de la Défense sur les perspectives de la politique déquipement militaire, il a précisé que les mesures déconomie concernaient la dissuasion nucléaire pour 3,4 milliards de francs , que les grands programmes liés à la dissuasion nucléaire (SNLE, MSI, ASMP-A, simulation) étaient intégralement préservés et que les économies proposées en ce domaine résultaient en grande partie dun aménagement des calendriers .
De fait, sans que le Parlement ait été appelé à se prononcer sur la modification des objectifs financiers figurant dans la loi relative à la programmation militaire pour 1997-2002, le Gouvernement a décidé dune diminution effective de 3,4 milliards de francs sur la période restant à courir de la programmation (1999-2002), sans toutefois préciser si le montant de cette économie se référait à une valeur du franc telle que fixée dans la loi initiale (francs 1995) ou à sa valeur sur lexercice budgétaire à venir. Compte tenu des dispositions figurant dans le projet de budget et des références faites à la revue de programmes lors de sa présentation, votre rapporteur est enclin à penser quil convient de considérer que le volume de limputation a été exprimé en francs courants. Dans ces conditions, il ne peut que constater que, compte tenu des économies réalisées en 1998, plus de 60 % de lobjectif affiché suite à la revue de programme sera dores et déjà réalisé à la fin de lexercice budgétaire prochain, puisque 2,059 milliards de francs déconomie sur les 3,4 à atteindre seront déjà effectives.
Les principales économies sont le résultat dune démarche doptimisation et daménagement des calendriers qui a porté sur la composante balistique. En particulier, les calendriers du SNLE-NG n°4 et du M51 ont été alignés et convergent sur lannée 2008.
Un décalage supplémentaire de six mois de ladmission au service actif du SNLE-NG n°3 Le Vigilant est décidé. Il contribuera au lissage du plan de charge de Cherbourg.
Le retrait anticipé du système de transmissions ASTARTE, rendu possible par la qualité de lavancement technique de son successeur SYDEREC, permettra déconomiser des crédits dentretien.
Dimportants efforts de réduction des crédits de maintien en condition opérationnelle et un abattement de 20 % des études amont consacrées à la dissuasion ont été considérés comme acceptables à titre transitoire, notamment du fait de la montée en puissance des développements. Sur ce dernier point, votre rapporteur tient à faire part de linquiétude qui est la sienne face à lampleur de la diminution de ces crédits. Il émet la crainte que le cadre budgétaire contraint qui sera celui des études amont au cours des quatre années futures, ne conduise les chercheurs à abandonner certaines pistes pour ne privilégier que les plus plausibles. Une telle orientation de la politique de recherche nucléaire, soumise plus à la rationalisation des choix budgétaires quà la validité des options scientifiques fondamentales, pourrait être à terme catastrophique sil savérait que les choix retenus se révèlent des impasses et quil faille réexplorer des cheminements précédemment abandonnés.
La constitution de la FOST et la construction des sous-marins nucléaires lanceurs dengins avaient nécessité la mise sur pied dune organisation administrative et technique particulière, chargée de la maîtrise duvre des programmes. Aujourdhui, lorganisation Coelacanthe veille sur la modernisation et le maintien en condition opérationnelle de la composante sous-marine de la dissuasion.
Le 20 mai 1999 constituera la date du quarantième anniversaire de lancement du projet de construction du Prototype à terre, installation expérimentale destinée à la mise au point et au fonctionnement dune propulsion nucléaire pour sous-marins. Sa construction à Cadarache devait commencer en 1960 et permettre au réacteur de diverger quatre années plus tard. Parallèlement à la construction de ce prototype à terre, qui constitue la naissance de la future force océanique, un sous-marin expérimental Gymnote était mis en chantier en 1961 à Cherbourg.
La décision de mettre en chantier le premier sous-marin lanceur dengin le Redoutable a été prise par le Général de Gaulle en 1963. Muni de 16 missiles balistiques de type M1, il sera lancé en 1967, admis au service actif en 1971 et effectuera sa première patrouille en janvier 1972. Quatre autres sous-marins, le Terrible en 1973, le Foudroyant en 1974, lIndomptable en 1976 et le Tonnant en 1980 devaient compléter la famille de sous-marins débutée par le Redoutable. Bien que construits sur un même principe, ces cinq sous-marins nétaient pas identiques, les plus récents ayant bénéficié des progrès scientifiques et techniques enregistrés dans lintervalle. Ils bénéficieront également des améliorations portant sur les missiles embarqués (M2 et M20) et subiront des refontes pour pouvoir servir les missiles balistiques de nouvelles générations (refontes M4 entre 1987 et 1990).
LInflexible constituera le sixième sous-marin de la série puisquil est construit selon les caractéristiques générales du Redoutable. Toutefois, il bénéficiera daméliorations notables portant notamment sur le profil et la forme de la coque et, par voie de conséquence, sur sa signature acoustique, ses systèmes de transmissions, de navigation et de traitement de linformatique. Entré en service le 1er mai 1985, il sera équipé de la TN71 en 1990. LInflexible allait en quelque sorte constituer, de par les innovations technologiques et les améliorations dont il était lobjet, une transition entre deux générations de sous-marins nucléaires lanceurs dengins dont la seconde devait être construite selon les caractéristiques générales du SNLE-NG le Triomphant. Ce dernier constitue désormais avec le Tonnant, lInflexible et lIndomptable la composante sous-marine de la dissuasion. Chacun de ces sous-marins met en uvre seize missiles de type M4 ou M45 équipés des têtes nucléaires TN71 et TN75. Au total, la Force océanique stratégique, avec ses missiles balistiques mer-sol dispose denviron 400 têtes nucléaires et la composante sous-marine représente quantitativement la part la plus importante de notre dissuasion.
a) La nouvelle posture stratégique de la FOST
La posture de dissuasion a été adaptée à lévolution du contexte stratégique, sur décision du Président de la République. La crédibilité de la dissuasion repose sur la capacité permanente de pouvoir effectuer une frappe en second qui impose de disposer en toutes circonstances de la permanence de SNLE opérationnels à la mer.
Dans le contexte passé de la guerre froide , cette capacité avait conduit la France à maintenir jusquà trois SNLE à la mer en permanence, garantissant ainsi une couverture optimale aux armes quils avaient pour mission de délivrer.
Dans le nouveau contexte géostratégique, hors temps de crise, lincapacité dun SNLE à remplir sa mission ne semble pouvoir résulter que dune indisponibilité matérielle grave ou dune fortune de mer. La probabilité quelle soit connue est considérée comme suffisante pour conduire à lappareillage dans des délais convenables dun sous-marin de remplacement. Ce type de scénario justifie la permanence dun seul SNLE à la mer.
En période de crise, dans lhypothèse où la permanence à la mer serait limitée à un seul sous-marin, sa neutralisation permettrait à un éventuel adversaire qui sopposerait avec succès à lappareillage dun sous-marin de remplacement (ce qui paraît toutefois difficile compte tenu des manoeuvres de sécurité opérées lors de la sortie dun SNLE-NG de sa base de lIle Longue) de priver la France de toute capacité de frappe en second. Pour réduire ce risque, il est nécessaire de disposer en temps de crise dune permanence dau minimum deux SNLE à la mer. En cas de perte dun bâtiment, ce nombre permettrait de maintenir la menace sur ladversaire malgré un affaiblissement de la composante principale de la dissuasion. Cette analyse, présentée de manière simplifiée, a conduit le Président de la République Jacques Chirac à faire en sorte que la FOST ait donc la capacité dassurer la permanence à la mer du nombre de SNLE correspondant à la posture du temps de crise, soit deux bâtiments. Pour atteindre cet objectif, compte tenu des cycles dentretien, un parc de quatre SNLE est nécessaire.
b) Le programme SNLE-NG
Les SNLE-NG sont des sous-marins du type le Triomphant, présentant les caractéristiques techniques suivantes. Le mode de propulsion nucléaire des SNLE-NG doit permettre le déplacement dun bâtiment de 140 mètres de long, avoisinant les 14 000 tonnes en plongée, armé de 16 missiles stratégiques M45 puis M51 et de garantir dans des conditions de sécurité maximale, grâce à sa furtivité et à son armement défensif, une immersion importante grâce à lutilisation dun acier de très haute limite élastique.
Pour être à même de conduire leurs missions, les SNLE-NG doivent répondre aux spécifications suivantes :
une invulnérabilité accrue par rapport à la génération de SNLE précédente, obtenue par un niveau élevé de discrétion acoustique et par la qualité du système de navigation ;
lautonomie, la discrétion et la précision du système de navigation ;
la fiabilité des moyens de réception des informations radioélectriques en plongée ;
de bonnes capacités dendurance et de maintenabilité.
Depuis son lancement en 1987, le programme SNLE-NG a connu de fortes modifications. Lancé dans un contexte de guerre froide, ses objectifs, notamment sa cible, étaient plus ambitieux. Initialement, les six sous-marins devaient être équipés dans un premier temps du MSBS M45 puis de son successeur, le missile M5. La FOST devait disposer de ses six SNLE-NG à lhorizon 2008. La cible initiale a été réduite à quatre bâtiments en raison de la décision prise par le Président Mitterrand en 1991 de ne plus maintenir en patrouille simultanément que deux sous-marins au lieu de trois.
Le projet de loi de programmation relatif à léquipement militaire et aux effectifs de la Défense pour les années 1991-1994, présenté par M. Pierre Joxe et qui est resté au stade de projet, prévoyait une admission au service actif du Triomphant à la mi-1995 et courant 2005 pour le quatrième exemplaire de la série. De fait, le Triomphant a été effectivement admis au service en mars 1997, le SNLE-NG n° 4 étant prévu en juillet 2008.
Le calendrier prévisionnel du programme, découlant de la loi de programmation et résultant des modifications de la revue de programme, est retracé dans le tableau suivant :
SNLE NG
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Commande
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Essais officiels
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Service actif
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Le Triomphant
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18 juin 1987
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30 juin 1994
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21 mars 1997
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Le Téméraire
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18 octobre 1989
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août 1998
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août 1999
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Le Vigilant
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27 mai 1993
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juillet 2003
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juillet 2004
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N° 4 (en version M51)
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2000
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juillet 2007
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juillet 2008
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Les retards intervenus dans la réalisation du programme ont pour origine soit des difficultés techniques, soit des difficultés financières.
La découverte à lété 1993 de défauts de réalisation sur les soudures des structures légères sur le Triomphant a entraîné un retard de trois mois pour permettre une reprise intégrale des soudures défaillantes. De même, quelques incidents lors des premiers essais de ce bâtiment (blocage de la butée de ligne darmes) ont conduit à repousser de trois mois supplémentaires la présentation aux essais officiels.
Les difficultés techniques rencontrées au cours du développement et de la construction de cette série de sous-marins sont dues pour lessentiel aux technologies très innovantes mises en uvre. Leur prise en compte successive par les industriels a conduit à décaler à plusieurs reprises de quelques mois la date dadmission au service actif des sous-marins. Votre rapporteur tient dailleurs à rappeler ici que peu de réalisations humaines approchent un tel degré de complexité et dimbrications, faisant appel aux technologies les plus avancées, dans les domaines les plus variés de la science et de la technique : physique nucléaire, électronique et informatique, optique, chimie, mécanique des solides et des fluides, thermodynamique, pyrotechnie et balistique, physiologie, etc.
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RETARDS DUS À DES CAUSES TECHNIQUES
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Triomphant
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Téméraire
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Vigilant
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SNLE-NG n° 4
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Observations
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1989
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8 mois
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Augmentation de la durée prévue des essais à la mer du Triomphant
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1993
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6 mois
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9 mois
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6 mois
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Prise en compte des difficultés techniques
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1996
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6 mois
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Enfin, il convient de signaler que le système dexploitation tactique, élaboré et réalisé par Thomson-Sintra-Alcatel, sous maîtrise duvre de la DCN, na été disponible dans sa version définitive que pour la présentation aux essais officiels du Téméraire.
Plusieurs décisions gouvernementales conduisant à létalement du programme de réalisation des sous-marins ont été prises : en 1991, 1996, 1997 et 1998. Elles se sont traduites par des retards dans la mise en service des SNLE.
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RETARDS DUS À DES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES
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Le Triomphant
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Le Téméraire
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Le Vigilant
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SNLE-NG N° 4
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Observations
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1991
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6 mois
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12 mois
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18 mois
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36 mois
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1996
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12 mois
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30 mois
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1997
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12 mois
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1998
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6 mois
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12 mois
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en version M51
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Dans le cadre des mesures déconomie résultant de la revue des programmes, le calendrier des retraits du service actif des SNLE type le Redoutable a été modifié. Cest ainsi que les dates de désarmement du Tonnant et de lIndomptable ont été permutées pour supprimer le grand carénage du Tonnant, qui était prévu pour lan 2000, et que la date de retrait du service actif de lInflexible a été avancée dun an. De fait, le Tonnant sera retiré du service actif en juin 1999, lIndomptable en décembre 2000, et lInflexible en juillet 2006.
c) Les missiles balistiques
En attendant la mise en service du M51 en 2008, la composante océanique de la dissuasion est équipée du missile M45.
· Le missile M45
Le missile M45 constitue la version modernisée du missile M4. Il équipe le Triomphant et devrait équiper les deux prochains sous-marins lanceurs dengins lors de leur entrée en service.
Le missile M45 diffère du missile M4 par lemport de la tête nucléaire TN75, dont la furtivité a été nettement améliorée par rapport aux têtes précédentes. Comparativement aux TN 71, les TN 75 bénéficient dune meilleure aide à la pénétration. Au total, trois des quatre dotations de missiles M4 seront transformées en missiles M45.
La portée du missile M45 est supérieure à 4 000 kilomètres et il est durci vis-à-vis des effets collatéraux résultant dune agression nucléaire en vol, ce qui lui confère une meilleure capacité de pénétration face à une défense antimissiles.
Lembarquement de la deuxième dotation M45 est prévu en mai 2000 et celui de la troisième en décembre 2003.
· Le missile M51
Le missile M51 dérive du projet de missile M5 (dont le développement avait été lancé en 1992). Il conserve une grande partie des caractéristiques : diamètre, poids, architecture et propulsion. Dune masse totale de 56 tonnes, guidé par inertie et à propulsion par propergols solides, il sera comme ses prédécesseurs, capable demporter plusieurs têtes thermonucléaires.
Il sera constitué de trois étages propulsifs et dune partie haute qui comportera une case à équipements, un système despacement et de largage des têtes nucléaires et une coiffe équipée dun réducteur de traînée, pour accroître sa furtivité.
Le missile M51 sera capable datteindre une portée de lordre de 6 000 kilomètres avec chargement complet. Il disposera dune certaine capacité multi-objectifs et sera durci vis-à-vis des agressions nucléaires. Le lancement de son développement est intervenu à la fin du mois davril 1996.
Sur la base des travaux du comité stratégique sur lavenir et le dimensionnement de la force de dissuasion, le Conseil de défense de février 1996 avait décidé que les missiles M45 de la composante océanique stratégique seraient remplacés, à partir de 2010, par des missiles M51 équipés, dans un premier temps, des têtes nucléaires TN75 et des aides à la pénétration M45 associées puis, à partir de 2015, des têtes nucléaires océaniques TNO associées à un nouveau système daide à la pénétration.
Les décisions prises en Conseil de défense, à la suite de la revue des programmes du ministère de la Défense début 1998, ont abouti à une nouvelle optimisation du programme. Lembarquement de la première dotation est désormais prévu en 2008.
A leur mise en service, en 2008, les missiles M51 emporteront des têtes nucléaires de type TN 75 avec les aides à la pénétration associées puis, ultérieurement, à partir de 2015, des têtes nucléaires océaniques (TNO) associées à un nouveau système daide à la pénétration.
Afin de conférer à notre dissuasion souplesse, visibilité et diversification des modes de pénétration, le Président de la République a décidé du maintien dune composante aéroportée, bâtie autour de missiles aérobies, complémentaire de la composante maritime.
a) La configuration actuelle
Actuellement articulée autour des Super Etendard du groupe aéronaval et des Mirage 2000-N des forces aériennes stratégiques et de leur armement lASMP, la composante aéroportée devrait, au terme de la planification 2015, comprendre les Mirage 2000-N qui seront encore en service à cette date ainsi que les Rafale air et marine.
Les Super-Etendard de la Marine sont dotés de la capacité demport de lASMP, ce qui fait des porte-avions une plate-forme concourant à la dissuasion. Toutefois, votre rapporteur sinterroge sur la place et le rôle quon entend lui conférer dans le futur, dans la mesure où les Super-Etendard, bien que rétrofités, devraient être retirés du service en 2004, alors que la version nucléaire du Rafale, soit le standard F3, ne doit entrer en service quà lhorizon 2008. Est-ce à dire que lon envisage dores et déjà de faire une impasse dune durée de quatre années sur la composante délivrée par laviation embarquée, ou de prolonger les Super-Etendard jusquà larrivée des Rafale ayant la capacité de tir nucléaire, ou encore dabandonner purement et simplement cette composante dont les capacités varieraient sensiblement avec larrivée du Rafale ?
A lexception des capacités demport des Super Etendard de la Marine, lessentiel des moyens de la composante aéroportée sont regroupés sous le commandement des forces aériennes stratégiques. Ils se composent, dune part, des 60 Mirage 2000-N (deux escadrons) qui portent le missile ASMP et, dautre part, de 13 avions ravitailleurs (11 C135 FR et 2 KC135 livrés en 1997). Les Mirage IV P ont été retirés du service à lété 1996, à lexception de cinq appareils maintenus en activité pour assurer des missions de reconnaissance stratégique.
Les Forces aériennes stratégiques assurent également le commandement opérationnel de lunité ASTARTE (avion station-relais de transmissions exceptionnelles), dont la mission est de transmettre lordre dengagement aux sous-marins lanceurs dengins, quelles que soient les circonstances. Le commandement opérationnel du réseau RAMSES (réseau amont-maillé stratégique et de survie), destiné à assurer la diffusion, vers les stations aéromobiles Astarte et vers les principaux centres de commandement et unités nucléaires, de lordre dengagement et des ordres opérationnels nécessaires à la mise en oeuvre des forces nucléaires leur est lui aussi rattaché.
b) Lévolution de la composante aéroportée
A terme, la composante aéroportée devrait connaître une totale mutation. Au couple Mirage 2000N-ASMP, devrait succéder le système darme Rafale-ASMP-A.
LASMP devrait arriver en fin de vie opérationnelle vers 2007 ; il devrait alors être remplacé par lASMP amélioré qui associera un corps de vecteur dérivé de lASMP et une charge nucléaire nouvelle, la Tête nucléaire aéroportée (TNA).
LASMP-A ne constitue pas une simple rénovation du missile ASMP actuellement en service. Pour des raisons de coût de développement, une version air-sol longue portée (ASLP), envisagée pendant un temps, a été écartée à la suite du retrait de la Grande-Bretagne du programme. La France ne pouvant seule supporter le financement dun programme entièrement nouveau, et souhaitant notamment maintenir à son meilleur niveau les compétences acquises dans la technologie des statoréacteurs, a décidé de conduire le programme ASMP-A, programme dérivé de lASMP.
Le missile ASMP amélioré, théoriquement disponible à partir de 2008, sera un missile dune masse comprise entre 850 et 900 kilos dont la propulsion sera assurée par un accélérateur à poudre puis, une fois atteinte une vitesse hautement supersonique, par un statoréacteur. Sa portée sera denviron 100 kilomètres pour une trajectoire entièrement à basse altitude et de lordre de 500 kilomètres pour une trajectoire à haute altitude après un tir à basse altitude. Dans la version actuellement en service, lASMP a une portée denviron 80 kilomètres sur une trajectoire à basse altitude et de 300 kilomètres sur une trajectoire à haute altitude. Le gain de lASMP amélioré par rapport au missile actuellement en service sera donc assez sensible. Il mettra en oeuvre une charge nucléaire nouvelle.
La durée de vie du système darmes aéroporté en service, construit autour de lASMP, est dabord limitée par celle de ses têtes nucléaires. Dans ce contexte et compte tenu du calendrier de mise en service du Rafale Air, ladaptation de la nouvelle tête nucléaire à lASMP ou celle de lASMP-A au Mirage 2000 N est indispensable. La décision relative au choix du scénario à retenir sera prise à loccasion du lancement du développement de lASMP-A, prévu actuellement début 2000.
A lhorizon 2008, le Rafale nucléaire sera le seul appareil capable demporter le successeur de lASMP. Se situant dans la continuité de la mission de dissuasion, le Rafale en améliorera les capacités et les performances. Lavion sera capable de mener des attaques tous temps sur des objectifs au sol ou en mer, avec tir à distance de sécurité du missile nucléaire. Il pourra être engagé en haute ou moyenne altitude, ainsi quen très basse altitude en suivi de terrain automatique.
Les contraintes liées à lemport dune arme nucléaire ont été prises en compte dès sa conception, notamment dans les domaines de la sécurité nucléaire et de la résistance à limpulsion électromagnétique (IEM).
Il sera capable demporter simultanément le missile ASMP-A, deux réservoirs supplémentaires de carburant et six missiles air-air MICA, lui assurant un niveau de survie élevé dans un environnement dense en menaces de toutes natures. Dans ce but, il combinera un niveau réduit de signature et une manuvrabilité élevée, et mettra en uvre un système de contre-mesures internes adapté à la menace.
Le Rafale pourra se défendre à grande distance contre plusieurs avions hostiles grâce à des capteurs adaptés (radars multicibles à balayage électronique, capteur optronique frontal) et à des missiles de type tire et oublie avec autodirecteur électromagnétique ou infrarouge.
Le système darmes comprend également un capteur optronique frontal (OSF) passif dont le fonctionnement est assimilable à celui dun radar, en matière de navigation et de mise en uvre des armements. Outre lidentification visuelle dobjectifs au sol ou en vol, lOSF propose pour la première fois sur un avion de combat, une alternative discrète et robuste aux capteurs traditionnels.
Le haut niveau dintégration du système allié à une interface homme-système également très novateur ont pour objectif de procurer à léquipage du Rafale un instrument de prise en compte de lenvironnement de combat complet et synthétique. La maîtrise de situation qui en découle concourt directement à une meilleure efficacité sur lobjectif et à une vulnérabilité moindre, élément primordial en mission de dissuasion.
Les pressions exercées par la Communauté internationale ont conduit les principales puissances nucléaires à réduire, voire interrompre les expérimentations nucléaires. Pour répondre toutefois à la nécessité de maintenir une crédibilité à leurs arsenaux nucléaires, la plupart dentre elles semblent sêtre engagée sur la voie de la réalisation de programme de simulation des essais.
La simulation consiste à reproduire, à laide dexpériences ou par le calcul, les phénomènes rencontrés au cours du fonctionnement dune charge nucléaire. Lobjectif est de disposer dun ensemble de logiciels décrivant les différentes phases du fonctionnement dune arme nucléaire et reposant une représentation des lois physiques mises en jeu. La validation globale en sera obtenue par recalage sur les résultats des essais nucléaires passés tandis que la validation des modèles physiques décrivant les phénomènes essentiels du fonctionnement des armes nucléaires reposera sur des moyens de laboratoire appropriés.
a) Le programme français
La décision darrêter les essais nucléaires et la signature du Traité dinterdiction complète des essais nucléaires, ont constitué un véritable défi pour la communauté chargée du maintien de la disponibilité opérationnelle des armes nucléaires en service et de la mise au point des têtes futures, les têtes nucléaires aéroportées et océaniques (TNA et TNO). La direction des applications militaires du CEA sest préparée, dès 1991, à larrêt des expérimentations en proposant le programme Palen qui comportait deux volets : la mise au point darmes robustes, cest-à-dire présentant une fiabilité tolérante aux écarts de modélisation ou de réalisation, et le passage à la simulation.
Lors de la dernière campagne dessais nucléaires, en 1995-1996, ces deux volets ont donné lieu à des expérimentations. Des formules darmes robustes ont pu être ainsi validées et de nombreuses données techniques et scientifiques ont aussi été acquises au bénéfice de la simulation. Désormais, en labsence dessais nucléaires, il appartient aux personnels attachés à la conduite du programme simulation et à lefficacité du système quil organise de garantir la fiabilité et la sûreté des armes françaises actuelles et futures.
Le programme simulation repose sur trois volets :
la physique de base qui permet de comprendre et de modéliser de la façon la plus juste les phénomènes de physique élémentaire intervenant dans le fonctionnement des armes ;
la simulation numérique des réactions ;
la validation expérimentale des simulations numériques grâce aux capacités doutils expérimentaux : la machine à radiographier AIRIX et le laser mégajoule.
La mise au point du système de simulation nécessite en premier lieu la traduction mathématique de tous les phénomènes mis en jeu dans les processus thermonucléaires et tenter ainsi den prévoir les évolutions, puis, dans un second temps, adapter ces modèles aux calculs sur ordinateur.
Toute démarche scientifique réclame la validation des résultats obtenus de façon théorique avant de passer à lapplication ; aussi est-il impératif de confronter les modèles physiques théoriques résultant des capacités de calcul à lexpérience. Celle-ci nétait plus possible dès lors que la France a décidé de larrêt de ses essais nucléaires. Toutefois, les essais de la dernière campagne, très instrumentée, ont permis daccroître considérablement la base des connaissances. La conformité du résultat final de la simulation numérique aux mesures réalisées sur les essais nucléaires passés permet de garantir le réalisme et la crédibilité des logiciels de simulation.
La validation globale de la simulation ne pourra apporter de garantie que pour des engins proches de ceux déjà expérimentés et ne devrait pas permettre la conception darmes entièrement nouvelles.
Pour parvenir à ces objectifs, la Direction des Applications Militaires CEA sappuie sur deux principaux moyens spécifiques :
la machine radiographie AIRIX, pour la visualisation détaillée du comportement dynamique de larme ;
le laser mégajoule, pour létude de nombreux processus physiques élémentaires dont celle des phénomènes thermonucléaires.
Lintégration des nombreux modèles physiques et la précision requise pour les évaluations numériques nécessiteront par ailleurs des calculateurs environ 1 000 fois plus puissants que ceux qui sont disponibles actuellement.
Cette démarche suppose la mise à disposition de physiciens de grande qualité, de numériciens de haut niveau et dexpérimentateurs hors pair. Lun des buts du plan simulation est dailleurs de constituer cet ensemble de compétences -élément essentiel de crédibilité de la dissuasion- pour ladapter aux nouvelles conditions de travail résultant des décisions du Président de la République. En conformité avec ces décisions, le plan simulation na pas pour finalité le développement de concepts nouveaux mais doit garantir le renouvellement de larsenal nucléaire français en exploitant les filières darmes robustes mises au point lors de la dernière campagne dessais nucléaires.
Linfrastructure de linstallation AIRIX est achevée, la machine radiographique est en phase de fabrication. Le calendrier de lopération prévoit la mise en service de la machine dotée dun axe de visée fin 1999. La réalisation dun second axe est prévue au-delà de lan 2002.
Les principales étapes du développement du laser mégajoule (LMJ) sont les suivantes :
la phase de faisabilité a démarré avec le lancement de la réalisation du prototype ligne dintégration laser (LIL) dont linfrastructure devrait être achevée en 1998 et la mise en service effectuée en 2001 ;
la montée en puissance du laser mégajoule seffectuera en deux étapes correspondant à une énergie disponible de 600 KJ en 2006 et à lénergie maximale voisine de 2 millions de joules en 2010.
Létude du laser mégajoule bénéficie des échanges et coopérations technologiques conduits avec le laboratoire américain Lawrence de Livermore, qui réalise un projet de laser mégajoule, le NIF (National ignition facility), similaire au LMJ.
Le CEA/DAM développe depuis 1992 de nouveaux logiciels conçus pour intégrer les modèles plus précis et scientifiquement rigoureux évoqués précédemment. Lobtention du facteur 1000 nécessaire sur la puissance ne semble possible aujourdhui que par lutilisation dordinateurs massivement parallèles dont la disponibilité semble réaliste à lhorizon de lan 2006, compte tenu des projections des progrès effectués en la matière.
Enfin, il convient de signaler que le calendrier du système simulation a, dès lorigine, été élaboré en cohérence avec les grandes échéances de renouvellement des composantes de la dissuasion.
b) La simulation à létranger
Sil est aujourdhui difficile de cerner avec précision les efforts entrepris dans le domaine de la simulation par la Chine et la Russie, la situation est plus lisible en ce qui concerne ceux entrepris par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ce dernier bénéficiant de relations spéciales avec les USA dans le domaine nucléaire.
La Chine semble être la puissance nucléaire la moins préparée au passage à la simulation. Toutefois, elle a refusé récemment la proposition de coopération dans ce domaine faite par les Américains.
En dépit des difficultés régulièrement évoquées (financières et technologiques, notamment dans la mise au point de calculateurs), les analyses portant sur lactivité des chercheurs russes montrent que la Russie accomplit un effort spécifique pour maintenir les capacités de ses laboratoires nucléaires militaires, mais rien ne semble indiquer quelle se soit lancée dans le développement dun programme de simulation.
Pour ce qui concerne les Etats-Unis, ceux-ci se sont lancés, dès mai 1997, dans la construction dun laser possédant des caractéristiques voisines de celles du laser mégajoule français, et qui devrait être opérationnel à la fin de lannée 2003. Le recours à la radiographie ultrarapide et à la puissance de calcul de super-calculateur confirme le développement dun système de simulation numérique proche de celui mis en travaux par le CEA.
II. - LE PROJET DE BUDGET AFFECTÉ À LA DISSUASION POUR 1999
Dans son précédent avis budgétaire, votre rapporteur sétait alarmé de labsence de lisibilité du bleu budgétaire , regrettant que la dispersion des crédits affectés à la dissuasion au sein de chapitres et darticles différents ne permettent pas de les identifier clairement. Cette année, il se félicite de leffort de clarification entrepris par le ministère de la Défense qui sest efforcé de regrouper la quasi-totalité des crédits au chapitre 51-71 forces nucléaires.
Aux 16,080 milliards de francs de crédits de paiement inscrits au chapitre 51-71, il convient dajouter 0,3597 milliards de francs et 0,0149 milliard de francs inscrits respectivement aux articles 57 (études amont) et 62 (études technico-opérationnelles) du chapitre 52-80 Etudes ainsi que 0,0467 milliards de francs inscrits à larticle 54 (destruction des munitions classiques (service des programmes nucléaires) du chapitre 53-71 Equipements communs. Le cumul des crédits ainsi collectés dans le projet de budget de la Défense sélève à 16,5016 milliards de francs, inférieur de 123,4 millions de francs au montant de crédits de paiement consacré à la dissuasion, tel quil figurait dans la plaquette diffusée par le ministre de la Défense lors de la présentation du projet de budget devant la Commission de la Défense.
Sans doute, la réforme de la nomenclature budgétaire entreprise peut être considérée comme étant à lorigine de cette légère divergence entre les chiffres annoncés par le ministre et ceux recensés par votre rapporteur. Or, celui-ci ne disposant pas du détail des imputations budgétaires dont dispose le ministère et nayant pas reçu lintégralité des réponses au questionnaire budgétaire, considérera quil convient en la matière de se référer au montant des crédits précisé par le Ministre.
Le montant des crédits de paiement destinés à la dissuasion dans le projet de loi de finances pour 1999 sélèvent à 16,624 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de 0,107 milliards de francs courants par rapport à la précédente dotation budgétaire (+ 0,65 %), mais une diminution de 0,091 milliards en francs constants (0,5 %). Le projet de budget prévoit donc une dotation de crédits de paiement équivalente au financement de 1998.
Par rapport à lannualité actualisée de la loi de programmation militaire, le budget de la Défense présentera, pour la deuxième année consécutive, une baisse importante, faisant ainsi de la dissuasion le seul domaine pour lequel lencoche pratiquée en 1998 est reconduite
(- 2,298 milliards de francs en 1998 et - 2,059 milliards de francs en 1999).
Sagissant des autorisations de programmes, celles-ci nayant pas été évoquées par le ministre, leur montant, tel quil ressort de lexamen du bleu budgétaire , sélève à 13,256 milliards de francs, soit une baisse de 3,087 milliards de francs courants par rapport à celles inscrites en loi de finances initiale pour 1998 (- 18,9 %). Il convient de souligner quen lespace de deux années, le montant des autorisations de programmes dédiées à la dissuasion auront subi une diminution alarmante de 6,928 milliards de francs constants (- 34,3 %), passant de 20,184 milliards de francs en 1997 à 13,256 milliards de francs dans le projet de budget pour 1999. Lorsque lon connaît limpact sur lavenir des autorisations de programme, peut-être y a-t-il là de réels motifs dinquiétude sur la façon dont on envisage la sécurité future de la France.
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LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA DISSUASION
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(en milliards de francs)
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Loi de finances initiale
1998
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Projet de loi
de finances
1999
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Evolution
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Montant
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%
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Autorisations de programme
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16,343
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13,256
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- 3,087
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- 18,9
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Crédits de paiements
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16,517
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16,624
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+ 0,107
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+ 0,6
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La totalité des crédits destinés aux forces nucléaires figure au Titre V du projet de budget de la Défense et en représentera 19,9 % contre 20,9 % dans la loi de finances initiale pour 1998. Votre rapporteur reformulera cette année lobservation quil avait faite sur ses regrets de ne pouvoir individualiser aucun crédit de fonctionnement lié à la dissuasion. Il lui paraîtrait intéressant de pouvoir cerner les coûts induits par la dissuasion relatifs aux personnels des forces contribuant à la mise en uvre des outils de nos forces nucléaires.
Hors maintien en condition opérationnelle des systèmes darmes, les principales opérations associées à la dissuasion nucléaire en 1999 concernent :
SNLE/NG : fin de la réalisation et admission au service actif du Téméraire et poursuite de la fabrication du Vigilant ;
M4/M45 : poursuite de la réalisation des deuxième et troisième lots de missiles M45 et de têtes TN75 ;
M51 : poursuite du développement, réorienté pour tenir compte de lavancement du calendrier de mise en service opérationnel de deux ans ;
ASMP amélioré : poursuite du prédéveloppement de la formule aéropropulsive Vesta et achèvement de la définition préliminaire du missile ;
programme de simulation nucléaire : poursuite du programme qui consommera plus du quart des ressources défense du CEA et, notamment, préparation de la mise en service de la ligne dintégration laser et mise en service à la fin de lannée de la machine radiographique de linstallation AIRIX ;
démantèlement des usines de production des matières premières de Pierrelatte et de Marcoule : mise à larrêt définitif de lusine de Pierrelatte, poursuite de la mise à larrêt de lusine de Marcoule.
La réforme de la nomenclature budgétaire na pas véritablement amélioré la lisibilité des crédits consacrés aux études amont dans le bleu budgétaire. Si lon sen tient à ce seul document, les crédits de recherche sont logiquement inscrits aux articles 57 et 62 du chapitre 52-81 études, pour un montant total de 374,6 millions de francs.
Fort heureusement, votre rapporteur sest livré à quelques investigations complémentaires lui permettant dévaluer à hauteur de 931 millions de francs les crédits de paiement affectés aux études amont dans le projet du budget, contre 1 065 millions de francs en loi de finances initiale 1998. Etrangement, certains crédits figurent dans un autre chapitre que le chapitre 52-81, au sein duquel on pensait logiquement devoir les trouver.
On assiste donc, cette année, à une baisse effective de 12,6 % des crédits destinés à lavenir de la dissuasion, notamment des armes et systèmes darmes, exception faite des crédits affectés aux études portant sur la propulsion nucléaire et aux études relatives à la prolifération.
Pour lessentiel, les crédits affectés aux recherches et études amont darmes nucléaires permettront de mener des travaux portant sur la connaissance de la matière, la physique nucléaire, les transports de particules, les études de matériaux, les technologies futures, leffet et le vieillissement des armes.
La dotation études amont de la Direction des applications militaires du CEA enregistre une diminution de 7 millions de francs (- 1,35 %), en passant de 516 millions de francs en 1998 à 509 millions de francs dans le projet de budget 1999. Dans le même temps, le montant des autorisations de programme demeure à peu près constant, mais, tout comme pour les crédits de paiement, leur répartition entre études sur les charges des armes et études sur la matière a subi une forte évolution entre les deux exercices budgétaires.
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ÉVOLUTION DES ÉTUDES AMONT DE LA DAM
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(en millions de francs)
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Etudes
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Autorisations de programme
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Crédits de paiement
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LFI* 1998
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PLF** 1999
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Evolution %
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LFI* 1998
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PLF** 1999
|
Evolution %
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Charges
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485
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525
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+ 8,2
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467
|
507
|
8,6
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Matières
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45
|
2
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- 95,0
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49
|
2
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- 96,0
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Total
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530
|
527
|
- 0,6
|
516
|
509
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- 1,3
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* LFI : loi de finances initiale
** PLF : projet de loi de finances
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La forte diminution des crédits relatifs aux études amont concernant les matières trouve une justification dans larrêt de la production des matières fissiles, de même que laugmentation concernant les études portant sur les charges des armes sexplique par la montée en puissance des programmes des nouvelles têtes nucléaires TNA et TNO, programmes dont les crédits de développement enregistrent quant à eux une réelle inflexion à la baisse (- 10 %).
La diminution la plus importante des crédits détudes concerne les crédits de paiement inscrits à larticle 55 du chapitre 52-81 et consacrés aux études amont portant sur les missiles des systèmes futurs (- 34,5 %). Cette baisse sexplique par laccélération du programme M51 qui entrera prochainement dans la phase de fabrication, compte tenu des orientations définies à loccasion de la revue des programmes.
Les armes nucléaires françaises ne sont plus délivrées désormais que par deux types de missiles, depuis le retrait de la composante sol-sol du plateau dAlbion : les missiles stratégiques mer-sol de la force océanique stratégique et les missiles air-sol moyenne portée de laviation embarquée sur le groupe aéronaval et des forces aériennes stratégiques.
Le remplacement de ces systèmes darmes par ceux devant être mis en service au cours des prochaines années, hors têtes nucléaires, bénéficiera, en 1999, dune enveloppe budgétaire sélevant à 0,575 milliard de francs dautorisations de programme et à 2,242 milliards de francs de crédits de paiement, y compris 0,242 milliard de francs dautorisations de programme et 0,360 milliard de francs de crédits de paiement destinés aux études amont.
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ÉVOLUTION DES CRÉDITS DESTINÉS
AU RENOUVELLEMENT DES SYSTÈMES DARMES
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(en millions de francs courants)
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Evolution
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LFI* 1998
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PLF** 1999
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Montant
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Pourcentage
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Autorisations de programme
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937
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575
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- 362
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- 38,6 %
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Crédits de paiement
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1 908
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2 242
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+ 334
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+ 17,5 %
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* LFI : loi de finances initiale
** PLF : projet de loi de finances
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La forte progression (+ 17,5 %) des crédits de paiement correspond la volonté daccélérer le développement du missile M 51, conformément aux décisions prises en Conseil de Défense, suite à la revue de programmes. Au cours de lexercice 1999, les crédits consacrés au développement du programme M 51 sélèveront à 1,45 milliards de francs, enregistrant une progression de près de 27,5 %.
Parallèlement, les crédits affectés au missile aérobie ASMP amélioré enregistrent une réelle diminution (- 43,8 %) correspondant à lachèvement de la phase de faisabilité et au début de la phase de définition. A linverse, les crédits concourant à la poursuite du prédéveloppement du vecteur à stratoréacteur Vesta, lancé en 1996 et permettant de préparer lASMP amélioré et le programme antinavire futur, enregistrent, du fait de lavancement de lensemble du programme une très forte progression, leur montant étant pratiquement doublé dun exercice budgétaire à lautre.
Le maintien en bon état de marche des systèmes darmes de la dissuasion contribue à sa crédibilité, aussi le montant des crédits qui y sont affectés revêt-il une réelle importance.
Le projet de budget du ministère de la Défense prévoit de consacrer globalement 1,610 milliards de francs dautorisations de programme et 1,765 milliards de francs de crédits de paiement à lentretien des systèmes darmes nucléaires. Les dotations 1999 accusent une diminution par rapport à celle de 1998, respectivement 12,4 % et 4,8 % pour les autorisations de programme et les crédits de paiement.
Les baisses enregistrées trouvent leur justification dans la réduction des crédits affectés à lentretien des missiles, dune part, par la diminution du coût de démantèlement concernant les missiles Hadès et S3 du plateau dAlbion et, dautre part, par celle du maintien en condition opérationnelle des missiles M4-M45 en raison de la diminution du nombre de sous-marins présents à la mer.
Par ailleurs, les gains de productivité enregistrés sur les opérations de contrôle, de surveillance et maintenance des têtes, ainsi que sur les renouvellements des matières périssables entrant dans leur conception, ont permis de maintenir, en francs constants, le montant des crédits affectés à leur maintien en condition opérationnelle.
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ÉVOLUTION DES CRÉDITS MCO DES SYSTÈMES DARMES
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(en millions de francs courants)
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Evolution
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LFI* 1998
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PLF** 1999
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Montant
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Pourcentage
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Autorisations de programme
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1 839
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1 610
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- 229
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- 12,4 %
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Crédits de paiement
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1 855
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1 765
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- 90
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- 4,8 %
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* LFI : loi de finances initiale
** PLF : projet de loi de finances
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Lensemble des crédits que nécessitera le maintien en condition opérationnelle globale des matériels mis en oeuvre par lArmée de lair dans le cadre des forces aériennes stratégiques sélèveront à 823 millions de francs en 1999. Le quart de ce montant sera consacré à lévolution et à lhomogénéisation du standard logiciel de la flotte de Mirage 2000 N. 72 millions permettront de procéder à des modifications sur les appareils de ravitaillement. La majeure partie des crédits concerneront des travaux de maintenance et dadaptation aux évolutions technologiques de lensemble de la flotte des forces aériennes stratégiques et de leurs systèmes de transmission. Le standard F3 du Rafale ne devant équiper les FAS quà une date postérieure à léchéance de la loi de programmation, aucun crédit concernant ce programme ne figure pour linstant au projet de budget de lArmée de lair.
Le projet de budget de la force océanique stratégique (constructions neuves et maintien en condition opérationnelle, hors opérations concernant les missiles) sélèvera à 3,991 milliards de francs de crédits de paiement en 1999, soit une diminution denviron 10 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998. Le retrait anticipé du Tonnant et la nouvelle posture stratégique de la FOST ont rendu possible cette baisse de crédits.
Le financement de la construction du deuxième SNLE-NG, le Téméraire, se poursuit pour permettre son admission au service actif en août 1999. La dotation budgétaire concernant la série de sous-marins lanceurs dengins type le Triomphant sélèvera à 2,122 milliards de crédits de paiement, en diminution de 18 % par rapport à la précédente. La baisse enregistrée résulte des aménagements de calendrier décidés par la revue de programmes.
Les crédits destinés au maintien en condition opérationnelle des sous-marins sélèveront à 1,187 milliards de francs, soit un peu moins du quart de lensemble de la dotation prévue jusquà la fin de la période couverte par la programmation.
Près de 325 millions de francs de crédits seront consacrés, au cours du prochain exercice budgétaire, aux premiers travaux concernant ladaptation future des SNLE-NG au missile M 51.
Les transmissions ont un rôle essentiel dans la fiabilité et la sûreté de loutil dissuasif. Aussi, lensemble des moyens concourant à ladaptation permanente des différents réseaux ont-ils constamment fait lobjet de la plus haute attention.
Les progrès réalisés dans les domaines de la guerre électronique, dans la pénétration des réseaux de transmission ainsi que dans les traitements des signaux informatiques conduisent à poursuivre dincessants travaux de rénovation des systèmes existants.
Le réseau Transfost 1, achevé depuis juin 1997, constituait la première étape de la rénovation des moyens de transmission de la FOST. Ce programme qui consistait en la refonte déléments de la chaîne de transmission entre les postes de commandement de la FOST et les SNLE a coûté près dun milliard de francs.
Le programme qui lui a succédé (Transfost 2) a été lancé en 1994 et son coût était évalué à un peu plus dun milliard de francs. En raison déconomies déchelle réalisées sur la totalité du programme, le coût estimatif aujourdhui est inférieur au milliard de francs. Les travaux de rénovation ont pour objectif dobtenir des améliorations des systèmes existants grâce aux progrès réalisés dans la connaissance du spectre radioélectrique, les algorithmes de codage, ainsi que dans les procédés de chiffrement. La dotation budgétaire 1999 affectée au programme Transfost 2 sélèvera à près de 195 millions de francs.
Lindispensable redondance des réseaux de transmission des forces nucléaires stratégiques conduit à mener parallèlement la modernisation dautres réseaux. Cest ainsi que le programme RAMSES étape 3 (Réseau amont maillé stratégique et de service) en fin de réalisation bénéficiera dune dotation de 13 millions de francs de crédits de paiement.
Enfin, le programme SYDEREC (Système de dernier recours) qui doit permettre dacheminer les communications nucléaires essentielles, dès lors que les autres moyens auraient subi des destructions les neutralisant, devrait entrer en service en lan 2000. En 1999, près de 310 millions de francs seront inscrits en loi de finances pour permettre la poursuite de la réalisation de ce programme.
Lensemble des crédits transférés du budget du ministère de la Défense vers le Commissariat à lénergie atomique atteindra, en 1999, 7,393 milliards de francs de crédits de paiement, en progression de 255 millions de francs, soit + 3,5 %.
Les crédits de paiement consacrés aux matières fissiles, y compris les études amont, sélèveront à un peu plus de 1,5 milliard de francs, ceux destinés aux études, développements, fabrications et au maintien en conditions opérationnelles des têtes nucléaires seront voisins de 4,7 milliards de francs, alors que les crédits destinés à la propulsion navale sélèveront à près de 1 milliard de francs. Les crédits destinés au programme simulation en 1999 avoisineront le milliard de francs.
Il convient de noter quà lissue de la revue de programme, il a été demandé au CEA/DAM de réaliser une économie de 1,2 milliard de francs sur lensemble de la période 1999-2002. Face à cette exigence, la Direction des applications militaires se verra contrainte de rechercher des gisements déconomie sur les programmes en cours, dans la mesure où elle a dores et déjà effectué un effort important en matière de restructuration.
Larrêt définitif des essais nucléaires et lévolution des programmes liés à la dissuasion ont conduit à une restructuration de la Direction des applications militaires du CEA. Outre un plan de réduction des effectifs de 20 % environ, un projet comprenant un regroupement géographique par pôles de compétences et de moyens a été mis en place afin dassurer la pérennité des équipes et de réaliser des économies de frais de structure.
En conséquence, la fermeture de deux établissements a été programmée : le centre de Vaujours a été fermé fin 1997, celui de Limeil-Valenton le sera fin 1999. Par ailleurs, le CEA avait effectué dès fin 1996 son retrait complet du centre dexpérimentation du Pacifique.
A lhorizon 2000, toutes les activités du CEA/DAM en Ile-de-France seront regroupées en un centre unique, à Bruyères-le-Châtel, qui conservera une annexe à Moronvilliers en Champagne. Lactivité sur les trois centres de province (Le Ripault, Valduc et CESTA) sera confortée.
Par rapport aux effectifs présents au 31 décembre 1995, 1 200 postes environ seront supprimés à lhorizon 2000, entièrement sur la région parisienne. Les effectifs seront alors de 4 500 personnes. Cette réduction du format de la DAM est obtenue sans licenciement et grâce à de nombreux départs à la retraite (environ 1 500 sur les années concernées). Compte tenu des transferts prévus de la DAM vers les centres civils du CEA, la capacité dembauche de la DAM reste importante et pourrait atteindre 700 postes durant cette période.
La concentration des activités en Ile-de-France sur le seul centre de Bruyères-le-Châtel (avec son annexe à Moronvilliers), le regroupement et la spécialisation accrue des activités dans chaque centre nécessitent un effort de mobilité de la part dune partie des personnels. Les flux entre centres conduisent à une mobilité géographique totale denviron 1 500 mouvements.
Sur la base de lassurance donnée à chaque agent davoir un poste, des aides à la mobilité sont prévues et leur mise en place est négociée avec les organisations syndicales. Le principe retenu est, dune part, de dédommager les personnels dont les postes sont déplacés et, dautre part, de faciliter linsertion de leur famille par une aide à la recherche dun nouveau logement et, sil y a lieu, dun nouvel emploi.
Les effectifs du CEA/DAM ont connu dans le passé des fluctuations importantes : diminution dans les années 1970, remontée au début des années 1980 et diminution constante depuis 1988.
Les personnels de la Direction des applications militaires sont passés de 7 500 à 5 700 agents entre 1988 et 1995 ; à lhorizon 2000, cet organisme ne devrait plus compter que 4 500 personnes. Une telle réduction comporte toutefois quelques risques. Elle doit impérativement être accompagnée dun effort de gestion prévisionnelle des ressources humaines de façon à éviter que ne se tarisse la somme de connaissances accumulées par une génération dingénieurs et de techniciens.
Le retrait du service de la composante sol-sol du plateau dAlbion et le retrait définitif du système Hadès posaient la question du devenir dune part du site pour ce qui concerne le plateau dAlbion et dautre part des systèmes darmes ; larrêt de la production de matières fissiles posait celle des usines de Marcoule et de Pierrelatte.
La loi de programmation militaire 1997-2002 précisait le calendrier de ces opérations : Les démantèlements du système Hadès et des missiles stratégiques du plateau dAlbion débuteront dès 1996, pour se terminer respectivement en 1997 et 1998. Elle indiquait également : Après larrêt en 1996 de la production de matières fissiles destinées aux armes, le démantèlement des installations de Pierrelatte et de Marcoule sera entrepris en cohérence avec la fin dactivité de ces sites.
Parallèlement, suite à la décision du Président de la République de cesser tout essai nucléaire et la signature par la France du Traité dinterdiction des essais nucléaires, il convenait de démanteler le centre dexpérimentations du Pacifique.
Au cours de lannée 1999 devrait sachever le démantèlement du système darmes Hadès, annoncé par le Président de la République le 22 février 1996.
Le coût total du démantèlement sur la période 1996-1999 est évalué à 98 millions de francs et se répartit, comme le retracent les tableaux
ci-après :
année par année
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(en millions de francs)
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Années
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1996
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1997
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1998
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PLF* 1999
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Total
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Crédits de paiement
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19
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52
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23
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4
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98
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* Projet de loi de finances
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par programme
Programme
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Travaux
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Montants
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Têtes nucléaires
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Réactivation du centre de Valduc, transport, stockage et démontage
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29
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Transmissions et informatique des PC
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Démantèlement
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10
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Système de tir (par Aérospatiale)
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Démantèlement et maintien en condition partiel
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47
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Divers
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Infrastructure, sûreté nucléaire, contrôle gouvernemental...
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12
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· Malgré larrêt de la production de plutonium militaire, lusine de Marcoule, propriété de la COGEMA et exploitée par ses soins, a connu une activité soutenue jusquà la fin 1997 au bénéfice dEDF et du CEA pour le traitement des combustibles provenant des réacteurs civils. Son arrêt définitif est intervenu à cette date. Les opérations de vidange de lusine ont alors été entreprises.
Toutefois, son démantèlement proprement dit ninterviendra quaprès une phase de surveillance plus ou moins longue de manière, dune part, à pouvoir bénéficier de la décroissance radioactive de matières encore présentes dans certaines parties de lusine et, dautre part, à entreprendre dans la période des opérations de grande envergure de reprise des déchets et dassainissement du site. Les premières estimations du coût de lensemble des opérations à effectuer à Marcoule sur une période à venir de plusieurs dizaines dannées font état dun montant supérieur à 30 milliards de francs dont environ la moitié à la charge de la Défense.
Les opérations de mise à larrêt définitif ont débuté en 1998 et devraient se prolonger jusquen 2001, année à partir de laquelle devraient pouvoir être entreprises les opérations de démantèlememnt des installations. Dès la fin 1997, les opérations dassainissement de certaines zones prioritaires, de reprise et de conditionnement de déchets nucléaires anciens ont été lancées, respectant ainsi les objectifs qui avaient été assignés par lautorité de sûreté nucléaire.
Les crédits de paiement inscrits au projet de budget pour 1999 sélèvent à 449 millions de francs. Environ 950 millions de francs complémentaires devraient être consacrés, sur la période 2000-2002, au démantèlement de lusine de Marcoule.
· Larrêt définitif des productions de lusine de Pierrelatte est intervenu fin juin 1996. Les premières opérations de mise à larrêt définitif et de récupération des matières nucléaires contenues dans lusine ont été effectuées en 1997 et 1998. Le démantèlement de lusine proprement dit durera au moins jusquen 2004. Le coût de lensemble de ces opérations est en cours danalyse. Il sera fonction des décisions concernant létat final du site et du devenir des déchets résultant du démantèlement. La réalisation de lopération démantèlement stricto sensu coûtera au moins 1 800 millions de francs.
Au titre du projet de budget 1999, 305 millions de francs de crédits de paiement sur les 1 164 millions de francs prévus sur la période 1999-2002 seront engagés pour le démantèlement de lusine de Pierrelatte.
La phase de retrait des matériels des zones de lancement sest achevée en août 1998. Elle concernait :
les têtes nucléaires qui ont été démontées sur le site par le CEA puis acheminées vers ses établissements ;
les vecteurs, dont les étages propulsifs ont été démontés par lArmée de lair puis acheminés pour destruction vers le centre dachèvement et dessais des propulseurs et engins ;
les autres matériels associés qui sont traités, pour certains par lArmée de lair, pour dautres par la société Aérospatiale. Ces travaux sont suivis dune phase de sécurisation qui devrait sachever avant la fin 1998 ;
Le Service de protection radiologique des armées a établi, après prélèvement de frottis et analyse en laboratoire, pour chacun des sites nucléaires , des certificats de non-contamination des matériels quil contenait et des moyens de mise en oeuvre ayant été au contact indirect de la tête nucléaire.
La reconversion des sites du système SSBS et leur état final sont en cours de finalisation au ministère de la Défense. Les différentes possibilités et demandes hors ministère sont étudiées avec la participation du Délégué interministériel aux restructurations de Défense et de la Mission pour la réalisation des actifs immobiliers.
Les zones de lancement seront laissées dans un état permettant leur rétrocession aux communes ou aux porteurs de projet signalés par les élus, sur lesquels il nappartient pas à votre rapporteur de se prononcer. Certaines dentre elles resteront propriété de lEtat. Elles feront lobjet soit dune réutilisation par la Défense, soit détudes environnementales particulières (vieillissement), soit de non-réaffectation. La clôture domaniale entourant les silos sera maintenue.
Le régiment étranger de génie dun effectif voisin de 1 000 personnes, entièrement professionnalisé, sera implanté à partir de mi-1999 dans les installations transformées de la base aérienne. Il assurera la protection de ces sites.
TRAVAUX EN COMMISSION
I. AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE
La Commission de la Défense a entendu, le 9 septembre 1998, M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 1999.
Accueillant le Ministre de la Défense, le Président Paul Quilès a rappelé que la Commission de la Défense était particulièrement attentive aux conditions de la professionnalisation, au retour des crédits déquipement à un niveau permettant de mener à bien le programme de modernisation des forces ainsi quà lamélioration de la transparence et de la lisibilité du budget de la Défense, en loi de finances initiale comme en exécution.
Le Ministre de la Défense a présenté les principales orientations du budget de la Défense contenues dans le projet de loi de finances pour 1999, adopté le 9 septembre 1998 par le Conseil des Ministres. Il a rappelé que le budget de lexercice précédent avait fait de la poursuite de la réforme des armées et de la professionnalisation sa priorité et sétait traduit, dune part, par une conformité du titre III aux objectifs fixés dans la loi de programmation et, dautre part, par une réduction temporaire des crédits déquipement par rapport à cette même loi, en raison des contraintes de lassainissement des finances publiques.
Il a relevé que les difficultés entraînées par cette réduction des ressources disponibles pour léquipement des armées ne pouvaient être surmontées quà la condition dun réexamen densemble de la cohérence des choix financiers de la loi de programmation militaire, constat qui avait présidé à la revue de programmes et donné lieu, en conséquence, à un ajustement des flux financiers prévus. Il a dailleurs souligné que le projet de loi de finances pour 1999 appliquait les conclusions de la revue de programmes concernant les crédits déquipement, tout en répondant à une vision à long terme des besoins de la défense. Il sest également félicité des conditions délaboration du budget de la Défense, qui navait pas nécessité le recours à larbitrage du Premier Ministre, en ajoutant que la nouvelle présentation des crédits portait la marque dun effort de clarification comptable répondant notamment aux souhaits réitérés de la Commission de la Défense.
M. Alain Richard a ensuite présenté les principaux chiffres du projet de loi de finances pour 1999. Il a indiqué que le titre III, dun montant de 104 milliards de francs, progressait de 240 millions de francs par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, concédant que ce montant aurait été plus élevé si lon avait appliqué les règles générales dindexation mais soulignant quil restait conforme aux objectifs de la programmation. Quant aux crédits des titres V et VI, il a déclaré quils sétabliraient à 86 milliards de francs, ce qui, par rapport aux 81 milliards de francs du budget voté de 1998, représentait une augmentation dautant plus forte en termes réels que la valeur des achats déquipements militaires avait tendance à suivre lévolution de lindice des prix industriels, nettement inférieure à celle de lindice des prix. Il a indiqué quau total, les crédits militaires hors pensions progresseraient de 2,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998.
Le Ministre de la Défense a souligné que le projet de budget permettait de poursuivre la professionnalisation des forces, qui perdraient en 1999 un peu plus de 30 000 appelés et 2 690 sous-officiers, le nombre dofficiers demeurant globalement stable, alors que seraient créés environ 16 000 emplois, soit, notamment, 8 400 militaires du rang, 4 750 volontaires, dont 3 000 dans la Gendarmerie, et 1 900 emplois civils. Il a fait observer que la baisse de 9 % des crédits de fonctionnement, corrélée à lévolution des effectifs, namputait pas le pouvoir dachat du titre III, des économies non pénalisantes ayant été rendues possibles en 1999, notamment par lévolution du prix du pétrole ou par laugmentation des ressources extrabudgétaires du Service de santé des armées.
Sagissant des crédits déquipement du budget de la Défense, le Ministre de la Défense a souligné que leur évolution marquait un rattrapage par rapport à la précédente loi de finances et traduisait les conclusions tirées de la revue de programmes. Il a fait observer que les ressources affectées à la dissuasion se trouvaient confortées, le programme de SNLE de nouvelle génération se poursuivant normalement, avec ladmission au service actif du deuxième SNLE-Ng en juillet 1999 et un objectif de mise en service du dernier SNLE-Ng en 2008. Evoquant les crédits consacrés à lespace, il a rappelé le caractère prioritaire du programme Hélios II et indiqué, sagissant du programme Trimilsatcom, que la décision de retrait britannique du 12 août 1998 nentravait pas la coopération entre la France et lAllemagne dans ce domaine, les deux partenaires ayant décidé de modifier, en les simplifiant, certaines spécifications du programme.
En ce qui concerne les armements conventionnels, il a indiqué que lannée 1999 verrait la poursuite des livraisons de chars Leclerc, à raison de 33 exemplaires, le lancement du programme VBCI réalisé en collaboration avec la Grande-Bretagne et lAllemagne, lentrée dans la phase de fabrication du programme Tigre, la livraison du premier Rafale Marine, du deuxième Hawkeye, le lancement du programme de TCD de nouvelle génération et la poursuite du programme dhélicoptère NH-90. Il a également fait valoir que, pour la Gendarmerie, les délais déquipement du programme Rubis seraient respectés puisque, fin 1999, 85 départements seraient équipés, ce qui permettait dêtre désormais sûr de lachèvement du programme à la fin de lannée 2000.
M. Alain Richard a également fait remarquer que leffort du ministère de la Défense en matière de recherche et développement dépasserait 21 milliards de francs en 1999 contre 19,6 dans la loi de finances initiale pour 1998.
Il a indiqué par ailleurs que près dun milliard de francs seraient consacrés à laccompagnement économique des restructurations sous la forme de dotations du Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) et du Fonds dadaptation industrielle (FAI), destinées à financer laccompagnement économique et social des restructurations, tandis que les aides au départ et à la mobilité, accordées dans le cadre de la professionnalisation, représenteraient plus de 1,8 milliard de francs. Sur ce dernier point, il a fait observer que, conformément à la loi de programmation, les crédits relatifs aux pécules connaîtraient leur première baisse puisquils se monteraient à 810 millions de francs au lieu de 900 en 1998. Il a ajouté quaprès la réalisation complète des prévisions de départ pour 1998, ce montant devrait assurer le départ aidé de 900 officiers et 2 000 sous-officiers en 1999.
Evoquant les restructurations industrielles, le Ministre a indiqué que les efforts de la DGA produisaient désormais leurs fruits en matière de coûts et de délais et mis laccent sur le dialogue mené avec les industriels de la défense. Sur le point plus précis des relations de la DGA avec les PME-PMI, il a fait observer que, désormais, de nouveaux moyens, notamment en personnel, seraient affectés spécifiquement à cette tâche.
Le Ministre de la Défense a alors analysé la participation du budget de son département à la politique générale du Gouvernement en faveur de lemploi, de la sécurité intérieure et de la construction européenne.
Sagissant de la politique de lemploi, il a souligné à nouveau que le ministère allait ouvrir en 1999 de lordre de 16 000 recrutements dont plus de 13 000 de militaires du rang et de volontaires, cest-à-dire des emplois destinés à des jeunes de qualification moyenne et faible. Il a ajouté que 15 millions de francs seraient consacrés à laccompagnement social des jeunes sans emploi en fin de contrat et rappelé que le ministère prenait sa part des efforts de relèvement des rémunérations les plus basses, quil sagisse de celles des militaires ou de celles des personnels civils.
Sagissant de leffort en matière de sécurité intérieure, il a précisé quen relève des appelés, 3 000 volontaires allaient être recrutés par la Gendarmerie en 1999 en complément des 800 recrutés par anticipation dans les prochaines semaines. Il a toutefois fait observer que leffort en faveur des effectifs de la Gendarmerie engendrerait en contrepartie un alourdissement des charges de formation, consécutif, notamment, à laccroissement du nombre de départs à la retraite dans les prochaines années, de 2 000 à 4 000 par an. Il a ajouté que le renforcement des effectifs de la Gendarmerie dautoroute serait néanmoins poursuivi pour tenir compte de laccroissement du kilométrage autoroutier et annoncé que, dans le cadre du programme de renouvellement des hélicoptères Alouette III, la première commande dhélicoptères biturbines allait être passée.
M. Alain Richard a alors décrit la part prise par le ministère de la Défense à la politique européenne du Gouvernement. Il a fait ressortir la participation accrue de la France au développement dune industrie de défense européenne compétitive et attiré lattention sur la signature du traité instituant lOCCAR. Sur ce point, il a fait remarquer la forte volonté des signataires de déléguer à lOCCAR la gestion de nouveaux programmes, indiquant que les Britanniques avaient fait part de leur intention de porter à 40 % la part des programmes européens dans leurs acquisitions.
Il a également souligné que la France faisait pleinement appel aux crédits de reconversion de lUnion européenne (fonds KONVER et Objectif 2).
En conclusion, il a indiqué que le projet de budget pour 1999 marquait une nouvelle étape dans la modernisation et ladaptation de nos capacités de défense tout en contribuant efficacement à la mise en oeuvre des grands objectifs du Gouvernement. Il a également mis laccent sur lefficacité des armées dans laccomplissement de leurs missions extérieures, puisque lannée 1998 avait vu, outre la conduite dopérations sur divers théâtres, la mise en oeuvre de plusieurs interventions dévacuation de nos ressortissants, tout en rendant hommage aux qualités dont elles faisaient preuve dans lexercice de leurs missions intérieures. Evoquant la participation du ministère de la Défense à la sécurité de la Coupe du Monde de football, il a à ce propos tenu à rendre hommage au gendarme Nivel, symbole du dévouement et de lefficacité des armées dans lensemble de leurs missions.
Rappelant que larrêté dannulation et le décret davance du 21 août 1998 avaient réduit de 3,8 milliards de francs les crédits déquipement de lexercice 1998 et ouvert sur le même exercice un crédit de 3,8 milliards de francs en vue de couvrir des charges de personnel, notamment au titre des opérations extérieures, le Président Paul Quilès sest demandé si, dans la mesure où une bonne partie de ces opérations pouvait être prévue en début dexercice, une provision ne pourrait pas être instituée en loi de finances initiale pour faire face aux charges quelles entraînent, ce qui permettrait ainsi un meilleur contrôle parlementaire.
Remarquant également quune partie des crédits ouverts par le décret davance semblait destinée à remédier à linsuffisance des dotations initiales pour la rémunération des VSL (volontaires service long), il sest demandé si cet ajustement ne traduisait pas certaines dérives en matière de rémunérations et sest interrogé sur leur perpétuation en 1999.
Abordant alors la réforme destinée à rapprocher la comptabilité des investissements du ministère de la Défense de celle des ministères civils, il a souhaité savoir si lon pouvait en attendre une plus grande conformité des autorisations de programme du budget de la Défense à la définition qui en est faite par lordonnance de 1959 relative aux lois de finances, soulignant quune telle amélioration faciliterait le contrôle parlementaire des dépenses en capital, grâce notamment à linscription dans le fascicule budgétaire de la Défense déchéanciers véritablement significatifs des crédits de paiement. Il a également demandé dans quelles conditions le montant en autorisations de programme des nouvelles opérations budgétaires dinvestissement ainsi que leur échéancier en crédits de paiement seraient portés à la connaissance des rapporteurs budgétaires.
Enfin, sagissant des commandes groupées, il a souhaité savoir si leur montant en était connu et si elles feraient lobjet dune individualisation au sein du fascicule budgétaire de la Défense.
M. Alain Richard a apporté les éléments dinformation suivants :
le décret davance qui porte sur 3,8 milliards de francs couvre en partie (1 milliard de francs) les surcoûts liés aux opérations extérieures. Il ouvre également des dotations supplémentaires pour assainir la situation des chapitres de rémunérations, afin déviter des tensions de trésorerie avant le collectif budgétaire prévu en novembre prochain ;
environ 300 millions de francs de crédits provisionnels avaient été inscrits pour la première fois dans le projet de budget pour 1998 pour couvrir une part des surcoûts entraînés par les opérations extérieures. Dune part, il est difficile dévaluer à lavance lampleur de ces surcoûts. Dautre part, cette provision, souhaitée par le Ministre de la Défense, doit rester modérée et ne saurait dépasser à terme un milliard de francs ;
le débat politique avec le Parlement sur les opérations extérieures se déroule habituellement au moment de lexamen de la loi de finances rectificative de fin dannée mais il serait souhaitable que le Ministre de la Défense vienne, dès le printemps, présenter les principales dépenses liées à ces opérations ;
les VSL permettent daccompagner la professionnalisation. Parce quil na pas été possible dinscrire en 1998 des postes de volontaires pour pallier la disparition des appelés, les armées ont été autorisées à recourir à des VSL en anticipation de larrivée des volontaires ;
la couverture du décret davance repose sur des annulations de crédits déquipement. Mais ces annulations seront compensées par une autorisation de consommer un montant équivalent de crédits de report de lexercice 1997 sur lexercice 1998 afin de garantir la capacité de dépenses du ministère de la Défense pour lexercice en cours ;
la mise en oeuvre au sein du ministère de la Défense de la nouvelle comptabilité spéciale des investissements (CSI) sest traduite par des retards de paiement au détriment des fournisseurs, en particulier des PME, et lapplication de la réforme de la nomenclature budgétaire prévue par le projet de loi de finances pour 1999 risque dentraîner des conséquences de même nature. Les retards provoqués par lintroduction de la CSI devraient toutefois être rattrapés dici quelques mois afin que la consommation des crédits approche, à la fin de lexercice 1998, les montants inscrits en loi de finances initiale ;
la présentation du budget pour 1999 se place dans la cohérence des demandes des commissions parlementaires. Elle fait passer de 7 à 8 le nombre de chapitres du ministère de la Défense et permet, notamment, de détailler, dans le chapitre des fabrications, 25 articles, correspondant chacun à un grand programme ;
cinq commandes groupées de matériels pour un montant dengagements denviron 11 milliards de francs ont été lancées en 1997 et deux nouvelles commandes de ce type seront sans doute attribuées en 1999. Le Gouvernement ne pourra confirmer publiquement la commande groupée des 48 Rafale quen 1999 car, si lessentiel de la négociation est effectué, il reste certaines questions à régler avant la signature définitive du contrat.
Après sêtre félicité de laugmentation des titres V et VI en loi de finances initiale et des efforts effectués dans certains domaines, en particulier dans ladéquation des autorisations de programme et des crédits de paiement, M. Arthur Paecht a émis la crainte que la loi de finances rectificative pour 1998 ne vienne à nouveau amputer les crédits déquipement pour abonder les dépenses liées aux opérations extérieures. Ayant estimé ambitieux lobjectif de fabriquer en coopération européenne près de 40 % des programmes en valeur, il sest interrogé sur la nature de lidentité européenne de défense qui soutiendra le développement de lOCCAR. Enfin, il a évoqué lélaboration du nouveau concept stratégique de lAlliance atlantique et a souhaité obtenir des informations complémentaires sur la participation de la France aux structures intégrées alliées.
M. Jean-Yves Le Drian sest étonné que le projet de budget pour 1999 prévoie le lancement du développement de deux frégates Horizon dans la mesure où il navait pas eu connaissance que des progrès significatifs avaient été récemment accomplis dans la définition des spécifications de ce programme en coopération trilatérale. Evoquant la réforme de la DCN, il a souhaité avoir des précisions sur la méthode et le calendrier retenus par le ministère de la Défense.
Estimant quil ressortait des propos du Ministre de la Défense que laugmentation du titre III ne correspondait pas à celle du coût de la vie, M. Michel Voisin a souhaité que leffort entrepris en faveur de la professionnalisation ne soit pas terni par une altération de la qualité de vie des personnels militaires. Notant quune dotation supplémentaire de 40 millions de francs était affectée aux réserves, il a demandé quel était létat davancement des travaux délaboration du projet de loi les concernant. Sagissant de la réorganisation des services de police et de Gendarmerie, il a indiqué que la réforme annoncée avait soulevé, notamment dans la zone périurbaine de Lyon, de vives protestations de la part des élus locaux et des populations qui craignent quil sensuive une altération des conditions de sécurité et a regretté quelle nait été précédée daucune véritable consultation préalable. Evoquant lannonce de la double commande de 80 hélicoptères Tigre faite à la suite de la rencontre des Ministres de la Défense à Berlin, il a souhaité savoir si ces commandes avaient été notifiées à lindustriel. Enfin, il sest inquiété du maintien des effectifs et des spécificités de la Légion étrangère ainsi que des troupes de marine.
M. René Galy-Dejean a fait part de sa satisfaction au regard dun budget quil a considéré comme une assez bonne surprise, après les résultats de la revue de programmes, et indiqué quil portait des appréciations également positives sur la politique suivie en matière de restructuration industrielle. Il a toutefois regretté que les négociations avec le ministère du Budget naient pu permettre dobtenir une augmentation du montant des crédits militaires et en particulier de ceux du titre III, en rapport avec lamélioration sensible des recettes fiscales. Rappelant que le contexte international avait sensiblement évolué dans le domaine de la prolifération nucléaire et balistique depuis lélaboration du précédent budget, il a souhaité savoir si cette situation avait été prise en compte dans la fixation des orientations budgétaires concernant la dissuasion et si le Ministre avait pu constater lémergence dune prise de conscience européenne en ce domaine.
Après avoir fait valoir que laugmentation des crédits de la Défense pour 1999 était conforme aux engagements précédents du Gouvernement et que le projet de budget reflétait la priorité accordée à lemploi, M. Yann Galut a fait part de ses préoccupations quant à lavenir de GIAT-Industries, en ce qui concerne notamment le secteur armes et munitions, la nature de la participation française au VBCI, et plusieurs incertitudes relatives à la revalorisation des matériels dartillerie de type 155 AUF 1 ou aux commandes portant sur le système Minotaur et les tourelles dhélicoptères. Il a noté avec satisfaction laccroissement des crédits de recherche-développement, qui lui a paru témoigner du souci de préserver lavenir des industries françaises de défense et a souhaité savoir quels moyens pouvaient être accordés, dans le cadre de cet effort, à des programmes tels que le VEXTRA, lartillerie future des chars de combat et les munitions intelligentes. Sagissant des aides à la diversification des entreprises de défense, il a souhaité savoir quelle avait été laffectation des crédits inscrits à ce titre dans le budget pour 1998. Il sest enfin félicité de lannonce de la prochaine commande pluriannuelle de 48 Rafale et des engagements pris en faveur du programme ATF, tout en indiquant que parmi les trois options évoquées par le Ministre, il souhaitait que celle proposée par Airbus Industrie soit privilégiée.
M. Georges Lemoine sest félicité que le projet de budget de la Défense pour 1999 vienne atténuer certaines inquiétudes concernant les moyens alloués à la Gendarmerie, notamment en matière de volontariat. Se déclarant satisfait à cet égard de louverture, par anticipation, de 800 postes de volontaires en 1998 et des objectifs de recrutement fixés pour 1999, il a toutefois fait état des difficultés que pourrait soulever, dans les brigades, la durée de formation de ces personnels, nettement supérieure à celle des actuels gendarmes auxiliaires. Il a ensuite évoqué les nombreuses inquiétudes suscitées, chez les élus, par le rapport de MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest. Il a plaidé en faveur dune information accrue des élus locaux sur les propositions énoncées dans ce rapport, dont il a souligné quil avait été peu lu et estimé que lintervention du Directeur général de la Gendarmerie nationale devant le congrès des maires de France, au mois de novembre, pourrait participer de cette meilleure information. Après sêtre félicité des perspectives dachèvement du programme Rubis, il a soulevé la question des conditions de vie et des casernements, qui risquait dêtre rendue plus difficile par larrivée des volontaires. Il a enfin interrogé le Ministre sur la contribution des sociétés autoroutières au financement des pelotons de gendarmerie dautoroute.
M. Jean-Claude Sandrier sest déclaré gêné pour approuver le projet de budget, de la même façon que les membres de lopposition sétaient trouvés gênés pour le critiquer. Il a précisé que son analyse concernant la loi de programmation militaire était inchangée et a exprimé son désaccord avec une politique de défense principalement fondée sur des objectifs de projection. Il a souligné en revanche que le concept de défense nationale gardait toute sa validité et que sa mise en oeuvre supposait de revaloriser les forces et équipements classiques. Il a estimé en outre que la journée dappel de préparation à la défense ne suffirait pas à insuffler aux jeunes lesprit de défense. Il a ensuite interrogé le Ministre sur les résultats de la campagne de recrutement de lArmée de terre et, sagissant des crédits déquipement, sur leur taux de consommation en 1998. Après avoir demandé au Ministre de faire le point sur les nouvelles infrastructures, il sest interrogé sur létat actuel de la coopération européenne pour la réalisation du programme Hélios II. Il sest également déclaré inquiet de la politique industrielle suivie dans le secteur de la défense, relevant quelle était largement inspirée par le souci dinstaurer une défense européenne. Il sest à ce propos interrogé sur lévolution de la politique de coopération suivie par nos partenaires britanniques et allemands en matière de défense, notamment à légard des Etats-Unis. Il sest enfin demandé sil était prudent de programmer la fin du système armes et munitions de GIAT-Industries, avant de demander que le plan de restructuration de cette entreprise soit revu en fonction dautres objectifs que ceux qui ont été retenus par le Gouvernement.
Remarquant que plusieurs des questions posées avaient trait aux orientations de la politique générale de défense de la France, M. Alain Richard a proposé que leur examen ait lieu en séance publique, à loccasion du débat sur les crédits militaires, de sorte quils puissent faire lobjet dune discussion plus approfondie.
Il a également suggéré que la Commission de la Défense tienne un débat spécifique sur la politique industrielle dans le secteur de la défense et sest déclaré disposé à y contribuer.
Il a en outre apporté les éléments de réponse suivants :
les dépenses liées aux opérations extérieures sont, par nature, affectées dun fort coefficient dincertitude en début dexercice ; en 1999, elles seront sans doute en réduction par rapport à 1998 du fait, notamment, de la fermeture des bases françaises en République centrafricaine ;
le programme Horizon sera bien lancé en 1999 ; en effet, la définition de ses besoins par la Grande-Bretagne, principal acheteur, a beaucoup évolué et sest considérablement rapprochée de celle de la France ;
la réforme de la DCN est une réforme en profondeur qui doit donc être conduite sur le long terme. La DCN doit conserver une place éminente au sein de lindustrie de défense européenne de demain. Pour cela, il a été demandé à sa direction de recueillir des avis diversifiés avant de formuler ses propositions en vue dune réforme et dun plan dentreprise. Cette réflexion prend nécessairement du temps. Le plan dentreprise quelle élaborera devra permettre à la DCN de répondre aux demandes de la Marine et de trouver des marchés, dans des conditions économiques saines ;
la hausse des rémunérations et charges sociales, au sein du titre III, est de 2,9 %. Elle inclut donc des accroissements de pouvoir dachat. Mais elle pèse indéniablement sur les moyens de fonctionnement. Les tensions sur les crédits de fonctionnement naffecteraient la qualité de vie que des personnels logés. Or, sur ce point, sans doute du fait de lingéniosité des chefs de corps, il napparaît pas quon aille vers une situation réellement difficile. De plus, les jeunes engagés sont tous en début de contrat et il nest pas certain quils souhaiteront, à lavenir, continuer à être logés à la caserne ; il convient donc dêtre prudent dans la construction des casernements de manière à éviter les surcapacités ;
le ministère de la Défense a bénéficié dune amélioration spécifique de ses crédits de fonctionnement, due notamment à la réforme du financement du fonds de pension des ouvriers dEtat. Celui-ci connaissait un déficit structurel apuré a posteriori par une subvention. A la suite dune proposition du ministère des Finances, ce déficit sera désormais financé par les cotisations des employeurs. Cette réforme, appliquée de façon plafonnée, aboutit à transférer 300 millions de francs de cotisations du titre III vers les établissements employeurs des ouvriers dEtat, notamment la DCN ;
en ce qui concerne les modifications du partage de compétence territoriale entre la Police et la Gendarmerie, les propositions envoyées aux préfets feront lobjet de négociations et ne présagent pas des décisions finales ;
les besoins, plus importants en zones urbaines périphériques, sont mieux satisfaits par un travail collectif des brigades ;
le reversement des sociétés concessionnaires dautoroutes à la Gendarmerie par la procédure du fonds de concours a été déclaré non conforme à lordonnance organique relative aux lois de finances. Pour compenser ce fonds de concours, un peu plus de 500 millions de francs ont été inscrits en crédits budgétaires dans la loi de finances initiale pour 1998. Le projet de budget pour 1999 fait lobjet dune procédure analogue ;
la consommation de lensemble des crédits déquipement devrait dépasser 95 % des dotations initiales pour lexercice en cours ;
la commande des 80 hélicoptères Tigre sera notifiée à lindustriel avant la fin de lannée ;
il est de lintérêt de GIAT-Industries de participer au programme VBCI qui concerne près de 2 000 commandes à terme et dont la France pourrait recevoir près de 30 % de part industrielle, même si les négociations de prix ne sont pas terminées. Au contraire, pour linstant aucun marché assuré nexiste à lexportation pour le programme VEXTRA dans la situation économique très difficile que connaît larmement terrestre. Quant à lartillerie future des chars de combat, il sagit dun domaine auquel des crédits de recherche seront affectés ;
les crédits du FRED et du FAI dont la consommation est satisfaisante permettent une bonne mise en place des programmes de diversification économique et daccompagnement social ;
les partenaires du consortium Airbus doivent faire une proposition crédible et compétitive en termes de prix pour remporter le marché de lavion de transport militaire européen. Sil est nécessaire de tenir compte des intérêts économiques et industriels européens dans le choix des coopérations, il nest pas non plus politiquement souhaitable de fermer a priori la porte à toute coopération avec Antonov ;
la réponse favorable de lEspagne au programme Hélios II, dont le calendrier de réalisation est maintenu, permet de le poursuivre dans un cadre de coopération européenne. LItalie qui effectue dimportants efforts déconomie budgétaire na pas encore fourni de réponse. Dautres partenaires sont par ailleurs envisageables. Les pays intéressés pourront sabonner au programme en cours de réalisation ;
les recrutements dengagés de lArmée de terre se déroulent dans de bonnes conditions, grâce à lamélioration des conditions de rémunération des personnels et à limage positive que donne cette armée dans sa démarche de professionnalisation, notamment en matière de formation et dintégration sociale ;
la professionnalisation des armées suppose la remise en cause des spécificités de certaines armes de lArmée de terre et il apparaît nécessaire de faire comprendre tant à la Légion étrangère quaux Troupes de Marine que laccroissement global des capacités opérationnelles des forces constitue une garantie importante pour la Nation.
M. Bernard Grasset a souligné le courage dont avait fait preuve le Gouvernement en modifiant la carte de répartition des zones de Police et de Gendarmerie, apportant ainsi une réponse à une question très ancienne que les gouvernements précédents avaient toujours hésité à aborder. Il a fait part du trouble suscité chez un certain nombre de maires de sa circonscription par les confidences du Directeur général de la Gendarmerie, concernant lemploi de ses personnels, parues dans un supplément dun grand journal parisien. Il sest félicité du dépôt prochain dun projet de loi sur les réserves, qui constituent un élément essentiel du lien entre la Nation et ses Armées et a souhaité quà lavenir le recrutement dans les sessions régionales de lIHEDN soit moins élitiste. Après avoir estimé que les spécificités de certaines armes telles que les troupes de Marine devaient être préservées, il sest prononcé en faveur du maintien du Service militaire adapté, dont il a souligné quil apportait, dans les DOM-TOM, une contribution essentielle au resserrement des liens entre les Armées et la population. Relevant la diminution de 16 % des crédits de paiement consacrés à lEspace, dont il a déclaré comprendre les raisons, il a insisté sur la nécessité de préserver lavenir en accordant une priorité au programme de satellite radar Horus.
M. Pierre Lellouche a tout dabord convenu que le projet de budget apparaissait optiquement meilleur que celui de lannée en cours, estimé que les restructurations industrielles engagées pouvaient être considérées comme satisfaisantes et jugé courageuse la politique menée par le Ministre de la Défense pour restructurer les arsenaux. Il a résumé son appréciation en déclarant que le libéral quil était se réjouissait de ces orientations. Il a également insisté sur la nécessité dinstituer un mode approprié de financement des opérations extérieures, excluant toute ponction sur les crédits déquipement pénalisant, en cours dexercice, la politique déquipement des forces armées. Soulignant lintérêt du volontariat du service national en entreprise, il a souhaité savoir si le Gouvernement entendait proposer au Parlement son maintien. Il sest par ailleurs inquiété de la répartition des officiers, sous-officiers et militaires du rang au sein des armées, notant que la professionnalisation avait pour effet de créer un déséquilibre important en faveur des gradés par rapport aux hommes du rang. Enfin, rappelant quil avait saisi la présidence de lAssemblée nationale de la nécessité dune réflexion parlementaire sur la pertinence du concept de dissuasion au regard de lévolution géostratégique liée aux essais nucléaires indiens et pakistanais, il a fait part de sa stupéfaction quant au manque dintérêt suscité par sa demande. Il sest enfin interrogé sur la cohérence des choix financiers effectués, dans le projet de budget pour 1999, en faveur des différents systèmes de forces face à une menace aujourdhui très évolutive et sest demandé si une réflexion suffisante avait été conduite sur le modèle darmée dont la France avait à présent besoin.
Le Président Paul Quilès a indiqué que le bureau de la Commission, dont M. Pierre Lellouche est membre, devait se réunir la semaine prochaine pour examiner notamment sa proposition. Il a par ailleurs rappelé les propos de M. Arthur Paecht et ceux du Ministre, évoquant les travaux de lOTAN relatifs au nouveau concept stratégique de cette organisation, et souligné que les conclusions de ces travaux ne seront pas sans incidences sur nos propres réflexions nationales en matière de politique de défense. Enfin, il a observé que lanalyse des menaces et des besoins militaires de la France était déjà contenue dans le Livre Blanc et la loi de programmation militaire, quune majorité de membres de la Commission, dont certains appartenaient à lopposition, navaient pas souhaité remettre en cause.
M. Guy-Michel Chauveau sest félicité du projet de budget, quil a considéré comme le meilleur depuis plusieurs années. Il a plaidé en faveur dune maîtrise des dépenses du titre III, condition nécessaire à la préservation des crédits de recherche et développement. Il a également souhaité savoir sil avait été procédé à une réorganisation des dispositifs de formation, pour mieux les adapter aux spécificités des personnels engagés. Il a également demandé quelles étaient les mesures de reconversion des engagés prévues. Sagissant de la politique industrielle menée par le Gouvernement, il sest déclaré pleinement satisfait des décisions prises depuis quinze mois, souhaitant que toutes les grandes entreprises du secteur y participent. Se félicitant de la nomination dun coordinateur des restructurations au niveau national, il a souligné la nécessité dune évaluation de leur impact, site par site.
M. Jean-Noël Kerdraon, rappelant que la revue des programmes avait fixé à lan 2000 le lancement du programme de nouveau transport de chaland de débarquement (TCD), a demandé au Ministre de la Défense de confirmer quil était avancé dun an. Sagissant des programmes en coopération, il a évoqué les divergences entre la France et lItalie dans le choix du sonar destiné à équiper le NH 90, non sans estimer que celui proposé par Thomson-Marconi semblait de meilleure qualité. De même, il a souhaité que le choix du sonar du chasseur de mines tripartite soriente vers le produit proposé par cette même société, dont 300 emplois étaient en jeu sur un effectif de 400.
Félicitant le Ministre, non pour son budget, quil a estimé critiquable mais pour lhabileté avec laquelle il lavait présenté, M. Yves Fromion, usant de la faculté que larticle 38 du Règlement confère aux députés dassister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, a indiqué que, pour sa part, il avait toujours estimé quil fallait maintenir lactuelle loi de programmation militaire, fruit dun débat approfondi. Il a même regretté que la loi de programmation militaire initiale nait pas été appliquée plus fidèlement encore, évoquant notamment le retard que la France risquait de prendre dans le domaine de laéromobilité avec un parc dhélicoptères qui allait passer de 600 environ à 350 ou 370 en 2010. Il a également demandé au Ministre des informations sur labandon du département munitions de GIAT-Industries et sur les perspectives dexportation du char Leclerc. Il la enfin interrogé sur lappel de préparation à la défense.
Le Ministre de la Défense a apporté les éléments de réponse suivants :
il a convenu que laccès à lIHEDN, notamment à ses sessions régionales, devait être élargi ;
le SMA (service militaire adapté) fonctionne de manière satisfaisante. Le souhait de la Polynésie française de se voir attribuer directement les crédits correspondants pour organiser elle-même la formation des jeunes pourrait cependant créer une disparité de situation entre les différents départements et territoires, qui rendrait le dispositif plus difficile à maintenir ;
lobjectif de construction dun satellite dobservation radar nest pas abandonné mais il est sans doute opportun dattendre que les évolutions technologiques en cours permettent de latteindre à moindre coût ;
la dissuasion a, jusquici, été surtout laffaire du Chef de lEtat ; cest sans doute la raison pour laquelle la nécessité dun débat parlementaire nest pas apparue pressante ;
le taux dencadrement dune armée professionnelle est toujours supérieur à celui dune armée de conscription. Par ailleurs, lanalyse des taux dencadrement doit tenir compte de la structure des grades de la Gendarmerie, puisque les gendarmes sont tous sous-officiers ;
la professionnalisation va indiscutablement engendrer des tensions sur la part relative des crédits du titre III et du titre V, dici à la fin de la programmation ; un risque de glissement existe. Ce sera lun des points à évoquer lors de la préparation de la prochaine loi de programmation;
il y a des gains defficacité à faire en matière de formation. Ils passent notamment par des regroupements décoles. Sagissant du recrutement, lune des clefs du succès sera effectivement la réussite de la reconversion des engagés et sa perception correcte par le public ;
en matière dindustrie aéronautique, le pas essentiel est la fusion entre les sociétés Aérospatiale et Matra : en revanche, sagissant de la position de la société Dassault au sein de lindustrie européenne, il est encore possible de se laisser un temps de réflexion ;
le souci de préserver le plus grand nombre de sites et de maintenir une activité industrielle dans les bassins demploi a joué un rôle essentiel dans lélaboration du plan de restructuration de GIAT-Industries ;
en ce qui concerne le TCD, le besoin est avéré : il sagit dun outil de projection précieux quil ne faut pas trop tarder à réaliser. Des négociations devront toutefois sengager avec la DCN en vue de sa construction, notamment sur la question des prix ;
dans les mois qui viennent, il faudra résoudre les divergences entre lItalie et la France à propos du sonar Thomson-Marconi ;
dès lors quon est en accord avec les objectifs fixés par la loi de programmation militaire, il convient de se tenir à celle-ci ;
la réduction en cours du nombre dhélicoptères laissera à la France un nombre dappareils dont les capacités seront toutefois hors de comparaison avec celles des matériels quils remplaceront ; laéromobilité reste un concept essentiel dans la doctrine demploi de lArmée de terre ;
le plan de réduction des capacités du secteur des munitions de GIAT-Industries répond aux besoins dadaptation de lentreprise qui ne peut produire que ce quelle est en mesure de vendre dans des conditions économiques normales. Sagissant de lachat de chars Leclerc par lArabie Saoudite, le Gouvernement ne sen désintéresse pas ; il est cependant trop tôt pour formuler des commentaires à ce sujet ;
sagissant de lappel de préparation à la défense, il est organisé avec rigueur. De plus, aujourdhui, la vision quont les jeunes de la Défense est positive. Ces éléments permettent de penser que la nouvelle formule sera un succès ;
en ce qui concerne les réserves, la concertation est en bonne voie et le Premier Ministre a annoncé devant lIHEDN que le projet de loi les concernant serait déposé sur le bureau dune des Assemblées avant la fin de lannée ;
pour réformer le partage de compétence entre Police et Gendarmerie, il fallait bien partir dun point de départ, susceptible de constituer une base de discussion. Des instructions ont été envoyées aux préfets pour rappeler que cest là précisément la fonction du rapport Carraz-Hyest qui na donc pas vocation à être transposé sur le terrain dans son intégralité.
II. EXAMEN DE LAVIS
La Commission de la Défense sest réunie le 20 octobre 1998, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour examiner les crédits du ministère de la Défense pour 1999 consacrés à la Dissuasion nucléaire, sur le rapport de M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis.
M. René Galy-Dejean a précisé que, si son précédent avis se voulait une contribution parlementaire à la réflexion sur le fonctionnement de la dissuasion dans une situation constitutionnelle particulière et un contexte budgétaire contraint, il avait plus particulièrement choisi cette année, suite aux essais nucléaires indiens et pakistanais, détudier laction diplomatique internationale en matière de désarmement nucléaire et de lutte contre la prolifération.
Abordant la nécessaire mais désespérante quête diplomatique du désarmement nucléaire, il a constaté que les mesures prises dans un cadre international natteignaient pas leurs objectifs. Ainsi, le Traité START I, sil diminue bien le nombre des armements russes et américains, a toutefois pour effet pervers daméliorer les performances des arsenaux par un accroissement quasi-généralisé du nombre de têtes par rapport aux vecteurs. Sagissant du Traité START II, les échéances de franchissement de seuil à la baisse ont été repoussées lors du sommet russo-américain dHelsinki en mars 1997 et la Douma russe refuse la ratification du Traité pour tenter de contrer lélargissement à lest de lOTAN.
Le Traité ABM conclu en 1972 avait logiquement pour objectif de rompre la dynamique de la lutte de lépée et du bouclier par la suppression du bouclier que constituaient les défenses antimissiles dans la perspective dune limitation de la course aux armes offensives. En fait, les deux puissances, notamment les Etats-Unis, ont poursuivi des recherches portant sur les lasers de neutralisation et les missiles antimissiles de haute vélocité, doù un troc russo-américain dérisoire dans lequel les Etats-Unis renonçaient à tester leurs missiles de haute vélocité avant avril 1999 avec, pour contrepartie, la faculté de poursuivre un programme antimissile, dans le but de se doter à court terme dun système antimissile de théâtre.
Le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) prétendait limiter à cinq le nombre des membres du club nucléaire. De fait, dès son entrée en application, dautres pays, notamment Israël, se sont dotés ou ont cherché à se doter darmements nucléaires. Récemment, les essais indiens et pakistanais ont rompu les digues que le TNP sétait efforcé dériger.
Le Traité dinterdiction complète des essais nucléaires présente ce paradoxe de devoir son élaboration à une initiative de lInde. Or, peu de temps après lissue des négociations, le parti extrémiste indien BJP accédait au pouvoir, et préparait puis exécutait une série dessais nucléaires.
La prolifération se présente essentiellement sous deux formes : la dissémination des technologies et des cerveaux à partir de pays possédant un savoir-faire nucléaire militaire et la contrebande de matières fissiles, lacquisition éventuelle darmes tactiques à des fins terroristes. Le quotidien Al Hayat rapportait le 12 octobre dernier des déclarations selon lesquelles M. Oussama Ben Laden, milliardaire saoudien, soutenant les Talibans afghans, se serait procuré des armes nucléaires en provenance danciennes républiques soviétiques.
On dénombre quatre principales régions proliférantes : le Moyen-Orient avec lIran, la Syrie et lIrak, le pourtour sud-ouest de la Méditerranée avec lAlgérie et la Libye, lAsie avec la Corée du Nord et le sous-continent indien désormais nucléarisé. Les pays proliférants de ces régions, avec des complicités diverses, sont désormais devenus soit des pays du seuil nucléaire, soit des pays nucléaires de fait.
Face à ces menaces potentielles et à la prudence avec laquelle Russes, Américains et Chinois font semblant de désarmer, la question se pose de savoir si la France saura ou non, dans les temps qui viennent, tirer la leçon dun tel état de choses pour ce qui concerne sa posture nucléaire des années à venir.
Abordant la situation budgétaire des programmes concourant à la dissuasion dans le projet de loi de finances pour 1999, M. René Galy-Dejean la estimée contrastée. Il a considéré que la chute des autorisations de programme était extrêmement préoccupante. La réduction de 18,9 % figurant au projet de budget par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 1998 vient sajouter à la diminution de 17 % enregistrée lannée précédente, ce qui conduit à une chute globale des autorisations de programme du tiers en deux années. Cette diminution apparaît plus inquiétante encore si lon se réfère au contexte international décrit précédemment.
En revanche, pour ce qui est des perspectives à court terme, deux éléments positifs doivent être relevés. Tout dabord, les crédits de paiement présentent une augmentation parfois sensible. Il a rappelé quil avait, lan dernier, alerté lAssemblée nationale sur la situation plus que préoccupante du programme M51 dont lavenir pouvait paraître compromis. Il sest félicité de la décision intervenue à la suite des travaux du comité ad hoc constitué au sein de la DGA dans le cadre de la revue de programmes. Aujourdhui, non seulement le projet est confirmé et les crédits souhaitables y sont consacrés, mais la mise en service du M51 est avancée de deux ans, assurant désormais lavenir de la composante nucléaire maritime et, de surcroît, en améliorant les performances.
En conclusion, M. René Galy-Dejean a considéré que lensemble de ces évolutions ne lui permettait pas dexprimer une satisfaction totale. Il a toutefois reconnu que le projet de budget, pour ce qui concerne la dissuasion nucléaire, était moins mauvais que le précédent et sen est remis à la sagesse de la Commission pour lavis quelle devait émettre sur ladoption des crédits.
Evoquant la menace de prolifération nucléaire en Algérie mentionnée par le rapporteur pour avis et soulignant quil était impossible de rester insensible à une telle éventualité, le Président Paul Quilès lui a demandé sil pouvait présenter les éléments objectifs qui lavaient conduit à la prendre en considération.
M. René Galy-Dejean a répondu que lAlgérie disposait dune centrale nucléaire en activité, installée dans des confins difficilement accessibles, ce qui rendait sans doute malaisé son contrôle par lAgence internationale pour lénergie atomique. Il a précisé quon était à peu près certain que cette centrale avait la capacité de fabriquer du plutonium et de luranium enrichi. Il a fait valoir que lAlgérie pouvait avoir bénéficié aussi de concours extérieurs, dans la mesure où elle entretenait des relations suivies avec des pays disposant de la capacité nucléaire, notamment la Chine. Sagissant des capacités balistiques, il a rappelé que, lors de son exposé sur le projet de loi de finances pour 1998, il sétait déclaré dubitatif sur lefficacité de laccord de non-prolifération que les Etats-Unis avaient passé avec la Corée du Nord et jugé que les événements ne lui avaient pas donné tort. Il a ajouté que rien nempêchait que lAlgérie puisse recevoir une aide extérieure en matière balistique. Tout en soulignant quil formulait lespoir que ses craintes ne soient pas fondées, il a expliqué aussi quil était nécessaire denvisager le cas le plus dangereux, et, eu égard à des ambitions sinon manifestes, du moins connues, il a estimé que le risque était réel, en labsence de pressions internationales adéquates, de voir lAlgérie accéder à la capacité nucléaire et jugé que ce danger devait être pris en compte.
M. Guy-Michel Chauveau a dabord fait savoir que le Groupe socialiste considérait que les moyens affectés à la dissuasion par le projet de loi de finances pour 1999 garantissaient sa crédibilité en application du concept de stricte suffisance. Il a ensuite demandé des précisions sur lavancement du programme PALEN de simulation des essais nucléaires.
M. René Galy-Dejean a convenu quen effet, la question était bien celle de la crédibilité de la dissuasion. Estimant quactuellement et jusquen 2010, cette crédibilité était totale, il a cependant souligné que seule une analyse des facteurs de danger dans le monde dici 15 à 20 ans pouvait permettre de déterminer si la France consentait leffort suffisant pour la préserver à long terme. Il a par ailleurs jugé que les crédits affectés au laser mégajoule, cest-à-dire au système destiné à permettre à la France de tester ses capacités nucléaires à partir de 2006 et surtout de 2010, pouvaient être considérés comme satisfaisants.
Le Président Paul Quilès, rappelant que la Commission allait examiner à partir du début de lannée prochaine la question de la prolifération nucléaire, a souligné que le rapport pour avis que M. René Galy-Dejean venait de présenter constituait une contribution utile et pertinente à cette réflexion.
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La Commission de la Défense sest réunie à nouveau le 28 octobre 1998, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour procéder au vote sur lensemble des crédits de la Défense pour 1999.
Elle a tout dabord adopté à lunanimité deux observations, lune présentée par M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis des crédits de la Marine, relative à la gestion et à la politique dembauche de la DCN, lautre, par M. Charles Cova relative à la situation des sous-lieutenants retraités et des veuves allocataires.
M. Michel Voisin a souligné que, si le projet de budget de la Défense pour 1999 avait dabord paru favorable, une analyse approfondie des dotations montrait quil était présenté en trompe loeil. Il a alors indiqué que le groupe UDF réservait son vote sur ces crédits.
M. Guy-Michel Chauveau a estimé quil convenait de se féliciter du niveau des dotations budgétaires compte tenu de la situation de lexercice 1998 et des circonstances économiques et financières. Il a indiqué que le groupe socialiste voterait les crédits de la Défense.
Après avoir considéré que le projet de budget pour 1999 se caractérisait par de fortes contraintes soulignées par la plupart des Chefs détat-major, M. Charles Cova a fait observer que la hausse de 6,2 % des crédits déquipement nétait pas à la hauteur des ambitions de la loi de programmation militaire. Il a émis le voeu que lexécution budgétaire soit conforme aux dotations initiales, notamment pour les 25 programmes darmement dont les dotations sont individualisées. Il a rappelé que le Général Philippe Mercier, Chef détat-major de lArmée de terre, avait estimé que les crédits déquipement ne pouvaient plus être entamés quà la marge sauf à créer de véritables ruptures capacitaires, et que, si le Chef détat-major de lArmée de lair avait fait preuve dun optimisme réconfortant sur le niveau des crédits de fonctionnement, les Chefs détat-major des deux autres armées avaient tiré le signal dalarme . Le Chef détat-major de la Marine avait évoqué avec inquiétude la réduction dactivité générale, fait état dun risque de casser loutil et souligné que la Marine était à la limite de la rupture de capacité alors que ses missions ne sont pas diminuées, et quil est impossible de prévoir les nécessités opérationnelles qui pourraient surgir. M. Charles Cova a également rappelé que le Chef détat-major de lArmée de terre avait mis laccent sur la réduction sévère des crédits de fonctionnement dont il a souligné quelle entraînerait une baisse draconienne des objectifs de soutien et dactivité, même sil a jugé par ailleurs que le projet de budget lui permettait de poursuivre la refondation de son armée. Enfin, il a rappelé linquiétude exprimée par le rapporteur pour avis des crédits de la Gendarmerie nationale, M. Georges Lemoine, à légard de la faiblesse du titre III.
M. Charles Cova a alors estimé que, si le projet de budget pour 1999 témoignait dun léger redressement par rapport à 1998, lextrême contrainte financière quil établissait entraînerait une réduction des objectifs de soutien et dactivité et ramènerait au concept de disponibilité différée pour certaines unités. Il a indiqué que le groupe RPR sabstiendrait sur les crédits de la Défense.
Se déclarant en accord avec les propos tenus par M. Charles Cova, M. Guy Teissier a souligné les difficultés que soulevaient certaines réductions de dotations, notamment liées au fonctionnement courant, et a estimé que le budget de la Défense, outil opérationnel, risquait de devenir un outil opératoire. Il a indiqué que le groupe DL voterait contre les crédits de la Défense.
La Commission de la Défense a alors donné un avis favorable à ladoption des crédits de la Défense pour 1999, les commissaires appartenant au groupe DL votant contre, ceux du groupe RPR sabstenant et ceux du groupe UDF ne prenant pas part au vote.
1 Marie-Hélène LABBE : La polifération nucléaire en cinquante questions, édition Jacques Bertoin, 1992.
2 Congrès international sur la sûreté des sources de rayonnement et la sécurité des sources radioactives qui sest tenu au Palais des Congrès - Exposition de Dijon du 14 au 18 septembre 1998.
3 On distingue les pays proliférants qui permettent le transfert de technologies nucléaires militaires vers des pays tiers et les pays proliférateurs qui sefforcent dacquérir pour eux-mêmes une capacité nucléaire militaire.
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