N° 1114
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078).
TOME III
DÉFENSE
ESPACE, COMMUNICATION ET RENSEIGNEMENT
PAR M. Bernard GRASSET,
Député.
(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.
La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :
M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Michel Voisin, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Elie Hoarau, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Marius Masse, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Arthur Paecht, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Philippe de Villiers, Jean-Claude Viollet, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.
S O M M A I R E
Pages
INTRODUCTION 5
CHAPITRE PREMIER
UNE CERTAINE INQUIÉTUDE SUR LES AMBITIONS SPATIALES
I. UNE NOUVELLE RÉDUCTION DU BUDGET SPATIAL MILITAIRE 7
A. DES DOTATIONS BUDGÉTAIRES EN RETRAIT 7
1. Un projet de budget trop raisonnable 7
2. Le retour de limputation des crédits duaux 9
B. LINCERTITUDE DES PROGRAMMES SPATIAUX MAJEURS 10
1. La poursuite du programme dobservation optique 10
a) La réussite opérationnelle du programme Hélios I 10
b) La seconde génération Hélios 2 12
2. Larrêt du programme dobservation radar 15
a) Léchec dans la définition du programme 15
b) Le maintien dune volonté française 16
3. Les difficultés de la coopération pour les télécommuni-
cations 16
a) Le programme national Syracuse II 16
b) La prochaine génération 17
C. LES APPROCHES COMPLÉMENTAIRES 18
1. Lécoute électromagnétique 18
2. Les programmes de cohérence 19
II. LES POLITIQUES SPATIALES DANS LE MONDE 21
A. LA PUISSANCE SPATIALE INCONTESTÉE DES ETATS-UNIS 21
1. La réorientation de la politique spatiale aux Etats-Unis 21
2. Les systèmes spatiaux de défense 22
B. DES COMPÉTITEURS DE PLUS EN PLUS SÉRIEUX POUR
LEUROPE 22
1. Le manque dambition de la politique spatiale
européenne 22
2. Lambition des pays asiatiques 23
a) Un programme japonais cohérent et substantiel 23
b) Les perspectives favorables du programme chinois 24
c) Lémergence dune politique spatiale indienne 24
C. LA POLITIQUE DE LANCEMENT ET LES ACCORDS DE
COOPÉRATION 25
DEUXIÈME PARTIE
LES MOYENS DE COMMUNICATION, DE RENSEIGNEMENT
ET DE CONDUITE DES OPÉRATIONS
I. LES PRINCIPAUX SYSTÈMES DE TRANSMISSION, DE LIAISON,
ET DE COMMANDEMENT 27
A. LES SYSTÈMES DU NIVEAU INTERARMÉES 28
B. LES PROGRAMMES DINFORMATION ET DE COMMANDEMENT 29
II. LES SYSTÈMES DE RECUEIL DU RENSEIGNEMENT 30
A. LES PROGRAMMES STRATÉGIQUES 30
B. LES MOYENS À VOCATION TACTIQUE 31
1. Laviation de patrouille maritime 31
2. La surveillance du champ de bataille 32
3. La mise en service des drones 32
a) Un nouveau concept demploi 32
b) Le bilan des drones en service 33
CONCLUSION 35
TRAVAUX EN COMMISSION 37
I. AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE 37
II. EXAMEN DE LAVIS 52
Mesdames, Messieurs,
Laccès à lespace, la maîtrise des communications et de linformation sont des atouts indispensables à lindépendance de la France et à ses missions internationales.
Depuis la mise en oeuvre du satellite dobservation optique Hélios, les responsables politiques et militaires se sont dotés dune capacité autonome dappréciation dans la prévention et lanalyse des crises. Lindépendance de décision et daction de la France en a été renforcée. De même, les nouvelles technologies de télécommunications et de gestion des données rendent les forces armées plus opérationnelles et interopérables.
Mais il est nécessaire de poursuivre les efforts qui ont permis la mise en oeuvre de ces techniques et ne pas quitter le nécessaire cercle vertueux reliant la décision politique, le progrès scientifique, le savoir-faire industriel et lopération militaire.
Leffort de notre pays dans le domaine spatial a été sans comparaison en Europe. Les crédits réellement dépensés par le ministère de la Défense ont dépassé 3 milliards de francs au cours des derniers exercices. La France reste le pays européen le plus impliqué dans le domaine spatial.
Le projet de budget pour 1999 risque cependant dintroduire une rupture. Certes il faut replacer la loi de finances initiale dans un contexte financier et politique global. Il est également indispensable de prendre en compte les aléas et les perspectives de la coopération européenne dans le domaine des communications ou des programmes spatiaux. Mais, si les programmes destinés à la prévention des crises continuent dêtre privilégiés, un certain ralentissement affecte le domaine spatial.
Plusieurs constats méritent dêtre effectués :
le décalage des dotations budgétaires par rapport à lannuité de la loi de programmation militaire pour la période 1997-2002 se creuse de plus en plus.
Alors quil était prévu de consacrer près de 4 % des crédits déquipement de la Défense à lespace, les moyens budgétaires destinés à ce secteur ont régressé de 13,2 % par rapport à la programmation en 1998 ; ils devraient se situer de nouveau en retrait en 1999. Il est vrai que la revue de programmes a autorisé un recalage des ressources par rapport aux possibilités financières et au déroulement réel des programmes. Mais le niveau du budget ne semble plus en adéquation avec lambition de la politique française au moment où les offres du marché, essentiellement en provenance des Etats-Unis nont jamais été aussi tentantes pour nos partenaires éventuels.
lensemble des moyens militaires en imagerie optique et radar, en écoute électronique, en surveillance de lespace et en alerte avancée a toujours été considéré comme indissociable. Les applications civiles ne peuvent compenser labsence de moyens militaires que dans le cas des transmissions non sécurisées, de limagerie optique à résolution métrique et de certains objectifs de surveillance de lespace.
Avant de présenter lévolution des crédits militaires consacré à lEspace, votre rapporteur souhaite souligner leurs conséquences directes sur le développement de lEurope de la défense et sur la cohérence de la politique spatiale de notre pays.
CHAPITRE PREMIER
UNE CERTAINE INQUIÉTUDE SUR LES AMBITIONS SPATIALES
I. UNE NOUVELLE RÉDUCTION DU BUDGET SPATIAL MILITAIRE
Lévolution des crédits consacrés par notre pays aux programmes spatiaux est déterminée par les choix opérés par la revue de programmes. Elle est difficile à apprécier en raison des changements de nomenclature budgétaire qui ne permettent plus les comparaisons annuelles.
Si les dotations budgétaires ont progressé rapidement depuis dix ans jusquà dépasser 4 milliards de francs en francs courants et en crédits de paiement dans les lois de finances initiales pour 1993, 1995 et 1996, le niveau réel des dépenses exécutées, compte tenu des annulations et des transferts de crédits en exécution, na pas dépassé 2,5 milliards de francs au cours des trois derniers exercices.
Compte tenu de ce niveau de dépenses, le projet de budget 1999 pour lEspace peut être globalement qualifié de raisonnable. La diminution des autorisations de programme de 2 790 à 2 523 millions de francs atteint 10,66 %, ce qui confirme un ralentissement des programmes spatiaux. La réduction de 15,9 % des crédits de paiement qui passent à 2 618 millions de francs contraste avec laugmentation globale des dotations en capital de la Défense (+6,17 %). Cest pourquoi la part des crédits Espace dans le total des dépenses en capital de la Défense régresse à 3 % en crédits de paiement.
La comparaison des dotations prévues avec le niveau des crédits disponibles ou celui des dépenses réalisées au cours des trois derniers exercices est rendue difficile par la modification de la nomenclature budgétaire.
|
|
|
|
|
|
ÉVOLUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES ESPACE
|
|
Loi de finances initiale en millions de francs
|
Evolution en %
|
|
1997
|
1998
|
1999
(projet)
|
98/97
|
99/98
|
Autorisations de programme
|
3 407,0
|
2 790
|
2 523
|
- 18,10
|
- 10,6
|
Crédits de paiement
|
3 298,0
|
3 112
|
2 618
|
- 5,63
|
- 15,9
|
|
|
|
|
|
|
COMPARAISON DES CRÉDITS VOTÉS ET DES DÉPENSES RÉALISÉES
|
(en millions de francs)
|
|
1996
|
1997
|
1998
|
97/96
|
98/97
|
Crédits votés
|
4 085
|
3 298
|
3 112
|
- 19,3 %
|
- 5,6 %
|
Crédits votés hors BCRD
|
2 965
|
3 298
|
3 112
|
- 11,2 %
|
- 5,6 %
|
Annulations et reports
|
- 322
|
- 182
|
- 8
|
|
|
Crédits disponibles
|
2 643
|
3 116
|
3 104
|
- 19,9 %
|
- 0,4 %
|
Dépenses réalisées
|
2 658
|
2 681
|
1 375 (1)
|
|
|
Ecart crédits votés/dépenses réalisées
|
1 427
|
617
|
|
|
|
(1) Au 30 juin 1998
|
|
|
|
|
|
CRÉDITS PAR CATÉGORIES DE COÛT
|
(en millions de francs)
|
|
LFI 1998
|
Projet 1999
|
|
AP
|
CP
|
AP
|
CP
|
Etudes amont
|
267
|
317
|
273
|
220
|
Développements
|
1 913
|
1 898
|
1 711
|
1 695
|
Entretien programmé
|
435
|
400
|
459
|
417
|
Fabrications
|
176
|
498
|
80
|
286
|
Total
|
2 791
|
3 113
|
2 523
|
2 618
|
Rapport études / crédits espace
|
10,3 %
|
11,6 %
|
10,8 %
|
8,4 %
|
AP : autorisations de programmes / CP : crédits de paiement
|
· Le montant des crédits en faveur des programmes spatiaux pour lexercice 1997 (3,407 milliards de francs dautorisations de programme et 3,298 milliards de francs de crédits de paiement) avait pris en compte non seulement le montant réel des dépenses de lexercice 1996 mais également lassurance inscrite dans la loi de programmation militaire du 2 juillet 1996 de ne pas prévoir de contribution du ministère de la Défense au titre des crédits de recherche duale du BCRD.
En fait, le niveau des transferts devait graduellement baisser denviron 1 milliard de francs en 1996 et 1997 (au titre des reports) à 500 millions de francs en 1998 pour disparaître par la suite. Si lexercice 1998 correspond bien à ce schéma, force est de constater que le projet de budget pour 1999 envisage un transfert de 900 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement destiné essentiellement aux recherches civiles dans le domaine spatial et affecté au budget du CNES. Laffectation au ministère de la défense de ces dotations est en contradiction avec les engagements pris, non seulement par la loi de programmation militaire, mais aussi en avril dernier par la revue de programmes.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
ÉVOLUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES
(en loi de finances initiale)
|
(crédits de paiement, en millions de francs)
|
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
(2)
|
Crédits espace
|
3 385
|
3 463
|
3 812
|
4 026
|
3 682
|
4 155
|
4 085
|
3 298
|
3 112
|
2 618
|
BCRD
|
|
|
|
270
|
408
|
882
|
1 120
|
(1)
|
500
|
900
|
Crédits espace hors BCRD
|
3 385
|
3 463
|
3 812
|
3 757
|
3 274
|
3 273
|
2 965
|
3 298
|
2 612
|
1 718
|
Dépenses réalisées
|
|
|
|
|
|
2 522
|
2 658
|
2 116
|
|
|
(1) Un deuxième transfert de 1 120 millions de francs a été effectué dans le cadre du collectif budgétaire de lautomne 1996 et est venu en atténuation des reports de crédits de 1996 sur 1997.
|
(2) Projet de loi de finances
|
Certes les transferts de crédits militaires vers les programmes civils peuvent être acceptés si ceux-ci sont effectivement affectés à des études amont qui concernent les programmes militaires. Il sagit dans tous les cas de dotations budgétaires publiques. Seule la source initiale de rattachement diffère.
Mais on peut se demander si lampleur des transferts (253 millions de francs en 1993, près de 400 millions de francs en 1994, 882 millions de francs en 1995 et 1 120 millions de francs en 1996) correspond à lesprit de la convention entre le CNES et la DGA. En effet, la participation des crédits du ministère de la Défense aux dépenses spatiales civiles représente un simple abondement du budget du CNES. Les crédits transférés sont affectés par le ministère du Budget au budget des organismes civils concernés et ne sont pas gérés par le Ministère de la défense.
Non seulement les crédits présentés comme duaux sont comptabilisés deux fois puisquils sont affichés dans la présentation des deux budgets, permettant de maintenir de manière quelque peu artificielle le niveau des crédits consacrés à lespace militaire. Mais il nest pas établi de comptabilité séparée de ces crédits dont il est impossible de connaître lutilisation précise.
· Les conséquences de la réaffectation de crédits duaux sur le budget spatial sont dautant plus importantes que le montant des crédits détudes gérées par la DGA ne dépassera pas 265 millions de francs de crédits de paiement en 1999.
En attendant que les partenaires européens sengagent sur des projets en coopération, la France garantit le déroulement des programmes majeurs quelle a engagé dans le cadre du plan pluriannuel spatial militaire et elle prépare leur renouvellement afin dassurer la continuité de service.
Le programme de satellites de reconnaissance et dobservation optique Hélios est le seul projet spatial militaire en coopération européenne.
a) La réussite opérationnelle du programme Hélios I
Le programme trinational Hélios I qui associe la France, lItalie et lEspagne porte sur la réalisation de deux satellites dobservation optique dont le contrôle seffectue à partir dun centre principal sur la base de Francazal Toulouse, et dinstallations au sol qui comprennent, dans chaque pays partenaire, une station de réception (Colmar, Iles Canaries et Lecce) et un centre de traitement des images (Creil, Torrejon et près de Rome).
Le satellite Hélios 1A a été mis en orbite le 7 juillet 1995 par une fusée Ariane 40 et le système est entré en phase opérationnelle depuis le 11 octobre 1995. Le deuxième satellite, Hélios 1B, dont la réalisation a débuté en janvier 1994, a été mis en condition de stockage et sera placé en orbite au cours du dernier trimestre de 1999 pour assurer le relais avec le satellite Hélios 1A dont la durée de vie a été fixée de manière contractuelle à cinq ans. Même si les négociations nont pas encore été ouvertes avec Arianespace, les trois partenaires du programme se sont mis daccord sur le tir du satellite.
Depuis deux ans, le programme Hélios a confirmé son aptitude au renseignement documentaire et à linformation politique. Les images reçues sont dune excellente qualité et, après traitement, donnent entière satisfaction aux différents services de renseignement. Il est à noter quen février dernier, le Président de la République a pu maintenir une position nationale ferme face aux propositions américaines dans la crise irakienne grâce à la capacité autonome dobservation de la France.
Le partage entre les trois pays des temps dutilisation en fonction des financements initiaux est globalement satisfaisant malgré sa complexité. Il est respecté de manière statistique sur le long terme depuis trois ans. Il ne paraît pas devoir poser de problème majeur en cas de crise. Des protocoles ont permis détendre la coopération à la phase dexploitation du programme et au maintien en condition opérationnelle.
En avril 1993, un protocole de fourniture rémunérée des images Hélios 1 a été signé entre le secrétaire général de lUEO et les ministres de la Défense des trois pays coopérant au programme. La première fourniture au centre satellitaire de Torrejòn en Espagne est intervenue en mai 1996. La mise en place du centre dinterprétation des images satellitaires à Torrejòn a été décidée par le Conseil de lUEO en 1990 dans la perspective dun système spatial de renseignement propre à lorganisation. Le centre dispose également dimages prises par les satellites SPOT, ERS et LANDSAT, ou de produits commerciaux disponibles. Un nouveau concept demploi, défini en mai 1997 par le Conseil des ministres de lUEO, confie au centre une mission de surveillance générale dans le domaine de la sécurité.
Sur le coût total incluant la réalisation du système, les améliorations, les charges additionnelles et le maintien en condition opérationnelle, la part du programme Hélios 1 à la charge de notre pays est estimée à 9,8 milliards de francs (1997). Le montant des dépenses réalisées de 1985 à 1997 atteint 9,1 milliards de francs. Des crédits de paiement à hauteur de 546 millions de francs sont inscrits en faveur du programme dans le projet de loi de finances pour 1999.
b) La seconde génération Hélios 2
(1) La définition du programme
Dans sa définition actuelle, le satellite Hélios 1 emporte une caméra à très haute résolution et des enregistreurs magnétiques spécialisés EMS, destinés à conserver les informations entre deux passages successifs au-dessus des stations de réception. Il comprend aussi un système découte électronique Euracom, réalisé uniquement dans le cadre national français. Lorbite polaire héliosynchrome et les capacités de manoeuvre garantissent une possibilité dobservation dun site donné tous les deux jours (à léquateur). Les capacités sont limitées à lobservation de jour et par temps clair. Le satellite ne repasse exactement à la verticale dun point donné que tous les vingt-six jours.
La nécessité de relever sur orbite le satellite Hélios 1 (dont lespérance de vie ne peut dépasser 2002-2003) et daméliorer les capacités techniques a conduit dès 1994 à définir une nouvelle génération dite Hélios 2. Celle-ci doit valoriser les acquis du programme précédent en rentabilisant leurs investissements, en modernisant les installations à mi-vie et en bénéficiant de synergies avec les programmes civils. Elle doit également intégrer les améliorations technologiques dans les domaines de la capacité de prises de vues, de la réduction des délais daccès aux informations recueillies et de la résolution des images.
Des améliorations ont déjà été incorporées au système Hélios 1B : lemport dune mémoire de masse à la place des MES va accroître les capacités et permettra une utilisation plus souple des images ; les modifications apportées aux composantes sol les rendra aptes à recevoir les images civiles (Spot, ERS ou Landsat) ; la station de théâtre transportable sera mise au point à partir dun démonstrateur dune station de réception et de traitement des images. Enfin, il est prévu dadjoindre une composante dobservation infrarouge de façon à permettre lobservation de nuit et la détection dindices dactivités apportant une information complémentaire.
La phase de définition a été prolongée jusquen mars 1997. La fiche de caractéristique militaire a été approuvée le 21 avril de la même année et la phase de développement a été lancée il y a un an.
· Le coût total du programme Hélios 2 pour notre pays a été estimé à près de 11 milliards de francs (valeur 1996) pour deux satellites ainsi que pour ladaptation nécessaire des installations au sol. Près de 3,1 milliards de francs ont déjà été dépensés. Le Ministre de la Défense a approuvé le dossier de lancement de la réalisation du programme, prévu par la loi de programmation militaire le 7 juillet dernier.
La DGA sest placée dans un contexte de maîtrise des coûts sans transiger sur les capacités opérationnelles. Le dialogue avec les industriels passe également par le CNES qui assure la maîtrise douvrage.
Sur larticle 69 du chapitre 51-61, le projet de budget a inscrit 1 254 millions de francs de crédits de paiement pour ce programme qui représentera donc à lui seul la moitié des crédits consacrés à lespace en 1999.
(2) La difficile recherche de partenaires
Limportance des flux financiers a incité à rechercher un partenariat européen depuis le début de la phase de définition.
LItalie aurait souhaité retarder la mise en orbite dHélios 1 B afin de prolonger le service de la première génération de satellites. Elle a demandé à sassocier au programme mais na pas encore fait connaître sa décision. Des dispositions sont prises pour que ce pays puisse rejoindre le programme en cours de développement. Par contre, des discussions ont eu lieu avec la Belgique qui a fait part de son intérêt et avec lEspagne qui a confirmé sa participation à un niveau de 3 %. Un accord technique et administratif franco-espagnol a été signé à lété 1998. Les négociations avec la Belgique achoppent sur le montant de lengagement, le taux de 1 % dans le programme, envisagé par les autorités belges, ne permettant pas dobtenir au moins une image par jour et le taux dutilisation de 2,5 % souhaité par les partenaires franco-espagnols étant supérieur aux possibilités financières belges.
Lintérêt britannique pour les satellites dobservation militaire est moindre car le Royaume-Uni sestime satisfait de sa coopération avec les Etats-Unis même aux dépens de son indépendance de décision. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont constitué des structures intégrées de renseignement au niveau de lOTAN qui excluent les autres partenaires de lAlliance atlantique en raison de leurs liens avec la dissuasion.
Un raisonnement analogue a pour linstant persuadé les chefs détat-major des armées allemandes que la fourniture dimages satellitaires par les Etats-Unis était suffisante : elle est surtout moins coûteuse à lheure où les budgets déquipement militaire sont contraints. On peut croire que les Allemands trouveront un équilibre entre leur culture liée à lOTAN et une frustration grandissante due à une trop grande dépendance.
La participation allemande sest heurtée à plusieurs difficultés, dune part, la réduction des dotations budgétaires du ministère de la défense, dautre part, limpossibilité de régler les questions opérationnelles, industrielles ou financières. Une participation à Hélios 2 supposait un apport financier de lAllemagne dau moins 10 % pour compenser les investissements déjà réalisés par les autres pays et un partage opérationnel dès la mise en oeuvre du premier satellite.
Les décisions de Baden-Baden, le 7 décembre 1995, et de Dijon, en juin 1996, avaient pourtant confirmé la volonté politique commune et permis de négocier un accord intergouvernemental sur lobservation spatiale ainsi quun protocole particulier à la phase de définition du programme Hélios 2. Les sommets de Nuremberg, en décembre 1996, et de Poitiers, en juin 1997, ont réaffirmé lengagement politique de la France et de lAllemagne et aménagé la participation de chacun. A cette occasion, ont été liées les négociations sur le projet dobservation optique et celles sur un système radar.
La situation de ses finances publiques ayant incité lAllemagne à différer son entrée dans ces programmes, la France a accepté un décalage de six mois du premier satellite Hélios 2 et, afin déviter une discontinuité dans le système Hélios, elle a dû augmenter son effort financier pour compenser le retrait partiel de son partenaire. Cette opération explique le niveau des dotations pour Hélios 2 en 1998 (1 700 millions de francs dautorisations de programme et 1 420 millions de francs de crédits de paiement) et leur maintien dans le projet de budget pour 1999 (1 644 millions de francs dautorisations de programme et 1 417 millions de francs de crédits de paiement).
Mais la décision allemande de ne plus participer au programme dobservation optique oblige la France à engager seule sa réalisation en ménageant les possibilités dimplication des autres partenaires européens lorsque la situation aura évolué.
a) Léchec dans la définition dun programme
Le coût dun système radar est élevé. Les estimations prévisionnelles pour un système comprenant trois satellites et une composante sol sélevaient dans la loi de programmation militaire à 6,5 milliards de francs (valeur 1996) dans lhypothèse dune participation allemande de près de 40 %, dune participation française au programme denviron un tiers et dune participation italienne de lordre de 20 %.
En raison du coût de ce programme et de limpossibilité pour un seul pays den assurer le financement, laccès à la filière du renseignement tout temps a été envisagé dans un cadre multinational associant lAllemagne, lEspagne, la France et lItalie. La préférence allemande pour un système dobservation radar a dailleurs lié les négociations sur les deux catégories de satellites dobservation, optique et radar.
En effet, deux conceptions sont possibles :
· Soit on estime quun système spatial dobservation radar est complémentaire des systèmes optiques car il offre la capacité dobtenir des images et de surveiller de larges zones par tout temps, même en cas de couverture nuageuse, de jour comme de nuit. Les trois moyens (optique visible, optique infrarouge et radar) assurent alors un ensemble dobservation complet et cohérent.
· Soit on considère que chaque système répond à une finalité précise et quil devient nécessaire de hiérarchiser les priorités. Dans ce schéma, lintérêt de la France ne réside pas forcément dans un système de satellite radar unique.
Le cumul des crédits de paiement prévus dans la loi de programmation militaire 1997-2002 pour le système dobservation radar sélevait à 2,476 milliards de francs (1996). Des crédits budgétaires dun montant total de 296 millions de francs ont déjà été consommés depuis 1992 pour le projet initial français baptisé Osiris et devenu Horus lorsque la participation allemande semblait acquise.
La persistance des incertitudes allemandes a conduit le Gouvernement, dans le cadre de la revue de programmes, à arrêter le projet Horus sans pour autant renoncer à lacquisition dune capacité dobservation radar sur la période du plan pluriannuel spatial militaire.
b) Le maintien dune volonté française
La volonté de la France dacquérir un système radar demeure mais les hypothèses technologiques initiales sont remises en cause. La précédente solution datait des années 80 et était orientée vers un projet de gros satellite. La maturité croissante du concept de petits satellites radar réoriente le débat et oblige à un réexamen des projets de recherche et des capacités des systèmes.
Cest pourquoi des crédits ont été maintenus en faveur de lobservation par satellite radar dans le projet de budget pour 1999.
La succession du programme national de communications satellitaires Syracuse II savère difficile.
a) Le programme national Syracuse II
Les communications spatiales militaires reposent depuis le milieu des années 80 sur des charges utiles intégrées aux satellites civils Télécom et dédiées aux usages militaires.
La première génération Syracuse I a compris trois satellites : Télécom 1A lancé en août 1984, Télécom 1B en mai 1985 et Télécom 1C en mars 1988. La deuxième génération Télécom 2-Syracuse II a assuré la continuité du service grâce à quatre satellites lancés successivement en décembre 1991 (Télécom 2A), en avril 1992 (Télécom 2B), en décembre 1995 (Télécom 2C) et le 8 août 1996 (Télécom 2D).
Les caractéristiques techniques actuelles assurent une liaison protégée contre lécoute, lintrusion et les brouillages. Elles permettent également détendre les capacités du système par la réalisation dun ensemble complet de stations, terrestres ou navales : près de 77 nouvelles stations ont été installées (16 navales, 22 terrestres, 10 sous-marines et 29 sur véhicules légers) entre 1991 et 1997 pour les stations de série. Le parc final atteint ainsi une centaine de stations.
Des compléments au programme initial et des améliorations visent à prolonger la durée de vie de la composante spatiale jusquen 2005 et à améliorer son interopérabilité avec les autres systèmes de télécommunications.
Sur un coût total du programme Syracuse II et de ses compléments estimé à 13,98 milliards de francs, près de 10 milliards de francs ont déjà été consommés. La loi de programmation militaire 1997-2002 a inscrit 2,254 milliards de francs de crédits de paiement en faveur de ce programme.
Les crédits affectés à ce programme et à ses compléments pour 1999 sélèvent à 318 millions de francs en crédits de paiement.
b) La prochaine génération
Le système Syracuse II couvrira les besoins essentiels en matière de comunications spatiales militaires jusquà la fin de la programmation. La durée de vie des satellites, fixée initialement à dix ans, limitait à 2001 la continuité du service, mais les actions de complément permettront de prolonger le système jusquen 2005. Cependant, il convient de préparer la nouvelle génération de satellites de télécommunications à partir de 2005 et de développer une meilleure interopérabilité avec les alliés. Aussi, la loi de programmation militaire a-t-elle inscrit près de 4 milliards de francs de crédits de paiement pour le développement de cette troisième génération de satellites dont le premier exemplaire devrait être commandé avant 2002 et pourrait être lancé en 2005, en fonction de la solution retenue.
· La recherche dune coopération européenne se justifiait par la concordance des dates de remplacement des systèmes nationaux en service, britannique Skynet 4 et français Syracuse II, et par la convergence des besoins opérationnels avec lAllemagne.
Selon le schéma retenu, il pouvait être envisagé un projet binational (Bimilsatcom) ou trinational (Trimilsatcom). Une solution regroupant quatre autres pays est toujours apparue peu probable (Eumilsatcom) en raison de linsuffisance des études préparatoires et de la complexité dun tel système (absence de maîtrise des coûts, instauration dun juste retour industriel...).
Lannonce, le 12 août dernier, par la Grande Bretagne quelle ne prendrait pas part à la phase de définition de la coopération montre quelle a privilégié une solution nationale en raison de différences dapproche sur le recours aux techniques EHF et de considérations industrielles. Aucun pays européen ne maîtrise encore cette technique et on peut supposer quune entente a eu lieu avec les Etats-Unis. Même si officiellement une compétition a été lancée entre Matra Marconi Space (MMS) et Lockheed Martin pour la définition du futur système de télécommunications, la Grande Bretagne a fait le pari de léchec de la coopération européenne et de lachat sur étagère des techniques EHF. De plus la solution nationale permet de retrouver le groupe industriel britannique MMS-UK soit en maître doeuvre, sil remporte le contrat, soit en maître douvrage sous-traitant dun consortium auquel participerait Lockheed Martin.
La France ne souhaite pas renoncer à la coopération mais il nest pas impossible quil soit nécessaire denvisager une solution intermédiaire pour attendre la réalisation dun système commun. Un équipement dual Syracuse III se limiterait aux communications non protégées. Le recours à linitiative privée dans un concept PFI (private financial initiative) comporte de nombreuses incertitudes opérationnelles et oblige à des transferts du Titre V (lEtat nassure plus les investissements) vers le Titre III (le ministère de la Défense paye des services).
Dans lattente, 318 millions de francs de crédits de paiement ont été inscrits dans le projet de budget pour 1999 sur les articles 36 et 74 du chapitre 51-61, afin que se poursuivent les études de faisabilité.
· Lécoute électromagnétique par des moyens spatiaux correspond à un besoin opérationnel en complément de lobservation optique car elle est nécessaire à la connaissance des activités militaires et des caractéristiques des matériels mis en oeuvre chez ladversaire. En effet, un système découte permet de localiser les sources démission, de surveiller les déplacements et les variations significatives dintensité.
A linverse des moyens aériens (DC 8 Sarigue) ou maritimes (composante MINREM embarquée sur un navire), un satellite découte a lavantage de nêtre ni visible, ni intrusif, et de constituer de manière continue des bases de référence.
Des études préparatoires avaient débuté dès juillet 1992. Mais la loi de programmation militaire (1995-2000) navait pas retenu le projet Zénon, et seule une veille technologique a été financée.
Dans une première étape, deux micro-satellites scientifiques denviron 50 kilogrammes ont été développés à titre exploratoire et financés au titre des études amont spatiales :
lun, Cerise, a été lancé en même temps quHélios 1A le 7 juillet 1995. Il est chargé deffectuer des mesures dimpulsion électromagnétique dans certaines gammes de fréquence. Il contribue ainsi à une meilleure connaissance de lenvironnement radioélectrique et prépare linsertion des futurs satellites dobservation dans un spectre de fréquences actuellement encombré. La collision dont il a été victime en juillet 1996 a endommagé le mât de stabilisation mais la charge utile fonctionne normalement. Il a été remis dans une attitude favorable pour poursuivre sa mission à lété 1997 ;
un projet analogue, Clémentine, portera sur des bandes de fréquence différentes et pourrait être lancé à partir de 1999.
La maîtrise doeuvre de ces deux programmes est assurée par Alcatel Espace (43 millions de francs), Thomson-CSF (24 millions de francs) et Surrey Satellite Technology Limited (14,5 millions de francs).
La réalisation dun système complet ne semble pouvoir être envisagée que dans un cadre multinational. Les premières discussions avec lAllemagne montrent à lévidence que ses responsables privilégient le cadre de lO.T.A.N. dans la mesure où des accords secrets de défense lient déjà la République fédérale aux Etats-Unis pour lanalyse des signaux électromagnétiques.
Mais larrêt du programme Horus dans la configuration prévue par la loi de programmation militaire redonne toutes ses chances au projet découte satellitaire.
· La météorologie est considérée comme un élément majeur de la planification des opérations militaires. Les besoins actuels sappuient sur les données des satellites civils METEOSAT qui suffisent aux forces armées en terme dinfrastructures. Un meilleur accès aux informations est en cours détude afin de recevoir et de traiter les données sur site.
· La mission de surveillance de lespace constitue un facteur essentiel de sécurité car elle permet dapprécier les menaces des systèmes adverses en service et de se prémunir contre elles.
A la suite de la revue de programmes, il a été décidé darrêter le programme de système de surveillance de lespace (SSE) mais den conserver les acquis. Cest pourquoi le projet de démonstrateur radar Graves, proposé par lONERA mais financé sur crédits de la DGA, sera achevé. Les études, qui ont fait lobjet dun moratoire dun an, reprendront et permettront dacquérir une capacité pré-opérationnelle à lhorizon 2002.
La revue de programmes a également mis fin au projet de télescope Solstice pour photographier les satellites et les identifier, et a conduit à dénoncer le contrat avec Spot-Images pour lobtention dimages de satellites en orbite.
· La navigation et le positionnement
Le système américain de navigation par satellite GPS (Global Positioning System) dont laccès est gratuit est de plus en plus utilisé par les forces armées. Celles-ci ont parallèlement recours au système russe Glomass.
La réflexion porte sur lutilisation des systèmes actuels et léventuelle constitution dun autre réseau. En effet, la situation est ambiguë car un réel problème dautonomie et de sécurité existe. Dans certains cas, les Etats-Unis peuvent refuser lutilisation du service sans préavis et sans motivation. Le ministère de la Défense évalue actuellement le degré de dépendance à légard du système et sa fiabilité.
Mais il nest pas envisagé de développer un système national équivalent ni de persuader les Etats européens délaborer un programme commun. A terme cependant, il serait souhaitable de mettre en oeuvre un système international de précision, à vocation civile ou militaire.
· La surveillance et le contrôle
Un système de détection du départ des missiles balistiques paraît hors de portée dun seul pays. Les études préalables ont montré que, pour détecter un signal infrarouge et déterminer (par calcul) la trajectoire et le point dimpact dun missile, le système devrait sappuyer sur deux à trois satellites en orbite basse, observant en permanence une région donnée.
Dans le cadre de lOTAN a été élaboré le projet MEADS. Mais, dans le cadre de la programmation, la France a renoncé à poursuivre sa collaboration à ce programme en raison du coût prohibitif qui serait à sa charge, et la phase de définition ne réunira que les Etats-Unis, lAllemagne et lItalie.
II. LES POLITIQUES SPATIALES DANS LE MONDE
Si le niveau des dépenses budgétaires et la priorité accordée à certains programmes confirment la prépondérance de la politique spatiale américaine et témoignent du souhait de certains Etats asiatiques de devenir des acteurs majeurs, force est de constater que seule en Europe la France continue de consacrer un effort significatif et cohérent au regard de ses ambitions.
Lévolution de la politique spatiale américaine depuis le début des années 90 se traduit par une réallocation des dotations budgétaires et par une réorientation des programmes.
La stabilisation du budget de la NASA à 14 milliards de dollars pour lexercice 1998 confirme les choix stratégiques qui ont été opérés entre les activités et les systèmes spatiaux : choix de moyens spatiaux plus légers et disponibles plus rapidement , part prépondérante de la station spatiale internationale et des vols habités qui absorbent 40 % du budget civil, intérêt des programmes dexploration planétaire et de recherche sur les origines de la vie, comme Pathfinder ou Mars Global Surveyor, dont le succès profite à limage de la NASA.
Le maintien du budget spatial militaire à un niveau équivalent de 14 milliards de dollars pour 1998 masque la priorité accordée aux investissements non classifiés (+20 %), à la recherche (+19 %) et aux programmes dalerte avancée (Space Based Infra Red SBIR) tandis que les programmes de communication sont en forte diminution.
La politique en matière de lanceurs repose toujours sur un objectif de réduction du coût dexploitation et sur la rationalisation des responsabilités. Le Département de la Défense reste chargé de lamélioration des lanceurs lourds ou semi-lourds existants (Delta-4 de McDonnell Douglas, Atlas-2A et Titan de Lockheed Martin Marietta). La NASA est responsable de la recherche et de la préparation de lanceurs futurs, en particulier le lanceur monoétage réutilisable Delta Clipper. A linitiative privée revient la charge du développement des lanceurs de moyenne puissance (Taurus, Pegasus ou LLV de Lockheed).
La réorientation de la défense antimissiles et anti-satellites est spectaculaire. Alors que près de 40 milliards de dollars ont déjà été dépensés depuis le lancement de lIDS, les moyens financiers consacrés à la défense antimissiles ne cessent daugmenter : 2,7 milliards de dollars en 1994, 2,9 milliards en 1996, environ 3,55 milliards en 1997.
Le système de défense du territoire (NMD National Missile Defense), réduit un moment à une veille technologique, a bénéficié dun accord entre la majorité républicaine du Congrès et le Président des Etats-Unis. Il est prévu une étape de préparation au déploiement menant à un test en 1999 et à une décision opérationnelle en 2003. Dimportants efforts ont été concentrés sur la défense du théâtre dans le cadre du programme TMD (Theater Missile Defense) mais les récents échecs des essais du programme essentiel THAAD ont amené à une révision des financements.
Lespace ne bénéficie en Europe que dun effort cinq fois inférieur à celui existant aux Etats-Unis pour les applications civiles et treize fois inférieur pour les programmes militaires (seulement 1,1 milliard de dollars pour cinq pays européens contre 14 milliards de dollars aux Etats-Unis).
· La politique britannique est marquée par le souhait de limiter lengagement financier public et de confier les initiatives en matière spatiale au secteur privé. Elle se traduit par une faible implication dans les grands programmes civils européens (le Royaume Uni a accepté de participer à hauteur de 1 % au programme dinfrastructure dAriane 5) et par une concentration des efforts sur le domaine scientifique dobservation de la Terre. Le budget spatial militaire est difficile à identifier mais semblerait stable si on en juge par le maintien du budget annuel du programme de télécommunications Skynet à 80 millions de livres.
· La participation de lAllemagne à lensemble des grands projets spatiaux européens depuis vingt ans sappuie sur un engagement financier qui a connu une croissance régulière jusquen 1993 et a permis à ce pays dêtre le premier contributeur à lAgence spatiale européenne (engagement dans le programme Ariane 5 à hauteur de 22 %, maîtrise doeuvre de lélément Columbus de la station internationale). Depuis 1994, le budget géré par la DARA, agence fédérale qui gère toutes les activités civiles, sest stabilisé entre 1,35 et 1,4 milliard de deutschmarks dont une faible part est réservée aux programmes nationaux.
Le concept spatial élaboré au printemps 1997 donne la priorité aux initiatives industrielles et à la recherche scientifique. Mais il reconnaît que les télécommunications et lobservation de la terre prennent un rôle croissant dans la sécurité du pays. On ne peut que constater cependant la faible traduction de ce postulat dans le développement des filières spatiales en coopération.
Trois pays dAsie affichent depuis une dizaine dannées de sérieuses ambitions dans le domaine de lespace.
a) Un programme japonais cohérent et substantiel
Laugmentation régulière du budget spatial (12,8 milliards de francs en 1996, 14,5 milliards de francs en 1997 comme en 1998) correspond au souhait de développer une base industrielle et technologique avancée grâce à un programme complet dapplications spatiales.
Trois programmes de lanceurs coexistent :
alors que la NASDA (National Space Development Agency) avait réussi en février 1994 le premier tir du lanceur lourd H-2, léchec du 21 février 1998, dû à un arrêt prématuré du moteur du deuxième étage, semble mettre en doute les chances de la société Rocket Corporation de commercialiser une version améliorée H2-A à un coût moindre dès 2000. Mais la politique de réduction des coûts et daccroissement des performances permettra une offre à tarifs compétitifs dans un délai inférieur à dix ans ;
le lancement avec succès en février 1996 dun petit lanceur J-1 place davantage le Japon dans la compétition pour les satellites de taille moyenne (environ une tonne) à placer sur orbite basse ;
depuis février 1997, le premier vol du M-5, fusée à trois étages à poudre qui peut lancer en orbite basse une charge utile de 2 tonnes ou envoyer 400 kg dans lespace plus éloigné, alimente les soupçons dune application militaire en raison dun double emploi évident avec le J-1 et de sa possible transformation en un missile balistique de portée 8 000 km.
Avec un budget spatial inférieur à celui de la France, la NASDA développe des satellites scientifiques ou dapplication (dans les domaines des télécommunications, de la météorologie ou de la télédétection) et reste présente sur les programmes liés aux vols habités, portant notamment sur le module JEM qui devrait se raccorder en 2000 à la station orbitale internationale.
b) Les perspectives favorables du programme chinois
La politique spatiale chinoise répond aux objectifs classiques du renforcement de lindépendance nationale, de laffirmation dun rôle régional et de lintégration des technologies spatiales dans le développement du pays.
Après plusieurs échecs, la Chine semble améliorer de façon significative la fiabilité de ses lanceurs. Les récents succès des fusées Longue Marche LM-3B qui ont placé sur orbite plusieurs satellites, dont certains de la constellation Iridium, ont renforcé la crédibilité du plus puissant des lanceurs chinois et ont relancé la crainte dune offre à des prix de dumping. La société Hughes a dailleurs confirmé la commande de dix lancements par des lanceurs Longue Marche.
Pour résoudre les difficultés techniques rencontrées, par exemple dans le développement dun réseau propre de satellites de météorologie, ou pour satisfaire des besoins spécifiques, notamment en télécommunications, la Chine est décidée à poursuivre un effort denvergure et à recourir de manière plus importante à la coopération internationale.
LAllemagne, le Brésil (avec laquelle la Chine a signé un programme de quatre satellites dobservation de la Terre) et la Russie constituent des partenaires privilégiés de la coopération chinoise. Les accords avec des sociétés américaines se heurtent à la question des transferts de technologies sensibles.
c) Lémergence dune politique spatiale indienne
Afin de soutenir une ambitieuse politique de présence sur la scène mondiale, lInde a doublé son budget spatial de 1991 à 1998. Plus de la moitié de ce budget est destiné à renforcer lindépendance de lInde en matière de lanceurs, les générations en service (PSLV) ou en développement (GSLV) sappuyant sur des coopérations avec la France ou la Russie. Quatre familles de satellites ont été développées depuis vingt ans dans les domaines de la science, des télécommunications et de lobservation optique.
Les progrès opérés laissent à penser que lInde sera capable doffrir des services commerciaux de lanceurs, même si cet objectif nest pas affiché. Des discussions ont commencé entre lagence indienne ISRO et Arianespace pour le lancement de petits satellites. La commercialisation dimages produites par le satellite indien IRS depuis 1995 concurrence directement Spot-Images.
Par ailleurs, bien que le programme spatial soit orienté vers les applications civiles, il ny a pas de doute que les connexions avec les applications militaires sont nombreuses, notamment en ce qui concerne les missiles balistiques et les satellites dobservation.
Les coopérations internationales constituent un vecteur privilégié de la politique spatiale américaine pour consolider ses propres programmes, notamment scientifiques, et assurer aux Etats-Unis un leadership mondial.
· Alors que le marché du lancement des satellites américains gouvernementaux demeure fermé aux opérateurs étrangers à lexception de certaines coopérations, les accords de coopération et de quotas signés dans le domaine commercial tirent les prix vers le bas et pénalisent Arianespace.
Ainsi le projet Sea Launch, conduit par Boeing au sein dun consortium international (Boeing 40 %, Kvaerner, 25 %, Energuia 20 %, NPO Youjnoe 15 %) utilisant le lanceur ukrainien Zenith, est dénoncé par Arianespace qui réclame des droits analogues. Le premier lancement a été effectué en juin 1998 depuis une ancienne plate-forme pétrolière transformée et basée en plein océan Pacifique. La plate-forme Odyssey et son navire daccompagnement sont en voie dachèvement et devraient rejoindre leur port dattache en Californie à la fin de lannée.
· La Russie continue à entretenir une panoplie diversifiée de lanceurs lourds (Proton) et moyens (Soyouz ou Molnya). La réussite des lancements commerciaux Proton lui permet de se positionner sur le marché international au moment où la renégociation de laccord quelle a passé avec les Etats-Unis supprime en fait la contrainte des quotas. Dans le cadre dune société américano-russe ILS (International Launch Services), Lockheed Martin Marietta propose des fusées Proton et complète aussi sa gamme par une version simplifiée de lAtlas-2 AR.
· A terme, la concurrence sur les lanceurs pourrait être défavorable à Ariane et la suprématie quelle détient sur le marché commercial (environ 50 % du marché civil mondial de lancement de satellites soit 3,4 milliards de dollars, un plan de charge complet jusquen 2000) ne doit pas faire illusion. Tant lévolution des conditions du marché que celle des technologies renforcent la concurrence.
Le tir réussi du 21 octobre dernier et la mise en orbite dune maquette de satellite ainsi que dune capsule dessai montrent que la fusée Ariane 5 a réussi son pari technologique. Le premier tir commercial est prévu pour le premier semestre 1999. Les capacités des Ariane 5 devront saccroître afin de leur permettre demporter simultanément plusieurs satellites pour une charge maximale de 7 tonnes dès 2000, de 8,5 tonnes en 2003 et de 5,5 tonnes vers 2005-2006. Mais le programme devra également réussir le défi commercial en restant compétitif cest à dire en proposant des coûts réduits dau moins 40 %. De plus, il est nécessaire de répondre à lévolution du marché, qui privilégie les petits satellites lancés en grappes.
Or les gros lanceurs ne sont pas toujours adaptés au lancement de ces grappes. Cest pourquoi, les constellations Iridium (opérateur Motorola, constructeur Lockheed Martin Marietta), Globalstar de Loral et ICO (opérateur Innarsat, constructeur Hughes) font appel aux lanceurs Pégase-XL, Taurus, Delta-2 ou Proton.
DEUXIÈME PARTIE
LES MOYENS DE COMMUNICATION, DE RENSEIGNEMENT
ET DE CONDUITE DES OPÉRATIONS
La programmation militaire a été construite autour du concept de cohérence interarmées. En effet, lanalyse stratégique a montré que, dans les conflits auxquels la France devra participer ou auxquels elle sera associée, lefficacité opérationnelle densemble reposera sur la conjugaison des capacités propres à chaque armée et sur la maîtrise de toutes les fonctions interarmées. Cest pourquoi, une attention croissante a été portée aux moyens qui relèvent des fonctions de commandement, de communication, de conduite des opérations et de renseignement.
I. LES PRINCIPAUX SYSTÈMES DE TRANSMISSION, DE LIAISON ET DE COMMANDEMENT
Les systèmes de communication en service dans les armées sont marqués par la période de guerre froide pendant laquelle ils ont été conçus. Lobsolescence de certains systèmes a imposé leur refonte complète. Celle-ci prend en compte lévolution du concept stratégique et intègre les contraintes liées à la projection des forces et au caractère interarmées des opérations.
La refonte des systèmes fait appel à la complémentarité des moyens civils et militaires, même si elle préserve toujours un noyau militaire ; elle privilégie les réseaux et les services interarmées ; elle confère aux autorités organiques la responsabilité de leurs moyens ; elle cherche à renforcer la confidentialité, la sécurité et la fiabilité des systèmes au sein des forces mais aussi entre les forces et les différents échelons de commandement.
La mise en oeuvre des nouveaux systèmes crée ainsi un noyau homogène et plus cohérent sur lequel se greffent les réseaux de desserte et les réseaux tactiques de chaque armée.
Hormis le système de radiocommunications par satellite Syracuse, les moyens de communication de niveau interarmées et du haut commandement incluent trois systèmes :
RIMBAUD (Réseau interministériel de base uniformément durci) est un système interministériel au service des plus hautes autorités civiles et militaires, impliquées dans la défense nationale. Bien quils sappuient sur des concessions civiles de France Télécom, les matériels utilisés sont durcis aux impulsions électromagnétiques. Le Secrétariat général pour la défense nationale SGDN qui gère le système a lancé fin 1997 un programme de valorisation afin de louvrir à de nouveaux services sécurisés ;
RETIAIRE (Réseau interarmées dinfrastructure) est principalement orienté vers les unités nucléaires spécialisées. Il supporte aussi certaines applications de lEtat-major des Armées. Comme le réseau RIMBAUD, il est durci à limpulsion électromagnétique et assure un niveau de confidentialité secret-défense. Mais ses fonctions seront progressivement transférées au système SOCRATE au fur et à mesure de sa montée en puissance ;
compte tenu de lobsolescence ou de linsuffisance des réseaux de transit propres à chaque armée, essentiellement RITTER pour lArmée de terre, RA 70 pour lArmée de lair et réseaux en concessions pour la Marine, un seul système interarmées SOCRATE devrait remplacer les services existants. Une partie est opérationnelle depuis le début de 1998 mais le déploiement complet ne sera achevé quaprès 2004, soit deux ans après le délai prévu par la programmation militaire. Le nouveau réseau fournira des services modernes de téléphonie, de télégraphie et de transmission de données.
Par ailleurs, SOCRATE offrira des possibilités de transit aux réseaux de desserte locale des armées et pourra sinterconnecter aux principaux systèmes, nationaux ou alliés, en offrant un niveau de protection suffisant.
Alors que plus de 4,1 milliards de francs ont déjà été consommés depuis lorigine, le projet de budget prévoit 283 millions de francs dautorisations de programme et 347 millions de francs de crédits de paiement pour ce programme sur larticle spécifique 63 du chapitre 51-61.
La maîtrise des moyens de commandement, de contrôle de linformation et de gestion des données a révélé toute son importance au cours des crises récentes auxquelles la France a participé. Ces moyens connaissent donc un développement significatif.
Le système informatique de commandement des armées de première génération SICA dotera les forces dun outil moderne dinformatique de commandement et de gestion des situations, dont la sécurité sera renforcée et la vulnérabilité réduite. Il regroupe des aides à lexploitation des données et des outils de gestion des informations. Il sera prolongé par les systèmes compatibles de chacune des armées, SICF/SIR pour lArmée de terre, SCCOA pour lArmée de lair et SYCOM pour la Marine. Lobjectif est de disposer darchitectures flexibles, modulaires et interopérables.
· Le programme SCCOA de lArmée de lAir
Le SCCOA est un système dinformation et de commandement destiné au recueil, à la gestion, au traitement et à la diffusion de linformation pour lensemble des missions opérationnelles conventionnelles de lArmée de lair. Il regroupe des études et fabrications relatives à des capteurs (radars principalement), à des centres dopérations associés aux différents échelons de commandement et à des moyens de transmission. Le financement de certains capteurs devrait être assuré par lOTAN dans le cadre de son programme interopérable ACCS (Air Control and Command System) dont le SCCOA est la partie française.
Le programme a été scindé en trois phases dont la première a été lancée en février 1993 et sera opérationnelle en 2001. Le coût total du programme est aujourdhui estimé à environ 15,5 milliards de francs, celui de la première phase à 5,18 milliards de francs. Les crédits inscrits pour la période 1997-2002 dans la loi de programmation militaire dépassent 5,8 milliards de francs. Le projet de budget pour 1999 prévoit 152 millions de francs de crédits de paiement pour létape 1 (dont 120 millions de francs pour la fabrication) et 618 millions de francs de crédits de paiement pour létape 2 (dont 500 millions de francs pour la fabrication).
· Le programme SICF pour lArmée de Terre
Le programme SICF a pour objectif de constituer le système global dinformation et de commandement des PC de division et de fournir tous les éléments de stockage et de traitement de linformation. Il est destiné à améliorer la cohérence et le rendement de la chaîne de commandement par automatisation des manipulations, transferts et traitements réalisés avec les autres systèmes dinformation de lArmée de terre, des autres armées et des alliés.
LArmée de Terre devrait être dotée au cours des prochaines années densembles dinformation et de commandement des forces (SICF) qui seront livrés à partir de 1999 :
la première version comprenant deux PC de niveau brigade, deux plates-formes dentraînement et une plate-forme de référence ;
la seconde version devant équiper douze PC de différents niveaux.
Parallèlement, pour assurer le commandement des régiments et unités élémentaires lors de leur engagement, ont été commandés des systèmes modulaires dinformation sur véhicules (programme SIR) dont la livraison pourrait intervenir à partir de 2000. Une cible de 441 véhicules de série a été retenue pour un coût total de 826 millions de francs (1998).
II. LES SYSTÈMES DE RECUEIL DU RENSEIGNEMENT
La loi de programmation militaire comme la revue de programmes ont confirmé lintérêt porté au renseignement stratégique qui assiste les autorités politiques dans leurs prises de décision. En dehors des programmes spatiaux, dautres moyens, aériens ou maritimes, sinscrivent dans le cadre national de recueil de ce renseignement.
Les moyens tactiques en soutien des unités engagées sur le terrain se développent peu à peu.
Le projet de satellite découte ayant été abandonné par la précédente programmation militaire et seule une veille technologique ayant été organisée dans le cadre de programmes de micro-satellites expérimentaux (Cerise et Clémentine), les moyens découte sont mis en oeuvre par les forces elles-mêmes.
· La composante aéroportée : le Sarigue nouvelle génération
Le système aéroporté Sarigue a pour mission essentielle le recueil dinformations électromagnétiques à vocation opérationnelle. Décidé en 1993 pour remplacer le système actuel mis en service en 1977, le programme de nouvelle génération, qui comprend un segment aéroporté et une composante sol, devait être mis en service en 1999. Les difficultés liées à la définition du porteur DC 8 remotorisé ont conduit à un retard de près de neuf mois dans la mise au point du système qui terminera ses essais en mars prochain.
Sur un coût total estimé à 1,56 milliard de francs (valeur 1998), le projet de budget affecte à ce programme 66 millions de francs dautorisations de programme et 170 millions de francs de crédits de paiement (dont 38 millions de francs pour lArmée de lAir).
· La composante navale : le MINREM
Le MINREM constitue un ensemble déquipements découte pour linterception et la goniométrie de signaux électromagnétiques. Ceux-ci sont financés au titre de lEtat-major des Armées et embarqués sur un bâtiment de 3 000 tonnes environ qui assure la présence de longue durée à la mer.
La programmation, qui a inscrit près de 333 millions de francs (valeur 1997) en faveur de ce programme, prévoit la rénovation du système actuel embarqué sur le Berry et le transfert de la charge utile en mai 1999 sur le Bougainville afin dassurer la continuité du service jusquà la livraison du nouveau système qui pourrait intervenir fin 2004.
Les avions de patrouille maritime Atlantique 2, qui ont remplacé les Atlantic 1, ont deux missions prioritaires : la sûreté des SNLE pour la mise en oeuvre de la FOST et le soutien des forces, notamment dans la lutte anti-sous-marine. La cible du programme, réduite par la loi de programmation militaire 1995-2000 de 42 à 28 appareils aujourdhui commandés, a été maintenue. Les trois derniers appareils ont été livrés en 1998.
Cependant, le modèle comprenant seulement 22 appareils en parc, il a été prévu de maintenir sous cocon les 6 exemplaires excédentaires par rapport à la série de 28 afin de réduire les besoins dentretien programmé.
Le programme héliporté Horizon de surveillance du champ de bataille est adapté aux besoins dinterarmisation dans le domaine du recueil et de la circulation du renseignement tactique. Chaque système comprend deux hélicoptères SUPER Puma équipés de radar Doppler (dune portée de 150 km) et dune station au sol. Le premier hélicoptère a été livré en juin 1996 et est opérationnel depuis un an. Les deux systèmes prévus ont été livrés, lun en décembre 1996, lautre en mars 1998. Près de 800 millions de francs ont déjà été dépensés depuis le début du programme.
Concourt également à lacquisition du renseignement sur le champ de bataille, le radar de contre batterie COBRA, installé sur un véhicule de dix tonnes, qui permet de localiser les moyens de tir adverses avec une grande précision. La France prévoit dacquérir 21 systèmes pour un montant total de 2,36 milliards de francs. Développé depuis 1988, ce programme est entré en phase de production et les dix premiers systèmes seront livrés de 2001 à 2004.
Les armées françaises témoignent dun intérêt croissant pour les drones en raison des avantages quils présentent dans le nouveau contexte dintervention des forces. Le bilan des premiers systèmes en service incite à développer ce nouveau type de systèmes et à profiter des acquis du secteur industriel français.
a ) Un nouveau concept demploi
La politique à légard des drones a suivi lévolution du contexte dans lequel les armées sont amenées à intervenir et qui privilégie les missions de projection et dintervention dans un cadre international. Le renseignement et linformation deviennent ainsi des facteurs essentiels dans la gestion et la conduite des crises et incitent à développer une capacité dobservation permanente et continue au-dessus du champ de bataille ou de la zone dintervention.
Les intérêts des drones sont nombreux. Dune part, ils répondent aux nouvelles exigences pour le recueil de linformation car ils offrent une capacité continue dobservation et dinvestigation dans la profondeur du dispositif, devenant indispensables à la manoeuvre aéroterrestre. Par leur mobilité et leur faible coût unitaire, ils constituent un moyen complémentaire du renseignement tactique par voie aérienne ou spatiale. Leur emploi autorise un niveau de prise de risque plus élevé.
Mais les drones présentent également des inconvénients qui limitent leur utilisation. Labsence dintelligence à bord réduit leur cadre demploi et leurs capacités dadaptation. Leur utilisation reste peu compatible avec la réglementation internationale de la navigation aérienne. Enfin, leurs caractéristiques de vitesse et daltitude rendent les appareils sensibles à une agression dans une zone adverse.
b ) Le bilan des drones en service
La place des drones est aujourdhui limitée au niveau tactique, en soutien des unités sur le terrain. Plusieurs systèmes sont en service dans lArmée de terre au 7ème régiment dartillerie.
· Destiné au renseignement dans la profondeur, le CL 289 est constitué :
dun missile préprogrammé, de portée moyenne (150 kilomètres) et évoluant à grande vitesse et à faible altitude. Il emporte un appareil photographique et une caméra thermique dont les informations peuvent être recueillies en temps réel par une station dexploitation. Une version dégradée de la charge utile peut être transportée dans une nacelle par hélicoptère ;
dun système au sol qui assure le lancement par rampe, la récupération du missile par parachute, la réception des informations et la maintenance.
Le système a été développé dans le cadre dune coopération tripartite (Canadair, Dornier et SAT) et Aérospatiale a réalisé les travaux dadaptation aux besoins opérationnels français. LArmée de terre est équipée de six stations de lancement dotés de 55 missiles.
Utilisé en Bosnie-Herzégovine par les forces allemandes dans le cadre de lIFOR de janvier 1995 à mars 1997, le drone CL 289 a donné des résultats satisfaisants tant du point de vue de la qualité des informations reçues que des caractéristiques techniques. Il permet dobserver des objectifs ponctuels mais sa durée de vie est limitée.
· Le Crécerelle sapparente à un petit avion téléprogrammable qui évolue à faible vitesse et à moyenne altitude. Les informations saisies par la caméra à très haute définition et par la caméra thermique peuvent également être transmises en temps réel à une station. La maîtrise doeuvre est assurée par Sagem.
Deux systèmes à six drones ont été livrés en mai 1995 et en mai 1996. Ils nont pas été testés en Bosnie-Herzégovine mais les missions expérimentales accomplies jusquà présent doivent permettre den améliorer les performances.
· Le drone Brevel a été défini comme un petit avion télépiloté, relativement lent (120 à 180 km/h), évoluant à moyenne altitude mais endurant. Il a été développé en coopération avec lAllemagne dans le cadre du GIE franco-allemand Eurodrone (Matra Bae Dynamics France et STN Atlas Electronik). Mais le comité stratégique de 1996 a décidé dinterrompre le programme à la fin du développement. La loi de programmation militaire na pas prévu dacquisition dici 2002.
· La France a fait également lacquisition, pour 200 millions de francs, dune section de quatre drones israéliens Hunter dont lévaluation opérationnelle sur la base de Mont-de-Marsan, commencée en janvier 1998, devrait sachever mi-1999. Lobjectif est de préciser les spécifications des futurs drones car le Hunter vole à plus haute altitude (jusquà 6000 mètres) et dispose dune endurance plus longue (environ 10 heures).
Les crédits qui ont permis le développement des drones dans les dernières années sont en régression. La DGA ne participe plus au financement des recherches mais seulement aux études amont à caractère technico-opérationnelles. Les compétences existent chez les différents industriels (SAGEM, Matra, Aérospatiale, Dassault-Aviation et Thomson) mais elles sont dispersées. Il existe donc un risque de repli industriel préjudiciable à la préparation de lavenir.
CONCLUSION
En conclusion, votre rapporteur aimerait souligner que les aléas de la coopération européenne expliquent de manière prépondérante le niveau des dotations prévues dans le projet de budget pour 1999 en faveur des programmes spatiaux. Le projet de loi de finances initiale apparaît ainsi raisonnable voire trop raisonnable.
Notre pays se voit contraint dassurer presque seul la mise en oeuvre des systèmes de nouvelle génération afin de maintenir la continuité de service des équipements actuels. Cet état de fait pose deux questions sur la réalité de lengagement européen dans le domaine de la prévention puis de la gestion des crises dont lactualité montre la nécessité, et sur la capacité de la France à continuer leffort quelle a mené jusquici.
On ne comprendrait pas labandon de systèmes qui éclairent les décisions politiques, assurent lindépendance dappréciation et sont en cohérence avec les objectifs majeurs de la programmation militaire. Le bénéfice des efforts passés ne doit pas être perdu et seules les dotations des prochains budgets pourront éviter les remises en cause des acquis indispensables à lindépendance de notre pays.
TRAVAUX EN COMMISSION
I. AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE
La Commission de la Défense a entendu, le 9 septembre 1998, M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 1999.
Accueillant le Ministre de la Défense, le Président Paul Quilès a rappelé que la Commission de la Défense était particulièrement attentive aux conditions de la professionnalisation, au retour des crédits déquipement à un niveau permettant de mener à bien le programme de modernisation des forces ainsi quà lamélioration de la transparence et de la lisibilité du budget de la Défense, en loi de finances initiale comme en exécution.
Le Ministre de la Défense a présenté les principales orientations du budget de la Défense contenues dans le projet de loi de finances pour 1999, adopté le 9 septembre 1998 par le Conseil des Ministres. Il a rappelé que le budget de lexercice précédent avait fait de la poursuite de la réforme des armées et de la professionnalisation sa priorité et sétait traduit, dune part, par une conformité du titre III aux objectifs fixés dans la loi de programmation et, dautre part, par une réduction temporaire des crédits déquipement par rapport à cette même loi, en raison des contraintes de lassainissement des finances publiques.
Il a relevé que les difficultés entraînées par cette réduction des ressources disponibles pour léquipement des armées ne pouvaient être surmontées quà la condition dun réexamen densemble de la cohérence des choix financiers de la loi de programmation militaire, constat qui avait présidé à la revue de programmes et donné lieu, en conséquence, à un ajustement des flux financiers prévus. Il a dailleurs souligné que le projet de loi de finances pour 1999 appliquait les conclusions de la revue de programmes concernant les crédits déquipement, tout en répondant à une vision à long terme des besoins de la défense. Il sest également félicité des conditions délaboration du budget de la Défense, qui navait pas nécessité le recours à larbitrage du Premier Ministre, en ajoutant que la nouvelle présentation des crédits portait la marque dun effort de clarification comptable répondant notamment aux souhaits réitérés de la Commission de la Défense.
M. Alain Richard a ensuite présenté les principaux chiffres du projet de loi de finances pour 1999. Il a indiqué que le titre III, dun montant de 104 milliards de francs, progressait de 240 millions de francs par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, concédant que ce montant aurait été plus élevé si lon avait appliqué les règles générales dindexation mais soulignant quil restait conforme aux objectifs de la programmation. Quant aux crédits des titres V et VI, il a déclaré quils sétabliraient à 86 milliards de francs, ce qui, par rapport aux 81 milliards de francs du budget voté de 1998, représentait une augmentation dautant plus forte en termes réels que la valeur des achats déquipements militaires avait tendance à suivre lévolution de lindice des prix industriels, nettement inférieure à celle de lindice des prix. Il a indiqué quau total, les crédits militaires hors pensions progresseraient de 2,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998.
Le Ministre de la Défense a souligné que le projet de budget permettait de poursuivre la professionnalisation des forces, qui perdraient en 1999 un peu plus de 30 000 appelés et 2 690 sous-officiers, le nombre dofficiers demeurant globalement stable, alors que seraient créés environ 16 000 emplois, soit, notamment, 8 400 militaires du rang, 4 750 volontaires, dont 3 000 dans la Gendarmerie, et 1 900 emplois civils. Il a fait observer que la baisse de 9 % des crédits de fonctionnement, corrélée à lévolution des effectifs, namputait pas le pouvoir dachat du titre III, des économies non pénalisantes ayant été rendues possibles en 1999, notamment par lévolution du prix du pétrole ou par laugmentation des ressources extrabudgétaires du Service de santé des armées.
Sagissant des crédits déquipement du budget de la Défense, le Ministre de la Défense a souligné que leur évolution marquait un rattrapage par rapport à la précédente loi de finances et traduisait les conclusions tirées de la revue de programmes. Il a fait observer que les ressources affectées à la dissuasion se trouvaient confortées, le programme de SNLE de nouvelle génération se poursuivant normalement, avec ladmission au service actif du deuxième SNLE-Ng en juillet 1999 et un objectif de mise en service du dernier SNLE-Ng en 2008. Evoquant les crédits consacrés à lespace, il a rappelé le caractère prioritaire du programme Hélios II et indiqué, sagissant du programme Trimilsatcom, que la décision de retrait britannique du 12 août 1998 nentravait pas la coopération entre la France et lAllemagne dans ce domaine, les deux partenaires ayant décidé de modifier, en les simplifiant, certaines spécifications du programme.
En ce qui concerne les armements conventionnels, il a indiqué que lannée 1999 verrait la poursuite des livraisons de chars Leclerc, à raison de 33 exemplaires, le lancement du programme VBCI réalisé en collaboration avec la Grande-Bretagne et lAllemagne, lentrée dans la phase de fabrication du programme Tigre, la livraison du premier Rafale Marine, du deuxième Hawkeye, le lancement du programme de TCD de nouvelle génération et la poursuite du programme dhélicoptère NH-90. Il a également fait valoir que, pour la Gendarmerie, les délais déquipement du programme Rubis seraient respectés puisque, fin 1999, 85 départements seraient équipés, ce qui permettait dêtre désormais sûr de lachèvement du programme à la fin de lannée 2000.
M. Alain Richard a également fait remarquer que leffort du ministère de la Défense en matière de recherche et développement dépasserait 21 milliards de francs en 1999 contre 19,6 dans la loi de finances initiale pour 1998.
Il a indiqué par ailleurs que près dun milliard de francs seraient consacrés à laccompagnement économique des restructurations sous la forme de dotations du Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) et du Fonds dadaptation industrielle (FAI), destinées à financer laccompagnement économique et social des restructurations, tandis que les aides au départ et à la mobilité, accordées dans le cadre de la professionnalisation, représenteraient plus de 1,8 milliard de francs. Sur ce dernier point, il a fait observer que, conformément à la loi de programmation, les crédits relatifs aux pécules connaîtraient leur première baisse puisquils se monteraient à 810 millions de francs au lieu de 900 en 1998. Il a ajouté quaprès la réalisation complète des prévisions de départ pour 1998, ce montant devrait assurer le départ aidé de 900 officiers et 2 000 sous-officiers en 1999.
Evoquant les restructurations industrielles, le Ministre a indiqué que les efforts de la DGA produisaient désormais leurs fruits en matière de coûts et de délais et mis laccent sur le dialogue mené avec les industriels de la défense. Sur le point plus précis des relations de la DGA avec les PME-PMI, il a fait observer que, désormais, de nouveaux moyens, notamment en personnel, seraient affectés spécifiquement à cette tâche.
Le Ministre de la Défense a alors analysé la participation du budget de son département à la politique générale du Gouvernement en faveur de lemploi, de la sécurité intérieure et de la construction européenne.
Sagissant de la politique de lemploi, il a souligné à nouveau que le ministère allait ouvrir en 1999 de lordre de 16 000 recrutements dont plus de 13 000 de militaires du rang et de volontaires, cest-à-dire des emplois destinés à des jeunes de qualification moyenne et faible. Il a ajouté que 15 millions de francs seraient consacrés à laccompagnement social des jeunes sans emploi en fin de contrat et rappelé que le ministère prenait sa part des efforts de relèvement des rémunérations les plus basses, quil sagisse de celles des militaires ou de celles des personnels civils.
Sagissant de leffort en matière de sécurité intérieure, il a précisé quen relève des appelés, 3 000 volontaires allaient être recrutés par la Gendarmerie en 1999 en complément des 800 recrutés par anticipation dans les prochaines semaines. Il a toutefois fait observer que leffort en faveur des effectifs de la Gendarmerie engendrerait en contrepartie un alourdissement des charges de formation, consécutif, notamment, à laccroissement du nombre de départs à la retraite dans les prochaines années, de 2 000 à 4 000 par an. Il a ajouté que le renforcement des effectifs de la Gendarmerie dautoroute serait néanmoins poursuivi pour tenir compte de laccroissement du kilométrage autoroutier et annoncé que, dans le cadre du programme de renouvellement des hélicoptères Alouette III, la première commande dhélicoptères biturbines allait être passée.
M. Alain Richard a alors décrit la part prise par le ministère de la Défense à la politique européenne du Gouvernement. Il a fait ressortir la participation accrue de la France au développement dune industrie de défense européenne compétitive et attiré lattention sur la signature du traité instituant lOCCAR. Sur ce point, il a fait remarquer la forte volonté des signataires de déléguer à lOCCAR la gestion de nouveaux programmes, indiquant que les Britanniques avaient fait part de leur intention de porter à 40 % la part des programmes européens dans leurs acquisitions.
Il a également souligné que la France faisait pleinement appel aux crédits de reconversion de lUnion européenne (fonds KONVER et Objectif 2).
En conclusion, il a indiqué que le projet de budget pour 1999 marquait une nouvelle étape dans la modernisation et ladaptation de nos capacités de défense tout en contribuant efficacement à la mise en oeuvre des grands objectifs du Gouvernement. Il a également mis laccent sur lefficacité des armées dans laccomplissement de leurs missions extérieures, puisque lannée 1998 avait vu, outre la conduite dopérations sur divers théâtres, la mise en oeuvre de plusieurs interventions dévacuation de nos ressortissants, tout en rendant hommage aux qualités dont elles faisaient preuve dans lexercice de leurs missions intérieures. Evoquant la participation du ministère de la Défense à la sécurité de la Coupe du Monde de football, il a à ce propos tenu à rendre hommage au gendarme Nivel, symbole du dévouement et de lefficacité des armées dans lensemble de leurs missions.
Rappelant que larrêté dannulation et le décret davance du 21 août 1998 avaient réduit de 3,8 milliards de francs les crédits déquipement de lexercice 1998 et ouvert sur le même exercice un crédit de 3,8 milliards de francs en vue de couvrir des charges de personnel, notamment au titre des opérations extérieures, le Président Paul Quilès sest demandé si, dans la mesure où une bonne partie de ces opérations pouvait être prévue en début dexercice, une provision ne pourrait pas être instituée en loi de finances initiale pour faire face aux charges quelles entraînent, ce qui permettrait ainsi un meilleur contrôle parlementaire.
Remarquant également quune partie des crédits ouverts par le décret davance semblait destinée à remédier à linsuffisance des dotations initiales pour la rémunération des VSL (volontaires service long), il sest demandé si cet ajustement ne traduisait pas certaines dérives en matière de rémunérations et sest interrogé sur leur perpétuation en 1999.
Abordant alors la réforme destinée à rapprocher la comptabilité des investissements du ministère de la Défense de celle des ministères civils, il a souhaité savoir si lon pouvait en attendre une plus grande conformité des autorisations de programme du budget de la Défense à la définition qui en est faite par lordonnance de 1959 relative aux lois de finances, soulignant quune telle amélioration faciliterait le contrôle parlementaire des dépenses en capital, grâce notamment à linscription dans le fascicule budgétaire de la Défense déchéanciers véritablement significatifs des crédits de paiement. Il a également demandé dans quelles conditions le montant en autorisations de programme des nouvelles opérations budgétaires dinvestissement ainsi que leur échéancier en crédits de paiement seraient portés à la connaissance des rapporteurs budgétaires.
Enfin, sagissant des commandes groupées, il a souhaité savoir si leur montant en était connu et si elles feraient lobjet dune individualisation au sein du fascicule budgétaire de la Défense.
M. Alain Richard a apporté les éléments dinformation suivants :
le décret davance qui porte sur 3,8 milliards de francs couvre en partie (1 milliard de francs) les surcoûts liés aux opérations extérieures. Il ouvre également des dotations supplémentaires pour assainir la situation des chapitres de rémunérations, afin déviter des tensions de trésorerie avant le collectif budgétaire prévu en novembre prochain ;
environ 300 millions de francs de crédits provisionnels avaient été inscrits pour la première fois dans le projet de budget pour 1998 pour couvrir une part des surcoûts entraînés par les opérations extérieures. Dune part, il est difficile dévaluer à lavance lampleur de ces surcoûts. Dautre part, cette provision, souhaitée par le Ministre de la Défense, doit rester modérée et ne saurait dépasser à terme un milliard de francs ;
le débat politique avec le Parlement sur les opérations extérieures se déroule habituellement au moment de lexamen de la loi de finances rectificative de fin dannée mais il serait souhaitable que le Ministre de la Défense vienne, dès le printemps, présenter les principales dépenses liées à ces opérations ;
les VSL permettent daccompagner la professionnalisation. Parce quil na pas été possible dinscrire en 1998 des postes de volontaires pour pallier la disparition des appelés, les armées ont été autorisées à recourir à des VSL en anticipation de larrivée des volontaires ;
la couverture du décret davance repose sur des annulations de crédits déquipement. Mais ces annulations seront compensées par une autorisation de consommer un montant équivalent de crédits de report de lexercice 1997 sur lexercice 1998 afin de garantir la capacité de dépenses du ministère de la Défense pour lexercice en cours ;
la mise en oeuvre au sein du ministère de la Défense de la nouvelle comptabilité spéciale des investissements (CSI) sest traduite par des retards de paiement au détriment des fournisseurs, en particulier des PME, et lapplication de la réforme de la nomenclature budgétaire prévue par le projet de loi de finances pour 1999 risque dentraîner des conséquences de même nature. Les retards provoqués par lintroduction de la CSI devraient toutefois être rattrapés dici quelques mois afin que la consommation des crédits approche, à la fin de lexercice 1998, les montants inscrits en loi de finances initiale ;
la présentation du budget pour 1999 se place dans la cohérence des demandes des commissions parlementaires. Elle fait passer de 7 à 8 le nombre de chapitres du ministère de la Défense et permet, notamment, de détailler, dans le chapitre des fabrications, 25 articles, correspondant chacun à un grand programme ;
cinq commandes groupées de matériels pour un montant dengagements denviron 11 milliards de francs ont été lancées en 1997 et deux nouvelles commandes de ce type seront sans doute attribuées en 1999. Le Gouvernement ne pourra confirmer publiquement la commande groupée des 48 Rafale quen 1999 car, si lessentiel de la négociation est effectué, il reste certaines questions à régler avant la signature définitive du contrat.
Après sêtre félicité de laugmentation des titres V et VI en loi de finances initiale et des efforts effectués dans certains domaines, en particulier dans ladéquation des autorisations de programme et des crédits de paiement, M. Arthur Paecht a émis la crainte que la loi de finances rectificative pour 1998 ne vienne à nouveau amputer les crédits déquipement pour abonder les dépenses liées aux opérations extérieures. Ayant estimé ambitieux lobjectif de fabriquer en coopération européenne près de 40 % des programmes en valeur, il sest interrogé sur la nature de lidentité européenne de défense qui soutiendra le développement de lOCCAR. Enfin, il a évoqué lélaboration du nouveau concept stratégique de lAlliance atlantique et a souhaité obtenir des informations complémentaires sur la participation de la France aux structures intégrées alliées.
M. Jean-Yves Le Drian sest étonné que le projet de budget pour 1999 prévoie le lancement du développement de deux frégates Horizon dans la mesure où il navait pas eu connaissance que des progrès significatifs avaient été récemment accomplis dans la définition des spécifications de ce programme en coopération trilatérale. Evoquant la réforme de la DCN, il a souhaité avoir des précisions sur la méthode et le calendrier retenus par le ministère de la Défense.
Estimant quil ressortait des propos du Ministre de la Défense que laugmentation du titre III ne correspondait pas à celle du coût de la vie, M. Michel Voisin a souhaité que leffort entrepris en faveur de la professionnalisation ne soit pas terni par une altération de la qualité de vie des personnels militaires. Notant quune dotation supplémentaire de 40 millions de francs était affectée aux réserves, il a demandé quel était létat davancement des travaux délaboration du projet de loi les concernant. Sagissant de la réorganisation des services de police et de Gendarmerie, il a indiqué que la réforme annoncée avait soulevé, notamment dans la zone périurbaine de Lyon, de vives protestations de la part des élus locaux et des populations qui craignent quil sensuive une altération des conditions de sécurité et a regretté quelle nait été précédée daucune véritable consultation préalable. Evoquant lannonce de la double commande de 80 hélicoptères Tigre faite à la suite de la rencontre des Ministres de la Défense à Berlin, il a souhaité savoir si ces commandes avaient été notifiées à lindustriel. Enfin, il sest inquiété du maintien des effectifs et des spécificités de la Légion étrangère ainsi que des troupes de marine.
M. René Galy-Dejean a fait part de sa satisfaction au regard dun budget quil a considéré comme une assez bonne surprise, après les résultats de la revue de programmes, et indiqué quil portait des appréciations également positives sur la politique suivie en matière de restructuration industrielle. Il a toutefois regretté que les négociations avec le ministère du Budget naient pu permettre dobtenir une augmentation du montant des crédits militaires et en particulier de ceux du titre III, en rapport avec lamélioration sensible des recettes fiscales. Rappelant que le contexte international avait sensiblement évolué dans le domaine de la prolifération nucléaire et balistique depuis lélaboration du précédent budget, il a souhaité savoir si cette situation avait été prise en compte dans la fixation des orientations budgétaires concernant la dissuasion et si le Ministre avait pu constater lémergence dune prise de conscience européenne en ce domaine.
Après avoir fait valoir que laugmentation des crédits de la Défense pour 1999 était conforme aux engagements précédents du Gouvernement et que le projet de budget reflétait la priorité accordée à lemploi, M. Yann Galut a fait part de ses préoccupations quant à lavenir de GIAT-Industries, en ce qui concerne notamment le secteur armes et munitions, la nature de la participation française au VBCI, et plusieurs incertitudes relatives à la revalorisation des matériels dartillerie de type 155 AUF 1 ou aux commandes portant sur le système Minotaur et les tourelles dhélicoptères. Il a noté avec satisfaction laccroissement des crédits de recherche-développement, qui lui a paru témoigner du souci de préserver lavenir des industries françaises de défense et a souhaité savoir quels moyens pouvaient être accordés, dans le cadre de cet effort, à des programmes tels que le VEXTRA, lartillerie future des chars de combat et les munitions intelligentes.
Sagissant des aides à la diversification des entreprises de défense, il a souhaité savoir quelle avait été laffectation des crédits inscrits à ce titre dans le budget pour 1998. Il sest enfin félicité de lannonce de la prochaine commande pluriannuelle de 48 Rafale et des engagements pris en faveur du programme ATF, tout en indiquant que parmi les trois options évoquées par le Ministre, il souhaitait que celle proposée par Airbus Industrie soit privilégiée.
M. Georges Lemoine sest félicité que le projet de budget de la Défense pour 1999 vienne atténuer certaines inquiétudes concernant les moyens alloués à la Gendarmerie, notamment en matière de volontariat. Se déclarant satisfait à cet égard de louverture, par anticipation, de 800 postes de volontaires en 1998 et des objectifs de recrutement fixés pour 1999, il a toutefois fait état des difficultés que pourrait soulever, dans les brigades, la durée de formation de ces personnels, nettement supérieure à celle des actuels gendarmes auxiliaires. Il a ensuite évoqué les nombreuses inquiétudes suscitées, chez les élus, par le rapport de MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest. Il a plaidé en faveur dune information accrue des élus locaux sur les propositions énoncées dans ce rapport, dont il a souligné quil avait été peu lu et estimé que lintervention du Directeur général de la Gendarmerie nationale devant le congrès des maires de France, au mois de novembre, pourrait participer de cette meilleure information.
Après sêtre félicité des perspectives dachèvement du programme Rubis, il a soulevé la question des conditions de vie et des casernements, qui risquait dêtre rendue plus difficile par larrivée des volontaires. Il a enfin interrogé le Ministre sur la contribution des sociétés autoroutières au financement des pelotons de gendarmerie dautoroute.
M. Jean-Claude Sandrier sest déclaré gêné pour approuver le projet de budget, de la même façon que les membres de lopposition sétaient trouvés gênés pour le critiquer. Il a précisé que son analyse concernant la loi de programmation militaire était inchangée et a exprimé son désaccord avec une politique de défense principalement fondée sur des objectifs de projection. Il a souligné en revanche que le concept de défense nationale gardait toute sa validité et que sa mise en oeuvre supposait de revaloriser les forces et équipements classiques. Il a estimé en outre que la journée dappel de préparation à la défense ne suffirait pas à insuffler aux jeunes lesprit de défense. Il a ensuite interrogé le Ministre sur les résultats de la campagne de recrutement de lArmée de terre et, sagissant des crédits déquipement, sur leur taux de consommation en 1998.
Après avoir demandé au Ministre de faire le point sur les nouvelles infrastructures, il sest interrogé sur létat actuel de la coopération européenne pour la réalisation du programme Hélios II. Il sest également déclaré inquiet de la politique industrielle suivie dans le secteur de la défense, relevant quelle était largement inspirée par le souci dinstaurer une défense européenne. Il sest à ce propos interrogé sur lévolution de la politique de coopération suivie par nos partenaires britanniques et allemands en matière de défense, notamment à légard des Etats-Unis. Il sest enfin demandé sil était prudent de programmer la fin du système armes et munitions de GIAT-Industries, avant de demander que le plan de restructuration de cette entreprise soit revu en fonction dautres objectifs que ceux qui ont été retenus par le Gouvernement.
Remarquant que plusieurs des questions posées avaient trait aux orientations de la politique générale de défense de la France, M. Alain Richard a proposé que leur examen ait lieu en séance publique, à loccasion du débat sur les crédits militaires, de sorte quils puissent faire lobjet dune discussion plus approfondie.
Il a également suggéré que la Commission de la Défense tienne un débat spécifique sur la politique industrielle dans le secteur de la défense et sest déclaré disposé à y contribuer.
Il a en outre apporté les éléments de réponse suivants :
les dépenses liées aux opérations extérieures sont, par nature, affectées dun fort coefficient dincertitude en début dexercice ; en 1999, elles seront sans doute en réduction par rapport à 1998 du fait, notamment, de la fermeture des bases françaises en République Centrafricaine ;
le programme Horizon sera bien lancé en 1999 ; en effet, la définition de ses besoins par la Grande-Bretagne, principal acheteur, a beaucoup évolué et sest considérablement rapprochée de celle de la France ;
la réforme de la DCN est une réforme en profondeur qui doit donc être conduite sur le long terme. La DCN doit conserver une place éminente au sein de lindustrie de défense européenne de demain. Pour cela, il a été demandé à sa direction de recueillir des avis diversifiés avant de formuler ses propositions en vue dune réforme et dun plan dentreprise. Cette réflexion prend nécessairement du temps. Le plan dentreprise quelle élaborera devra permettre à la DCN de répondre aux demandes de la Marine et de trouver des marchés, dans des conditions économiques saines ;
la hausse des rémunérations et charges sociales, au sein du titre III, est de 2,9 %. Elle inclut donc des accroissements de pouvoir dachat. Mais elle pèse indéniablement sur les moyens de fonctionnement. Les tensions sur les crédits de fonctionnement naffecteraient la qualité de vie que des personnels logés. Or, sur ce point, sans doute du fait de lingéniosité des chefs de corps, il napparaît pas quon aille vers une situation réellement difficile. De plus, les jeunes engagés sont tous en début de contrat et il nest pas certain quils souhaiteront, à lavenir, continuer à être logés à la caserne ; il convient donc dêtre prudent dans la construction des casernements de manière à éviter les surcapacités ;
le ministère de la Défense a bénéficié dune amélioration spécifique de ses crédits de fonctionnement, due notamment à la réforme du financement du fonds de pension des ouvriers dEtat. Celui-ci connaissait un déficit structurel apuré a posteriori par une subvention. A la suite dune proposition du ministère des Finances, ce déficit sera désormais financé par les cotisations des employeurs. Cette réforme, appliquée de façon plafonnée, aboutit à transférer 300 millions de francs de cotisations du titre III vers les établissements employeurs des ouvriers dEtat, notamment la DCN ;
en ce qui concerne les modifications du partage de compétence territoriale entre la Police et la Gendarmerie, les propositions envoyées aux préfets feront lobjet de négociations et ne présagent pas des décisions finales ;
les besoins, plus importants en zones urbaines périphériques, sont mieux satisfaits par un travail collectif des brigades ;
le reversement des sociétés concessionnaires dautoroutes à la Gendarmerie par la procédure du fonds de concours a été déclaré non conforme à lordonnance organique relative aux lois de finances. Pour compenser ce fonds de concours, un peu plus de 500 millions de francs ont été inscrits en crédits budgétaires dans la loi de finances initiale pour 1998. Le projet de budget pour 1999 fait lobjet dune procédure analogue ;
la consommation de lensemble des crédits déquipement devrait dépasser 95 % des dotations initiales pour lexercice en cours ;
la commande des 80 hélicoptères Tigre sera notifiée à lindustriel avant la fin de lannée ;
il est de lintérêt de GIAT-Industries de participer au programme VBCI qui concerne près de 2 000 commandes à terme et dont la France pourrait recevoir près de 30 % de part industrielle, même si les négociations de prix ne sont pas terminées. Au contraire, pour linstant aucun marché assuré nexiste à lexportation pour le programme VEXTRA dans la situation économique très difficile que connaît larmement terrestre. Quant à lartillerie future des chars de combat, il sagit dun domaine auquel des crédits de recherche seront affectés ;
les crédits du FRED et du FAI dont la consommation est satisfaisante permettent une bonne mise en place des programmes de diversification économique et daccompagnement social ;
les partenaires du consortium Airbus doivent faire une proposition crédible et compétitive en termes de prix pour remporter le marché de lavion de transport militaire européen. Sil est nécessaire de tenir compte des intérêts économiques et industriels européens dans le choix des coopérations, il nest pas non plus politiquement souhaitable de fermer a priori la porte à toute coopération avec Antonov ;
la réponse favorable de lEspagne au programme Hélios II, dont le calendrier de réalisation est maintenu, permet de le poursuivre dans un cadre de coopération européenne. LItalie qui effectue dimportants efforts déconomie budgétaire na pas encore fourni de réponse. Dautres partenaires sont par ailleurs envisageables. Les pays intéressés pourront sabonner au programme en cours de réalisation ;
les recrutements dengagés de lArmée de terre se déroulent dans de bonnes conditions, grâce à lamélioration des conditions de rémunération des personnels et à limage positive que donne cette armée dans sa démarche de professionnalisation, notamment en matière de formation et dintégration sociale ;
la professionnalisation des armées suppose la remise en cause des spécificités de certaines armes de lArmée de terre et il apparaît nécessaire de faire comprendre tant à la Légion étrangère quaux Troupes de Marine que laccroissement global des capacités opérationnelles des forces constitue une garantie importante pour la Nation.
M. Bernard Grasset a souligné le courage dont avait fait preuve le Gouvernement en modifiant la carte de répartition des zones de Police et de Gendarmerie, apportant ainsi une réponse à une question très ancienne que les gouvernements précédents avaient toujours hésité à aborder. Il a fait part du trouble suscité chez un certain nombre de maires de sa circonscription par les confidences du Directeur général de la Gendarmerie, concernant lemploi de ses personnels, parues dans un supplément dun grand journal parisien. Il sest félicité du dépôt prochain dun projet de loi sur les réserves, qui constituent un élément essentiel du lien entre la Nation et ses Armées et a souhaité quà lavenir le recrutement dans les sessions régionales de lIHEDN soit moins élitiste. Après avoir estimé que les spécificités de certaines armes telles que les troupes de Marine devaient être préservées, il sest prononcé en faveur du maintien du Service militaire adapté, dont il a souligné quil apportait, dans les DOM-TOM, une contribution essentielle au resserrement des liens entre les Armées et la population. Relevant la diminution de 16 % des crédits de paiement consacrés à lEspace, dont il a déclaré comprendre les raisons, il a insisté sur la nécessité de préserver lavenir en accordant une priorité au programme de satellite radar Horus.
M. Pierre Lellouche a tout dabord convenu que le projet de budget apparaissait optiquement meilleur que celui de lannée en cours, estimé que les restructurations industrielles engagées pouvaient être considérées comme satisfaisantes et jugé courageuse la politique menée par le Ministre de la Défense pour restructurer les arsenaux. Il a résumé son appréciation en déclarant que le libéral quil était se réjouissait de ces orientations. Il a également insisté sur la nécessité dinstituer un mode approprié de financement des opérations extérieures, excluant toute ponction sur les crédits déquipement pénalisant, en cours dexercice, la politique déquipement des forces armées. Soulignant lintérêt du volontariat du service national en entreprise, il a souhaité savoir si le Gouvernement entendait proposer au Parlement son maintien.
Il sest par ailleurs inquiété de la répartition des officiers, sous-officiers et militaires du rang au sein des armées, notant que la professionnalisation avait pour effet de créer un déséquilibre important en faveur des gradés par rapport aux hommes du rang. Enfin, rappelant quil avait saisi la présidence de lAssemblée nationale de la nécessité dune réflexion parlementaire sur la pertinence du concept de dissuasion au regard de lévolution géostratégique liée aux essais nucléaires indiens et pakistanais, il a fait part de sa stupéfaction quant au manque dintérêt suscité par sa demande. Il sest enfin interrogé sur la cohérence des choix financiers effectués, dans le projet de budget pour 1999, en faveur des différents systèmes de forces face à une menace aujourdhui très évolutive et sest demandé si une réflexion suffisante avait été conduite sur le modèle darmée dont la France avait à présent besoin.
Le Président Paul Quilès a indiqué que le bureau de la Commission, dont M. Pierre Lellouche est membre, devait se réunir la semaine prochaine pour examiner notamment sa proposition. Il a par ailleurs rappelé les propos de M. Arthur Paecht et ceux du Ministre, évoquant les travaux de lOTAN relatifs au nouveau concept stratégique de cette organisation, et souligné que les conclusions de ces travaux ne seront pas sans incidences sur nos propres réflexions nationales en matière de politique de défense. Enfin, il a observé que lanalyse des menaces et des besoins militaires de la France était déjà contenue dans le Livre Blanc et la loi de programmation militaire, quune majorité de membres de la Commission, dont certains appartenaient à lopposition, navaient pas souhaité remettre en cause.
M. Guy-Michel Chauveau sest félicité du projet de budget, quil a considéré comme le meilleur depuis plusieurs années. Il a plaidé en faveur dune maîtrise des dépenses du titre III, condition nécessaire à la préservation des crédits de recherche et développement. Il a également souhaité savoir sil avait été procédé à une réorganisation des dispositifs de formation, pour mieux les adapter aux spécificités des personnels engagés. Il a également demandé quelles étaient les mesures de reconversion des engagés prévues. Sagissant de la politique industrielle menée par le Gouvernement, il sest déclaré pleinement satisfait des décisions prises depuis quinze mois, souhaitant que toutes les grandes entreprises du secteur y participent. Se félicitant de la nomination dun coordinateur des restructurations au niveau national, il a souligné la nécessité dune évaluation de leur impact, site par site.
M. Jean-Noël Kerdraon, rappelant que la revue des programmes avait fixé à lan 2000 le lancement du programme de nouveau transport de chaland de débarquement (TCD), a demandé au Ministre de la Défense de confirmer quil était avancé dun an. Sagissant des programmes en coopération, il a évoqué les divergences entre la France et lItalie dans le choix du sonar destiné à équiper le NH 90, non sans estimer que celui proposé par Thomson-Marconi semblait de meilleure qualité. De même, il a souhaité que le choix du sonar du chasseur de mines tripartite soriente vers le produit proposé par cette même société, dont 300 emplois étaient en jeu sur un effectif de 400.
Félicitant le Ministre, non pour son budget, quil a estimé critiquable mais pour lhabileté avec laquelle il lavait présenté, M. Yves Fromion, usant de la faculté que larticle 38 du Règlement confère aux députés dassister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, a indiqué que, pour sa part, il avait toujours estimé quil fallait maintenir lactuelle loi de programmation militaire, fruit dun débat approfondi. Il a même regretté que la loi de programmation militaire initiale nait pas été appliquée plus fidèlement encore, évoquant notamment le retard que la France risquait de prendre dans le domaine de laéromobilité avec un parc dhélicoptères qui allait passer de 600 environ à 350 ou 370 en 2010. Il a également demandé au Ministre des informations sur labandon du département munitions de GIAT-Industries et sur les perspectives dexportation du char Leclerc. Il la enfin interrogé sur lappel de préparation à la défense.
Le Ministre de la Défense a apporté les éléments de réponse suivants :
il a convenu que laccès à lIHEDN, notamment à ses sessions régionales, devait être élargi ;
le SMA (service militaire adapté) fonctionne de manière satisfaisante. Le souhait de la Polynésie française de se voir attribuer directement les crédits correspondants pour organiser elle-même la formation des jeunes pourrait cependant créer une disparité de situation entre les différents départements et territoires, qui rendrait le dispositif plus difficile à maintenir ;
lobjectif de construction dun satellite dobservation radar nest pas abandonné mais il est sans doute opportun dattendre que les évolutions technologiques en cours permettent de latteindre à moindre coût ;
la dissuasion a, jusquici, été surtout laffaire du Chef de lEtat ; cest sans doute la raison pour laquelle la nécessité dun débat parlementaire nest pas apparue pressante ;
le taux dencadrement dune armée professionnelle est toujours supérieur à celui dune armée de conscription. Par ailleurs, lanalyse des taux dencadrement doit tenir compte de la structure des grades de la Gendarmerie, puisque les gendarmes sont tous sous-officiers ;
la professionnalisation va indiscutablement engendrer des tensions sur la part relative des crédits du titre III et du titre V, dici à la fin de la programmation ; un risque de glissement existe. Ce sera lun des points à évoquer lors de la préparation de la prochaine loi de programmation;
il y a des gains defficacité à faire en matière de formation. Ils passent notamment par des regroupements décoles. Sagissant du recrutement, lune des clefs du succès sera effectivement la réussite de la reconversion des engagés et sa perception correcte par le public ;
en matière dindustrie aéronautique, le pas essentiel est la fusion entre les sociétés Aérospatiale et Matra : en revanche, sagissant de la position de la société Dassault au sein de lindustrie européenne, il est encore possible de se laisser un temps de réflexion ;
le souci de préserver le plus grand nombre de sites et de maintenir une activité industrielle dans les bassins demploi a joué un rôle essentiel dans lélaboration du plan de restructuration de GIAT-Industries ;
en ce qui concerne le TCD, le besoin est avéré : il sagit dun outil de projection précieux quil ne faut pas trop tarder à réaliser. Des négociations devront toutefois sengager avec la DCN en vue de sa construction, notamment sur la question des prix ;
dans les mois qui viennent, il faudra résoudre les divergences entre lItalie et la France à propos du sonar Thomson-Marconi ;
dès lors quon est en accord avec les objectifs fixés par la loi de programmation militaire, il convient de se tenir à celle-ci ;
la réduction en cours du nombre dhélicoptères laissera à la France un nombre dappareils dont les capacités seront toutefois hors de comparaison avec celles des matériels quils remplaceront ; laéromobilité reste un concept essentiel dans la doctrine demploi de lArmée de terre ;
le plan de réduction des capacités du secteur des munitions de GIAT-Industries répond aux besoins dadaptation de lentreprise qui ne peut produire que ce quelle est en mesure de vendre dans des conditions économiques normales. Sagissant de lachat de chars Leclerc par lArabie Saoudite, le Gouvernement ne sen désintéresse pas ; il est cependant trop tôt pour formuler des commentaires à ce sujet ;
sagissant de lappel de préparation à la défense, il est organisé avec rigueur. De plus, aujourdhui, la vision quont les jeunes de la Défense est positive. Ces éléments permettent de penser que la nouvelle formule sera un succès ;
en ce qui concerne les réserves, la concertation est en bonne voie et le Premier Ministre a annoncé devant lIHEDN que le projet de loi les concernant serait déposé sur le bureau dune des Assemblées avant la fin de lannée ;
pour réformer le partage de compétence entre Police et Gendarmerie, il fallait bien partir dun point de départ, susceptible de constituer une base de discussion. Des instructions ont été envoyées aux préfets pour rappeler que cest là précisément la fonction du rapport Carraz-Hyest qui na donc pas vocation à être transposé sur le terrain dans son intégralité.
II. EXAMEN DE LAVIS
La Commission de la Défense sest réunie le 28 octobre 1998, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour examiner les crédits du ministère de la Défense pour 1999 consacrés à lEspace, à la communication et au renseignement, sur le rapport de M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis.
M. Bernard Grasset a rappelé que, depuis la mise en oeuvre du satellite dobservation optique Hélios, la France sétait dotée dune capacité autonome dappréciation dans la prévention et lanalyse des crises qui confortait son indépendance de décision et daction. Il a estimé quil était nécessaire de poursuivre les efforts qui ont permis daccéder à ces techniques et ne pas quitter le cercle vertueux de la décision politique, du progrès scientifique et du savoir-faire industriel.
Le rapporteur pour avis a émis la crainte que le projet de budget pour 1999 comporte un risque de rupture avec les tendances précédentes, même sil est nécessaire de prendre en compte les aléas et les perspectives de la coopération européenne dans le domaine des communications ou des programmes spatiaux. Il a estimé que, si les programmes destinés à la prévention des crises continuaient globalement dêtre privilégiés, un certain ralentissement affectait le domaine spatial.
Présentant le projet de budget, il a rappelé que leffort de notre pays dans le domaine spatial avait été sans comparaison en Europe et que les dotations budgétaires avaient progressé rapidement depuis dix ans jusquà dépasser 4 milliards de francs en francs courants dans les lois de finances initiales pour 1993, 1995 et 1996. Il a constaté que le niveau réel des dépenses, compte tenu des annulations et des transferts de crédits, navait toutefois pas excédé 2,5 milliards de francs au cours des trois derniers exercices. Alors quil était prévu de consacrer près de 4 % des crédits déquipement à lespace, la revue de programmes a autorisé un recalage des ressources par rapport aux possibilités financières et au déroulement réel des programmes.
M. Bernard Grasset a ensuite qualifié les dotations prévues pour lespace de globalement raisonnables, compte tenu du niveau des dépenses réelles des précédents exercices. Il a estimé que la diminution des autorisations de programme de 10,66 % confirmait un ralentissement des programmes spatiaux et a fait observer que la réduction de 15,9 % des crédits de paiement qui passeront à 2 618 millions de francs contrastait avec laugmentation globale des dotations en capital de la défense (+ 6,17 %).
Il a regretté le retour de limputation de dotations duales dans les crédits spatiaux en contradiction avec les engagements de la loi de programmation militaire qui avait exclu toute contribution du ministère de la défense au BCRD. Il a rappelé que le niveau des transferts au BCRD devait graduellement baisser, en crédits de paiement, denviron 1 milliard de francs en 1996 et 1997 (au titre des reports) à 500 millions de francs en 1998 pour disparaître par la suite. Si lexercice 1998 correspond bien à ce schéma, le projet de budget pour 1999 prévoit un nouveau transfert de 900 millions de francs, destiné essentiellement aux recherches dans le domaine spatial et affecté au budget du CNES.
Le rapporteur pour avis a considéré que les transferts de crédits militaires vers les programmes civils pouvaient être acceptés si ceux-ci étaient effectivement affectés à des études amont qui présentaient un intérêt direct pour la Défense.
Mais la participation des crédits militaires aux dépenses spatiales civiles représente un simple abondement du budget du CNES. Les conséquences de la réaffectation de crédits duaux sur le budget spatial militaire sont dautant plus importantes que le montant des crédits détudes relatives à lespace gérées par la DGA ne dépasse pas 265 millions de francs de crédits de paiement dans le projet de budget pour 1999.
M. Bernard Grasset a ensuite souligné quen attendant que ses partenaires européens sengagent sur des projets en coopération, la France garantit le bon déroulement des programmes majeurs quelle conduit dans le cadre du plan pluriannuel spatial militaire et prépare leur renouvellement afin dassurer la nécessaire continuité de service. Il a ainsi indiqué que notre pays proposait à ses partenaires espagnol et italien de participer au lancement du satellite Hélios 1B en décembre 1999 pour assurer la continuité du premier satellite de ce type. Il a également précisé que, devant les incertitudes italienne, espagnole et belge concernant leur association au programme de seconde génération Hélios 2, et suite à labandon, que lon espère provisoire, des projets allemands de coopération dans le domaine spatial, le projet de budget prévoyait un financement de 1,254 milliard de francs de crédits de paiement pour le développement du système Hélios 2.
Il a rappelé quen raison du coût élevé dun système dobservation radar et de limpossibilité pour un seul pays den assurer le financement, laccès à la filière du renseignement tout temps avait été envisagé dans un cadre multinational avec lAllemagne, lEspagne et lItalie. Il a également indiqué que la préférence allemande pour un système dobservation radar avait alors lié les négociations sur les deux catégories de satellites dobservation, optique et radar. Par la suite, la persistance des incertitudes allemandes avait conduit le Gouvernement, dans le cadre de la revue de programmes, à arrêter le projet Horus, sans pour autant renoncer à lacquisition dune capacité dobservation radar sur la période du plan pluriannuel spatial militaire. Il a observé à ce propos que la maturité croissante du concept de petits satellites radar entraînait le réexamen des projets de recherche et des capacités dobservation des systèmes.
Le rapporteur pour avis a par ailleurs indiqué que le système de communications militaires spatiales Syracuse II reposait sur des charges utiles intégrées aux satellites civils Télécom et dédiées aux usages militaires. Des compléments au programme initial et des améliorations visent à prolonger la durée de vie de la composante spatiale de ce système jusquen 2005 en améliorant son interopérabilité avec les autres systèmes de télécommunications.
Il a justifié la recherche dune coopération européenne pour le développement du successeur de Syracuse II par la concordance des dates de remplacement des systèmes nationaux britannique et français et par la convergence des besoins opérationnels avec lAllemagne. Il a considéré quen annonçant, le 12 août dernier, quelle ne prendrait pas part à la phase de définition de cette coopération, la Grande-Bretagne montrait quelle privilégiait une solution nationale en raison de différences dapproche sur le recours aux techniques EHF et de considérations industrielles.
Se félicitant que la France ne souhaite pas renoncer à la coopération, il a considéré quil serait peut-être nécessaire denvisager une solution intermédiaire permettant de prolonger Syracuse II dans lattente de la réalisation dun système commun, même si cette solution ne permettait que des communications non protégées. Dans lattente dune décision, 318 millions de francs de crédits de paiement ont été inscrits dans le projet de budget pour 1999 afin que se poursuivent les études de faisabilité.
En résumé, le rapporteur pour avis a qualifié le budget de raisonnable tout en sinterrogeant sur la volonté réelle de coopération de nos partenaires européens dans le domaine spatial.
Mme Martine Lignières-Cassou sest étonnée que le rapporteur pour avis déplore limputation au budget de la Défense du financement de la recherche duale.
M. Bernard Grasset a indiqué que le problème tenait, non au transfert de crédits militaires vers les budgets de recherche civile, mais à labsence dintérêt pour la défense des travaux ainsi financés, qui navaient pas véritablement de caractère dual. Il a estimé en conséquence que, dans la mesure où la recherche militaire ne bénéficiait pas des retombées des recherches civiles menées avec des crédits militaires, le budget de la Défense navait pas à assumer cette charge financière.
*
La Commission de la Défense a ensuite procédé au vote sur lensemble des crédits de la Défense pour 1999.
Elle a tout dabord adopté à lunanimité deux observations, lune présentée par M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis des crédits de la Marine, relative à la gestion et à la politique dembauche de la DCN, lautre, par M. Charles Cova relative à la situation des sous-lieutenants retraités et des veuves allocataires.
M. Michel Voisin a souligné que, si le projet de budget de la Défense pour 1999 avait dabord paru favorable, une analyse approfondie des dotations montrait quil était présenté en trompe loeil. Il a alors indiqué que le groupe UDF réservait son vote sur ces crédits.
M. Guy-Michel Chauveau a estimé quil convenait de se féliciter du niveau des dotations budgétaires compte tenu de la situation de lexercice 1998 et des circonstances économiques et financières. Il a indiqué que le groupe socialiste voterait les crédits de la Défense.
Après avoir considéré que le projet de budget pour 1999 se caractérisait par de fortes contraintes soulignées par la plupart des Chefs détat-major, M. Charles Cova a fait observer que la hausse de 6,2 % des crédits déquipement nétait pas à la hauteur des ambitions de la loi de programmation militaire. Il a émis le voeu que lexécution budgétaire soit conforme aux dotations initiales, notamment pour les 25 programmes darmement dont les dotations sont individualisées. Il a rappelé que le Général Philippe Mercier, Chef détat-major de lArmée de terre, avait estimé que les crédits déquipement ne pouvaient plus être entamés quà la marge sauf à créer de véritables ruptures capacitaires, et que, si le Chef détat-major de lArmée de lair avait fait preuve dun optimisme réconfortant sur le niveau des crédits de fonctionnement, les Chefs détat-major des deux autres armées avaient tiré le signal dalarme . Le Chef détat-major de la Marine avait évoqué avec inquiétude la réduction dactivité générale, fait état dun risque de casser loutil et souligné que la Marine était à la limite de la rupture de capacité alors que ses missions ne sont pas diminuées, et quil est impossible de prévoir les nécessités opérationnelles qui pourraient surgir.
M. Charles Cova a également rappelé que le Chef détat-major de lArmée de terre avait mis laccent sur la réduction sévère des crédits de fonctionnement dont il a souligné quelle entraînerait une baisse draconienne des objectifs de soutien et dactivité, même sil a jugé par ailleurs que le projet de budget lui permettait de poursuivre la refondation de son armée. Enfin, il a rappelé linquiétude exprimée par le rapporteur pour avis des crédits de la Gendarmerie nationale, M. Georges Lemoine, à légard de la faiblesse du titre III.
M. Charles Cova a alors estimé que, si le projet de budget pour 1999 témoignait dun léger redressement par rapport à 1998, lextrême contrainte financière quil établissait entraînerait une réduction des objectifs de soutien et dactivité et ramènerait au concept de disponibilité différée pour certaines unités. Il a indiqué que le groupe RPR sabstiendrait sur les crédits de la Défense.
Se déclarant en accord avec les propos tenus par M. Charles Cova, M. Guy Teissier a souligné les difficultés que soulevaient certaines réductions de dotations, notamment liées au fonctionnement courant, et a estimé que le budget de la Défense, outil opérationnel, risquait de devenir un outil opératoire. Il a indiqué que le groupe DL voterait contre les crédits de la Défense.
*
La Commission de la Défense a alors donné un avis favorable à ladoption des crédits de la Défense pour 1999, les commissaires appartenant au groupe DL votant contre, ceux du groupe RPR sabstenant et ceux du groupe UDF ne prenant pas part au vote.
- Cliquer
ici pour retourner au sommaire général.
- Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis
© Assemblée nationale
|