
N° 1115
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078),
TOME VI
JUSTICE
SERVICES PÉNITENTIAIRES ET
PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
PAR M. ANDRÉ GERIN,
Député.
(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.
La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.
INTRODUCTION 5
I. LES SERVICES PÉNITENTIAIRES 7
A. LES EFFORTS POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE DES DÉTENUS 7
1. Lévolution de la population carcérale et des conditions dincarcération 7
2. Lamélioration de la vie quotidienne 8
3. Un système de soins globalement satisfaisant 9
B. DES CRÉATIONS DEMPLOI ORIENTÉES VERS LINSERTION ET LA PRÉVENTION DE LA RÉCIDIVE 12
1. La priorité donnée à linsertion et la prévention de la récidive 12
2. Les autres créations demplois et les mesures statutaires et indemnitaires 15
C. LA POURSUITE DU PROGRAMME DE CONSTRUCTION ET DE RÉNOVATION DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES 19
II. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 22
A. LES PRIORITÉS DU CONSEIL DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE 22
B. LA TRADUCTION BUDGÉTAIRE DE CES PRIORITÉS 25
C. LAMÉLIORATION DU SUIVI MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE DES MINEURS 28
AUDITION DE MME ELISABETH GUIGOU, garde des sceaux, ministre de la justice, et EXAMEN EN COMMISSION 31
ORGANISATIONS SYNDICALES REÇUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 39
MESDAMES, MESSIEURS,
Cette année a été marquée par lannonce de nouvelles orientations politiques, tant dans le domaine pénitentiaire que dans celui de la lutte contre la délinquance des mineurs.
Lors de sa communication au Conseil des ministres du 8 avril dernier, la Garde des Sceaux a mis laccent sur la nécessité daméliorer les conditions de prise en charge des personnes prévenues et condamnées, notamment grâce à un effort pour faciliter leur vie quotidienne, de privilégier la réinsertion et les alternatives à lincarcération et dengager une réflexion sur lévolution des missions des personnels.
Les grandes lignes de laction publique pour lutter contre la délinquance des mineurs ont, quant à elles, été définies dans le cadre du conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998. Il a ainsi été décidé de mettre en place une politique de réponse systématique et rapide aux actes de délinquance, quelle quen soit la gravité, de développer les mesures de réparation et de renforcer les dispositifs dhébergement et déloignement.
Ces nouvelles priorités ont reçu leur traduction financière dans le projet de loi de finances pour 1999. Alors que le budget de la justice progresse de 5,6 %, contre 4 % lannée précédente pour atteindre plus de vingt-six milliards de francs, les crédits consacrés aux services pénitentiaires et à la protection judiciaire de la jeunesse augmentent respectivement de 5,79 % et de 6,42 % : au sein dun budget lui-même en pleine expansion, cette progression illustre limportance que le Gouvernement attache à ces deux secteurs.
Il reste maintenant à convaincre les personnels pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse de sassocier à la mise en uvre de ces nouvelles orientations qui ne pourront donner des résultats que si elles sont portées par lensemble des services. Or les organisations syndicales nationales rencontrées par votre rapporteur pour avis ont dans lensemble exprimé un avis négatif sur le projet de budget, dénonçant notamment la faiblesse des créations demplois et linsuffisance des revalorisations indemnitaires.
Ce jugement semble partagé au plan local, comme votre rapporteur pour avis a eu loccasion de le constater lors des visites de la maison darrêt de Lyon-Perrache et du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier organisées dans le cadre de son programme de visites des établissements pénitentiaires. Le mouvement actuel de protestation des personnels de surveillance semble prouver que le malaise est réel.
Il ne faudrait pas que ces nouvelles mesures, que votre rapporteur pour avis approuve sans réserve, se trouvent privées defficacité faute de personnels en nombre suffisant, à lexemple de ce qui se passe souvent pour les mineurs délinquants qui se voient condamnés à des mesures de réparation appliquées de manière tardive ou partielle en raison dun manque de moyens.
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I. LES SERVICES PÉNITENTIAIRES
Les crédits consacrés aux services pénitentiaires pour 1999 sélèvent à 7.421,9 millions de francs, soit 28,27 % du budget de la justice. Leur augmentation de 5,79 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998 permettra de mettre en application la nouvelle politique pénitentiaire définie par la Garde des Sceaux lors du conseil des ministres du 8 avril dernier et principalement axée sur lamélioration des conditions de détention et de réinsertion et la poursuite du programme de rénovation et de construction des établissements pénitentiaires. La ministre a par ailleurs réuni pour la première fois depuis douze ans le conseil supérieur de ladministration pénitentiaire et souhaité que la réunion de cet organisme soit désormais annuelle, illustrant ainsi la priorité quelle entend donner à lévolution de la politique pénitentiaire.
La population carcérale sélevait au 1er janvier 1998 à 53.844 personnes, en diminution de 1,2 % par rapport à lannée précédente. Le nombre de prévenus baisse également, passant de 22.603 à 21.676. La durée moyenne de détention en revanche augmente, avec une moyenne en 1997 de 8,1 mois.
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1996
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1997
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1998
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Population carcérale au 1er janvier :
dont prévenus
dont condamnés
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55.043
21.889
33.154
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54.496
22.603
31.893
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53.844
21.676
32.168
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Taux doccupation au 1er juin :
parc classique
parc 13.000
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114 %
124 %
(130 % pour
les maisons darrêt)
86 %
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116 %
121 %
(135 % pour
les maisons darrêt)
97 %
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114,8 %
118,8 %
(132,1 % pour
les maisons darrêt)
98,7 %
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Durée moyenne de détention
(en mois)
dont détention provisoire
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7,8
4,2
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8,1
4,4
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Source : Ministère de la justice.
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Le taux doccupation est en diminution par rapport à lannée précédente puisquil est de 114,8 % en moyenne au 1er juin 1998 contre 116 % au 1er juin 1997 ; le parc classique continue de connaître un taux doccupation supérieur au parc 13.000 (118,8 % contre 98,7 %).
Rappelons quau 1er juillet 1998, le milieu fermé comprenait 187 établissements pénitentiaires offrant 49.632 places, soit 36.849 places pour le parc classique et 12.783 pour le parc 13.000, dont 11.500 en gestion mixte.
Cette légère diminution du taux doccupation des établissements pénitentiaires contribue à lamélioration des conditions dincarcération des détenus, dautant plus que la baisse de la population carcérale na pas, bien au contraire, entraîné de relâchement dans leffort budgétaire des pouvoirs publics en faveur des services pénitentiaires.
Lensemble des crédits destinés aux services pénitentiaires contribue de manière plus ou moins directe à lamélioration des conditions de vie des détenus, que se soient par la construction détablissements modernes ou laugmentation du nombre de personnels de surveillance. Parallèlement à un effort financier important dans ces domaines, la ministre de la justice a souhaité, par des mesures concrètes, faciliter la vie quotidienne des personnes emprisonnées.
Le projet de loi de finances prévoit ainsi de consacrer 10 millions de francs au renouvellement du mobilier des cellules. Les produits dhygiène corporelle seront désormais fournis gratuitement aux détenus, tout comme ceux nécessaires à lentretien de leurs cellules. Le nombre de douches hebdomadaires sera augmenté, passant de deux à trois conformément à la nouvelle réglementation. Sur ce dernier point, votre rapporteur pour avis a noté lors de ses déplacements que le nombre de douches hebdomadaires pouvait être supérieur à ce minimum, notamment dans les établissements récents. Enfin, il est prévu de fournir un petit déjeuner chaud aux détenus. Le coût de ces trois dernières mesures est évalué à 22,8 millions de francs, prélevés sur les 40,8 millions de francs supplémentaires inscrits dans le projet de loi de finances au titre de lamélioration de conditions de prise en charge des détenus.
Toujours dans le domaine de lhygiène, il est prévu dinstaller des douches individuelles dans chaque cellule lors de la construction de nouveaux établissements et de mettre à disposition des machines à laver le linge.
La situation des détenus les plus pauvres fait également lobjet dune attention particulière, ce dont votre rapporteur pour avis se félicite. Le projet de budget pour 1999 consacre ainsi deux millions de francs pour lutter contre lindigence des sortants de prison . Par ailleurs, il est prévu de développer des actions permettant un accompagnement individualisé à lemploi, tant en milieu ouvert quen milieu fermé.
Lors de sa communication du 8 avril, la ministre de la justice a également annoncé une amélioration de la perception des mandats postaux par une réduction des frais denvoi, une informatisation des réservations des visites aux parloirs qui devrait faciliter laccueil des familles et la poursuite de la réflexion sur la création des unités de vie familiale.
Symbole de cette nouvelle orientation politique, la déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789 est depuis cette année affichée dans tous les établissements pénitentiaires.
Les soins en milieu carcéral
Depuis le 1er janvier 1994, toute personne détenue est, à compter de la date de son incarcération, obligatoirement affiliée au régime général de la sécurité sociale ; lEtat acquitte les cotisations sociales correspondantes et finance également la part qui nest pas pris en charge par lassurance-maladie ; les ayants droit bénéficient également des prestations en nature des assurances maladie et maternité. Il reste néanmoins à régler la question de la continuité de la couverture sociale qui permettrait aux personnes malades dobtenir le suivi sanitaire dont elles ont besoin à leur sortie de prison.
Sauf dans les établissements du programme 13.000 où les soins ne nécessitant pas dhospitalisation sont gérés par des groupements privés, le service public hospitalier est responsable des soins en prison. Une unité de consultations et de soins ambulatoires (U.C.S.A), qui dépend dun service hospitalier, est présente dans chaque établissement pénitentiaire ; les soins, tant somatiques que psychiatriques, sont prodigués par des équipes pluridisciplinaires de lhôpital et financés par les budgets des hôpitaux, principalement à partir des cotisations sociales versées chaque année par le ministère de la justice pour lensemble de la population pénale. La somme correspondante inscrite dans le projet de loi de finances pour 1999 (322,2 millions de francs) est en baisse de 3 % par rapport à lannée précédente, cette baisse correspondant un ajustement à lévolution de la population carcérale. Le financement de la rénovation des infirmeries des établissements pénitentiaires est lui à la charge de la direction de ladministration pénitentiaire.
Ce système semble fonctionner de manière relativement satisfaisante, comme votre rapporteur pour avis a pu le constater lors de ses déplacements. Ainsi, à la maison darrêt de Lyon-Perrache, lU.C.S.A est le seul service qui dispose de locaux modernes et propres.
Par ailleurs, certains établissements pénitentiaires disposent dun service médico-psychologique régional (S.M.P.R.) qui permet de soigner les détenus présentant des troubles psychiatriques graves, notamment les délinquants sexuels. Leur nombre (26 auxquelles sajoutent 7 antennes locales) est cependant notoirement insuffisant par rapport aux besoins croissants de la population carcérale.
Le problème des extractions pour consultation dans les hôpitaux
Lorsque la personne incarcérée ne peut être soignée dans létablissement pénitentiaire, elle est transférée vers un service hospitalier dont la localisation dépend du protocole passé par le directeur de cet établissement. Pour prévenir toute évasion, ce transfert doit être entouré dun maximum de sécurité. Or il existe de fortes réticences de la part des forces de police à assurer cette sécurité, notamment dans les petites agglomérations où les agents sont peu nombreux, ce qui conduit parfois à différer les consultations. Ainsi, au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, les extractions soulèvent dénormes difficultés, le personnel pénitentiaire étant obligé, faute descorte policière, den assurer la sécurité.
Laffectation de personnels de surveillance aux escortes désorganise les établissements pénitentiaires et fait peser un risque sur la sécurité au sein de ces établissements, sans parler de la sécurité même des escortes puisque les personnels de surveillance ne sont pas formés pour cela. Laccompagnement des détenus à lextérieur des prisons à lévidence ne relève pas de leur mission, qui est dassurer la sécurité à lintérieur des établissements. Il contribue en outre à brouiller leur image en les assimilant aux forces de lordre, alors même que le Gouvernement cherche à faire évoluer leur métier vers la formation et linsertion des détenus. Même si certains syndicats sont favorables à la participation des personnels de surveillance aux escortes, participation quils estiment valorisante pour la profession, une telle solution reviendrait à remettre en cause à la fois la mission de ces derniers et le rôle des forces de police et de gendarmerie.
Celles-ci sont en effet chargées dassurer la sécurité publique : la sécurité du transfert de prisonniers vers les hôpitaux fait donc bien partie de leur mission et ne constitue pas une charge indue.
Chargé en application de la loi dorientation et de programmation du 21 janvier 1995 relative à la sécurité détudier la possibilité de transférer à ladministration pénitentiaire la charge dassurer les transfèrements, les translations judiciaires et les extractions relevant de la responsabilité de la police nationale et de la gendarmerie, le groupe de travail présidé par le conseiller dEtat Guy Fougier et composé de représentants de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de ladministration pénitentiaire a jugé ce transfert difficile et coûteux et considéré que le nombre de personnels de police et de gendarmerie rendus ainsi disponibles ne permettrait pas daméliorer significativement la sécurité publique.
Répondant aux critiques relative à la charge indue , il a estimé que cette notion paraît être, en lespèce, une notion fausse. Lescorte et la garde des détenus hors des établissements pénitentiaires relèvent, sans aucun doute possible, de la sécurité publique et il appartient à la police et à la gendarmerie dassurer cette sécurité. Cest dans la nature de leurs fonctions . Pour Guy Fougier, cette mission présente un caractère moins indu que la surveillance des plages ou la réalisation dactivités sportives dans les quartiers difficiles.
Cette étude publiée en octobre 1995 na malheureusement pas permis de régler définitivement cette question et de nombreuses difficultés subsistent. Certains établissements, grâce à des arrangements locaux, parviennent à assurer de manière relativement satisfaisante les extractions vers les établissements hospitaliers. Ainsi, les services de police lyonnais assurent les extractions pour consultation des prisons de Lyon en échange du prêt dun véhicule des services pénitentiaires.
Ces solutions ponctuelles ne sont néanmoins pas satisfaisantes et votre rapporteur pour avis souhaite que soit clairement réaffirmé que la responsabilité de la sécurité des extractions incombe aux services de police et de gendarmerie. A cet égard, le communiqué de presse de la Chancellerie sur le budget de la justice, précisant que les augmentations deffectifs prévues permettront de répondre aux besoins sanitaires de la population pénale, notamment aux extractions pour consultation dans les hôpitaux, lui paraît regrettable, car prêtant à confusion.
Il serait souhaitable que les deux ministères concernés, le ministère de la justice et le ministère de lintérieur, se mettent daccord pour donner à leurs services des directives claires et incontestables qui permettent de régler une fois pour toute cette question.
La généralisation du projet dexécution des peines
Ladministration pénitentiaire a mis en place depuis 1995, de façon expérimentale, un projet dexécution des peines (P.E.P.), dans dix établissements pénitentiaires. Ce projet a pour objectif dimpliquer davantage le détenu dans lévolution de la peine privative de liberté, daméliorer lindividualisation judiciaire et administrative de la peine en proposant au juge des éléments objectifs sur le comportement du détenu (indemnisation des victimes, participation à des formations qualifiantes..) et dassurer une prise en charge qui permette une meilleure connaissance du détenu afin de renforcer lefficacité des mesures de réinsertion et daccroître la sécurité des établissements.
Cette expérience a fait lobjet en novembre 1997 dune évaluation par un comité national composé de quatre magistrats et de onze fonctionnaires pénitentiaires. Il ressort de cette évaluation que le projet dexécution des peines améliore la prise en charge des détenus tout en valorisant les missions des personnels pénitentiaires dans lexécution de la peine ; il inscrit la personne détenue dans un schéma dévolution individuelle et permet aux juges de lapplication des peines de prendre les décisions dindividualisation les plus adaptées.
Devant ce bilan positif, la Chancellerie a décidé de généraliser le P.E.P à lensemble des établissements pénitentiaires sur une période de trois ans. Une circulaire sur les conditions de cette généralisation devrait être diffusée avant la fin de lannée.
Sur les 344 emplois dont la création est prévue par le projet de loi de finances, 180 serviront, selon le communiqué de la Chancellerie, à améliorer la prise en charge des personnes prévenues et à généraliser le projet dexécution de peine pour les personnes condamnées .
La réforme des services dinsertion et de probation
Annoncé en mai 1996, la réforme des services dinsertion et de probation est organisée autour de trois axes :
réaliser la mutualisation des moyens et des missions des comités de probation et dassistance aux libérés (C.P.A.L.) et des services socio-éducatifs du milieu fermé avec la création dun service pénitentiaire dinsertion et de probation assurant la continuité des actions menées en milieu fermé et en milieu ouvert ;
inscrire laction de ce nouveau service dans un cadre départemental afin de lui permettre dexercer sa mission de réinsertion au plus près ;
renforcer les pouvoirs administratifs du directeur de probation en lui confiant la responsabilité de lorganisation et de la gestion du futur service.
La mise en uvre de la réforme a été progressive et cette dernière devrait entrer dans sa phase opérationnelle au cours du dernier trimestre de cette année.
Des mesures daccompagnement ont été mises en place. Après les 200 emplois de la loi de finances pour 1998, le projet de budget pour 1999 prévoit la création de 78 emplois. En outre, 44 emplois sont transférés des services judiciaires vers les services dinsertion et de probation : ce transfert de personnel administratif complétera les créations demploi de catégorie B et C par ailleurs demandées et permettra aux futurs services pénitentiaires dinsertion et de probation de disposer de la logistique indispensable à leur fonctionnement.
Ladministration pénitentiaire disposera donc au total de 574 emplois dinsertion et de probation sur les 768 prévus par la loi de programme relative à la justice du 6 janvier 1995 pour mettre en uvre la réforme des services dinsertion et de probation qui, rappelons-le, prennent en charge 123.000 personnes en milieu ouvert et plus de 57.000 en milieu fermé.
La création des centres pour peines aménagées
La création des centres pour peines aménagées répond au souci daméliorer linsertion des condamnés à des courtes peines. Ces centres ont vocation à prendre en charge les personnes condamnées à des peines privatives de liberté de moins dun an afin de les préparer à leur sortie de prison grâce à une organisation de la vie plus collective et plus ouverte sur le monde extérieur. Les maisons darrêt, dont le taux moyen doccupation dépasse 120 %, se trouveront ainsi déchargées de détenus qui ny trouvent pas de prise en charge adaptée.
Les centres pour peines aménagées accueilleront trois types de populations :
les condamnés détenus volontaires avec une peine ou un reliquat de peine de moins dun an et qui nont pas de projet dinsertion immédiat leur permettant de bénéficier de mesures daménagement de peine ; ces condamnés, qui bénéficieront dès leur arrivée de permissions de sortir ou au minimum dautorisations de sorties accompagnées, seront affectés à ces centres par décision administrative régionale ;
les condamnés à des mesures restrictives de liberté (travail dintérêt général, sursis avec mise à lépreuve, libération conditionnelle) ; les centres pour peines aménagées pourront notamment accueillir le siège dune antenne du futur service dinsertion et de probation ;
les condamnés placés sous surveillance électronique.
Compte tenu de leur vocation, ces nouveaux établissement pourront être dirigés par un sous-directeur des services pénitentiaires, un chef des services pénitentiaires ou un chef des services dinsertion et de probation. La mission des personnels de surveillance sera double : assurer la sécurité générale de létablissement dune part, exercer un rôle de référent ou de tuteur, comparable à celui des surveillants en poste fixe dans le quartier des mineurs, dautre part. Cette dernière fonction permettra doffrir des opportunités valorisantes pour les personnels de surveillance.
Les centres pour peines aménagées, ouverts sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour sadapter à la diversité des projets individuels, comprendront deux secteurs :
un secteur hébergement dune capacité de 50 à 80 lits ; les chambres seront individuelles ou doubles, dotées de sanitaires. Lintendance (alimentation, blanchisserie, maintenance) sera déléguée à une collectivité locale ou une entreprise privée pour éviter des alourdissements de structures. Les détenus bénéficiant de permissions de sortir ou dautorisations de sortie accompagnées, il ny aura pas de visites de familles dans les établissements, donc pas de parloirs. La responsabilisation étant la ligne directrice du fonctionnement de tels établissements, chaque détenu possédera sa clé et pourra accéder librement dans la journée aux parties communes. En revanche, les personnes suivies en milieu ouvert nauront pas accès au secteur hébergement ;
un secteur éducatif composé de salles de réunions, de salles dentretiens et de bureau pour les personnels dinsertion et de probation et pour les personnels de surveillance.
Condition indispensable de leur réussite, les centres pour peines aménagées devront être implantés en zone urbaine, à proximité des transports en commun et le plus près possible du centre. Les villes de moyenne importance dépourvues détablissement du type centre de semi-liberté et les grands sites urbains seront privilégiés.
Le coût moyen dun centre pour peines aménagées dune capacité de soixante places accueillant une antenne milieu ouvert de douze personnes a été évalué à 200 millions de francs environ, toutes dépenses confondues.
Les premiers centres pour peines aménagées verront le jour à Metz (actuel centre de détention) et Marseille (ancienne prison hôpital des Baumettes) ; des travaux de rénovation étant nécessaire, leur ouverture est prévue à la fin de lannée 1999. Un site est recherché pour la construction dun centre pour peines aménagées en région parisienne. Le projet de budget pour 1999 a prévu 16 millions de francs pour financer ces premiers établissements.
Votre rapporteur pour avis approuve pleinement la création de ces nouveaux établissements qui rejoint son souci maintes fois exprimé de favoriser la réinsertion des détenus en intégrant davantage les prisons dans la ville.
Les autres créations demploi
Outre les 78 emplois destinés à la réforme des services dinsertion et de probation, le projet de loi de finances prévoit la création de 266 emplois, dont 220 pour les personnels de surveillance. Sagissant de la répartition de ces derniers emplois, chaque direction régionale bénéficiera dune enveloppe déterminée en fonction de critères objectifs (population pénale, taux dencadrement existant des détenus..) et soumettra au comité technique paritaire régional ses propositions daffectation qui devront tenir compte des objectifs gouvernementaux et de la nécessité de rationaliser lorganisation du service.
180 emplois seront affectés à lamélioration de la prise en charge des détenus : amélioration de la prise en charge des prévenus et généralisation progressive du P.E.P. , renforcement de lencadrement des mineurs détenus, prise en compte de la réforme santé qui induit des mouvements internes des détenus vers les U.C.S.A. et les S.M.P.R., besoin de sécurité des établissements pénitentiaires.
58 emplois sont destinés à louverture de nouveaux établissements, dont une partie aux futurs centres pour peines aménagées. 25 emplois, dont 15 de personnels de surveillance, sont prévus en vue de la mise en service des premiers établissements du nouveau programme de construction.
Enfin, 28 emplois seront consacrés à la restructuration des métiers et à la formation. Ladministration pénitentiaire doit en effet être capable de moderniser son mode de fonctionnement et de sadapter aux nouvelles caractéristiques de la population pénale, tant en milieu ouvert quen milieu fermé.
Avec au total 344 emplois (y compris les emplois destinés à la réforme des services dinsertion et de probation), le projet de budget pour 1999 progresse de 15 % par rapport à la loi de finances pour 1998 qui avait déjà créé 300 emplois, dont, il est vrai, seulement 53 pour les personnels de surveillance.
A ces créations nettes demploi, il convient dajouter une autorisation de surnombres temporaires actuellement en négociation avec le ministère des finances. En 1998, lautorisation de 400 surnombres temporaires délèves-surveillants a permis de maîtriser laugmentation des vacances prévisionnelles demplois consécutive à la mise en place de la réforme du régime de retraite des personnels de surveillance, dite bonification du cinquième.
Les mesures statutaires et indemnitaires
Le projet de loi de finances a prévu de consacrer douze millions de francs aux mesures statutaires et indemnitaires des personnels pénitentiaires.
3 millions de francs sont inscrits en vue de la réforme statutaire du personnel technique, la création demplois fonctionnels de directeur de service dinsertion et de probation bénéficiant, quant à elle, dune provision de 2 millions de francs.
Sagissant des crédits indemnitaires, le projet de budget a choisi dy consacrer 6,086 millions de francs.
Les comptables pénitentiaires verront leur indemnité augmenter pour un montant total de 0,24 million de francs. Cette indemnité est en effet actuellement pratiquement équivalente aux taux supérieurs de lindemnité allouée aux régisseurs, alors même que les sommes qui transitent par leur caisse sont bien supérieures.
0,1 million de francs seront affectés à lindemnité des régisseurs des services dinsertion et de probation issus de la réforme des services dinsertion et de probation. La prime des personnels dinsertion et de probation sera revalorisée à hauteur de 0,7 million de francs afin de maintenir la parité indemnitaire avec les corps de conseillers techniques et dassistants de service social, conformément au protocole daccord du 9 janvier 1995. Enfin, 0,48 millions sont demandés au titre de laugmentation du taux de lindemnité de sujétions spéciales du personnel dinsertion et de probation à compter du 1er juillet 1999 ; les agents des services pénitentiaires dinsertion et de probation étant appelés à exercer leurs missions en milieu ouvert comme en milieu fermé, le différentiel indemnitaire existant jusque-là na plus lieu dêtre.
0,65 million seront consacrés à la revalorisation de la prime de responsabilité du personnel de direction et de certains personnels de surveillance.
3,4 millions de francs seront affectés à la revalorisation de lindemnité pour charges pénitentiaires (I.C.P.) dont bénéficient les personnels de surveillance, administratifs et techniques ; cette indemnité, versée selon deux taux en fonction de la durée des contacts avec la population carcérale, navait pas été revalorisée depuis 1995.
Enfin, lindemnité de nuit allouée aux personnels de surveillance, qui navait fait lobjet daucune augmentation depuis 1996, est revalorisée pour un montant total de 0,5 million de francs.
Les observations des organisations syndicales
Les organisations syndicales ont fait à votre rapporteur pour avis les observations suivantes sur le projet de budget pour 1999.
Tout en reconnaissant laugmentation significative des crédits budgétaires, elles ont jugé insuffisantes les créations demplois de personnels de surveillance, soulignant que les missions de ces derniers avaient fortement évolué ces dernières années (U.C.S.A., P.E.P.) ; le syndicat national Force ouvrière des personnels de direction a estimé entre 800 et 1500 le nombre demplois supplémentaires nécessaires et a regretté que le sous-effectif actuel conduise à réduire la durée de formation des surveillants alors même que leurs missions se développent. Lensemble des syndicats sest inquiété de labsence de précisions sur un éventuel surnombre permettant de compenser les conséquences de la bonification du cinquième. Le syndicat national Force ouvrière des personnels administratifs a demandé quune partie des personnels de surveillance qui occupent des postes administratifs soient affectés à des tâches de surveillance, ce qui permettrait daccroître le nombre de personnels de surveillance tout en réalisant des économies, le recrutement de personnels administratifs étant moins onéreux pour les finances publiques que celui de personnels de surveillance.
La revalorisation de la prime de surveillance de nuit, qui correspond à une augmentation de 95 centimes, a été ressentie comme une provocation par lensemble des syndicats, lunion des syndicats pénitentiaires (U.S.P.) estimant même préférable dans ces conditions de ne procéder à aucune revalorisation. Ce syndicat a estimé que la prime du dimanche devait être accordée les nuits encadrant ce jour, le syndicat national Force ouvrière des personnels de surveillance réclamant par ailleurs sa revalorisation. Pour ce dernier syndicat, le Gouvernement a fait porter ses priorités sur la réinsertion des détenus, négligeant les personnels de surveillance qui nobtiennent pas la reconnaissance quils méritent. Il regrette, tout comme lunion fédérale autonome pénitentiaire (U.F.A.P.), que lengagement des pouvoirs publics daligner la carrière des personnels de surveillance sur celle des policiers nait pas été complètement tenu.
Le syndicat national de lensemble des personnels de ladministration pénitentiaire-F.E.N. a critiqué la faiblesse du nombre de création demploi dans les services dinsertion et de probation. Tout en estimant que les centres pour peines aménagées constituaient une innovation intéressante, il sest interrogé sur la direction de ces établissements, se demandant si celle-ci serait confiée aux services dinsertion et de probation. Il a enfin regretté que les personnels dinsertion et de probation soient les seuls à ne pas toucher lindemnité pour charges pénitentiaires.
LU.F.A.P., le syndicat national Force ouvrière des personnels administratifs et le syndicat national Force ouvrière des personnels de direction ont critiqué la faiblesse des créations demplois administratifs, au moment même où la départementalisation des services dinsertion et de probation se met en place. LU.F.A.P. et le syndicat national F.O. des personnels administratifs ont dénoncé le blocage existant sur la prime de sujétions particulières, calculée en pourcentage du traitement brut moyen, alors que 7,4 millions de francs avaient été inscrits pour cette prime au budget 1998. Ce dernier syndicat a regretté labsence dorganigramme permettant davoir une idée précise des besoins administratifs dans chaque établissement.
Après sêtre félicité de la provision de trois millions de francs inscrites au budget 1999, le syndicat national Force ouvrière des personnels techniques a souhaité que la réforme statutaire sachève avant la fin de lannée. Avec lU.F.A.P., il a critiqué labsence de créations demploi et le nombre élevé des personnels de surveillance occupant des emplois techniques. Ces deux syndicats ont regretté la tendance des pouvoirs publics à déléguer de plus en plus dactivités au secteur privé. F.O. a souhaité quune place significative soit accordée aux personnels techniques dans les établissements 4.000 comme dans les établissements 13.000.
Tout en se félicitant de la revalorisation de la prime de responsabilité, le syndicat F.O. des personnels de direction sest inquiété des modalités dattribution de cette prime, refusant que laugmentation obtenue soit redistribuée selon un critère de mérite ou de rentabilité étranger à lobjet même de cette prime. Sans être totalement opposé à lintroduction de la notion de mérite, il a estimé préférable de réfléchir à linstauration dune prime spécifique. Il a regretté que le nouveau statut des sous-directeurs ait entraîné une diminution de 17 % à 15 % de lindemnité de sujétions spéciales, alors même que ce taux est le plus bas de ladministration pénitentiaire.
Létat des lieux
Ladministration pénitentiaire dispose dun parc de 187 établissements comprenant 118 maisons darrêt, 56 établissements pour peines, 12 centres autonomes de semi-liberté et 1 hôpital national pénitentiaire.
Un effort de modernisation considérable a été accompli au cours de la dernière décennie puisque 39 établissements ont été mis en service depuis 1987, dont les 25 établissements du programme 13.000. Parallèlement, les pouvoirs publics fermaient pendant la même période 30 prisons vétustes ou inadaptées, dont 3 outre-mer.
Cet effort significatif ne doit pas occulter le fait que le reste du parc immobilier est vétuste, souvent dégradé et inadapté sur le plan fonctionnel. Ainsi, 92 établissements sont installés dans des immeubles construits depuis plus dun siècle, dont certains sont des anciens biens dÉglise transformés en prison pendant la période révolutionnaire. Les bâtiments sont souvent insuffisamment entretenus et un grand nombre dinstallations, notamment les cuisines, ne sont pas conformes aux normes techniques et sanitaires ; cette situation sexplique par labsence de tout programme de maintien à niveau des immeubles pendant la période 1940-1964, la surpopulation des maisons darrêt et linterruption en 1987 des programmes de rénovation du secteur classique afin de mobiliser les ressources au profit du programme 13.000. Enfin, plus de la moitié des établissements ont des structures en nef qui traduisent des conceptions pénitentiaires anciennes, tout à fait inadaptées aux régimes modernes de détention.
La maison darrêt de Lyon-Perrache cumule ces trois inconvénients. Elle est divisée en deux quartiers, Saint-Joseph et Saint-Paul, séparés par une rue, la liaison seffectuant par un souterrain creusé sous cette rue. Le quartier Saint-Paul a été construit en 1880 ; quant au quartier Saint-Joseph, cest un ancien couvent du XIIème siècle transformé en prison en 1830. La vétusté des installations, notamment des sanitaires, est impressionnante, contribuant à donner limage dune prison du siècle passé. Les efforts de rénovation sont à peine perceptibles, tant lensemble dégage une impression de délabrement. Cet établissement peu fonctionnel, cest le moins que lon puisse dire, est également un gouffre en personnel puisque le taux de surveillance, cest à dire le rapport entre le nombre de détenus et le nombre de personnels chargés de la surveillance, est de 2 détenus par surveillant, contre 3 en moyenne en métropole. Par ailleurs, la maison darrêt de Lyon-Perrache connaît une surpopulation carcérale chronique : au 1er septembre 1998, leffectif était de 626 détenus pour 379 places, soit un taux doccupation de 165 %, bien supérieur à la moyenne nationale.
Une telle situation ne pourra pas se prolonger indéfiniment et les pouvoirs publics devront dans un avenir proche prendre une décision définitive sur lavenir de cet établissement, en concertation avec les organisations syndicales.
Notons enfin que le ministère de la justice a engagé une série daudits sur létat général du patrimoine pénitentiaire menés par la délégation générale au programme pluriannuel déquipement et par la direction de ladministration générale et de léquipement.
Les projets de construction et de rénovation
La Garde des Sceaux a lancé en 1998 un programme de construction de six établissements pénitentiaires (maisons darrêt et centres de détention) à Lille, Meaux, Toulouse, Avignon, Toulon et Liancourt. Un septième établissement, une maison darrêt de 400 places, est à létude. Ces établissements, qui répondront à des normes sanitaires plus strictes (douche dans chaque cellule, cloisonnement des toilettes), fonctionneront en gestion déléguée pour la maintenance, lentretien, le travail et la formation professionnelle, comme dans le programme 13.000.
Après une année consacrée à la validation définitive du choix des terrains et à leur acquisition, à lorganisation du concours darchitecture et à la réalisation des études, les travaux de construction de trois établissements (Avignon, Lille et Toulouse) devraient commencer dès lannée prochaine pour une livraison en 2001-2002. La dotation de 696 millions de francs dautorisation de programme inscrite au projet de budget pour 1999 permettra de préparer la construction des trois autres établissements.
LE PROGRAMME DES PLACES NOUVELLES DE DÉTENTION
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Programme
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Sites
(terrains pressentis)
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Catégorie de places
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Capacité
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1ère tranche
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1
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Agglomération de Lille
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maison darrêt
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600
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1ère tranche
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2
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Agglomération dAvignon (Le Pontet)
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centre pénitentiaire
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600
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1ère tranche
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3
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Agglomération de Toulouse (Muret-Seysses)
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maison darrêt
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600
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2ème tranche
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4
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Agglomération de Meaux (Chauconin-Neufmontiers)
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maison darrêt
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600
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2ème tranche
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5
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Agglomération de Toulon (La Farlède)
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maison darrêt
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600
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2ème tranche
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6
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Agglomération de Liancourt (Oise)
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centre pénitentiaire
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600
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2ème tranche
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7
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En option : non encore localisée
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maison darrêt
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400
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Source : Ministère de la justice.
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Ces nouveaux établissements, situés dans des zones de forte pression démographique, devraient permettre de soulager certaines maisons darrêt particulièrement surpeuplées.
Les travaux de rénovation menés dans le cadre du programme pluriannuel pour la justice ont permis de mettre aux normes les infirmeries dans le cadre de la loi du 18 janvier 1994 relative à la prise en charge sanitaire des détenus (87,2 millions de francs), de rénover les quartiers de mineurs (25,4 millions de francs), de désamianter la maison darrêt de Fleury (75,8 millions de francs), de remettre en état des bâtiments et de mettre aux normes des installations techniques (558,6 millions de francs), détendre enfin les locaux des sièges des directions régionales (49 millions de francs).
En 1999, il est prévu de consacrer 200 millions de francs à la rénovation du parc existant selon la répartition suivante : 120 millions de francs sont destinés aux travaux de sauvegarde et dadaptation des bâtiments et de mise en conformité des installations techniques, 50 millions au programme de réhabilitation des grands établissements (Fleury-Mérogis, La Santé, Fresnes, Les Baumettes), 10 millions à laménagement dune nouvelle tranche de quartiers réservés aux mineurs et 20 millions au câblage informatique des établissements pénitentiaires (système G.I.D.E.).
II. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
Les dotations consacrées à la protection judiciaire de la jeunesse pour 1999 sélèvent à 2.770,8 millions de francs, soit une augmentation de 6,42 % par rapport à 1998. Rappelons que cette progression nétait que de 4,14 % en 1997 et de 1,47 % en 1996.
Cette hausse sensible des crédits est destinée à financer les priorités en matière de lutte contre la délinquance des mineurs définies par le conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998 et reprises dans la circulaire du 15 juillet 1998 adressée aux parquets.
Quelques mois après la publication du rapport de Mme Christine Lazerges et de M. Jean-Pierre Balduyck sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs, le Gouvernement a réuni le conseil de sécurité intérieure pour déterminer les principales orientations de la politique quil entend mener en la matière.
Cette politique sinscrit dans le cadre général de lordonnance du 2 février 1945 relative à lenfance délinquante, le Gouvernement souhaitant mettre en uvre toutes les possibilités offertes par la législation en vigueur, tant en ce qui concerne les mesures éducatives que les sanctions pénales . La remise en cause parfois évoquée de certains principes de lordonnance de 1945, comme lexcuse atténuante de minorité ou la double compétence du juge des enfants, en charge des mineurs victimes et des mineurs délinquants, est ainsi expressément écartée. Votre rapporteur pour avis se félicite de cette position de principe, la spécificité de la justice des mineurs garantie par lordonnance de 1945 étant une avancée démocratique quil convient de préserver à tout prix.
Le conseil de sécurité intérieure a mis laccent sur la nécessaire responsabilisation des parents : outre le lancement dune campagne nationale sur leur rôle éducatif, il a été décidé de convoquer systématiquement, à tous les stades de la procédure judiciaire, les parents denfants délinquants, afin de leur rappeler leur responsabilité ; les parents défaillants seront poursuivis, tout comme ceux qui encouragent la délinquance de leurs enfants. La politique de soutien aux familles en difficulté, arrêtée par la conférence de la famille du 12 juin 1998, devrait leur permettre dassumer dans de meilleures conditions leur rôle éducatif.
La circulaire adressée le 15 juillet dernier aux parquets reprend les orientations de politique pénale décidées dans le cadre du conseil de sécurité intérieure.
Des réponses rapides devront être données à tous les actes de délinquance. Pour ce faire, les procureurs de la République devront être informés en temps réel par les services de police et de gendarmerie de tous les faits commis par des mineurs. Ils pourront décider dun simple avertissement, délivré par les services de police ou de gendarmerie, dun classement sous condition ou dune mesure de réparation. Ils seront assistés dans cette tâche par des délégués (200 en 1998), issus de la société civile, qui interviendront notamment dans les maisons de justice et du droit.
Les mesures de réparation, qui permettent de faire comprendre aux mineurs la portée de leurs actes tout en répondant à lattente des victimes, devront être développées ; les collectivités locales seront incitées à participer à la réalisation de ces mesures. Lobjectif est de permettre de prendre en charge environ 2.000 mesures supplémentaires en 1999.
Pour permettre lexercice effectif des mesures de liberté surveillée ou de contrôle judiciaire, les capacités daccueil des centres de jour seront augmentées.
Les dispositifs dhébergement seront développés. Une cellule de coordination de laccueil durgence, associant le secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, le secteur associatif habilité et éventuellement laide sociale à lenfance devrait être mise en place dès septembre 1998 dans certains départements, en liaison avec les juridictions. Les placements familiaux seront encouragés et de nouveaux foyers seront ouverts dans le secteur public.
Le nombre de dispositifs éducatifs renforcés, qui permettent aux mineurs les plus difficiles de bénéficier dune présence permanente déducateurs au cours dun séjour dit de rupture , sera augmenté.
Ce renforcement de moyens devrait concerner vingt-six départements prioritaires où la délinquance des mineurs est la plus forte.
Enfin, il a été décidé dadapter les conditions dincarcération des mineurs. Pour cela, la carte pénitentiaire des établissements habilités à accueillir des mineurs sera réexaminée et des nouveaux quartiers seront aménagés, principalement en Ile-de-France.
Ces orientations nécessitant lassociation de tous les acteurs concernés, notamment celle des conseils généraux responsables des politiques de prévention et celle des municipalités, une vaste concertation devra sengager avec ces partenaires locaux. Les contrats locaux de sécurité, élaborés en application de la circulaire interministérielle du 28 octobre 1997, devront intégrer ces priorités.
Votre rapporteur pour avis soutient sans réserve ces nouvelles orientations. Il lui paraît en effet essentiel de traiter en temps réel toutes les incivilités et les faits délictueux et déviter les classements sans suite qui donne une image dinefficacité de la justice auprès des victimes comme des auteurs. Le développement des mesures de réparation, qui permettent de sortir du faux débat qui oppose prévention et répression en proposant des dispositifs à la fois répressifs et concourant à la réinsertion des mineurs délinquants, lui semble également très positif. Il regrette cependant que le travail dintérêt général, qui contribue également à recréer un lien entre le délinquant et la société civile, ne soit pas davantage valorisé, alors même que les condamnations à cette peine diminuent (- 8,34 % entre 1995 et 1996). Enfin, laccent mis sur la responsabilité parentale, notamment la convocation des parents de mineurs délinquants à tous les stades de la procédure judiciaire, lui paraît une excellente mesure propre à rappeler aux parents la nécessité dassumer leur rôle déducateur.
Le secteur associatif habilité
Les crédits destinés à la rémunération des prestations du secteur associatif habilité progressent en 1999 de 5,2 % pour atteindre 1.232,7 millions de francs, soit 44,5 % du budget de la protection judiciaire de la jeunesse. Laugmentation de 60,8 millions de francs par rapport à 1998 résulte dune part dune mesure dajustement (58 millions de francs) et dautre part de laccroissement de la dotation destinée aux mesures de réparation (2,8 millions de francs), conformément aux orientations décidées dans le cadre du conseil de sécurité intérieure.
Rappelons que le secteur associatif habilité prenait en charge au 1er janvier 1996 105.787 jeunes, dont 101.028 mineurs en danger, soit 76 % des jeunes suivis.
Le secteur public
Les crédits destinés au secteur public, avec 1.538,17 millions de francs, représentent 55,5 % du budget de la protection judiciaire de la jeunesse.
Outre la création de 150 emplois et des améliorations indemnitaires (voir ci-dessous), les mesures nouvelles concernent labondement des crédits de fonctionnement des services (19 millions de francs) qui permettra daccompagner ces créations demplois et de renforcer les prises en charge diversifiées des mineurs, laugmentation des subventions destinées aux associations développant des activités dinsertion intéressant la protection judiciaire de la jeunesse (1,3 millions de francs) et laccroissement des crédits dinvestissements, qui sélèveront en 1999 à 84 millions de francs en autorisations de programme et à 97 millions de francs en crédits de paiement ; cet accroissement financera notamment la construction de deux foyers dhébergement supplémentaires (14 millions de francs) à Melun-Sénart et Mulhouse et la poursuite de la rénovation et ladaptation détablissements anciens à Paris, dans les départements du Nord, du Pas de Calais, du Rhône et des Bouches du Rhône.
Sagissant plus particulièrement du développement des structures daccueil des mineurs, lessentiel des crédits supplémentaires (15 millions de francs) seront utilisés pour augmenter les capacités dhébergement, que ce soit en hébergement collectif avec louverture des deux nouveaux foyers mentionnés ci-dessus et la mise en place de sept dispositifs éducatifs renforcés, ce qui portera le nombre total de ces unités à vingt, ou en hébergement individualisé avec louverture de 75 places supplémentaires en famille daccueil ; enfin, les capacités daccueil du milieu ouvert seront renforcés avec la mise en place de 10 classes-relais (soit 100 à 150 mineurs déscolarisés pris en charge) et la création de nouveaux modules dinsertion dans les centres de jour.
Les créations demploi et les mesures indemnitaires
Le projet de loi de finances prévoit la création de 150 emplois supplémentaires, contre 100 emplois en 1998, se concentrant sur les deux thèmes suivants : le renforcement de la prise en charge des mineurs et lamélioration de lefficacité du service public au travers une déconcentration de la gestion des ressources humaines et de loutil informatique.
Parmi ces 150 emplois, 113 concernent des postes déducateurs ou chefs de service éducatif, 8 des secrétaires ou des adjoints administratifs (déconcentration de la gestion des personnels, informatique) et 12 sont liés au suivi médico-social des mineurs (psychologues, infirmiers).
Par ailleurs, la transformation de vingt emplois permettra dajouter à ces chiffres 13 agents administratifs et 7 agents techniques.
Les services de protection judiciaire de la jeunesse compteront donc en 1999 6.393 emplois, dont 3.067 éducateurs ou chefs de service éducatif.
Sagissant des mesures indemnitaires, le projet de loi de finances y consacre une dotation de 5,3 millions de francs. Un peu plus dun million sera destiné à la revalorisation de lindemnité pour travaux des dimanches et jours fériés (passage de 12 à 17 francs) et de lindemnité de surveillance de nuit (passage de 36 à 47 francs), tandis que les éducateurs et les chefs de service éducatif verront leur régime indemnitaire revalorisé de 100 francs par mois, pour un montant total de 3,74 millions de francs. Enfin, une provision de 500.000 francs est prévue pour la revalorisation du régime indemnitaire des directeurs afin de tenir compte de leurs charges et sujétions spécifiques.
Les observations des organisations syndicales
Consultées, comme chaque année, par votre rapporteur pour avis sur le projet de budget, les organisations syndicales lui ont fait les observations suivantes.
Tout en appréciant leffort budgétaire consenti en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse, elles ont regretté la faiblesse des créations demplois, soulignant notamment la quasi absence de postes administratifs pourtant essentiels pour le bon fonctionnement des services. Le syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse - F.E.N. (S.P.J.J.-F.E.N.) et le syndicat national des personnels de léducation surveillée - protection judiciaire de la jeunesse (S.N.P.E.S.-P.J.J.) ont demandé un recrutement exceptionnel déducateurs, en faisant valoir que le chiffre avancé par la Chancellerie (113) était très éloigné des propositions formulées par Mme Christine Lazerges et Jean-Pierre Balduyck dans leur rapport sur la prévention de la délinquance des mineurs (500 postes déducateurs, dassistantes sociales et de psychologues par an pendant six ans). Le S.P.J.J.-F.E.N a demandé le développement des emplois déducateurs-remplaçants au niveau régional, sur le modèle de ce qui existe à lÉducation nationale, afin de remédier à certaines difficultés de fonctionnement dues à la féminisation du corps.
Le syndicat national Force ouvrière de la protection judiciaire de la jeunesse (S.N.-F.O.-P.J.J.) et le S.N.P.E.S.-P.J.J. ont souhaité que le statut des personnels éducatifs soit modifié sur le modèle de ce qui a été fait à lÉducation nationale pour les instituteurs passés en catégorie A. Sagissant des primes, ces deux syndicats ont regretté que seuls les éducateurs et les directeurs bénéficient dune revalorisation, les autres catégories étant oubliées ; le S.N.P.E.S.-P.J. J. a proposé de transformer la prime de 100 francs pour les éducateurs, jugée insuffisante, en revalorisation indemnitaire pour tout les personnels.
Les organisations syndicales se sont toutes montrées réservées sur la création de classes-relais, considérant que ces structures devaient dépendre de lÉducation nationale et non de la protection judiciaire de la jeunesse. Tout en reconnaissant quun partenariat était indispensable, le S.P.J.J.-F.E.N. et le S.N.-F.O.-P.J.J. ont souligné que lobligation scolaire, à laquelle sont soumis les jeunes concernés par les classes-relais, relève de la responsabilité de lÉducation nationale.
Le S.P.J.J.-F.E.N. et le S.N.-F.O.-P.J. ont critiqué le recrutement des délégués du procureur, exprimant la crainte que ce recrutement rompt léquilibre entre le siège et le parquet et affaiblisse les droits de la défense.
Enfin, le syndicat national déducation et dadministration-Force ouvrière a dénoncé les conditions inacceptables dincarcération des mineurs et souhaité que la formation des éducateurs soit plus proche de la réalité, avec notamment un enseignement sur les droits de lhomme.
Lamélioration de la prise en charge médicale des mineurs fait partie des priorités définies par le conseil de sécurité intérieure à laquelle votre rapporteur pour avis est très attaché. Lexistence et la qualité du suivi médico-psychologique peuvent en effet être des éléments déterminants dans lévolution du mineur en danger ou du mineur délinquant.
Linsuffisance dinformation sur la santé des jeunes dont elle a la charge a conduit la direction de la protection judiciaire de la jeunesse à demander à lINSERM une enquête épidémiologique dont les résultats seront connus à lautomne et permettront de déterminer les actions à mener.
Cette insuffisance dinformation na pas empêché la protection judiciaire de la jeunesse de sintéresser depuis longtemps à ces questions et de chercher à travailler en liaison avec des équipes de professionnels de la santé. Elle sest fixé comme objectifs daméliorer la formation des personnels en matière de pharmaco-dépendance et de santé des mineurs et daider les associations qui prennent en charge les mineurs toxicomanes, associations dont les subventions ont récemment fortement diminué.
Souhaitant favoriser la liaison entre réponse éducative et réponse sanitaire, la protection judiciaire de la jeunesse va développer en 1999, à titre expérimental, des prises en charge conjointes dont les modalités seront arrêtées localement par les partenaires concernés.
En matière de santé mentale, plusieurs directions départementales travaillent en partenariat avec les services de psychiatrie infanto-juvénile et participent aux conférences régionales de santé. Cest le cas notamment dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, de la Moselle, des Vosges, de la Seine-Maritime et des Hauts-de-Seine qui ont signé des conventions de collaboration avec ces services. Certains départements engagent des efforts plus importants avec des détachements de personnels infirmiers ou médicaux des services hospitaliers vers des établissements éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse, comme à Millau. A Paris, un dispositif expert régional pour les adolescents difficiles a été mise en place par la protection judiciaire de la jeunesse et linstitut mutualiste Montsouris, présidé par le professeur Jeammet.
Une cellule de coordination entre la direction générale de la santé et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse est en cours de création afin de mettre en place des consultations de pédopsychiatrie dans un certain nombre de département parmi les vingt-six considérés comme prioritaires par le conseil de sécurité intérieure.
Le projet du budget pour 1999 traduit cette nouvelle priorité. Outre la création de six postes de psychologues et de six postes dinfirmiers ces derniers devant être partagés, il est vrai, avec ladministration pénitentiaire la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a obtenu un crédit supplémentaire de 3 millions de francs destiné aux vacations des médecins psychiatres.
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En conclusion, votre rapporteur pour avis se félicite de ce budget en forte progression qui donne la priorité aux mesures alternatives à lincarcération et à la réinsertion. Cet accroissement sensible des moyens financiers ne doit cependant pas conduire à faire limpasse sur une analyse globale des missions du service public judiciaire. Il importe notamment de définir clairement les finalités assignées aux services de protection judiciaire de la jeunesse et dapprofondir la réflexion sur les moyens de lutter contre la délinquance des mineurs, notamment par une politique de prévention menée très en amont auprès des enfants.
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Avant démettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé à laudition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, sest réjouie du fait que son ministère bénéficie, dans le cadre des engagements pris par le Gouvernement de mener une réforme densemble de la justice, dune progression encore plus marquée pour 1999 que pour lannée précédente. Après avoir souligné que les crédits totaux de la Justice augmenteraient en 1999 de 1 milliard 400 millions, soit une progression de 5,6 % dans un contexte de progression du budget général de lEtat de 2,3 %, elle a ajouté que la Justice bénéficierait de la plus forte création demplois parmi tous les ministères, 930 créations demplois contre 752 en 1998. Elle a indiqué que les mesures nouvelles affectées au fonctionnement des services sélevaient à 394 millions, soit 75 millions de plus quau budget 1998, précisant quen matière déquipements, la Justice se situait au premier rang après le secteur des transports pour les investissements civils directs de lEtat, avec 1,7 milliard dautorisations de programmes nouvelles et une augmentation des crédits de paiement de lordre de 13 %. Elle a enfin annoncé que des mesures substantielles avaient été prévues en faveur des personnels, avec plus de 70 millions de crédits indemnitaires et statutaires prévus pour 1999.
Sagissant des conditions de mise en uvre des politiques judiciaires, elle a souligné que la plupart des mesures innovantes en matière pénale serait financée au titre du chapitre des frais de justice, dont les crédits se montent à 1 milliard 776 millions de francs pour 1999, soit une hausse de 121 millions de francs et une mesure nouvelle de 42 millions de francs. Elle a fait observer que cette hausse devrait permettre lamélioration du contrôle judiciaire socio-éducatif, des enquêtes sociales ou de personnalités, le développement des alternatives aux poursuites avec la médiation pénale et les classements sous condition ainsi que la relance de la politique pénale daide aux victimes prévue par une circulaire du 13 juillet 1998.
Sagissant de la lutte contre la délinquance des mineurs, elle a expliqué que le Gouvernement avait arrêté ses orientations lors du Conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998, à la suite des travaux réalisés par la mission conduite par Madame Christine Lazerges et Monsieur Jean-Pierre Balduyck, une circulaire ayant été adressée le 15 juillet 1998 aux parquets. Dans ce cadre, elle a annoncé que 200 délégués des procureurs spécialisés en matière de mineurs seraient recrutés afin dapporter une réponse à tous les faits de délinquance commis par les mineurs, quelle que soit leur gravité, que les mesures de réparation seraient développées et que les dispositifs daccueil de jour et dhébergement seraient améliorés pour permettre de prendre en charge sans délai tous les jeunes adressés par les juges. Elle a par ailleurs fait part de laccroissement des moyens de la protection judiciaire de la jeunesse en vue de répondre à laugmentation du nombre de mineurs interpellés par les services de police et de gendarmerie, passé de 92.000 en 1993 à 126.000 en 1995 et à 154.400 en 1997. Elle a ainsi annoncé quune cellule de coordination de laccueil durgence associant le secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, le secteur associatif habilité et laide sociale à lenfance, en concertation avec les juridictions, serait mise en place dans 26 départements prioritaires. Enfin, elle a informé la Commission que le nombre des dispositifs éducatifs renforcés permettant dorganiser des séjours de rupture pour les mineurs les plus difficiles passerait de treize à vingt dici fin 1999. Elle a également indiqué que la protection judiciaire de la jeunesse connaîtrait pour 1999 le plus fort taux annuel daugmentation de ses effectifs depuis 1982, avec 150 créations demplois, dont 113 déducateurs et de chefs de service éducatif, et que ses crédits de fonctionnement augmenteraient de 6,8 %, soit une hausse de 19 millions de francs, les crédits dinvestissements affectés entre autres à la création de nouveaux foyers dhébergement et à la rénovation des foyers existants sélevant pour leur part à 97 millions de francs.
La garde des Sceaux a ensuite précisé les orientations de sa politique vis-à-vis des services pénitentiaires. Rappelant quelle avait présenté en conseil des ministres le 8 avril 1998 une communication sur le rôle et la place des services pénitentiaires dans lamélioration de lexécution des décisions de justice, elle a déploré la surpopulation carcérale, précisant que le nombre des détenus au 1er juillet 1998 était de 57.458 tandis que la durée moyenne dincarcération continuait de sallonger, passant de 7,8 mois en 1996 à 8,1 mois en 1997. Elle a, en outre, fait état de laugmentation des publics suivis en milieu ouvert avec un effectif de 123.000 personnes en 1997, soit une augmentation de 5 % par rapport à 1996. Annonçant un taux de croissance du budget de ladministration pénitentiaire proche de 6 % avec 344 créations demplois dont 220 de personnels de surveillance, elle a indiqué que 11,7 millions de francs seraient consacrés à lamélioration de la situation indemnitaire ou statutaire de ces personnels. Elle a ensuite précisé quelle souhaitait améliorer la prise en charge des détenus tout en développant des alternatives à lincarcération. Sagissant des conditions de détention, elle a déclaré quelle souhaitait généraliser la mise en place dun projet dexécution des peines, reconsidérer les conditions de détention des prévenus, améliorer les conditions dhygiène et lassistance accordée aux indigents à leur entrée et à leur sortie de prison, maintenir les liens familiaux en réfléchissant à la mise en place des unités de visite familiale pour les établissements de longue peine, augmenter le nombre de postes de surveillants affectés aux quartiers des mineurs, poursuivre la modernisation du parc pénitentiaire avec la construction de trois nouveaux établissements à Lille, Toulouse et Le Pontet, et entamer la rénovation des établissements anciens, dont Fresnes, Fleury, La Santé, Loos et les Baumettes. Enfin, évoquant le développement des alternatives à lincarcération, elle a considéré que la réforme en cours des services pénitentiaires dinsertion et de probation fondée sur la mise en place dune organisation unique à compétence départementale et la création de 78 emplois nouveaux pour 1999 devait améliorer le fonctionnement des services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires et des comités de probation et dassistance aux libérés. Elle a, par ailleurs, indiqué que les sites de Metz-Barrès et des Baumettes avaient été retenus pour la réalisation de centres pour peines aménagées qui ont pour objet daméliorer la prise en charge des détenus de courte peine et a ajouté que des études pour la mise en uvre du placement sous surveillance électronique institué par la loi du 19 décembre 1997 étaient actuellement en cours.
Evoquant tout dabord les crédits budgétaires afférant à la protection judiciaire de la jeunesse, le rapporteur pour avis a souligné que la priorité devrait porter sur le traitement de la délinquance des mineurs et se traduire par la mise en place de réponses judiciaires plus rapides, par le raccourcissement des délais pour lapplication des mesures de prise en charge, par laccroissement du suivi médico-psychiatrique et enfin par laugmentation du nombre de mesures de réparation. Il a, toutefois, insisté sur le fait que le problème de la délinquance des mineurs était inséparable de celui de lenfance en danger, ajoutant quil devait recevoir une réponse globale associant notamment les parents, lesquels doivent renouer avec leurs responsabilités dans la chaîne de lautorité. Sagissant des crédits consacrés à ladministration pénitentiaire, il a évoqué lamélioration de la prise en charge des détenus lors de leur sortie de prison, lamélioration des conditions de travail des personnels, la nécessaire rénovation détablissements pénitentiaires trop souvent vétustes et le développement des alternatives à lincarcération. Le rapporteur a ensuite interrogé la garde des sceaux sur des éventuels recrutements en surnombre afin de compenser les départs en retraite des personnels de surveillance, liés à la bonification du cinquième, estimant, par ailleurs, quenviron 250 agents de ladministration pénitentiaire, exerçant actuellement des tâches administratives, pourraient être réaffectés à des missions de surveillance. Il a également souhaité connaître le délai dachèvement de la réforme statutaire des personnels techniques, ainsi que létat davancement de la revalorisation des indemnités des personnels administratifs et de la construction dun septième établissement pénitentiaire. Après avoir déploré le délabrement et la vétusté des prisons de Lyon, il a souhaité obtenir des précisions sur les réflexions du ministère concernant lavenir de ces établissements. Enfin, le rapporteur a attiré lattention de la garde des sceaux sur le dossier de lextraction des détenus en cas de consultation hospitalière, indiquant que celui-ci devrait, au plus tôt, faire lobjet dun accord entre le ministère de lintérieur et celui de la justice, conformément aux conclusions du rapport confié à M. Guy Fougier.
M. Renaud Donnedieu de Vabres a rappelé que lopposition, tout en plaidant pour une stabilisation en francs constants des dépenses publiques, estimait néanmoins que les grandes fonctions régaliennes constituaient une priorité. A cet égard, il sest interrogé sur lopportunité de proposer au Parlement une programmation pluriannuelle afin de mesurer les besoins et de planifier les moyens budgétaires correspondant. Reconnaissant que les lois de programmation faisaient lobjet dune application souvent aléatoire, il a cependant fait valoir que celles-ci constituaient un instrument utile pour les ministères dépensiers au moment des arbitrages budgétaires.
M. Louis Mermaz sest dabord félicité de laugmentation du budget de la justice qui permet de combler une partie du retard accumulé ces dernières années. Tout en approuvant les différentes mesures évoquées par la ministre pour lutter contre la délinquance des mineurs, il a estimé nécessaire de mettre en place un suivi médico-psychologique de cette population. Il a ensuite souhaité savoir si la réforme des cours dassises était abandonnée. Après avoir considéré quil y avait trop de détenus dans les prisons françaises, il a suggéré que lon réfléchisse aux moyens dhumaniser les conditions de détention des personnes condamnées à perpétuité, faisant valoir que la peine de mort navait pas été supprimée pour être remplacée par une mort à petit feu .
, M. Jean-Luc Warsmann sest déclaré sceptique sur lefficacité du budget proposé. Evoquant le nombre de mineurs interpellés, il sest demandé si les mesures prévues étaient à la hauteur des difficultés que connaissent certains quartiers. Il a, enfin, fait référence au malaise de ladministration pénitentiaire, qui sest traduit récemment par des mouvements de protestation.
Après sêtre félicité de laugmentation du budget de la justice, M. Alain Tourret a estimé nécessaire que les prévenus puissent, comme les condamnés, disposer de cellules individuelles. Faisant valoir que la justice devait participer à laménagement du territoire, il sest inquiété du fait que les pouvoirs publics envisagent de supprimer des tribunaux et des postes de police ou de gendarmerie dans sa circonscription.
Après avoir fait part de sa satisfaction de voir le budget de la justice augmenter, M. Jacky Darne a néanmoins remarqué que quelques points faibles demeuraient concernant en particulier le suivi des décisions de justice. Il a insisté sur la nécessité de renforcer leffort en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse. Après avoir constaté que la prison nassurait pas correctement sa fonction de dissuasion et de réinsertion, ce qui conduit à de nombreuses récidives, il a souhaité que soient développées des mesures dévaluation pour remédier à ces faiblesses du système. Il a ajouté que le suivi psychologique et psychiatrique était nettement insuffisant, jugeant quil convenait, là aussi, de prendre les dispositions adéquates.
Considérant que létablissement pénitentiaire de la Guadeloupe nétait pas suffisamment sûr et soulignant que lon y observait bon nombre dévasions, M. Ernest Moutoussamy a demandé à la ministre de lui faire connaître quels étaient les moyens qui pourraient être dégagés pour améliorer cette situation.
Mme Christine Lazerges a exprimé tout dabord sa satisfaction de voir que, dans la circulaire du 15 juillet 1998, un grand nombre de ses propositions avaient été reprises. Elle a jugé que la création de 200 postes de délégués du Procureur était suffisante pour une première année, soulignant quil convenait dorganiser sérieusement leur recrutement et leur formation. En revanche, elle a considéré que la création de 150 postes nouveaux pour la protection judiciaire de la jeunesse était en deçà des véritables besoins quelle a évalués à 300 postes. Par ailleurs, relevant la création à Toulouse dun quartier pour lemprisonnement des mineurs doté de 50 places, alors que leffectif maximal devrait être de 25 pour quun tel quartier fonctionne dans des conditions satisfaisantes, elle sest demandé sil ne sagissait pas en fait de deux quartiers. Concernant la prison, elle sest félicitée des moyens mis en uvre pour une meilleure organisation du temps de détention et a émis le vu que ces moyens soient également à disposition de la protection judiciaire de la jeunesse au sortir des maisons darrêt. Enfin, elle a souhaité savoir si les 3 millions de francs affectés à la médiation familiale permettraient la mise en place de nouvelles associations orientées vers la médiation ou favorisant la réparation.
En réponse aux questions des commissaires, la ministre de la justice a apporté les précisions suivantes sur les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse :
Il est nécessaire dattendre lévaluation du coût des trois établissements pénitentiaires prévus dans la première tranche du programme de construction pour savoir si le ministère dispose de moyens suffisants pour construire un septième établissement qui, en tout état de cause, ne dépassera pas 400 places, puisque son budget ne peut être supérieur à 300 millions de francs.
Les personnels de surveillance, qui exercent un métier très difficile, ne se sentent pas suffisamment reconnus. Il existe sans doute une insuffisance des effectifs mais ce corps connaît également un très fort taux dabsentéisme, reconnu par les syndicats eux-mêmes, qui résulte souvent de linsuffisance du dialogue social. Lobjectif du ministère est de ramener les 200 personnels de surveillance affectés à des tâches administratives à des postes de surveillance dans le cadre du programme de gestion informatisée des détenus en établissement (G.I.D.E.). Sagissant de la compensation des départs anticipés à la retraite, les 502 postes délèves-surveillants en surnombre que le ministère vient dobtenir permettront de régler le problème pour cette année.
Concernant la provision de 7,4 millions de francs destinée au régime indemnitaire des personnels administratifs, seul laccord du ministère de la fonction publique est encore nécessaire pour pouvoir débloquer cette somme, le ministère du budget ayant donné son feu vert.
Les extractions pour consultation dans les hôpitaux suscitent de réelles difficultés, les réticences de la police et de la gendarmerie pour assurer la sécurité des escortes étant de plus en plus fortes.
Il est difficile dassurer la visibilité des grandes décisions prises en matière de politique pénitentiaire, personne ne voulant voir ce qui se passe dans les prisons. Il convient cependant de noter quune communication a eu lieu en Conseil des ministres le 8 avril dernier et que le Conseil supérieur de ladministration pénitentiaire sest réuni cette année pour la première fois depuis douze ans.
Lenveloppe financière consacrée à la médiation familiale a été multipliée par deux et les emplois destinés à la protection judiciaire de la jeunesse ont fortement augmenté, mais il est difficile de combler les déficits accumulés les années précédentes.
Les dispositifs durgence mis en place dans les vingt-six départements prioritaires permettront une meilleure articulation entre les différents services qui concourent à la protection de la jeunesse. La diversification des modes daccueil, la création des délégués du procureur et les mesures de simplification de la procédure pénale permettront dapporter une réponse mieux adaptée et plus systématique aux actes de délinquance.
Pour être effectives, les mesures de réparation, notamment le travail dintérêt général, nécessitent la collaboration des collectivités locales. Elles doivent être organisées dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Une réflexion est actuellement en cours avec les présidents de conseils généraux, qui sont chargés de la prévention de la délinquance, pour arriver à une meilleure articulation avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse.
Léducation nationale a largement contribué à la création de classes-relais. Mais il faut avoir conscience quon ne peut pas tout demander à la justice, notamment de régler le problème des incivilités.
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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République a émis un avis favorable à ladoption des crédits de la justice pour 1999 concernant les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse.
ORGANISATIONS SYNDICALES
REÇUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS
U.F.A.P. (Union fédérale autonome pénitentiaire)
U.S.P. (Union des syndicats pénitentiaires)
F.O. Personnels de surveillance
F.O. Personnels administratifs
F.O. Personnels techniques
F.O. Personnels de direction
S.N.E.P.A.P. F.E.N. (Syndicat national de lensemble des personnels de léducation pénitentiaire F.E.N.)
S.N.P.E.S. P.J.J. (Syndicat national des personnels de léducation surveillée P.J.J.)
S.P.J.J. F.E.N. (Syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse F.E.N.)
S.N.E.A. F.O. (Syndicat national déducation et dadministration F.O.)
S.N.F.O. P.J.J. (Syndicat national Force ouvrière de la protection judiciaire de la jeunesse)
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