
N° 1115
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078),
TOME VII
OUTRE-MER
DÉPARTEMENTS DOUTRE-MER
PAR M. JÉRÔME LAMBERT,
Député.
(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.
La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.
INTRODUCTION 5
I. LÉVOLUTION DES D.O.M. DEPUIS LES LOIS DE DÉCENTRALISATION 6
A. UN FORT RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE, ASSURANT UN BON NIVEAU DE REVENUS 6
1. Une croissance forte, quoique devenue moins régulière 7
2. Un niveau de vie supérieur à celui de lenvironnement 9
3. Une structure économique qui se rapproche de celle de la métropole 12
4. Une croissance soutenue par des transferts publics réguliers 13
B. DES DÉSÉQUILIBRES ÉCONOMIQUES DÉBOUCHANT SUR DES TENSIONS SOCIALES 15
1. Une capacité encore insuffisante de lappareil productif 15
2. Le dynamisme démographique 16
3. Un niveau élevé de chômage structurel 19
4. Du chômage à la précarité 20
C. LE DÉBAT INSTITUTIONNEL ET LALIGNEMENT JURIDIQUE 22
1. La décentralisation : prévalence du principe dassimilation et difficultés financières 22
2. Lapplication du droit communautaire : consolidation progressive du principe dadaptation 27
3. La réalisation progressive de légalité sociale 31
4. La poursuite de lalignement juridique 32
II. LE RÔLE DU SECRÉTARIAT DÉTAT À LOUTRE-MER : LÉVOLUTION DE SON RÔLE, LA CROISSANCE DE SON BUDGET, SES CHANTIERS POUR 1999 34
A. LE SECRÉTARIAT À LOUTRE-MER : UN RÔLE RECENTRÉ SUR LACTION BUDGÉTAIRE 35
1. Une mission de souveraineté : assurer la présence de la République et le respect de la loi outre-mer 36
2. Une mission de développement économique et social outre-mer 38
B. UN BUDGET RENFORCÉ POUR 1999 39
1. Des évolutions densemble très dynamiques 39
2. Les principales dotations relatives aux D.O.M. 46
C. LÉVOLUTION DU STATUT DE MAYOTTE ET LES RÉFLEXIONS INSTITUTIONNELLES DANS LES D.O.M. 53
1. Mayotte : une société et une économie en développement rapide 53
2. La nécessité dune réforme prochaine du statut de Mayotte 58
3. La question de la bidépartementalisation à la Réunion 60
EXAMEN EN COMMISSION 62
MESDAMES, MESSIEURS,
Le secrétariat dEtat à loutre-mer est traditionnellement un organe de coordination, délaboration juridique et dimpulsion interministérielle. Il est aussi, et de plus en plus, un organe dintervention économique. Son budget dintervention et dinvestissement est devenu significatif et dispose dun atout : sa concentration sur un nombre limité dobjectifs prioritaires, tenant compte de la situation particulière de loutre-mer français. Ses points forts sont les aides à lemploi, linsertion et le logement social.
Or ces priorités rejoignent celles que le Gouvernement a assignées au budget de la Nation : croissance, emploi, justice sociale. Cest pourquoi, pour la deuxième année consécutive, les crédits que le secrétariat dEtat prévoit de consacrer aux départements et collectivités territoriales doutre-mer connaissent une impressionnante progression. Ils atteignent 4,56 milliards de francs, en croissance de 10 % sur un an et de presque 30 % par rapport à 1997.
Cette année, le budget de loutre-mer ne faisant lobjet daucun changement de périmètre, cette évolution correspond à un renforcement effectif des moyens.
De même, la part relative aux D.O.M. sera lélément dynamique de leffort budgétaire global en faveur de loutre-mer : 40,4 milliards de francs, en augmentation de 3,6 %, sur un total de 51,2 milliards de francs.
Les priorités retenues avec constance dans le projet de budget pour 1999 trouvent leur pleine légitimité si lon replace lévolution des départements doutre-mer dans une perspective de long terme, comme y invite le grand débat organisé à lAssemblée nationale le 23 octobre prochain.
Pour comprendre la situation actuelle des quatre départements et des deux collectivités territoriales doutre-mer, pour porter un jugement sur les politiques publiques qui y sont conduites, une remise en perspective à long terme simpose. Mais jusquoù remonter dans le temps pour trouver un point de comparaison pertinent ? Choisir 1946, année de la départementalisation, ou les dernières des trente glorieuses , au début des années soixante-dix, aurait conduit à sous-estimer les fluctuations les plus récentes et les problèmes daujourdhui.
Lannée 1982 paraît le point de départ le plus significatif. Les conséquences des grandes lois de décentralisation de 1982-1983 sont au cur de la problématique institutionnelle de loutre-mer, même à Mayotte qui vit encore sous le régime antérieur à la décentralisation. 1982, cest aussi lannée où se retournent les flux migratoires entre les D.O.M. et lextérieur, aggravant la croissance démographique de ces derniers. Avec larrivée à lâge actif des classes dâges nées depuis 1960, le dynamisme démographique, datout économique, est devenu un défi sur le plan social. Enfin, 1982 marque pour léconomie des D.O.M. la sortie du choc pétrolier des années 1979-1981. Prendre comme base de comparaison les performances économiques de 1980, par exemple, année très médiocre, aurait probablement faussé lanalyse, en surestimant le chemin parcouru.
Les tensions sociales et des déséquilibres économiques persistants font parfois oublier les performances économiques remarquables, depuis la départementalisation, et même depuis la décentralisation. Une approche à long terme est désormais possible sur des bases solides, depuis quen 1997, lI.N.S.E.E. a publié 25 ans de comptes économiques des départements doutre-mer. 1970-1994 (1). Pour Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, en revanche, il nexiste pas de données économiques harmonisées, surtout pour le long terme.
a) Croissance et turbulences
De la départementalisation à la fin des années soixante-dix, la croissance économique des D.O.M. a été remarquablement soutenue. Ce nest quavec le deuxième choc pétrolier que souvre une période plus erratique. Les économies domiennes , très ouvertes, ont été touchées brutalement par le ralentissement économique mondial, avant de connaître un redressement bien plus vif quen métropole.
Lannée 1980 ayant été marquée par une baisse de 2 % en volume du produit intérieur brut (P.I.B.) des quatre D.O.M., 1982 est une année de rattrapage : + 7,2 %. Souvre alors un cycle au profil très accusé, la croissance saccélérant à la faveur du contre-choc pétrolier et des mesures de défiscalisation des investissements, jusquà un point haut en 1987 (+ 10,7 %). Durant cette période, la croissance a été en moyenne de 5,9 % lan. Elle sest ensuite essoufflée progressivement, jusquà une récession en 1996 (- 1,6 %). Les années les plus récentes sont celles dun redressement progressif, mais lent.
b) Croissance plus forte quen métropole
Or la soumission plus marquée aux cycles économiques mondiaux nempêche pas le maintien dun dynamisme économique des D.O.M. supérieur à celui de la métropole. 1993 excepté, leur croissance globale à prix constant est demeurée supérieure à celle du territoire métropolitain. Cest pourquoi le P.I.B. des D.O.M., qui équivalait à 0,84 % du P.I.B. de la métropole en 1982, sest accru progressivement jusquà en représenter 1,19 % douze ans plus tard, en 1994. Les indicateurs économiques disponibles sur les années les plus récentes laissent à penser que le rattrapage se poursuit.
c) Décalages conjoncturels
Le niveau de développement de loutre-mer français est relativement homogène, sous réserve des particularités locales, qui expliquent des profils de croissance différents.
Cest la Guyane, partie du niveau le plus bas, qui a connu à la fois le profil dactivité le plus heurté et la croissance la plus vigoureuse, tirée par le centre spatial guyanais. En labsence dun tissu économique solide et diversifié, elle a connu des à-coups brutaux : 15,2 % pour le P.I.B. en volume en 1986, + 29,9 % en 1988. Mais sa part dans le P.I.B. total des D.O.M. est montée de 6 % en 1982 à 9,4 % en 1994.
A la Réunion, lexpansion a été la moins irrégulière et la plus équilibrée des D.O.M., de sorte que léconomie réunionnaise a maintenu au-dessus de 40 % son poids dans le total du P.I.B. des D.O.M.
En revanche, Guadeloupe et Martinique, affrontées à la concurrence des producteurs de banane de la zone dollar pratiquant le dumping social , ont connu plusieurs années de croissance faible ou négative, et leur part relative dans léconomie des D.O.M. sest érodée.
ÉVOLUTION DU PRODUIT INTÉRIEUR BRUT DES D.O.M.
(en milliards de francs)
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1982
|
1994
|
Guadeloupe
|
7,52
|
19,75
|
Martinique
|
8,85
|
24,51
|
Guyane
|
1,83
|
8,23
|
Réunion
|
12,29
|
35,27
|
Total des D.O.M.
|
30,48
|
87,75
|
Métropole
|
3626
|
7389,65
|
PIB des D.O.M./PIB métropole
|
0,84 %
|
1,19 %
|
Source : INSEE
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Sagissant des collectivités territoriales, le décalage est très grand avec Mayotte, sur laquelle des statistiques harmonisées ne sont pas disponibles. Le niveau de vie, estimé au voisinage de 10.000 F par habitant et par an en fin de période, est plus proche de celui de lIle Maurice que de la Réunion. Son évolution est commentée ci-après, en pages 53 et suivantes.
A Saint-Pierre-et-Miquelon, au contraire, le niveau de vie est supérieur à celui des D.O.M., et approche celui du voisin canadien. La croissance de léconomie locale, qui reposait en quasi-totalité sur la pêche à la morue, a subi un coup darrêt brutal, avec la décision arbitrale internationale de New-York du 10 juin 1992 réduisant la zone de la pêche hauturière. La recherche dactivités de remplacement a connu bien des mécomptes, dont en 1997 léchec dune unité de pêche aux pétoncles. Mais la pêche, à la fois artisanale, qui sest diversifiée, et industrielle se redresse progressivement. Le tourisme se développe, et le bâtiment et les travaux publics représentent désormais une part considérable de léconomie de larchipel.
Malgré le dynamisme démographique, le processus de développement a assuré une hausse significative du revenu par habitant. Outre son évolution, il convient dinsister sur son niveau élevé.
a) Rattrapage progressif du niveau de revenu de métropole
Le revenu disponible brut des ménages par habitant des départements doutre-mer représentait encore 37,1 % de celui de la métropole en 1970. En 1982, il était de 22.800 F, soit 47 % de celui de la métropole (46.800 F). Dès 1993, il atteignait 57 % du revenu moyen de métropole (49.400 F contre 86.600 F) (2). Le rattrapage est donc rapide, même en fin de période, en dépit dune croissance économique ralentie.
Le revenu moyen dans les D.O.M., à peine supérieur au tiers de ce quil était en métropole en 1970, en a dépassé la moitié en 1987. Si le rythme de la dernière décennie se maintient, il représentera les deux-tiers du revenu de métropole vers 2003-2004.
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REVENU DISPONIBLE BRUT DES MÉNAGES
DES DÉPARTEMENTS DOUTRE-MER
(Valeur par habitant, en francs)
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1982
|
1993
|
Guadeloupe
|
21.759
|
46.693
|
Martinique
|
24.645
|
55.301
|
Guyane
|
21.477
|
44.992
|
Réunion
|
22.566
|
48.641
|
D.O.M.
|
22.833
|
49.417
|
Métropole
|
48.602
|
86.648
|
R.D.B. par habitant des D.O.M/R.D.B. par habitant de métropole
|
47 %
|
57 %
|
Source : INSEE.
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b) Développement de lépargne
Ce rattrapage saccompagne, depuis le début des années quatre-vingt-dix, dune mutation dans laffectation, par les ménages, de leur revenu. Le taux dépargne des ménages (3) est longtemps demeuré deux fois plus faible dans les D.O.M. quen métropole : en 1982, ce taux était de 6,8 % dans les D.O.M. et de 17,3 % en métropole. La montée du niveau de revenu outre-mer, jointe à un certain attentisme des agents économiques, tandis que lépargne fléchissait en métropole, ont conduit en 1993 à un même niveau dépargne : 14, 3 % dans les D.O.M., contre 14,1 % en France métropolitaine.
Ce phénomène, sil se maintenait durablement, serait le signe très encourageant de lémergence dune capacité de financement des investissements interne aux D.O.M.
c) Un niveau de revenu comparativement enviable
Par rapport aux pays environnants, la comparaison est flatteuse. Partis dun niveau supérieur, les D.O.M. ont souvent su assurer une meilleure évolution de leur revenu par habitant depuis 1982. Le tableau ci-après tente den donner un aperçu, par-delà les incertitudes statistiques et la diversité des situations économiques et démographiques.
Lhomogénéité des résultats des quatre D.O.M. est dabord manifeste. Le P.N.B. de la Guadeloupe est à peine inférieur dun quart à celui de la Martinique qui a bénéficié dune moindre croissance démographique (+ 16 % en douze ans, contre + 25 % pour la Guadeloupe et la Réunion).
Le niveau de revenu est nettement supérieur à celui de tous les voisins et concurrents, à lexception des Bahamas, qui bénéficient dune sorte de rente de situation, grâce au voisinage des Etats-Unis, dont profitent leurs installations touristiques et leurs établissements bancaires.
La comparaison de la situation des D.O.M. avec celle de grands Etats comme le Brésil ou le Venezuela serait encore plus flatteuse. Le contraste le plus violent et le plus dramatique apparaît entre Madagascar et la Réunion.
POPULATION ET P.N.B. PAR HABITANT :
COMPARAISON DES D.O.M. ET DES PAYS ENVIRONNANTS
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Population moyenne
(en milliers de personnes)
|
Produit national brut par habitant
(en dollars)
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1982
|
1994
|
1982
|
1994
|
Taux de croissance moyen (en %)
|
Amérique latine et Caraïbes :
Guadeloupe
|
331
|
414
|
3.387
|
8.356
|
+ 7,8
|
Guyane
|
75
|
144
|
3.804
|
9.402
|
+ 7,8
|
Martinique
|
328
|
381
|
4.051
|
11.108
|
+ 8,8
|
Bahamas
|
218
|
272
|
3.838
|
11.790
|
+ 9,8
|
Barbade
|
251
|
261
|
3.830
|
6.530
|
+ 4,5
|
Dominique
|
80
|
71
|
940
|
2.830
|
+ 9,6
|
République dominicaine
|
5.744
|
7.684
|
1.340
|
1.320
|
0,1
|
Grenade
|
113
|
92
|
940
|
2.620
|
+ 8,9
|
Guyana
|
798
|
825
|
590
|
530
|
0,9
|
Jamaïque
|
2.246
|
2.496
|
1.240
|
1.420
|
+ 1,1
|
Porto Rico
|
3.259
|
3.645
|
3.720
|
7.534
|
+ 6,1
|
Sainte-Lucie
|
123
|
145
|
1.040
|
3.450
|
+ 10,5
|
Saint-Vincent
|
101
|
111
|
770
|
2.120
|
+ 8,8
|
Océan indien :
Réunion
|
518
|
648
|
3.607
|
9.597
|
+ 8,5
|
Madagascar
|
9.200
|
13.101
|
320
|
230
|
2,7
|
Maurice
|
985
|
1.104
|
1.230
|
3.180
|
+ 8,2
|
Seychelles
|
64
|
73
|
2.370
|
6.210
|
+ 8,4
|
Source : Daprès INSEE.
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Quant à lévolution du revenu par habitant, elle est également très homogène dans les D.O.M. sur la période récente, comme elle létait depuis 1970, Guyane exceptée. Son taux de croissance annuel moyen entre 1982 et 1994 est voisin de 8 %, les meilleures performances étant à mettre au crédit de la Martinique et de la Réunion.
Quelques concurrents réussissent cependant de meilleures performances. Ce sont généralement des pays moins peuplés, où la croissance démographique est inversée (Dominique, Grenade) ou au moins maîtrisée. Ce sont aussi des Etats qui savent valoriser leur potentiel touristique (Seychelles, Ile Maurice, Bahamas).
a) Renforcement des branches marchandes
Le poids de léconomie marchande se renforce dans les D.O.M. depuis le milieu des années quatre-vingts.
Au sein du produit intérieur brut total, la part de la valeur ajoutée non marchande est un bon indicateur du poids des administrations publiques. Il est traditionnellement très élevé dans les pays et les zones ayant peu de capacité autonome de développement. Au début des années 1970, il était deux fois et demie supérieur dans les D.O.M. à son niveau de métropole. Deux périodes nettement tranchées apparaissent depuis lors. La part relative de la valeur ajoutée non marchande sest progressivement accrue jusquau début des années 1980, aussi bien en métropole que dans les D.O.M.
Mais, depuis 1981, et plus nettement à partir de 1985, elle connaît une décrue outre-mer, revenant de 36 % de la valeur ajoutée totale à moins de 30 %. La part de la sphère publique des D.O.M. satténue donc et se rapproche de celle de métropole, où la valeur ajoutée non-marchande est proche de 18,5 % du total.
Le rôle des administrations publiques demeure cependant très important : elles distribuent encore près de 40 % des rémunérations des ménages. Quant à Mayotte, le poids de ladministration et de la commande publique dans lactivité économique sont prépondérants. A Saint-Pierre-et-Miquelon, il sest sensiblement renforcé depuis 1993.
b) Transition vers une économie de services
Au sein des branches marchandes, le recul de lagriculture et la progression des services sont également un signe de développement très positif.
· Encore prédominante à la Guadeloupe et à la Martinique dans les années soixante-dix, lagriculture a fortement reculé, en-deçà de 5 % de la valeur ajoutée marchande à partir de 1993. Sa part est traditionnellement plus faible à la Réunion ; elle est à peine supérieure à celle constatée en métropole : 3,2 % en 1993 contre 2,5 % en métropole.
· Lindustrie, dune part, et le bâtiment et les travaux publics (B.T.P.), dautre part, régressaient en valeur relative depuis 1970. Après 1982, leur part dans la valeur ajoutée des branches marchandes sest redressée, jusquà dépasser globalement le niveau de 1970. La part de lindustrie (y compris agro-alimentaire et énergie) est passée de 8,4 % en 1982 à 11,7 % en 1993, celle du B.T.P. de 5,3 % à 6,3 %, en dépit dun léger fléchissement entre 1991 et 1993.
· Davantage encore que lévolution du secteur secondaire, la montée du tertiaire est la plus significative : elle montre lémergence dune économie de services, comme en métropole. Comme on vient de le souligner, que ce soit aux Antilles ou dans lOcéan Indien, les bonnes performances économiques sont le fait de pays ayant mis en valeur leurs atouts touristiques.
Si le commerce a maintenu sa place autour de 16 % de la valeur ajoutée des D.O.M., les services marchands se sont encore renforcés. Entre 1970 et 1982, leur part avait crû de près de 10 points, pour dépasser 34 %. En 1993, elle approchait 38 %, soit seulement 4 à 5 points de moins quen métropole, où la part des services marchands est inférieure à 43 % du total de la valeur ajoutée.
c) Fort investissement privé
La rentabilité des entreprises, mesurée par le taux de marge des sociétés non financières, est désormais assez proche de celle constatée en métropole, mais a beaucoup fluctué au cours de la période, ce qui contribue à expliquer le nombre élevé des défaillances dentreprises.
Cette volatilité sest en partie reflétée dans les variations de linvestissement des entreprises privées domiennes , qui a oscillé depuis 1982, selon les années, entre le quart et le tiers de leur valeur ajoutée. Pourtant, ces entreprises ont toujours maintenu un niveau dinvestissement très supérieur à celui de leurs homologues métropolitains, lequel, compris entre 19 % et 16 %, tendait dailleurs à fléchir malgré une très bonne santé financière. Ce taux élevé de linvestissement privé dans les quatre D.O.M. est un gage pour lavenir.
Les transferts publics de lEtat nont pas sensiblement varié au cours de la période au profit des D.O.M. On ne peut donc pas dire que leurs bons résultats économiques aient été obtenus artificiellement par un effort accru de la métropole.
Si, comme le fait lI.N.S.E.E., lon mesure les transferts de la métropole vers les D.O.M. par la différence entre les dépenses et les recettes enregistrées localement par les administrations dEtat et de sécurité sociale, on constate une stabilité densemble. Les dépenses sont supérieures de 40 % environ aux recettes prélevées. Compte tenu dune baisse tendancielle assez forte en Guyane, le taux a baissé jusquà un point bas en 1988, avant de se relever, pour dépasser 41 % en 1993, du fait de lévolution des transferts en Guyane et à la Réunion.
Le niveau des transferts est structurellement supérieur dans ces deux départements, au-dessus de 40 %. En 1993, des taux très élevés, révélateurs de difficultés sociales, ont été constatés : 43 % en Guyane et 48,3 % à la Réunion. Aux Antilles, le taux de transfert est plus proche de 35 %. Au cours des années récentes, il a eu tendance à fléchir à la Martinique, pour sétablir à 30,7 % en 1994, et à se redresser à la Guadeloupe : 38,5 % la même année.
En valeur, les transferts publics représentaient en 1993 près de 35 milliards de francs injectés dans léconomie des quatre départements doutre-mer. Ce montant peut être comparé à leur produit intérieur brut, qui totalise la valeur ajoutée de lensemble des agents économiques, évalué à 84 milliards de francs pour la même année. Les transferts, on laura bien noté, correspondent à la fois à des dépenses et à de moindres prélèvements. Cest ainsi que les prélèvements obligatoires sont plus faibles de 8 à 10 points dans les D.O.M. quen métropole. Une fiscalité spécifique et divers mécanismes dallégements de charges sociales y contribuent.
A qui bénéficient ces transferts ? Dabord aux ménages, sous forme de rémunérations de la fonction publique et de prestations sociales. Celles-ci représentent désormais plus de 35 % du revenu disponible brut des ménages domiens (36,6 % en 1993), alors quelles oscillent entre 30 % et 32 % en métropole. Cest à la Réunion, où le poids du R.M.I. est considérable, que les prestations sociales représentent la part la plus élevée du revenu des ménages : 42,1 % en 1993.
Les transferts publics bénéficient également aux entreprises locales par les subventions et les commandes publiques, tout particulièrement dans le bâtiment et les travaux publics. Mais ce canal traditionnel nest pas le plus satisfaisant économiquement. Leffet indirect par la consommation des ménages nest pas moins bénéfique, et favorise les effets dentraînement structurant lappareil de production.
Il reste que léconomie domienne est très dépendante de laide de la métropole et de la Communauté européenne.
Malgré les acquis incontestables de léconomie des D.O.M. avec laide de la métropole, cette économie fonctionne encore en déséquilibre structurel.
a) Une économie de consommation
La consommation des ménages, stimulée par le bon niveau des revenus, et linvestissement, aussi bien public que privé, sont plus élevés que les richesses produites. Seul un niveau très élevé dimportations peut donc assurer le bouclage du circuit économique. La situation a très peu évolué, comme le montre le tableau ci-après.
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PRODUIT INTÉRIEUR BRUT,
CONSOMMATION ET INVESTISSEMENT DANS LES D.O.M.
(en milliards de francs)
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Guadeloupe
|
Guyane
|
Martinique
|
Réunion
|
|
1982
|
1994
|
1982
|
1994
|
1982
|
1994
|
1982
|
1994
|
PIB
|
7,52
|
19,75
|
1,83
|
8,23
|
8,85
|
24,51
|
12,29
|
35,27
|
Consommation finale
dont : ménages
Investissement
|
9,47
6,88
1,68
|
22,50
16,64
5,22
|
2,44
1,53
0,83
|
7,87
4,77
2,83
|
11,05
7,98
1,69
|
27,10
20,07
5,10
|
14,35
10,30
2,50
|
37,70
n.d.
9,92
|
Source : INSEE.
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b) Un déficit commercial induit
Le déficit du commerce extérieur des D.O.M. est donc le corollaire du profond déséquilibre des ressources et des emplois, dautant que les exportations demeurent faibles, Guyane exceptée. Dans les trois autres départements, les importations représentent un appoint de lordre de 50 % du P.I.B., contre 20 % en métropole. En revanche, les exportations, qui atteignent 18 % du total des emplois finals en métropole, nen représentent que 3 % dans les trois départements de Guadeloupe, Martinique et Réunion.
Le taux de couverture des échanges extérieurs des D.O.M. est un bon indicateur de linsuffisance de capacité doffre de leur économie. Ce taux de couverture, qui était de lordre de 15 % hors Guyane, en 1982, sest dégradé, pour sétablir au voisinage de 10 % en 1994 : 15,7 % en Martinique, 10,1 % en Guadeloupe et 7,6 % seulement à la Réunion. Pour la métropole, il était supérieur à 110 % la même année ; le contraste est éloquent.
Le taux de couverture global des échanges extérieurs des D.O.M. nest de lordre de 22 % que grâce à lappoint de la Guyane, dont le taux est demeuré proche de 70 % sur la période 1991-1994. Les importations et exportations guyanaises traduisent en effet directement lactivité du centre spatial guyanais et dArianespace.
La population des départements doutre-mer était estimée à 1,7 million dhabitants fin 1997. Celle de Mayotte dépassait 130.000 habitants, celle de Saint-Pierre-et-Miquelon étant stable à 6.700 habitants.
Entre 1975 et 1995, la population des D.O.M. sest accrue de 25 %, contre 10 % en métropole. Depuis 1982, son taux de croissance annuel a été de 2 % au lieu de 0,5 % en métropole.
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PRINCIPALES DONNÉES DÉMOGRAPHIQUES, DOM ET MÉTROPOLE
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Guadeloupe
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Martinique
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Guyane
|
Réunion
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Métropole
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Superficie (en milliers de km2)
|
1,7
|
1,1
|
83,5
|
2,5
|
543,9
|
Population en 1974 (a)
Population en 1982
Population en 1990
Population au 1.01.1995
|
324,5
328,4
387,0
417
|
324,8
328,6
359,6
384
|
55,1
73,0
114,7
146
|
476,7
515,8
597,8
654
|
52.592,0
54.334,9
56.615,1
58.020
|
Densité 1995 (habitants/km2)
|
245
|
340
|
2
|
260
|
107
|
Moins de 15 ans, 1995 (en %)
65 ans ou plus, 1995 (en %)
|
26
9
|
24
11
|
36
4
|
30
6
|
19
15
|
Taux de natalité, 1994
(en p.1000)
|
17,5
|
15,0 (b)
|
29,6
|
20,6
|
12,3
|
Taux de mortalité, 1994
(en p.1000)
|
5,6
|
5,8 (b)
|
4,2
|
4,8
|
9,0
|
Taux annuel daccroisse-ment naturel (en p.1000) :
1974-1982
1982-1990
1990-1994
|
11,9
12,9
12,6
|
11,4
11,2
10,6
|
18,7
23,4
25,9
|
19,6
17,9
16,8
|
4,0
4,1
3,7
|
Taux annuel daccroisse-ment total (en p.1000) :
1974-1982
1982-1990
|
1,6
20,7
|
1,5
11,3
|
38,7
57,9
|
10,7
18,6
|
4,6 (c)
5,1
|
Indice synthétique de fécondité, 1995 (naissances par femme)
|
2,00
|
1,7 (d)
|
3,69 (d)
|
2,28
|
1,70
|
Espérance de vie à la naissance, 1992-1994 (en années)
Hommes
Femmes
|
72,6
80,4
|
74,9
81,8
|
70,5
76,9
|
69,6
78,8
|
73,4
81,6
|
Taux de mortalité infantile 1994 (en p.1000)
|
7,9
|
5,8 (b)
|
14,3
|
9,0
|
5,9
|
(a) 1975 pour la métropole (b) 1993 (c) 1975-1982 (d) 1994.
Source : INED, Population et sociétés n° 329, novembre 1997, Jean-Louis Rallu : Population, migration et emploi dans les départements doutre-mer.
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a) Une transition démographique inachevée
Ce dynamisme doit de moins en moins à laccroissement naturel. La fécondité a rapidement baissé entre 1970 et 1980. Toutefois, la transition démographique est décalée dun département à lautre.
La fécondité est tombée à deux enfants par femme en 1990 à la Martinique et en 1994 à la Guadeloupe. Elle est globalement proche aux Antilles de celle de métropole, et nassure plus le renouvellement des générations. En revanche, comme le montre le tableau ci-après, le processus est inachevé à la Réunion. A la Guyane, le taux de fécondité se redresse depuis 1989, du fait de lafflux de populations immigrées plus fécondes.
La mortalité a chuté en-dessous du niveau de métropole, même si la tendance est plus prononcée aux Antilles. Il est à noter que le taux de prévalence du sida est très supérieur à celui de métropole, particulièrement en Guyane, mais quil reste nettement inférieur à celui des pays de la zone Caraïbe. Lavantage relatif des D.O.M. par rapport à leurs voisins ne sexprime pas seulement en termes monétaires mais aussi sanitaires. Il correspond à un autre stade de développement.
Globalement, laccroissement naturel reste élevé, mais sans être explosif. En ordres de grandeur, laccroissement naturel est deux fois plus élevé quen métropole à la Martinique, trois fois plus à la Guadeloupe, quatre fois plus à la Réunion et six fois plus en Guyane. Il sexplique surtout par la jeunesse de la population, qui assure une croissance naturelle positive durant les décennies à venir, même aux Antilles. La fraction de la population âgée de moins de vingt ans, qui représente 25,8 % en métropole, atteint 29 % à la Martinique, 33 % à la Guadeloupe, 38 % à la Réunion et pas moins de 44 % en Guyane.
b) Le renversement du courant migratoire depuis 1982
Le déséquilibre démographique des années récentes est surtout lié à linversion des flux migratoires à partir de 1982.
Depuis les années 1960, un fort mouvement démigration vers la métropole atténuait leffet de laccroissement naturel. Entre les recensements de 1974 et 1982, le solde migratoire avec la métropole le compensait totalement aux Antilles et pour moitié à la Réunion, facilitant ainsi le processus de développement économique.
Le recensement de 1982 a révélé une rupture lourde de conséquences, avec le retournement de ces flux. Les départs de jeunes de moins de trente ans restent nombreux, mais les retours à partir de la trentaine deviennent considérables, et ils sont renforcés par des entrées de métropolitains et surtout détrangers, parfois clandestins. Les phénomènes sont différenciés dun département à lautre. Le solde migratoire est presque à léquilibre en Martinique, légèrement excédentaire à la Réunion, mais très élevé à la Guadeloupe et surtout à la Guyane, du fait de lafflux dimmigrants du Brésil et du Surinam. Le taux de croissance démographique actuel en Guyane, proche de 6 %, correspondrait à un doublement en douze ans. La population de Mayotte connaîtrait une évolution presque aussi forte, liée à limmigration clandestine issue des Comores.
a) Un chômage plus de deux fois supérieur à la métropole
Depuis 1993, les économies des D.O.M. ont cessé dêtre créatrices demplois nets. En 1997, les créations nettes demplois salariés dans les quatre D.O.M. se sont limitées à 400. Si un total net de 2.107 emplois salariés ont été créés à la Réunion, 832 lont été à la Guadeloupe, tandis que lemploi salarié se réduisait de 86 unités à la Guyane et de 2.449 à la Martinique.
Larrivée massive sur le marché du travail des classes dâges nées depuis les années 1960 et la montée de limmigration ont déterminé depuis le début de la décennie 1980 une forte aggravation du chômage.
Le niveau de chômage dans les D.O.M. est durablement deux à trois fois supérieur à ce quil est en métropole. 200.000 demandes demploi en fin de mois ont été enregistrées fin 1997. A léchelle de la population totale de métropole, le chômage des D.O.M. équivaudrait à 6,9 millions de chômeurs, au lieu des 3,1 millions effectivement enregistrés.
Le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (B.I.T.), qui était lan dernier de 12,3 % en métropole, sétablissait à 25,6 % en Guyane, 28,8 % en Martinique, 29,5 % à la Guadeloupe, et atteignait 37,2 % à la Réunion. A Mayotte, ce taux atteignait 42 %. Le taux de chômage des femmes est supérieur à celui des hommes dans tous les départements. La différence, plus accentuée quen métropole, traduit, surtout aux Antilles et en Guyane, un fort potentiel dactivité féminin.
Le niveau insuffisant de la qualification de la main-duvre contribue à expliquer la gravité du chômage : malgré les progrès, le niveau de diplôme est très en-deçà de la métropole. Mais le dualisme du marché du travail tend à engendrer un phénomène cumulatif : à qualification identique, les domiens connaissent des taux de chômage supérieurs aux métropolitains, et les métropolitains occupent en moyenne dans les D.O.M. des positions professionnelles plus favorables. Dans le même temps, en métropole, les domiens nont un taux dactivité élevé quen acceptant des emplois inférieurs à leur qualification. Ce double mouvement tend à aggraver la pression migratoire en direction des D.O.M., au détriment de lemploi local.
b) Un jeune sur deux au chômage
Le chômage des jeunes est très élevé, au-delà de leur part dans la population active. Aux Antilles et à la Réunion, entre 20 et 29 ans, 40 % des hommes et plus de 50 % des femmes sont au chômage, niveaux doubles de ceux de métropole. Plus dun demandeur demploi sur cinq a moins de vingt-cinq ans dans les D.O.M., et un sur quatre à la Réunion. Encore ces statistiques sous-estiment-elles de moitié le phénomène, car les jeunes nayant droit à aucune indemnisation ne jugent pas utile de sinscrire. Le chômage au sens du B.I.T., qui les prend en compte, fait apparaître une nette progression récente.
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TAUX DE CHÔMAGE DES JEUNES AU SENS DU B.I.T.
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(en pourcentage)
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1996
|
1997
|
GUADELOUPE
|
54,1
|
54,4
|
GUYANE
|
36,5
|
51,2
|
MARTINIQUE
|
52,4
|
63,12
|
RÉUNION
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NC
|
NC(a)
|
MÉTROPOLE
|
26,4
|
28,1
|
(a) En 1997, les jeunes de moins de 25 ans représentaient 24,2 % des demandeurs demploi en fin de mois à la Réunion, contre 20 % à la Guadeloupe et 16,3 % à la Martinique.
Source : secrétariat dEtat à loutre-mer.
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Leur situation est dautant plus préoccupante que la moitié des chômeurs sont de longue durée dans les D.O.M. : 48,1 % contre 37 % en métropole en 1997 sont inscrits depuis un an ou plus.
a) Poids élevé des revenus de remplacement
Le sous-emploi structurel et la longue durée du chômage expliquent la part que tiennent dans les revenus des D.O.M. tout particulièrement à la Réunion les revenus de remplacement et de subsistance. Le revenu minimum dinsertion est au premier rang dentre eux, depuis sa création. Dès 1989, il concernait plus de 70.000 allocataires. Les effectifs ont monté progressivement jusquà 111.000 en décembre 1997, après trois années de stabilité, suivie dune augmentation assez vive en 1997 (+ 4,3 %). Par comparaison, près de 957.000 allocataires étaient enregistrés en métropole.
Les Rmistes représentent donc 6,5 % de la population dans les D.O.M. et 1,6 % des métropolitains. Le taux du R.M.I. est inférieur de 20 % à celui de la métropole, pour tenir compte des disparités de pouvoir dachat. La différence, dite créance de proratisation , est inscrite au budget de loutre-mer, pour un montant de 815 millions de francs en 1999. Elle est destinée pour les trois quarts à des actions dinsertion. En dépit de ce taux réduit, 10 % du R.M.I. est versé dans les D.O.M., où la population équivaut à 3 % de celle de métropole.
Le poids social du revenu minimum dinsertion est inégal. A la Réunion, qui connaît le taux de chômage le plus élevé de tous les départements français, une famille sur cinq vit du R.M.I. : lîle compte 54.000 allocataires, soit près de la moitié de leffectif total des D.O.M.
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EFFECTIFS DES ALLOCATAIRES DU R.M.I.
DANS LES DÉPARTEMENTS DOUTRE-MER
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Guadeloupe
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Guyane
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Martinique
|
Réunion
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TOTAL
|
Décembre 1996
|
23.892
|
7.674
|
24.226
|
50.876
|
106.668
|
Décembre 1997
|
24.278
|
7.910
|
24.991
|
54.126
|
111.305 (a)
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Pour mémoire :
population totale au 31 décembre 1997 (b)
|
434.130
|
170.992
|
396.623
|
690.000 (c)
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(a) Métropole : 956.596
(b) Métropole : 58.722.571 habitants
(c) Juin 1997
Source : secrétariat dEtat à loutre-mer.
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b) Menaces pour la cohésion sociale
Le nombre des titulaires du R.M.I. est dautant plus significatif dans un département jeune comme la Réunion, où une part considérable de la population dâge actif a moins de 25 ans, et na donc pas droit au R.M.I.
Les solutions dinsertion financées par le secrétariat dEtat à loutre-mer sont quasiment la seule issue pour ces jeunes au chômage, peu ou pas qualifiés et dépourvus de droit à un revenu de subsistance. Lexode vers la métropole ne peut être une réponse pour tous. Ceci crée les conditions de mouvements sociaux débouchant sur des violences urbaines, comme, à la Réunion, les événements du Chaudron, ou le mouvement social de mars 1996 en réaction au projet gouvernemental de réforme du régime de rémunération des fonctionnaires. Aux Antilles, les mouvements sociaux les plus récents sont nés dans le secteur de la banane, ainsi que dans les transports (transports publics en Martinique, grève des dockers à la Guadeloupe). En Guyane, le mouvement des lycéens de 1997 a mis en évidence les insuffisances du système éducatif, avant que se développent, ces jours derniers, des manifestations lycéennes en Guyane et aux Antilles.
*
* *
Cette situation appelle dabord des réponses de fond pour soutenir linvestissement et lactivité économique dans les départements doutre-mer. La loi de finances pour 1998 a recentré le régime de défiscalisation sur les opérations les plus porteuses demploi, mais elle en a restreint la taille de loutil, ce qui est dommage. Votre rapporteur pour avis est attaché à ce que la réflexion se poursuive pour mettre en place un dispositif qui soit à la hauteur du problème et apparaisse comme un outil de politique économique, non comme une niche fiscale.
Dans limmédiat, des solutions durgence doivent être mises en place. Le budget du secrétariat dEtat à loutre-mer en est le principal instrument. Il apporte en priorité des réponses immédiates aux jeunes sans emploi, par une gamme de solutions dinsertion, en réponse à leur inactivité et à leur manque de qualification. Toujours pour favoriser linsertion, il dispose de moyens considérables au service du logement, dont le parc connaît de graves carences outre-mer, aggravant les situations de précarité.
La mise en application des lois de décentralisation dans les D.O.M. en 1982 et 1983 y a bien sûr sensiblement modifié lexercice du pouvoir. Il convient de rappeler aussi quelle sest accompagnée dun cadrage des perspectives institutionnelles dans ces départements. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision 147 DC du 2 décembre 1982, a en effet entendu faire prévaloir dans toute sa rigueur le principe dassimilation qui implique un régime institutionnel de droit commun dans les D.O.M.
· La première loi portant adaptation de la loi du 2 mars 1982 aux D.O.M. adaptation permise par larticle 73 de la Constitution laissait coexister un département et une région dans chaque D.O.M., mais les dotait dune assemblée unique, élue à la représentation proportionnelle, le conseil général et régional, et dun seul exécutif, le président de ce conseil. Le Conseil constitutionnel a annulé cette loi.
Il a considéré que les départements doutre-mer devaient être dotés de lorganisation propre aux départements, qui repose essentiellement sur le conseil général. Celui-ci étant une assemblée assurant la représentation des composantes territoriales du département, cest-à-dire les cantons, doter les D.O.M. dune assemblée nassurant pas cette représentation leur conférait une organisation autre que celle dun département. Le conseil a conclu en constatant que la Constitution navait pas autorisé le législateur à opérer, pour les D.O.M., une telle différenciation, qui nétait possible que pour les T.O.M.
En conséquence, la loi du 31 décembre 1982 portant organisation des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion a transposé lorganisation régionale de métropole. Les régions ont commencé à fonctionner après les élections régionales du printemps 1983. Ce sont certes des régions monodépartementales, mais chaque collectivité, dans le même ressort géographique, dispose de sa propre assemblée délibérante et de ses propres pouvoirs.
· Une clarification des compétences sétant révélée nécessaire, la loi du 2 août 1984 relative aux compétences de ces régions a procédé à une mise au net relative aux domaines du développement économique, de léducation et de la culture, ainsi que de la qualité de la vie.
Dans sa décision 174 DC du 25 juillet 1984, le Conseil constitutionnel, saisi de cette loi, a apporté des précisions sur la notion dadaptation. Il a ainsi admis le transfert du département à la région dattributions relatives à loctroi de mer, qui sont propres aux D.O.M. et ne figurent pas parmi les compétences des départements de métropole. Il a également jugé constitutionnelles les extensions de compétence régionale nempiétant pas sur les compétences des départements. En revanche, le Conseil a censuré le dessaisissement du département, au profit de la région, de lessentiel de ses attributions en matière dhabitat et de transport.
· Ainsi, encourt la censure du Conseil constitutionnel toute dérogation aux règles institutionnelles prévalant en métropole pour les départements et les régions, si elle nest pas nécessitée par la situation particulière visée à larticle 73 de la Constitution, ou si elle dépasse ladaptation pour entrer dans le domaine de l organisation particulière .
En revanche, le Conseil na pas eu loccasion de se prononcer sur le changement de catégorie dune collectivité doutre-mer. Il na en effet pas été saisi à propos :
de la loi du 19 juillet 1976 qui a transformé Saint-Pierre-et-Miquelon, de territoire en département doutre-mer ;
ni de la loi du 11 juin 1985 qui a ensuite fait de larchipel une autre collectivité territoriale créée par la loi .
Cette jurisprudence restreint singulièrement les possibilités dévolution de lorganisation administrative dans les D.O.M. La présence de deux collectivités territoriales dans un même espace géographique a été maintes fois critiquée comme une source de surcoûts de fonctionnement, de complexité des circuits de décisions, et parfois de conflits de compétences et de contrariété des politiques suivies, notamment lorsque les deux échelons ne sont pas de la même sensibilité politique.
Pour revenir sur ce dédoublement, il faut réformer la Constitution ou tenter délaborer un dispositif centré sur le conseil général (voir pages 58 et suivantes ci-après, les perspectives institutionnelles à Mayotte).
b) Années 1990 : crise financière grave des collectivités locales
· La décentralisation nest pas lunique cause de la crise apparue à partir de 1991 dans les D.O.M. des Antilles et de Guyane, mais elle y a sans nul doute contribué.
Limpératif de développement économique et le volume des budgets locaux incitaient à engager des politiques ambitieuses dinvestissement public dinspiration keynésienne. En outre, les recrutements de personnel ont été considérables. Ces politiques ont dépassé les capacités financières des collectivités locales, débouchant sur un endettement démesuré. Or les procédures de contrôle financier ne permettaient pas de remettre en cause les décisions politiques conduisant au surinvestissement ; elles prévoient tout au plus des réactions lorsque certains indicateurs révèlent louverture dune crise.
Cette révélation a tardé, mais elle a été brutale. Les budgets des régions Guadeloupe, Martinique et Guyane ont dû être placés sous contrôle de la chambre régionale des comptes. Les départements et de nombreuses communes connaissaient également de graves difficultés. En outre, le non-respect des procédures dattribution des marchés publics déclenchait dans certains cas lengagement de poursuites judiciaires.
· La crise a conduit à rechercher, dès la loi de finances pour 1994, les recettes fiscales supplémentaires nécessaires au redressement financier des régions. Trois facultés leur ont été ouvertes :
porter le taux du droit additionnel régional de loctroi de mer de 1 % à 2,5 % ;
désaffecter partiellement la part de la taxe spéciale sur les carburants revenant au F.I.R. au profit de leur redressement financier ;
pendant une période de trois ans, instituer une taxe dembarquement sur les billets de transports aériens et maritimes.
Les régions concernées ont en même temps entrepris un important effort de retour vers léquilibre.
Après quelques années, leur situation financière demeure précaire aux Antilles et en Guyane, et ces recettes leur sont indispensables pour rembourser les emprunts de rééquilibrage quelles ont souscrits. Aussi, la reconduction jusquen 2001 de la taxe sur les billets davions a-t-elle été prévue par la loi de finances pour 1997. Par ailleurs, les deux autres mesures sont maintenues. Les régions peuvent donc y recourir en tant que de besoin. Cest ainsi que la région Réunion na pas institué de taxe sur les transports aériens et maritimes. En revanche, les trois taxes doivent procurer en 1998 un total de 617 millions de francs de recettes à la région Martinique, soit la moitié de son budget primitif.
Lamélioration des comptes des départements et des communes, sil se poursuit également, ne doit pas cacher les difficultés persistantes :
en 1998, 10 communes de Guadeloupe sur 34 sont placées sous surveillance de la chambre régionale des comptes ;
11 communes de Guyane sur 22 connaissent des difficultés les plaçant dans limpossibilité de recourir à lemprunt. La commune de Cayenne, qui a bénéficié dune subvention déquilibre de lEtat de 30 millions de francs sur trois ans (1996-1998), a ramené son déficit prévisionnel pour 1998 à 28 millions de francs, au lieu de 44 millions de francs en 1997 et pas moins de 248 millions de francs en 1996 ;
en Martinique, lamélioration est plus marquée, mais 7 communes sur 34 ont présenté un déficit de clôture en 1996, dont 2 justifiant lintervention de la chambre régionale des comptes.
En 1997, sur 1.385 actes budgétaires transmis aux préfectures des D.O.M., 85 actes, soit 6 %, ont fait lobjet dune saisine de la chambre régionale des comptes. Pour la France entière, le pourcentage est de 0,19 %.
Les tableaux ci-après témoignent de lamélioration encore insuffisante des situations dendettement des départements et des communes.
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DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS DOUTRE MER :
ANNUITÉ DE LA DETTE RAPPORTÉE AUX RECETTES DE FONCTIONNEMENT
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RÉGIONS
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DÉPARTEMENTS
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Budget primitif 1997
|
Budget primitif 1998
|
Budget primitif 1997
|
Budget primitif 1998
|
Guadeloupe
|
20,5 %
|
13,3 %
|
18,7 %
|
16 %
|
Guyane
|
48,5 %
|
28,9 %
|
9 %
|
8,7 %
|
Martinique
|
22 %
|
17,4 %
|
11,8 %
|
11,3 %
|
Réunion
|
18 %
|
8,4 %
|
18 %
|
16,3 %
|
Métropole
|
|
5,5 %
|
|
12,9 % (a)
|
(a) Métropole hors Paris
Source : secrétariat dEtat à loutre-mer
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DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS DOUTRE MER :
MONTANT DE LA DETTE AU 1er JANVIER 1998
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(en millions de francs)
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Régions
|
Variation 1998/1997
|
Départements
|
Variation 1998/1997
|
Guadeloupe
|
1.171,3
|
+ 2,5 %
|
1.417,8
|
- 3,7 %
|
Guyane
|
594,5
|
- 10,7 %
|
352,2
|
- 6,2 %
|
Martinique
|
1.023,7
|
- 10,4 %
|
924,3
|
+ 10,3 %
|
Réunion
|
1.263,7
|
- 15,2 %
|
2 703,6
|
- 2,5 %
|
Métropole
|
61.510
|
+ 5,5 %
|
141.555,8 (a)
|
1,1 % (a)
|
(a) Métropole hors Paris
Source : secrétariat dEtat à loutre-mer
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Le processus de rétablissement des comptes, sil prépare lavenir, aura été réalisé au prix dun coup darrêt des programmes dinvestissement et dune forte majoration de la fiscalité, alors même que la loi du 25 juillet 1994 relevait de deux points le taux de T.V.A. La croissance des D.O.M. ne peut que pâtir de ces mesures pourtant indispensables.
Comme en droit interne, lapplication du droit communautaire dans les départements doutre-mer français se fonde sur lapplication des deux principes dassimilation et dadaptation, et cest lapplication du second qui a suscité les principales controverses juridiques depuis deux décennies. Mais, à la différence du droit interne, les vrais enjeux relatifs à ladaptation du droit communautaire sont financiers et économiques avant dêtre institutionnels.
· Quant au principe de pleine applicabilité du droit communautaire dans les D.O.M., faute dêtre inscrit dans le texte du traité de Rome, il doit être déduit de son article 227 § 1, qui prévoit que le traité sapplique à la République française . Il a été établi par une décision de principe de la Cour de justice des Communautés européennes, larrêt Hansen du 10 octobre 1978, qui a pris acte de ce quaux termes de la Constitution, les D.O.M. font partie intégrante de la République .
· Le même arrêt a apporté des précisions sur le principe dadaptation. Celui-ci était implicite dans larticle 227 § 2 du traité de Rome relatif aux départements français doutre-mer, lequel distinguait deux catégories de dispositions :
les unes (énumérées dans lalinéa 1), applicables dès lentrée en vigueur du traité, parmi lesquelles les règles portant sur lagriculture et la libre circulation des marchandises ;
les autres (alinéa 2), applicables dans les deux ans, après détermination de leurs conditions dapplication par le Conseil statuant à lunanimité.
Allant plus loin, la Cour, dans larrêt Hansen , a considéré que, le traité de Rome ménageant les plus larges possibilités de prévoir des dispositions particulières adaptés à la situation géographique, économique et sociale particulière des D.O.M., il reste toujours possible de prévoir des mesures spécifiques en vue de répondre aux besoins de ces territoires .
La Cour consacrait ainsi le principe dadaptation du droit communautaire, en une avancée significative.
· Il est apparu nécessaire daller plus loin et de mettre en place une véritable politique commune de développement des D.O.M. Cet objectif figurait déjà dans le troisième alinéa de larticle 227 § 2 du traité de Rome, qui disposait : les institutions veilleront, dans le cadre des procédures prévues par le présent traité et notamment de larticle 226, à permettre le développement économique et social de ces régions . Mais le traité navait prévu aucune compétence particulière permettant la mise en oeuvre de la politique correspondante. A la suite de la remise par le Gouvernement français dun mémorandum sur linsertion des D.O.M. dans la Communauté, il a été décidé de lancer cette politique sur le fondement de larticle 235 du traité. Celui-ci prévoit que si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, lun des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs daction requis à cet effet, le Conseil, statuant à lunanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées .
· La politique dadaptation des D.O.M. en vue de faciliter leur adaptation au marché commun a été engagée le 22 décembre 1989 par le Conseil, dans ses décisions sur loctroi de mer, et surtout sur le programme P.O.S.E.I.D.O.M. (programme doptions spécifiques à léloignement et à linsularité des D.O.M.). Celui-ci, premier des programmes communautaires relatifs aux régions dites ultrapériphériques , visait à prendre en compte les contraintes spécifiques des D.O.M. : éloignement du reste du territoire communautaire, insularité, étroitesse de leur marché et proximité des pays dAfrique, des Caraïbes et du Pacifique (A.C.P.), bénéficiaires de la convention de Lomé. Il comportait dabord un volet financier, prévu par le considérant n° 19, relatif aux subventions de la Communauté. Son volet juridique prévoyait des aménagements réglementaires, même dans des domaines que lalinéa 1 de larticle 227 § 2 soumettait sans condition dapplication au droit communautaire, comme la politique agricole commune. En dautres termes, P.O.S.E.I.D.O.M. reposait, pour son aspect réglementaire, sur un principe dadaptation générale.
Le programme sest révélé un puissant instrument de développement, dont certaines actions très importantes, notamment en matière agricole, pouvaient être maintenues au-delà de la date limite du 31 décembre 1992. Cest alors que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés la placé dans une situation dinsécurité juridique. Par ses arrêts Legros du 16 juillet 1992 et surtout Lancry du 9 août 1994, la Cour a contesté lutilisation de larticle 235 du traité de Rome pour la mise en oeuvre dun principe dadaptation générale, en méconnaissance de la distinction établie par larticle 227 § 2. Elle faisait ainsi prévaloir un régime dadaptation spécifique et non plus générale.
En guise de réponse à la double remise en cause du fondement juridique du programme P.O.S.E.I.D.O.M et de la dérogation temporaire en faveur de loctroi de mer, le traité de Maastricht sur lUnion européenne comportait seulement une déclaration annexe relative aux régions ultrapériphériques (déclaration n° 26), qui ne suffisait pas à leur redonner un fondement juridique sûr.
La solution ne pouvait venir que de la révision de larticle 227 § 2, dans le cadre de la conférence intergouvernementale pour la révision du traité de Maastricht, ouverte en mars 1996. Le traité dAmsterdam des 17 et 18 juin 1997 qui en est laboutissement, modifié par le traité modificatif du 2 octobre 1997, comporte un article 299 § 2 relatif aux régions ultrapériphériques. Cet article, qui succède à larticle 227 § 2 du traité de Rome, est de nature à apaiser les inquiétudes des populations des D.O.M. Il assure des bases solides au principe dadaptation générale, et restaure donc la base juridique des décisions du Conseil de 1989 sur loctroi de mer et P.O.S.E.I.D.O.M. Il est à noter que, les D.O.M. français nétant pas limitativement énumérés, si Mayotte devait accéder au statut de D.O.M., elle bénéficierait du régime des régions ultrapériphériques, tout en perdant celui, plus favorable, de pays ou territoire doutre-mer associé.
Ces dispositions entreront en vigueur au terme de la dernière procédure nationale de ratification du traité dAmsterdam, probablement en 1999.
Le texte de larticle 299 § 2 du traité dAmsterdam est le suivant :
ARTICLE 299 § 2 DU TRAITÉ DAMSTERDAM
SUR LES RÉGIONS ULTRAPÉRIPHÉRIQUES
2. Les dispositions du présent traité sont applicables aux départements français doutre-mer, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries.
Toutefois, compte tenu de la situation économique et sociale structurelle des départements français doutre-mer, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, linsularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis dun petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de lapplication du présent traité à ces régions, y compris les politiques communes.
Le Conseil, en arrêtant les mesures visées au deuxième alinéa, tient compte des domaines tels que les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de lagriculture et de la pêche, les conditions dapprovisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides dEtat, et les conditions daccès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de la Communauté.
Le Conseil arrête les mesures visées au deuxième alinéa en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à lintégrité et à la cohérence de lordre juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes.
Afin de situer les enjeux financiers de la sauvegarde du statut de région ultrapériphérique des D.O.M., le tableau ci-après récapitule, pour 1998, les dotations communautaires dans le cadre des fonds structurels, pour chaque département. Les montants résultent de lindexation des dotations initiales fixées en 1994 pour la période 1994-1999.
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INTERVENTIONS COMMUNAUTAIRES DANS LE CADRE
DES FONDS STRUCTURELS EN 1998
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(en millions de francs)
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Dotation initiale 1994
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Dotation indexée 1998
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Guyane
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1.071,902
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1.128,831
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Martinique
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2.143,96
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2.257,662
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Guadeloupe
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2.241,2
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2.360,279
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Réunion
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4.288,05
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4.515,324
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Source : secrétariat dEtat à loutre-mer
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Se fondant sur le constat que légalité des droits institutionnels dans les D.O.M. ne sétait pas accompagnée de légalité des droits sociaux, la lettre à tous les français de 1988 a fixé lobjectif de légalité sociale, à réaliser par étapes. Cette politique a permis lalignement de nombreuses prestations sociales, tout en maintenant les dispositifs spécifiques aux D.O.M.
a) Les principales étapes de lalignement des droits sociaux
Cette politique a été mise en uvre principalement entre 1991 et 1996, année de lalignement du S.M.I.C. sur la métropole, dans les D.O.M. et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le coût global des mesures prises peut être évalué à 600 millions de francs.
· La loi du 31 juillet 1991 a prévu lalignement des allocations familiales des D.O.M. sur la métropole, mais a maintenu les allocations familiales au premier enfant ainsi que les majorations pour âge correspondantes. Lalignement est effectif depuis le 1er juillet 1993.
· La loi du 25 juillet 1994 relative à la famille a étendu aux D.O.M. lallocation pour garde denfants à domicile (A.G.E.D.) avec application au 1er janvier 1995. Sagissant de lallocation parentale déducation, elle a jugé préférable de ne pas létendre et de mettre en réserve la somme qui aurait été versée dans les D.O.M., si lA.P.E. avait été étendue, pour lutiliser en vue dactions en faveur des familles. Les décrets n° 95-1202 et n° 95-1203 du 6 novembre 1995 ont aligné lallocation de soutien familial (A.S.F.) et de la prime de déménagement sur les montants métropolitains à compter du 1er septembre 1995.
· La dernière étape en matière de prestations a été réalisée par larticle 61 de la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à loutre-mer, applicable rétroactivement au 1er janvier 1996. Celui-ci rapproche encore davantage les prestations familiales servies dans les D.O.M. de celles de la métropole :
lallocation pour jeune enfant (A.P.J.E.) est étendue dans les D.O.M. dans les mêmes conditions quen métropole. Cette extension entraîne des modifications des prestations spécifiques aux D.O.M. qui font double emploi avec lA.P.J.E. : la prime à la protection de la maternité qui est supprimée, et le complément familial servi dans les D.O.M. ainsi que lallocation au premier enfant qui ne sont pas cumulables avec lA.P.J.E. ;
lallocation parentale déducation est étendue aux D.O.M. à compter du 1er janvier 1996. En conséquence, la quote-part A.P.E. prévue par la loi du 25 juillet 1994 est supprimée. Son montant constitué depuis le 1er juillet 1994 jusquau 31 décembre 1995 est de 260 millions de francs. Les mesures déjà gagées en faveur du logement sont maintenues (80 millions de francs). Le solde de la quote-part a été réparti entre les caisses dallocations familiales des D.O.M. qui doivent utiliser ces montants pour mener des actions en faveur du logement des familles et de la restauration scolaire.
b) Le maintien de prestations spécifiques aux D.O.M.
Lalignement nest pas intégral : laide personnalisée au logement na pas été étendue aux D.O.M., et certaines prestations sont dun montant inférieur à celui de la métropole : complément familial (507 F au lieu de 888 F) et allocation de parent isolé (1.797 F au lieu de 3.198 F).
En revanche, les allocations familiales sont maintenues pour un seul enfant jusquà disparition des dispositions particulières en matière de prestations familiales (article 10 de la loi du 31 décembre 1991). Leur montant est de 125 F. La prestation spécifique de restauration scolaire dans les D.O.M. a également été maintenue.
La transposition rapide des nombreuses législations nayant pas fait lobjet dune adaptation tenant compte de leur situation particulière constitue un dernier chantier juridique encore largement ouvert. Or cette mise à niveau revêt dans certains cas un caractère durgence, car elle constitue le préalable de politiques de développement économique et social. La modernisation est particulièrement importante à Mayotte.
Afin de progresser rapidement, pour répondre à une forte demande des populations concernées, les gouvernements successifs procèdent le plus souvent depuis 1989 par voie dordonnances. Se sont succédées les lois dhabilitation du 23 décembre 1989, du 28 décembre 1991 et du 2 janvier 1996. La procédure de la loi ordinaire na pourtant pas été abandonnée en la matière : peuvent ainsi être citées des dispositions de la loi du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité, ou de la loi du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications didentité, ainsi que la grande loi du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à loutre-mer. Le Gouvernement actuel a renoué avec le recours à une loi dhabilitation, pour légiférer dans dix-sept domaines dintervention. Le Parlement lui en a donné habilitation par la loi du 6 mars 1998.
Vingt ordonnances ont été prises dans le cadre défini par cette loi. Leur publication sest échelonnée entre le 27 juin et le 4 septembre dernier, soit avant lexpiration du délai fixée au 15 septembre par larticle 2 de la loi dhabilitation. Le tableau ci-après récapitule ces ordonnances, leur date de publication au Journal officiel, et précise le domaine visé dans lhabilitation.
LOI N° 98-145 DU 6 MARS 1998 PORTANT HABILITATION DU GOUVERNEMENT
A PRENDRE, PAR ORDONNANCES, LES MESURES LÉGISLATIVES NÉCESSAIRES
A LACTUALISATION ET A LADAPTATION DU DROIT APPLICABLE OUTRE-MER
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ORDONNANCES
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PUBLICATION AU JOURNAL OFFICIEL
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HABILITATION
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Ordonnance n° 98-520 du 24 juin 1998 relative à laction foncière, aux offices dintervention économique dans le secteur de lagriculture et de la pêche et à laide au logement dans la collectivité territoriale de Mayotte.
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27 juin 1998
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15°
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Ordonnance n° 98-521 du 24 juin 1998 portant extension et adaptation de règles acoustiques et thermiques en matière de construction dans les départements doutre-mer, de règles de sécurité et daccessibilité des bâtiments dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et du régime de lépargne logement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française et modifiant le code de la construction et de lhabitation.
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27 juin 1998
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3°
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Ordonnance n° 98-522 du 24 juin 1998 portant actualisation et adaptation du droit du travail dans les territoires, collectivités et départements doutre-mer.
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27 juin 1998
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1°
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Ordonnance n° 98-523 du 24 juin 1998 relative au régime de la pêche maritime dans le territoire des terres australes et antarctiques françaises.
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27 juin 1998
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12°
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Ordonnance n° 98-524 du 24 juin 1998 portant dispositions relatives à la déclaration périodique entre les départements de la Guadeloupe et de la Martinique.
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27 juin 1998
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4°
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Ordonnance n° 98-525 du 24 juin 1998 relative à la modernisation des codes des douanes et au contrôle des transferts financiers avec létranger dans les territoires doutre-mer et les collectivités locales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
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27 juin 1998
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4°
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Ordonnance n° 98-526 du 24 juin 1998 réglementant lurbanisme commercial dans la collectivité territoriale de Mayotte.
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27 juin 1998
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17°
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Ordonnance n° 98-580 du 8 juillet 1998 relative au délai de déclaration des naissances en Guyane.
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11 juillet 1998
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6°
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Ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière dimpôts en Polynésie française.
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11 juillet 1998
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14°
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Ordonnance n°98-582 du 8 juillet 1998 relative au régime de lenseignement supérieur dans les territoires doutre-mer du Pacifique.
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11 juillet 1998
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13°
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.../...
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Ordonnance n° 98-728 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale dans les territoires doutre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
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22 août 1998
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10°
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Ordonnance n° 98-729 du 20 août 1998 relative à lorganisation juridictionnelle dans les territoires doutre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
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22 août 1998
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8°
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Ordonnance n° 98-730 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable dans les territoires doutre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte.
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22 août 1998
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11°
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Ordonnance n° 98-731 du 20 août 1998 portant adaptation aux départements doutre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sanitaires et sociales
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22 août 1998
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5°
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Ordonnance n° 98-732 du 20 août 1998 relative à lapplication de larticle 21-13 du code civil à Mayotte.
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22 août 1998
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2°
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Ordonnance n° 98-773 du 2 septembre 1998 portant extension et adaptation en Nouvelle-Calédonie du titre III intitulé Des organes, tissus, cellules et produits du corps humain du livre IV du code de la santé publique.
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4 septembre 1998
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2°
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Ordonnance n° 98-774 du 2 septembre 1998 portant extension et adaptation aux départements doutre-mer, collectivités territoriales et territoires doutre-mer de dispositions concernant le droit civil, le droit commercial et certaines activités libérales.
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4 septembre 1998
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2°
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Ordonnance n° 98-775 du 2 septembre 1998 relative au régime des activités financières dans les territoires doutre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.
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4 septembre 1998
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9°
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Ordonnance n° 98-776 du 2 septembre 1998 relative à ladhésion des chambres dagriculture de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française à lassemblée permanente des chambres dagriculture et modifiant le code rural.
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4 septembre 1998
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16°
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Ordonnance n° 98-777 du 2 septembre 1998 portant dispositions particulières aux cessions à titre gratuit des terres appartenant au domaine privé de lEtat en Guyane et modifiant le code du domaine de lEtat (partie législative).
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4 septembre 1998
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7°
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II. LE RÔLE DU SECRÉTARIAT DÉTAT À LOUTRE-MER : LÉVOLUTION DE SON RÔLE, LA CROISSANCE DE SON BUDGET, SES CHANTIERS POUR 1999
A. LE SECRÉTARIAT À LOUTRE-MER : UN RÔLE RECENTRÉ SUR LACTION BUDGÉTAIRE
Les missions du secrétariat dEtat à loutre-mer procèdent du statut de loutre-mer français tel quil est décrit dans la Constitution, et en particulier ses articles 72 à 75. Cest ainsi quelles sont constantes depuis sa création en 1959, quelles que soient les variations de lorganisation gouvernementale :
exercice de lentière autorité gouvernementale civile dans les territoires doutre-mer ;
exercice dans les départements doutre-mer des attributions qui sont en métropole celles du ministère de lintérieur ;
coordination de laction gouvernementale en matière législative et administrative dans les départements doutre-mer ;
coordination de laction gouvernementale en matière de développement économique et social dans les départements doutre-mer.
Vis-à-vis des autres départements ministériels, il assume principalement un rôle dimpulsion, danimation et de suivi. Il veille à ce que les départements, territoires et collectivités doutre-mer soient pris en compte, dans leurs particularismes, dès la conception et jusquà la mise en application des politiques publiques de lEtat. En bref, il coordonne la mise en oeuvre des principes constitutionnels dadaptation pour les D.O.M. et de spécialité législative dans les T.O.M.
Il est dautre part seul responsable du statut constitutionnel de loutre-mer et du droit qui lui est propre, en vertu des mêmes principes.
Ses missions sont donc dune double nature, et son organisation en est le reflet.
a) Organisation institutionnelle
Au titre des évolutions institutionnelles, lannée 1998 est marquée par la Nouvelle-Calédonie et la réforme de linstitution communale en Polynésie française. En 1999, sajoutera la question de lévolution du statut de Mayotte.
b) Adaptation législative
En deuxième lieu, le secrétariat dEtat à loutre-mer veille à adapter et à moderniser les règles du droit national aux spécificités des départements, des collectivités territoriales et des territoires doutre-mer.
Conformément à la circulaire du Premier ministre du 15 juin 1990 relative à lapplication des textes législatifs et réglementaires outre-mer, son association au travail gouvernemental est assurée lors de la préparation des textes réglementaires et législatifs.
La circulaire du 26 janvier 1998, relative aux fiches dimpact qui accompagnent tout projet de loi, prévoit que doivent être précisées les raisons pour lesquelles le texte est ou nest pas rendu applicable à loutre-mer et, sil est applicable, les conditions de cette extension. Le secrétariat général du gouvernement est attentif à ce que le secrétariat dEtat à loutre-mer soit destinataire des projets de loi et des décrets. En effet, avant examen devant le Conseil dEtat, ces textes doivent, conformément aux textes statutaires, être transmis pour avis aux assemblées locales.
En outre, la présence du secrétariat dEtat à loutre-mer, en qualité de membre titulaire, au sein de la commission supérieure de codification, lui permet dêtre informé de tout projet de code susceptible de concerner loutre-mer. La circulaire du 12 septembre 1989, relative à la composition et au fonctionnement de la commission, prévoit dailleurs les conditions dans lesquelles le secrétariat dEtat à loutre-mer est associé au travail de codification.
c) Coordination en matière de fonction publique
En ce qui concerne les fonctionnaires de lEtat, le secrétariat dEtat à loutre-mer joue un rôle de coordination générale des administrations de lEtat en matière de personnel. Il procède notamment à lagrément des fonctionnaires de catégorie A ou de direction des services civils de lEtat proposés pour une nomination outre-mer dans toutes les administrations, aussi bien dans les départements que dans les territoires et collectivités à statut spécial. Il procède également à cet agrément pour les directeurs détablissements publics, de sociétés dEtat ou déconomie mixte.
Il a en charge, sur le plan budgétaire, les 1.180 emplois du cadre national des préfectures, quil administre conjointement avec le ministère de lIntérieur. Il dispose également des emplois nécessaires au fonctionnement des hauts commissariats de Nouméa et de Papeete, ainsi que de ceux de ladministration supérieure de Wallis-et-Futuna, emplois qui relèvent de sa compétence propre.
De plus, le secrétariat dEtat élabore le droit statutaire spécial applicable aux fonctionnaires en service outre-mer. Il a ainsi été amené à réformer, en ce qui concerne les territoires doutre-mer, la réglementation de 1910 et à instaurer une rotation obligatoire des personnels (décrets des 26 et 27 novembre 1996). Cette réforme sachèvera en 1998 par la rénovation complète du système de prise en charge des frais de déplacement des fonctionnaires et agents publics, encore régi par le texte original de 1897.
Le secrétariat dEtat à loutre-mer collabore systématiquement avec les autres départements ministériels à lélaboration ou à la modification des textes statutaires, lorsque celles-ci peuvent entraîner un effet particulier volontaire ou incident outre-mer.
Il veille enfin à ce que les dispositions spéciales visant les agents de toutes les fonctions publiques en service outre-mer, ou originaires de loutre-mer, soient appliquées de manière uniforme (congés bonifiés pour les départements doutre-mer).
d) Gestion de crise
Enfin, il est à noter que la mission de souveraineté implique des actions de gestion de crises dune dimension particulière outre-mer, quil sagisse des conséquences des cyclones ou des phénomènes dimmigration clandestine, particulièrement à Mayotte et en Guyane. En 1995, 15.000 reconduites à la frontière ont été effectuées dans ce dernier département, soit davantage quen métropole.
Au service de cette mission, ladministration centrale du secrétariat dEtat comporte 149 agents au sein de la direction des affaires politiques, administratives et financières.
La seconde branche de ladministration centrale est la direction des affaires économiques, sociales et culturelles, disposant de 97 agents, et chargée dune mission en plein développement.
Elle suppose une animation et une coordination interministérielles larges et permanentes, parce que lavenir de loutre-mer se prépare par des processus globaux abordant les domaines politiques, économiques, sociaux ou démographiques.
Au-delà de ce rôle classique, une nouveauté de grande portée sest produite au cours des quatre années passées. Le secrétariat dEtat sest vu confier la responsabilité budgétaire de crédits nécessaires à la mise en oeuvre des politiques demploi et dinsertion sociale, dont il avait élaboré les dispositifs législatifs dans le cadre de la loi du 25 juillet 1994. La quasi-totalité des crédits relatifs à lemploi et au logement dans les D.O.M. lui ont progressivement été transférés. Ils sont regroupés respectivement sur le fonds pour lemploi dans les D.O.M. (F.E.D.O.M.) et la ligne budgétaire unique relative au logement, dont les crédits sont complétés par la créance de proratisation du revenu minimum dinsertion. Les transferts les plus récents ont été opérés en loi de finances pour 1998. Ils ont porté sur les crédits relatifs aux emplois-jeunes (300 millions de francs transférés du budget de lemploi) et à la résorption de lhabitat insalubre (96 millions de francs issus du budget du logement). Ces mouvements concernent principalement les crédits destinés aux D.O.M.
Dès lors, le budget du secrétariat dEtat a changé de dimensions : fixé à 2,27 milliards de francs en 1994, il sétablirait à 5,59 milliards de francs en 1999. Cette multiplication par deux et demi a affecté la nature même du secrétariat dEtat, devenu une administration, non seulement de coordination, mais aussi de gestion.
Or, votre rapporteur pour avis constate quelle paraît avoir fait la preuve de son efficacité dans lexercice de ce rôle gestionnaire. A titre dillustration, si les crédits de paiement demandés sur la ligne budgétaire unique correspondent à une augmentation spectaculaire, cest du fait de laccélération des procédures obtenue par le secrétariat dEtat. La mise en oeuvre plus rapide des réalisations de logements impliquait un rattrapage énergique de lenveloppe de crédits de paiement, qui serait engagé par le présent projet.
Cet exemple est révélateur de lexpertise dont dispose le secrétariat dEtat sur la spécificité de loutre-mer, et de la volonté politique dont il sait faire preuve. Celles-ci lui donnent légitimité, non seulement pour adapter des législations, mais aussi pour mettre en uvre des politiques financières globales dintervention et dinvestissement. Dans ces conditions, il conviendra de mener à son terme le processus de regroupement sur son budget des crédits relatifs à lemploi dans les D.O.M.
a) Croissance de leffort budgétaire global pour loutre-mer
Lensemble des crédits demandés par les différents ministères et destinés à loutre-mer représentent près de 51,2 milliards de francs en 1999, soit un peu plus de 3 % du budget général, fixé à 1.685,2 milliards de francs.
Leur progression de 2,9 % est supérieure à la norme globale de 2,3 % assignée à lensemble des ministères. Elle correspond à un supplément de crédits de 1,45 milliard de francs. Elle reflète la priorité du Gouvernement à lemploi et à la solidarité, qui sexerce notamment envers loutre-mer français.
Une parenthèse dordre méthodologique simpose.
Ces informations sont le résultat de la compilation figurant chaque année dans les deux annexes jaunes au projet de loi de finances, en vertu de larticle 85 modifié de la loi de finances pour 1969. Lune est relative aux départements et collectivités territoriales doutre-mer, lautre aux territoires doutre-mer. Leur transmission au Parlement donnait lieu à un paradoxe. Ces annexes, destinées à une bonne et complète information du Parlement, avaient pour effet de priver les rapporteurs de lAssemblée nationale de toute information de synthèse sur loutre-mer, en-dehors du contenu du bleu du secrétariat dEtat. En effet, ces documents, longs à établir car ils supposent la collaboration de chaque ministère, sont habituellement mis en distribution à la veille du débat en séance publique. Toutes les demandes visant à obtenir par avance des informations portant sur leur contenu se heurtaient à une fin de non-recevoir. Dès lors, lexistence des jaunes faisait écran à linformation de lAssemblée nationale.
Votre rapporteur pour avis ayant attiré lattention du Gouvernement sur cette situation, les rapporteurs ont pu disposer dépreuves de ces documents en temps voulu pour la discussion budgétaire , selon les termes enfin respectés de larticle 85 précité de la loi de finances pour 1969. Votre rapporteur pour avis ne peut que se féliciter de cette manifestation defficacité et de respect du Parlement.
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EFFORT BUDGÉTAIRE GLOBAL EN FAVEUR DE LOUTRE-MER (a)
(crédits de paiement, en millions de francs)
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L.F.I. 1998
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P.L.F. 1999
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Evolution en %
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DOM et collectivités territoriales
TOM
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38.998
10.716
|
40.411
10.753
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+ 3,6 %
+ 0,35 %
|
TOTAL
|
49.714
|
51.164
|
+ 2,9 %
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dont budget du secrétariat dEtat à loutre-mer
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5.230
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5.594
|
+ 7 %
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(a) Y compris prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales doutre-mer, mais non compris charges des comptes spéciaux du Trésor : compte daffectation des bénéfices de lI.E.D.O.M. et de lI.E.O.M., comptes davances et de prêts.
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Au sein de lenveloppe relative à loutre-mer, le budget propre du secrétariat dEtat connaît une augmentation de 7 %. Par conséquent, non seulement leffort global saccroît, mais le poids du secrétariat dEtat se renforce, améliorant sa capacité dimpulsion.
b) 40,4 milliards de francs de crédits totaux pour les D.O.M.
Leffort budgétaire global en direction des départements et collectivités territoriales doutre-mer représenterait les quatre cinquièmes du total, soit 40,4 milliards de francs.
Ce montant inclut les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales doutre-mer, mais ne comprend pas les opérations des comptes spéciaux du Trésor. Au sein de leurs opérations à caractère définitif, le compte spécial relatif aux actions en faveur du développement des départements, des territoires et des collectivités territoriales doutre-mer a pour objet laffectation des bénéfices des instituts démissions (I.E.D.O.M. et I.E.O.M.) à des subventions dans les domaines agricole, immobilier et social outre-mer. Au total, ses crédits sélèvent à 42 millions de francs en loi de finances pour 1998, et à 58 millions de francs dans le présent projet de loi de finances, dont respectivement 14 millions de francs et 25 millions de francs pour les D.O.M. et Saint-Pierre-et-Miquelon. Cependant, les dépenses effectives sur ce compte (13 millions de francs en 1997) sont souvent en-deçà des crédits votés.
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DÉPARTEMENTS DOUTRE-MER ET COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
(dépenses ordinaires et crédits de paiement)
(en millions de francs)
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TOTAL DU BUDGET GÉNÉRAL (a)
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DONT BUDGET DU SECRÉTARIAT DETAT À LOUTRE-MER
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Loi de finances 1998
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Prévisions
1999
|
Loi de finances 1998
|
Prévisions
1999
|
Guyane
|
4.499
|
4.636
|
459
|
480
|
Réunion
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15.543
|
15.911
|
1.705
|
1.821
|
Martinique
|
7.619
|
7.939
|
800
|
903
|
Guadeloupe
|
7.233
|
7.510
|
811
|
960
|
Mayotte
|
1.273
|
1.306
|
164
|
182
|
Saint-Pierre-et-Miquelon
|
383
|
438
|
49
|
53
|
Non répartis
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2.348
|
2.572
|
105
|
105
|
Coût de la gestion des services métropolitains
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100
|
100
|
53
|
54
|
TOTAL
|
38.998
|
40.411
|
4.147
|
4.559
|
(a) Y compris prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales doutre-mer, mais hors opérations des comptes spéciaux du Trésor.
Source : Daprès annexe jaune départements et collectivités territoriales doutre-mer, PLF 1999.
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Avec 4,56 milliards de francs destinés aux D.O.M., le budget du secrétariat dEtat ne vient quen troisième position, après les budgets de lenseignement scolaire et de lintérieur, qui assument plus de la moitié de leffort.
Les crédits demandés au budget de lenseignement scolaire représentent à eux seuls 11,7 milliards de francs. Sur ce montant, 5 milliards de francs sont destinés à la Réunion, en raison de sa démographie.
La dotation tient compte dun effort particulier pour répondre aux retards de scolarisation constatés. Elle comprend les moyens nécessaires à un objectif de création de 3.500 emplois jeunes dans les quatre D.O.M.
Dans le premier degré, priorité est donnée à la Guyane, pour répondre aux carences dues à lexplosion démographique, que ce soit en matière de fonctionnement (revalorisation de lindemnité disolement) ou dinvestissement (participation aux constructions scolaires). Dans le second degré, cest Mayotte qui fait lobjet dun effort de rattrapage particulier, dans le prolongement du contrat de plan 1994-1998.
Les crédits gérés par le ministère de lintérieur et destinés aux D.O.M. sont évalués à 9 milliards de francs en 1999. Il sagit, outre du coût de fonctionnement des services qui y sont implantés, de dotations aux collectivités locales :
figurant au budget du ministère : dotation générale de décentralisation, dotation régionale déquipement scolaire, dotation départementale déquipement des collèges, crédits destinés, en Guyane, au programme exceptionnel de 1997 de mise en sécurité et construction détablissements scolaires du premier degré (28 millions de francs en crédits de paiement) ;
ou transitant directement par des prélèvements sur recettes, dont principalement la dotation globale de fonctionnement et le fonds de compensation de la T.V.A., au titre des investissements locaux.
Sur le budget des charges communes, 3,2 milliards de francs correspondent essentiellement :
à la prise en charge des exonérations de cotisations sociales patronales prévues par la loi du 25 juillet 1994 en contrepartie du relèvement de deux points de la T.V.A. dans les D.O.M. ;
aux pensions des agents de lEtat prenant leur retraite dans les D.O.M.
2,1 milliards de francs de crédits au budget de la défense sont relatifs aux forces prépositionnées dans les D.O.M., à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. Les crédits du service militaire adapté figurent, eux, au budget de loutre-mer.
La professionnalisation des armées conduira, dès 1999, à une diminution des effectifs, sauf en Guyane, où crédits et personnels augmentent.
c) Le projet de budget du secrétariat dEtat
Le projet de budget du secrétariat à loutre-mer sélève au total à 5,59 milliards de francs, en augmentation de 329 millions de francs, soit 7 %, sur la loi de finances. Les autorisations de programme sont en léger recul, de 1,90 à 1,87 milliard de francs. Larrivée à son terme de lengagement de garantie de lEtat dans le cadre du plan vert de la Guyane suffit à expliquer la différence.
Il se caractérise de plus en plus comme un budget dintervention, en faveur du développement social et économique.
La part des crédits destinés aux D.O.M. sy renforce. Portés de 4,15 milliards de francs à 4,56 milliards de francs entre 1998 et 1999, ils représentent respectivement 79,3 %, puis 81,5 %, des dotations du fascicule budgétaire.
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BUDGET DE LOUTRE-MER : VENTILATION PAR AGRÉGAT
(en millions de francs)
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L.F.I. 1997
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L.F.I. 1998
|
P.L.F. 1999
|
Administration générale
|
1.006
|
1.035
|
1.068
|
Collectivités locales
|
189
|
191
|
100
|
Développement social et économique
|
3.671
|
4.004
|
4.426
|
Total
|
4.866
|
5.230
|
5.594
|
Source : annexes budgétaires.
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Ladministration générale : + 33 millions de francs
La progression de 3,2 % de lagrégat relatif à ladministration générale est principalement due à la mise en uvre de laccord salarial conclu dans la fonction publique. Ainsi, une mesure de 8,3 millions de francs inscrite dans le projet de loi de finances pour 1999 permettra, notamment, le relèvement de la grille indiciaire au niveau du S.M.I.C. pour les plus bas salaires et lamélioration des perspectives de carrière des agents, tout en maintenant une stabilité des effectifs.
Lensemble des mesures relatives aux rémunérations et charges sociales conduisent à une majoration nette des crédits de 41 millions de francs. Cette variation se décompose en six facteurs principaux :
revalorisation des rémunérations publiques : 8,1 millions de francs ;
application de laccord salarial : 8,35 millions de francs ;
indemnité exceptionnelle destinée à compenser les effets du basculement des cotisations sociales sur la C.S.G. : 10,98 millions de francs ;
création de cinq emplois en Nouvelle-Calédonie : 1,85 million de francs ;
surcoût lié à la professionnalisation des armées : 8,95 millions de francs (compensé en quasi totalité par les économies faites sur lalimentation) ;
mesures diverses, notamment en faveur de la revalorisation des rémunérations des personnels ouvriers : 2,77 millions de francs.
Les effectifs prévisionnels sétablissent à 2.195 emplois civils, quasiment stables (une seule suppression) et à 3.352 emplois militaires, en baisse de 531 unités, dans le cadre de la réforme du service national. Les mesures sont récapitulées dans le tableau ci-après.
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BUDGET DE LOUTRE-MER : ÉVOLUTION DES EMPLOIS
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EFFECTIFS TOTAUX
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6.079 (dont 2.968 appelés)
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EN 1998
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suppressions
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créations
|
Amélioration des perspectives de carrières des fonctionnaires de catégorie C par transformation demplois, 4 en administration centrale et 24 outre-mer
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4
24
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+ 4
+ 24
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Restructuration du service des transmissions à la Réunion permettant par transformation demplois le bénéfice des primes de sujétions spéciales accordées aux agents de transmission
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6
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+ 5
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Résorption de lemploi précaire et des surnombres dans les D.O.M. et les T.O.M.
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11
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+ 6
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Réforme du service national : mise en place du volontariat (suppression de 1.000 postes dappelés et de 31 postes militaires dencadrement, création de 500 emplois de volontaires)
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1.031
|
+ 500
|
Création de 5 emplois dattachés en Nouvelle-Calédonie, liée à la mise en oeuvre de laccord de Nouméa, destinés à des néocalédoniens pour préparer les prochains transferts de compétence
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+ 5
|
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- 1.076
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+ 544
|
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- 532 (- 32 hors appelés et volontaires)
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EFFECTIFS TOTAUX EN P.L.F. 1999
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5.547 (dont 1.968 appelés et
500 volontaires)
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Source : secrétariat dEtat à loutre-mer.
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Par ailleurs, une politique de modernisation des structures et des outils de ladministration justifie une dotation supplémentaire de crédits informatiques de ladministration centrale dune part, et de crédits déquipements administratifs dautre part, pour la réorganisation des services de la préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon. Sur ce point, votre rapporteur pour avis a reçu les précisions ci-après.
OPÉRATION DE CONSTRUCTION DUN BÂTIMENT
POUR LA PRÉFECTURE DE SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON
Lactuelle préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon est située en front de boulevard, le long du port de Saint-Pierre. Elle occupe un bâtiment de 514 m2 en L sur deux niveaux avec une partie en caves denviron 200 m2 et une cour intérieure peu accessible. Les niveaux 1 et 2 du bâtiment sont occupés par des bureaux. Par ailleurs, en raison de lexiguïté des locaux, la préfecture loue dans un immeuble en centre-ville un local de 99 m2 où est abrité le service des finances et du budget de lEtat. Un espace de parking pour une quinzaine de véhicules est aménagé devant la préfecture. Les voitures peuvent aussi stationner le long du boulevard maritime.
Du fait de la dévolution des biens entre lEtat et le conseil général, lEtat est depuis peu propriétaire du bâtiment dit du ravitaillement, limitrophe de lactuelle préfecture, dune superficie de 460 m2 sur trois niveaux, dont deux seulement sont réellement utilisables pour des bureaux. Le bâtiment est dans un état médiocre.
La réhabilitation de ce bâtiment permettrait le regroupement en un même site des services de la préfecture, et générerait une économie annuelle de lordre de 106.000 F (coût de la location de bureaux dans le centre-ville). Cette opération permettra de repenser entièrement laménagement des services préfectoraux, de remédier à leur exiguïté, de rationaliser leur fonctionnement et de sécuriser les locaux.
Le coût total du projet est évalué à 5,65 millions de francs par les services de la direction de léquipement pour la rénovation du bâtiment (démolition complète des planchers, plafonds et cloisons en bois, mise en conformité sécurité incendie et isolation thermique, aménagement dun espace de raccordement entre les deux bâtiments).
Les travaux devraient se réaliser en deux tranches entre 1999 et 2000.
Source : secrétariat dEtat à loutre-mer.
Lagrégat collectivités locales : 91 millions de francs
Le deuxième agrégat qui concerne les collectivités locales est en diminution de 48 %. Cette réduction des crédits est dabord le fait dajustements conventionnels. La convention de Mayotte sera soldée en 1999 avec la tranche annuelle de 3,6 millions de francs, alors quen 1998 la participation de lEtat était doublée pour mettre en oeuvre le rattrapage dune année. La convention avec la commune de Cayenne au titre de la subvention déquilibre (10 millions de francs pour le projet de loi de finances 1998) ayant pris fin en 1998, les crédits correspondants ne sont pas reconduits.
En outre, cette diminution de 91 millions de francs est due pour 52 millions de francs à la non reconduction de la dotation versée par lEtat au fonds intercommunal de péréquation pour la Polynésie française en 1999, dans lattente dune loi qui prendra le relais de celle du 2 février 1994.
En définitive, la baisse de lagrégat est limitée à 17,6 millions de francs pour les dotations propres aux collectivité locales des D.O.M., dont 10 millions de francs au titre des subventions de caractère facultatif.
Le développement économique et social : + 422 millions de francs
Le troisième agrégat retrace à lui seul 79 % des crédits demandés pour le secrétariat dEtat. Il connaît pourtant une augmentation considérable : + 10,5 %, soit pas moins de 422 millions de francs. Ce montant est le solde de 40 millions de francs de redéploiements et déconomies, et de 462 millions de francs de suppléments de crédits sur les principales enveloppes, toutes trois relatives aux D.O.M. :
le fonds pour lemploi dans les D.O.M. (F.E.D.O.M.) : sa majoration de 108 millions de francs doit permettre le financement de 8.000 nouvelles solutions dinsertion ;
laide au logement dans les D.O.M. ( ligne budgétaire unique ), relevée de 329 millions de francs, soit plus de moitié, pour tenter de suivre laccélération constatée des réalisations ;
les actions dinsertion en faveur des bénéficiaires du R.M.I. ( créance de proratisation ), augmentée de 25 millions de francs.
a) Le fonds pour lemploi dans les départements doutre-mer
Le fonds pour lemploi dans les D.O.M. (F.E.D.O.M., chapitre 44-03) fait lobjet dune demande de 108 millions de francs supplémentaires. Il atteint 1.808 millions de dotation, et représente à lui seul 40 % des crédits relatifs aux D.O.M.
Pour bien comprendre lécart entre le budget voté de 1998 et les crédits demandées pour 1999, un retour en arrière est nécessaire.
En loi de finances pour 1998, le montant total des crédits inscrits au chapitre 44-03 sélevait à 1.700 millions de francs, dont 1.400 millions de francs pour assurer le financement des mesures dinsertion et 300 millions de francs, transférés du budget de lemploi, pour celui des emplois-jeunes créés par la loi du 16 octobre 1997.
Les interventions du F.E.D.O.M. pour 1998 ont été définies par le comité directeur du 13 janvier 1998 puis complétées par le comité permanent du 12 juin 1998. Lors de la réunion du 13 janvier, tenant compte notamment des débats parlementaires, il a été décidé de mettre laccent sur les tâches dutilité collective, avec louverture de 33.900 contrats emploi-solidarité, tout en soulignant la nécessité de respecter une grande rigueur dans la gestion budgétaire.
Le nombre de contrats dinsertion par lactivité a été maintenu à 15.000 tandis que le nombre de contrats daccès à lemploi (C.A.E.), compte tenu de leur coût, a dabord été ramené à 5.000 nouveaux contrats puis complété en cours dannée par une dotation complémentaire de 2.000 contrats. Toutefois, au vu des reports engendrés par ce dispositif dinsertion, il convient de prendre en compte 16.750 contrats encore en cours mais conclus au titre des exercices 1996 et 1997.
La diminution de lenveloppe de C.A.E. a été accompagnée du recentrage de ce dispositif en faveur des publics prioritaires, à savoir les demandeurs demploi de longue durée, mais également les jeunes de moins de 26 ans et les allocataires du R.M.I., dont la proportion de bénéficiaires de cette mesure avait baissé de façon significative entre 1996 et 1997. Linconvénient de ce dispositif est de requérir des contrôles auprès des entreprises, pour vérifier sa bonne application et limiter les effets daubaine.
Par ailleurs, une modification du principe de versement de la prime à la création demploi a été adoptée dans le cadre de la loi contre lexclusion. Son versement sera désormais aligné sur celui des contrats initiative-emploi.
La part de la créance de proratisation à verser aux agences dinsertion au titre de linsertion est venue compléter cette dotation à hauteur de 196,79 millions de francs.
Sur lexercice 1998, les prévisions en matière dexécution sinscrivent dans le tableau ci-après.
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F.E.D.O.M. : PRÉVISIONS POUR 1998 ET 1999
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L.F.I. 1998
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PRÉVISIONS 1998
|
P.L.F. 1999
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Dotation
budgétaire
(en millions de francs)
|
Nombre de
solutions
|
Dotation budgétaire
(en millions de francs)
|
Nombre de
solutions
|
Dotation budgétaire
(en millions de francs)
|
Nombre de
solutions
|
Contrats emploi solidarité (C.E.S.)
|
429,90
|
25.000
|
529,15
|
33.900
|
662,2
|
34.000
|
Contrats dinsertion par lactivité (C.I.A.)
|
175,85
|
15.000
|
179,10
|
15.000
|
179,4
|
15.000
|
Contrats daccès à lemploi (C.A.E.)
|
762,70
|
8.000
|
668,40
|
7.000
|
495,8
|
7.000
|
Primes à la création demploi
|
21,55
|
500
|
8,82
|
364
|
14,6
|
500
|
Contrat de retour à lemploi (C.R.E.)
|
10
|
|
10
|
|
10
|
|
Études
|
|
|
0,63
|
|
1
|
|
Emplois-jeunes
|
300
|
4.000
|
200,00
|
4.000
|
445
|
3.500
|
TOTAL
|
1.700
|
52.500
|
1.596,10
|
60.264
|
1.808
|
60.000
|
Source : secrétariat dEtat à loutre-mer
|
Pour 1999, les dotations budgétaires demandées définissent un crédit apparemment assez différent de la loi de finances pour 1998, mais très proche dans sa ventilation, de la prévision révisée le 13 janvier.
Le principal écart résulte du renforcement de la dotation relative aux emplois-jeunes, portée à 445 millions de francs (4). Elle permettra le financement dun total de 7.000 emplois-jeunes, depuis leur création dès 1997, jusquà la fin de 1999. Selon un décompte arrêté au 31 juillet dernier, les conventions déjà signées avec le secteur local et associatif conduisaient à un total cumulé de 5.500 emplois-jeunes, dont plus de 2.880 financés sur le budget de loutre-mer. La prévision pour 1998 sétablit entre 3.500 et 4.000 de ces emplois. Un prélèvement sur le crédit global de la créance de proratisation sera possible en cours dexercice.
Quant aux autres crédits, ils permettent le financement de 56.500 solutions dinsertion, dont :
49.000 dans le secteur de lutilité collective, notamment dans lenvironnement, soit 34.000 nouveaux contrats emploi-solidarité et 15.000 contrats dinsertion par lactivité ;
7.500 dans le secteur marchand : 7.000 contrats daccès à lemploi et 500 primes versées aux employeurs.
La part de la créance de proratisation à verser, au titre de linsertion, aux agences dinsertion viendra compléter cette dotation en cours dexercice budgétaire. Le budget prévisionnel de ces agences, qui sont désormais des établissements publics départementaux, est supérieur à 800 millions de francs en 1999.
Dautre part, 350 millions de francs demeurent sur le budget de lemploi au titre du financement à 80 % par lEtat de 4.000 emplois consolidés dans les D.O.M. Linscription de ces crédits sur le budget de loutre-mer paraîtrait justifiée.
Le problème du logement social dans les départements doutre-mer à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon se pose encore aujourdhui en termes de pénurie, dinsalubrité et de précarité. Le parc de logements est très insuffisant et surpeuplé, avec un nombre moyen de personnes par logement de 4,35 (au lieu de 2,57 en métropole). 30 % des logements sont précaires ou dépourvus déléments de confort. Il faut tenir compte enfin de la forte croissance démographique. La pénurie se traduit par une cherté excessive des loyers et une hausse sensible du coût de la construction et du foncier.
Dans ces conditions, les objectifs prioritaires de la politique du logement outre-mer sont notamment :
de loger le plus grand nombre de ménages en augmentant lefficacité des aides de lEtat et doeuvrer en particulier pour le logement des personnes les plus défavorisées ;
de reloger les ménages occupant les zones dhabitat insalubre ;
de contribuer à un aménagement équilibré du territoire.
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NOMBRE DE LOGEMENTS NEUFS FINANCÉS GRACE À LAIDE DE LÉTAT
|
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1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998 (a)
|
Guadeloupe
|
2.203
|
2.736
|
2.671
|
2.898
|
2.765
|
2.406
|
2.329
|
Martinique
|
2.022
|
2.509
|
2.140
|
2.344
|
2.082
|
2.346
|
2.105
|
Guyane
|
1.256
|
1.293
|
865
|
815
|
875
|
1.120
|
983
|
Réunion
|
3.970
|
4.772
|
5.229
|
4.532
|
4.742
|
4.100
|
4.870
|
Mayotte
|
441
|
606
|
1.006
|
993
|
908
|
1.020
|
1.200
|
TOTAL
|
9.892
|
11.916
|
11.911
|
11.582
|
11.372
|
10.992
|
11.487
|
(a) Prévisions indicatives
Source : secrétariat dEtat à loutre-mer.
Laide au logement sur la ligne budgétaire unique (chapitre 65-01) est la principale source de progression du budget des D.O.M. en 1999. Ses crédits de paiement sont accrus de 329 millions de francs, pour atteindre près de 897,4 millions de francs. Cest la conséquence dun effort daccélération des réalisations de programmes, conduit par le secrétariat dEtat depuis un an. La dotation dautorisations de programme est maintenue : 1 milliard de francs pour la gamme diversifiée daides de lEtat, et 96 millions de francs pour la résorption de lhabitat insalubre (R.H.I.), comme en 1998. Les crédits correspondants sont fixés à 38,4 millions de francs. Parallèlement, le secrétariat dEtat, désormais responsable, remanie les procédures de mise en uvre de la R.H.I. dans les D.O.M. et à Mayotte pour les adapter aux situations locales.
Ces montants seront complétés à hauteur dau moins 540 millions de francs à partir de la créance de proratisation du R.M.I. (chapitre 46-01), selon la clé de répartition usuelle.
c) La créance de proratisation du R.M.I.
En complément, la créance de proratisation du R.M.I., destinée aux actions dinsertion en faveur des titulaires du R.M.I., serait majorée de 25 millions de francs, à 815 millions de francs (chapitre 46-01). Elle sera répartie à raison des trois quarts vers le logement, sur la ligne budgétaire unique, et dun quart vers des actions dinsertion et demploi. Ce dernier quart, soit une prévision de 192 millions de francs, sera principalement versé aux quatre agences départementales dinsertion.
Au sein des actions en faveur du logement, il est prévu de consacrer 70 millions de francs à la résorption de lhabitat insalubre, dont la dotation globale serait donc maintenue à son niveau élevé de 1998. Elle doit permettre des opérations portant sur 7.300 logements.
d) Le fonds dinvestissement des départements doutre-mer
La subvention au F.I.D.O.M. général (chapitre 68-01) doit bénéficier dune enveloppe de 205 millions de francs en autorisations de programme et de 198,750 millions de francs en crédits de paiement pour 1999.
A titre indicatif, les perspectives de répartition de la dotation se présentent de la façon suivante (en millions de francs), sous réserve de lapprobation du Comité du F.I.D.O.M. :
contrats de plan153,80 ;
convention de développement à Mayotte15,94 ;
plan social dockers à la Réunion0,33 ;
contrats de plan50,75 ;
remboursement prêts S.I.D.O.M.0,01 ;
constructions scolaires15,00 ;
dotation non affectée19,91.
· Il est à noter que les opérations ne relevant pas des contrats de plan feront lobjet dune enveloppe globale en recul, principalement du fait de larrivée à expiration dopérations soldées en 1998. Tel est le cas en particulier du financement de la garantie donnée par lEtat à la société financière de développement économique de la Guyane (S.O.F.I.D.E.G.) en 1975, dans le cadre du plan vert (5), qui représentait 32 millions de francs dautorisations de programme et de crédits de paiement en 1998.
· Dun point de vue technique, depuis plusieurs années, afin de remédier au décalage entre les autorisations de programme (A.P.) et les crédits de paiement (C.P.) sur les dotations des sections générale et décentralisée du F.I.D.O.M., une priorité a été donnée aux crédits de paiement en les faisant progresser plus rapidement que les autorisations de programme.
Ainsi, en 1995, 1996 et 1997, le montant des C.P. a été nettement supérieur à celui des A.P. Leffort de rattrapage a été poursuivi dans le projet de loi de finances 1998 en inscrivant une dotation en C.P. de 232,50 millions de francs supérieure à la dotation en A.P. (225 millions de francs).
Il est vrai que le calcul théorique du décalage cumulé depuis 1990 devrait faire apparaître un montant de 730 millions de francs, mais que par réalisme, nombre de projets ont été reportés. Cest pourquoi cette politique a permis depuis 1996 de satisfaire la totalité des besoins exprimés par les préfets sur le F.I.D.O.M. général.
· Le risque de décalage entre A.P. et C.P. sur le F.I.D.O.M. appellent une remarque. Le F.I.D.O.M. décentralisé fonctionnait comme un complément de D.G.E. pour les départements et régions des D.O.M. Or, nous constatons sa mise en extinction, engagée par les deux précédents secrétaires dEtat à loutre-mer sans quaucune explication sérieuse nait, à lépoque, été apportée pour la justifier.
La dotation 1998 correspondait à la couverture en crédits de paiement dopérations antérieures. Pour 1999, sur la base des autorisations de programme qui ont été déléguées, aucune dotation nest plus prévue. Mais il conviendrait dêtre assuré quen termes de crédits de paiement, certaines collectivités nauraient pas encore des créances à faire valoir auprès de lEtat.
Votre rapporteur pour avis souhaite donc interroger le Gouvernement sur léventualité dun décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement sur le chapitre 68-03, relatif au F.I.D.O.M. décentralisé, afin de garantir que tous les versements de lEtat à ce titre sont bien soldés.
e) Le service militaire adapté
Le service militaire adapté (S.M.A.) appelle une dernière observation. Son enveloppe pour 1999 est en légère augmentation. Mais celle-ci ne fait que traduire lapplication des mesures relatives aux rémunérations militaires. Le S.M.A. est un excellent outil dinsertion au service des D.O.M. Toutefois, dans limmédiat, limpact de la réforme du service national prévue par la loi du 28 octobre 1997 crée beaucoup dincertitudes, quant au rythme de la transition vers le volontariat. La prévision retenue pour 1999 repose sur le schéma suivant :
création de 500 emplois de volontaires ;
suppression de 1.000 postes dappelés, avec 31 postes de cadres associés.
En 1999, 60 % des volontaires seraient des stagiaires, avec une rémunération de lordre de 2.000 F/mois. Les 40 % restants, dits volontaires techniciens , seraient chargés de les encadrer ; leur rémunération mensuelle serait de lordre de 4.000 F. A effectifs constants, les rémunérations des volontaires impliquent des charges sociales accrues.
Le dispositif retenu, compte tenu des économies sur lalimentation liée à la baisse globale des effectifs, serait mis en place à coût inchangé en 1999. Votre rapporteur pour avis ne peut que souhaiter le relèvement des effectifs du S.M.A., au moins après la phase de transition vers le volontariat.
Interrogé par votre rapporteur pour avis, le Gouvernement a indiqué quil nexcluait pas une évolution de la décentralisation outre-mer dans le cadre de larticle 73 de la Constitution. Il souhaite se prononcer sur des propositions précises et nest pas opposé à une évolution différenciée de chacun des départements . Larticle 73 est relatif au principe dadaptation, alors que la décentralisation a été mise en oeuvre en 1982-1984 dans une perspective dassimilation, résultant de larticle 72. La question institutionnelle sera nécessairement posée prochainement à propos de la consultation de la population de Mayotte, dans un cadre qui relève de la compétence du législateur.
Devenue collectivité territoriale doutre-mer en décembre 1976, après laccession à lindépendance des trois îles composant la République islamique des Comores, Mayotte a connu depuis vingt ans un développement économique dautant plus rapide que les retards à rattraper étaient importants et considérables.
A la mise à niveau juridique par le recours à la procédure des ordonnances, pour étendre à Mayotte des pans entiers de législation (voir ci-avant page 32), sest ajoutée une politique de rattrapage des équipements administratifs et des infrastructures économiques de base qui a conduit à compléter les dispositions du contrat de plan par une convention de développement comportant des mesures de développement nentrant pas dans le champ dapplication du contrat de plan.
Les retombées bénéfiques dune telle politique, jointes aux difficultés économiques des îles voisines des Comores, ont attiré à Mayotte un flux croissant de ressortissants comoriens qui, à la faveur de la proximité géographique, des liens de parenté et des facilités dentrée, se sont massivement implantés à Mayotte et ont alimenté lexplosion démographique de ces dernières années.
Aujourdhui, léconomie de Mayotte poursuit son processus de développement économique et social sous limpulsion des transferts publics qui augmentent à un rythme soutenu (1.087 millions de francs en 1996, soit + 14 %), en raison des rattrapages importants en cours, notamment en matière de scolarisation ou de protection sanitaire et sociale.
Une partie importante des concours de lEtat en faveur du développement de Mayotte est issue, dune part du contrat de plan 1994-1998 (135 millions de francs engagés en 1996 sur un total denviron un milliard pour la durée du plan) et, dautre part, de la convention de développement économique et social 1995-1999 (450 millions de francs engagés en 1996 sur un total de deux milliards pour la durée de la convention).
a) Lessoufflement des productions traditionnelles dexportation
Les spécialités agricoles de lîle sont des plantes à parfum, cultures de rente soumises à un marché spéculatif et très concurrentiel. Leurs exportations ont même reculé en 1996. Lévolution récente des exportations de vanille et dylang-ylang, les deux plus importantes, a été la suivante :
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MAYOTTE : EXPORTATIONS DE PRODUCTIONS TRADITIONNELLES
(en millions de francs)
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1991
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1992
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1993
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1994
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1995
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1996
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1997
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Ylang-ylang
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10,5
|
9,4
|
9,3
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10
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7
|
5,3
|
5,6
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Vanille
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2,3
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5,1
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2
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2,1
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1
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0,85
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0,76
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Source : Secrétariat dEtat à loutre-mer.
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La production dylang-ylang a souffert de la morosité du marché et de la concurrence des produits de synthèse.
La coopérative de vanilles de Mayotte a connu de graves difficultés financières à la suite de la mise en liquidation de son principal client réunionnais, ce qui a conduit lO.D.E.A.D.O.M. et la collectivité territoriale à lui venir en aide. Elle soriente aujourdhui vers la production de vanille biologique pour laquelle les cours sont plus attractifs.
Lagriculture tend à se diversifier pour répondre à ces contre-performances.
b) Les progrès du développement
LEtat ne prélevant aucune recette au sein de la collectivité territoriale, ses dépenses représentent en totalité des transferts publics dont le montant ne cesse de croître :
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(en millions de francs)
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1992
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1993
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1994
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1995
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1996
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1997
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Dépenses de lEtat
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596
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702
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859
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955
|
1.087
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1.097
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Source : Secrétariat dEtat à loutre-mer.
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Les indicateurs de niveau de vie témoignent de la rapidité du développement. Sous leffet de laugmentation des revenus, on peut ainsi relever une croissance soutenue de la consommation dénergie et une diffusion rapide des consommations.
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MAYOTTE : INDICATEURS DE NIVEAU DE VIE
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1993
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1997
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1. Energie électrique :
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10.334
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18.151
|
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21.937
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49.001
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2.129
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2.700
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2. Hydrocarbures (a) :
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175.300
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276.790
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3. Desserte en eau :
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9.272
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17.589
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4. Télécommunications :
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4.018
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9.314
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(a) : Le parc automobile est passé de 1.878 unités en 1990 à 10.434 en 1997.
Source : secrétariat dEtat à loutre-mer
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c) Les défis du développement
· Lexplosion démographique est un premier défi : la population de lîle évolue sur une pente de doublement en douze ans.
La natalité est encore mal maîtrisée avec un taux très élevé de 4 %, en dépit de la sensibilisation de la population et du recul de la polygamie. Limmigration clandestine connaît une recrudescence depuis les événements de 1997 aux Comores.
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ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE À MAYOTTE
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1966
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1978
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1985
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1991
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1997 (a)
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Population résidente
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32.607
|
47.246
|
67.167
|
94.410
|
131.320
|
Étrangers
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2.678
|
12.959
|
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Taux daccroissement intercensitaire
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44,9 %
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42,2 %
|
40,6 %
|
39,1 %
|
Accroissement annuel moyen
|
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3,1 %
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5,2 %
|
5,8 %
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5,7 %
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(a) Résultats provisoires.
Source : INSEE, in Rapport IEOM 1997.
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A ce rythme, lîle comptera 150.000 habitants en lan 2000 et plus de 250.000 en 2010. Les conséquences en sont multiples : cest ainsi que le schéma de formation prévoit pour les dix ans à venir un accroissement de 50 % des effectifs à scolariser dans lenseignement primaire, un triplement des élèves en collège et une multiplication par 10 des élèves en lycée.
· La maîtrise de lévolution des prix et des salaires devra être poursuivie.
Se situant à des niveaux extrêmement bas il y a vingt ans, les salaires à Mayotte avaient connu une évolution très rapide pendant une première période de la collectivité territoriale, risquant de compromettre les possibilités de développement des activités économiques locales.
Aujourdhui, une meilleure maîtrise de lévolution des salaires est rendue possible par un indice des prix refondu en 1996, dont la fiabilité est reconnue. Cet indice fait apparaître une inflation de 2,9 % en 1996. Au cours des dernières années, le salaire minimum interprofessionnel garanti de Mayotte a évolué selon le tableau suivant.
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ÉVOLUTION DU S.M.I.G. DE MAYOTTE
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1985
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1990
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1995
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1996
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1997
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En F/heure au 1er janvier
|
5,60
|
9,07
|
13,94
|
15,00
|
15,45
|
Variation annuelle (%)
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+ 30,2
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+ 8
|
+ 7,6
|
+7,6
|
+ 3
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On peut noter quen dépit des rattrapages réalisés, le S.M.I.G. à Mayotte, 15 fois supérieur à celui de Madagascar, reste inférieur de près de 60 % à celui des D.O.M. ou de la métropole.
· Le rééquilibrage des échanges est conditionné par la diversification économique.
Le taux de couverture de lordre de 4 % donne la mesure de la dépendance de léconomie de Mayotte par rapport aux transferts publics qui financent le déficit des échanges.
COMMERCE EXTÉRIEUR DE MAYOTTE
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(en millions de francs)
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1993
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1994
|
1995
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1996
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1997
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Importations
|
527
|
540
|
648
|
738
|
825
|
Exportations
|
12
|
21
|
18
|
34
|
20
|
Solde commercial.
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- 515
|
- 518
|
- 630
|
- 704
|
- 805
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Taux de couverture
|
2 %
|
4 %
|
3 %
|
5 %
|
2 %
|
Source : Secrétariat dEtat à loutre-mer.
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Les secteurs non agricoles peinent à prendre le relais du bâtiment-travaux publics, et des services publics. Le tourisme est handicapé par le coût de la desserte aérienne et la faiblesse des équipements. Le développement des activités de transformation, en dépit des aides à linvestissement, est bridé par lincertitude sur lavenir institutionnel de Mayotte, par létroitesse du marché et par le manque de qualification de la main-duvre.
Le statut de collectivité territoriale de Mayotte issu de la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 avait été conçu comme transitoire.
La population mahoraise, qui a exprimé par trois fois de façon claire et massive sa volonté de rester au sein de la République, paraît majoritairement désireuse dobtenir la transition vers un statut de département doutre-mer. Cependant, cette préférence paraît en partie fondée sur un malentendu : alors que nul ne songe à remettre en cause lappartenance de lîle à la République, le statut de D.O.M. est interprété par la population comme le gage de la pérennité de cette appartenance. Or, les particularismes sociaux et juridiques de Mayotte sont très forts, et partiellement incompatibles avec le statut de département.
Afin de sortir dun régime provisoire, source dinsécurité juridique et que naccepte plus la population mahoraise, le Président de la République sest engagé à ce quelle soit consultée sur lévolution de son statut avant la fin de la décennie. En novembre 1997, le secrétaire dEtat à loutre-mer a confirmé que cette consultation devrait pouvoir se tenir dici à lan 2000. Un groupe de réflexion sur lavenir institutionnel de Mayotte, conduit par M. le préfet François Bonnelle, a été constitué au mois de septembre 1996. Après un travail approfondi mené en liaison avec un groupe complémentaire assurant, à Mayotte, la participation la plus large des personnalités locales, il a remis son rapport en janvier 1998.
Dans ce rapport, le groupe de réflexion propose cinq solutions possibles, toutes selon un mode évolutif, afin de tenir compte des réalités économiques, sociales et culturelles de lîle, ainsi que des contraintes constitutionnelles et juridiques.
Il convient de rappeler en effet que la société mahoraise est fortement marquée par lislam, que le français nest parlé que par une minorité de la population, dont la grande majorité continue par ailleurs à relever du statut personnel, comme ladmet larticle 75 de la Constitution. Le groupe de réflexion a donc insisté sur la nécessité de réformes en matière détat-civil, de justice cadiale, de régime foncier, de fiscalité, de décentralisation et de protection sociale. Les évolutions envisageables du statut seraient les suivantes.
Ce statut sui generis permettrait des adaptations très fines pour tenir compte des réalités locales . Ainsi, la spécialité législative pourrait être conservée le temps nécessaire à lapplication du principe de lassimilation législative . Cette application suppose la mise en uvre préalable des nombreuses réformes précitées.
b) Les variantes du statut de département doutre-mer
· Les différentes solutions possibles dans un cadre départemental auraient en commun labandon du principe de spécialité : laccession au statut de département doutre-mer conduirait donc à faire rentrer Mayotte dans le régime de lassimilation législative . Cette suppression ne pourrait se faire sans transition.
A titre dexemple, laccession au statut de D.O.M. entraînerait le retrait de lîle de la liste européenne de pays et territoires doutre-mer associés à la Communauté. Le bénéfice du régime spécial dassociation permet en particulier déchapper à la réciprocité commerciale. Il en résulterait une remise en cause de la taxe à la consommation, ressource prépondérante du conseil général. La départementalisation suppose donc en préalable une réforme fiscale complète.
· Le groupe propose trois variantes du statut de D.O.M., adaptées au cas de Mayotte :
la création de deux collectivités avec une assemblée unique élue selon le modèle départemental. Il considère en effet que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 décembre 1982, a censuré le schéma inverse : confier à une assemblée unique, conçue sur le modèle du conseil régional, les compétences du conseil général. Ce choix, qui introduit une hétérogénéité au sein de la catégorie des D.O.M., comporte néanmoins une marge dincertitude quant à sa constitutionnalité ; elle serait dautant plus réduite que lassemblée unique assurerait la représentation des composantes territoriales du département ;
la dévolution au conseil général des compétences régionales. Un D.O.M. serait créé à Mayotte, mais pas de région. Là encore, la constitutionnalité du système nest pas assurée ;
un statut de D.O.M. avec maintien de la collectivité territoriale sui generis, dotés dinstitutions communes. Lassemblée de la collectivité territoriale exercerait les compétences actuelles du conseil général ne relevant pas de la compétence départementale, ainsi que les compétences régionales.
c) Un statut de territoire doutre-mer
Ce statut devrait être établi par une loi organique, après consultation de lassemblée territoriale. Pleinement compatible avec le droit existant, cette solution, qui nest apparemment pas souhaitée par la population, a linconvénient dêtre peu évolutive : Il ne serait guère possible, dans une telle hypothèse, daffirmer la vocation départementale de Mayotte .
Au terme de ses réflexions, le groupe conclut : Le choix reviendra à la population mahoraise et au législateur. En tout état de cause, il sera éclairé par laspiration répétée des Mahorais à demeurer au sein de la République .
Pour sa part, le Gouvernement, souhaitant mener sa réflexion sur les solutions proposées, entend organiser une vaste concertation autour de ces différentes options de manière à dégager une solution qui soit à la fois consensuelle et conforme aux intérêts particuliers des Mahorais . Cette concertation sera lun des grands dossiers du secrétariat dEtat dans les mois à venir.
A lopposé du regroupement vertical des institutions départementale et régionale, qui ne paraît plus de la compétence législative (voir pages 22 et 23 ci-avant), une réforme envisageable conduirait à scinder les départements.
La question concerne surtout le plus peuplé des départements doutre-mer : la Réunion. Relançant un débat ancien, nos collègues Elie Hoarau, Huguette Bello et Claude Hoarau viennent de déposer des propositions de loi relatives à la réorganisation administrative de la Réunion en deux départements (propositions nos 1090, 1091 et 1098 des 22 et 24 septembre 1998). Au nom de la démographie, de laménagement du territoire et de lhistoire, la zone du vent et la zone sous le vent seraient le support géographique de deux départements, dénommés La Réunion Orientale et La Réunion Australe, comprenant respectivement 28 et 44 cantons.
Il convient de noter que cette proposition ne fait pas lobjet dun consensus parmi les élus de lîle.
Elle mérite cependant dêtre une nouvelle fois examinée. La bidépartementalisation permettrait de répondre à lactuelle concentration des pouvoirs de décision autour de Saint-Denis, en créant à Saint-Pierre et sur la côte sous le vent un pôle dattraction, disposant dun noyau déquipements publics et demplois tertiaires. Toutefois, sur le plan administratif, il conviendra de mesurer le risque dun nouvel alourdissement des processus de décision. Sur le plan économique, le poids de la sphère publique, déjà élevé dans les D.O.M., en serait accru. La question est de savoir si cet accroissement sera gage defficacité.
Interrogé par votre rapporteur pour avis sur sa position, le Gouvernement a indiqué que lhypothèse de la bidépartementalisation nest pas écartée a priori ; elle doit être considérée au regard de lévolution démographique et en termes daménagement global de lîle .
Il a précisé quà côté de ses avantages, la bidépartementalisation apparaît comme une solution financièrement non neutre. Elle supposerait la création de 475 emplois environ, soit 85 millions de francs de salaires annuels, près de 150 millions de francs de frais dinvestissement initiaux, pour limmobilier essentiellement et près de 20 millions de francs par an de dépenses additionnelles de fonctionnement .
Sans préjuger de lissue du débat de fond sur les institutions, le Gouvernement souligne lintérêt de réponses pragmatiques aux problèmes daménagement du territoire que connaît la Réunion.
Le rééquilibrage des régions du sud de lîle par la création dantennes des principales administrations constitue une solution plus immédiate. LEtat sest déjà engagé sur cette voie :
une meilleure implantation des services de lEtat dans le sud (direction du travail et de lemploi, direction de lagriculture et de la forêt, police nationale, France-Télécom, La Poste, direction départementale de laction sanitaire et sociale, Office national des forêts, direction générale des douanes ...) ;
dans le domaine de lenseignement, leffort déquipement a été conduit au même rythme sur lensemble du département. Dans un contexte de développement de luniversité implantée à Saint-Denis, un I.U.T. est déjà installé à Saint-Pierre et il est prévu de mettre en place une section de lI.U.F.M. au Tampon.
Le centre administratif départemental de Saint-Pierre, dont la deuxième tranche a été inaugurée en juin 1998, permettra aux usagers deffectuer certaines démarches administratives dans un site unique et déconcentré.
Parallèlement, la modernisation de léquipement hospitalier engagée en 1980 sest effectuée de façon équilibrée. Dautres organismes, comme le conseil général et la chambre de commerce et dindustrie, ont également développé leurs implantations dans le sud de lîle .
*
* *
A lissue de la présentation des crédits par le rapporteur pour avis, M. Ernest Moutoussamy sest réjoui de leur progression de 7 % pour les départements doutre-mer et de lorganisation dun grand débat sur loutre-mer le 23 octobre. Il a déploré quaucune réflexion ne soit menée dans le domaine des institutions pour les départements doutre-mer, cette question ne pouvant être dissociée de la réalité économique sur place.
Rappelant que la France était le seul Etat européen à avoir une dimension mondiale grâce à ses départements et territoires doutre-mer et évoquant larticle 227, paragraphe 2, du traité dAmsterdam qui a eu le mérite de prendre en compte la spécificité de ces départements français, il a souligné que les perspectives tracées par le traité étaient plus intéressantes que celles offertes par le cadre français actuel.
Evoquant le taux élevé de chômage dans les départements doutre-mer, il a fait valoir que celui-ci ne sexpliquait pas seulement par le facteur de la croissance démographique, mais également par les effets du nombre considérable de faillites dentreprises. Observant que les rapports sur lemploi depuis plusieurs décennies montraient que le seul secteur marchand ne pouvait absorber le chômage, il a estimé quil convenait de sappuyer sur le secteur non marchand pour venir à bout de ce problème, les agences départementales dinsertion constituant à cet égard un précieux outil de réflexion. Constatant en outre que la croissance était insuffisante pour créer des emplois, il a plaidé pour la définition dun nouveau schéma de développement et sest félicité de la très forte hausse des crédits de paiement qui devrait permettre une relance de la politique du logement. Il a regretté quen quatorze ans, les mesures fiscales prises en faveur de loutre-mer ne soient à mettre au bénéfice que des seuls ministres de lactuelle opposition.
M. Dominique Bussereau sest réjoui également de la tenue dun grand débat sur loutre-mer le 23 octobre en séance. Il a fait valoir quau regard de leur évolution, il serait difficile déchapper à une réflexion sur le statut des départements doutre-mer et en particulier sur le maintien de leur double statut régional et départemental, qui constitue une source de gaspillage financier.
En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :
Le Gouvernement manifeste une certaine ouverture sur la question dune évolution institutionnelle différenciée des départements doutre-mer. Dans le cas de la collectivité territoriale de Mayotte, il a dailleurs tenu à ce que le rapport remis cet été par M. le préfet Bonnelle envisage en détail les différentes évolutions institutionnelles possibles.
La nécessité dun effort particulier en matière de développement des emplois non marchands simpose à lévidence. Mais il importe de signaler que le budget de lEtat prévoit, cette année encore, des moyens considérables à cet effet, et il convient de faire appel à la mobilisation et à limagination des collectivités locales doutre-mer pour la mise en place à grande échelle de dispositifs correspondant à une véritable utilité sociale.
*
* *
Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à ladoption des crédits du secrétariat dEtat à loutre-mer pour 1999 : départements doutre-mer.
1 ) Par Danielle Besson et Jean-Pierre Dablin, en deux tomes, collection Insee résultats, économie générale nos 153-154-155.
2 ) Pour 1994, les résultats de la Réunion ne sont pas disponibles. Il en est de même pour dautres indicateurs.
3 ) Epargne brute rapportée au revenu disponible des ménages.
4 ) Y compris le financement du dispositif nouveaux services - nouveaux emplois, prévu par décret du 29 décembre 1997.
5 ) On observera que les crédits au titre des dépenses dinfrastructure de Guyane (chapitre 58-01) seraient relevés de 2,4 millions de francs à 18,3 millions de francs.
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