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Session ordinaire de 2000-2001 - 2ème jour de séance, 3ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 3 OCTOBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

ACCUEIL D'UN NOUVEAU DÉPUTÉ 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

ÉDUCATION NATIONALE 2

NÉGOCIATIONS RELATIVES
À L'ASSURANCE CHÔMAGE 3

SITUATION EN RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DE YOUGOSLAVIE 3

SITUATION AU MOYEN-ORIENT 4

SITUATION EN EX-YOUGOSLAVIE 4

RÉFORME DE L'ASSURANCE CHÔMAGE 5

RÉFORME DE L'ASSURANCE CHÔMAGE 6

ACCORDS DE MATIGNON SUR LA CORSE 8

TRANSACTIONS FISCALES 9

RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE 10

AFFRONTEMENTS ISRAÉLO-PALESTINIENS 10

CONSÉQUENCES DE L'AUGMENTATION DU PRIX
DU PÉTROLE DANS LES DOM 11

ÉPARGNE SALARIALE 11

DÉSIGNATION DE CANDIDATS À DES ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES 34

RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 35

La séance est ouverte à quinze heures.

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ACCUEIL D'UN NOUVEAU DÉPUTÉ

M. le Président - J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à notre nouveau collègue, M. François Perrot, qui remplace M. Christian Paul, nommé membre du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs).

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    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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ÉDUCATION NATIONALE

M. Yves Durand - Depuis près d'un mois, élèves et enseignants travaillent dans la sérénité (Murmures sur les bancs du groupe RPR). Aujourd'hui la rentrée universitaire se fait semble-t-il dans de bonnes conditions. Cette rentrée paisible résulte du travail de réforme engagé depuis trois ans par le Gouvernement de gauche et notamment du vôtre, Monsieur le ministre, depuis mars.

L'éducation nationale est redevenue une priorité du Gouvernement, comme en témoigne son budget, à nouveau le premier de la nation. Les Français, il est vrai, sont en droit d'exiger de leur école qu'elle soit celle de la réussite personnelle, professionnelle et sociale.

Lors de votre conférence de presse de la rentrée, vous avez indiqué quelques pistes, Monsieur le ministre. Pourriez-vous préciser devant la représentation nationale les orientations que vous envisagez de suivre pour améliorer encore notre système éducatif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - Chacun se réjouira, sur tous les bancs, que la première question posée au Gouvernement en ce jour de reprise porte sur un tel sujet. La réussite dont vous avez fait état est l'_uvre collective de tous les personnels de l'éducation nationale, qui en sont les premiers artisans, et auxquels je rends une nouvelle fois hommage, en votre nom à tous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le Premier ministre m'avait donné pour tâche de renouer le dialogue, la confiance, et, surtout, de rénover l'école de la République. Des changements sont engagés et d'autres suivront, par exemple dans l'enseignement professionnel sous l'impulsion de Jean-Luc Mélenchon, car le Gouvernement entend bien avancer. Déjà, la rénovation est en marche dans l'enseignement secondaire, où les aides individualisées et les travaux pluridisciplinaires sont mis en _uvre. D'autre part, le plan annoncé, en juin, pour les écoles, prévoit, vous le savez, la refonte de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, l'apprentissage de deux langues étrangères, la généralisation des expérimentations scientifiques et la maîtrise des nouvelles technologies. A cet égard, j'espère que toutes les écoles seront équipées d'ordinateurs d'ici un an.

Mais d'autres chantiers ont été ouverts, des mesures nouvelles seront annoncées au début 2001, qui porteront sur la transformation des collèges, la rénovation de la formation des enseignants et la refonte des programmes. Pour permettre qu'elles soient appliquées, le Premier ministre a dégagé de nouveaux moyens dans le collectif de juin qui, pour la première fois depuis 1981, était pour partie consacré à l'éducation nationale. De plus, le projet de loi de finances pour 2001 permettra sans aucun doute de donner un nouveau souffle à l'éducation nationale. Quant au plan pluriannuel arrêté au mois d'octobre, il ouvre de nouvelles perspectives et marque la volonté de ne pas relâcher l'effort.

En bref, le Gouvernement s'attache, avec une ambition sans faille, à définir et renforcer un service public de l'éducation plus fort et créatif que jamais (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - J'incite tous les orateurs à la concision. Chacun y gagnera.

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NÉGOCIATIONS RELATIVES À L'ASSURANCE CHÔMAGE

M. Gaëtan Gorce - Nous suivons avec attention, depuis plusieurs mois les négociations visant à réformer l'assurance chômage pour mieux articuler politique de l'emploi et politique de l'indemnisation. Mais si l'on note une forte implication des salariés dans ces négociations, on ne peut que déplorer l'attitude de la principale organisation patronale, qui souhaite à toute force imposer son point de vue (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Là est la difficulté principale, puisque les objectifs affichés sont louables : ne s'agit-il pas de garantir un meilleur accompagnement des chômeurs, et de clarifier les relations entre l'Etat et l'UNEDIC ? Malheureusement, ces objectifs ne se retrouvent pas dans le projet de convention !

Plutôt que de susciter de nouvelles crispations, les difficultés actuelles devraient inciter à renforcer les négociations entre tous les intéressés, Etat compris. Ce serait en effet paradoxal que le consensus ne se fasse pas, en période de reprise économique, alors que l'UNEDIC a connu, dans le passé, de graves difficultés liées à la croissance ininterrompue du chômage.

Vous avez, Madame la ministre, engagé une nouvelle concertation avec les partenaires sociaux, qu'ils soient ou non signataires du premier projet de convention. Qu'en attendez-vous ?

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Il serait en effet paradoxal qu'un accord ne soit pas trouvé alors que l'on s'attend à un excédent de ressources de l'UNEDIC compris entre 90 et 100 milliards au cours des trois ans qui viennent, et que la France compte quelque 800 000 chômeurs de moins qu'il y a trois ans, alors, aussi, que les objectifs poursuivis sont partagés par toutes les parties.

Il est vrai que, pour la première fois depuis 1958, les organisations signataires de la convention ont voulu intervenir dans ce qui relève du domaine législatif, en s'attachant à définir ce qu'est un chômeur et à clarifier le rôle respectif de l'UNEDIC et de l'ANPE. Il n'est pas illégitime de souhaiter améliorer la loi mais, dans ce cas, le Gouvernement doit pouvoir donner son avis. Or des orientations sont tracées qu'il ne peut accepter.

Le problème majeur est que l'accord envisagé dispose que chaque chômeur doit accepter, au bout d'un semestre, tout emploi qui lui est proposé.

M. Maxime Gremetz - Scandaleux !

Mme la Ministre - La loi de 1992, elle, doit certes être appliquée, mais l'on ne peut exiger d'un salarié licencié qui a, pendant toute la durée de son emploi, cotisé à l'assurance chômage, qu'il accepte un emploi déqualifiant (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Le Gouvernement, qui croit aux vertus de la concertation, est attaché au régime paritaire (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF) ; il sait que les Français demandent la clarté, la transparence et il leur donnera satisfaction. Le Gouvernement sait aussi que les chômeurs veulent être mieux protégés, et il y travaille (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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SITUATION EN RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DE YOUGOSLAVIE

M. François Loncle - Un grand espoir est né en Yougoslavie, dans l'Europe entière, le 24 septembre. Certes, M. Milosevic a refusé le contrôle des élections par des observateurs démocrates -nous avions désigné parmi eux notre excellent collègue Michel Vauzelle. Mais le peuple serbe vient de rejeter le régime en place et d'accorder sa confiance à M. Vojislav Kostunica. Alors que Milosevic s'entête à refuser la démocratie, il faudrait, Monsieur le ministre des affaires étrangères, adresser un signal fort au peuple yougoslave, comme vous l'aviez d'ailleurs fait avant les élections. La levée des sanctions internationales à l'encontre de la Serbie améliorerait incontestablement la vie quotidienne du peuple serbe que nous n'avons jamais confondu avec ses dirigeants. Que peut faire concrètement la France dans les jours à venir ? Que doit faire l'Union européenne, sous la présidence française, pour que les Yougoslaves puissent tourner définitivement la page Milosevic ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Dès que le président Milosevic a annoncé la tenue d'élections pour la fin septembre, nous avons demandé à l'opposition démocratique yougoslave comment elle envisageait ce qui pouvait a priori passer pour une nouvelle tentative de manipulation. Devant sa détermination à affronter cette échéance électorale, nous avons décidé de la soutenir. Dès le début de septembre, nous avons donc, au nom de l'Union européenne, adressé un message au peuple serbe -dont nous n'avions jamais oublié qu'il faisait partie de l'Europe-, lui indiquant que la victoire de la démocratie à Belgrade entraînerait un changement radical de la politique de l'Union européenne vis-à-vis de la République fédérale de Yougoslavie. M. Kostunica nous a fait savoir que ce message, traduit en serbo-croate et très largement diffusé, avait eu un réel impact sur l'opinion. Les Etats-Unis avaient d'ailleurs quelques jours plus tard suivi notre initiative. Le peuple serbe a eu le courage d'aller voter en masse pour M. Kostunica dont il ne fait nul doute aujourd'hui qu'il a bien été élu dès le premier tour. Depuis lors, l'opposition démocratique tente d'éviter les pièges que lui tend le président Milosevic, qui n'a même pas osé se déclarer en tête du scrutin à l'issue du premier tour. Nous soutenons la demande légitime de vérification des résultats de l'élection, à laquelle s'est finalement associée la Russie, aux côtés de l'Union européenne et des Etats-Unis. Je ne doute pas que la volonté démocratique l'emporte et, je l'espère, très bientôt (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

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SITUATION AU MOYEN-ORIENT

M. René Mangin - Alors même que le blocage du processus de paix israélo-palestinien rend encore plus fragile la situation dans cette région du monde, la provocation d'Ariel Sharon sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem a mis à nouveau gravement en péril la recherche de la paix. Ce geste, condamné par l'ensemble de la communauté internationale, a déclenché une vague de violences qui ont provoqué la mort de cinquante personnes. Devant cette tragédie, qui suscite notre indignation en même temps que notre profonde émotion, que compte faire la France pour rétablir le contact entre les parties et redonner aux peuples israélien et palestinien un espoir de paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - C'est la perspective même d'un aboutissement du processus de paix, malgré les difficultés, qui révulse les extrémistes de tous bords et explique la provocation délibérée de M. Sharon -à laquelle ne sont pas non plus étrangères des considérations de politique intérieure israélienne et de compétition au sein du Likoud.

La France doit aujourd'hui faire tout ce qui est en son possible pour faire retomber la tension. Cela suppose que la commission d'enquête demandée par l'opinion soit créée, ce que viennent d'accepter l'Union européenne et les Etats-Unis. Cela suppose également que les autorités israéliennes prennent des décisions quant à la mise en place des forces de sécurité -car des incidents peuvent renaître à tout instant- et que les autorités palestiniennes, en dépit du choc, recherchent aussi l'apaisement afin que la négociation puisse reprendre. La France a toujours soutenu la négociation et nous sommes heureux de constater que Paris inspire confiance à tous les protagonistes : c'est à Paris que dès demain matin ils tenteront de renouer le fil du dialogue pour aboutir à une solution sur le fond. La France, en son nom et en celui de l'Union européenne qu'elle préside, appuiera ces efforts, comme elle l'a toujours fait (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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SITUATION EN EX-YOUGOSLAVIE

M. Alain Juppé - Après M. Loncle, je souhaite interroger le ministre des affaires étrangères sur la situation en Serbie et sur l'action de la France dans la crise qui ébranle actuellement ce pays.

Ce qui se passe dans les Balkans, c'est-à-dire à nos portes, nous concerne pour des raisons historiques et géographiques que chacun connaît. Mais aussi, depuis dix ans, la France a toujours été en première ligne pour aider au rétablissement de la paix en ex-Yougoslavie, au prix, ne l'oublions pas, de la vie de plusieurs dizaines de soldats. Enfin, sont en cause en Serbie les valeurs mêmes qui président à la construction européenne : démocratie, droits de l'homme, respect de la personne humaine.

Les faits sont connus : toutes les informations concordent sur la victoire dès le premier tour du candidat de l'opposition, M. Kostunica, face à M. Milosevic. Ce dernier, qui porte une responsabilité écrasante dans les malheurs de son peuple, refuse le verdict des urnes.

Le gouvernement français est-il déterminé à combattre cette violation caractérisée des règles démocratiques les plus élémentaires ? La présidence française est-elle parvenue à dégager une position commune parmi les Quinze ? Quels contacts avons-nous avec la diplomatie russe et américaine ? Enfin, comment pouvons-nous encourager le peuple serbe à résister à l'oppression ? Vous avez évoqué, Monsieur le ministre, la levée des sanctions internationales. Sur la proposition du Président de la République, une réunion est prévue entre les pays de l'Union européenne et des Balkans occidentaux à Zagreb. En profiterez-vous pour adresser un message fort au peuple serbe qui se bat avec courage et mesure à la fois, et lui donner l'espoir d'une intégration rapide dans la communauté européenne, et internationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Notre action n'a qu'un but, restaurer la démocratie en République fédérale de Yougoslavie et permettre à ce pays de retrouver le chemin de l'Europe, puisqu'il s'agit bien d'un pays d'Europe. Nous avons recherché le consensus des Quinze sur la politique de la main tendue au peuple serbe et la promesse, formulée dès le début septembre, de lever les sanctions dès que la démocratie l'aurait emporté à Belgrade. Les Etats-Unis ont soutenu cette ligne. Pour ce qui est de la Russie, son attitude générale converge avec la nôtre : les Russes n'ont en effet aucune complaisance à l'égard du régime de M. Milosevic, et souhaitent eux aussi que cette page soit tournée. Comme j'ai encore pu le constater à Moscou jeudi et vendredi derniers, ils considèrent la situation actuelle comme un handicap pour la Russie elle-même. Toutefois, ils s'expriment autrement que nous pour des raisons historiques et culturelles.

Dans l'immédiat, nous allons réaffirmer le message déjà adressé au peuple serbe, dont M. Kostunica nous a dit l'impact. M. Kostunica représente déjà aux yeux du monde la nouvelle République de Yougoslavie. Une grande politique européenne vis-à-vis de ce pays est désormais définie : nous allons la mettre en _uvre et d'ici le sommet du 24 novembre prochain, nous devrions avoir beaucoup avancé. Mais les prochains jours s'annoncent périlleux. Soyez en tout cas assuré que nous ferons tout pour que la volonté démocratique du peuple serbe aboutisse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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RÉFORME DE L'ASSURANCE CHÔMAGE

Mme Nicole Catala - Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, vous aviez la possibilité de quitter vos fonctions ministérielles en approuvant une réforme en profondeur de l'assurance chômage. Au lieu de cela, vous avez provoqué une crise sans précédent du paritarisme, au risque d'une « glaciation sociale », selon les termes mêmes d'un syndicat, et abouti à « une situation hallucinante et grotesque », comme l'a dit Mme Notat elle-même. Vous avez rejeté pour la deuxième fois l'accord élaboré par les partenaires sociaux, qui comporte pourtant de nombreux points positifs pour les chômeurs : suppression de la dégressivité de l'allocation, élargissement de l'accès à l'indemnisation, offre de diverses prestations en nature, aide à la mobilité géographique, assimilation de la démission pour créer une entreprise à un licenciement ce qui ouvrira droit à des indemnités.

Cet accord que vous rejetez se situe dans la ligne des recommandations de l'OCDE, comme des instances européennes, ou encore de l'inspection générale des affaires sociales, qui préconise, dans un rapport remis l'an dernier, de mieux lier indemnisation et recherche d'emploi, et de renforcer la synergie entre ASSEDIC et ANPE.

Quels griefs opposez-vous à cet accord ? Il obligerait les chômeurs à accepter des postes ne correspondant pas à leur qualification. Faux ! Le texte prévoit que les emplois proposés seront compatibles avec la spécialité et la formation antérieure des chômeurs. L'accord impliquerait un lourd déséquilibre financier. En réalité, ce que vous souhaitez, c'est ponctionner 20 milliards par an sur l'assurance chômage pour financer les baisses d'impôts ou les 35 heures... Les partenaires sociaux se substitueraient à l'Etat pour prononcer les sanctions ? C'est faux. Ce sont bien les services de l'Etat qui les prononceront (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Il me semble, Madame Catala, que vous faites les questions et les réponses...

Mme Nicole Catala - Il me semble nécessaire d'informer l'opinion. Madame la ministre, en 1982, M. Bérégovoy prit le décret qui créa les « nouveaux pauvres ». Vous apprêtez-vous à suivre cet exemple et à intervenir derechef autoritairement dans le système de l'assurance chômage, et en quelque sorte à l'étatiser, à l'inverse de l'évolution observable chez nos voisins et nos concurrents ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Jusqu'au dernier jour, comme je le fais depuis trois ans, je ferai ce pour quoi le Premier ministre m'a demandé de travailler : garantir les droits des chômeurs et des salariés, et améliorer la protection sociale, tout en préservant la compétitivité de nos entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe communiste). C'est de ce seul point de vue que j'examine l'accord de l'UNEDIC. Le flou et la confusion proviennent peut-être plus des déclarations contradictoires des signataires eux-mêmes que du Gouvernement. En effet, avant même la signature de l'accord, avec mon collègue Laurent Fabius, nous avons indiqué aux partenaires sociaux ce qui nous paraissait souhaitable et qui pourrait garantir les droits des chômeurs. Mais quand j'entends M. Deleule déclarer il y a trois jours qu'il n'y avait rien de changé entre les deux accords, alors que selon Mme Notat des pas considérables ont été faits, je me demande qui sème la confusion. Quand je lis dans Le Monde un très bel article de Nicole Notat, que je pourrais signer des deux mains, sur l'accompagnement des chômeurs, et que je ne vois rien dans l'accord qui corresponde à cela, je demande où est la confusion... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Si ce que l'on veut, c'est mieux indemniser les chômeurs et les accompagner, il ne faut pas que la quasi-totalité des excédents serve à baisser les cotisations. Il ne faut pas faire pression sur les chômeurs pour qu'ils acceptent n'importe quel emploi. Il faut financer le PARE, c'est-à-dire des dépenses d'accompagnement et de formation. Enfin, point auquel vous serez peut-être sensible, quand on a 90 à 100 milliards d'excédents, il ne faut pas en dépenser 130.

Voilà la logique du Gouvernement. La raison devrait l'emporter, car enfin nous sommes d'accord sur les objectifs, nous avons l'argent. Reste le désaccord entre les actes et les paroles. Je travaillerai jusqu'au dernier moment pour aboutir à un texte qui permette d'accompagner et de garantir les chômeurs, de clarifier les rapports entre l'Etat et l'UNEDIC, et d'associer progrès social et progrès économique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

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RÉFORME DE L'ASSURANCE CHÔMAGE

M. Jacques Barrot - Ce problème est assez grave pour que j'y revienne, en m'adressant au Premier ministre. Dans les propos qu'elle vient de tenir, Mme la ministre de l'emploi semble oublier les efforts déployés par les partenaires sociaux, et notamment les organisations syndicales, pour revoir certains éléments du dispositif. Un travail effectif a été conduit pendant tout l'été : pourquoi se contenter d'une fin de non-recevoir, incompréhensible pour tous les Français de bonne volonté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL)

Sur le fond, tout d'abord, Mme la ministre a dit que les partenaires sociaux s'étaient engagés, au-delà de l'indemnisation, sur le chemin de l'accompagnement des chômeurs, et elle les approuve. Mais, ce faisant, ils se sont aventurés, ajoute-t-elle, dans un domaine qui relève de la loi. Elle le leur a rappelé tout l'été, et ils en ont tenu compte. Il est dommage de multiplier les difficultés sur la route de partenaires sociaux qui ont voulu aller vers un accompagnement des chômeurs, dans l'esprit des démarches sociales les plus ambitieuses en Europe (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

J'ai écouté Mme la ministre ce matin. Peut-on reprocher aux partenaires sociaux des changements d'activité pour certains demandeurs d'emploi, en se référant à des compétences professionnelles vérifiées ? Veut-on enfermer les chômeurs dans un seul profil d'emploi, au lieu de les aider à développer leur employabilité ? (Mêmes mouvements) C'est leur faire courir le risque du chômage de longue durée et créer une pénurie d'emploi dans certains secteurs. Il est vrai que nous attendons toujours la loi sur la validation des acquis professionnels et sur le droit à la formation tout au long de la vie... (Mêmes mouvements)

Sur la forme, Monsieur le Premier ministre, le fait pour un syndicat de signer un accord avec le MEDEF le disqualifie-t-il a priori ? (Mêmes mouvements) Si oui, que signifie la négociation dans ce pays ? Le Gouvernement peut-il dire qu'il veut le dialogue social et, en fin de course, prétendre dicter aux partenaires les termes de leur accord, pour s'épargner les critiques de certains membres de sa majorité ? (Mêmes mouvements) En quarante ans, on n'a pas connu de précédent : on n'a jamais vu une convention signée par les partenaires sociaux et refusée par l'Etat. Allez-vous, sans débat au Parlement, entériner ce grave recul de la négociation sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. le Président - Monsieur Barrot, permettez-moi de vous faire remarquer qu'il y a certes le fond, la forme, mais aussi l'heure...

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Si vous lisez le deuxième texte qu'ont signé les partenaires sociaux, vous ne pourrez pas maintenir vos propos. De même, je n'ai pas dit que les partenaires sociaux s'étaient « aventurés » dans le champ de la loi. Je tiens pour légitime, et souvent souhaitable, que les partenaires sociaux fassent avancer la loi. Vous vous rappelez comme moi les grands accords interprofessionnels sur la mensualisation ou sur la formation professionnelle, qui ont fait avancer la loi. Sans oublier l'accord sur l'ARPE, que nous avons approuvé quand nous étions dans l'opposition. Si le Gouvernement a cru légitime de donner son avis sur un accord, ce n'est donc pas parce que les partenaires voulaient modifier la loi : c'est parce qu'ils voulaient le faire de manière à contraindre les chômeurs au lieu de les accompagner.

En second lieu, ne dites pas que nous ne sommes pas pour l'accompagnement des chômeurs : c'est ce que nous faisons dans le code du « Nouveau départ ».

Ainsi 1 750 000 chômeurs de longue durée ont été reçus individuellement depuis un an et demi. Grâce à cette action le chômage de longue durée a été réduit de 23 %, contre 15 % pour l'ensemble du chômage. Ne dites pas que nous serions contre l'extension de ce que nous appliquons déjà aux chômeurs de longue durée !

Non : ce que nous ne pouvons accepter, c'est qu'on réclame le PARE et qu'on n'en prévoie pas les moyens. C'est qu'on prétende accompagner les chômeurs tout en leur demandant d'accepter n'importe quel emploi (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Lisez donc l'article 17 de l'accord ! Il stipule que le salarié privé d'emploi devra accepter toute proposition qui correspond à ses capacités professionnelles (« Voilà » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les Français, qui cotisent en prévision du jour où ils seront licenciés, ne peuvent qu'être choqués de voir proposer à un agent de maîtrise un poste de man_uvre, ou à un ouvrier qualifié un emploi qui ne l'est pas (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Si les signataires de l'accord ne veulent pas cela, il leur suffit de retirer cette disposition. C'est pourquoi je les reçois aujourd'hui. Quiconque lira le texte attentivement sera d'accord avec moi, j'en suis convaincue (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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ACCORDS DE MATIGNON SUR LA CORSE

M. Henri Plagnol - Le 28 juillet, Monsieur le Premier ministre, vous avez engagé toute votre autorité sur la signature des fameux accords de Matignon sur la Corse. Vous avez passé outre aux graves objections de plusieurs membres éminents de votre majorité ; vous n'avez pas hésité à faire de concessions exorbitantes, qui ont conduit votre ministre de l'intérieur, M. Chevènement, à se retirer avec panache, jugeant le pacte républicain gravement remis en cause. Depuis deux mois, contrairement au pari que vous avez pris, le moins qu'on puisse dire est que la paix civile, hélas, n'est pas rétablie en Corse. Trois assassinats ont eu lieu, et trois graves attentats contre des établissements publics, situation que n'accepterait aucune autre région française. Enfin M. Talamoni, chef de file des nationalistes, exige une énième « clarification » : il demande que tous les détenus -qu'ils soient condamnés ou objet d'une instruction- soient regroupés dans une même prison en Corse. Chacun le comprend, il s'agit d'assurer aux auteurs d'actes de terrorisme un statut de prisonniers politiques, premier pas vers une amnistie et la paralysie de toutes les enquêtes.

D'où mes questions. Pouvez-vous confirmer devant la représentation nationale que, contrairement à ce que dit M. Talamoni, il n'y a eu aucune tractation secrète sur le statut des auteurs d'actes de terrorisme en Corse ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) N'est-il pas temps d'autre part d'ouvrir enfin à l'Assemblée un débat qui dresse le bilan des accords de Matignon ? N'est-il pas temps enfin, Monsieur le Premier ministre, de sortir du piège qu'a constitué la signature d'un accord avec des interlocuteurs qui ne sont ni crédibles, ni de bonne foi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Je veux d'abord vous dire ma satisfaction, partagée avec mes ministres, de reprendre avec l'Assemblée nationale, et bientôt avec le Sénat, le dialogue démocratique. Je ne prétendrai pas qu'en juillet, nous n'étions pas un peu soulagés de ne plus avoir ces séances du mardi et du mercredi... (Sourires) Mais nous sommes heureux de revenir devant vous, de retrouver non seulement la majorité et son soutien, mais aussi l'opposition et ses interpellations. Oui, ce dialogue démocratique nous a manqué, ces dernières semaines, particulièrement sur la Corse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Tous les gouvernements, depuis vingt-cinq ans, ont rencontré de grandes difficultés en Corse. Ils ont dû faire face à la violence.

Dialoguant avec des élus qui n'étaient pas de leur sensibilité, ce sont des ministres de gauche -Gaston Deferre, puis Pierre Joxe- qui ont fait des pas en avant, évitant ainsi, sans doute, des drames plus graves encore que ceux que nous connaissons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

J'ai lancé la démarche de discussion en cours. Je l'ai fait pour éviter une situation de blocage. En discutant avec le Gouvernement, les élus de l'Assemblée de Corse, les parlementaires, les présidents des deux conseils généraux ont pu faire des suggestions utiles sur l'évolution de l'île. J'ai conduit ces discussions dans une transparence et une clarté absolues.

M. Thierry Mariani - Avec des assassins !

M. le Premier ministre - Vous savez que la plupart des élus de l'Assemblée de Corse appartiennent à l'opposition. Ce n'est pas un hasard si M. Rossi, président de l'Assemblée de Corse, et M. Baggioni, se sont engagés dans cette démarche. Je veux d'ailleurs remercier ceux qui, siégeant ici, sur les bancs de l'opposition, ont porté un jugement équilibré sur la démarche engagée.

Il n'y a eu aucun conciliabule secret, aucune conférence de presse clandestine organisée en commun... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) Il n'y a eu aucune instruction d'indulgence à la justice, contrairement à ce qui a été fait dans le passé (Mêmes mouvements).

Quand le Gouvernement a ouvert le dialogue, des élus de l'Assemblée de Corse -pas seulement des nationalistes, mais MM. Rossi, Baggioni, Rocca-Serra- sont venus voir -pas clandestinement, mais ouvertement- le préfet en charge de la Corse au sein de mon cabinet, le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur et le préfet de la région Corse pour aborder la question du rapprochement des détenus, une question qui concerne la chancellerie. Voici la réponse qui leur a été donnée. Pour ceux qui sont en détention provisoire, le rapprochement n'est pas envisageable, car ils doivent rester à la disposition des juges, et ces juges sont à Paris. Pour ceux qui ont été condamnés, nous ne prendrons pas la décision de les regrouper en Corse : ce n'est ni possible, ni souhaitable. En revanche, comme il y a tout de même des problèmes de transport et de coût, ils pourront faire individuellement la demande d'un rapprochement (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

M. Vaillant présentera en conseil des ministres avant la fin de l'année -et devant l'Assemblée nationale dans les premiers mois de 2001- un projet pour la Corse. Les parlementaires seront donc juges de nos propositions.

Ce texte comportera d'abord des mesures sur la langue corse, dont l'enseignement ne sera pas obligatoire, mais fera partie du programme officiel de l'Education nationale. Les parents seront libres de faire suivre ou non cet enseignement à leurs enfants.

Actuellement, dans les écoles où il existe, 20 % des enfants n'y vont pas, leurs parents ne le souhaitant pas. Parmi ceux-ci, beaucoup sont Corses et corsophones. En revanche, cet enseignement est suivi par des enfants de militaires, de fonctionnaires installés en Corse, qui ont jugé intéressant de leur faire découvrir cette culture, d'autant que ces cours forment aussi à l'italien (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Respect de spécificités fiscales anciennes, programme de rattrapage en matière d'équipement, transfert de certaines capacités réglementaires sous le contrôle du Parlement, telles seront les autres mesures proposées dans ce projet, mesures parfaitement compatibles avec la Constitution (Protestations sur les bancs du groupe du RPR).

C'est seulement dans un deuxième temps que nous pourrons aller plus loin, si un consensus se dégage en faveur de la simplification des structures administratives et de l'octroi d'un pouvoir d'adaptation législative, qui n'est pas le pouvoir législatif.

Nous avons choisi de nous adresser aux élus afin d'échapper à la violence. Ce n'est pas par hasard que, sur 51 élus à l'Assemblée territoriale, 44 aient approuvé nos propositions, 5 se soient abstenus et 2 seulement aient voté contre. Ces hommes et ces femmes sont représentatifs.

Nous voulons le respect de l'identité corse dans la République. Nous voulons ouvrir des perspectives afin de sortir de la violence. C'est la conquête de la paix civile qui nous permettra d'avancer. Vous devriez être d'accord pour rendre les choses plus faciles. C'est un appel à la responsabilité que je vous lance, à vous qui serez juges de nos propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste, du groupe RCV, du groupe UDF et du groupe DL).

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TRANSACTIONS FISCALES

M. Philippe Houillon - Monsieur le ministre des finances, un grand couturier vient de bénéficier d'une imposition sur mesure : grâce à une transaction négociée directement avec l'ancien ministre des finances, il lui a été consenti un allégement de 40 millions, ce dont il s'est montré reconnaissant.

On nous explique qu'il s'agit d'une pratique habituelle, même d'une victoire du Trésor public.

Depuis 1997, la pression fiscale est devenue insupportable, ce dont vous semblez d'ailleurs vous-même convaincu, même si vous êtes isolé au sein de votre majorité.

Beaucoup de salariés, qui ont besoin d'oxygène, aimeraient pouvoir négocier leur impôt avec le ministre. Seuls quelques initiés semblent connaître la bonne méthode. Comme cela intéresse tout le monde, dites-nous comment ça marche... (Applaudissements sur les bancs du groupe DL)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Si votre question concerne la transaction, vous connaissez, étant juriste, la procédure.

Il y a chaque année trois millions de réclamations fiscales, dont deux mille remontent à l'administration centrale, voire à l'autorité ministérielle.

C'est à ce stade que s'ouvrent des possibilités de transaction : il s'agit d'un contrat, passé avec l'administration, par lequel le particulier ou la société accepte son redressement et s'engage à payer immédiatement. La transaction s'opère alors dans le respect du droit.

A votre question pour ainsi dire allusive, je réponds que la justice est saisie du dossier. S'agissant de l'évolution générale de la fiscalité, évitons les amalgames. En 1998, il y a eu une augmentation du taux des prélèvements obligatoires, en raison de l'évolution de la croissance et de celle des dépenses. En 2000, il y aura une baisse de 0,4 point, et une baisse du même ordre en 2001.

Vous ayant entendu, je suis convaincu que vous voterez avec enthousiasme la baisse d'impôts de 120 milliards sur trois ans que nous avons prévue (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Patrick Malavieille - Je voudrais revenir sur la réforme de l'UNEDIC et l'obstination du patronat à faire régresser les droits des chômeurs.

Le PARE heurte nos convictions. Il ne constitue pas un vrai système de retour à l'emploi. Aussi, je salue le refus opposé par le Gouvernement au projet de convention proposé par le MEDEF et deux syndicats. Aujourd'hui, on vient de l'entendre, de nouvelles pressions s'exercent en faveur d'un projet « relooké » dont la visée reste identique : la baisse des coûts salariaux. Nous vous demandons de refuser à nouveau ces propositions, et de préparer une refondation de l'UNEDIC, afin d'aller vers un système unifié d'indemnisation du chômage. Madame la ministre, comptez-vous lancer une concertation sur ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Comme vous le savez, je reçois depuis ce matin, au nom du Gouvernement, les organisations syndicales et patronales. Les excédents de l'UNEDIC doivent permettre d'indemniser les chômeurs de manière satisfaisante. Or, seuls 41 % des chômeurs sont indemnisés aujourd'hui, contre 50 % il y a dix ans et 75 % il y a vingt-cinq ans. Il s'agit également de mieux accompagner ces chômeurs, en y faisant contribuer -et telle était bien la philosophie du PARE- les excédents de l'UNEDIC. L'accord ne permettait toutefois pas d'assurer l'égalité des chômeurs face à la reprise d'emploi, et en ce sens il était dangereux. Néanmoins, j'ai la conviction que, partageant les mêmes objectifs et disposant de moyens financiers, nous allons parvenir à un accord. Si tel n'était pas le cas, chacun endosserait alors ses responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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AFFRONTEMENTS ISRAÉLO-PALESTINIENS

M. Michel Vaxès - Monsieur le ministre des affaires étrangères, la répression qui a frappé les Palestiniens et les Arabes israéliens soulève notre indignation. Malgré l'espoir que suscite le cessez-le-feu de la nuit dernière, la provocation d'Ariel Sharon, qui a déclenché l'effusion de sang, fait obstacle à la réalisation d'un accord de paix. Le Premier ministre Ehoud Barak est désormais face à ses responsabilités.

La France, qui préside l'Union européenne, et la communauté internationale doivent peser pour que les autorités israéliennes favorisent la reprise du processus de paix. La rencontre de demain entre MM. Barak et Arafat apparaît à cet égard comme une occasion unique. Je vous demande donc comment la France va contribuer à la conclusion d'un accord de paix durable (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Si la provocation d'Ariel Sharon a eu pour objet de porter un coup aux négociations en cours, la meilleure réponse à lui opposer consiste à tout faire pour déjouer ce calcul. Comme nous nous y sommes employés ces dernières heures, il faut prendre fermement position pour briser un enchaînement désastreux. Si les protagonistes ont accepté de se parler à Paris, c'est bien parce qu'ils savent que Paris fait tout pour la paix, et dans le seul intérêt des peuples de la région. Il faut revenir au plus vite au travail de fond sur Jérusalem et les territoires occupés. Après la percée extraordinaire de la mi-août, il reste possible de parvenir à un accord de paix juste et durable, même si ce choix appartient au bout du compte aux Israéliens et aux Palestiniens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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CONSÉQUENCES DE L'AUGMENTATION DU PRIX DU PÉTROLE DANS LES DOM

M. Alfred Marie-Jeanne - Monsieur le ministre de l'économie, en Martinique, la structure des prix du carburant et la répartition des produits des taxes qui y sont appliquées constituent un véritable imbroglio. Outre les retenues à la source, des taxes sont également prélevées au profit des collectivités locales. Le conseil régional bénéficie d'un montant fixe de cette taxe, qu'il a gelée.

Les récentes hausses, sans retombées sur les finances des collectivités locales, incombent au préfet. Quant à la détaxe sur le gasoil, qui a été demandée par les professionnels de la route, elle relève d'une initiative gouvernementale, dans le cadre de la loi de finances.

Enfin, l'harmonisation européenne de la fiscalité sur les carburants viendra encore compliquer le dispositif, en raison des différences entre les systèmes d'imposition. Une véritable gestion requiert une compétence régionale universelle en la matière. Comment comptez-vous réformer ce lourd système, qui s'apparente plutôt à un baril de poudre ?

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Voilà un problème qui préoccupe tous les parlementaires de l'outre-mer. Les mesures prises en métropole pour atténuer cette hausse ne peuvent s'appliquer dans les DOM, puisqu'elles portent sur la TIPP. Elle n'existe pas dans les DOM, où une taxe spéciale est prélevée par les collectivités locales, notamment les régions, dont je salue l'esprit de responsabilité. Il appartient par ailleurs au préfet de fixer les prix à la pompe. Ce règlement, autrefois favorable aux DOM, peut avoir aujourd'hui des effets pervers. Le Gouvernement est donc ouvert à toute proposition des collectivités locales pour faire évoluer ce dispositif, et à cette fin j'ai reçu hier les élus de la Réunion. L'Etat prendra sa part dans les négociations relatives à cette délicate et importante question (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 16 heures 15, est reprise à 16 heures 25, sous la présidence de M. Lequiller.

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

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        ÉPARGNE SALARIALE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi sur l'épargne salariale.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le projet de loi sur l'épargne salariale que j'ai l'honneur de défendre au nom du Gouvernement constituera un progrès pour les salariés et les entreprises de notre pays. Ce texte comporte en effet seulement en quinze articles, quatre avantages majeurs.

Premièrement, il va offrir à des millions de salariés, particulièrement dans les PME, la possibilité de mieux préparer l'avenir ou de financer un projet personnel. Aider les enfants dans leurs études, prendre le temps d'une formation, acheter un appartement, constituer un pécule pour réaliser un projet, tout cela est positif et légitime.

Deuxièmement, ce dispositif dirigera vers nos entreprises, vers notre économie, qui en ont besoin pour se développer et se moderniser, des fonds stables et solides. Ainsi auront-elles en main les outils de la maîtrise de leur destin, qui semblait leur échapper. Les capitaux étrangers représentant 36 % des actions des sociétés françaises, elles y trouveront aussi une plus grande indépendance. Création, innovation, renforcement de l'activité, l'épargne salariale sera un atout pour les PME, qui forment une bonne part du « tissu de la croissance française ». Consolidation dans la compétition internationale, maintien des centres de décision en France, cela aussi sera positif pour nos grandes entreprises, appelées à devenir des « numéro un » européens ou mondiaux. Meilleure allocation de ressources, efficacité dans l'utilisation de l'épargne, cela sera dans tous les cas de figure un atout pour la France.

Troisièmement, le projet renforce, parfois même installe, le dialogue social entre salariés et dirigeants. Tous apportent leur force de travail, collaborent à un projet collectif, développent une activité. Chacun doit en être rétribué. La qualité des relations sociales est un facteur de dynamisme. Il ne s'agit pas d'effacer la distinction de nature entre travail et capital, parfois même leur opposition, mais de favoriser la discussion dans l'entreprise. C'est le souhait des salariés et des entrepreneurs dans leur large majorité. C'est l'un des socles du développement économique et social. A la différence du plan d'épargne entreprise qui existe actuellement, les nouveaux outils ne seront mis en place qu'à la suite d'un accord collectif conclu entre partenaires sociaux. Cet accroissement des droits des salariés se fera selon trois modalités : la première, c'est l'obligation annuelle de négocier sur la mise en place de l'épargne salariale et non plus seulement sur la durée et l'organisation du travail. D'autre part, les discussions sur l'actionnariat salarié seront plus fréquentes en assemblée générale des actionnaires : comme le souhaite le rapporteur, comme le veulent les syndicats, la question de leur représentation, comme celle des autres salariés, devra faire l'objet d'un vote à intervalle de trois ans. Enfin, sera conforté le pouvoir des salariés au sein des conseils de surveillance des fonds communs de placement qui géreront l'épargne salariale.

Enfin, en complément de l'augmentation de la masse salariale qui, au cours des trois dernières années, est allée essentiellement à la création d'emplois, et sans la substituer aux salaires eux-mêmes, il s'agit par ce texte de mieux répartir la valeur ajoutée, pour aboutir à une redistribution équitable des fruits de l'expansion. Ainsi seront dirigées vers les salariés, qui ont contribué à les créer, des rémunérations qui, sans ce dispositif, ne leur auraient pas été allouées.

Favorisant à la fois la croissance et le pouvoir d'achat, la consommation et l'investissement, l'économie et la solidarité, fondé sur un abondement des entreprises et des mécanismes de gestion collective, ce texte novateur marque la cohérence d'une majorité qui garde son cap. Il illustre, aussi, une méthode, parce qu'il a fait l'objet d'une large concertation et parce qu'il comporte des avancées utiles pour les salariés et les entreprises.

Avant de décider, il faut évaluer. A ce travail de concertation doit être associé votre rapporteur, Jean-Pierre Balligand, que je remercie chaleureusement. Dans un remarquable document écrit avec Jean-Baptiste de Foucauld, il a dressé un état des lieux, exposé les positions, les dispositifs possibles, les expériences menées à l'étranger, précisé quelles seraient les conséquences d'une véritable épargne salariale dans notre pays. Il a établi le bilan du possible et du souhaitable. Il a fourni, à tous ceux qui le voulaient bien, un cadre objectif et précis. Je l'en remercie, ainsi que Nicole Bricq et Pascal Terrasse dont je sais le travail qu'ils ont accompli et, plus généralement, tous les membres des commissions de l'Assemblée qui ont examiné ce texte.

M. Michel Hunault - Et l'opposition qui l'a proposé !

M. le Ministre - La concertation avec les partenaires sociaux était indispensable et, même si elle a été relayée par de nombreuses réunions avec mes services et mon cabinet, je l'ai menée personnellement avec les dirigeants des grandes centrales syndicales, alors que, dans sa forme comme sur le fond, le projet était très ouvert. Mais la concertation s'est faite aussi avec les formations de la majorité et de l'opposition lorsque leurs dirigeants le souhaitaient.

Concertation, transparence, décision : à l'issue de ces différentes étapes, il y a un texte qui ne peut paraître parfait aux yeux de tous mais qui, intégrant souhaits et contraintes, s'efforce, sans introduire de contradictions, d'en faire la meilleure synthèse possible.

Nous sommes partis d'un constat : le système actuel d'épargne salariale n'est pas adapté à la réalité économique. Il date des « Trente glorieuses », et il est parfois insuffisant, peu compréhensible et même injuste. Insuffisant parce qu'il concerne des effectifs réduits, parce que les fonds communs de placement culminent à 350 milliards alors que la Bourse en capitalise 10 000. Insuffisant parce que la participation n'a pas eu le succès escompté à l'origine : 20 000 entreprises la pratiquent, 5 millions de salariés sont concernés, qui épargnent chacun 6 000 F en moyenne. L'intéressement, lui, concerne 14 000 entreprises pour des montants unitaires assez faibles, le plan d'épargne entreprise à peine 9 000. Système inégalitaire aussi, puisqu'un tiers seulement des salariés du secteur privé peut y prétendre et que l'immense majorité des employés des entreprises de moins de 50 salariés n'y ont pas accès. Inégalitaire, car en sont exclus ceux dont la présence dans l'entreprise est récente ou provisoire. Inégalitaire aussi, si l'on songe aux différences de rendement des dispositifs. Parfois incompréhensible enfin, et il faut simplifier les procédures compliquées qui découragent souvent entreprises et salariés. Le projet cherche à surmonter ces inconvénients en développant une épargne salariale plus large, plus durable et plus simple.

Il est résolument tourné vers les PME dont 97 % des salariés sont actuellement privés des facilités offertes à ceux des grands groupes. Moins de 100 000 des cinq millions de salariés qui travaillent dans une PME sont, de ce point de vue, sur un pied d'égalité avec les salariés des grandes entreprises. Pour combler ce fossé, notre texte propose un nouvel instrument conçu sur des bases beaucoup plus larges que celles de la seule entreprise : soit le regroupement volontaire d'entreprises, soit des accords territoriaux ou professionnels : c'est le plan d'épargne inter entreprises -PEI-. L'accès à l'épargne salariale des salariés qui entrent dans le champ des PEI sera ainsi favorisé, même si leur propre entreprise n'y a pas adhéré et n'y participe pas financièrement. Ainsi leur futur sera-t-il le fruit de leurs décisions personnelles, non la conséquence de contraintes extérieures.

De façon générale, la conclusion des accords de participation et d'intéressement dans les PME sera fortement encouragée. Ainsi, la provision pour investissement en franchise d'impôt au profit des PME qui développent la participation sera portée de 25 à 50 % pour les accords conclus avant le deuxième anniversaire de la promulgation de la loi. Cette faculté sera étendue, dans le même délai, aux entreprises de moins de 100 salariés au sein desquelles sera conclu un accord d'intéressement. Les dirigeants, entrepreneurs individuels ou mandataires sociaux, bénéficieront eux aussi de ces dispositions, ce qui devrait les inciter à développer des projets d'épargne salariale.

Il s'agit aussi de créer un plan partenarial d'épargne salariale volontaire, le PPESV qui s'étalera sur dix ans, sauf déblocages anticipés en cas d'imprévus. C'est un compromis nécessaire entre rendement et disponibilité. Abondé par le salarié, le PPESV le sera aussi par l'entreprise qui pourra y verser des sommes trois fois supérieures à celles que verse son employé, dans la limite de 30 000 F. L'argent sera mutualisé dans un fonds et l'espace de collecte sera étendu afin de prévenir tous dangers et tout éventuel conflit d'intérêt. Sécurité des placements pour les salariés, développement des capitaux pour les entreprises : le PPESV concilie ces deux objectifs.

Pour répondre à une critique légitime, l'épargne salariale sera désormais également ouverte aux salariés « mobiles » ou précaires.

Enfin, l'épargne salariale nous est apparue comme un moyen efficace de favoriser la reconnaissance de l'économie solidaire. Le dynamisme d'une société se mesure à sa capacité d'accompagner toutes les initiatives. On peut entreprendre pour conquérir un marché, valoriser une technologie, un service ou un produit. On peut entreprendre pour réussir une carrière, mener un projet, gagner de la considération ou de l'argent. Mais on peut aussi entreprendre pour partager et donner, pour protéger l'environnement, pour resserrer le lien social et lutter contre le chômage. Cette démarche est éminemment respectable. Des fonds communs de placement d'entreprises solidaires, que le projet appelle « fonds solidaires », seront créés pour recevoir l'épargne des salariés qui font ce choix-là. Les versements complémentaires de leur employeur seront aidés par une franchise d'impôt sur provision pour investissement à 100 %. Ces sommes seront investies dans des entreprises solidaires pour une part minoritaire, dans des organismes financiers intermédiaires proches de ce secteur pour l'essentiel. Je précise -mais est-ce bien nécessaire ?- que les entreprises solidaires sont celles dont les effectifs comprennent une large proportion de personnes issues de publics en difficulté, dont les dirigeants sont élus par les salariés, les adhérents ou les sociétaires, et dont les salaires sont volontairement plafonnés. Ces trois critères permettront à mes services et à ceux de Guy Hascoët de les agréer. Il est juste que le dévouement et le désintéressement ne soient pas oubliés.

Ce projet a suscité certaines critiques et interrogations. Premièrement, en quoi le PPESV est-il différent des fonds de pension que voulait instaurer la loi Thomas ? Clairement, il ne s'agit pas de la même chose. D'abord, il faut mesurer les échelles de grandeur. Dans notre texte, la durée du plan est fixée à 10 ans et non illimitée. De même, les montants concernés sont plafonnés à 30 000 F par an et non pas illimités. La capitalisation globale à laquelle nous aboutirons probablement n'est pas du même ordre que ce que, outre-Atlantique, on appelle fonds de pension. Que l'on ne nous dise pas, donc, que le PPESV serait un cheval de Troie.

En outre la gestion collective, le renforcement des droits des salariés que permettra le PPESV en font un moteur du dialogue social dans l'entreprise, ce que sont trop rarement les instruments anglo-saxons.

Enfin, les fonds de pension ont une seule finalité : les retraites. Il fallait veiller à ne pas fragiliser les systèmes de répartition auxquels le Premier ministre et moi-même, comme vous, sommes très attachés. Le choix est un élément central du dispositif qui vous est présenté. Aider l'enfant à aller à l'université ou à acquérir un studio, s'acheter le véhicule ou réaliser le voyage dont on rêve, ce n'est pas concurrencer la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Du reste, nous avons décidé d'affecter au Fonds de réserve des retraites une partie des recettes tirées de la vente des licences de téléphones mobiles de troisième génération, précisément pour relever les défis démographiques du siècle qui vient. Il n'y a donc aucune confusion avec les fonds de pension.

Deuxième problème : celui des cotisations sociales qui devraient peser sur l'épargne salariale. Il n'est pas exact de dire que celle-ci en est exemptée. CSG et CRDS s'appliquent et s'appliqueront. On objecte parfois que ce n'est pas assez, mais d'autres produits similaires, plus courts, moins négociés, en sont relevés. Dans ces conditions, quelle logique y aurait-il à alourdir à l'excès l'instrument que l'on souhaite voir les relayer, au bénéfice des salariés ? Il paraît possible de reprendre les dispositions du plan d'épargne entreprise de cinq ans pour les 15 000 premiers francs du PPESV et que les versements complémentaires soient soumis à un prélèvement qui doit rester raisonnable. La justesse de cette position sera-t-elle entendue ? La discussion nous le dira.

M. Jean-Pierre Brard - C'est une porte ouverte...

M. le Ministre - En effet.

Troisième inquiétude exprimée par certains : l'épargne salariale ne pourrait prospérer qu'au détriment des salaires. L'absence de cotisations inciterait les chefs d'entreprise à proposer, et les salariés à accepter, des arbitrages du type « épargne contre salaire » qui aboutiraient non seulement à une réduction de l'assiette des cotisations mais aussi à l'appauvrissement relatif des salariés. Je ne crois pas cette crainte fondée. Ce serait négliger les salariés eux-mêmes, qui géreront les fonds, et la force de ceux qui y souscriront.

En outre, le taux d'épargne des ménages est déjà élevé en France puisqu'il représente en moyenne 15 % de leurs revenus. Un nouveau produit pourra donc éventuellement susciter des déplacements d'épargne, mais ne devrait pas avoir pour conséquence de se substituer au salaire. J'ajoute que l'épargne salariale, telle que ce texte la conçoit, est plafonnée. Elle ne risque donc guère de « faire de l'ombre » à la sécurité sociale et, de plus, elle ne pourra exister sans un accord entre partenaires sociaux. Dans ces conditions, le PPESV devrait en fait constituer un atout pour les rémunérations salariées, singulièrement les plus basses, en les renforçant de sommes sur lesquelles les salariés n'auraient pu autrement compter. Ce plan est donc un moyen d'accroître la rémunération globale sans fragiliser les entreprises ni précariser les salaires.

Une dernière interrogation porte sur la rente et le capital. Certains pensent que la sortie en rente, même si le mot ne figure pas dans le projet, risquerait d'avoir pour effet de tirer, ne serait-ce qu'en affichage, le PPESV du côté des retraites. Le Gouvernement et votre commission connaissent cette réticence.

Nous avons eu aussi à l'esprit d'autres arguments présentés notamment par ceux qui, plus jeunes, auront à supporter le coût des études de leurs enfants ou à rembourser des prêts. Si votre commission a souhaité que la sortie en rente soit laissée à la libre discrétion du salarié -un contrat privé avec son banquier devra la concrétiser-, elle a prévu trois types de sorties en capital : soit d'un bloc, soit en versement échelonné proportionnel à la durée et au rythme d'épargne, soit par part fractionnée. Ce choix constituera, s'il est accepté, une bonne synthèse.

La gauche forge de nouveaux outils, elle ne change pas de valeurs. Ce texte tend simplement à moderniser des dispositifs inadaptés. Répondant aux attentes des salariés, notamment des PME, il apportera « un peu de meilleur » à des centaines de milliers de nos concitoyens qui y ont droit, et, en retour, renforcera l'activité des entreprises, donc l'emploi. Un droit pour les salariés peut être une chance pour l'entreprise. Simplifier des instruments, clarifier des objectifs, démocratiser un usage, tel est le sens de ce projet, tel est le sens d'une croissance qui doit devenir plus solide en étant plus solidaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Pierre Balligand, rapporteur de la commission des finances - Je souhaiterais, en préambule, évoquer la mémoire de Jean-Baptiste André Godin qui, s'inspirant des idées de Charles Fourier sur l'association entre le capital et le travail, créa le plus grand phalanstère de France, le Familistère de Guise, et fut l'auteur de divers ouvrages.

Depuis près d'un an que le rapport sur le sujet a été remis au Premier ministre, l'épargne salariale sort progressivement du ghetto dans lequel elle se trouvait enfermée, depuis maintenant plus de quarante ans.

Ces dernières années, la société civile, les salariés et les entreprises ont changé le regard qu'ils portaient sur l'épargne salariale. Alors que le retour de la croissance et l'augmentation des revenus du travail et du capital laissent espérer une amélioration du pouvoir d'achat des salariés, l'épargne salariale est conçue comme un instrument permettant aux salariés de compléter leur principale rétribution qui, comme le ministre vient de le répéter, est et restera leur salaire direct.

Le changement d'attitude des salariés tient également au fait que le projet de loi privilégie le dialogue social plutôt que des orientations imposées d'en haut, lesquelles auraient été mal comprises des salariés eux-mêmes.

La position des syndicats également a évolué. Rares sont désormais ceux qui se désintéressent totalement des enjeux du conseil de surveillance des fonds communs de placement. Ils ont le sentiment que le débat sur l'épargne salariale peut donner encore plus de consistance à la démocratie sociale dans les entreprises. En même temps, ils sentent bien qu'ils n'ont pas le monopole de la représentation des salariés actionnaires qui créent des associations pour exprimer leurs sentiments sur les orientations des FCPE. Le texte et les amendements adoptés en commission des affaires sociales comme en commission des finances clarifient les enjeux de cette démocratie sociale et pas seulement de la démocratie actionnariale dans les entreprises.

Toutes ces évolutions influent sur la façon même de réformer l'épargne salariale.

Les mutations du salariat français font que l'on ne peut plus procéder uniquement par ordonnance. Cette vision coïncidait avec une conception institutionnelle et juridique de la participation et de l'association capital-travail, ayant fortement marqué les années 1960, mais qui a eu du mal à devenir réalité en France, au moins dans sa dimension la plus ambitieuse, comme en témoigne l'importance des fonds de déshérence de l'épargne salariale : estimés à près de 354 millions dans le rapport que j'ai élaboré avec Jean-Baptiste de Foucauld, ce montant est probablement beaucoup plus important si l'on tient compte des fonds figurant au passif de FCPE.

Il ne saurait non plus être question d'introduire des formes nouvelles de flexibilité des rémunérations. Dans ce cas, le seul but poursuivi consiste à individualiser les rémunérations, sans que cela renforce la démocratie sociale au sein des entreprises ni la cohésion de l'ensemble de la société. Cette conception de l'épargne salariale, qui semble prévaloir dans les pays anglo-saxons, influence fortement la gestion des ressources humaines dans les multinationales. Telle n'est pas la vision du projet de loi.

Reste la troisième voie : l'évolution de la société salariale française plaide en faveur d'une conception négociée, créatrice de nouvelles régulations sociales et économiques de l'épargne salariale. Cette conception intègre l'épargne salariale dans le contrat social. Dans cette perspective, la formation et l'utilisation de l'épargne sont négociées, la mise en place d'une gouvernance démocratique dans l'entreprise est recherchée et l'épargne salariale devient un droit du salarié. Cette approche n'est cependant pas exclusive des deux autres. Même si cette troisième voie laisse plus de place aux acteurs collectifs, la dimension institutionnelle et juridique est absolument nécessaire, tandis que les contraintes du marché ne peuvent pas être éludées.

La nature et la composition de l'épargne salariale ont également beaucoup évolué.

Au 30 juin 2000, l'encours de l'épargne salariale s'élève à près de 375 milliards -contre 350 milliards au 31 décembre 1999. Si l'on inclut les comptes courants bloqués, qui ne sont pas répertoriés dans les actifs des FCPE, on peut raisonnablement évaluer son montant à 400 milliards, soit 1/10ème de l'encours de l'assurance vie, à peine le tiers de l'épargne réglementée en France, et 2 % seulement de la masse salariale brute.

La progression de l'épargne salariale au cours de ces dernières années tient autant à celle du cours des actions des PEE qu'à l'adhésion des salariés aux dispositifs : leurs versements volontaires dans les PEE ont atteint 26 milliards en 1999.

Telle que les salariés la connaissent, l'épargne salariale est le résultat de réformes successives qui se sont peu à peu sédimentées.

Tout a commencé en 1957 avec la première loi sur l'intéressement, qui s'est ensuite enrichie en moyenne tous les cinq ans de nouveaux dispositifs.

Outre l'intéressement, qui concerne 5,5 millions de salariés, l'épargne salariale comprend la participation des salariés -pour 4,9 millions d'entre eux, les PEE -près de 9 000 ouverts en France-, l'actionnariat salarié -plus d'un million de salariés sont actionnaires de leur entreprise et 75 % des sociétés cotées font de l'actionnariat salarié- enfin, moins connu, le compte épargne temps.

Cela étant, l'épargne salariale ne concerne qu'à peine 3 % des salariés des PME. Trois raisons majeures justifient sa réforme.

Tout d'abord, l'existence de laissés-pour-compte, en particulier dans les PME. Cela tient à la complexité des dispositifs, au manque d'intérêt des réseaux distributeurs à les faire connaître dans les PME, à d'évidentes disparités salariales entre les grands groupes et les PME.

Sur ce point essentiel, le projet propose non seulement d'améliorer les dispositifs existants, mais surtout de créer un plan d'épargne interentreprises qui pourra aider à la diffusion de l'épargne salariale dans les PME.

Ensuite, il s'agit de réorienter l'épargne vers le long terme et le financement des PME et de l'économie solidaire.

A l'échéance de leur PEE actuel, soit cinq ans, les salariés sont de plus en plus nombreux à le prolonger d'eux-mêmes sans qu'un produit long existe. Malheureusement, le souci essentiel de préserver l'épargne des salariés fait défaut : j'en veux pour preuve que les PEE à dix ans qui existent déjà dans les grandes entreprises sont surtout construits autour de l'actionnariat salarié. Le PPESV, où les risques sont diversifiés, constitue donc un progrès essentiel pour la sécurité de l'épargne des salariés.

Un autre avantage réside dans le retour en fonds propres vers les PME qu'un produit à cinq ans n'assure pas dans de bonnes conditions. Pour financer les fonds propres de nos entreprises et réorienter l'épargne vers le développement économique, il faut proposer des produits longs, d'épargne longue, garantissant à long terme l'efficacité économique et la sécurité de l'épargne. Le PPESV, permettra la nécessaire réorientation de l'épargne salariale vers le financement des fonds propres de nos entreprises.

Nous atteignons difficilement, surtout dans les PME-PMI, des taux d'investissement qui nous permettraient d'envisager un scénario de croissance longue comparable à celui des Etats-Unis, lequel n'est d'ailleurs pas démenti par les derniers indices de progression de la productivité dans les entreprises. Plus l'investissement sera élevé en France, plus les gains de productivité y seront forts, et plus nous serons en mesure d'envisager un meilleur partage de la valeur ajoutée et des profits dans l'intérêt des salariés. Nous pouvons tout à fait concevoir un modèle de croissance propre à l'économie française, qui n'opposerait pas salaire et épargne salariale ni ne prônerait la mise en place des fonds de pensions. Un tel modèle repose sur la recherche de nouveaux gains de productivité et l'enrichissement de la démocratie sociale dans les entreprises.

Troisième raison de légiférer : faire de la démocratie sociale un enjeu central de l'implication des salariés dans les différents supports de l'épargne salariale. C'est l'objet du titre IV du projet, qui tend à renforcer les droits des salariés et le dialogue social dans l'entreprise sur tous les sujets concernant l'épargne salariale. A cette fin la commission des affaires sociales et celle des finances n'ont pas souhaité maintenir la possibilité de la sortie en rente du produit long d'épargne salariale. L'accord de création du PPESV pourra donc se nouer sans ambiguïté quant aux objectifs du produit.

La commission des finances souhaite d'autre part ouvrir au salarié la possibilité d'opter pour un PPESV glissant, estimant que la simplicité du dispositif est décisive pour sa réussite.

D'autre part, la commission a tenu compte du risque de conflit de légitimité entre les associations d'actionnaires salariés et les syndicats. Elle a donc adopté un amendement rendant obligatoire un débat en assemblée générale sur la représentation des salariés au conseil d'administration dès qu'une entreprise atteint le seuil de 3 % d'actionnaires salariés.

Je veux souligner, pour conclure, la qualité des discussions qui ont eu lieu tant en commission qu'avec les organisations syndicales. Si nous voulons faire évoluer l'épargne salariale, nous devons faire bouger le monde syndical. Ce projet est bien perçu par la société civile. Une réelle attente se fait jour pour développer et mieux utiliser l'épargne salariale. Elle est avivée par la diffusion récente de l'épargne salariale auprès de la plupart des salariés des grands groupes, lesquels s'impliquent de plus en plus dans les débats d'orientation des FCPE ; de sorte que le présent projet est porté par la société civile, notamment par les responsables syndicaux engagés dans la gestion des FCPE. Quant au législateur, il ne doit pas avoir d'états d'âme. Ne laissons pas au marché le soin de réguler l'épargne salariale, car nombreux sont ceux qui en seraient exclus : permettons au plus grand nombre des salariés d'en bénéficier, tout en facilitant le financement des PME-PMI et en favorisant le dialogue social dans les entreprises. Telles sont les ambitions de ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Jacques Jegou - Très bien !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Le Premier ministre avait annoncé qu'un projet de loi sur l'épargne salariale serait déposé dès cette rentrée parlementaire. Ce projet, largement inspiré du rapport de Jean-Baptiste de Foucauld et de notre collègue Jean-Pierre Balligand, la commission des affaires culturelles l'a examiné le 20 septembre. Elle a adopté treize amendements, dont plusieurs à l'unanimité. Certains visent à préciser la portée du texte. D'autres vont un peu au-delà, tels ceux qui tendent à renforcer la présence et le rôle des salariés dans les conseils de surveillance des fonds communs de placement et dans les conseils d'administration des entreprises.

Quatre principes fondent la démarche du projet. Tout d'abord, le but de l'épargne salariale n'est pas d'augmenter le taux d'épargne, qui représente aujourd'hui près de 15 % du PIB, mais d'encourager la constitution d'une épargne plus longue et plus active, l'essentiel de l'épargne se concentrant sur des produits obligataires, non productifs pour les entreprises. Ainsi près de 40 % de l'actif social de certaines entreprises cotées au CAC 40 sont détenus par des non-résidents. En second lieu, le développement de l'épargne salariale ne constitue pas une « monnaie d'échange » pour la réforme des retraites, qui fera l'objet, durant les prochains mois, de propositions et d'initiatives du Gouvernement, dans le prolongement du rapport Charpin. Troisième principe : il n'est pas question que l'épargne salariale se développe au détriment des salaires ; elle doit être un complément de rémunération. Les salariés doivent bénéficier de la croissance, laquelle crée depuis plusieurs années de fortes augmentations du capital des entreprises. Par ailleurs, le principe de non-substitution doit être réaffirmé avec force. Enfin, la modernisation de l'épargne salariale ne clôt pas la question du conflit d'intérêts persistant entre le travail et le capital : ce conflit, inscrit dans notre culture, a pris tout son sens dans le récent débat entre Michelin et ses salariés, par exemple.

J'en viens aux points forts du projet. Loin de remettre en cause les outils existants, il entend en renforcer l'efficacité et les simplifier. Ils doivent être améliorés, puisque moins de 5 millions de salariés en bénéficient.

Les mécanismes d'épargne salariale connaissent un succès croissant, mais présentent des défauts auxquels il convient de remédier. Tout d'abord ils sont insuffisamment négociés. Ensuite, l'épargne salariale reste trop peu développée dans les petites et moyennes entreprises. Par ailleurs les conditions d'ancienneté actuellement posées sont défavorables aux salariés les plus mobiles et les plus précaires. Enfin la durée des placements -cinq ans pour un plan d'épargne entreprise- paraît trop courte comparée aux besoins de financement de notre économie.

Le projet propose des améliorations notables. Il réduit les conditions d'ancienneté requises pour bénéficier des dispositifs, qu'il tente d'adapter à la mobilité croissante des salariés, en facilitant, par exemple, les transferts des sommes épargnées d'un plan à un autre. J'approuve, sur ce point, M. Balligand qui souhaite la création d'un livret d'épargne salariale. Le projet recherche aussi à rendre plus sûrs les accords d'intéressement, en assignant à la direction départementale du travail et de l'emploi un délai de quatre mois pour donner un avis sur leur validité. En outre, des dispositions très novatrices, tendent à enrichir le contenu de l'obligation annuelle de négocier. Notre commission a adopté un amendement étendant l'obligation de rendez-vous annuel entre l'employeur et les syndicats aux entreprises qui ont mis en place un système d'épargne salariale.

Enfin, le projet définit pour la première fois, dans un texte législatif, la notion d'économie solidaire. Ce cadre conceptuel permet désormais de poser, comme hypothèse, que l'entreprise sociale, apparue depuis une vingtaine d'années pour répondre aux mutations contemporaines, s'inscrit dans une perspective d'économie solidaire. Celle-ci repose sur une combinaison des économies, marchande, non marchande et non monétaire, combine une dimension de réciprocité et la référence à des principes de justice et d'égalité. Certes, la définition proposée n'est pas parfaite, mais il convient de saluer cet effort pour développer ce secteur particulier de notre économie.

Le présent projet de loi tend surtout à étendre l'épargne salariale. Son article 5 crée des plans d'épargne interentreprises destinés à mettre fin à l'exclusion des mécanismes d'épargne salariale qui frappe de fait les salariés des PME et PMI. Le texte ouvre ainsi la possibilité de conclure un accord d'intéressement pour les salariés d'une société holding, prenant en compte les résultats des filiales. Et, pour la première fois, les mandataires sociaux des entreprises de moins de cent salariés pourront bénéficier d'un plan d'épargne d'entreprise.

J'insisterai sur trois points principaux. Fallait-il, au terme de dix ans, autoriser une sortie en rente du dispositif ? Le non-assujettissement à certaines cotisations n'est-il pas dangereux pour l'équilibre des comptes sociaux ? Enfin ne faut-il pas envisager une meilleure gouvernance de l'entreprise en intégrant des salariés actionnaires aux conseils d'administration ?

Un des objectifs majeurs du projet de loi est d'encourager la constitution d'une épargne de long terme grâce à la création d'un nouveau produit. Le plan partenarial d'épargne salariale volontaire, ou PPESV, est caractérisé par une durée de blocage des sommes et des valeurs acquises fixée à dix ans minimum. Ce délai semble de nature à permettre une meilleure adéquation de l'épargne aux besoins de financement à long terme de notre économie. Le PPESV permettra aux salariés de se constituer une épargne de précaution. De surcroît, ils bénéficieront, grâce à l'allongement de la durée de leur épargne, d'un rendement supérieur à celui des placements à court terme.

Dans le projet initial, les salariés sont libres de choisir, à la sortie, le versement du capital en une fois ou le versement d'une rente. La commission des Affaires sociales a adopté un amendement -également retenu par la commission des Finances- supprimant la possibilité de la sortie en rente. Il s'agit de bien marquer notre différence avec les partisans des fonds de pension. Nous nous étions engagés, à l'occasion d'un débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à abroger la loi Thomas instituant de tels fonds.

Nous avons également souhaité permettre, dans certains cas, -décès, retraite, invalidité...- des sommes épargnées, ce qui nous éloigne encore une fois de la notion de fonds de pension.

L'exonération totale de cotisations pour l'abondement de l'employeur dans le PPESV a donné lieu à un débat très dense.

Certes, l'attractivité du produit est ainsi assurée, mais les membres de la commission des affaires sociales ne peuvent rester insensibles à la question du financement de la protection sociale.

Si les branches accidents du travail et famille peuvent être laissées à l'écart de cette réflexion, car elles sont excédentaires, le financement de la branche vieillesse est beaucoup plus problématique. C'est pourquoi, si nous avons rejeté, dans un premier temps, les amendements tendant à assujettir l'abondement aux cotisations, nous souhaitons qu'une solution garantissant le financement de la protection sociale soit trouvée.

Assujettir l'abondement de l'employeur à hauteur de 8 % garantit partiellement le financement de la branche maladie, ce qui est plutôt positif. S'agissant de la branche vieillesse, sa dégradation tendancielle est bien connue. Aussi avons-nous créé un fonds de réserve des retraites, abondé au coup par coup soit par l'excédent du fonds social vieillesse, soit par des produits annexes de l'Etat.

Je suis attaché à la pérennisation de ce fonds de garantie. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous allons rendre sa gestion autonome. Ne serait-il donc pas opportun de créer un prélèvement particulier destiné à abonder ce fonds de réserve de manière pérenne ?

J'en viens à la représentation des salariés dans les conseils d'administration ou les directions des entreprises.

Des événements récents ont montré que les salariés actionnaires d'un important établissement bancaire pouvaient se mobiliser et mettre en échec une OPA inamicale. En retour, ces salariés ont demandé à être représentés au conseil d'administration, ce qui leur a été refusé.

C'est dire que la notion de gouvernance d'entreprise n'est, à l'évidence, pas culturellement admise dans notre pays et nous le regrettons. C'est pourquoi nous avons proposé, dès lors que les actions détenues par les salariés représentent au moins 3 % du capital social, que les actionnaires salariés soient représentés dans les instances dirigeantes.

Nous avons essayé de trouver la voie étroite vers un équilibre général sans dénaturer la fonction originale et innovante de votre texte. Il reste maintenant à l'améliorer et, pour cela, vous pouvez compter sur le rapporteur de la commission des affaires sociales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Nicole Bricq - Madame la secrétaire d'Etat, Monsieur le ministre des finances, merci ! Enfin, un texte vient ! L'opposition, par deux fois, avait tenté d'aborder le sujet en utilisant son droit de tirage parlementaire. Par deux fois, nous lui avons fait obstacle : pas parce qu'elle est l'opposition et nous la majorité, mais parce que les textes proposés ne permettaient pas de réformer l'épargne salariale.

La première fois, en mai 1999, l'opposition s'est intéressée au seul actionnariat salarié. La deuxième fois, en février 2000, son dispositif était plus large, mélangeant mécanismes individuels et collectifs, intéressement et participation.

Quand nous avons examiné le projet relatif aux nouvelles régulations économiques, M. Jegou s'est déclaré déçu qu'un volet sur l'épargne salariale n'y figurât point.

M. Auberger a reproché au Gouvernement de ne pas tenir les promesses faites par Dominique Strauss-Kahn, le 22 octobre de l'année précédente. Il est vrai que ce jour-là, le débat avait atteint une hauteur qui, sur tous les bancs, nous a marqués.

Le Gouvernement, depuis, a avancé, au rythme fixé par Lionel Jospin lors des journées parlementaires socialistes de Strasbourg, en septembre 1999. Il a confié un rapport à Jean-Pierre Balligand et à Jean-Baptiste de Foucault. Il a consulté largement les partenaires sociaux.

Aujourd'hui, nous disposons d'un texte solide pour faire notre travail de parlementaire.

Nous partageons les objectifs du Gouvernement. Oui, il faut réformer le dispositif existant, profondément inégalitaire. Le principal mérite de ce projet est justement d'étendre l'épargne salariale à tous, y compris dans les petites entreprises.

Oui, il faut réorienter l'épargne vers les fonds propres des entreprises, pour la rendre productrice de richesse.

Oui, il faut que les salariés aient de nouveaux droits sur cette épargne qui est la leur, mais aussi sur l'entreprise où ils produisent des richesses.

Car il s'agit bien toujours au fond du vieil antagonismes capital-travail. Nous ne partageons pas la vision idyllique de l'opposition, qui voit dans l'association capital-travail une solution miracle. On peut toujours rêver, mais la réalité n'est pas celle-là et, depuis plus de dix ans, le rapport des forces est très défavorable au travail.

Je voudrais citer quelqu'un qu'on ne cite plus guère ici, je veux parler de ce bon vieux Karl Marx (Sourires) pour qui « plus se développent les antagonismes entre les forces productives, plus l'idéologie de la classe dominante se pénètre d'hypocrisie. Plus la vie dévoile la nature mensongère de cette idéologie, plus le langage de cette classe se fait sublime et généreux ».

Vous comprendrez donc ma méfiance. Ce n'est pas au moment où monte la revendication salariale que nous allons oublier la place que doit avoir le salaire direct dans les entreprises.

L'extension de l'épargne salariale ne saurait être un substitut à celui-ci. Il s'agit d'un plus, pas d'un moins. Pourquoi accepterions-nous que les salariés n'aient que leur salaire, sans référence à la richesse qu'ils créent ? Pourquoi seraient-ils toujours exclus de la définition du revenu primaire ?

De même que nous distinguons bien les mécanismes individuels d'intéressement des mécanismes collectifs, nous distinguons l'épargne longue de l'épargne de prévoyance retraite et pour tout dire, d'un substitut aux retraites par répartition.

Pour nous, le débat sur les fonds de pensions est clos depuis l'annonce de l'abrogation de la loi Thomas, faite dans cet hémicycle par la ministre de l'emploi et le ministre des finances.

Nous voulons donc que ce texte soit, au sortir de notre travail, simple et lisible, de sorte que les partenaires sociaux puissent s'en emparer dans les négociations obligatoires qui vous s'engager.

Nous serons donc attentifs au sort qui sera réservé aux amendements votés par la commission des finances. L'un d'eux prévoit une sortie en une fois de l'épargne disponible sur le compte, ce qui n'exclut pas une sortie fractionnée, à la demande des salariés. Ce dispositif permet de concilier la protection du mécanisme avec la liberté des salariés.

S'agissant des charges dues par l'employeur, un prélèvement juste et raisonnable, destiné au fonds de réserve des retraites, ne nous paraît pas compromettre l'attrait de ce nouveau produit d'épargne longue.

Nous serons vigilants sur la place faite aux salariés dans la gestion des fonds collectés. Il ne peut y avoir conflit de légitimité entre la représentation syndicale et celle des actionnaires salariés.

Enfin, pour la première fois, ce texte accorde une reconnaissance législative à l'économie solidaire.

Monsieur le ministre, vous trouverez au groupe socialiste un soutien fidèle, mais aussi une force soucieuse de voir réunies les composantes de la majorité plurielle. Ce n'est pas un exercice facile, mais nous avons la volonté de rendre la copie propre.

La discussion calmera-t-elle l'impatience de l'opposition ? Je ne le crois pas, car nous avons deux visions différentes des rapports sociaux. On vous accordera de privilégier la nôtre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jacques Godfrain - Je n'imaginais pas que Karl Marx serait invoqué aujourd'hui, au début du XXIème siècle ! M. Balligand a cité Godin parce qu'il est natif de sa circonscription. Quant à moi, je veux rappeler ce qu'a dit le général de Gaulle en 1942, trois ans avant la victoire : « Nous allons gagner la guerre, et alors ? Cela ne sert à rien si nous ne modifions pas les rapports sociaux ».

M. le Rapporteur - C'est aussi ce que disait Badinguet.

M. Jacques Godfrain - Ce texte est très éloigné de nos attentes. Il est le fruit de péripéties politiciennes qui ne nous intéressent pas. Les partenaires sociaux, l'entreprise française méritaient mieux.

Ce texte manque surtout d'humanisme. On ne se préoccupe pas de ceux qui vivent de leur travail et contribuent aux performances de leur entreprise. Nous avons entendu que ce texte va donner aux salariés les moyens de s'acheter une voiture ou un appartement, de se faire plaisir.

L'affaire mérite plus et mieux, et il y a quelque chose de dégradant dans votre réduction de l'idée de participation à un simple acte d'achat différé. Autant jouer au loto... La Française des Jeux dépend bien de votre ministère !

Notre espérance de voir les socialistes s'ouvrir à une vision renouvelée de l'entreprise est donc déçue. Celle-ci reste pour vous le champ même de la lutte des classes. Après la surenchère de M. Terrasse, les accents marxistes de Mme Bricq nous promettent un beau débat sur ce projet !

Il s'agit pour nous, Monsieur Brard, d'ouvrir aux salariés un droit qui est celui de tout citoyen, le droit au patrimoine ! Et cela, vous n'en parlez pas ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR)

M. Balligand avait pourtant ouvert, lors de son audition par le conseil supérieur de la participation, des pistes jugées intéressantes tant par les forces syndicales que par les représentants de diverses tendances politiques et économiques.

Et M. Terrasse a rappelé la qualité de son rapport, dont le présent projet n'est malheureusement que le squelette !

J'avais estimé moi-même au conseil supérieur de la participation, que si la démarche initiale était poursuivie, nous pourrions au minimum nous abstenir. C'est dire si notre déception est forte aujourd'hui, face à ce projet dépourvu de la conception éthique qui devrait accompagner toute conception politique.

Pourtant, le refus du Gouvernement et de sa majorité de discuter des propositions déposées par M. Douste-Blazy en février, puis par M. Balladur, nous laissaient espérer un très grand texte ! Vous êtes loin d'une bonne compréhension de la participation. Votre texte, au demeurant médiocre, est fondé sur la crainte que le développement de l'épargne salariale s'opère au détriment des salaires et des retraites.

Notre conception de la participation distingue justement l'épargne salariale des rémunérations. Marx lui-même, plagiant en cela Ricardo, avait compris que l'épargne salariale permet d'associer le salarié à l'évolution de la valeur de l'entreprise, comme il y a d'ailleurs droit. Et le priver de ce droit, c'est le priver d'un droit fondamental.

M. Jean-Pierre Brard - Ce n'est pas gentil !

M. Jacques Godfrain - Il faut absolument séparer la négociation salariale de toute discussion sur la participation.

Il y a un troisième obstacle que vous ne parvenez pas à franchir, en refusant d'aborder la question de l'épargne retraite. Le Gouvernement français refuse tout simplement aux entreprises françaises d'être favorisées par notre propre épargne, alors que les fonds de pension, notamment anglo-saxons, tapent à la porte. Je rappelle qu'à l'occasion de deux OPA hostiles, la situation de grands groupes français s'est rétablie grâce, précisément, au regroupement des actionnaires salariés, action qui est à louer.

Je rejoins donc M. Terrasse, pour estimer que c'est là une bonne raison pour les faire entrer dans les conseils d'administration. La qualité de certains membres des associations d'actionnaires salariés est telle qu'on les retrouve désormais dans les conseils d'orientation et de surveillance.

Bref, nos amendements tendront à améliorer ce projet en l'approfondissant et nous verrons quelle sera la position de la majorité. Ce projet prouve, en tout cas, qu'une large majorité peut avoir un esprit étriqué. Le gouvernement français n'inaugure pas le XXIe siècle avec des idées modernes et vous en porterez la lourde responsabilité !

M. Daniel Feurtet - Le présent projet marque une nouvelle étape législative pour l'épargne salariale. Cette idée, lancée au début de la législature, a été encouragée par la montée en puissance qu'elle connaît au sein même des entreprises. Ainsi, le montant de l'épargne salariale accumulée dans les entreprises atteignait 375 milliards de francs à la fin du premier semestre 2000, alors qu'elle s'élevait à peine à 80 milliards au début des années 1990.

Outre l'intéressement qui touche aujourd'hui 5,5 millions de salariés, 4,9 millions sont concernés par la participation et 9 000 plans d'épargne entreprise existent. Cependant, des milliers de salariés restent à l'écart de ces dispositifs : seuls 3 % des salariés des PME en bénéficient.

L'objectif du présent projet est d'orienter l'épargne salariale vers la production des entreprises et de répartir équitablement les fruits de la croissance, en améliorant les dispositifs existants. Il en est ainsi, notamment, de la réduction de l'ancienneté requise pour bénéficier des dispositifs d'épargne salariale, de la possibilité de transfert du plan d'épargne entreprises, des dispositions en faveur de leur développement dans les PME ou de l'économie solidaire.

Il faut promouvoir l'épargne salariale, mais pour quoi faire ? Il s'agit, non pas d'accroître le volume déjà très important de l'épargne, mais de mieux l'orienter.

Cela dit, le présent projet soulève quatre questions essentielles.

Premièrement, le salaire doit rester l'instrument essentiel de la rémunération. La question du SMIC est aujourd'hui posée. Au cours des douze derniers mois, la hausse des salaires a été de l'ordre de l'inflation. Mais les salariés attendent une adéquation de leur salaire avec la productivité de leur travail. Or, en France, depuis plusieurs années, la productivité du travail augmente plus vite que les salaires. Il en résulte un partage de la valeur ajoutée défavorable aux salariés.

Deuxièmement, l'épargne salariale ne doit pas fragiliser le système de retraite par répartition. Elle est du reste très différente de l'épargne-retraite, laquelle est constituée en vue d'assurer un revenu différé. Elle implique des versements réguliers sur une longue période. L'épargne salariale, en revanche, plus aléatoire, dépend de la performance des entreprises. La consolidation des régimes de retraite par répartition est une priorité et l'épargne salariale ne peut y remédier.

Troisièmement, l'épargne salariale doit être mise au service d'une croissance riche et durable parce que mieux partagée, c'est-à-dire d'une croissance économe. Pour cela, une part significative de cette épargne doit financer l'emploi et la formation, l'innovation dans les PME et les branches souffrant d'un déficit de financement. Elle doit contribuer à une reconquête progressive des fonds propres des entreprises françaises.

Quatrièmement, le contrôle de l'épargne salariale doit être assuré par des représentants élus des salariés : l'épargne salariale ne saurait en aucun cas servir de prétexte à un recul des droits d'intervention des salariés et de leurs représentants.

Face à ces exigences, le projet de loi présente des aspects préoccupants. Je souligne d'emblée notre opposition au dispositif du « plan partenarial d'épargne salariale volontaire » -PPESV- qui risque de faire perdre des recettes aux systèmes de retraite par répartition et, surtout, de mettre en concurrence l'épargne salariale et les salaires. L'ensemble du système social pourrait en être déstabilisé.

En effet, l'exonération de charges sociales et la franchise d'impôts dont bénéficierait le PPESV conduirait sans aucun doute les entreprises à choisir d'augmenter l'épargne salariale plutôt que les salaires. Or, 10 000 F versés au lieu et place d'un salaire représentent un manque à gagner de 5 400 F pour les organismes de protection sociale.

En outre, l'article 4-III autorise une substitution de l'épargne salariale au salaire dans le cadre des accords relatifs aux 35 heures. Cette disposition doit également être remise en cause.

La déstabilisation de la retraite par répartition sera aggravée par la possibilité d'une sortie sous forme de rente. Cette disposition doit absolument être abandonnée et les sommes affectées à l'épargne salariale soumises à cotisations afin d'éviter que les employeurs ne la privilégient au détriment du salaire.

D'autre part, le projet oriente l'épargne salariale vers les entreprises relevant de l'économie solidaire, qui présentent une forte utilité sociale et créent des emplois. Ce dispositif va dans le bon sens mais reste insuffisant pour limiter l'orientation de l'épargne des Français vers la bourse. Ne pourrait-on pas envisager la gestion d'une partie de l'épargne salariale par la Caisse des dépôts et consignations et par les établissements qui réalisent les missions d'intérêt général qui lui sont dévolues ?

Autre insuffisance du projet : la place des salariés actionnaires dans les conseils d'administration est subordonnée à une décision des autres actionnaires. L'épargne salariale est pourtant l'un des moyens d'associer le personnel de l'entreprise à la création de valeur. Elle modifie les relations sociales dans l'entreprise en les fondant sur la fidélisation, la motivation et la responsabilité. Nous avons tous en tête l'exemple des actionnaires salariés de la Société Générale.

Permettre aux salariés d'intervenir dans la gestion directe et les choix stratégiques des entreprises, c'est mettre le monde du travail à même de remplir sa vocation civique et citoyenne, c'est étendre le champ de vision de l'entreprise pour mieux garantir son développement. Il est des investissements humains non immédiatement rentables dont les retombées sont porteuses d'avenir.

La gauche doit ouvrir un grand chantier pour promouvoir des droits nouveaux et étendus, pour les salariés et pour tous les citoyens.

L'épargne salariale ne doit pas se substituer au salaire, ni être utilisée pour instaurer des fonds de pension déguisés. Les problèmes d'accès au pouvoir et à la codécision doivent donc être plus sérieusement étudiés.

C'est dans cet esprit que le groupe communiste et apparenté participera au débat (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Jean-Jacques Jegou - Le voilà enfin, ce texte tant attendu !

Votre prédécesseur avait annoncé un grand projet de société, mais nous constatons d'emblée que le ton n'y est pas, et le plaisir non plus.

On sent que le débat sera conflictuel et que vous n'êtes pas sûrs de votre affaire. L'examen en commission des finances a fait apparaître des clivages au sein de la majorité plurielle.

M. Jean-Pierre Brard - C'est de la diversité !

M. Jean-Jacques Jegou - L'opposition sera attentive à ce texte qui pourrait innover et nous faire sortir des débats idéologiques habituels. Mais, comme d'habitude -un pas en avant, deux pas en arrière- la majorité plurielle semble plutôt s'être plantée une épine bien douloureuse dans le pied. Elle souhaite tout et son contraire : les uns commencent à comprendre que l'intérêt des chefs d'entreprises comme des salariés commande de développer l'épargne salariale ; les autres hurlent contre le salarié actionnaire qui s'enrichit grâce au capitalisme -ô horreur. Les uns tirent à outrance à gauche, les autres essaient de recentrer le débat, ce qui empêche les réformes que les Français attendent.

M. Jean-Pierre Brard - ...et M. Jegou arrive !

M. Jean-Jacques Jegou - Le présent projet tente de répondre à trois questions, mais deux sont déjà hors sujet : le financement des retraites et la stagnation du pouvoir d'achat des salariés. Le texte ne résout du reste rien dans ce domaine. Reste donc la question de la sous-capitalisation des entreprises. Le rapport de M. Balligand montre combien l'épargne française est mal orientée et peu rentable, captée en partie par les mécanismes institutionnels. L'écart par rapport à nos partenaires se situe entre un et cinq. Les mécanismes fiscaux sont aussi peu avantageux. La conséquence en est que nos entreprises dépendent pour 40 % de capitaux étrangers. Notre économie est donc particulièrement fragile.

Développer l'épargne salariale n'est donc pas un mince enjeu. Cette épargne, résultant de la réussite de l'entreprise, permet l'épanouissement et l'enrichissement au sein de l'entreprise -mais cela, la majorité plurielle ne l'a pas compris. Vous m'avez déçu sur ce point, Madame Bricq. On ne peut demander à la majorité d'accepter le principe du capitalisme populaire : M. Feurtet, peut-être de façon moins outrancière que M. Brard, et Mme Bricq nous ont bien rappelé que Marx était toujours le même. Sa réponse à l'attente des salariés est donc un élargissement de l'épargne salariale et un début d'épargne longue, mais sans aucune innovation.

Le projet répond assez correctement aux problèmes financiers des entreprises et permettra de drainer des capitaux en ouvrant le dispositif aux PME et à tous les salariés même intérimaires. Mais il faut veiller à ne pas compliquer trop la gestion du dispositif par les entreprises, les plus petites d'entre elles ne pouvant l'assurer.

Au détour de ce texte, vous permettez aux entreprises d'amorcer une substitution de l'épargne salariale au salaire. Vous avez d'ailleurs oublié de vous vanter de faire des cadeaux aux entreprises : c'est que vous savez qu'après deux ans de gel des salaires, les salariés se sont aperçus du marché de dupes...

Or l'épargne salariale ne doit en aucun cas être un complément de salaire. Celui-ci est une juste contrepartie du travail effectué alors que l'épargne salariale doit intéresser le salarié au développement de l'entreprise. Je sais que le mélange du capital et du travail fait grincer des dents à certains ; mais c'est pourtant l'avenir et il n'y a qu'en France que certains refusent de l'admettre. Tous les groupes à la commission des finances se sont donc opposés à cette disposition.

L'innovation de ce texte réside dans le PPESV -encore un barbarisme qui sera imputé à notre assemblée et ne sera sans doute jamais utilisé. L'idée de départ n'est pas mauvaise : l'épargne longue intéresse autant les salariés que l'entreprise. Mais vous voulez faire du quatrième pilier de l'épargne salariale le troisième du système des retraites. Cela est incompatible. Le seul lien entre les deux est lorsque le salarié veut transformer son capital d'épargne salariale en instrument de rendement pour sa retraite.

Le Gouvernement lui-même s'est fait prendre au piège : prévoir une sortie en rente fait croire à un début d'épargne retraite. C'est le chiffon rouge de la majorité qu'il ne fallait pas agiter. Pourtant, ça n'est pas en ayant cotisé 10 ans que les futurs retraités auront suffisamment pour améliorer leur retraite.

Du reste, nous observons depuis quelques semaines, non sans intérêt, des prises de becs par journaux interposés au sein de la majorité plurielle : rente ou capital, cotisations sociales ou non ? Les uns veulent éloigner l'épouvantail de l'épargne retraite, les autres tremblent pour l'équilibre de l'assurance vieillesse. Mesdames et messieurs de la majorité plurielle, ne sortez pas les griffes : le Gouvernement n'est pas en train de construire ce fameux troisième pilier des retraites. Le débat sur la rente n'a aucun intérêt. Quant à celui sur les cotisations sociales, il est surréaliste : l'épargne salariale n'a jamais été soumise à cotisation, et si, par hasard, cette nouvelle forme l'était, cela n'annoncerait que sa mort certaine !

Nous pourrions donc utilement raccourcir le débat si la gauche de la majorité plurielle voulait l'admettre. Mais ont sait que le Gouvernement, cherchant à tromper sa droite en laissant croire à la création d'une épargne retraite, ne fait qu'irriter sa gauche.

M. Jean-Pierre Brard - Tout cela devient très compliqué !

M. Jean-Jacques Jegou - Les Français le savent bien : nous avions adopté un texte qui, certes, n'apportait pas de solution-miracle, mais une amorce de solution. Et vous l'avez abrogé ! C'est donc, avec la réduction du temps de travail, une autre promesse tenue, alors même que nos compatriotes disent la question des retraites leur préoccupation prioritaire, après la fiscalité. Et que le Gouvernement ne vienne pas nous parler du fonds de réserve des retraites, qui ne sera abondé que de manière incertaine, ponctuelle et de toute façon insuffisante !

Une fois encore, vous reculez devant l'obstacle et remettez des réformes structurelles indispensables, qui auraient pourtant dû être menées à leur terme en période de croissance.

M. le Rapporteur - Propos de commande !

M. Jean-Jacques Jegou - Et puis votre texte contient quelques bizarreries, dont la moindre n'est pas cette référence à ce que vous appelez « l'économie solidaire ». Il est vrai qu'il est bien plus facile de nommer un ministre à l'économie solidaire que de définir ce dont il s'agit.

M. François Goulard - Bien vu !

M. Jean-Jacques Jegou - Dites-moi quel intérêt des salariés pourraient-ils avoir à investir dans des entreprises qui ne réalisent pas de bénéfices ? A mon avis, aucun ! Ne les mêlons donc pas à cette affaire !

En matière d'épargne salariale, le groupe UDF souhaitait un texte beaucoup plus ambitieux, conjuguant simplicité, incitation et souplesse d'application, pour les entreprises comme pour les salariés. Malheureusement, votre projet n'apporte rien de tout cela.

M. Pierre Forgues - Mais si !

M. Jean-Jacques Jegou - C'est donc un nouveau rendez-vous manqué...

M. Pierre Forgues - Mais non !

M. Jean-Jacques Jegou - C'est donc en fonction des choix faits par le Gouvernement et sa majorité, au cours des débats, que le groupe UDF arrêtera son vote sur l'ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Rapporteur - La chute est bien meilleure que le propos central !

M. Yves Cochet - Le Gouvernement propose une épargne salariale plus démocratique et plus efficace en s'efforçant de la rendre accessible au plus grand nombre de salariés possible, en favorisant l'épargne de long terme, en incitant à l'épargne solidaire et en renforçant l'épargne collective. J'approuve ces objectifs, mais plusieurs questions demeurent posées.

En premier lieu, y avait-il réellement urgence à débattre de ce sujet-là aujourd'hui, le calendrier des travaux parlementaires étant chargé comme on sait qu'il l'est ? Je n'en suis pas certain. Mais enfin, puisque le dossier est ouvert, allons au fond des choses.

Or, il apparaît que si, d'un point de vue individuel, les rémunérations non salariales sont une bonne chose aussi bien pour l'entreprise que pour ses salariés, la perspective est tout autre si l'on choisit un point de vue global. Le risque n'est-il pas, en effet, que la diminution des cotisations et des prélèvements ait pour conséquence une moindre protection sociale et de plus faibles prestations ? On peut même concevoir ce paradoxe selon lequel plus large sera le succès du PPESV et plus les retraites par répartition seront fragilisées.

J'évoquerai encore le partage de la plus-value, dont un de vos prédécesseurs, Monsieur le ministre, nous avait expliqué il y a un an qu'il fallait la partager dès la création de la richesse, sous forme de dividende. Dans ce cas, il aurait été plus simple d'indexer les salaires sur les gains de productivité -ce que proposent d'ailleurs certains ministres des finances au sein de l'Union européenne. Ainsi ferait-on en sorte de maintenir constante la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée, au lieu qu'elle ne cesse, en France, de décroître, ce qui n'est pas le cas partout, les études du conseil d'analyse économique le montrent. On l'aura compris : à cotisation définie, les risques induits par le PPESV sont supportés par les seuls salariés. A cela, le projet ne répond pas.

J'en viens à l'article 9 du texte, qui traite de l'économie solidaire que l'on cherche, pour la première fois, à définir. Je sais l'exercice difficile, mais je constate que l'on s'en est tenu à l'aspect juridique des choses alors que le contenu a son importance, et qu'il aurait fallu en tenir compte. Mon opinion est donc que la définition retenue ne vale que dans le seul cadre de l'épargne salariale. Notre groupe présentera plusieurs amendements qui, tous, viseront à assouplir les dispositions de l'article et, ce faisant, à favoriser davantage encore l'économie solidaire.

Des améliorations sont possibles, nous n'en doutons pas. Les députés Verts se détermineront donc au terme des débats (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. François Goulard - Ainsi, l'unanimité semble faite : sur tous les bancs, l'épargne salariale n'a que des partisans ! On retiendra qu'historiquement les gaullistes se sont, les premiers, prononcés en faveur de l'association entre capital et travail -n'est-ce pas, Monsieur Godfrain ?- Ensuite, l'opposition les a rejoints, non sans que plusieurs lois sur ce sujet aient été présentées et même débattues, sans qu'elles trouvent d'écho à la gauche de cet hémicycle.

M. Jean-Pierre Brard - C'est qu'elles étaient mauvaises.

M. François Goulard - Finalement, le Gouvernement a bien voulu s'intéresser à un sujet traditionnellement tabou au sein d'une gauche longtemps entravée -et qui l'est encore, inconsciemment- par une idéologie marxiste dans laquelle travail et capital ont des intérêts fondamentalement divergents, qu'il n'était pas concevable de vouloir rapprocher.

M. Jean-Pierre Brard - Vous n'avez rien compris !

M. François Goulard - Ne m'interrompez pas. Vous aurez l'occasion de vous exprimer tout à l'heure. C'est bien au nom du concept, sans doute mal assimilé, de lutte des classes qu'ont été longtemps refusées participation, intéressement et actionnariat salarié. Même si une partie de la majorité plurielle, comme à son habitude, traîne les pieds, vous vous êtes aujourd'hui ralliés à une idée de bon sens que nous avons, pour notre part, toujours défendue et régulièrement fait progresser grâce à plusieurs lois. Ces diverses formules d'association capital-travail permettent en effet de distribuer aux salariés des revenus qu'ils n'auraient pas perçus sous la forme classique de salaire -auquel donc elles ne se substituent pas. Une entreprise a toujours des craintes quant à l'avenir de ses marchés : c'est pourquoi l'augmentation des salaires, du fait même de son irréversibilité, rencontre vite ses limites. En revanche, aucune crainte n'est plus de mise s'il s'agit de distribuer aux salariés une partie des résultats ou des actions.

Le risque que vous évoquez, Messieurs et Monsieur Brard en particulier...

M. Jean-Pierre Brard - Je n'ai encore rien dit.

M. François Goulard - Mais j'ai entendu vos amis en commission. Il n'y a en réalité aucun risque que l'épargne salariale se substitue au salaire.

Il est des périodes où, comme aujourd'hui, les revenus du capital croissent plus vite que les salaires : la croissance mondiale est en effet favorable aux bénéfices des sociétés, qui augmentent plus vite que leur chiffre d'affaires, et bien sûr au marché des actions. Par ailleurs, la réduction du temps de travail aujourd'hui engagée en France pèse lourdement sur les salaires. Il est dès lors particulièrement intéressant pour les salariés d'être associés aux résultats, voire de devenir actionnaires de leur entreprise.

Enfin, pour les entreprises elles-mêmes, l'actionnariat salarié et l'intéressement constituent de puissants outils de motivation des salariés.

Les entreprises qui se créent aujourd'hui dans les secteurs les plus porteurs de notre économie, les start-up, ont d'ailleurs très largement choisi d'en finir avec le « salariat sec » et d'expérimenter diverses formes d'association capital-travail, lesquelles, dans une économie de liberté, ne sont pas étrangères à la forte croissance de ce secteur.

Majorité et opposition pouvaient-elles se retrouver sur ce sujet ? Nous l'aurions bien évidemment souhaité comme d'ailleurs sur un autre thème qui vous est cher, Monsieur le ministre, celui de la baisse des impôts. J'aurais eu plaisir à saluer une avancée de la gauche et à constater que votre conception du salariat, Monsieur le ministre, tranchait avec celle de votre collègue, Mme Aubry. Malheureusement, si vous vous êtes, comme en matière de baisse des impôts, ralliés à l'idée, sa mise en _uvre n'est pas satisfaisante.

Votre texte dans sa version initiale est exactement du type de ceux dont accouche régulièrement notre administration. Celle-ci a l'art de produire, à partir d'idées qui ne sont pas forcément mauvaises, des textes où l'emporte le souci d'encadrer, de contraindre, de mégoter, de compliquer à loisir et de limiter l'initiative. Et voilà bien encore une fois l'un des principaux reproches que j'adresse à votre projet.

Un exemple : votre intention de développer l'épargne salariale dans les PME est louable. Mais qu'est-ce qui fait aujourd'hui obstacle à ce développement -car les produits actuels sont accessibles aux PME- sinon l'invraisemblable complexité des textes ? Un patron de PME n'a pas de temps à consacrer à cela, d'autant qu'il ne dispose pas de collaborateurs pour l'aider à se repérer dans ce maquis. Il craint également souvent les ennuis juridiques et fiscaux qui pourraient s'ensuivre. Malheureusement, loin de simplifier, vous créez une usine à gaz avec un fonds interentreprises...

M. Jean-Pierre Balligand, rapporteur - C'est l'inverse !

M. François Goulard - De tels fonds existent déjà mais ils n'ont rencontré aucun succès, précisément à cause des difficultés que j'ai évoquées. La plus grande sécurité juridique apportée aux accords d'intéressement constitue en revanche une mesure très positive. Les dispositions relatives aux organes de direction et de contrôle des fonds constituent une autre source de complexité : vous auriez été mieux inspirés de laisser les partenaires sociaux fixer eux-mêmes le détail.

Ce refus de simplifier est pour nous une première raison de ne pas soutenir votre texte. Mais il en est d'autres. Nous craignons notamment qu'une partie de votre majorité ne vous impose, pour prix de son vote, de modifier très profondément votre texte, au risque d'un véritable recul de la législation en faveur de l'épargne salariale. Les discussions internes à la majorité et la rumeur d'un possible alourdissement de la fiscalité et des cotisations sociales que supporte l'épargne salariale, dont la presse s'est largement fait l'écho, ont eu un effet désastreux alors même que pour une épargne de long terme, la confiance est indispensable.

Cette observation vaut pour l'ensemble du texte mais tout particulièrement pour ce que certains journalistes ont appelé « les vrais fonds de pension ». Vous vous êtes évertués, Monsieur le ministre, à démontrer que vous ne mettiez pas en place l'amorce de fonds de capitalisation -et l'on comprend pourquoi. Mais trêve de faux-semblants et de palinodies ! Il s'agit bien d'une tentative, certes timide et hypocrite, comme en témoigne la pseudo-interdiction de la sortie en rente de s'en approcher. N'en déplaise donc à certains de nos collègues, la sortie en rente sera bel et bien possible.

A ce stade, on ne peut passer sous silence l'irresponsabilité et l'inconséquence dont a fait preuve ce Gouvernement sur la question des retraites. Que n'a-t-il pris exemple sur le gouvernement socialiste allemand qui va mettre en place des fonds de pension auxquels les entreprises ne seront d'ailleurs pas obligées de cotiser et auxquels les salariés seront totalement libres d'adhérer ou non. Ainsi les salariés allemands disposeront d'un outil de capitalisation leur permettant de compenser la diminution des retraites consécutive au déficit démographique que connaît leur pays comme le nôtre. Le Gouvernement français a préféré l'immobilisme en matière de retraites, et nul doute que ce choix alourdira son passif à l'heure du bilan, désormais proche.

L'épargne salariale, aidée par l'Etat, est une formule intelligente de rémunération pour le salarié et pour l'entreprise. Ne changez donc rien sur ce point ! Si une réforme était nécessaire, c'était seulement pour simplifier.

Il faudrait ensuite, sans doute, accroître la place de l'intéressement par rapport à la participation. Celle-ci fut un formidable encouragement à l'association capital-travail ; mais elle a vieilli. Elle souffre d'un excès d'encadrement législatif qui réduit son attractivité, et qui l'a empêchée de donner lieu à une véritable négociation sociale. Il faudra certainement accompagner aussi le mouvement, fort souhaitable, de diffusion des actions parmi les salariés, et votre texte est insuffisant à cet égard.

Telles sont nos critiques sur le texte du Gouvernement, et nos craintes sur le sort qu'il connaîtra dans ce débat. Elles suffisent à justifier que nous ne voterons pas ce projet, à regret, tant nous croyons à l'importance de l'épargne salariale (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jérôme Cahuzac - Voter ce texte, ce sera réparer une injustice, celle qui fait qu'aujourd'hui seuls les salariés du secteur privé ne peuvent accéder, dans un cadre professionnel, à un produit d'épargne fiscalement aidé.

L'injustice est ancienne : il faut la réparer (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Mais nous le ferons en respectant, nous, certains principes. J'en citerai deux. En premier lieu, ce produit d'épargne sera créé par tous, donc pour tous. D'autres, en d'autres temps, avaient fait d'autres choix : dans la logique individuelle qu'ils privilégiaient, ceux qui adhèrent sont certes ceux qui le veulent, mais surtout ceux qui le peuvent... Deuxième principe auquel nous sommes attachés : ce produit nouveau n'implique en rien le sacrifice d'un régime de retraite par répartition, doté d'un financement viable. J'ai cru comprendre que des mécanismes seraient trouvés à cet effet, et je m'en réjouis. Sur ce deuxième principe aussi, nous marquons notre respect de certaines choses dites et notre différence avec l'opposition, à en juger par ce qu'elle fit il y a quelques années.

En réparant cette injustice, en respectant ces principes, créons-nous des fonds de pension ? Non. M. le ministre a bien expliqué pourquoi il ne s'agit ni de fonds de pension honteux ou larvés, ni d'un cheval de Troie pour leur création future. Certains regrettent que cet outil ne permette pas un certain rééquilibrage de la possession patrimoniale, capitalistique ou boursière entre résidents et non-résidents. Mais à cet égard, point n'est besoin de créer des fonds de pension. Il faut en revanche revoir certaines dispositions fiscales qui datent de 1993 et la convention fiscale conclue, notamment avec les Etats-Unis, par le gouvernement de M. Juppé. En effet, un investisseur non-résident ne paie pas d'impôts, puisque le prélèvement libératoire lui est intégralement remboursé sous la forme de l'avoir fiscal. On ne peut donc s'étonner que, sur la place de Paris, la capitalisation boursière soit, dans une proportion anormalement élevée, le fait des non-résidents, ce qui est beaucoup moins le cas à Londres et à New York : c'est que là-bas les investisseurs non-résidents n'ont pas les mêmes avantages fiscaux...

M. François Goulard - Il n'y a pas de fiscalité sur les plus-values !

M. Jérôme Cahuzac - Si donc nous souhaitons rééquilibrer la possession patrimoniale et la capitalisation boursière, il suffit de normaliser notre régime fiscal et il n'est pas nécessaire de créer des fonds de pension. Il s'agit aujourd'hui de créer une épargne solidaire pour réparer une injustice et de respecter certains principes. Pour le reste, c'est dans le cadre du débat fiscal que nous verrons si, les uns et les autres, nous souhaitons rééquilibrer la possession patrimoniale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Le Rassemblement pour la République attendait ce projet avec impatience, mais aussi avec bienveillance.

Avec bienveillance, car le concept de participation, dont l'épargne salariale est un des volets, fonde notre engagement politique. Nous saluons d'ailleurs le ralliement idéologique de nombre de vos amis, qui n'avaient pas eu de mots trop durs quand nous en avions présenté les textes fondateurs : intéressement en 1959, participation en 1967, options de souscriptions ou d'achat d'actions en 1970, actionnariat en 1973, distribution d'actions gratuites aux salariés en 1973... sans oublier l'ordonnance de 1986 ou la loi de 1994.

Avec impatience, puisque rapports et études se multipliaient sans résultat concret. L'opposition se voyait refuser l'examen de la proposition de loi de M. Douste-Blazy, puis de celle de M. Balladur, dont j'avais l'honneur d'être la rapporteuse. Attendez, disiez-vous, vous allez voir ce que vous allez voir ! Nous devons aujourd'hui avouer notre déception devant un texte qui n'est pas inintéressant, mais bien timide, alors que la croissance mondiale nous offre l'occasion d'innovations ambitieuses. Nous craignons en outre que notre déception tourne à l'opposition résolue, si les concessions que vous avez dû accepter, pour la cohésion de la majorité plurielle, dénaturent complètement les modestes mais louables intentions du ministre des finances...

Vous avez, Monsieur le rapporteur, fixé trois objectifs à une politique d'épargne salariale : améliorer le pouvoir d'achat des salariés, mieux financer l'économie en réorientant l'épargne, améliorer la démocratie sociale. Je les partage. Et, notez-le, je ne fixe pas pour but premier à l'épargne salariale de financer un troisième étage de notre système de retraite. On peut certes regretter cette occasion manquée, sur laquelle il faudra de toute façon revenir. Mais pour nous, qui nous référons à la pensée du général de Gaulle et de René Capitant, le but de la participation va bien au-delà et définit un vrai projet de société.

Mes collègues de la commission des finances, M. Godfrain et M. Carrez, ont dit ce qu'il fallait sur l'aspect économique du projet et la nécessité de conforter les fonds propres des PME. Certes la réorientation de l'épargne ne suffira pas à consolider des structures financières qu'ont fragilisées des politiques de prélèvements où l'ensemble de notre classe politique, je l'avoue, a montré sa méfiance vis-à-vis de l'entreprise. Les choses sont en train de changer, il faut s'en réjouir.

En tant que membre de la commission des affaires sociales -curieusement saisie simplement pour avis- je m'attacherai surtout à la démocratie sociale et au pouvoir d'achat des salariés.

Nous vivons en France un paradoxe : l'arrivée de la gauche en 1997 est marquée par une chute sans précédent de la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises. Cette part, qui était de 67 % il y a vingt ans, est aujourd'hui descendue à 58 %, taux bien inférieur à celui des Etats-Unis ou du Royaume-Uni. A quoi s'ajoute la glaciation salariale due à la réduction autoritaire du temps de travail. Dans le débat sur les 35 heures, j'avais dit qu'on imposait aux salariés des procédures qu'ils paieraient par la flexibilité, le durcissement des conditions de travail, la perte des avantages acquis et l'écrasement du pouvoir d'achat. J'avais suscité les ricanements protecteurs de Madame la ministre de l'emploi. Aujourd'hui, les chiffres sont là. 42 % des accords signés ont gelé les rémunérations : des secteurs entiers « trinquent », comme la santé, le commerce ou la banque, et les petits salaires sont les plus touchés. L'augmentation de 4 % de la masse salariale n'a en fait profité qu'à quelques uns. Pendant ce temps, les profits des vingt premières entreprises françaises ont autant augmenté pendant le premier semestre 2000 que durant toute l'année 1999...

Pour autant, peut-on prôner une augmentation salariale massive et généralisée, comme le. réclame une partie de la gauche, de plus en plus plurielle et radicale ? Ce serait une stratégie de Gribouille, tant les incertitudes sur la croissance sont loin d'être levées, comme la flambée du prix du pétrole vient de nous le rappeler cruellement. En outre les disparités n'ont jamais été aussi grandes entre les secteurs porteurs et les industries de main d'_uvre, comme la branche textile-habillement-cuir, soumise à la concurrence des pays pré-industrialisés. Enfin 30 % seulement des salariés sont concernés par les 35 heures : le plus dur reste à faire. J'ai d'ailleurs noté avec intérêt, Monsieur le ministre, que vous jugiez nécessaires des mesures d'adaptation du système pour les PME. Vous avez suscité l'irritation de Mme Aubry -sans d'ailleurs qu'on ait le sentiment que cela vous ait traumatisé (Sourires)- et nos interrogations sur les modalités d'adaptation que vous comptiez proposer. Il convient donc, en période de forte croissance, que les salariés voient se rééquilibrer en leur faveur le partage de la valeur ajoutée, sans handicaper la compétitivité. Mais vos mesures sont trop modestes pour relancer vraiment le processus ; vous avez été incapables de sortir de votre méfiance idéologique, en craignant un arbitrage défavorable aux salaires, alors que salaire et épargne salariale participent de deux logiques différentes.

La démocratie sociale est exsangue et anémiée dans notre pays, et le chantier de sa reconstruction -terme que je préfère à « refondation »- est immense. Le très intéressant colloque présidé par Jean Le Garrec, le 30 mars dernier à l'Assemblée, en a excellemment dessiné les contours et les enjeux. Il est significatif que la démocratie sociale figure en dernier dans les objectifs formulés par M. le rapporteur, alors qu'elle nous apparaît prioritaire. Là encore, les vieilles lunes idéologiques de la lutte des classes -réaffirmées dès l'exposé des motifs, qui dénie que la participation ait un rôle d'apaisement social- permet de mieux comprendre que presque aucune mesure ne concerne ce chapitre. Au total, ce texte affiche des objectifs sympathiques, mais ses mesures dessinent une participation « Canada Dry » qui justifierait une abstention courtoise, à moins que les concessions accordées aux réactionnaires de la gauche ne transforment ce soda édulcoré en potion amère. Nous serions alors obligés de nous y opposer (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Brard - Nous en entendons des vertes et des pas mûres dans ce débat... Je vois certains collègues s'efforcer de compléter leur culture économique et politique, comme M. Godfrain. Je note qu'il oublié de se référer à Adam Smith, ce qui justifierait qu'on parle de plagiat -faute dont en tout cas s'abstenait Marx... Quant à M. Jegou, reprenant une antienne de M. Madelin, il reproche au Gouvernement de tenir ses promesses... Ce qui me semble pourtant devoir être l'idéal de tout homme ou femme politique ! Enfin Mme Bachelot déplore la stagnation des salaires alors que les bénéfices de certaines sociétés s'envolent, et elle a bien raison. Mais c'est pour ajouter aussitôt qu'il ne faut surtout pas augmenter les salaires, parce qu'on ne sait pas de quoi demain sera fait... Une chatte ne retrouverait pas ses petits dans ce galimatias idéologique.

Il n'y a pas, Monsieur Goulard, de sujet tabou.

M. Goulard a mal digéré la référence à la lutte de classes. Qu'il demande si elle n'existe plus aux salariés de M. François, jetés à la rue après avoir rempli les coffres de la famille Michelin. Il est vrai que vous êtes ici pour défendre les intérêts de M. François, ce que vos électeurs ne savent pas assez.

Nous appartenons à une famille politique qui s'est battue de manière exclusive pour les droits des salariés et leur participation aux décisions. C'est le sens que nous voulons donner à ce texte, ce qui fait frissonner d'horreur l'opposition.

M. Godfrain parle du droit d'accéder au patrimoine, mais à la manière de Guizot et du banquier Laffitte : on partage l'idée, le capital reste dans les mêmes coffres. Nous voulons au contraire que le capital soit partagé et, avec lui, le pouvoir de décision.

La question des salariés, les plus intéressés à la pérennité de l'entreprise, a-t-elle été sérieusement posée ? On peut répondre non. Ces salariés et les salariés actionnaires doivent trouver place dans les conseils d'administration.

L'épargne des ménages est élevée. Notre but n'est pas de l'augmenter, mais de la réorienter. Sans doute faudra-t-il réexaminer l'ensemble des avantages fiscaux existants, afin d'encourager l'épargne salariale par rapport à l'épargne spéculative.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Brard - Pour que ce texte soit acceptable, il faut d'abord régler le problème de la sortie en rente. M. le ministre nous a ouvert des perspectives à ce propos.

Il nous faut encore définir quelle taxe s'appliquera sur l'abondement de l'employeur... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) ...pour ne pas déséquilibrer davantage la retraite par répartition.

Enfin, de nouveaux droits doivent être reconnus aux salariés et aux actionnaires.

J'estime par ailleurs qu'une partie de l'épargne collectée devrait être déposée à la Caisse des dépôts, afin de consolider notre pôle financier public et de soutenir des opérations d'intérêt général (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Plus l'opposition émettra de décibels, plus elle nous prouvera que nos choix sont les bons. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Jacques Barrot - Après Jean-Jacques Jegou, je veux réaffirmer l'importance que nous attachons à l'épargne salariale. François Goulard a rappelé ce que nous devons aux initiatives des entreprises et à notre héritage gaullien. Développer l'épargne salariale est un moyen pour l'entreprise de partager les fruits de la croissance sans risque pour elle ni pour l'emploi. C'est donc une formule adaptée à la phase dans laquelle nous nous trouvons : les profits augmentent, mais la persistance d'un chômage élevé et la crainte d'une résurgence de l'inflation font que les salariés ne reçoivent pas tout ce qu'ils sont en droit d'attendre.

Si nous voulons renationaliser le CAC40, puisque les étrangers détiennent la majorité de sa capitalisation, il faut réorienter l'épargne salariale vers les titres non cotés des entreprises.

Madame Bricq, je n'invoquerai pas la lutte des classes, mais j'ai conscience qu'à l'ère de la net-économie et des oligopoles mondiaux, l'entreprise ne peut se réduire à la seule création de richesses, aux seuls bénéfices.

L'épargne salariale va donc dans le bon sens et j'approuve les intentions qui sous-tendent votre démarche. Mais force est de reconnaître que ce projet manque d'audace et de clarté et entretient une confusion redoutable entre épargne retraite et épargne salariale.

J'ai rendu hommage au travail de Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucault. Pourquoi, dans le projet, ne pas aller au bout de la simplification des mécanismes ? Au lieu de clarifier le système, vous créez des distinctions nouvelles, des seuils, de nouvelles discriminations dans les taux de provisions. Pourquoi exclure les mandataires sociaux non titulaires d'un contrat de travail ?

M. le Rapporteur - Ce point a été revu.

M. Jacques Barrot - Pourquoi ne pas relever le plafond des versements et des abondements ?

S'agissant du plan partenarial d'épargne salariale volontaire, notre rapporteur s'est efforcé d'améliorer ce produit.

Il me paraît logique que ce plan, comme tout produit d'épargne, aboutisse à une sortie en capital et non en rente.

Encore faut-il qu'il demeure attractif. Je ne vois pas comment l'assujettir aux cotisations d'assurance vieillesse alors que tous les autres produits d'épargne salariale ne le sont pas. Je revendique l'honneur d'avoir présenté ici un projet qui assujettissait l'épargne retraite à ces cotisations. Mais ne confondons pas épargne retraite et épargne salariale.

Dans les procédures de négociation, je ne comprends pas pourquoi on voudrait revenir au monopole syndical pour les nouveaux dispositifs, alors que le comité d'entreprise a compétence pour signer en matière d'intéressement et de participation.

Je ne suis pas sûr, par ailleurs, que faire de l'épargne salariale un thème de négociation annuelle obligatoire renforce la formule.

Je vous reproche surtout d'avoir renoncé à un véritable dispositif d'épargne retraite. Conscient des critiques qu'allait lui valoir son a priori idéologique, le Gouvernement a voulu les devancer en greffant un produit hybride sur l'épargne salariale. C'est pourquoi, au lieu d'un débat de fond, nous partons dans de faux débats.

Il faut pourtant comprendre qu'il existe des différences profondes entre épargne retraite et épargne salariale : la première, qui vise à la constitution d'un revenu différé, implique un versement régulier sur longue période ; la seconde, moins régulière, dépend des résultats de l'entreprise et de la capacité d'épargne de chaque salarié. Ces différences de nature entraînent des différences juridiques. S'agissant de l'épargne retraite, il est impossible de retirer avant l'échéance les sommes accumulées, et la sortie se fait en rente. Rien de tel avec l'épargne salariale. L'abonnement y est individuel et non collectif, la sortie anticipée est exclue.

Ce nouveau produit ne peut pas jeter un pont entre ces deux mécanismes, puisque la sortie anticipée y est possible pour des raisons étrangères à la retraite.

Je voudrais justifier deux types d'amendements.

D'abord, l'UDF va reprendre les propositions qu'elle avait formulées dans la proposition de loi relative à la participation à la croissance par tous, et qui portent sur un système complémentaire par capitalisation.

J'ai aussi pensé -et cela n'engage que moi- à un développement des instruments de prévoyance, comme les régimes supplémentaires. Celui-ci est aujourd'hui limité, car on a perdu de vue la règle essentielle de la neutralité fiscale et sociale des contributions instituées au profit des retraites. Je pourrais citer des références, des règles qu'il suffirait de moderniser pour permettre le développement d'une retraite supplémentaire dans toutes les entreprises, telle qu'elle existe d'ailleurs pour les salariés du public avec la Préfon.

Je citerai pour terminer la Cour des comptes, qui estime que l'épargne retraite se développe en France sans stratégie cohérente, sans contrôle par les épargnants, et dans l'inégalité.

Le succès de l'assurance vie qui ne concerne que les salariés aux revenus les plus élevés, est en lui-même un constat d'échec dans la mise en place d'une épargne retraite pour tous. A cet échec, votre texte ne permet pas de remédier.

M. Gérard Charasse - Il n'est pas aberrant, quand on siège à gauche, de vouloir avant tout préserver le système de retraite par répartition. Les radicaux de gauche veulent apporter leur voix à votre projet et espèrent que leurs propositions seront accueillies avec bienveillance. Elles portent sur les trois points suivants : d'abord la sécurité de l'actionnariat salarié, ensuite le lien indispensable avec le système de retraite par répartition, enfin les mécanismes de sortie et de liquidité des plans.

Sur le premier point, les difficultés des FCP incitent à renforcer la sécurité. Il faut un dispositif d'assurance collectif garantissant le nominal, assorti d'un intérêt de base. La gestion paritaire implique également la formation des salariés qui siègent dans les conseils de surveillance.

Sur le second point, le projet peut paraître établir une concurrence entre cette nouvelle épargne à long terme et le système de retraite, en raison de la possibilité offerte aux salariés de percevoir la rémunération du capital sous forme de rente. Qui oserait, cependant, leur dénier ce droit ? Il faut en fait lier les deux systèmes.

Enfin, lors de la tempête de décembre dernier, des ménages ont dû contracter des prêts supplémentaires parce qu'ils ne pouvaient pas être indemnisés par les assurances. Je propose que dans de tels cas il soit possible de liquider les droits acquis dans le cadre de l'épargne salariale.

Monsieur le ministre, nous serons attentifs à la suite donnée à nos propositions. La participation du groupe RCV sera constructive, mais ferme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gilles Carrez - La montagne a accouché d'une souris. Voici un projet de loi étriqué et raboté, pourtant annoncé à grands coups de trompe, par les interventions brillantes de votre prédécesseur, par le rapport Balligand, et, ce qui est moins glorieux, par le mépris opposé aux propositions de l'opposition en février, puis en juin derniers.

Mme Nicole Bricq - On ne l'a pas méprisée !

M. Gilles Carrez - Vous aviez justifié ce mépris par la préparation d'un projet ambitieux. Ce projet est aujourd'hui mort-né, et il n'en restera que la mise en place du plan d'épargne entreprise, attendue depuis longtemps.

Si l'on en arrive là, c'est d'abord pour des raisons philosophiques : l'entreprise reste pour vous le lieu de l'affrontement du travail et du capital, ce qui entraîne deux conséquences.

D'abord, toute participation au résultat, quelle que soit sa forme, est d'emblée suspectée de constituer un moyen d'échapper aux charges sociales.

Ensuite, l'actionnariat salarié ne peut que pervertir le rapport de forces que vous voulez voir subsister dans l'entreprise.

Cette vision, rejetée en son temps par le Général de Gaulle, nous ne la partageons pas non plus, nous, gaullistes. L'entreprise, aujourd'hui, est d'abord le lieu de la création de la richesse, dont les salariés doivent bénéficier.

Nos grandes entreprises sont aujourd'hui détenues à 40 % par des capitaux étrangers. Ainsi, c'est la veuve écossaise ou le retraité californien qui bénéficie d'abord des efforts de nos salariés.

Les mesures techniques vont améliorer le fonctionnement des plans d'épargne d'entreprise, le transfert des droits et la création des PEI, c'est vrai, mais n'apportent pas de progrès substantiel pour les PME car les incitations fiscales sont insuffisantes. Elles ne mèneront pas plus à une simplification, les seuils étant multipliés. Il faut donc porter à 100 % la provision pour investissement dans les entreprises de moins de 100 salariés. Je vous demande un peu de générosité : ce n'est pas au seul budget de la sécurité sociale de supporter l'ensemble des incitations.

Quant au PPESV, ce n'est qu'un acte manqué, un compromis encore mal assuré entre les composantes de la majorité plurielle : compromis entre l'encouragement à l'épargne longue et la crainte de la voir dériver vers l'épargne retraite. Résultat : une durée de dix ans, alors que vous aviez vous-même proposé plus. La probable interdiction de la sortie en rente détourne par ailleurs l'épargne salariale de la consolidation -pourtant nécessaire- des retraites. Compromis aussi entre le « tout salaire » et une épargne défiscalisée, exonérée de charges sociales, fondée sur le légitime partage de la valorisation de l'entreprise. Résultat : aucune incitation fiscale à l'épargne volontaire des salariés du privé.

Quant aux capitaux des entreprises, à peine auront-ils été améliorés qu'ils seront rognés par de nouvelles cotisations sociales. Votre grande ambition du PPESV a donc toute chance d'être tout de suite rangée au magasin des accessoires.

Mme Nicole Bricq - Nous verrons !

M. Gilles Carrez - Vous n'offrez aucun avantage significatif aux salariés, aucune compensation du blocage de leur pouvoir d'achat dû aux 35 heures -alors que nous vous aurons mis en garde sans relâche contre ce risque.

Pour permettre donc au salarié de se constituer une épargne, dans le grand dessein de la participation et de l'actionnariat salarié que les gaullistes ont toujours défendu, vous devez accepter les amendements que nous vous proposerons, qui donneront un peu de souffle à un texte qui en manque cruellement. A défaut, nous voterons contre ce texte qui risque de faire reculer l'épargne salariale (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

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DÉSIGNATION DE CANDIDATS À DES ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le Président - M. le Président a reçu de M. le Premier ministre une demande de désignation des membres de l'Assemblée nationale au sein du comité de l'initiative française pour les récifs coralliens.

Conformément à l'alinéa 2 de l'article 26 du Règlement, M. le Président a confié :

    _ à la commission de la production et des échanges le soin de présenter deux candidats ;

    _ à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République le soin de présenter un candidat ;

    _ et à la commission des affaires culturelles, familiales et sociale, le soin de présenter un candidat.

Les candidatures devront être remises à la Présidence avant le mercredi 18 octobre 2000, à 18 heures.

M. le Président a reçu de M. le Premier ministre une demande de désignation des membres de l'Assemblée nationale au sein du Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire.

Conformément à l'alinéa 2 de l'article 26 du Règlement, M. le Président a confié :

    _ à la commission des finances, de l'économie générale et du plan le soin de présenter deux candidats ;

    _ à la commission de la production et des échanges le soin de présenter deux candidats ;

    _ et à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République le soin de présenter un candidat.

Les candidatures devront être remises à la Présidence avant le mercredi 18 octobre 2000, à 18 heures.

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RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile.

Cette communication a été notifiée à M. le Président de la commission de la production et des échanges.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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