Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (2000-2001)

Session ordinaire de 2000-2001 - 5ème jour de séance, 10ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 10 OCTOBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

Sommaire

          OUTRE-MER (nouvelle lecture) 2

          ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 11 OCTOBRE 2000 27

La séance est ouverte à 21 heures.

      Top Of Page

      OUTRE-MER (nouvelle lecture)

M. le Président - La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à un accord, le Gouvernement demande à l'Assemblée, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, de procéder à une nouvelle lecture du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet.

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - En vous présentant ce projet en nouvelle lecture, je pense à la longue histoire commune qui a enrichi la relation singulière et féconde de la République avec l'outre-mer. Il nous appartient d'écrire une nouvelle page de cette histoire qui n'a pas toujours exclu la souffrance, et dont la source contemporaine se trouve dans la loi de départementalisation de 1946. Sans renier les progrès accomplis depuis cette date, le texte qui vous est soumis marque un tournant.

Je voudrais redire le sens de ce projet de loi porteur d'avenir tant à ceux, de tendances très diverses, qui le soutiennent, qu'à ceux qui s'y opposent, soit parce qu'ils sont pour le statu quo, soit parce qu'ils veulent brûler les étapes.

La loi d'orientation a pour ambition de dépasser l'opposition trop longtemps supposée, au sujet de l'outre-mer, entre le progrès économique et social et les réformes institutionnelles.

Ce texte, proposé par Jean-Jack Queyranne et à l'élaboration duquel beaucoup d'entre vous ont contribué, sera un grand texte, avant tout parce qu'il se fonde sur le respect des identités et l'appel à la responsabilité.

Comme en 1946 et en 1981, il ouvre un grand chantier, qui permettra l'élaboration d'un projet d'évolution institutionnelle dans chaque département d'outre-mer. L'expression publique de nos plus hauts responsables le confirme.

Le 11 mars dernier, en Martinique, le Président de la République a ainsi déclaré que la politique de l'outre-mer ne pouvait plus « être appliquée de façon uniforme » et que l'évolution statutaire était « dans la nature des choses ». Telle est bien la conviction du Gouvernement qui -le Premier ministre l'a affirmé dans une lettre aux huit présidents d'assemblée- a décidé d'offrir à chacun des départements d'outre-mer la possibilité d'une évolution différenciée. La loi d'orientation constituera ainsi pour eux un tremplin.

Je regrette donc l'échec de la commission mixte paritaire du 3 octobre dernier.

Je veux rappeler tout d'abord que cette loi entend inscrire les départements d'outre-mer dans un pacte de croissance et de solidarité, en combattant le chômage et l'exclusion qui perdurent et conduisent au découragement et à la désespérance.

Un partage solidaire de la croissance : telle est bien la première orientation de ce projet. Pour la première fois, et à un niveau sans précédent, les solutions proposées s'attaquent aux causes réelles du chômage et de l'exclusion.

Il fallait pour cela renoncer à voir dans les départements d'outre-mer des économies artificielles, placées sous perfusion et nourries d'argent public.

En dépit de la baisse récente du nombre de demandeurs d'emplois, le taux de chômage de ces départements est en moyenne trois fois plus fort qu'en métropole et le nombre d'allocataires du RMI cinq fois supérieur à la moyenne nationale. Mais nous aurions tort de croire que les départements d'outre-mer ne recèlent pas d'énergies et de capacités à entreprendre.

La réalité est tout autre. Les économies des départements d'outre-mer sont dynamiques. Leurs taux de croissance et de création d'emplois sont, depuis plusieurs années, supérieurs à ceux de la métropole et ces départements n'ont pas encore achevé leur transition démographique. Les chiffres du dernier recensement en témoignent : sur cette période, la population s'est accrue aux Antilles de 7,6 % -deux fois plus qu'en métropole-, la Réunion de 18 %, la Guyane de 37 %.

C'est bien là la principale cause du chômage dans les départements d'outre-mer, avec l'arrivée chaque année de 30 000 jeunes sur le marché du travail. Dans ces départements, 36 % de la population a moins de 20 ans contre 25 % en métropole. Quelle serait la situation de cette dernière si elle était confrontée à un tel défi ? Nous entendons pourtant le relever dans les départements d'outre-mer.

La première orientation de ce texte, c'est l'ensemble des dispositifs visant à offrir à chaque jeune des départements d'outre-mer, une chance d'insertion sur le marché du travail. Ils viendront compléter les mesures nationales parmi lesquelles figurent au premier rang les emplois-jeunes qui s'élèvent aujourd'hui à 13 000 dans les quatre départements. Deux mesures spécifiques, particulièrement justifiées, sont très attendues outre-mer.

D'abord le projet initiative jeune qui permettra d'accorder une aide pouvant atteindre près de 50 000 francs par projet à chaque jeune, de moins de trente ans, qui créera ou reprendra une entreprise, ou qui poursuivra une formation professionnelle hors de son département. Mon objectif est que, dès 2001, 10 000 jeunes des départements d'outre-mer puissent ainsi voir financer leur projet professionnel.

Ensuite, le congé-solidarité qui met en _uvre un système de préretraites contre embauche de jeunes en contrat à durée indéterminée. Fondé sur un mécanisme de solidarité entre les générations, ce dispositif pourra être financé jusqu'à 60 % par l'Etat.

Le deuxième grand axe est la mise en _uvre d'un plan -dont l'ampleur est sans précédent- visant à pallier les handicaps structurels qui freinent le développement économique des départements d'outre-mer. Je pense à l'abaissement du coût du travail par l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale.

La loi du 25 juillet 1994 avait proposé un système d'exonération de ces cotisations, dans la limite du SMIC, au profit des entreprises des secteurs dits exposés, à condition qu'elles soient à jour de leurs dettes sociales ou se soient vu accorder un plan d'apurement de celles-ci. Ses dispositions étaient limitées à cinq ans et son financement reposait intégralement sur une majoration de la TVA outre-mer, c'est-à-dire d'un impôt sur la consommation qui frappe indistinctement les plus riches et les plus pauvres. Précaire, restreint, intégralement à la charge des départements d'outre-mer, ce dispositif a bénéficié à moins de 45 000 salariés.

Le projet de loi d'orientation propose une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite de 1,3 fois le SMIC pour toutes les entreprises des secteurs exposés, quelle que soit leur situation au regard de leurs dettes sociales et au profit de toutes les entreprises de moins de onze salariés. J'ajoute que les secteurs exposés ont été étendus, je pense notamment aux NTIC et, avec une exonération ramenée à la moitié, au BTP.

Autrement dit, 95 % des entreprises des départements d'outre-mer en bénéficieront. Près de 115 000 salariés sont donc concernés auxquels s'ajouteront tous les employeurs et travailleurs indépendants, soit 55 000 personnes supplémentaires. Ce nouveau système sera pérenne, et entièrement à la charge de l'Etat. Les crédits correspondants, plus de 3,5 milliards par an, figurent dans le projet de budget du ministère de l'emploi et de la solidarité que vous serez prochainement appelé à examiner.

C'est à l'aune de cet effort sans précédent que nous pourrons débattre sereinement des moyens que nous pouvons envisager pour atténuer l'effet de seuil sur lequel plusieurs d'entre vous ont appelé mon attention. Chacun doit cependant se rappeler qu'il sera très limité, puisque la très grande majorité des entreprises d'outre-mer ont un effectif moyen inférieur à deux salariés et que les entreprises des secteurs exposés ne sont pas concernées.

J'insiste sur le fait que le pacte de croissance est aussi un pacte de solidarité envers ceux qui sont aujourd'hui exclus du marché du travail, demandeurs d'emplois et bénéficiaires de minima sociaux, dont les allocataires du RMI.

A ce sujet, je rappelle que si le nombre d'allocataires du RMI, qui sont près de 130 000 dans les départements d'outre-mer, donne la mesure de l'exclusion qui y sévit, il est aussi, comme l'ont démontré les rapports commandés par le Gouvernement dans le cadre de la préparation de ce projet, le résultat d'une histoire faite d'abus de droit, puisque des employés n'étaient pas déclarés. Cette situation, dont chacun sait qu'elle est loin d'avoir disparu, et dont personne ne peut douter que nous la combattrons, aboutit aujourd'hui à ce que des femmes et des hommes, qui ont pourtant souvent commencé de travailler très jeunes, ne peuvent bénéficier de suffisamment d'annuités de cotisation pour être pris en charge par l'assurance chômage.

Pour réinsérer sur le marché du travail ceux qui en sont aujourd'hui exclus, le Gouvernement entend mettre en _uvre des solutions innovantes et adaptées aux départements d'outre-mer. Il s'agit, d'une part, de créer une allocation de retour à l'activité et, d'autre part, de mettre en _uvre un titre de travail simplifié qui se substituera au chèque-emploi-service et allégera considérablement les formalités d'embauche.

Sur la proposition des sénateurs Claude Lise, Rodolphe Désiré et Dominique Larifla, ces dispositifs ont été complétés, lors de la discussion au Sénat, par une mesure visant à instituer un revenu de solidarité au profit de tous les bénéficiaires du RMI âgés d'au moins 50 ans et qui s'engageront à quitter définitivement le marché du travail. Cette mesure, qui concerne 22 000 allocataires améliorera sensiblement leur situation matérielle, puisqu'ils pourront de la sorte percevoir 2 700 F par mois au lieu de 1 800 F actuellement.

Comme beaucoup d'entre vous, je suis convaincu qu'il n'est pas de développement durable qui ne soit un développement solidaire, et je suis de ceux qui ont toujours refusé d'opposer développement économique et progrès social. Si j'entends que l'exclusion recule grâce aux mesures que je vous propose, je n'accepte pas que soit qualifié d'assistanat, dans les départements d'outre-mer, ce qui est baptisé solidarité en métropole. A ce titre, le projet réaffirme l'objectif d'égalité sociale entre la métropole et les départements d'outre-mer.

Le niveau du RMI outre-mer sera donc aligné sur celui de la métropole. Je sais la très grande sensibilité de l'opinion publique à la Réunion tant sur le principe que sur le calendrier de cet alignement. Votre rapporteur pour avis, M. Tamaya, me le rappelait récemment encore. Je sais aussi qu'aux Antilles et en Guyane l'accent a davantage été mis sur les difficultés de mise en _uvre de cette mesure. Nous proposons donc cette réforme en ayant conscience que les aspirations peuvent être différentes d'un département à un autre. Mais nous la proposons tout simplement parce qu'elle est juste. En son état actuel, le texte prévoit un alignement en trois ans. Il s'agit là d'un délai maximum, et le Gouvernement rendra public, avant la fin de l'année, le calendrier définitif.

Je crois aussi, comme la plupart d'entre vous, que la dignité procède du travail et s'accommode mal de l'assistanat. La perspective de créations d'emplois stables doit donc être ouverte.

Personne ne niera l'ampleur du plan en faveur du développement économique et social des départements d'outre-mer que le Gouvernement se propose de mettre en _uvre, dès la promulgation de la loi d'orientation, en commençant par une augmentation de 25 % du FEDOM en 2001.

L'essentiel des articles relatifs à ce volet économique et social ont ainsi été adopté par votre Assemblée. Elle les a même parfois améliorés, avec l'accord du Gouvernement et si certains désaccords se sont parfois exprimés, c'est que ce Gouvernement n'a pas pour habitude d'enregistrer purement et simplement des demandes manifestement excessives provenant de groupes de pression patronaux.

S'agissant du congé-solidarité, la majorité sénatoriale a ainsi entendu supprimer la condition, à mes yeux essentielle, qui réserve le bénéfice de cette mesure aux entreprises effectivement passées aux 35 heures. En accord avec votre commission des lois, le Gouvernement vous proposera évidemment de rétablir le texte que votre Assemblée avait adopté en première lecture.

De même, je ne peux que me féliciter que la commission des lois ait choisi de ne pas relever le seuil de onze salariés. Ce cadre étant maintenu, je serai évidemment attentif aux propositions qui pourront m'être faites pour améliorer le dispositif visant à atténuer l'effet de seuil que vous aviez adopté en première lecture.

Les désaccords qui subsistent sont donc peu nombreux, et il est au moins un motif de querelle qui aura disparu : je veux parler de l'engagement qu'avait pris le Premier ministre de créer un nouveau dispositif de soutien fiscal aux investissements qui soit à la fois plus juste mais aussi plus efficace que la loi de 1986, engagement dont certains semblaient douter qu'il soit tenu. Il le sera, puisqu'il fait l'objet de l'article 12 du projet de loi de finances pour 2001. Je me limiterai donc à en rappeler les grandes lignes.

Il s'agit, tout d'abord, de rétablir une plus grande justice fiscale, par une réduction d'impôt plus équitable, égale à 50 % du montant de l'investissement. Chacun sera donc traité de façon équivalente quelle que soit sa tranche d'imposition ; moins critiquable, ce dispositif sera plus durable.

Il s'agit, ensuite, de renforcer l'efficacité économique du dispositif : l'aide, qui ne sera plus applicable à la navigation de croisière, sera en revanche étendue à de nouveaux secteurs économiques créateurs d'emplois tels que la maintenance, la rénovation hôtelière ou l'acquisition de logiciels.

Je tiens à souligner que les entreprises de l'outre-mer en seront les principales bénéficiaires puisque 60 % au minimum de l'avantage fiscal accordé leur sera rétrocédé par le biais d'une réduction du loyer.

Comme pour le dispositif d'exonération de charges sociales, des dispositions favoriseront les petites entreprises, qui n'ont pas accès, aujourd'hui, à l'aide fiscale à l'investissement, beaucoup d'entre elles ne disposant pas de revenus suffisants pour investir. Désormais, pour elles, le crédit de 50 % du montant de l'investissement sera reportable et remboursable. Il pourra être imputé sur l'intégralité de leur impôt, sans plafonnement, le cas échéant sur cinq ans, avec remboursement du solde à la fin de la cinquième année.

Vous l'aurez compris : cette réforme vise avant tout à favoriser l'emploi, et un effort particulier sera réalisé pour Mayotte, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon et la Guyane. La réduction d'impôt sera en effet portée à 60 % pour les investissements qui seront réalisés dans ces quatre collectivités.

Ainsi, le Gouvernement a entrepris, depuis juin 1997, de donner aux départements d'outre-mer, ainsi qu'à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, les outils indispensables à un développement durable et solidaire qui fera reculer le chômage et l'exclusion. Trois chantiers auront ainsi été menés à bien : le pacte de croissance et de solidarité et la loi d'orientation ; la nouvelle loi de soutien fiscal aux investissements ; les contrats de plan et les fonds structurels européens puisque, je le rappelle, les départements d'outre-mer bénéficieront entre 2000 et 2006 de près de 30 milliards de l'Etat et de l'Union européenne, soit plus de 50 % d'augmentation par rapport à la période précédente.

Malgré cela, la commission mixte paritaire a abouti à un échec, dont je veux analyser les causes de manière que personne ne puisse douter de la détermination du Gouvernement ni de la conviction profonde qui est la sienne et qui fonde le projet de loi.

Je rappelle d'abord le processus qui a présidé à l'élaboration de ce nouveau pacte entre la République et l'outre-mer. Le 10 décembre 1998, le Premier ministre a confié à votre collègue Michel Tamaya et au sénateur Claude Lise une mission parlementaire. Il précisait que son succès passait par « une large consultation des élus, des responsables professionnels et des représentants des sociétés civiles ». Ce rapport lui a été remis le 24 juin 1999, après que ses auteurs eurent rencontré quelque 1 200 personnes dans les quatre départements d'outre-mer et, en particulier, les représentants de toutes les forces politiques.

Aux parlementaires en mission, il est apparu que, partout dans les départements d'outre-mer, se faisait jour une aspiration à la responsabilité et à l'identité, mais que des débats, parfois passionnés, demeuraient sur les voies pour y parvenir. Le Gouvernement se devait de respecter ces aspirations tout autant que ces différences en rompant avec une vision uniforme, point de vue traditionnel de Paris. L'idée de procéder en deux étapes était née. Le Gouvernement l'a reprise à son compte. Ce texte fixe une méthode, impose un rythme, et propose une ouverture qui va bien au-delà des transferts de compétences contenus dans le projet.

La première étape consiste, outre d'importants transferts de compétences et de moyens, à accroître les responsabilités et à prendre en compte l'identité particulière de chaque département. Elle ne nécessite pas de modification constitutionnelle.

Les mesures qui figurent dans le projet à cet effet n'ont été contestées par personne et ont été approuvées par les deux assemblées en première lecture. Nombre d'entre elles traduisent une véritable rupture avec les logiques traditionnelles des administrations centrales.

Ainsi les DOM auront le droit de signer, dans leurs domaines de compétence, des accords internationaux avec les Etats de leur région et, éventuellement, d'être membres associés des organisations internationales propres à cette zone.

Leurs assemblées locales seront systématiquement consultées sur les propositions d'actes de la Communauté européenne prises en application du nouvel article 299-2 du traité d'Amsterdam et pourront adresser au Gouvernement des propositions à ce sujet.

Enfin, les compétences en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles de la mer et du sous-sol leur seront transférées.

Ainsi, selon l'heureux terme de Michel Tamaya et Claude Lise, les DOM entreront dans « la voie de la responsabilité ».

Mais le temps de l'uniformité a vécu pour toutes les collectivités d'outre-mer. Pour les DOM, une deuxième étape permettra à ceux qui le souhaitent de se doter d'institutions nouvelles et adaptées.

Dès le 23 octobre 1998, Jean-Jack Queyranne indiquait, à propos de la mission confiée à MM. Lise et Tamaya, qu'il n'était pas exclu que « ces propositions et les décisions qui découleront du débat public dans chacun des DOM aboutissent à une évolution différenciée selon les départements ».

Pour qu'on ne puisse accuser le Gouvernement de conservatisme ou de frilosité, je vous proposerai un amendement à l'article premier pour que la reconnaissance du droit à l'évolution statutaire figure dans le corps du projet et plus seulement dans l'exposé des motifs.

Mais il s'agit d'un droit, non d'une obligation. Le Gouvernement respectera donc le choix unanime des Réunionnais de rester dans le cadre d'une départementalisation adaptée, tel que prévu par l'article 73 de la Constitution.

Dans les trois départements d'Amérique, la majorité des élus souhaite un changement de statut. Le Gouvernement entend le faire de façon spécifique et en toute transparence. Cela suppose que trois conditions soient respectées.

D'abord dans chaque département le changement ne sera pas imposé par Paris ni par des « avant-gardes » sans légitimité. Il sera l'affaire des élus du suffrage universel. Ceux-ci devront rechercher un compromis dans le débat démocratique. Outre-mer également, les divergences d'approche existent et sont légitimes. Le Gouvernement respectera les différences mais favorisera le compromis.

C'est le cas en Guyane où les avis sont le plus clairement formulés.

Certaines organisations politiques préconisent un statut de très large autonomie inspiré de celui de la Nouvelle-Calédonie. Le sénateur Georges Othily propose la création d'une assemblée territoriale unique et de provinces. Le parti socialiste guyanais préconise la création d'une région autonome qui resterait dans le cadre de l'Union européenne. Egalement favorable à une évolution, Mme Christiane Taubira-Delannon a souhaité que la réflexion s'engage à partir d'un bilan approfondi de la décentralisation issue des lois de 1982. Enfin, M. Léon Bertrand, a souhaité que soit étudiée la possibilité de créer un second département qui favoriserait le développement de l'ouest guyanais. Le Président de la République a d'ailleurs souhaité que cette dernière demande soit « étudiée attentivement au même titre que les autres solutions ».

Le Gouvernement étudiera tous ces projets, leurs conséquences juridiques, leur adéquation aux réalités. Une mission se rendra prochainement sur place et les expertises seront remises à tous les élus, dont je recevrai une délégation avant la fin de l'année.

L'évolution de la Guyane doit être l'affaire des Guyanais et découler du rassemblement le plus large possible.

Enfin, l'évolution statutaire ne saurait être mise en _uvre sans le consentement de la population. Toutes les forces politiques des Antilles-Guyane sont favorables à ce qu'elle soit consultée. Le Président de la République n'a pas contredit cette position du Gouvernement.

Le Gouvernement ne fixe pas de limite au débat institutionnel dans ces trois départements. Mais toute évolution devra se faire dans la République et ne pourra en aucun cas avoir pour effet d'entraîner une régression des droits politiques, économiques ou sociaux. De ce point de vue, la sortie de l'Union européenne des départements d'outre-mer me paraît difficilement envisageable, sauf à ce que ses conséquences en aient été très clairement expliquées aux populations qui se prononceraient alors en toute connaissance de cause.

L'article 39 du projet, que le Sénat a supprimé, et que votre commission des lois, comme le Gouvernement, vous proposeront de rétablir, ne dit pas autre chose. Il accorde pour la première fois aux élus des DOM le droit d'adresser au Gouvernement des propositions d'évolution statutaire allant au-delà de la simple adaptation des lois et des règlements, autrement dit, de proposer, le cas échéant, une révision constitutionnelle. Il prévoit également la consultation des populations en matière de changement statutaire.

Cet article 39 propose aussi une construction originale et spécifique aux régions monodépartementales où coexistent deux assemblées locales, qui est le congrès.

Dès lors que la demande d'assemblée unique persiste assez largement aux Antilles, je crois préférable que les deux assemblées existantes puissent en débattre ensemble pour que le fondement en soit plus assuré.

De plus, il s'agit bien que l'évolution institutionnelle ait pour point de départ le rassemblement le plus large des élus du suffrage universel.

Interrogé sur cette proposition, Aimé Césaire qui a joué le rôle que l'on sait en 1946 disait le 5 juillet dernier : « Je crois que c'est une bonne idée de réunir les assemblées, que l'on étudie le problème, que l'on échange les points de vue. Et qu'en définitive, le peuple soit consulté. Cela me paraît fondamental, le peuple martiniquais c'est un peuple. Je crois à l'autodétermination. La parole doit en définitive revenir au peuple martiniquais ».

A ce propos il est pour le moins paradoxal d'affirmer comme l'a fait la commission des lois du Sénat, que cet article 39 ne serait pas « à la hauteur des fortes espérances qu'il a suscitées parmi les populations des départements d'outre-mer », tout en proposant de le supprimer ce qui revient à leur interdire de s'exprimer.

Je ne crois pas aux arguments juridiques soulevés par les adversaires de l'article 39, et cela d'autant moins que certains membres de la majorité sénatoriale qui avaient voté contre cet article, ont ensuite proposé d'y souscrire en échange du retrait par le Gouvernement de l'article 38 !

Ce dernier article décide la création d'un second département à la Réunion, conformément à une demande ancienne de tous les élus réunionnais. A l'appui de cette demande, deux arguments ont été avancés : le souci d'un rééquilibrage en faveur du sud de l'île, et la volonté -unanime- que la Réunion devienne une région de droit commun, comme toutes celles de métropole, une région comptant plus d'un département.

Le débat sur cette question a eu lieu. Le découpage territorial a été revu pour répondre aux critiques, mais la bidépartementalisation a reçu l'aval d'une majorité des forces politiques dans l'île, et cela en transcendant, contrairement à ce qu'on a pu écrire, le clivage traditionnel droite-gauche. Le parti communiste réunionnais, la fédération socialiste, mais aussi Alain Benard, le maire RPR de la seconde ville du département, ou le député André Thien Ah Koon se sont prononcés en sa faveur. Le Président de la République a fait de même. Le Gouvernement a donc souhaité que se poursuive la concertation afin qu'un accord puisse être trouvé sur le calendrier et les modalités. Je serai attentif à toutes les propositions.

Les départements d'outre-mer et la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon attendent que cette loi d'orientation entre en vigueur le plus tôt possible, parce qu'ils ont conscience de sa portée. Je la mesure également. Les départements d'outre-mer méritent une grande ambition pour leur développement, leur identité et leur avenir, et la loi d'orientation rend possible le succès de cette ambition. Votre commission des lois, à laquelle je reste très attaché, a entendu ce message efficacement relayé par votre rapporteur, M. Jérôme Lambert.

Aux femmes et aux hommes qui vivent outre-mer, je voudrais réaffirmer notre volonté qu'ils puissent trouver dans la République la place qui leur revient -et je m'adresse aussi aux centaines de milliers de nos compatriotes qui, originaires des départements d'outre-mer, vivent aujourd'hui en métropole. Avec ce texte s'ouvre enfin, pour les départements d'outre-mer, le champ du possible (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jérôme Lambert, rapporteur de la commission des lois - Permettez-moi d'abord de saluer notre nouveau secrétaire d'Etat à l'outre-mer, que nous avions côtoyé avec plaisir au cours de notre travail parlementaire, depuis trois ans. Je ne doute pas, Monsieur le ministre, que vous sachiez mettre tout votre talent dans vos nouvelles fonctions, qui nécessitent capacité d'écoute et force de conviction. Nous serons à vos côtés pour chercher, avec vous, les meilleures politiques à mettre en _uvre pour nos compatriotes d'outre-mer et cette loi nous en donne une première occasion.

Certes, depuis des années, tous les gouvernements se sont intéressés à l'outre-mer et se sont efforcés de rattraper les retards accumulés depuis 1946. Pourtant les difficultés subsistent. Le projet que voici apporte la réponse la plus ambitieuse qui n'ait jamais été proposée à nos compatriotes d'outre-mer, pour prendre en compte leurs difficultés spécifiques et leur assurer un véritable développement économique dans le progrès social -et je sais, Monsieur le ministre, que vous aurez à c_ur de poursuivre le travail commencé par Jean-Jack Queyranne.

La CMP n'a pu trouver un accord sur ce texte, le Sénat ayant remis en cause deux de ses éléments essentiels : il a supprimé l'article 38, qui prévoit la création de deux départements dans l'île de la Réunion, et l'article 39, qui autorisait, dans les régions monodépartementales, la réunion d'un congrès des élus départementaux et régionaux.

Le refus de créer un second département dans l'île de la Réunion, qui compte déjà 700 000 habitants, est dicté par des considérations évidemment politiques. Quant à la réunion d'un congrès des élus départementaux et régionaux, nos collègues sénateurs y ont vu la création d'une troisième assemblée, dérogatoire au droit commun.

En réalité, ce congrès serait une simple réunion sans formalisme, une instance de concertation démocratique, propre à faire émerger des idées constructives.

En matière économique et sociale, le Sénat a voulu renforcer encore les exonérations de cotisations sociales, qui vont déjà très loin. Aller au-delà, de façon massive, semble inutile -en revanche cette nouvelle lecture devrait nous permettre d'envisager certaines adaptations, sans remettre en cause l'économie générale du texte- je pense à certaines dispositions permettant de prendre en compte la réalité archipélagique de la Région Guadeloupe, et la situation particulière de Saint-Martin. La commission des lois a exprimé clairement le souhait, sous réserve de quelques adaptations, de rétablir pour l'essentiel les dispositions institutionnelles du projet initial. Dans le domaine économique et social, nous proposerons encore quelques améliorations.

Ce projet résulte d'une très large concertation avec les élus, les assemblées locales et les responsables socio-économiques d'outre-mer. Il affirme que le développement des activités économiques et de l'emploi dans les DOM est une priorité de la nation, laquelle se traduira par un effort d'environ 4 milliards par an. Ce projet permettra aussi d'accroître les responsabilités locales et de renforcer la décentralisation. C'est donc un texte très ambitieux, porteur d'un espoir raisonné, et quantifié, pour faire face aux défis de l'outre-mer. La commission des lois, sous réserve de ses amendements, propose à l'Assemblée de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Tamaya, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je salue à mon tour notre nouveau ministre qui inaugure ses fonctions avec cet ambitieux projet de loi et j'ai une pensée pour M. Queyranne qui en a été l'initiateur. Lors des débats en première lecture, je rappelais que ce projet est la traduction pour l'outre-mer du pacte républicain proposé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. Il vise le développement durable de régions dont les particularismes ne peuvent être ignorés.

Ainsi, ni l'évolution démographique, ni le niveau du chômage et de l'exclusion, près de trois fois supérieurs aux moyennes métropolitaines, n'ont d'équivalent sur le reste du territoire. De même, les retards structurels sont tels qu'ils ont justifié des dispositions spécifiques dans le traité des Communautés européennes. Ces éléments objectifs ont incité le Gouvernement à proposer un ensemble d'actions sans précédent, qui, depuis 1997 commencent à porter leurs fruits : à la Réunion, le chômage n'augmente plus et tend même à diminuer.

Appelée à remplacer à l'issue d'une large concertation la loi Pons, la loi Queyranne-Paul étendra le champ d'éligibilité des investissements concernés cependant qu'elle corrigera les injustices fiscales et les dérives du dispositif précédent. Enfin, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit une progression des crédits de près de 7 %.

C'est dire, Monsieur le ministre, que vous avez vite compris l'importance des attentes de nos compatriotes.

Chargée de donner son avis sur les titres I, II et IV, qui ont trait respectivement à la priorité pour l'emploi, à la lutte contre l'exclusion et au développement des identités de l'outre-mer, notre commission a souligné la pertinence des axes stratégiques retenus.

Pour l'emploi et contre l'exclusion, l'objectif est de diminuer le coût du travail pour les petites entreprises et celles qui exportent le plus et de favoriser le retour à l'activité des jeunes et des bénéficiaires de minima sociaux.

C'est dans un esprit constructif que nos commissions ont examiné le texte modifié par le Sénat et vos propositions d'amendements. Comme cela avait été le cas en première lecture où le texte du Gouvernement avait pu être enrichi par nos débats, notre commission a émis un avis favorable sur plusieurs dispositions nouvelles, quelle qu'en soit l'origine. Il en va ainsi de l'extension du champ des exonérations au secteur des énergies renouvelables et de la continuité des chaînes audiovisuelles publiques.

En revanche, elle a corrigé certaines surenchères et refusé certaines dérives proposées par les sénateurs.

Rapporteur pour avis des titres I, II et IV, je ne saurais passer sous silence le titre VI car l'approfondissement de la décentralisation répond à une attente de tout l'outre-mer : plus de compétences, plus de démocratie locale... c'est la voie de la responsabilité que le Gouvernement a choisi de conforter et je m'en réjouis.

M. le Président - Veuillez conclure car votre temps de parole est largement dépassé.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - A la Réunion, la création d'un second département est susceptible de répondre aux besoins d'une population dont la transition démographique n'est pas achevée. Loin des fantasmes de quelques démagogues, il ne s'agit pas de couper la Réunion en deux mais d'insuffler un nouveau dynamisme dans la gestion publique.

S'agissant de l'alignement du RMI et de la continuité territoriale audiovisuelle, j'observe que les réponses envisagées restent en deçà des attentes et je vous demande, Monsieur le ministre, de nous éclairer davantage sur la position du Gouvernement.

Pour ce qui concerne enfin les employés communaux non titulaires dont la situation reste en suspens, je souhaite que le projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique nous donne l'occasion de mettre fin à « l'état de non-droit » dans lequel restent placées les 13 000 personnes concernées.

Toutes les populations d'outre-mer attendent avec une impatience mal contenue la mise en _uvre rapide de cette loi d'orientation. Il est donc essentiel que le Gouvernement propose sans plus tarder ses décrets d'application, en sorte qu'après 1848, 1946 et 1982, le 1er janvier 2001 soit pour l'outre-mer une nouvelle date historique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis de la commission de la production - A plusieurs reprises, les députés des DOM ont appelé l'attention du Gouvernement sur la situation critique dans leur département et ils ont fait part de leurs vives inquiétudes quant aux tendances économiques et sociales qui y sont observées. Pour y répondre, le Gouvernement nous a soumis au printemps dernier le présent projet qui entend modifier de manière substantielle le contexte économique local et favoriser l'affirmation d'une citoyenneté plus accomplie. L'avenir reste par ailleurs largement ouvert grâce à la reconnaissance explicite du droit de nos populations à s'autodéterminer dans le cadre d'un processus transparent et démocratique : le congrès des élus régionaux et départementaux. Après de longues péripéties politiques et juridiques, ce projet consacre donc enfin la possibilité d'une évolution institutionnelle différenciée pour chacun de nos départements.

A l'issue de notre première lecture, un texte de très grande portée a été transmis au Sénat. Très fouillé, le travail de la seconde chambre a permis quelques avancées mais nombre de ses propositions vont à l'encontre des options que nous avions arrêtées. La Haute assemblée a ainsi supprimé les articles 38 et 39 qui prévoient respectivement la création d'un deuxième département à la Réunion et l'institution d'un congrès dans les régions mono-départementales. En d'autres termes, le Sénat n'a pas compris l'enjeu d'une évolution institutionnelle et son refus de répondre à nos aspirations légitimes à plus de responsabilités a conduit à l'échec de la commission mixte paritaire le 3 octobre dernier.

Plusieurs articles des titres dont notre commission était saisie pour avis ont fait l'objet d'un vote conforme de la part du Sénat : il s'agit des articles 15, 25, 27, 29 et 30.

D'autres, notamment l'article 26 relatif au transfert de compétences en matière de gestion des ressources biologiques de la mer et l'article 28 relatif au schéma d'aménagement régional ont été modifiés par la Haute assemblée d'une façon que votre commission a jugé opportune.

Enfin, votre commission a adopté divers amendements à l'article 16 relatif au Fonds régional d'aménagement foncier et urbain, à l'article 31, lequel organise une consultation annuelle du conseil général sur la programmation des aides de l'Etat au logement et attribue la présidence du conseil de l'habitat au président du conseil général, à l'article 32, enfin, relatif aux dispositions particulières applicables à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy.

Au bénéfice de ces amendements, votre commission a émis un avis favorable sur le titre III et le chapitre II du titre VI du projet de loi modifié par le Sénat.

J'ai l'intime conviction qu'à l'issue du travail parlementaire et grâce aux pas que fera encore le Gouvernement, nous offrirons à nos départements d'outre-mer la plus grande loi qui n'ait jamais été votée pour eux depuis la loi de départementalisation de 1946.

Monsieur le ministre, j'espère que le Gouvernement nous aura entendus sur certains points en proposant lui-même des amendements ou en retenant les nôtres, même si certains tombent sous le coup de l'article 40. Le transport aérien et maritime entre les îles de l'archipel guadeloupéen doit être soutenu au nom de la continuité territoriale. De même, la situation particulière des îles du Nord, de Saint-Martin en particulier qui souffre de la concurrence inégale de la partie hollandaise de l'île, doit être prise en compte.

Je vous demande, Monsieur le ministre, que les jeunes de Marie-Galante, Désirade, les Saintes, Saint-Martin et Saint-Barthélémy, puissent bénéficier du projet initiative jeunes lorsqu'ils vont se former sur l'île principale de la Guadeloupe au même titre que s'ils se rendaient dans l'hexagone. Ce serait bien la première fois qu'un gouvernement de la France prendrait en compte, un tant soit peu, le problème de la continuité territoriale au sein de l'archipel guadeloupéen.

Les départements doivent également être solvabilisés de façon à pouvoir financer les préretraites. Quant à l'aide prévue pour les communes elle est, avec seulement 40 millions, très insuffisante.

Enfin, la volonté gouvernementale de susciter et d'accompagner l'évolution statutaire dans les départements d'outre-mer doit être encore mieux affirmée dans le texte. Vous nous avez sur ce point, Monsieur le ministre, donné toute assurance avec l'amendement déposé à l'article 1.

Si je suis convaincu que ce texte peut être historique pour l'outre-mer, je sais aussi qu'un texte ne vaut que par l'application que l'on en fait. Je terminerai donc en lançant deux appels. Le premier en votre direction, Monsieur le ministre : les décrets d'application nécessaires à la mise en _uvre de plusieurs mesures pertinentes et audacieuses de ce texte devraient être pris très rapidement. Je vous propose de faire encore plus vite que votre collègue, Mme Aubry, l'avait fait pour les emplois jeunes. Nos compatriotes vous le revaudront, j'en suis sûr.

Mon second appel s'adresse aux forces vives de la Guadeloupe. Tous les acteurs de la société civile doivent s'approprier cette loi pour la mettre en _uvre au bénéfice de notre bien-être collectif. Quant aux forces politiques, elles doivent être conscientes des avancées considérables qu'elle permet, tant par les nouvelles responsabilités qu'elle nous octroie immédiatement que par la porte qu'elle ouvre en matière institutionnelle et statutaire. Dépassons nos différences et nos égoïsmes, réfrénons nos tendances hégémoniques et tirons ensemble, démocratiquement, le meilleur parti de ce texte.

A nous de jouer le jeu, comme nous y invitait Félix Eboué, sur place, de façon transparente, honnête et réaliste mais avec la détermination d'aboutir à un dispositif qui engage notre avenir collectif de façon positive.

Quant à moi, je suis prêt, avec toutes les forces progressistes guadeloupéennes, à agir avec conscience et responsabilité.

Monsieur le ministre, au nom des miens, je vous remercie, et à travers vous, le Premier ministre, d'avoir eu la volonté et le courage de tenter de traduire nos attentes dans cette loi et, plutôt que de nous dicter un statut inadapté, de nous inviter à prendre rendez-vous avec nous-mêmes pour décider de l'avenir que nous souhaitons pour chacun de nos pays. C'est donc avec enthousiasme que je voterai ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Elie Hoarau - La nouvelle lecture de ce projet de loi d'orientation pour l'outre-mer constitue l'une des étapes décisives d'un processus entamé il y a deux ans. Ce texte, attendu avec impatience aussi bien par les socioprofessionnels que par les jeunes et les élus, figurera parmi les grandes loi de l'outre-mer.

Il repose sur quatre piliers -le développement économique, l'égalité sociale, l'affirmation de l'identité culturelle et, pour ce qui concerne la Réunion, une réforme administrative- au service d'un objectif principal : l'emploi. Plusieurs mesures visent à abaisser le coût du travail et à faciliter l'emploi des jeunes. L'effort sans précédent du Gouvernement en matière d'exonération de charges mériterait toutefois d'être complété : nous y tendrons avec mes collègues Huguette Bello et Claude Hoarau.

Il faudra sur le volet social aborder les questions des employés communaux et du RMI, lequel est devenu, à la Réunion, le symbole de la réalisation de l'égalité sociale.

Pour ce qui est de la réforme administrative, au-delà des discours et des arrière-pensées sur sa finalité politique ou son coût, elle vise simplement à remettre la Réunion sur la voie d'un développement équilibré et durable. Lorsqu'elle était encore une île à sucre, l'île pouvait se targuer d'avoir des bassins d'emplois équilibrés entre ses quatre micro régions. Tel n'est plus le cas depuis 1946 où l'industrie sucrière n'est plus le moteur de la création d'emplois et où l'on ne compte plus que deux unités de traitement. Aujourd'hui, le développement économique passe par les activités tertiaires. Or celles-ci se sont surtout développées au nord de l'île qui bénéficie également des principales infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires. Conséquence de ces choix : un déséquilibre grandissant entre le nord et les autres micro-régions. Un deuxième département permettra de créer bien sûr des emplois directs mais surtout sera à l'origine d'emplois indirects dans tous les secteurs d'activité.

Comme il a été annoncé, les mesures économiques entreront en vigueur au 1er janvier 2001. Mais pour que ce texte prenne toute son efficacité, l'ensemble de ses dispositions doivent entrer en application simultanément. Mieux vaudrait ainsi que le deuxième département soit créé dès janvier prochain afin d'éviter tout décalage. L'installation des conseils généraux et des préfectures dès alors constituerait le point de départ d'une départementalisation qui, après une montée en charge tout au long de 2001, pourrait être totalement achevée en 2002. Il est nécessaire d'adopter également le même calendrier pour le RMI pour lequel le rattrapage devrait débuter dès janvier 2001 pour être terminé un an plus tard. De la concomitance des calendriers de ses différentes mesures dépend la réussite de ce texte.

La mise en _uvre des contrats de plan 2000-2006, le démarrage du plan de développement régional et la définition en cours du contenu de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam plaident également pour une application simultanée de ses dispositions.

Si toutes ces mesures sont coordonnées, ce texte répondra mieux aux attentes de la population et méritera d'être considéré comme l'une des grandes lois pour l'outre-mer. Après la loi de 1946 qui a transformé les « vieilles colonies » en départements, il restera dans l'histoire comme celui qui a permis la création d'un deuxième département à la Réunion. C'est pourquoi je le voterai sans hésitation (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Emile Blessig - Je vous ai écouté avec attention, Monsieur le ministre. Pacte de croissance et de solidarité, soutien fiscal, démarche contractuelle, autant de mesures cohérentes dont on ne peut que souhaiter le succès pour le plus grand profit des départements d'outre-mer. Tous ici s'accordent à reconnaître que tous les gouvernements successifs depuis cinquante ans se sont efforcés de résoudre le problème crucial de l'outre-mer, à savoir que le différentiel entre la croissance démographique et la croissance économique y réduit quasiment à néant les progrès économiques. Les handicaps structurels de l'outre-mer -éloignement géographique, étroitesse du marché intérieur, écart entre ses coût salariaux et sociaux et ceux de ses voisins- ont souvent été jugés insurmontables.

La crise financière des collectivités locales est également un obstacle -que le projet de loi n'évoque pas- à l'exercice de leurs responsabilités par les départements d'outre-mer.

Depuis 50 ans, les lois se succèdent, l'argent est dépensé, et pourtant la situation ne s'améliore pas, du moins pour une grande partie de la population. Dans la tâche à laquelle nous nous attelons tous, il peut y avoir des divergences d'approche. Je pense pour ma part que s'il faut un plan de rattrapage, il faut aussi préparer ce que j'appellerais le train du XXIème siècle, et que l'on risque de concentrer tous les efforts sur le premier objectif au détriment du second. Les départements d'outre-mer sont aussi, par leur jeunesse et leur diversité, une chance pour la France et pour l'Europe. A l'heure de la multiplication des échanges, ils doivent aller au-delà du rattrapage de leur retard et se donner pour ambition de développer des pôles d'excellence. Au lieu de raisonner par rapport à la métropole, ne faut-il pas inverser la démarche ? Je reste un peu sur ma faim sur ce point...

Dans les 7 prochaines années, ce sont 30 milliards de francs qui, au travers des contrats de plan et des fonds structurels, seront consacrés aux départements d'outre-mer. Ils doivent saisir cette chance collectivement, d'autant que l'élargissement de l'Union européenne ne permettra peut-être pas de maintenir l'effort financier à ce niveau à l'avenir.

Il faut une décentralisation renouvelée. Je salue d'ailleurs l'allusion aux plus petits territoires -les îles du Nord notamment qui avaient été un peu oubliées en première lecture.

Le volet institutionnel est le gros problème de votre loi. Nous voulons une évolution de la manière dont les territoires prennent des responsabilités. Les réflexes jacobins n'ont donc plus leur place dans la mise en _uvre de la coopération internationale, qui s'avérera délicate.

S'agissant du congrès, il est sage de parler de compromis, mais il faut se garder de la tentation de l'immobilisme.

Je finirai par la création du second département réunionnais, point sur lequel je ne partage pas l'analyse de mes collègues de la Réunion, qui me paraît en contradiction avec la volonté actuelle de réduire le « mille-feuilles » français. Pourquoi ne pas appliquer plutôt à la Réunion la consultation prônée pour les Antilles ? Ce serait d'ailleurs plus démocratique. Plus généralement, j'estime que la solution aux problèmes économiques ne se trouve pas dans une réponse institutionnelle. Je suis d'ailleurs sceptique sur les conséquences, en matière d'emploi, de la création de ce second département. Le volet institutionnel sera déterminant, en deuxième lecture, pour cette loi. Il en fera soit une étape significative, soit une loi de plus. La manière dont il est abordé augure malheureusement bien des difficultés.

M. Léo Andy - Je voudrais souligner de nouveau l'importance de ce texte pour l'outre-mer en mettant en exergue l'ampleur de son dispositif économique et social, qui permettra des avancées considérables dans les DOM : l'allégement ou l'exonération des cotisations sociales, l'annulation ou l'apurement des dettes sociales et fiscales des entreprises, les aides directes favorisant l'initiative et la formation des jeunes, ainsi que l'insertion des RMistes, seront précieux, dans la lutte contre le chômage.

Ce projet ouvre également un nouveau chapitre dans la décentralisation, en attribuant de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, notamment en matière de coopération régionale.  L'affirmation de l'identité culturelle des DOM à laquelle nos populations sont très sensibles, y figure aussi.

Voilà pour le satisfecit.

Mais ce projet ne répond pas à l'aspiration réelle du moins en Guadeloupe, à une évolution institutionnelle et statutaire. Le texte doit exprimer clairement la volonté du Gouvernement d'admettre et d'accompagner les évolutions statutaires souhaitées par les populations. Je présenterai un amendement dans ce sens et me réjouis, Monsieur le ministre, que vous fassiez de même.

La départementalisation instituée en 1946 a permis des avancées sociales et culturelles. Mais l'échec économique est patent. Notre mal-développement et notre taux de chômage en témoignent.

Les raisons de cet échec sont nombreuses et le statut départemental n'en est pas seul responsable. Mais les problèmes institutionnels ont aussi une incidence sur le développement. En l'occurrence, le chevauchement de deux exécutifs dans notre région monodépartementale a entraîné nombre de dysfonctionnements. Les positions opposées souvent prises par les deux assemblées ont souvent paralysé l'action publique locale, et donc renforcé l'interventionnisme de l'Etat. Nous sommes ainsi aujourd'hui devant un blocage institutionnel. Le statut de département est devenu un carcan.

Or, notre demande d'une assemblée unique, dans une région monodépartementale, ne peut être prise en compte dans le cadre de l'article 73 de la Constitution. Notre évolution statutaire doit donc passer par une révision constitutionnelle, d'autant plus envisageable que les accords de Matignon concernant la Corse ont défini les nouveaux contours des principes d'unité et d'indivisibilité de la République. Ces accords prévoient notamment, qu'une éventuelle révision constitutionnelle permettra à l'assemblée de Corse d'adapter des lois aux spécificités de ce territoire dans le domaine des compétences de la collectivité.

C'est dans cette perspective que nous devrions envisager le rôle du « congrès des élus départementaux et régionaux » institué par ce projet de loi. Il devrait ainsi pouvoir délibérer sur les évolutions statutaires, y compris celles nécessitant une révision constitutionnelle. Une fois ces propositions de modification statutaire approuvées par la population, il incomberait au Gouvernement de mettre en _uvre une révision constitutionnelle.

Sur ce chapitre, nous souhaitons et attendons des améliorations conséquentes, la censure du Conseil d'Etat ayant vidé le congrès de sa substance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jacques Brunhes - Que la CMP n'ait pas abouti ne nous étonne en rien, puisque la droite sénatoriale a, d'emblée, refusé les évolutions pourtant minces, permises par le texte issu de l'Assemblée. Le Sénat semble ignorer la gravité de la situation outre-mer, tout autant que les attentes, considérables, des populations concernées. Il est pourtant grand temps de revoir une loi à bout de souffle et de faire en sorte que le pacte de développement de l'outre-mer ne reste pas lettre morte. C'est ce à quoi tend la loi d'orientation. Encore faut-il, cependant, que les moyens suivent, faute de quoi le projet ne sera qu'une coquille vide.

Cela ne peut se concevoir, car l'urgence est extrême, et la situation ne s'est pas améliorée depuis le 10 mai, date de la première lecture. Les inégalités perdurent, le nombre d'allocataires du RMI est considérable, le revenu moyen est deux fois moindre qu'en métropole et le taux de chômage trois fois plus élevé. Imagine-t-on seulement qu'à quelques encablures du pas de tir de la fusée Ariane, merveille technologique, des villageois vivent sans eau potable, sans électricité, sans école, sans voirie ? Cela ne peut durer, et les moyens économiques et constitutionnels doivent être renforcés pour mettre un terme à une situation inacceptable. L'égalité sociale ne peut être qu'une formule creuse, elle doit se traduire dans les faits, au plus vite.

La commission des lois nous propose d'adopter les dispositions retenues en première lecture, avec quelques aménagements. Ces dispositions appellent de notre part les mêmes réserves et propositions qu'en mai. Car notre volonté de voir mis en _uvre des moyens efficaces est aussi forte qu'alors, et nous continuons de penser que cette loi d'orientation, si impatiemment attendue, depuis si longtemps, par les populations concernées, pêche par son manque d'ambition et de moyens, même si vous y avez apporté des inflexions sensibles et remarquées.

Nous nous félicitons que le congrès soit rétabli, et souhaitons que le débat permette de lui donner davantage de substance -en clair, que son rôle ne soit pas purement consultatif. Nous nous réjouissons aussi que soit reconnue la bi-départementalisation voulue à la Réunion. Mais nous sommes convaincus que le débat n'est pas clos et que nous serons amenés à avancer dans les voies tracées par l'adoption de ce texte. C'est pourquoi les députés communistes sont déterminés à prendre date pour se faire l'écho de tous ceux qui revendiquent, à juste titre, un développement économique, social, culturel et institutionnel durable. Le groupe communiste sera donc très attentif à la volonté manifestée par le Gouvernement d'engager les moyens financiers et institutionnels indispensables. A cet égard, vos propos, Monsieur le ministre, traduisent des progrès sensibles, qui témoignent de votre sens de l'écoute. Je souhaite vivement que l'amendement que vous avez déposé à l'article premier et que la commission a malencontreusement repoussé soit adopté par notre assemblée. Ainsi notre groupe aurait-il la certitude de pouvoir émettre un vote positif, comme il l'a fait en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Philippe Chaulet - Votre prédécesseur, Monsieur le ministre, a suivi la première lecture de ce projet à l'Assemblée et au Sénat. Le hasard d'un remaniement ministériel motivé par la divergence de vues entre le Premier ministre et son ministre de l'intérieur sur le dossier Corse vous conduit à prendre la relève de Jean-Jack Queyranne. Décidément, les accords de Matignon auront été une réelle pomme de discorde pour la majorité plurielle. Pour ma part, je tire de ces événements un double enseignement. Le premier est que votre prédécesseur n'avait nullement pour souci permanent de mener à son terme le processus législatif qu'il avait entamé ; le second, c'est que le gouvernement Jospin ne pratique la négociation que lorsqu'il est confronté à la violence.

A l'inverse, il réserve le plus grand mépris à ceux qui ont proposé, dès le 1er décembre 1999, une modification constitutionnelle visant à créer le statut nouveau de région d'outre-mer, dotée d'un régime fiscal et social spécial, pour la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique, dans le cadre de la République française et de l'Union européenne.

Pourtant, Monsieur le secrétaire d'Etat, cette proposition dite « Déclaration de Basse-Terre » témoigne d'un vrai courage politique. Elle s'inscrit dans le droit fil d'une décentralisation modernisée, génératrice d'un véritable débat démocratique.

La départementalisation est aujourd'hui dépassée, et nous devons nous mettre à l'heure de la régionalisation. Voilà le rendez-vous que votre Gouvernement a raté, par manque d'imagination ! La preuve en est que vous utilisez un dispositif que nous avons inventé, puisque le volet économique et social de votre projet se résume à un élargissement du champ d'application de la loi Perben de 1994, que les socialistes n'avaient pas voté à l'époque.

Oui ! Nous sommes d'accord pour améliorer ce dispositif par les amendements que nous proposons, notamment pour tenir compte de la double insularité de Marie-Galante, de la Désirade, des Saintes, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, qui font partie de l'archipel de la Guadeloupe.

Oui ! Nous sommes d'accord pour mettre en place des plans d'apurement des dettes fiscales et sociales des entreprises, des très petites entreprises ou encore des associations.

Oui ! Nous sommes d'accord pour étendre le dispositif relatif aux catastrophes naturelles.

Oui ! Nous sommes d'accord pour mettre en place un régime de préretraite assorti de mesures propres à favoriser l'emploi des jeunes.

Mais, Monsieur le secrétaire d'Etat, nous devons jouer franc jeu ! Ne nous présentez pas un volet économique en espérant nous faire avaliser votre projet de congrès. Car de ce congrès nous ne voulons pas ! Le Sénat n'en veut pas ! La région Guadeloupe n'en veut pas ! La région Martinique n'en veut pas ! La région Guyane n'en veut pas ! Et la commission des lois de notre Assemblée n'en a pas voulu lors de la première lecture !

Par ailleurs, vous tentez tant bien que mal de nous emprisonner en nous soumettant un projet dont le financement est renvoyé au projet de loi de finances pour 2001. Nous touchons ici du doigt le travers des lois d'orientation qui, à l'inverse des lois programmes, ne font que fixer un cadre.

Si ce projet se résumait à son seul volet économique, j'aurais pu le voter. Mais la création d'une troisième assemblée, le « congrès », me contraint à vous confirmer que je ne voterai point votre texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Alfred Marie-Jeanne - Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez accepté d'être le nouveau patron de l'embarcation, chargé des dossiers de l'outre-mer. Sans même prétendre métamorphoser la modeste barque en moderne vaisseau, on était en droit d'attendre de vous l'apport du lien politique novateur qui fait cruellement défaut, pour arrimer les éléments épars de la cargaison. Au lieu de cela, vous vous êtes contenté de garder scrupuleusement le cap rigide fixé par votre prédécesseur. Cette attitude ne vous grandit pas.

Dans un monde qui évolue sans cesse vers plus de « soi-même », l'offre politique est en totale inadéquation avec la demande globale exprimée. Et c'est ainsi que vous restez sourd à la légitime revendication de la transmission obligatoire du pouvoir, digne représentant en cela, de tous les professionnels du blocage _uvrant pour retarder une issue pourtant inéluctable.

Pour moi, la politique n'a de vertu que si elle agit en phase avec les idées émancipatrices de son temps envers et contre tout. Mais force est de constater que le projet n'intègre pas cette donne essentielle.

S'il n'est pire eau que l'eau croupissante, il n'est pire institution que celle qui cherche par tous moyens malins à maintenir les peuples accroupis.

En fait, les idées fixes qui sous-tendent ce projet sont celles de la tutélisation et son corollaire, la recentralisation.

Est-ce seulement cela le modèle républicain que vous nous proposez ? Est-ce seulement cela la fondation d'un nouveau pacte citoyen ? C'est bien peu !

Aujourd'hui, il ne peut plus être question d'aménager un système qui a fait la preuve de son échec.

La décentralisation entamée en 1982 n'a rien changé de fondamental à la loi d'assimilation de 1946, hormis l'institution de cette hérésie que constitue le système de double assemblée et de double exécutif. Et si évolution il y a eu, elle s'est traduite par l'aggravation de la situation, puisque l'on cherchait à privilégier la propension à consommer les produits importés. Ce système, pensé ainsi, voulu ainsi, ne reçoit d'aides importantes que pour fonctionner ainsi et, contrairement à une idée répandue, il s'autoentretient et s'auto-équilibre, restituant à la source au moins autant qu'il reçoit de transferts. Est-ce là la raison ultime qui pousse à le maintenir inchangé ? Je n'ose le croire.

Désormais il est vital de donner à la Martinique la même capacité à diriger qu'à entreprendre.

Le développement durable et solidaire doit être endogène. C'est le sens des déclarations de Basse-Terre du 1er décembre 1999 et de Cayenne du 7 février 2000 ainsi que de mon intervention ici même le 10 mai dernier.

Nous sommes à l'opposé de l'esprit de votre projet. Certes il comporte de mesures urgentes d'exonération et d'ajustement juridique et financier. Mais il lui manque cette ample dimension politique qui nous sortirait de l'enlisement.

De surcroît, le 22 septembre dernier, vous demandiez aux préfets de s'ériger en arbitres, en médiateurs, en contre-pouvoir. Mais l'Etat détient déjà, en Martinique, tous les pouvoirs et contre-pouvoirs ! Le préfet y a été promus Superman.

Face à une concentration exorbitante, c'est la désétatisation qui s'impose. Face à l'indivisibilité du territoire, l'individualisation des statuts doit prévaloir.

Face à l'histoire qui crie à la reconnaissance, à la souveraineté, à la coopération des peuples, il est vain de jouer aux musards plus longtemps.

Comme l'écrit Tony Delsham : « La synthèse des mondes est mon berceau ».

Quelles que soient les affres de l'accouchement, je veux croire encore au dialogue.

Dialogue dont Hannah Arendt donne la portée : « Car le monde n'est pas humain pour avoir été fait par les hommes, et il ne devient pas humain parce que la voix humaine y résonne mais seulement lorsqu'il est devenu objet de dialogue ».

Dialogue dont Frantz Fanon définit le sens : « Je me reconnais un seul droit : celui d'exiger de l'autre un comportement humain. Un seul devoir : celui de ne pas renier ma liberté au travers de mes choix ».

Votre texte n'y conduit pas. Je ne saurais l'approuver.

M. Gérard Grignon - En 1994, je demandais que l'exonération de charges patronales pour les entreprises importatrices des DOM soit étendue à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans un contexte économique sinistré pour la filière pêche, un contexte budgétaire très difficile -ainsi mon prédécesseur venait de signer le marché du nouvel aéroport pour 350 millions. Comment dès lors mettre en place notre politique de développement économique ? Pourtant de 1994 à 1999 malgré la perte de 350 emplois de transformation des produits de la mer, le taux de chômage a sensiblement baissé, s'établissant à 7 % dans les mois favorables aux nouvelles activités de pêche et au BTP. Les exonérations de charges nous ont été d'un grand secours. C'est pourquoi depuis le début de la législature je ne cesse de réclamer leur pérennisation. Je suis satisfait d'avoir été entendu sur ce point.

Ce texte, par son volet économique, aidera à maintenir et à développer l'emploi, qu'il s'agisse d'Archipel 54 ou des trois nouvelles sociétés de diversification des produits de la mer, toutes trois entièrement tournées vers l'exportation et issues de capitaux locaux. C'est rassurant pour les salariés, encourageant pour ceux qui ont pris le risque d'investir sur place. Les allégements de cotisation pour les travailleurs et employeurs indépendants seront aussi un ballon d'oxygène pour le petit commerce. Les marins pêcheurs et le BTP seront aussi pris en compte. J'ai apprécié qu'à ma demande le Gouvernement ait étendu à l'archipel le bénéfice de l'article 21 du projet relatif aux échanges éducatifs.

Tout aussi importante est l'extension des articles 8 et 9 concernant l'emploi des jeunes. Je souhaite que l'on étende aussi les emplois jeunes à l'aide humanitaire et à la coopération internationale régionale. Je place beaucoup d'espoirs dans l'observatoire de la fonction publique créé à ma demande à l'article 41 quater, pour favoriser l'emploi des jeunes de Saint-Pierre-et-Miquelon.

En première lecture nous avons adopté l'application à l'archipel de la loi de 1975 relative aux handicapés et la coordination du régime de sécurité sociale local avec le régime général. Reste à supprimer les injustices statutaires comme celle découlant du décret du 10 septembre 1952 visant les agents de la collectivité territoriale et ceux de la fonction publique hospitalière. J'ai déposé deux amendements, tombés sous le couperet de l'article 40 et que je demande au Gouvernement de reprendre. Il est injuste que des agents de l'Etat ayant cotisé au régime de retraite de l'Etat soient pénalisés parce qu'on les a incités à opter pour la fonction publique territoriale ou hospitalière.

Ces dernières années le Gouvernement a organisé des missions et diligenté des enquêtes sur l'attribution des compétences d'urbanisme aux communes et sur une meilleure répartition des recettes fiscales entre les trois collectivités territoriales. Le Gouvernement avait inclus un article à ce sujet dans le texte de première lecture. Ces propositions ont été rejetées par le président du conseil général. J'ai déposé un amendement de suppression pour défendre les projets de réforme émanant consensuellement de la majorité du conseil général et des communes. Ces sujets ne sont-ils plus à l'ordre du jour ?

Il serait regrettable de ne pas profiter de ce texte pour faire évoluer un statut qui est bon, mais date de 1985.

Etant donné le volet économique sans précédent que comporte ce texte en faveur de l'emploi, des mesures pour l'insertion, la formation, les emplois-jeunes et des avancées pour la protection sociale, je soutiendrai ce texte. Je souhaite que le Gouvernement prenne en compte mes amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Camille Darsières - Le volet économique du projet, revu et corrigé, apporte un ballon d'oxygène dont il faudra tirer parti. Je le voterai encore que le chantier demeure ouvert.

Excellent de venir en aide aux surendettés. Le plan d'apurement des dettes sociales et fiscales devenant obligatoire, le pot de terre sera mieux protégé contre le pot de fer...

Mais c'est aux causes mêmes de l'endettement qu'il faudra s'attaquer. Par exemple pour maîtriser le coût des produits importés, il faut mettre en place la conférence paritaire du coût du fret aérien et maritime créé par la loi il y a six ans et qui attend un décret d'application. Il faut soutenir des banquiers qu'ils baissent des taux d'intérêt supérieur de 3 à 4 points à la métropole -peut-être pour répondre aux reproches que leur a faits récemment le conseil de la concurrence, au vu des profits du premier trimestre 2000, supérieur à ceux de toute l'année 1999. Il faut de même casser les positions dominantes comme celle de France Télécom.

Excellent de renforcer le soutien aux entreprises en élargissant le champ d'exonération des cotisations sociales. Et ici, deux mots de l'impact du projet sur l'économie de la Martinique. Certains ont proposé d'aider jusqu'aux entreprises comptant 20 salariés, mais en cantonnant l'exonération aux dix premiers. Cela éviterait la tentation patronale de licencier pour ramener l'effectif à dix. Mais l'effort demandé à l'Etat augmenterait de plus de 15 %.

D'autres disent que l'exonération des cotisations patronales favorise le grand capital, comme si l'avantage consenti ne visait pas à soutenir l'emploi.

En réalité la loi exonère les entreprises de moins de 11 salariés -13 921 sont concernées à la Martinique, dont 13.131 n'ont pas plus de 5 salariés.

Certes, il n'y a pas de limitation d'effectifs pour l'agriculture et la pêche ; le bâtiment ; la restauration, l'hôtellerie et le tourisme. Mais dans ces trois secteurs, la grande majorité des entreprises n'ont pas plus de 5 salariés.

Ce qui serait en réalité à craindre, c'est que le chef d'une entreprise de dix salariés renonce à en recruter un ou deux autres pour ne pas perdre l'exonération. Mais il est acquis maintenant que dans le cas d'un dépassement du seuil de 10 salariés, l'employeurs conservera l'intégralité de l'exonération durant un an, la perte de l'avantage s'échelonnant sur cinq années.

Le projet comporte d'autres atouts : l'aide aux entreprises élargissant les débouchés commerciaux ; ou la prime aux jeunes désireux de créer une entreprise... Mais je veux surtout souligner le mérite du Gouvernement qui présentera avant le 31 décembre une loi de soutien aux investissements pour remplacer la loi de 1986, suspectée de tous bords et, finalement asthmatique.

Les lois de finances servent souvent à ceux qui ont les moyens de payer des spécialistes, tandis que le menu peuple n'y peut accéder. D'où la suggestion d'assurer la vulgarisation pédagogique de la loi de soutien à l'investissement, auprès de responsables des chambres consulaires, des comités de pêche, des syndicats de salariés.

La conjonction du volet économique de la loi d'orientation et de la loi de soutien fiscal m'apparaît excellente. Quant au volet politique, j'espère que vous ne décevrez ni le caribéen aspirant à plus d'initiatives dans l'aire régional, ni l'autonomiste martiniquais souhaitant plus de liberté et de responsabilité dans le cadre de la République, ni le nationaliste fervent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Pierre Petit - Il faut croire que le développement de l'outre-mer et de la Martinique ne revêt pas un caractère prioritaire pour le Gouvernement. Sinon, comment comprendre qu'après trois ans de gestation, cette grande loi de programmation se limite à diverses mesures d'assistance, où il s'agit « de ne surtout oublier personne » avant les prochaines échéances électorales !

On n'aborde pas les questions de fond : quel développement pour quelle Martinique ? Quel projet durable pour cette île ? Quelle organisation des pouvoirs publics locaux pour réussir ce développement durable ?

Rien n'est prévu pour soutenir la zone nord-caraïbe en état de détresse, où la perte de 250 emplois dans le secteur de l'ananas a proportionnellement la même incidence que la perte de 29 000 emplois dans une région métropolitaine- et l'article 40 aura eu raison de mes amendements.

Certes, votre catalogue de mesures en faveur du développement économique et de l'emploi viendra apporter quelques améliorations sectorielles, à caractère provisoire. Mais ce colmatage ne suffira pas à engager une vraie dynamique de développement durable.

Le Président de la République, en mars dernier, dessinait à Madiana les contours d'un grand projet global pour l'outre-mer, personnalisé en fonction de nos spécificités, inscrit dans la durée, et adossé à une « territorialisation » du statut de nos régions, dans un cadre institutionnel rénové et adapté. Or, je ne trouve rien dans votre texte de cette nouvelle dynamique institutionnelle, de cette simplification des niveaux de pouvoir, qui confierait aux élus locaux les moyens politiques et financiers de leur développement. Au contraire, vous maintenez, contre une majorité d'élus, un projet de congrès déjà anachronique.

Le Gouvernement n'a pas compris que l'outre-mer et la Martinique sont arrivés à un niveau de conscience qui appelle une solution politique à leurs problèmes. Refuser de le comprendre, persévérer à ne pas consulter les populations, c'est prendre le risque de voir s'installer dans la rue la contestation violente du système.

Vous aurez compris, Monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il me sera difficile de vous suivre ce soir. Mon vote dépendra cependant des réponses que vous apporterez tout à l'heure (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Ernest Moutoussamy - En première lecture, nous avions voté un texte, certes insuffisant, mais qui avait soulevé d'immenses espoirs en outre-mer.

Les mesures exceptionnelles d'exonération fiscale et sociale et de désendettement pour les petites entreprises, travailleurs indépendants, artisans, marins-pêcheurs et agriculteurs, le dispositif en faveur de l'emploi, de la préretraite, de l'insertion des jeunes, de la culture, ainsi que les propositions faites dans le domaine institutionnel, prouvaient que le Gouvernement faisait de l'outre-mer une de ses priorités, qu'il entendait réformer le pacte républicain qui nous unit à la France et qu'il acceptait de nous aider à asseoir notre développement et à construire notre avenir sur des bases modernes et solides, prenant en compte nos handicaps structurels, notre environnement et notre revendication de plus larges responsabilités.

Malheureusement, le Sénat, avec sa majorité de droite, a mutilé notre texte, qui est devenu unijambiste : la jambe gauche, qui portait les institutions, a été supprimée. Dans les contes de notre enfance, il y avait une diablesse avec un pied d'homme et une patte d'âne : il est urgent de rétablir les deux jambes de la loi d'orientation pour marcher sur la voie du progrès et de dénoncer le double langage de la droite. Selon M. Larché, président de la commission des lois du Sénat, « nous avons manqué la décolonisation de l'Indochine et celle de l'Algérie. Il faut veiller à ne pas manquer une évolution nécessaire des DOM. » Selon le Président de la République, « l'évolution des règles statutaires est dans la nature des choses, la politique de l'outre-mer ne peut plus être appliquée de façon uniforme ». La droite prétend aussi soutenir la déclaration de Basse-Terre, qui implique une révision de la Constitution pour créer des régions autonomes. Nous étions donc en droit de penser qu'elle s'investirait dans ce chantier. Et quand le Gouvernement propose justement un processus pour faire évoluer les institutions, la droite supprime l'article 39 et ferme la porte au débat !

Faut-il voir dans ce refus pour le moins surprenant du débat parlementaire le choix d'une stratégie locale fondée sur le national-populisme et sur la manipulation, comme en témoigne le conflit actuel des transporteurs de personnes à la Guadeloupe ? L'objectif final est-il d'empêcher la gauche de conduire à son terme le changement de statut indispensable à l'évolution de notre pays ?

A nos yeux, le congrès, que nous vous proposons de rétablir, est le lieu légal du débat et la clé de la procédure démocratique qui doit conduire à la mise en place d'un nouveau statut, compatible avec le corps de base des règles communautaires. Il n'est pas une troisième assemblée ou un bain de dilution. Il est au contraire et comme on le dit chez nous un « bain démarré » où le débat sur l'évolution statutaire de la Guadeloupe sera l'affaire de tous. Certains évoquent l'épée de Damoclès du Conseil constitutionnel mais qui prendra la responsabilité de le saisir ? D'autres estiment que le fonctionnement du congrès pourra être sabordé par des opposants mais il appartiendra dans cette éventualité au Gouvernement de prendre les mesures qui s'imposent et je salue à ce titre l'amendement que vous proposez au nom du Gouvernement à l'article premier (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Léon Bertrand - Plusieurs événements sont survenus depuis notre première lecture : votre arrivée, Monsieur le ministre, que je salue en vertu de la tradition républicaine de courtoisie, avec, en toile de fond, l'échec de la CMP, le référendum, les déclarations de M. le Premier ministre sur la Corse, le résultat des élections à Ajaccio... Quelles leçons convient-il d'en tirer ? Sans doute d'abord que les discours fondés sur les bons sentiments n'ont plus lieu d'être car les peuples ont peur de l'avenir et qu'il faut toujours se méfier des coalitions de la peur.

Outre-mer, la population et les élus locaux, s'ils ont compris qu'il n'y a pas de réponse à long terme à nos aspirations, se demandent s'il s'agit d'une incapacité de l'Etat à se moderniser ou de son indifférence. Dans un cas comme dans l'autre, ils s'interrogent, au point de se demander si la violence corse constitue l'exemple à suivre ou s'il ne serait pas plus simple d'assurer soi-même son destin.

Aujourd'hui plus que jamais, le congrès m'apparaît comme l'instrument raisonnable d'une évolution positive car il exige l'adhésion de nos populations.

Pour la Guyane, la perspective de l'indépendance serait en effet des plus hasardeuses au regard des appétits de ses voisins immédiats.

En Guyane, il ne s'agit pas de dire que chacun doit bénéficier des fruits de la croissance mais d'assurer à tous un minimum pour vivre décemment. En tant que citoyen français, chacun a droit à la santé, à la justice sociale et à bénéficier du progrès. Territoire de paradoxes, la Guyane fait coexister la haute technologie spatiale et des territoires accessibles seulement en pirogue, des sites reliés par le câble optique de dernière génération et des communes privées de raccordement au réseau téléphonique. Dois-je réitérer ma demande que soit créé un second département pour assurer le développement équilibré du territoire guyanais ? Je le pense car il permettrait aux populations concernées de mieux faire entendre leurs revendications et d'obtenir du Gouvernement des engagements formels.

Je rends hommage à cet égard à votre prédécesseur qui a diligenté, dans des délais auxquels nous n'étions plus habitués, deux missions chargées de faire des propositions sur des problèmes sanitaires. En ira-t-il de même pour le dossier sucrier qui, pour porteur qu'il soit, n'aboutit pas ?

Le temps des discours est révolu et continuer de vendre de l'espoir risquerait de nous coûter très cher. Méditons les résultats du vote d'Ajaccio et ceux du référendum du mois dernier : d'un côté, un discours équivoque a balayé son auteur, de l'autre, une question tronquée a été réprouvée par la majorité du corps électoral.

Face aux doutes qui la traversent, notre société doit développer sa capacité d'innovation. Je vous remercie, Monsieur le ministre, de bien vouloir m'entendre afin que ma voix ne se perde pas dans le désert (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. André Thien Ah Koon - Dans une île où le chômage atteint 45 %, il a fallu attendre quatre ans, c'est-à-dire l'arrivée aux affaires de votre Gouvernement, pour que les problèmes de l'outre-mer soient pris en compte dans leur globalité.

Trop longtemps abandonnés, mes compatriotes réunionnais attendent beaucoup. En matière de justice sociale, il est urgent que le RMI soit aligné afin que le Gouvernement cesse de se faire le complice de la misère qui frappe nos familles. Les Réunionnais ne comprennent pas qu'on leur parle des milliards de la cagnotte fiscale et qu'on leur refuse quelques millions pour aligner le RMI. Et comment accepter que la baisse du prix des carburants ne profite pas aux réunionnais ? Faut-il y voir une marque de mépris de la part de certains responsables à l'égard des Français de l'outre-mer ? S'agissant des journaliers communaux, serez-vous le ministre courageux qui prendra en compte leur problème ?

Les Réunionnais attendent par ailleurs que la loi d'orientation réponde à leurs préoccupations quotidiennes en matière d'emploi, de logement, de formation et de développement économique.

Le renforcement du dispositif d'exonération des charges sociales et la consolidation de la défiscalisation témoignent de la continuité de l'action de l'Etat et il y a lieu de s'en féliciter. Je suis favorable au renforcement de la législation contre les monopoles et à la préretraite à 55 ans, qui est susceptible de donner un coup de fouet à l'emploi des jeunes. Le plan d'apurement des dettes pour les PME va aussi dans le bon sens et je me réjouis que sur ces différents sujets, les acteurs économiques locaux aient été entendus.

Mais la priorité des priorités reste la création d'emplois durables et, compte tenu de notre situation géographique, j'aurais souhaité que les statuts d'entreprises et de ports francs soient développés afin que la Réunion se mette à l'heure de la mondialisation des échanges. Il est nécessaire en outre de présenter une grande loi de lutte contre toutes les formes de monopole car de nombreux exemples montrent que la concurrence entraîne immanquablement une baisse des prix favorable à l'activité.

Je plaide depuis plus d'un quart de siècle pour la bidépartementalisation, qui constitue à mes yeux le moyen le plus sûr de lutter contre les dérives autonomistes et d'accéder à l'égalité institutionnelle. A mon grand regret, certains de mes amis politiques n'ont pas hésité à renier leur engagement pour cette cause afin de conserver leur mandat. Ainsi, comment admettre qu'un parti de droite, au Sénat et en commission mixte paritaire, je vise l'UDF de M. Jean-Paul Virapoullé, soit favorable à la création d'un congrès à la Réunion et dans tous les départements d'outre-mer ? Ce « largage » est bien triste. L'UDF a voulu troquer la bidépartementalisation contre un congrès. M. Virapoullé et ses complices ont voulu brader notre appartenance à la France et nous pousser vers l'autonomie, voire l'indépendance. (Protestations sur les bancs du groupe UDF). Inconscience ? Incompétence ? Je ne le crois pas. Il s'agirait plutôt d'une stratégie préméditée de longue date pour nous conduire inexorablement loin des terres françaises. Je laisserai à l'Histoire le soin de les juger et aux Réunionnais celui de les sanctionner car ils les ont trompés, les opposant les uns aux autres et portant atteinte à l'unité de la Réunion.

Député de la majorité présidentielle et fervent défenseur de l'appartenance de la Réunion à la République française, je suis heureux de constater que le projet de deuxième département rassemble chaque jour davantage de Réunionnais malgré la campagne de mauvaise foi menée par certains adversaires que je qualifierai, une fois de plus, d'autonomistes. Le Président de la République s'est déclaré favorable à ce projet majeur dès décembre 1999 et encore à l'occasion de son discours fondateur pour l'outre-mer à la Martinique le 10 mars 2000. Le Premier ministre, le Gouvernement et sept parlementaires réunionnais sur huit soutiennent également ce projet.

Une telle unanimité n'est pas le fruit du hasard. Elle permettra à cette réforme d'aboutir. Permettez-moi en cet instant solennel, de penser à la population du Tampon et de la Réunion, ainsi qu'aux maires, aux conseillers généraux et régionaux qui ont su garder leur sang froid et faire passer l'avenir du pays et de nos enfants avant leurs intérêts personnels. Je pense notamment à Alain Bénard, Michel Dennemont et Daniel Tholozan.

Le deuxième département sera un outil de développement extraordinaire pour le sud de l'île qui, alors qu'il connaît un taux de chômage quatre fois supérieur à celui de la métropole, bénéficiera désormais de près de 500 millions de francs par an. Avec les milliards supplémentaires du contrat de plan et des fonds européens, jamais le sud n'aura connu une telle prospérité.

Développer son pays, donner du travail à ses habitants n'a pas de prix : le Gouvernement nous a compris sur ce point. Le sud de la Réunion peut désormais envisager sereinement son avenir.

Nous voulons être acteurs et non plus spectateurs de notre développement. L'ouverture d'une liaison aérienne directe entre Pierrefonds et Paris, la création d'un port en eaux profondes à Saint-Pierre, d'un terminal pétrolier, de deux centrales thermiques à Saint-Pierre et à Saint-Paul, la création de nouvelles filières à l'Université du sud, le développement des deux piliers de notre économie que sont l'agriculture et le tourisme, la création de véritables ports de pêche et de plaisance, la réalisation de la quatre voies entre Saint-Paul et Saint-Pierre, la modernisation de la RN 3 entre Saint-Pierre et Saint-Benoît, autant de projets qui relèvent désormais de notre seule volonté. Dans les prochaines années, plusieurs milliers d'emplois directs et indirects vont être créés pour nos enfants, aujourd'hui inquiets de leur avenir.

La création d'un deuxième département est aussi le gage d'une plus grande sécurité institutionnelle pour tous les Réunionnais.

Ainsi sera clos l'odieux chantage au statut, à l'assemblée unique, à l'autonomie et à l'indépendance entretenu aujourd'hui par l'UDF et Jean-Paul Virapoullé qui pratiquent un amalgame douteux avec la Corse.

A cette tribune, je mesure tout particulièrement l'importance des combats menés durant de nombreuses années pour lier toujours plus la Réunion à la France. Je pense à Michel Debré, Paul Bénard, Pierre Lagourge et tous ceux qui, comme moi, croient à une Réunion moderne et résolument tournée vers l'avenir.

Quant à moi, qui me suis engagé en politique contre l'autonomie, ma plus grande fierté serait que mes enfants et mes petits-enfants puissent vivre et s'épanouir sur une terre à jamais française.

Cette loi d'orientation sera soit à nouveau une simple déclaration d'intentions de la part du Gouvernement et donc un rendez-vous manqué avec l'histoire, soit une nouvelle et grande étape de l'histoire de l'outre-mer, au même titre que l'abolition de l'esclavage ou la départementalisation.

Au-delà de nos différences politiques, que nous soyons de droite comme moi ou de gauche comme vous, notre devoir est de travailler d'abord et toujours dans l'intérêt des Réunionnais, dans l'intérêt de la France, tant la tâche est immense (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Emile Blessig - M. Thien Ah Koon a cru bon de mettre en cause l'UDF et la position que je défends ici. Ne polluons pas le débat sur cette loi d'orientation par des considérations locales qui n'ont rien à y faire. Débattons des idées sans attaquer les personnes. Je regrette que notre collègue remette en question la liberté élémentaire de chaque famille politique de défendre les idées de son choix.

M. André Thien Ah Koon - L'UDF a demandé en CMP que l'on supprime la création d'un deuxième département à la Réunion, auquel cas elle voterait la constitution d'un congrès. L'UDF peut défendre l'évolution statutaire qu'elle veut. Je refuse simplement qu'elle tranche pour les Réunionnais qui ne veulent ni de l'autonomie ni de l'indépendance. Nous continuerons à combattre ceux qui veulent remettre en question les liens qui nous unissent à la France.

M. le Président - Chacun est bien entendu ici libre de défendre ses convictions.

M. Anicet Turinay - Le point litigieux sur lequel a achoppé la CMP concerne le volet institutionnel. Pour ma part, je reste catégoriquement opposé à la création d'un congrès. Cet organe qui exercerait une certaine tutelle sur les deux assemblées locales serait inutile et dangereux.

Je n'insisterai pas sur la crise financière des collectivités non plus que sur les problèmes posés par la titularisation des personnels territoriaux puisqu'un prochain débat aura lieu sur ce sujet. Je vous ai en revanche saisi, Monsieur le ministre, comme je l'avais fait de votre prédécesseur, de la question du rattachement des personnels territoriaux aux CAF, à l'instar de ce qui se fait en métropole. Deux raisons principales plaident en faveur de ce rattachement. Tout d'abord, la nécessité de simplifier les règles actuelles : les règles de détermination du régime d'appartenance sont si complexes qu'elles entraînent souvent doubles paiement, source ensuite d'importantes régularisations. Ensuite, la disparité de traitement qui frappe les agents territoriaux, dont le sort est au regard des prestations familiales aujourd'hui moins favorable que s'ils relevaient du régime général. Je souhaite donc que le Gouvernement reprenne à son compte ma demande puisque l'amendement que j'ai déposé sur ce point a été jugé irrecevable. Seul lui peut nous donner satisfaction.

Quant à mon vote sur l'ensemble du texte, il sera conditionné par la décision concernant le congrès.

M. Jean-Yves Caullet - Il me tarde que nous en arrivions à la discussion des articles car c'est alors qu'apparaîtra toute l'ampleur de ce texte, en dépit des doutes exprimés ici ou là ... pour de plus ou moins bonnes raisons.

Ce texte permettra en effet d'en finir avec les dilemmes spécieux dans lesquels certains, là encore pour des raisons plus ou moins avouables, ont longtemps voulu enfermer l'outre-mer, qu'ils en aient une vision rétrograde, une pratique technocratique ou qu'ils n'en aient eu ni pratique ni vision. Quels sont ces dilemmes ? Tout d'abord, que le progrès social et le progrès économique seraient antinomiques. Ensuite, que la priorité devrait être donnée soit à l'institutionnel soit à l'économique, comme si l'un devait être vendu à l'autre.

Ce texte ambitieux comporte, lui, des mesures d'ampleur qui permettront de soutenir le dynamisme économique trop souvent méconnu de l'outre-mer. Des difficultés subsistent certes mais si les départements métropolitains étaient aussi dynamiques que ceux d'outre-mer sur le plan économique, nul ne reconnaîtrait la situation générale de notre pays.

En matière sociale, dans la ligne du premier combat que fut l'alignement du SMIC, arraché par François Mitterrand et son Premier ministre Pierre Mauroy, nous faisons un nouveau pas décisif avec l'alignement du RMI. En matière institutionnel, le texte préfère la voie de la responsabilité, de la diversité et du choix à celui de la recherche d'un statut à tout faire et à tout résoudre pour tous, qui est introuvable. Vous nous avez proposé sur ces trois points une solution d'avenir. Si nous savons en saisir les opportunités sans arrière-pensées politiques, chaque département pourra avancer à sa manière pour construire son avenir, en assumant notre histoire commune.

Mme Christiane Taubira-Delannon - Une seconde lecture est peu propice à un baptême du feu, mais rassurez-vous, nous nous rattraperons dans la discussion des articles. Sur l'article 2, relatif aux exonérations de cotisations sociales patronales, nous avons tenté de conditionner les exonérations à des créations d'emplois. Mais nous avons manqué d'audace, par peur d'effaroucher non pas les plus petits, mais ceux qui sauront comment mettre à profit les opportunités offertes par la loi. Les patrons sont contents, même s'ils font semblant de ne pas l'être ! J'aime assez l'article 8, relatif au parrainage des jeunes apprentis et des jeunes en contrat de qualification. Il constitue une ouverture intéressante, mais il faudra élargir le champ des métiers concernés, et à cet égard le prochain contrat de plan Etat-région ne m'enthousiasme guère. L'article 9, qui porte sur le projet initiative-jeune, est un bel article, mais il faudra accompagner les jeunes, et surtout les former.

L'article 18 bis crée une commission qui pourra proposer des modifications aux programmes scolaires et aux méthodes pédagogiques. Un amendement adopté en commission a étendu le champ des adaptations possibles au calendrier et aux rythmes scolaires. Il était temps, car il y a longtemps que nous savons ce qui convient à nos enfants ! Sur l'article 19, relatif à l'alignement des prix du livre, j'avais plaidé en première lecture qu'il fallait d'abord combler le retard en matière d'espaces d'accessibilité aux livres. Je suggère donc que la mission interministérielle que vous avez annoncée procède à une évaluation de l'insuffisance d'espaces culturels.

L'article 20, qui porte sur la production cinématographique, et qui courtise les sociétés de production, me fait mal au c_ur : les bénéficiaires seront peu nombreux -une seule société en Guyane- et ce sont des cadeaux qui leur seront faits... L'article 21 favorise les échanges culturels, éducatifs et sportifs. Il faudra veiller à la transparence pour que les possibilités qu'il ouvre ne soient pas accaparées par des réseaux.

D'autres articles suscitent à mon sens des inquiétudes. L'article 33, qui porte notamment sur la clé de répartition de la dotation supplémentaire allouée aux communes, a été dénaturé par le Sénat. Il faut favoriser l'équité au bénéfice des communes pénalisées par leur dépeuplement. L'article 17 dispose qu'un IUFM créé dans une académie où il n'y a pas d'université, est rattaché à l'université dont dépend une autre académie. Je ne voudrais pas qu'il soit compris comme une résignation à l'absence d'université en Guyane. La Guyane peut accueillir -et le plus tôt sera le mieux- un pôle universitaire, qui favorisera une meilleure synergie avec les entreprises. Les jeunes de Guyane ont le droit d'être formés dans les domaines de l'industrie spatiale, des barrages hydroélectriques ou des sciences forestières. Qui plus est, une université en Guyane assurerait le transfert des connaissances vers la société, pourrait assumer le débat sur la multiculturalité, et constituerait le support idéal d'échanges avec des pays comparables à la Guyane par la présence du milieu amazonien ou les réalités humaines. Cette université devra être enracinée en Guyane, et former une partie de son élite, en prenant en compte le mérite et non l'origine sociale.

Quant au volet institutionnel du texte, il est un peu le reflet de l'indécision de nos aspirations. L'essentiel réside dans la parole que nous saurons retrouver puis échanger, parole qui a bien besoin de passerelles en Guyane où il faut souvent emprunter l'avion ou le bateau pour se rencontrer.

Vous allez vous rendre prochainement, Monsieur le ministre, dans nos pays. Vous y serez ébloui par nos paysages, mais aussi par la beauté et le tempérament de ses habitants, par la capacité des femmes à faire des miracles, par l'ardeur des jeunes. Vous y serez bouleversé par la dualité de ces sociétés, à qui le pouvoir économique paraît hors de portée. Vous verrez aussi la misère et je souhaite que vous ne l'oubliez pas à votre retour. Bienvenue sur nos terres tourmentées (Applaudissements sur tous les bancs).

M. le Secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Je remercie tous les orateurs qui, au cours d'une discussion passionnante, admirablement conclue par Mme Taubira-Delannon, m'ont encouragé à poursuivre le formidable travail engagé par Jean-Jack Queyranne.

Dans la plupart des interventions, j'ai trouvé un même fil conducteur : les textes législatifs sont importants certes, et le projet doit être voté, mais nous devons mettre en _uvre, ensemble, les politiques publiques qui permettront l'application effective des dispositions adoptées, dans les délais les plus brefs possible. Je savais cette attente, et la célérité requise. Déjà, une mission d'appui est en place au sein du secrétariat d'Etat, qui s'attachera à hâter l'entrée en application du nouveau dispositif. L'exemple du programme emploi-jeunes, si vite installé, devrait nous inspirer, et je compte que nombre des volets du projet de loi entrent en vigueur dès le début 2001, après que le Parlement l'aura voté dans les jours qui viennent. Je rappelle que le projet de loi de finances pour 2001 comporte diverses dispositions qui appuient directement le texte qui vous est soumis aujourd'hui, notamment pour ce qui touche à la lutte contre le chômage.

Je tiens à rendre hommage à vos trois rapporteurs qui ont réalisé un travail remarquable : Jérôme Lambert bien sûr, homme de dialogue, qui a évoqué les politiques menées par les majorités successives, depuis des décennies, et qui a souligné l'ambition inédite de cet texte, et l'espoir qu'il suscite ; Michel Tamaya ensuite, qui a rappelé l'importance du pacte républicain et les fragilités qui fondent l'effort de solidarité nécessaire avec l'outre-mer ; Daniel Marsin enfin, qui a souligné l'importance, pour les Antilles, du congrès dont la création est prévue dans le texte, et dans lequel il voit un « tremplin ». Il a dit les attentes de la Guadeloupe ; j'espère que nous pourrons y répondre, notamment par les projets initiative-jeune. M. Tamaya avait, quant à lui, souligné la nécessité d'aligner le niveau du RMI sur celui de la métropole. Je l'ai dit : le Gouvernement souhaite améliorer, sur ce point, le texte adopté par votre Assemblée en première lecture. La discussion devrait donc permettre des progrès décisifs. Quant aux difficultés, réelles, liées à la précarité des emplois communaux, elles devraient trouver une solution grâce au texte que prépare le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Les orateurs qui ont pris part à la discussion générale l'ont fait avec autant de conviction et de c_ur que vos rapporteurs. M. Hoarau a, à son tour, évoqué l'alignement du RMI, revendication commune ; le délai de trois ans fixé dans le projet est, bien sûr, le délai maximum, mais il me paraît souhaitable de faire mieux. Il a également traité de la départementalisation de la Réunion comme d'une mesure positive, ce dont je me félicite, et qu'il souhaite voir appliquée rapidement, afin d'assurer un développement harmonieux de l'île. Je l'ai dit : je serai ouvert aux amendements de votre Assemblée à ce sujet. Il nous faudra, en effet, savoir faire coïncider mesures économiques, mesures sociales et organisation territoriale.

Avec beaucoup d'objectivité, M. Blessig a souligné la cohérence du projet. Il a aussi évoqué les crises financières que connaissent certaines collectivités d'outre-mer. J'en ai pris toute la mesure, et je crois avoir contribué à résoudre l'une d'elles au moins. Mais ce sont des dossiers difficiles, qui ne trouveront pas tous une réponse dans le projet. M. Blessig en a encore appelé au Gouvernement pour qu'il sache « prendre le train du XXIème siècle ». J'entends bien répondre à cet appel à la modernité en mettant sur pied, avant l'été 2001, un programme de soutien à la diffusion des technologies de l'information et de la communication dans les collectivités d'outre-mer.

M. Andy a souhaité que s'exprime clairement, dans l'article premier de la loi, la volonté du Gouvernement de tenir compte du désir d'évolution institutionnel des collectivités d'outre-mer. Je l'ai dit : un amendement sera déposé par le Gouvernement, qui offrira une perspective. Evoquant le congrès, M. Andy a dit son souci, partagé par le Gouvernement, de respecter le cadre constitutionnel, et son espoir que l'institution nouvelle soit à la fois lieu de débat et tremplin.

M. Brunhes a rappelé le défi que constitue le développement de l'outre-mer. Je l'ai dit : des moyens financiers considérables ont été dégagés, avec un projet de budget en augmentation de 7 % pour 2001. C'est la troisième plus forte augmentation, après celles des budgets de la ville et de l'environnement, lesquels auront, eux aussi, une incidence sur le budget de l'outre-mer. Je le rappelle, des mesures importantes seront prises en faveur de l'emploi, comme en atteste l'augmentation de 25 % du FEDOM.

La sévérité du jugement de M. Chaulet ne m'a pas totalement surpris. Il a évoqué la déclaration de Basse-Terre par laquelle les trois présidents de conseils régionaux de Guyane, Guadeloupe et Martinique indiquaient leur intention de proposer à l'Etat un nouveau statut de région autonome dans le cadre de la République et de l'Union européenne.

Une telle déclaration n'est pas de nature à me gêner. Le Gouvernement ne pose pas de limite au débat institutionnel. J'observe cependant que chacun fait un usage différent de cette déclaration dans son département. Je m'en réjouis : le temps du prêt-à-porter est révolu, vient celui du sur-mesure. J'incite ces trois présidents à faire leurs propositions pas seulement à Paris, mais à tous les élus de leurs départements et aux populations, qui seront consultées. Mais il faut accepter de débattre, d'écouter les autres points de vue. C'est cela la République.

Le jugement de M. Marie-Jeanne était également sévère. Mais le fond de sa pensée ? Certains de ses aspects ne choquent en rien l'homme de gauche épris d'émancipation que je suis. Mais bien du chemin reste à faire. Pour lui, ce texte est rigide, pour nous l'horizon est ouvert. Le chemin sera long aussi sur la transmission des pouvoirs. Mais je retiens que la conclusion de M. Marie-Jeanne est un appel au dialogue.

M. Grignon a rappelé les difficultés spécifiques de Saint-Pierre-et-Miquelon et la façon dont le texte y répond. Le Gouvernement sera attentif à ses amendements. Etendre les emplois jeunes à l'aide humanitaire ne laissera certainement pas Mme Aubry indifférente.

M. Darsières a analysé les conséquences de la baisse des charges sociales sur les entreprises. Sur le plan institutionnel, je sais les nuances de sa pensée. Il appelle de ses v_ux un grand dessein pour l'outre-mer. J'espère que la loi d'orientation lui en fournira des éléments.

Je ne désespère pas de convaincre M. Petit que ses choix institutionnels peuvent s'exprimer dans le cadre de la loi d'orientation. Pour le Gouvernement il n'y a pas de tabou dans les schémas d'évolution, s'ils s'inscrivent dans le cadre de la République.

M. Moutoussamy a regretté que le Sénat ait mutilé le grand texte voté en première lecture. Nous le rétablirons dans son intégrité et l'amendement du Gouvernement à l'article premier lui donnera un souffle nouveau.

M. Bertrand a lancé un appel à un débat démocratique raisonnable et déterminé. Je ferai ici une unique référence à la Corse pour dire que la violence est toujours une impasse et qu'il n'y a pas d'évolution sans dialogue démocratique. Dans l'idée qu'il faut réconcilier les Français et la politique non par des discours mais par des actes, nous pouvons nous retrouver. Quant au dossier sucrier, l'Etat doit prendre prochainement position à ce sujet.

M. Thien Ah Koon a évoqué avec ferveur, l'alignement du RMI, la précarité des employés communaux. Le projet Sapin sera l'occasion d'en débattre. Il a fait la liste des soutiens à la bidépartementalisation. Tout porte à croire que nous pourrons mener ce projet à terme vite et bien. M. Turinay a également insisté surtout sur la fonction publique territoriale et je le renvoie également au projet Sapin.

Je suis sensible à l'enthousiasme que M. Caullet a manifesté pour ce texte, au nom du principe d'égalité dans la République.

Mme Taubira-Delannon m'a lancé une invitation au voyage. J'y répondrai et me rendrai en Guyane comme dans tous les DOM avant la fin de l'année. Elle a rappelé l'importance de la parole politique, la nécessité du dialogue, ses difficultés aussi. Sans naïveté elle a mis en garde contre des dérives possibles. Par mon amendement nous essaierons de limiter les risques -ainsi à l'article 2 sur l'évolution des charges sociales. Nous l'avons fait déjà en corrigeant les conditions fiscales de l'investissement outre-mer. Comme elle l'a dit, il est nécessaire que l'Etat et les collectivités locales accompagnent les projets initiative jeunes. A propos de la mission sur le prix unique du livre, elle a évoqué plus largement l'accès de tous à la culture. Si la loi d'orientation peut y contribuer, j'en serais heureux. A propos du pôle universitaire pour la Guyane elle a également su nous convaincre tous qu'il est important de prendre en compte la spécificité locale dans la formation des étudiants.

Nous aurons l'occasion de poursuivre ce débat plus à fond lors de l'examen des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu demain, mercredi 11 octobre à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 45.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Top Of Page

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 11 OCTOBRE 2000

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi (n° 2511) relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.

M. Jean Vila, rapporteur au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.(Rapport n° 2622.)

3. Discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1999 (n° 2534).

M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.(Rapport n° 2601.)

4. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1998 (n° 2509).

M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.(Rapport n° 2600.)

5. Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi (n° 2482) d'orientation pour l'outre-mer.

M. Jérôme Lambert, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.(Rapport n° 2617.)

M. Michel Tamaya, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Avis n° 2608.)

M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges.

(Avis n° 2611.)

A VINGT ET UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


© Assemblée nationale