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Session ordinaire de 2000-2001 - 8ème jour de séance, 16ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 17 OCTOBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2001 -première partie- (suite) 2

          ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 18 OCTOBRE 2000 24

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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LOI DE FINANCES POUR 2001 -première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2001.

M. Gilbert Gantier - Premier intervenant dans ce débat budgétaire, je ne surprendrai pas en affirmant que je désapprouve ce budget, au demeurant non conforme à l'intérêt national. Je ne suis d'ailleurs pas le seul. Un journal du soir, qui n'est habituellement pas méchant pour le Gouvernement, titrait en première page « Un budget mal noté » et indiquait dans les pages suivantes : « Bruxelles reproche au gouvernement français de ne pas profiter de la conjoncture favorable pour assainir durablement les finances publiques » ; il notait encore qu'il y aurait « vingt mille fonctionnaires de plus en 2001 ».

Le Gouvernement, qui nous présente son quatrième projet de loi de finances, ne peut plus céder à son péché mignon qui est de se retrancher derrière le bilan de son prédécesseur pour masquer ses propres erreurs, qui sont nombreuses. Sa politique budgétaire semble en effet se caractériser par le cafouillage et le saupoudrage. En 3 ans, il a plafonné puis déplafonné les allocations familiales, envisagé de supprimer, puis réinstauré, l'abattement de 10 % consenti aux retraités, diminué contre notre avis le plafond du quotient familial qu'il nous propose aujourd'hui de réaugmenter -pas assez, d'ailleurs. Tout cela n'est pas sérieux, non plus que le saupoudrage des milliards de francs issus de la croissance. Ce budget semble un bateau ivre, ce qui est d'autant plus grave que s'ouvre une ère d'incertitudes. Le Gouvernement ne cesse de répéter que la croissance est éternelle, que la France a atteint un nouvel eldorado avec la « netéconomie », que le problème des retraites n'existe pas. Il tente de nous faire croire que nous lui devons la croissance et la baisse du chômage, en oubliant de dire que nos voisins se montrent de beaucoup meilleurs. Il devrait être plus modeste, car la diminution des ventes de voitures, le déficit du commerce extérieur pour le deuxième mois consécutif ou la baisse de moral des ménages sont autant de signes d'un affaiblissement de la croissance. Selon l'INSEE, le taux de croissance pour 2001 ne devrait plus être que de 3,2 % au lieu de 3,5 %. Bien plus que de la hausse des prix du pétrole ou de la hausse des taux d'intérêt, notre économie souffre de problèmes structurels imputables à l'immobilisme du Gouvernement.

Et en premier lieu d'un étranglement sur le marché du travail. Les 2,3 millions de chômeurs n'empêchent pas les entreprises françaises de rencontrer des difficultés pour recruter, ce qui entrave le développement du bâtiment, de l'informatique, de la restauration. Les jeunes Français sont mal formés et mal orientés.

Les goulets d'étranglement du marché du travail résultent également de la loi qui a imposé la réduction autoritaire du temps de travail. Cette loi malthusienne a entraîné une réduction du nombre d'heures total travaillées en France, en dépit de l'augmentation de la population active, un comble en période d'expansion !

Il n'est donc pas étonnant que notre balance commerciale soit déficitaire pour le deuxième mois consécutif alors que nos voisins, l'Allemagne en tête, bien que soumis aux mêmes contraintes internationales, ne connaissent pas la même évolution.

Les 35 heures pèsent sur notre compétitivité. Selon le World Economic Forum, la France arrive au 15ème rang pour la compétitivité.

Les 35 heures sont synonymes de stagnation du pouvoir d'achat, de conditions de travail plus sévères pour les salariés, d'impôts supplémentaires. Elles coûteront plus de 80 milliards de francs en 2001, soit l'équivalent du tiers de l'impôt sur le revenu ou de deux points de TVA ; la suite est à venir.

Mais ces 35 heures n'ont pas pour autant diminué le chômage. Le taux de chômage est inférieur aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne.

Il y a ensuite un étranglement fiscal. La révolte des transporteurs routiers a montré que la France avait dépassé le seuil de l'acceptable en matière de prélèvements obligatoires. Avec un taux de 45,7 %, le gouvernement de Lionel Jospin a battu tous les records. Tous les ans, à l'automne, le Premier ministre affirme qu'il a compris le message et que l'année prochaine, impôts, taxes et cotisations diminueront. A chaque fois, c'est l'inverse qui se produit. En trois ans, les prélèvements obligatoires ont augmenté de plus de 500 milliards de francs. En trois ans, le Gouvernement a créé plus de 15 nouvelles taxes, impôts ou cotisations. En 1999, plus de 70 % des fruits de la croissance ont été captés par le fisc. Et le projet de réduction d'impôts que nous présente aujourd'hui le Gouvernement est une source de nouvelles complications. Notre code des impôts déjà obèse va encore s'enrichir de plusieurs feuillets. Seuls les cabinets fiscaux pourront s'en réjouir.

Etranglement administratif, car depuis trois ans, le Gouvernement n'a entrepris aucune réponse administrative significative : les structures n'ont pas été simplifiées et la paperasse a encore grossi !

M. Augustin Bonrepaux - Vous n'avez pas fait mieux !

M. Gilbert Gantier - Et ce n'est pas la suppression de la fiche d'état civil qui suffira à masquer l'immobilisme du Gouvernement.

La décentralisation est en panne.

Mme Béatrice Marre - C'est vous qui l'avez voulu !

M. Gilbert Gantier - Nous assistons même à une recentralisation avec l'étatisation des impôts locaux à hauteur de plus de 50 milliards. Les pouvoirs des préfets se sont accrus et les Français ont de plus en plus de mal à identifier la collectivité compétente pour résoudre un problème donné.

Face à ce triple étranglement, votre projet n'apporte aucune réponse : ce n'est pas le budget des bons comptes mais celui des mécomptes.

Mécomptes du fait des erreurs d'évaluation qui empêchent toute comparaison. La Cour des comptes elle-même avoue y perdre son latin. Le ministre de l'économie et des finances fait d'ailleurs acte de repentance et annonce une réforme de la fameuse ordonnance de 1959 : nous verrons bien ! Sa révision constitue une urgence. Car nos règles budgétaires datent du XIXème siècle. Le budget de l'Etat ressemble à celui d'une grosse épicerie du début du siècle dernier : pas de provisions, pas d'amortissement, pas de comptabilité patrimoniale. Le système repose sur la simple logique de la consommation annuelle des crédits, avec une règle de base : « toujours plus ».

Mécomptes, car la France reste le mauvais élève de l'Europe en matière de déficit budgétaire. Celui-ci s'estompe ou a disparu chez la plupart de nos partenaires. Même le budget de la Russie est en équilibre ! (Sourires sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard - Agent de Moscou ! (Sourires)

M. Gilbert Gantier - Si l'on compte le financement des 35 heures et la CMU, les dépenses de l'Etat augmenteront en 2001 de plus de 2 % et nos collègues Carrez et de Courson ont démontré cet après-midi que le chiffre de 3 % était sans doute plus proche de la réalité. Depuis trois ans, les dépenses de l'Etat ont ainsi augmenté de plus de 200 milliards. Ce laxisme budgétaire est d'autant plus coupable qu'il prend la forme d'un emballement des dépenses de fonctionnement alors que l'investissement continue de régresser.

Mécomptes, car le Gouvernement décide une nouvelle fois d'accroître le nombre de fonctionnaires : 11 000 postes créés et près de 10 000 vacataires titularisés (« C'est très bien ! » sur les bancs du groupe communiste). Or, chacun sait que les perspectives démographiques dans la fonction publique devraient inciter à faire le contraire. Ainsi des créations de postes dans l'enseignement secondaire alors que le nombre des élèves va forcément décroître et qu'un rapport du Sénat a montré qu'il y avait des enseignants en surnombre. Du reste, cette gestion irrationnelle des emplois publics n'est guère surprenante dans un pays où l'Etat employeur ne connaît pas précisément la répartition de ses effectifs.

Mécomptes car la dette publique continue d'augmenter : alors que nos voisins remboursent les dettes du passé, le Gouvernement dilapide les recettes du futur. La dette publique française représente 5 200 milliards, soit 86 000 F par habitant et le service de la dette -qui ne retrace pourtant que le paiement des intérêts- absorbera plus de 240 milliards en 2001.

Mécompte complet pour le volet fiscal. Avec les mesures d'allégement de l'impôt sur le revenu et en particulier la diminution très légère du taux marginal, la gauche semblait avoir enfin compris qu'il est inefficace de s'acharner sur les créateurs d'activité. Mais l'examen du projet de loi de finances en commission nous a rappelé que sectarisme et idéologie continuaient de prévaloir. Ainsi, la majorité plurielle a-t-elle adopté un amendement supprimant l'abattement pour les dividendes perçus par des contribuables imposés au taux marginal et elle a bien évidemment refusé de réévaluer le barème de l'ISF en fonction de l'inflation comme elle a décidé d'accroître les taxes sur l'industrie pétrolière.

A force de montrer du doigt ceux qui réussissent, ceux-ci choisissent d'aller exercer leurs talents sous d'autres cieux !

M. Jean-Pierre Brard - C'est Coblence !

M. Gilbert Gantier - Le plan fiscal du Gouvernement n'est donc qu'un saupoudrage sans ligne directrice qui a consisté à opérer des transferts d'une collectivité publique à une autre, à relever beaucoup d'impôts et à n'en diminuer que trop peu.

Il me semble inutile de démontrer plus avant que ce projet de loi de finances pour 2001 est tel que les gens raisonnables ne peuvent le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Béatrice Marre - Ce projet de loi de finances répond aux trois engagements du Gouvernement de Lionel Jospin en matière de finances publiques : financer nos priorités tout en maîtrisant la dépense, alléger les charges, réduire le déficit budgétaire, le tout grâce à la croissance, condition première de la lutte pour l'emploi.

Nous y parvenons pour 2001 en proposant une progression maîtrisée de la dépense publique qui permet de financer quatre priorités : l'éducation, la justice, la sécurité et l'environnement. Certes, 11 000 emplois seront créés dans ces secteurs mais voulez-vous nous dire où il faut en supprimer : dans les prisons ? Dans les écoles ? Dans les hôpitaux ! (« Facile ! » sur les bancs du groupe DL)

Les impôts seront allégés de près de 50 milliards et le déficit passera pour la première fois depuis des décennies sous la barre des 200 milliards.

Ce projet de loi de finances et donc un bon projet et nous le voterons.

J'en viens plus précisément à l'allégement des charges dans le secteur agricole. Le Premier ministre m'a fait l'honneur de me confier à l'automne dernier, ainsi qu'à notre collègue Jérôme Cahuzac, le soin de proposer des mesures d'adaptation de la fiscalité et du mode de calcul des cotisations sociales agricoles, dans le cadre d'un rapport que nous lui avons remis au printemps dernier. C'était du reste le souhait formulé par notre Assemblée lors du vote de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999.

Avec l'article 11 du PLF pour 2001, le Gouvernement tient donc encore une fois ses engagements en proposant d'alléger les charges, de favoriser l'installation des jeunes et de simplifier les règles fiscales.

Quelques compléments me semblent cependant utiles, qu'il s'agisse de la révision des critères d'attribution de la dotation aux jeunes agriculteurs -en prévoyant d'étendre l'avantage fiscal à ceux qui s'installent sans bénéficier d'aides- ou de la simplification de la fiscalité agricole et de son rapprochement de celle des entreprises industrielles et commerciales -en revoyant la question du choix de la date de clôture de l'exercice comptable.

Je regrette également que la question de la TVA agricole ne soit pas abordée dans ce projet de loi de finances. Je connais, Monsieur le ministre, votre sensibilité à cette question.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - En effet.

Mme Béatrice Marre - Les sommes en jeu sont importantes mais il faudra bien qu'un jour cette question soit tranchée.

S'agissant de réformer la fiscalité de l'entreprise individuelle, je rappelle que plusieurs secteurs de l'économie du pays ont hérité de l'histoire une organisation prédominante de leur activité dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler « l'entreprise individuelle » et que cela signifie qu'ils relèvent du régime de l'impôt sur le revenu.

Sont donc confondus pour eux, qu'il s'agisse de l'agriculture, du commerce ou de l'artisanat, les revenus du travail et ceux du capital nécessaire à l'activité. Cette situation de confusion entre la personne privée et l'acteur économique crée des inégalités de traitement devant l'impôt et rend l'outil fiscal inopérant en termes d'incitation économique.

J'aimerais à ce propos connaître votre avis, Monsieur le ministre, sur une piste que je trace dans mon rapport.

La législation fiscale française s'appuie sur la notion centrale du patrimoine attaché à un individu, qui en dispose, en droit, en tant que personnalité physique, quel que soit l'usage qu'il veuille en faire. Mais il est aussi devenu nécessaire de reconnaître juridiquement la possibilité de mettre en commun des moyens pour exercer une activité. Ainsi est apparu le statut juridique de la « personnalité morale », et s'est développé le droit des sociétés. Mais l'on n'a pas réglé pour autant le problème de l'agrégation, dans un même patrimoine, de moyens destinés à des activités différentes et relevant, de ce fait, de plusieurs régimes fiscaux. J'ai donc proposé d'isoler les moyens affectés à une activité donnée, dans un « patrimoine d'affectation », comme cela a déjà été fait dans un certain nombre de dispositions fiscales. Juridiquement, cela amènerait à créer, à côté de la personnalité physique et de la personnalité morale, la personnalité d'activité économique, mais aussi culturelle, associative, etc.

Sans attendre cette création, la prise en compte fiscale du patrimoine d'affectation permettrait dès maintenant de traiter toutes les personnes privées de la même manière, fiscalement et socialement, en distinguant les revenus du travail de ceux du capital; de mieux traduire la vocation redistributive de l'impôt ; de régler la majeure partie des problèmes fiscaux inextricables liés à la pluriactivité ; de traiter fiscalement avec la même pertinence économique toutes les activités, dès lors que le patrimoine d'affectation permettrait d'en identifier clairement les effets -je pense en particulier au foncier agricole ; enfin, de faire disparaître nombre d'imbroglios juridiques tels que celui que représente la société « unipersonnelle ».

Il faudra du temps pour aller plus loin dans cette réflexion, mais elle me semble s'inscrire dans le droit fil de notre préoccupation actuelle : la recherche d'un allégement des charges sociales et fiscales, pour favoriser la croissance -et par conséquent l'emploi- et la justice sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Michel Bouvard - Il y a quelques jours, lors de l'examen de la loi de règlement pour 1999, nous relevions à quel point notre pays était mal classé en Europe en termes de déficit budgétaire et de capacité de financement des administrations, nous déplorions aussi le niveau record des prélèvements obligatoires, la faiblesse des budgets d'investissement civils, la hausse rapide des dépenses de fonctionnement.

Ce budget permettra-t-il d'inverser ces tendances et de répondre à l'attente de nos concitoyens, telles sont aujourd'hui les questions. En effet, il ne suffit pas d'affirmer, comme le rapporteur général, que ce projet assure « la poursuite du redressement des finances publiques et permet d'alléger substantiellement les impôts tout en finançant les dépenses prioritaires », encore faut-il s'en assurer.

S'agissant du déficit, la promesse d'une baisse supplémentaire ne sera pas tenue puisqu'il demeurera supérieur à 180 milliards, ce qui entraînera bien la création d'impôts différés. C'est d'autant plus préoccupant que la faiblesse chronique de l'euro entraîne une remontée des taux d'intérêt qui va alourdir à nouveau la charge annuelle de la dette publique, qui s'est accrue de 800 milliards depuis le début de la législature.

Or c'est précisément cette période que vous choisissez pour rompre avec la politique de gel des emplois de la fonction publique.

S'il est bon que l'Etat donne l'exemple de la lutte contre le travail précaire en intégrant 9 483 fonctionnaires supplémentaires pourquoi créer 11 337 emplois nouveaux, augmentant ainsi les dépenses de fonctionnement de l'Etat et alimentant les déficits à venir.

Bien sûr on me demandera, sur les bancs de la majorité, si je veux moins de policiers, moins de magistrats ou moins d'infirmières... Mais je persiste à croire que les redéploiements et les départs à la retraite, 50 % des fonctionnaires dans les dix ans à venir, auraient permis les adaptations nécessaires. Un exemple : si l'on avait supprimé la redevance, dont le coût de collecte est, selon le rapporteur général, de 900 millions, 1 433 emplois budgétaires auraient pu être redéployés.

J'en viens aux prélèvements obligatoires. Le nouveau ministre s'est engagé à les faire baisser -il n'est que le troisième à prendre cet engagement au cours de cette législature... Mais ils ont atteint un niveau record en 1999, 45,6 %, alors qu'une baisse de 0,2 % avait été promise. Ils ne diminueront pas en 2000 non plus. Depuis 1997, l'Etat et les organismes sociaux ont ainsi encaissé 470 milliards de recettes brutes supplémentaires.

Les Français n'attendent pas grand chose des baisses promises pour 2001 : 90 % d'entre eux ne pensent pas que leur pouvoir d'achat s'en trouvera augmenté et 56 % auraient préféré d'autres choix que ceux du Gouvernement.

Quelle est, d'ailleurs, la stratégie de la majorité en matière de fiscalité ? Lors de la campagne pour les législatives, vous aviez promis une diminution générale de la TVA, afin d'effacer l'augmentation à laquelle avait dû procéder le gouvernement Juppé, dans un contexte difficile et pour assurer la qualification pour l'euro. Vous critiquiez aussi la baisse du barème de l'impôt sur le revenu, et vous l'avez annulée.

Aujourd'hui, vous vous ralliez enfin à un effort sur l'impôt sur le revenu. On pourrait s'en réjouir si la charge ne s'était encore accrue entre temps en raison d'une actualisation du barème inférieure à l'inflation et de la réforme du quotient familial, mesures que ce projet ne remet pas en cause. Nous défendrons des amendements à ce propos.

Après avoir proposé une baisse ciblée de TVA, ce qui était une initiative intéressante, que nous avions soutenue, vous avez préféré réduire de 1 % le taux ordinaire, disposition qui n'a été qu'imparfaitement répercutée auprès des consommateurs. Cette année, vous abandonnez définitivement les baisses ciblées, négligeant ainsi de mettre un terme à un certain nombre de distorsions de concurrence, comme dans le secteur de la restauration, ce qui sera préjudiciable à l'emploi et à la compétitivité du tourisme français.

Pour notre part, nous proposerons d'aller plus loin. Certaines réformes fiscales annoncées ont disparu, telle la suppression de la redevance que justifiaient non seulement son coût de recouvrement, mais, surtout, son caractère injuste puisqu'elle frappe lourdement les personnes à faibles revenus, pour qui la télé est le seul loisir.

Voilà en revanche, qu'on supprime la vignette. Cette mesure qui n'avait jamais été évoquée jusqu'ici, et qui est destinée à calmer les automobilistes est injuste car elle avantage les propriétaires des véhicules les plus chers, elle oublie les artisans, elle prive les collectivités locales d'une ressource et aggrave ainsi leur dépendance fiscale vis à vis de l'Etat.

Où est la logique quand, par ailleurs, on allège l'impôt sur les sociétés tout en créant une nouvelle TGAP assise sur la consommation énergétique, qui pénalisera les entreprises fort consommatrices, souvent installées en montagne ?

Ce manque de cohérence de la politique fiscale depuis trois ans est sans douté lié à l'attelage composite qu'est votre majorité, entre les réalistes qui tirent les conséquences de la concurrence européenne et mondiale et les jusqu'au-boutistes de l'égalitarisme fiscal, entre les élus responsables, conscients de la nécessité de préserver notre potentiel industriel et quelques intégristes Verts. Certes, Monsieur le ministre, votre tâche n'est pas facile et le cap est de plus en plus difficile à tenir.

J'en viens, enfin, à ce qui m'apparaît comme le plus préoccupant : l'affaiblissement des budgets d'investissement qui devraient pourtant être prioritaires en période de croissance, car ils permettent de rendre celle-ci durable, en dotant notre pays des équipements structurants dont il a besoin. Or, dans la loi de règlement pour 1999, les dépenses civiles en capital n'étaient que de 99,5 milliards, soit le niveau de 1997. Elles chutent même à moins de 80 milliards avec ce projet de budget.

A périmètre constant, les crédits de l'aménagement du territoire diminueront de 10 % et ceux de l'équipement, des transports et du logement resteront stables, c'est-à-dire diminueront en francs constants. Ce sont là autant de graves menaces pour l'avenir du pays. Le budget d'investissement des routes régressera encore en 2001 malgré la réintégration du FITTVN dans le budget de l'Etat ; le plan décennal annoncé par M. Gayssot pour la SNCF ne pourra pas être exécuté ; certains investissements programmés pour les transports urbains ne pourront pas être réalisés dans les délais prévus ; les crédits consacrés à la restauration des terrains de montagne seront divisés par cinq dans le nouveau contrat de plan -il en va pourtant de la sécurité de la population comme j'ai encore pu le constater dans ma circonscription ce week-end.

Inquiet de la progression régulière des dépenses de fonctionnement qui accroît la dette et ampute gravement les budgets d'investissement, le groupe RPR ne pourra pas s'associer au projet de budget pour 2001 (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Pierre Brard - M. Fabius nous l'a répété cet après-midi : l'emploi est le fil rouge de ce projet de budget. C'est bien en effet sur ce point que nous serons jugés par nos mandants lorsqu'il nous faudra légitimement leur rendre des comptes. Comment mobiliser toutes les forces afin d'accentuer encore la lutte contre le chômage ?

Alors que la croissance connaît un certain ralentissement, que l'optimisme des ménages semble s'effriter et que la BCE s'obstine à mener une politique monétaire « sécessionniste » ainsi que l'a bien décrite le rapporteur général, le budget de l'Etat doit être un outil de politique économique au service de l'emploi.

Depuis trois ans, le Gouvernement a inscrit son action dans la logique du pacte de stabilité, au détriment sans doute d'une croissance plus riche en emplois. Les baisses d'impôts ont été importantes, tant au bénéfice des particuliers que des entreprises. Baisse de la TVA sur les travaux d'entretien des logements, abaissement d'un point de son taux normal, suppression du droit de bail ainsi que de la part régionale de la taxe d'habitation, allégement du taux d'imposition pour les tranches inférieures de l'impôt sur le revenu, autant de mesures que nous avons soutenues parce qu'elles nous paraissaient de nature à encourager la consommation, et donc à soutenir la croissance. Il faut maintenant aller plus loin et envisager des dégrèvements, y compris pour la taxe foncière, notamment pour les personnes âgées seules : la forte diminution de revenus, souvent consécutive au décès du conjoint, ne doit pas les contraindre à quitter leur domicile.

Il faut parallèlement renforcer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale. Le ton a changé à l'égard de Monaco, on doit s'en féliciter. Reste maintenant à prendre en considération la fraude à la TVA intra-communautaire, sous-estimée par vos services, Monsieur le ministre, à intégrer les _uvres d'art dans les bases de l'ISF... (Murmures de M. Jean-Jacques Jegou) M. Jegou, songeant à ses _uvres d'art, pense-t-il que j'ai raison ? Il faudrait aussi en finir avec le fameux moratoire Sarkozy qui exonère de fait de TVA l'avitaillement des navires de plaisance en Méditerranée. Pourquoi ce privilège, qui déroge au droit national comme au droit communautaire, a-t-il pu subsister jusqu'à présent ? Le ministre devra nous l'expliquer en même temps qu'il nous dira ce qu'il compte faire à ce sujet.

Aujourd'hui, la suppression sans condition de la surtaxe Juppé, la baisse de l'ensemble des taux de l'impôt sur le revenu s'inscrivent dans une autre logique. La baisse des impôts est devenue un principe intrinsèque.

Nous devons tous à gauche défendre l'impôt avec détermination et mieux expliquer à nos concitoyens à quoi il sert, comme nous y a invités M. Fabius cet après-midi. Il faut avoir le courage de dire que toute réduction des impôts ampute d'autant les moyens de la solidarité. Les travaux de la Cour des comptes et de la MEC doivent nous permettre d'améliorer l'utilisation de l'impôt.

La dépense publique n'est pas néfaste. Si elle permet de satisfaire des besoins de la population qui ne pourraient l'être par le marché ou le seraient à des conditions financières inacceptables, il faut accepter de la développer. Le maintien des services publics dans les zones rurales, leur développement dans les quartiers en difficulté, le financement d'hôpitaux bien équipés, le développement de l'université et des centres de recherche, la mise en place de formations qualifiantes pour les jeunes en situation d'échec ou les chômeurs de longue durée, autant de domaines d'intervention dont l'Etat ne saurait être absent. Il faut non seulement davantage de fonctionnaires, mais aussi des fonctionnaires mieux formés et davantage respectés. Ceux qui dénoncent leur nombre pléthorique disent rarement où il faudrait en supprimer : bien au contraire, ne demande-t-on pas toujours plus de magistrats, d'enseignants, de policiers, d'infirmières ? M. Bouvard m'est d'ailleurs apparu sur ce point quelque peu schizophrène. Le seul orateur de l'opposition à avoir été conséquent est M. Gantier qui propose de supprimer les fonctionnaires enseignants. Dans le 16ème arrondissement, ne scolarise-t-on pas ses enfants à Saint-Gilbert et autres institutions privées ? Mais ce ne sont pas là les valeurs auxquelles nous croyons.

Nous devons combattre les discours démagogiques et nous attacher à défendre l'impôt, si sa charge est équitablement répartie. L'impôt doit être juste et transparent ; on en est loin aujourd'hui.

L'introduction d'une part de progressivité dans la CSG constituera un progrès. Il faudra toutefois étendre le bénéfice de la mesure aux salariés représentant au moins jusqu'à un SMIC et demi. Cette mesure devrait permettre d'éviter les « trappes à pauvreté » en accentuant sensiblement la différence de revenu réel entre les bénéficiaires de minima sociaux et les salariés les plus modestes. L'absence de revalorisation de ces minima, en période de croissance, va marquer encore davantage la rupture entre ceux qui ont un emploi ou vont retrouver un emploi et les exclus de la croissance.

En effet, malgré l'amélioration de la situation de l'emploi, les élus de terrain constatent chaque jour que des milliers de personnes dans leurs communes -sans doute 1,5 million sur le plan national- restent à l'écart, et n'en conçoivent que davantage d'amertume. Ces chômeurs, sans travail depuis longtemps, ont vu leur qualification devenir obsolète, leur métier parfois disparaître. Ils sont démolis par le sentiment d'inutilité, la dépression, la maladie et catalogués « inemployables » par M. Ernest-Antoine Seillière de Laborde et son MEDEF...

M. Charles de Courson - Le baron Seillière de Laborde.

M. Jean-Pierre Brard - M. de Courson défend les siens et souhaite qu'on ne les ampute de rien (Sourires). Le MEDEF, disais-je, qui a essayé d'exploiter la situation avec le PARE. Attachée à la justice sociale et à la solidarité, en un mot aux valeurs républicaines, la gauche ne peut accepter que perdure cette situation. Ce constat est commun à toutes les sensibilités dans la majorité plurielle. Un groupe de cinq députés auquel je participe et qui comprend Eric Besson, Marie-Hélène Aubert, Michel Suchod et Chantal Robin-Rodrigo, a réfléchi à un dispositif de retour au travail pour tous ceux qui ont été durablement éloignés de l'emploi. Cette démarche intéresse nos collègues mais aussi les associations de lutte contre l'exclusion, regroupées dans le collectif « ALERTE ».

Une fraction des excédents de rentrées fiscales ainsi qu'une partie des crédits destinés à la formation professionnelle et à l'insertion des RMistes peuvent être mobilisées pour financer ce projet qui devrait être rapidement expérimenté dans une dizaine de sites. Il faut choisir ces sites en fonction de l'engagement que prendront les élus de piloter ces actions et de contrôler leur efficacité. Dans les villes où les élus seront volontaires, il faudra, en coopération avec l'ANPE, l'AFPA et tous les partenaires utiles, fédérer les énergies dans un dispositif souple défini avec le ministère de l'emploi.

Dans le cadre de ce que l'on pourrait appeler un contrat de retour au travail, tout chômeur volontaire bénéficierait d'un emploi qu'il occuperait par exemple quatre jours sur cinq, le cinquième étant consacré à la formation, à la recherche d'un autre emploi ou au montage d'un projet personnel. Il serait rémunéré à hauteur de 4/5ème du SMIC. Il bénéficierait, en outre, d'un conseil et d'un accompagnement personnalisé, pouvant revêtir la forme d'un parrainage non seulement par des professionnels mais aussi par des citoyens qui partagent certaines valeurs.

Les personnes morales de droit public et les associations auraient vocation à offrir à ces personnes, très éloignées du marché de l'emploi, des emplois socialement utiles, et la loi pourrait, parallèlement, obliger les entreprises à en accueillir une ou plusieurs, selon leur taille.

Ouvrir aux plus démunis les portes de l'emploi : voilà un projet mobilisateur, porteur d'espoir et de cohésion sociale, dans la ligne de l'action conduite par la majorité depuis trois ans. Or, si l'on excepte la disposition du PLFSS relative à la CSG, l'outil fiscal n'est que peu sollicité à cette fin. Nous osons espérer que, contrairement à ce qui se passait il y a trois ans, lorsque M. Jegou et ses amis subissaient un Premier ministre « droit dans ses bottes », qui ne les voyait même pas lorsqu'il regardait devant lui (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), le Gouvernement se montrera aussi ouvert à la discussion qu'il nous le promet, afin que nous puissions donner à cette loi de finances un contenu privilégiant l'emploi et la justice sociale contre les investissement purement spéculatifs (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Jacques Jegou - La croissance de ces trois dernières années et les belles promesses faites aux Français depuis l'ouverture du débat sur les surplus de recettes nous rendaient impatients de découvrir ce projet de loi de finances, dont on pouvait attendre quelques bonheurs pour le contribuable et l'amorce d'une vraie réforme fiscale. Las ! tous nos espoirs sont déçus. Manque d'idées ? Sûrement pas. De courage ? Plus probablement - à moins que ce ne soit, tout simplement, la nécessité de ne toucher à rien, calendrier électoral oblige...

Ce projet de budget n'est pas un projet pour la France et les Français : c'est seulement le plus petit commun dénominateur de la gauche plurielle, ainsi que le confirme, d'ailleurs, l'attitude des représentants de celle-ci au sein de la commission, qui ont mis, la semaine dernière, la barre à gauche toute !

M. Jean-Pierre Brard - Nous sommes là pour ça !

M. Jean-Jacques Jegou - Mais je crains que votre amendement sur les _uvres d'art ne subisse finalement le même sort que les années précédentes...

Il n'y a pas eu de débat en commission, pour la simple raison que tout avait été négocié au préalable entre les composantes de la majorité - du moins celles qui pèsent, car les Verts, qui ne s'occupent plus d'environnement depuis qu'ils font de la politique, ne semblent plus avoir voix au chapitre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Pas de débat en commission, pas de débat en séance publique, et pas non plus, selon certains hiérarques, au sein du PS lui-même : il n'y a plus que des marchandages. C'est la démocratie qui est ainsi mise à mal, car le débat aura lieu ailleurs, comme en témoigne la montée des revendications catégorielles, signe de l'insatisfaction d'un grand nombre de Français.

Croit-on que les problèmes internes de la gauche plurielle intéressent les Français ? Non : ce qui les intéresse, ce sont les réformes que vous pourriez leur proposer, et qu'ils ne voient pas venir. Dissipant joyeusement la manne des rentrées fiscales en dépenses inutiles et en promesses qui hypothèquent l'avenir, reprenant d'une main aux entreprises ce qu'il donne de l'autre aux particuliers, M. Fabius avoue lui-même, pour la justifier, l'absence de réforme dans ce projet de loi de finances qui fragilise la croissance et expose dangereusement les finances de l'Etat au cas où la conjoncture viendrait à se retourner.

Mon propos n'est pas de jouer les Cassandre (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), mais chacun sait, par exemple, que l'euro ne remontera pas tant qu'aux Etats-Unis la croissance sera plus forte que chez nous et le chômage plus faible, car les investisseurs, y compris européens, et même -hélas- Français, continueront de préférer les Etats-Unis à l'Europe.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances -  Mais non !

M. Jean-Jacques Jegou - Mais si ! Quant à la hausse du prix du pétrole, elle freinera, à court terme, la croissance. Vos estimations ne tiennent pas compte de ces faiblesses potentielles, mais les Français, eux, ne s'y trompent pas : selon les dernières enquêtes, leur moral fléchit, et leur taux d'épargne remonte par précaution.

Qui plus est, ce projet de budget est « euro-incompatible », et ce au moment même où la France préside l'Union européenne : malgré les promesses faites au printemps et les engagements pris à Bruxelles, aucun effort n'est fait pour maîtriser les dépenses publiques ni pour réduire le déficit. Si les dépenses sont affichées, comme l'année dernière et comme l'année précédente, en très faible augmentation, la Cour des comptes vous infligera, comme à chaque loi de règlement, un cinglant démenti, car les dépenses, selon nos calculs, n'augmentent pas de 1,5 % en volume, mais de 4,3 %, et c'est bien ce qui rend impossible la réduction du déficit : sans doute celui de cette année sera-t-il inférieur aux prévisions, et peut-être en sera-t-il de même l'an prochain, mais le montant sans cesse croissant des dépenses de fonctionnement nous met à la merci du premier grain.

« Alléger l'impôt avec justice et efficacité », est-il écrit dans le document, destiné à la presse, qui accompagne le projet de budget. Nous nous inscrivons en faux contre ce slogan, surtout pour ce qui est de l'impôt sur le revenu. Certes, vous baissez les taux de toutes les tranches, mais nous l'avions déjà fait en 1986, et vous vous étiez empressés de revenir sur cette mesure.

M. le Président de la commission - Vous ne l'aviez pas fait de la même façon !

M. Jean-Jacques Jegou - Peut-on parler de justice sociale lorsque l'on refuse de prendre en considération ceux qui vivent seuls et qui doivent faire face à de lourdes charges, notamment fiscales ? Faire un geste vis-à-vis de nos huit millions de concitoyens célibataires ne coûterait, en retenant l'amendement fort modéré que nous avons déposé, que 8 milliards : c'est bien moins que les 31 milliards que vous avez brûlés pour baisser la TVA d'un point, sans qu'aucun Français ne s'en rende compte !

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Président de la commission - Quand vous l'avez augmentée de deux points, les Français s'en sont rendu compte !

M. Jean-Jacques Jegou - De même, vous refusez de vous pencher sur le sort des concubins qui ont au moins un enfant à charge : c'est de la discrimination sociale.

« Encourager l'emploi », est-il écrit également, mais vous auriez dû préciser : l'emploi dans la fonction publique... où vous créez 11 000 postes, gagés sur les impôts des entreprises et des salariés du privé, qui n'avaient pas besoin de cela, tant ils ont été « matraqués » depuis trois ans. Ce n'est pas ainsi que vous améliorerez la situation de l'emploi !

Vous connaissez les propositions que fait l'UDF, depuis longtemps déjà, pour favoriser le retour à l'emploi grâce à l'augmentation du salaire direct. Ce qu'il faut, plus généralement, c'est renforcer le tissu économique, car ce sont les PME qui créent des emplois, et non pas l'Etat -mais vous préférez prélever plus pour dépenser plus, au lieu de vous inspirer de l'exemple des « business angels » pour aider les PME qui démarrent. Il semble que l'idée que l'on puisse enrichir le pays tout en s'enrichissant par son travail ne vous convienne pas...

M. Jean-Pierre Brard - C'est Guizot qui parle !

M. Jean-Jacques Jegou - En vérité, ce projet de budget est un jeu de bonneteau à somme nulle, et le résultat sera nul aussi pour l'économie et l'emploi. La pire illustration en est la suppression de la vignette ; les Français ont d'ailleurs bien compris qu'il s'agissait d'une mesure purement électoraliste, ne répondant ni au souci de justice ni à celui de simplification. Le fait même que la vignette soit maintenue pour les entreprises et supprimée pour les particuliers suffit à faire la preuve de votre démagogie : les automobilistes votent, pas les sociétés, ni les collectivités. Ces dernières, en outre, y perdent encore un peu plus d'autonomie fiscale...

Enfin, en termes de simplification, vous n'aurez réussi qu'à mettre les buralistes en colère. Les fonctionnaires, eux, devront toujours gérer cet impôt pour les entreprises et les collectivités.

Pourquoi ne pas avoir, comme vous l'avait proposé la MEC, et notre rapporteur général, Didier Migaud, supprimé la redevance.

C'était là une vraie mesure de justice sociale, qui aurait bien soulagé les petits retraités qui la payent alors qu'ils sont à la limite de la non-imposition. Mais, paraît-il, le service public de l'audiovisuel ne peut fonctionner sans... Le vrai problème, ce sont les 1 300 fonctionnaires que vous avez peur de redéployer, comme vous le demande instamment la MEC. C'est comme cela que l'on se retrouve avec d'un côté, 1 300 fonctionnaires dont on ne sait que faire et de l'autre, 11 000 créations de postes divers.

On connaît désormais le scandale de la police, dont les fonctionnaires ne travaillent pas plus de 27 ou 28 heures. Embaucher de nouveaux policiers, c'est augmenter les dépenses publiques au lieu de demander aux policiers en fonction de travailler ne serait-ce que 35 heures par semaine ! (Interruptions sur les bancs du groupe communiste). Vous n'êtes pas souvent présent aux travaux de la MEC, Monsieur Brard...

M. Jean-Pierre Brard - Bien autant que vous !

M. Jean-Jacques Jegou - ... mais M. Feurtet connaît bien le scandale des horaires de la police.

M. Gérard Bapt - Et la gendarmerie ?

M. Jean-Jacques Jegou - Les gendarmes n'ont pas d'horaires, ils sont mobilisables 24 heures sur 24. Il faut oser faire cette comparaison. Ne nous accusez pas de vouloir supprimer des emplois de policiers et d'infirmières. Nous disons simplement où il est possible de redéployer les fonctionnaires.

Souvenez-vous, Monsieur le ministre, qu'il s'agit du budget de l'Etat et donc de l'argent des contribuables. Vous avez le devoir de l'utiliser au mieux. Est-ce vraiment cela que vous faites, avec cette loi de finances ? Les Français répondront d'eux-mêmes.

Dernier point : vos propositions fiscales en matière de politique environnementale. En dehors des trois milliards que vous prenez aux grandes sociétés pétrolières pour diminuer le prix du gasoil -belle politique pour les Verts !- cette loi de finances est un désert.

Vous avez doublé le nombre de ministres Verts, mais votre politique fiscale en la matière est plutôt divisée par deux.

J'en veux pour preuve une fiscalité du gasoil plus avantageuse que celle du super sans plomb. En revanche, rien n'est fait pour encourager le développement des véhicules propres, roulant au GPL ou au GNV.

Pire encore, le ministère de l'environnement n'a de cesse de prendre de nouveaux règlements qui empêchent tout développement de ce type d'énergie, et certains services, comme celui des mines, n'ont d'autre occupation que d'empêcher l'immatriculation de tels véhicules, en en confisquant la carte grise par exemple. Le résultat est que plus un seul constructeur français ne sort de voiture au gaz. Il devient même impossible d'en importer de l'Union européenne.

Il est vrai que les taxes sur les carburants propres remplissent beaucoup moins les caisses de l'Etat... Serait-ce l'origine du statu quo ?

Je le dis à la majorité plurielle, censée se préoccuper de ces questions : il faut arrêter de faire de la politique avec la santé publique. Tous les Français ont appris cet été que le gasoil coûtait 35 000 morts par anticipation.

Notre pays est englué depuis trop longtemps dans une politique conservatrice, inadaptée à la mondialisation de l'économie et à la construction européenne.

Les réformes de structures indispensables sont rangées, subordonnées au calendrier électoral (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). C'est triste. La croissance défile devant les Français telle un train fou qui oublierait de prendre les passagers sur le quai.

Les Français s'en souviendront (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jean Rigal - Cette discussion, la quatrième et avant-dernière de la législature, est un moment particulièrement important : elle est l'occasion d'un débat de fond entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale, qui peut soumettre ses propositions au pouvoir exécutif.

Elle se déroule dans la stricte limite des dispositions de la Constitution et de la loi organique du 2 janvier 1959, totalement obsolète, dont la modification est à l'étude sur la proposition de notre rapporteur général.

Depuis juin 1997, le Gouvernement a orienté sa stratégie économique et budgétaire vers la croissance et donc vers l'emploi, qui est toujours la première préoccupation de nos concitoyens. Gouverner, c'est choisir et non subir !

Cette stratégie, fondée sur la stimulation de la demande intérieure et consolidée par la réduction du temps de travail et par le plan emplois-jeunes, a des résultats positifs en termes d'efficacité économique et de justice sociale, même s'il reste encore beaucoup à faire contre les inégalités.

Plus d'un million d'emplois ont été créés. On compte 700 000 chômeurs de moins en trois ans.

Dans le même temps, le déficit budgétaire a été réduit, ce qui semblait impossible en 1996.

Des marges de man_uvre ont été retrouvées, des baisses d'impôts engagées et les dépenses prioritaires financées.

Enfin, en 1997 contre toute attente, la France s'est qualifiée pour la monnaie unique, qui joue, malgré la pression exercée par la BCE, un rôle d'amortisseur face aux turbulences financières internationales.

Le projet de loi de finances pour 2001 est dans la droite ligne du programme pluriannuel des finances publiques 2001-2003, transmis à la Commission européenne, et du débat d'orientation budgétaire du 16 mai dernier.

Il s'inscrit dans une dynamique de croissance alimentée par la consommation des ménages, les investissements des entreprises et la demande externe.

La croissance est estimée à 3,3 %, dans un environnement international toutefois incertain en raison notamment de la flambée des prix du pétrole.

L'inflation, hors tabac, est prévue à 1,2 %.

Ce projet de loi traduit la constance du Gouvernement : maîtrise des dépenses publiques ; réduction du déficit budgétaire ; priorités budgétaires ; baisse et réforme des impôts.

En ce qui concerne les recettes, un plan d'allégement et de réforme des impôts se traduira par une réduction globale de 120 milliards d'ici 2003, dont 48,4 milliards en 2001.

Ce plan triennal concerne la fiscalité des ménages et celle des entreprises.

L'impôt sur le revenu ne concerne qu'un peu plus d'un foyer fiscal sur deux et son rendement est plus faible que chez nombre de nos partenaires européens.

Je pense que la baisse du barème de cet impôt, qui devrait être l'impôt citoyen par excellence, ne devrait pas constituer une priorité parce qu'il est progressif et donc moins injuste que les impôts indirects comme la TVA ou la taxe intérieure sur les produits pétroliers.

J'observe d'ailleurs que les impôts indirects apparaissent de moins en moins « indolores » à nos concitoyens !

L'abaissement progressif du taux de l'impôt sur les sociétés à 15 % sur les 250 000 premiers francs de bénéfices est une mesure positive pour les petites entreprises.

Bien que manquant de lisibilité, les mesures d'allégement de la fiscalité pétrolière vont dans le bon sens et la contribution demandée aux sociétés pétrolières procède de la justice fiscale.

Parallèlement à ces baisses d'impôts et à diverses mesures de simplification, parmi lesquelles la suppression de la vignette automobile, pour les seuls particuliers, hélas, la réduction régulière du déficit se poursuit : il s'établit pour 2001 en prévision à 186 milliards contre 285 en 1997.

Les députés du parti radical de gauche ont déposé plusieurs amendements, auxquels ils tiennent beaucoup, tendant à favoriser l'investissement des entreprises artisanales en nom personnel, à améliorer le régime fiscal du salaire du conjoint d'artisan, à étendre la suppression de la vignette automobile aux PME, à supprimer la redevance de l'audiovisuel, et à appliquer le taux réduit de TVA à la restauration traditionnelle.

Nous souhaitons souligner l'intérêt que présenterait cette baisse en termes de créations d'emplois.

En outre, l'arrêt rendu le 19 septembre par la Cour de justice des Communautés européennes va en ce sens.

Enfin, peut-on raisonnablement laisser perdurer l'impression que l'on privilégie la « mal-bouffe » à l'américaine ?

Avant d'aborder l'évolution des dépenses publiques, il n'est pas inutile de rappeler que ceux qui réclament une baisse massive et brutale des impôts ne précisent jamais quelles dépenses ils entendent supprimer.

Il leur arrive même de réclamer des augmentations de crédits sur tel ou tel budget.

La notion de solidarité nationale échappe à l'idéologie libérale.

Pour les radicaux de gauche, les dépenses publiques sont nécessaires pour préparer l'avenir à renforcer la cohésion sociale de la nation.

Les dépenses du budget général progressent de 0,3 % en volume en 2001, soit une augmentation inférieure à celle de la richesse nationale.

Grâce à des efforts d'économie, quatre priorités se dégagent du projet de budget : en faveur de l'éducation nationale, de la sécurité, de la justice et de l'environnement.

Les radicaux de gauche demandent au Gouvernement de porter une attention particulière au maintien des services publics dans les zones fragiles à faible densité démographique, au nom du principe d'égalité.

Ils partagent globalement les choix politiques reflétés par le projet de loi de finances pour 2001 et souhaitent que le Gouvernement soit ouvert à leurs amendements et aux propositions d'origine parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Laurent Dominati - Je veux rendre justice à M. Fabius, accusé à tort par les amis de M. Brard, la bourgeoisie bien-pensante de Montreuil...

M. Jean-Pierre Brard - Nous, on pense, ce n'est pas comme vous !

M. Laurent Dominati - ...d'être libéral. Monsieur Brard, je vais vous montrer que M. Fabius n'est pas un libéral, et que vous pouvez donc le soutenir ! Certes, son discours est libéral. Mais sa pratique et son budget sont à rebours des politiques libérales qui réussissent ailleurs, et elles laisseront la France à la merci de tout retournement de croissance. M. Fabius a plaidé, dans le journal Libération, pour la flexibilité de l'emploi. Mais la Commission européenne estime que la France pourrait faire davantage, à l'instar d'autres pays européens.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Au prix de quelle précarité !

M. Laurent Dominati - Parce qu'en France, il n'y a pas de précarité ! Vous pratiquez une politique classique de stimulation de la demande intérieure, alors qu'il faut aujourd'hui stimuler l'offre. Les dépenses publiques d'investissement diminuent ; vous ne menez pas une politique de l'offre, alors même que la France souffre depuis toujours d'une insuffisance d'investissement. Ainsi, notre demande intérieure fait appel aux pays étrangers, et non à la production nationale.

M. Fabius fait repentance sur l'impôt, et annonce qu'il veut les diminuer. Pour le ministre du budget de 1982 qui avait fait passer le taux marginal de l'impôt sur le revenu à 65 %, le diminuer aujourd'hui malgré les protestations de la gauche revient à faire tomber un tabou. Selon les chiffres du ministère des finances, près de 70 % du revenu de la croissance ont été confisqués par le fisc en 1999. En annonçant une baisse des impôts cet été, le Gouvernement a reconnu l'existence d'une cagnotte et donc d'un excès de fiscalité.

M. Strauss-Kahn affirmait aussi chaque année qu'il fallait diminuer les impôts, ce qui ne les empêchait pas d'augmenter. Cette année, M. Fabius a voulu frapper fort. Je ne crois pas pour autant à votre conversion, car il vous serait trop difficile de pratiquer une vraie politique libérale. Pour cela, il faudrait en effet diminuer les impôts d'un point de PIB dès cette année. Il faudrait reprendre la proposition de M. Méhaignerie d'abattement de charges sociales, diminuer la TIPP. Au lieu de supprimer la vignette, vous auriez dû supprimer la redevance. Mais la baisse des impôts est conditionnée par celle de la dépense publique. Sur ce point, M. Fabius a renoncé à la maîtrise de la dépense publique et à la stabilité des effectifs de la fonction publique, qui ont recommencé à augmenter. La Commission européenne et l'opposition ne s'y sont pas trompées en parlant de laxisme. Vous êtes incapables de maîtriser la dépense publique, parce que cela suppose une réforme de l'Etat dont vous ne voulez pas. Vous n'avez même pas été capables de réformer le ministère des finances ! Mais le discours libéral devient populaire, et pour la première fois l'on a manifesté pour protester contre l'impôt et non pour demander plus. Ce phénomène populaire, cette révolte fiscale, vous les craignez, sans pouvoir vous défaire de votre culte de l'Etat, de la dépense publique, de la fonction publique et de l'impôt. Gardez-le, mais le peuple ne vous suivra plus ! Vous voici donc réduits, pour le tromper, à faire un faux budget. Les hypothèses sont fausses, et plus encore, les chiffres de dépenses publiques, de recettes fiscales, de réduction du déficit. Vous n'avez pas répondu sur l'exception d'irrecevabilité. Vous savez que M. de Courson a raison, de même qu'est vrai ce que dit tous les ans la Cour des comptes sur le budget exécuté. Vous avez sagement proposé une réforme de l'ordonnance de 1959. Le Président de l'Assemblée n'a-t-il pas lui-même avoué n'avoir jamais compris le budget en 27 ans !

Il est vrai que les parlementaires sont de simples spectateurs. Mais le ministre est lui-même impuissant à mettre en _uvre les réformes dont le pays a besoin.

Pour consoler M. Fabius d'avoir raté sa rentrée fiscale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), je lui ferai observer que les ministres de gauche les plus loués par les leurs sont ceux qui s'en vont. Qu'il y songe pour ne pas rater sa sortie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Balligand - Le plan d'allégement fiscal annoncé par le Gouvernement est loin d'être marginal puisqu'en trois ans, ce sont plus de 120 milliards de baisses d'impôts qui sont prévues.

Depuis 1997, la croissance européenne est tirée par le dynamisme de la consommation, de l'investissement et des exportations. Presque partout, les taux de chômage diminuent et ils se rapprochent aux Pays-Bas ou en Irlande de celui des Etats-Unis. Le retour de la croissance entraîne nécessairement un surcroît substantiel de recettes fiscales.

Dans ce nouveau contexte, il est légitime de se demander quelle doit être l'affectation de ces recettes supplémentaires.

Faut-il accroître la dépense publique ? Sur un plan macro économique, cela ne semble guère justifié et dans la plupart des pays européens qui connaissent depuis trois ans un regain de la croissance, les dépenses publiques décroissent par rapport au PIB. En Italie, en Espagne, aux Pays-Bas et en Irlande, on observe concomitamment une baisse de la dépense publique et une hausse du taux d'investissement public. Pour être en harmonie avec ce qui se passe dans le reste de l'Europe, le choix raisonnable consiste donc à ne pas profiter de la croissance pour accroître la dépense publique.

Faut-il alors réduire le niveau des déficits publics ? Il convient de privilégier cette option si le niveau d'endettement et de déficit créent un effet d'éviction de l'investissement privé ou si l'on veut se doter de la capacité de le réaugmenter suffisamment en cas de récession ultérieure. En Europe, les déficits publics persistent et le taux d'endettement public ne régresse que lentement. En outre, les taux d'investissement privé n'ont amorcé leur remontée que trop récemment pour que cela soit vraiment significatif.

Il ne semble donc pas illogique d'accompagner un mouvement européen de réduction des déficits publics. Il convient toutefois d'apporter un léger bémol par rapport à l'objectif de moyen terme des européens en ce sens. Il est en effet patent que la baisse de l'endettement public se traduit depuis trois ans par le fait que la part des intérêts sur la dette publique dans le PIB baisse régulièrement. Pourtant, si l'on s'oriente vers une réduction progressive du déficit public européen dans les cinq prochaines années, à quoi faudra-t-il l'affecter ?

Mon sentiment est que le dossier du fonds de réserve des retraites n'est pas étranger à notre débat. En effet, une fois le fonds de réserve doté, son rendement sera, sur longue période, largement supérieur aux taux d'intérêts servis sur la dette publique. Aussi, serait-il plus sage de préconiser l'affectation des sommes correspondant au désendettement public à la dotation du fonds de réserve, plutôt qu'à la réduction immédiate du déficit public. En un mot, oui à une baisse raisonnable et de long terme des déficits publics, mais dans un cadre plus global, qui ne néglige pas l'affectation aux fonds de réserve des retraites : c'est notre différence avec les ultras de la baisse idéologique du déficit public ! La réduction du déficit public doit laisser une place à notre gestion sur le long terme du problème des retraites.

S'agissant de la baisse des impôts, quel enseignement faut-il tirer de la concurrence fiscale européenne ? En l'absence d'entente, le risque est que les pays visent la baisse du taux d'imposition sur les facteurs de production, le travail qualifié, le capital, l'épargne, cependant que les facteurs immobiles -tels que le travail non qualifié, l'immobilier ou la consommation--seraient plus imposés. L'absence de coordination aurait ainsi pour effet de réduire le taux direct d'imposition et la taxation de l'épargne.

Mon sentiment est que nous sommes dans une phase intermédiaire qui autorise la réduction des taux d'imposition, sans toutefois verser dans le jeu sans fin de la concurrence fiscale européenne. De ce point de vue, il est tout à fait salutaire de ramener nos taux d'imposition à des niveaux comparables à ceux de nos voisins et de relancer la coopération fiscale en Europe. Dans le cas inverse, il est évident que nous serions tous perdants. Alors que les investissements à l'étranger des entreprises européennes progressent rapidement, les Européens ont, par exemple, tout intérêt à réfléchir sur des incitations fiscales communes pour redresser les gains de productivité et le niveau de l'investissement productif.

J'en viens au rôle de la baisse des impôts dans le contexte de croissance que nous connaissons actuellement. Avant que ne survienne le choc pétrolier, on était en droit de se demander s'il ne fallait pas viser davantage des mesures destinées à soutenir l'offre plutôt que la demande. Les indicateurs économiques nous disaient en effet que la demande interne progressait plus vite que l'offre. Mais le choc pétrolier remet à l'ordre du jour des mesures de redistribution du pouvoir d'achat et la baisse de l'impôt en fait naturellement partie.

Si nous voulons conserver une demande interne, dynamique, la baisse de l'impôt constitue un mécanisme stabilisateur efficace. Cette baisse est d'autant plus souhaitable que l'on enregistre des signes de détérioration de la confiance des consommateurs et des entreprises dans la zone euro. La baisse de l'impôt doit ainsi pouvoir servir d'instrument de politique économique contra-cyclique. Dans la zone euro, la baisse des impôts devrait atteindre 55 milliards d'euros et bénéficier directement aux ménages européens, pour l'équivalent d'1 % de leur revenu disponible brut.

Dans la phase de croissance mouvementée que nous allons traverser, la baisse de l'impôt est utile à la croissance des Européens et il faudra encore l'amplifier. Il est impératif que l'on redistribue une fraction significative des rentrées fiscales à la baisse des impôts, ou bien le ralentissement de la croissance, non compensé par une stimulation de la demande, se soldera mécaniquement par une hausse des prélèvements obligatoires. Enfin, la baisse des impôts est d'autant plus nécessaire que nous ne pouvons pas compter, demain, sur une politique monétaire européenne expansive : c'est bien à un resserrement monétaire auquel nous assistons depuis quelques mois. La réponse est alors limpide : stimulons la demande interne par la baisse des impôts et encourageons la mise en place d'un cadre fiscal coopératif, pour éviter les effets négatifs de la concurrence fiscale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Deniaud - Je reviendrai brièvement sur les éléments de cadrage sur lesquels se fonde le présent projet : les mauvaises habitudes dénoncées dans le rapport Lambert Marini ont la vie dure, les prévisions hasardeuses aussi.

Votre hypothèse de croissance à 3,4 % pour 2000 ne sera pas tenue et la base de départ en est faussée. Ainsi, le PIB n'atteindra pas 9 188 milliards. Quant à atteindre 3,3 % en 2001, qui peut encore y croire raisonnablement ?

L'analyse du moral des Français ne permet pas d'augurer d'une progression de 3,5 % de la consommation et le baril de pétrole à 25,8 dollars relève du v_u pieux. Par ailleurs, l'écart de croissance annoncé entre les Etats-Unis et l'Europe rend illusoire la perspective d'un euro à 0,95 dollar, alors qu'il peine à rester proche de 0,85 dollar.

Pour ce qui concerne l'investissement des entreprises, le Gouvernement serait bien inspiré de tirer les enseignements de l'excellente note de la Caisse des dépôts qui démontre qu'il n'y a pas de problème d'investissement des entreprises françaises -qui savent se rendre compétitives- mais qu'il y a un problème d'investissement en Europe et en France.

Nos entreprises investissent, certes, mais beaucoup à l'étranger, et l'investissement direct net en France est négatif depuis 1998.

Le taux de profit de nos entreprises est bon grâce à ces investissements à l'étranger. Il faudrait rendre la France plus attirante pour les entreprises françaises et étrangères ; vous n'en prenez pas le chemin !

Il y a donc fort à craindre que vos prévisions ne volent en éclats et que la France se retrouve en 2001 avec un problème inverse de celui de la cagnotte : un nouveau creusement du déficit et de la dette...

La diminution de la dette de l'Etat doit relever de la discipline budgétaire, donc de la maîtrise des dépenses publiques. Tel n'est pas le cas.

Vous pourriez, par ailleurs, traiter d'autres aspects de la dette grâce aux produits des privatisations. La privatisation, vous la pratiquez, mais vous l'avez honteuse... d'ailleurs je n'ai pu trouver nulle part un tableau officiel de la capitalisation boursière détenue par l'Etat.

Pourtant, la réalisation d'une partie seulement de ce patrimoine permettrait de dégager quelques centaines de milliards au bénéfice des Français.

Pourquoi, par exemple, ne pas solder la dette sociale, qui est d'environ 200 milliards, ce qui vous permettrait de supprimer le prélèvement CRDS pour tous ?

Pourquoi ne pas régler aussi le problème du chemin de fer ? Vous versez 13 milliards par an à Réseau Ferré de France jusqu'en 2001, mais il faudra continuer ensuite, sauf à laisser RFF augmenter, à due concurrence, les péages payés par la SNCF, mais c'est alors à cette dernière qu'il vous faudrait verser la même somme...

Si les produits de privatisation étaient affectés à effacer la dette de RFF, le budget de l'Etat y gagnerait 12,6 milliards. C'est précisément le montant de la redevance télé, que vous pourriez ainsi supprimer, à la grande satisfaction des Français et comme le demandait naguère notre rapporteur général.

De tels exemples montrent combien le dogmatisme fige la capacité à prendre des décisions utiles à l'intérêt général.

Mais je veux à mon tour insister, après Michel Bouvard, sur l'effondrement de l'investissement public. Je suis de ceux qui croient à l'investissement public, vous y renoncez totalement !

Non seulement vous n'avez pas profité de la croissance des années écoulées pour accroître l'effort de l'Etat, mais il s'effondre.

Même en 2001, l'investissement civil passant à 79 milliards, contre 81 en 2000, et même 84,5 puisque vous incluez dans le budget général les 3,5 milliards du FITTVN qui n'y figuraient pas l'an dernier. Sept pour cent de chute, voilà qui prépare l'avenir...

Alors que nos concitoyens comptent sur l'Etat pour garantir un équipement et un aménagement cohérent des pays, vous vous déchargez sur les collectivités territoriales. Depuis deux ans, leurs investissements ont dépassé ceux de l'Etat et l'écart se creuse, avec de forts risques d'inégalités entre régions et de manque de cohérence dans les programmes.

Qui plus est, le budget de l'aménagement du territoire baisse de 10 %, atteignant le niveau ridiculement symbolique d'un millième du budget de l'Etat. Quel désastre !

Pour le reste, je dénonce, comme mes collègues de l'opposition, un budget trop dépensier en fonctionnement, insuffisant pour réduire le déficit et les impôts, et qu'une conjoncture plus médiocre, hélas de plus en plus probable, pourrait faire exploser.

Puisse le Gouvernement écouter la voix de la raison dans le reste de la discussion budgétaire. Mais, pour le moment, nous ne pouvons que lui manifester notre désaccord le plus complet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean Vila - Nous abordons ce débat budgétaire alors que la reprise de la croissance s'est largement confirmée en 2000. Ces derniers mois, le rythme des créations d'emplois s'est accéléré, et les recettes fiscales ont fortement progressé, ce qui a permis de faire reculer le déficit public, et de financer un collectif budgétaire qui a donné la priorité à la justice sociale, grâce à des baisses d'impôts au profit des ménages. En 2001 devraient se concrétiser de nouvelles avancées dans la voie du changement suivie depuis juin 1997.

Il est vrai que le contexte économique et politique a changé, que l'euphorie du printemps a laissé place à une certaine inquiétude et que les attentes sociales se sont transformées en une certaine impatience, voire en une certaine exaspération, car le haut niveau de croissance de ces trois dernières années s'est conjugué avec l'aggravation de la précarité et des inégalités.

La situation s'est largement améliorée, mais pas partout ni pour tous. Si les revenus financiers et les patrimoines ont explosé, les salaires n'ont pas progressé plus que l'inflation, et la pauvreté a gagné du terrain en dépit de tout ce qui a été fait pour faire reculer l'exclusion.

Si les nouvelles technologies de la communication et de l'information ont tiré l'économie, de nombreux bassins d'emploi ont continué à subir des suppressions d'effectifs et des fermetures de site, y compris dans les établissements des grands groupes industriels et financiers dans lesquels la logique financière a imposé des opérations de fusion-acquisition et des restructurations industrielles meurtrières pour l'emploi.

Mais je veux ce soir centrer mon propos sur les collectivités locales. Certes des avancées ont été opérées ces trois dernières années, mais il faut aller beaucoup plus vite vers un véritable pacte de croissance et de solidarité qui tienne compte de la diversité des besoins des collectivités locales.

La commission Mauroy vient de rendre son rapport, et il convient d'inscrire les dispositions de ce budget dans la perspective d'une nouvelle étape dans la décentralisation.

Les collectivités locales, en particulier les communes, doivent aujourd'hui faire face aux conséquences sociales et humaines de la précarité et d'un chômage, qui recule certes, mais avec de profondes inégalités géographiques et sociales.

Des besoins nouveaux en équipements sociaux apparaissent, ainsi que la nécessité de rechercher une démocratie plus vivante, plus participative, à partir d'un véritable statut pour les élus du suffrage universel.

Le passage aux 35 heures, la transformation des emplois jeunes en emplois statutaires correctement rémunérés, avec une formation de qualité, supposent des moyens importants.

Avec l'application de la loi de juillet 1999, le développement de l'intercommunalité va faire exploser la DGF et la DCTP. Un fonds spécial devrait donc être créé.

On ne saurait par ailleurs sous-estimer l'importance des investissements que les collectivités locales devront engager dans les prochaines années. Leurs obligations légales pour le secteur de l'eau et de l'assainissement ont été ainsi évaluées entre 130 et 170 milliards et le traitement des déchets entre 60 et 80 milliards, alors que la sécurité et la protection civile nécessiteront plusieurs dizaines de milliards. Il est donc capital qu'elles bénéficient bien davantage des fruits de la croissance. A cet égard, l'évolution de l'ensemble des dotations et la DGF devraient prendre en compte la totalité de la progression du PIB, et au moins progresser de 50 % dès 2001.

M. Gilbert Meyer - Très bien !

M. Jean Vila - Quant à la dotation globale d'équipement, elle devrait passer progressivement à 10 % pour toutes les dépenses d'investissement, mais il convient de supprimer, dès cette année, les 0,4 % destinés à financer la révision des bases cadastrales qui n'a pas eu lieu.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Jean Vila - Le relèvement de la cotisation minimale de taxe professionnelle, qui est passé de 1 % à 1,2 % en 2000 et qui sera stabilisé à 1,5 %, doit être redistribué aux collectivités et non venir abonder le budget de l'Etat.

Le relèvement des taux de cotisation de péréquations, dont le taux a doublé en 2000, doit être affecté au FNPTP.

Il convient également de rendre aux communes la possibilité de modifier le taux de taxe professionnelle en le déconnectant des autres taux.

Il est vraiment urgent d'engager une réforme d'ensemble de la fiscalité locale, qui restaure l'autonomie fiscale de collectivités aujourd'hui trop dépendantes de la compensation des exonérations d'impôt décidées unilatéralement par l'Etat.

La suppression de la vignette, taxe impopulaire, détournée de son objet quasiment dès sa création, est légitime mais elle pose aussi la question d'une ressource équitable pérenne et adaptée pour les départements, qui méritent toute leur place dans la modernisation et dans la démocratisation des institutions.

La compensation au franc le franc de la suppression de la vignette pénalise les collectivités départementales qui, comme la Seine-Saint-Denis, bien que supportant d'importantes charges d'aides sociales, ont une politique de modération fiscale. Certains départements, comme la Marne, ayant joué la carte du dumping, d'autres ayant choisi d'augmenter sensiblement la vignette pour mener leur politique, il sera difficile de trouver une solution optimale. Mais il faudra en tout état de cause, améliorer d'ici à la deuxième lecture, le dispositif proposé.

Nous proposons depuis le départ d'intégrer les actifs financiers des entreprises dans l'assiette de la taxe professionnelle. La suppression de la part salariale de cette taxe, qui n'a été subordonnée à aucune obligation de création d'emplois, a pu provoquer des effets contraires à ceux recherchés. Les profits supplémentaires induits par cette suppression ont pu être placés au détriment des actifs physiques. Notre proposition, partagée par de nombreux parlementaires de sensibilités différentes, vise un double objectif : réalimenter le produit de la taxe professionnelle et inciter les entreprises à donner la priorité aux investissements productifs. Une taxe à 0,5 % rapporterait quelque 70 milliards soit, rapportée à la population et après péréquation, une recette supplémentaire de 1 250 F par habitant. Nous souhaitons que des dispositions concrètes soient prises dès 2001 et en tout état de cause avant la fin de la présente législature.

J'appelle également votre attention, Monsieur le ministre, sur la situation de France Télécom qui déroge au droit commun fiscal, ce que contestent les élus locaux. Dans l'intérêt de l'entreprise comme dans celui des collectivités locales, il faut mettre un terme à cette situation. Nous souhaitons dès cette année le retour au droit commun, assorti d'une certaine péréquation entre communes.

L'arrêt de la surcompensation au titre de la CNRACL fait également l'unanimité. Si certains aménagements ont été décidés l'an dernier, il faut prendre à bras le corps ce problème : la CNRACL ne pourra pas tenir très longtemps le rôle de pivot qui lui a été dévolu dans le financement des régimes spéciaux.

Il faut aussi mieux prendre en compte le revenu dans le calcul de la taxe d'habitation -il y va de la justice fiscale. Nous proposons de la plafonner à 0,2 % du revenu et d'en exonérer les revenus inférieurs au SMIC, l'Etat assurant la compensation.

Nous insistons également pour que dès cette année nos concitoyens les plus modestes puissent être exonérés de la taxe foncière sur le bâti.

Faire vivre un véritable pacte de solidarité en vue d'une croissance mieux partagée exige de conforter la situation financière des collectivités locales, laquelle demeure fragile, alors même qu'elles sont en première ligne de la bataille pour l'emploi et le développement équilibré du territoire.

C'est avec ce souci de construire et de renforcer la cohérence entre les objectifs affichés et les moyens mobilisés que les députés communistes abordent ce débat budgétaire. Ils souhaitent que leurs propositions qui, le plus souvent se font l'écho de la préoccupation des élus de toutes sensibilités, soient effectivement prises en compte (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Georges Tron - Bien que me refusant à jouer les Cassandre, je juge très optimistes nombre des hypothèses de ce budget. Celui-ci y perd en crédibilité.

Le rythme actuel de la croissance est tombé de 4,2 % au second semestre 1999 à 2,5 % au premier semestre 2000. Le prix des matériaux de construction a, pour sa part, augmenté de 10 à 40 % depuis le début 2000 et celui des matières premières de 10 à 30 %. Le commerce extérieur a été déficitaire pour le deuxième mois consécutif. Les créations d'emplois marchands, qui se sont établies à 150 000 au premier semestre, ne devraient pas dépasser 90 000 au second. L'inflation a augmenté de 0,2 % en août et de 0,6 % en septembre. Quant à la consommation des ménages, elle n'a augmenté que de 2,8 % en rythme annuel alors que le rythme escompté était de 4,5 %. Vos hypothèses sont donc bien audacieuses, d'autant que la situation actuelle au Proche-Orient ne laisse pas augurer d'une baisse du prix des produits pétroliers. Or, vous ne dites mot des manières d'anticiper les conséquences de ces événements. Vous ne dites non plus rien des incidences du cours de l'euro.

Dans un tel contexte, chacun en conviendra, il eût été plus prudent de mieux maîtriser le dépenses publiques. Je limiterai mes observations à la fonction publique.

Comme vous le savez, Monsieur le ministre, le Gouvernement français s'est engagé en février dernier dans un mémorandum remis à Bruxelles à ne pas accroître le nombre de fonctionnaires. Certes, le Premier ministre a déclaré ici même qu'il ne s'agissait pas d'un dogme intangible. Cela étant, pouvez-vous nous dire clairement et hors de toute polémique, pourquoi cet engagement n'a pas été tenu ? A-t-on eu tort de le prendre ? A-t-on tort de ne pas le respecter ? Il faut trancher. Par ailleurs, en se soustrayant ainsi à une règle communautaire, ne fragilise-t-on pas tout l'édifice de la construction européenne ?

Le conseil d'analyse économique de Matignon partage la même interrogation : il craint en substance que nous ne soyons entrés dans une zone de risque où le flou entourant les stratégies économiques et l'absence de coordination entre les politiques européennes ne peuvent être que nuisibles. On ne saurait mieux dire.

Sur le fond, vous créez 11 400 emplois nouveaux de fonctionnaires, qui s'ajoutent aux 4 000 prévus dans le cadre du plan de résorption de l'emploi précaire et aux 5 000 destinés aux enseignants recrutés en surnombre. Ces embauches ont été décidées alors que les premiers décrets relatifs à l'application des 35 heures dans la fonction publique viennent tout juste d'être pris et que tous les détails de cette application ne sont pas encore connus. N'est-ce pas contradictoire ? De même, n'est-il pas surprenant de faire l'impasse sur les engagements que pourrait prendre M. Sapin à l'occasion des négociations salariales promises pour cet automne... mais dont le calendrier n'est toujours pas fixé ? N'est-il pas paradoxal que la décision de quelque 20 000 embauches n'ait été précédée d'aucune étude d'impact sur l'introduction des nouvelles technologies ni d'aucune réflexion sur l'équilibre souhaitable entre externalisation et internalisation pour certaines tâches ? L'Observatoire de l'emploi public vient tout juste d'être installé : n'aurait-on pu attendre ses premiers travaux ? Enfin, ces embauches vont s'effectuer au moment même où la pyramide des âges de la fonction publique offrait une chance unique de la moderniser. Le départ à la retraite de 40 % des agents de l'Etat d'ici à 2010 donnait l'occasion de revoir en profondeur l'organisation et les relations du travail.

De deux choses l'une : ou bien la fonction publique aspirera la majeure partie des futures classes creuses, et il s'ensuivra une pression à la hausse sur les salaires du privé, ou bien -plus probablement selon moi- elle échouera à attirer des jeunes gens de qualité. Or, la décision -fondée ou non, la question n'est même pas là- d'accroître fortement les effectifs a été prise sans qu'une réponse ait été apportée au préalable à cette interrogation, comme si notre pays persistait à plaisir à cultiver une sorte de spécificité dont il ne tire pourtant, outre d'acerbes observations des institutions internationales et de la Commission européenne, qu'une rigidité accrue de ses dépenses publiques, déjà constituées à quelque 43 % de traitements et de pensions. Cette incohérence et cette précipitation sont pour le moins déconcertantes (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Michel Suchod - L'idée fallacieuse selon laquelle les surplus budgétaires successifs constitueraient autant de « cagnottes » a au moins le mérite de montrer que c'est en période de vaches grasses que se pose de la façon la plus éclatante la question-clé de la politique budgétaire : que faire de l'argent dont on dispose ?

La réduction du déficit, premier côté du « triangle des possibles » -qui n'est pas le triangle des Bermudes (Sourires)-, offre l'avantage de diminuer le poids de la dette. En 2001, le déficit budgétaire devrait tomber à 186 milliards, et l'ensemble des déficits publics à 1 % du PIB, et j'approuve d'autant plus le Gouvernement de n'être pas allé au-delà de cet objectif très maastrichtien que le dynamisme spontané des recettes fiscales nous laisse escompter, dans le contexte favorable actuel, un surplus d'une vingtaine de milliards par rapport aux prévisions affichées.

Je m'attarderai davantage sur le deuxième côté du triangle, à savoir la baisse des impôts, dont les députés du Mouvement des citoyens ne sont pas, l'on s'en doute, des zélotes, pas plus que ne l'était Montesquieu, qui écrivait : « Sans impôt, il n'est pas de République ». D'où une triple question : comment, pour qui, dans quel but ?

La baisse, comment ? Dans la clarté, car le fait que les parlementaires ne soient informés des décisions qu'après tout le monde est de mauvaise méthode. N'est-il pas significatif que ce soit dans les médias qu'ait eu lieu, cet été, le débat sur les vertus comparées de la suppression de la vignette et de celle de la redevance, et non au sein de la commission des finances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR) ) La réforme de l'ordonnance de 1959 devra faire du Parlement un lieu où l'on débatte davantage.

La baisse, pour qui ? Ayant retenu de la lecture des bons auteurs le principe de la progressivité de l'impôt, je m'étonne, pour le regretter, que cette progressivité se trouve érodée : sur 140 milliards d'allégements fiscaux, en effet, 78 bénéficieront au quart le plus riche de nos concitoyens. On me rétorquera que la baisse des impôts profite naturellement à ceux qui en paient le plus, mais il y a tout de même des limites, et je ne suis guère consolé d'apprendre que l'érosion de la progressivité de l'impôt sera compensée par celle du caractère universel de la CSG, car le résultat global sera surtout bénéfique aux deux bouts de la ligne, tandis que les classes moyennes se sentiront grugées quelque peu.

M. Jean-Jacques Jegou - Très bien !

M. Michel Suchod - La baisse, enfin, dans quel but ? Selon nous, la défense de l'emploi. Pour avoir critiqué l'augmentation de deux points de la TVA décidée par M. Juppé, je déplore que son successeur ne l'ait réduite que d'un point et qu'il n'ait pas persévéré sur la voie des baisses ciblées -en faveur de la restauration, par exemple.

Troisième côté du triangle : les dépenses publiques. Une baisse des impôts moins forte et conçue différemment aurait permis de mieux doter certains services publics, au premier rang desquels la police de proximité, qui ne bénéficie que de 704 emplois nouveaux - et je doute que l'on puisse combler cette lacune en faisant appel aux fonctionnaires massivement recrutés par les compagnies républicaines de sécurité en 1968... Autre priorité : nos prisons. On me répondra qu'elles font l'objet d'un plan décennal, mais Louis Mermaz et moi-même avons fait, en visitant celle de Basse-Terre, un voyage au c_ur du XVIe siècle, et si j'ai recommandé la fermeture de celle de Molsheim en la qualifiant de « stalag », c'est parce que, construite à la veille de la guerre, elle a bel et bien servi à cet usage. Enfin, n'eût-il pas été décent de consacrer un ou deux milliards, sur 140, à améliorer le niveau de vie des retraités agricoles, au lieu de leur opposer de sempiternelles raisons supérieures ? Et je ne parlerai ni de la santé, ni de l'éducation, ni de la culture...

Une observation pour conclure. Budget après budget, les collectivités territoriales s'inquiètent pour leur autonomie fiscale : une année, on supprime la part régionale de la taxe professionnelle ; l'année suivante, c'est la vignette ! Il faut plus de concertation préalable (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) et, surtout, le courage de faire la grande réforme de la fiscalité locale que chacun attend. J'espère donc que le Premier ministre saura donner suite au rapport Mauroy dans des délais rapprochés, car il est toujours de très mauvaise politique de commander des rapports qui ne servent qu'à éviter de traiter les problèmes accumulés (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Je répondrai brièvement aux orateurs de ce soir, afin que nous puissions aborder sans trop tarder, demain, la discussion des articles.

M. Gantier a évoqué les questions liées à la croissance. Celle-ci, depuis 1997, est revenue, et n'a jamais été inférieure à 3 % par an. Le cap est fixé : c'est celui d'une politique économique active, favorisant une expansion équilibrée, non inflationniste. Il y a, c'est vrai, des goulets d'étranglement : nous sommes passés, en trois ans et demi, d'une pénurie générale d'emplois à une pénurie de main-d'_uvre dans certains secteurs, mais le fait que le taux de chômage soit revenu de près de 13 % à moins de 10 % et doive tomber à moins de 8 % d'ici la fin de la législature est un beau résultat, qui signe le succès de la politique suivie.

M. Gantier s'est également inquiété de la sincérité des comptes publics. Il se rassurera certainement s'il examine leur présentation telle qu'harmonisée avec les normes internationales : en 2001, nos déficits publics seront, pour la première fois depuis vingt ans, inférieurs à 1 % du PIB, c'est-à-dire que nous serons dans la moyenne de la zone euro, alors que nous étions à la traîne en 1997 (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Quant à la dette, son poids a effectivement augmenté, mais c'était entre 1993 et 1997 : il s'est accru de 20 points entre ces deux dates, et a régressé de 3 points depuis.

Mme Marre a fait de très pertinentes remarques sur les régimes sociaux, la fiscalité agricole et les entreprises individuelles. Son rapport fera date. Nous nous en sommes déjà inspirés et d'autres propositions qu'elle a faites sont à l'étude.

Je ne reviendrai pas sur trois points. D'abord, le besoin de financement qui décroît plus vite en France que chez nos partenaires. Ensuite, les prélèvements obligatoires qui devraient décroître de 0,5 point par an en 2000 et 2001. Enfin, l'évolution de la dette publique -et c'est un plaisir que d'énoncer ces chiffres : le poids de la dette dans le PIB est de 57 % contre 60 % lorsque nous sommes arrivés aux affaires. Le budget de l'Etat est en excédent primaire depuis 2000, et il sera de 50 milliards en 2001.

M. Brard a mis l'accent sur la priorité donnée à l'emploi, le sens de la baisse d'impôts, les oubliés et sur la lutte contre l'exclusion. En 1997, le taux de chômage était de 13 % ; il sera inférieur à 8 % à la fin de la législature. Quant aux baisses d'impôts, elles ne sont pas sans principe mais favorisent une politique de l'offre par l'investissement et l'innovation qui rentabilise le travail, par rapport au non travail en baissant la CSG, puis élève le pouvoir d'achat, qui développe l'esprit d'entreprise, bref qui produit de la richesse, et donc de l'assiette, et donc de la solidarité. Utilité structurelle et conjoncturelle s'y rejoignent. En ce qui concerne les oubliés, il est vrai que nous modifions le plan Pons dans les DOM-TOM, pour le moraliser. Il est vrai aussi que nous pouvons aller au-delà de 1,3 fois le SMIC, mais nous ne dépasserons pas 1,4. Passer à 1,5 coûterait en effet 1 milliard supplémentaire. Enfin, nous pourchassons bien les fraudes et je tiens à dire à ceux, moins nombreux qu'on ne le dit, qui partent à Londres ou à Bruxelles qu'ils n'y auront ni la même retraite, ni le même système éducatif, ni le même système de santé. Et l'essence y est plus chère !

Nous avons bien pris note du dispositif original de lutte contre l'exclusion proposé par le groupe communiste où nous avons trouvé sincérité et générosité (Sourires sur les bancs du groupe du RPR). Le successeur de Mme Aubry l'étudiera avec lui.

M. Jegou s'inquiète des baisses d'impôts pour les entreprises. Elles atteindront 80 milliards en 2003, avec la suppression de la part salariale sur la taxe professionnelle, celle des surtaxes sur l'IS de 1995 et de 1997 et l'allégement des charges en fonction de la réduction du temps de travail. Vous proposez de baisser les cotisations sociales, par exemple vieillesse, des salariés, mais est-ce bien raisonnable à la veille du choc démographique de 2005-2010 ?

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, vous ne pouvez pas disconvenir que la baisse est la meilleure des mesures. Quant à la TVA, nous l'avons réduite de 60 milliards parce que vous l'aviez augmentée d'autant en deux ans. La vignette, elle, pénalise la plupart des gens. Sur 30 millions d'automobilistes, il y a 30 000 voitures de luxe, qui bénéficieront d'une réduction importante. Tous les autres y gagneront un important pouvoir d'achat.

M. Michel Bouvard - 135 francs !

M. le Secrétaire d'Etat - On attendait cette suppression depuis 1956, voilà qui est fait. M. Rigal a exprimé sa satisfaction. Ne nous méprenons pas sur le choix entre impôts directs et indirects : les deux doivent baisser, avec discernement et justice. Quant à la TVA sur la restauration, nous y reviendrons plus en détail lors de la discussion des amendements.

M. Dominati a voulu montrer que M. Fabius était socialiste. Il ne s'est pas trompé. Mais il s'est hasardé à poser une équivalence entre libéral et moderne qui n'est pas évidente pour tout le monde ! Il a aussi défendu une politique de l'offre et de soutien aux entreprises que les gouvernements qu'il a soutenus n'ont jamais appliquée... Il a affirmé que la politique de l'emploi n'était pas libérale, ce qui semble être un défaut dans sa bouche, et montré les insuffisances des baisses d'impôts. Il est vrai que 200 milliards en deux ans paraissent modestes quand on les a augmentés de 90 milliards sous M. Balladur et 120 sous M. Juppé !

Je remercie M. Balligand d'avoir souligné la cohérence de nos choix. La maîtrise des dépenses laisse une place au soutien des priorités. Je conviens avec lui de la nécessité d'alimenter le fonds de réserve pour les retraites en prévision du choc démographique. Le Gouvernement proposera donc l'affectation au fonds des recettes de l'UMTS, une mesure logique qu'il vous demande d'adopter.

M. Deniaud a tort en ce qui concerne la baisse des crédits d'équipement. Les moyens d'engagement des investissements civils augmentent notamment de 2,6 %, ce qui montre la place que l'Etat entend prendre dans les nouveaux contrats de plan Etat-région.

M. Vila a évoqué les dotations des collectivités locales. Je rappelle que le contrat de solidarité et de croissance augmente de 2,6 %, soit beaucoup plus que l'évolution de la dépense publique, que la croissance du PIB sera prise en compte pour la première fois à hauteur de 33 %, et que la DGF augmentera de 3,42 %. Ce sont les meilleurs chiffres depuis des années. La compensation de la suppression de la vignette est intégrale et indexée sur la DGF, qui croîtra plus vite que la vignette en 2001. Les départements sont donc gagnants.

M. Tron nous trouve optimistes. Nous tablons c'est vrai sur un prix du pétrole pas très élevé, mais qui nous semble raisonnable. Nous voulons un euro stable et solide, avec l'eurogroupe et l'obtenons, par une sorte de codirection participative, c'est exact. Nous rendons aussi 210 milliards en deux ans à l'économie, un tiers de l'investissement nouveau n'est pas consacré au renouvellement mais à l'accroissement des moyens de production, le pouvoir d'achat est élevé, l'inflation basse et oui, la croissance sera supérieure à 3 %. L'engagement européen porte sur les budgets. Le nôtre reviendra à l'équilibre en 2004. Les hausses d'effectifs ne sont pas calées sur les 35 heures mais sur les besoins exprimés par la jeunesse, dans l'enseignement surtout, et sur ceux de la sécurité, notamment de la police et de la gendarmerie, et nous sommes fiers de préparer par ces 11 607 créations d'emplois la France de demain.

M. Suchod a exprimé un soutien dynamique à la politique du Gouvernement (Sourires), non sans poser un certain nombre de questions parfois acides. L'essentiel est qu'il ait vu la modération de l'évolution des dépenses publiques.

J'espère, Monsieur Suchod, que vous serez prêt à nous soutenir dès demain, avec votre groupe (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce mercredi 18 octobre à 10 heures.

La séance est levée à 0 heure 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 18 OCTOBRE 2000

A DIX HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2001 (n° 2585)

M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.(Rapport n° 2624)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement sur des thèmes européens.

2. Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2001 (n° 2585).

M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.(Rapport n° 2624)

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


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