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Session ordinaire de 2000-2001 - 11ème jour de séance, 23ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 20 OCTOBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2001 -première partie- (suite) 2

          ART. 6 2

          APRÈS L'ART. 6 2

          ART. 7 3

          APRÈS L'ART. 7 10

          ART. 8 14

          APRÈS L'ART. 8 15

          ART. 9 16

          APRÈS L'ART. 9 18

          ART. 10 20

La séance est ouverte à neuf heures trente.

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LOI DE FINANCES POUR 2001 -première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2001.

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ART. 6

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - L'amendement 487 est rédactionnel.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Favorable.

L'amendement 487, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - Dès la loi de finances 2000, le groupe UDF avait proposé d'instituer un impôt sur les sociétés avec trois taux différents, comme le demandent à juste titre les PME. On ne peut pas les imposer comme les grandes sociétés et il faut leur permettre de dégager des bénéfices pour renforcer leurs capitaux propres. Nous sommes heureux de constater que le Gouvernement va dans ce sens. L'article 6 établit un taux réduit d'impôt sur les sociétés lorsque le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions. Mais cet étalement n'est pas assez progressif à notre avis. L'amendement 97 prévoit donc un taux de 15 % en-dessous de 250 000 F de bénéfices, puis de 26 % jusqu'à un million, le taux restant ensuite de 33 %.

M. le Rapporteur général - La commission a préféré en rester au dispositif prévu qui représente déjà une avancée sensible pour les PME.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Le seuil de 50 millions est celui qui définit la petite entreprise européenne. En outre, notre objectif n'est pas d'introduire une progressivité mais de renforcer les fonds propres de ces entreprises. Enfin, le dispositif proposé coûterait 3 milliards. C'est inacceptable si l'on veut maintenir un déficit budgétaire réduit.

L'amendement 97, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 38 est de précision.

L'amendement 38, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Cabal - L'amendement 342 supprime la période de transition. Le nouveau taux réduit de 15 % et 25 % s'appliquerait au 1er janvier 2001 et au 1er janvier 2002.

M. le Rapporteur général - Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Très défavorable. Cela coûterait 3,5 milliards.

L'amendement 342, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 488 est rédactionnel, le 39 de précision, le 489 rédactionnel.

Les amendements 488, 39 et 489, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 6 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 6

M. Jean-Louis Idiart - L'amendement 196 de M. Baert a adapté le statut des sociétés de capital-risque afin d'accroître leurs moyens d'intervenir dans les fonds propres et les comptes courants de PME.

M. le Rapporteur général - La commission a adopté cet excellent amendement et salue le travail de M. Baert. Le sous-amendement 543 modifie simplement des références.

M. le Secrétaire d'Etat - Moderniser le statut des sociétés de capital risque s'inscrit tout à fait dans la politique du Gouvernement pour faciliter la création d'entreprises, donc la croissance et l'emploi, par un développement maîtrisé du risque. Je soutiens sans réserve ce remarquable amendement et je lève le gage. Avis favorable sur le sous-amendement 543.

M. Jean-Jacques Jegou - Je rends hommage à M. Baert pour cet amendement important et complet, mais aussi aux collègues du Sénat qui ont travaillé dans le même sens. Je parlais hier de Business angels. Nous avons besoin de développer le capital-risque. C'est un début prometteur.

Le sous-amendement 543, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 196, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 7

M. Christian Cuvilliez - Nous ne pouvons que nous féliciter de deux des mesures proposées dans cet article relatif à l'impôt sur les sociétés.

D'abord, du resserrement des conditions permettant de bénéficier du régime mère-fille, utilisé par les grands groupes pour diminuer leur impôt. Ce simple aménagement se traduit par un gain de 4,2 milliards.

Nous apprécions également la diminution du taux de l'avoir fiscal pour les dividendes utilisés par des personnes morales et celle de coefficients d'amortissements.

En revanche, la suppression sans conditions de la surtaxe Juppé est en contradiction avec le souci de justice sociale et d'efficacité économique que traduisent ces deux premières mesures. Il en résulte que l'article 7 coûtera en définitive 360 millions en 2001.

En vérité, le taux de l'IS n'est pas excessif et le mode de calcul de cet impôt doit être changé, afin de taxer de manière différenciée les revenus directement issus de l'activité productive et ceux générés par les placements financiers. La suppression de la surtaxe Juppé doit impérativement être conditionnée à un comportement vertueux de l'entreprise en matière d'emploi.

L'abaissement de l'IS pour de grands groupes industriels qui, bien que dégageant des profits records, recourent aux licenciements pour accroître encore leur rentabilité financière ne peut pas être compris, venant d'un gouvernement comme le nôtre. Nous défendrons donc des amendements pour corriger la perspective.

M. Philippe Auberger - Notre philosophie est évidemment différente de celle de nos collègues communistes, pour qui l'impôt sur les sociétés doit avoir un caractère punitif (Protestations sur les bancs du groupe communiste). Pour eux, les entreprises font des bénéfices parce qu'elles ne distribuent pas assez de salaires et elles n'ont pas à se préoccuper du financement des investissements.

Mon amendement 178 a pour objet de supprimer la surtaxe qui a été instituée par la loi de finances rectificative pour 1995 à titre temporaire afin de permettre à la France d'être éligible à l'euro, et qui n'a donc plus de raison d'être. L'allégement proposé par le Gouvernement n'est rien à côté des alourdissements qu'il prévoit dans la loi de finances et dans la loi de financement de la sécurité sociale ; au total, les entreprises ne verront pas leur imposition allégée en 2001.

M. Gilbert Gantier - Les amendements 225 et 226 sont défendus

M. le Rapporteur général - La commission des finances considérant que le rythme de réduction de la contribution proposé par le Gouvernement est excellente, je propose à l'Assemblée de repousser ces amendements. Ce qu'a dit Philippe Auberger sur l'imposition des entreprises n'est évidemment pas exacte ; je renvoie sur ce point à mon rapport écrit.

M. le Secrétaire d'Etat - Les auteurs de ces amendements veulent nous prendre de vitesse, ce qui peut paraître un peu curieux venant des créateurs de la surtaxe Juppé.

M. Christian Cabal - Elle était temporaire !

M. Philippe Auberger - Vous l'avez fait durer plus longtemps que nous !

M. le Secrétaire d'Etat - Nous nous plaçons dans la logique d'une suppression de la contribution à compter de 2003 ; la bonne gestion des finances publiques veut néanmoins que la majorité issue des prochaines élections prenne seule cette décision. C'est pourquoi la réduction prévue par le Gouvernement ne concerne que les années 2001 et 2002.

La suppression de la contribution dès 2001 coûterait 20 milliards. C'est incompatible avec notre objectif de réduction du déficit budgétaire. Nous présentons pour notre part un plan pluriannuel de réforme de l'impôt sur les sociétés raisonnable et cohérent. En conséquence, je demande le rejet de ces amendements.

Les amendements 178 et 225, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement 226.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 480 est défendu.

M. Michel Bouvard - L'amendement 319, identique, l'est également.

Les amendements 480 et 319, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix ne sont pas adoptés.

M. Christian Cuvilliez - Notre amendement 354 tend à maintenir le taux actuel de la contribution pour les grands groupes. Notre objectif, Monsieur Auberger, n'est pas de confisquer les profits des entreprises, mais de faire jouer à la fiscalité un rôle d'incitation à l'investissement et à l'emploi. Le Gouvernement, en juin 1997, avait tiré argument de l'importance des profits dégagés de ces grands groupes pour maintenir la surtaxe Juppé ; or ces profits ont continué à prospérer, comme l'indiquait Le Monde le 30 septembre dernier en constatant que les vingt premiers groupes industriels et commerciaux de notre pays en ont dégagé en six mois autant que pendant toute l'année 1999. Nous ne voyons donc pas la nécessité de priver le budget de ressources indispensables pour financer nos priorités, alors que jusqu'à présent, la surtaxe n'a pas mis ces entreprises sur la paille.

L'amendement 354, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - Tant qu'une entreprise n'est pas sur la paille, n'est-ce pas, Monsieur Cuvilliez, on peut la taxer...

M. Gengenwin propose dans son amendement 368 de supprimer la disposition visant à réduire le taux de l'avoir fiscal des sociétés.

L'amendement 368, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 40 tend à rendre pérenne la diminution à 3 % du taux de la contribution, sans présumer des décisions qui pourraient être prises à l'occasion de la loi de finances pour 2003.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis très favorable. Je lève le gage.

L'amendement 40, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Brard - A défaut de briller par les idées de son groupe, M. Jegou essaie d'exister en critiquant ce que d'autres proposent...

Notre amendement 353 tend à réserver le bénéfice de la réduction aux entreprises qui ont conclu un accord sur la réduction du temps de travail ou qui sont créatrices nettes d'emplois. Nous voulons encourager les entreprises vertueuses, celles qui ont à c_ur de préserver et de développer l'emploi. Aujourd'hui, dans les entreprises, 53,2 % des salariés travaillent 35 heures ou moins. Les catastrophes annoncées par la droite ne se sont pas produites et ces salariés vivent mieux. Le mouvement est donc bien amorcé.

Heureusement, les chefs d'entreprise sont moins idéologues pour vous. Ils savent s'adapter.

Au total, 80 % des salariés concernés jugent le passage aux 35 heures positif ou très positif, et 70 % estiment avoir gagné en qualité de vie. 60 % des entreprises considèrent que la RTT leur a permis de remettre à plat l'ensemble de leur organisation, et de relancer le dialogue social.

M. Jean-Jacques Jegou - Elles ont surtout apprécié l'effet d'aubaine !

M. Jean-Pierre Brard - Quelles que soient les réticences du MEDEF, les patrons peuvent remercier Mme Aubry et le Gouvernement.

Depuis les premiers accords conclus sur la RTT en juin 1998, 270 000 emplois ont été ainsi créés ou préservés. Aujourd'hui, le Gouvernement doit favoriser les entreprises qui servent sa politique et l'intérêt des salariés. La RTT va dans le sens de l'histoire. Notre amendement permettrait d'accélérer son cours. Nous espérons que le Gouvernement saura ainsi faire un geste en faveur des entreprises qui vont de l'avant.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. Christian Cuvilliez - Quel dommage !

M. le Rapporteur général - La fiscalité sur les sociétés doit être lisible. Comme nous sommes très attachés à la RTT, nous avons conditionné les allégements de charges accordés aux entreprises à la conclusion d'accords dans ce domaine. En revanche, l'instrument fiscal ne nous paraît pas adapté.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous nous trouvons en situation de compétition fiscale, malheureusement.

M. Jean-Jacques Jegou - Heureusement !

M. le Secrétaire d'Etat - Ce n'est pas mon point de vue. Il n'est pas sain que les Etats de l'Union européenne se livrent à une telle course.

Imposer les sociétés davantage qu'ailleurs aurait deux inconvénients graves. D'abord les entreprises prennent de plus en plus souvent leurs décisions stratégiques en fonction du régime fiscal des différents pays, et nous devons donc éviter de faire plus de bêtises que les autres. Ensuite, la politique fiscale peut fragiliser l'emploi, dès lors que les entreprises décident de s'installer dans tel ou tel pays selon sa fiscalité.

Le Gouvernement, dans sa politique, doit tenir compte du fait que le taux de l'impôt sur les sociétés est de 25 % en Allemagne, 35 % en Espagne, 30 % au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. La sagesse nous commande d'évoluer dans un sens favorable à nos PME et donc à l'emploi, et aussi à l'harmonisation de la fiscalité au sein de l'Union européenne.

Je suggère donc à M. Brard de retirer son amendement. Si nos arguments ne l'ont pas convaincu, je demande à l'Assemblée de voter contre.

M. Philippe Auberger - De la part du groupe communiste, cet amendement est traditionnel, et ne mérite donc pas un long commentaire.

M. Christian Cuvilliez - Ce n'est pas gentil !

M. Philippe Auberger - Vous pourriez nous éviter des ritournelles !

M. Jean-Pierre Brard - Vous ne connaissez, vous, que les refrains !

M. Philippe Auberger - La RTT donne lieu à un malentendu. Il est plus agréable, en effet, de travailler 35 heures plutôt que 39. Mais les accords conclu dans ce sens comportent une stabilisation des salaires, de telle sorte que le pouvoir d'achat mensuel salarié par tête n'a augmenté que de 0,5 % en 2000. Le groupe communiste trouve-t-il cette évolution satisfaisante, par rapport à une croissance de 3,2 % ? Je constate pour ma part que les travailleurs passés aux 35 heures sont très mécontents de leur rémunération.

L'amendement tend à établir un contrôle permanent et systématique de l'évolution de l'emploi dans les entreprises. Mais de quels emplois s'agit-il ? Comment apprécier la création nette d'emplois ? Nos PME ne peuvent pas prévoir un ou deux ans à l'avance comment l'emploi évoluera chez elles. Certaines d'entre elles doivent parfois différer la réalisation de leurs projets. Faire fluctuer le taux de l'impôt sur les sociétés dans ces conditions est une aberration. C'est un monstre juridique que l'on nous propose. Repoussons-le !

M. Michel Bouvard - Evitons d'accroître les contraintes pesant sur les entreprises. Il existait un système souple d'accès aux 35 heures avant 1997. La majorité a voulu le systématiser. L'effet est favorable sur la qualité de la vie, mais pervers sur les salaires. De plus, la RTT coûte très cher à la collectivité et à l'Etat. Le montant de son financement est supérieur aux dépenses publiques d'investissement civil, qui est ainsi freiné.

M. Jean-Jacques Jegou - Monsieur le ministre, vous avez des alliés bien encombrants, et qui n'ont pas changé.

L'effet des 35 heures n'est pas le même selon la nature des entreprises. Les plus dynamiques d'entre elles adoptent la RTT pour son effet d'aubaine, car elles auraient embauché de toute façon. Les autres disparaissent. De fait, les communistes ne voient pas d'inconvénient à les mettre sur la paille. L'idéal, pour eux, ce sont toujours plus de salariés et de moins en moins d'entreprises.

M. Jean-Pierre Brard - La différence entre nous et nos collègues de droite, c'est que nous pouvons exister sans eux, tandis qu'eux ne savent se déterminer que par rapport à nous.

Pour eux, toute mesure positive est considérée comme une charge, mais ils ne protestent jamais quand il s'agit de la fiscalité sur les revenus du capital. M. Auberger déplore la stabilisation des salaires ; il a raison. Les travailleurs sont mécontents de cette situation ; ils ont raison. M. Auberger va donc aller soutenir les salariés en grève à Joigny pour la revalorisation de leur salaire.

M. Philippe Auberger - Il n'y a pas de grève à Joigny !

M. Jean-Pierre Brard - Je sais bien ! Ecouter la ritournelle de l'opposition, c'est un peu comme écouter aujourd'hui un disque de Marlène Dietrich, un 78 tours poussiéreux et rayé.

Nous maintenons notre amendement, Monsieur le secrétaire d'Etat ! Dans votre réponse, vous avez fait allusion aux risques de délocalisations mais, si je fais abstraction des grands groupes -y compris les sociétés nationales sur lesquelles le Gouvernement devrait bien faire pression-, vous savez bien que l'entreprise Dubois ne va pas décider de son implantation à Montreuil, à Saint-Dié ou ailleurs en fonction des seules dispositions dont nous débattons en ce moment. Elle se déterminera aussi en fonction des infrastructures locales, de transport notamment, et des prestations offertes aux salariés -services de santé et d'éducation, accueil des enfants... Il ne faut pas prendre les chefs d'entreprise pour des imbéciles, comme le fait M. Seillière, Monsieur Jegou ! Ils savent que, chez M. Blair, ils ne trouveront qu'un désert social et que M. Schroëder a passé au désherbant les quelques pousses qui existaient encore chez lui. Ils se trouveront donc mieux de s'implanter en France ! Votre vision idéologique n'a donc que peu à voir avec la réalité, elle est plutôt le symétrique d'un certain catéchisme marxiste ! Nous, nous sommes de plain-pied avec le présent...

L'amendement 353, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - « Quand je gagne, je joue ! », disait Coluche ! Le Gouvernement l'imite lorsque, pour la deuxième année consécutive, il propose d'aménager le régime des sociétés mères et filles pour se procurer, en 2001 comme en 2000, 4,2 milliards de recettes supplémentaires !

M. Christian Cuvilliez - C'est très bien !

M. Jean-Jacques Jegou - Je comprends que les tours de passe-passe opérés dans ces articles 6 à 9 ne vous déplaisent pas ! Le Gouvernement y donne, puis y reprend, de sorte qu'à la fin de l'envoi, il touche quelque 350 millions, annulant par des prélèvements divers et variés les allégements consentis aux entreprises ! D'où les amendements identiques, 98 et 506, visant à supprimer ce paragraphe III.

M. Christian Cuvilliez - Une des bonnes mesures que comprend l'article !

M. le Rapporteur général - Rejet : je note quelque confusion dans votre propos, Monsieur Jegou. Les 350 millions que vous citez représentent le coût de la disposition pour l'Etat. D'autre part, il est évident qu'à terme, les entreprises tireront bénéfice de ces mesures.

M. le Secrétaire d'Etat - Le régime des sociétés mères est fondé sur la possession durable de titres de la filiale, en vue de s'en assurer le contrôle ou d'influer sur sa gestion. L'exigence d'un seuil proportionnel de participation permet de s'assurer que cet objectif est respecté. En revanche, le prix de revient n'est pas révélateur de l'influence exercée par l'associé . En 1987, on a institué un seuil, en valeur absolue, de 150 millions en vue de créer des noyaux stables d'actionnaires pour les privatisations. Cette motivation conjoncturelle ayant disparue, il est logique de supprimer ce seuil qui ne caractérise pas une participation stratégique. En revanche, les conditions d'accès peuvent être assouplies, par un abaissement de 10 à 5 % du seuil proportionnel, de manière à pouvoir prendre en compte des participations dont l'objectif n'est pas uniquement spéculatif. Le régime français ainsi modernisé restera attractif, compte tenu des règles européennes qui exigent une participation d'au moins 20 % et ne prévoient pas de seuil en valeur absolue. La mesure, équilibrée, sera donc bénéfique aux entreprises, comme la suppression de la contribution additionnelle de 10 %, instaurée en 1995 !

Les amendements 98 et 506 mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Jacques Jegou - Les amendements 369 et 507 sont défendus.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 223 est la suite logique de nos précédentes propositions. Comme le II et le III de cet article, le IV reprend ce qui a été donné au I ! Condamnant la surtaxe Juppé avec un bel ensemble, nos collègues le ressuscitent sous une autre forme. Surtout, réécrivant le code général des impôts, le Gouvernement assure un bel avenir aux sociétés d'études et aux cabinets de fiscalistes ! Je l'en remercie au nom de leur syndicat ! Il s'agit en effet d'ajouter à l'article 158 bis une deuxième exception, visant à fixer le taux du crédit d'impôt prévu au premier alinéa à 25 % en 2001, à 15 % à compter de 2002... Quelle entreprise pourra se retrouver dans ce maquis ? Il s'impose donc de supprimer ce paragraphe IV.

L'amendement 369, repoussé par la commission et par le Gouvernement mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 507 et 223.

M. Jean-Pierre Brard - M. Gantier a raison sur un point : la rédaction de ce projet est parfois compliquée -mais comment s'en étonner lorsque certains hauts fonctionnaires se laissent aller à écrire des interprétations pour le Lefebvre ?

Peut-être supplée-t-il ici M. Cochet : M. Gantier s'affirme ici écologiste !

M. Jean-Jacques Jegou - Durable !

M. Jean-Pierre Brard - Et inoxydable ! Si on l'écoutait, il ne serait plus besoin de couper des arbres pour imprimer le code général des impôts, il n'y aurait plus d'impôts, du moins pour ceux qu'il représente...

Notre amendement 352 vise à réduire plus rapidement le crédit d'impôt sur les dividendes versés. En effet, les non-résidents -en particulier les fonds de pension étrangers- bénéficient d'une part sans cesse croissante de l'avoir fiscal attaché aux dividendes de sociétés françaises. Après déduction des retenues à la source, le coût a dépassé 1 milliard d'euro l'an passé ! En accélérant la réduction de cet avoir fiscal, l'Etat gagnerait au bas mot 2 milliards de recettes fiscales supplémentaires, si l'on s'en rapporte aux estimations, variables, du ministère.

L'amendement tend également à inciter les entreprises à investir dans la production, plutôt que dans des participations financières leur permettant de profiter de l'envolée de la Bourse. Il s'agit donc de soutenir la croissance économique, pour asseoir la priorité à l'emploi.

Comment justifier que nous versions quelque 2,7 milliards aux non-résidents américains, au titre de l'avoir fiscal ? Comme la réciprocité ne joue pas, les intéressés en rient !

L'amendement 352, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 508 et 224 sont identiques.

M. Jean-Jacques Jegou - Pour le paragraphe V de cet article, le Gouvernement reprend d'une main ce qu'il donne de l'autre...

M. Philippe Auberger - Et même au-delà !

M. Jean-Jacques Jegou - Tout ceci n'est pas sérieux ; c'est pourquoi notre amendement 508 vise à supprimer ce paragraphe.

M. Gilbert Gantier - L'article 39 du CGI s'étend sur une vingtaine de pages et je défie quiconque d'y reconnaître quoi que ce soit, à part les cabinets fiscalistes, qui vivent des ajouts répétés que nous y faisons.

Ce paragraphe V sur l'amortissement dégressif n'est pas acceptable. Vous avez dit, Monsieur le ministre, « qu'il ne fallait pas faire plus de bêtises que les voisins », reprenant ainsi une phrase que Wilfried Baumgartner avait prononcée à une époque où l'économie était beaucoup mois ouverte ! Aujourd'hui si nous faisons trop de bêtises, certaines entreprises iront s'installer ailleurs, pas forcément dans les paradis fiscaux, mais dans des pays comme l'Irlande, où la fiscalité n'est pas aussi abracadabrante que la nôtre.

L'amendement 508 et l'amendement 224, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur général - L'amendement 41 est de précision.

M. le Secrétaire d'Etat - Accord.

L'amendement 41, mis aux voix, est adopté.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances - Je tiens à appeler l'attention de notre Assemblée sur le problème préoccupant du remboursement de l'avoir fiscal à des non-résidents. Ce système a été mis en place en 1969 dans le cadre de conventions internationales permettant d'éviter une double imposition. Il permet de rembourser tout ou partie de la retenue à la source par imputation sur l'avoir fiscal. Dans certains pays comme la Grande-Bretagne le versement dépasse même la retenue à la source.

En ce qui concerne les fonds de pension américains, ils ont été autorisés, d'abord par une décision de M. Sarkozy, puis par la convention fiscale de 1994, à bénéficier d'une partie de l'avoir fiscal alors qu'ils ont un régime fiscal dérogatoire dans leur propre pays, ce qui devrait les exclure de cet avantage.

Il conviendrait donc de supprimer ce remboursement, comme l'a fait l'Allemagne. La France est l'un des derniers pays à autoriser de tels transferts.

Cette suppression ne remettrait pas en cause les conventions fiscales en vigueur car celles-ci ont une valeur juridique supérieure. En revanche, elle aiderait le législateur à en dénoncer et renégocier certaines et à réduire ainsi des avantages injustifiés qui ont permis à des fonds étrangers d'entrer pour une part considérable dans les capitaux des entreprises françaises et de leur imposer des critères de rentabilité à court terme.

Une solution alternative, qui rentrerait, elle, immédiatement en vigueur, consisterait à réduire l'avoir fiscal à un taux très faible -5 %- pour les non-résidents. En revanche, il ne paraît pas possible de viser spécifiquement les fonds de pension car ils ne constituent pas une catégorie juridique identifiée.

Les fonds de pension américains et britanniques font d'excellentes affaires en France et c'est anormal : nous leur faisons plus de cadeaux que les autres ! Nous ne sommes pas obligés de continuer. Ainsi s'explique mon amendement 453.

M. Christian Cuvilliez - Notre amendement 450 est similaire, ce qui montre que la majorité plurielle à une certaine cohérence sur les sujets fondamentaux. Je souscris à l'argumentation du président Emmanuelli. L'avoir fiscal permet aux gros contribuables d'échapper à une partie de l'impôt sur le revenu. Accorder cet avantage à des non-résidents est une aberration complète. Certes, nous ne pouvons modifier les conventions internationales, mais l'aménagement que nous proposons permettrait d'avancer.

A défaut, nous serons obligés de voter contre cet article.

M. le Rapporteur général - Vous mettez le doigt sur un vrai problème. Néanmoins la commission des finances n'a pas cru devoir voter ces amendements dans la mesure où l'article 7 répond aux préoccupations que vous exprimez : ses diverses dispositions aboutiront, pour les Etats-Unis par exemple, à un taux de remboursement inférieur aux 5 % que vous proposez.

Restent quelques difficultés que la négociation de certaines conventions internationales devrait permettre de régler. J'aimerais que M. le ministre nous rassure sur ce point.

Et il faudra bien un jour aborder la question de l'avoir fiscal des personnes physiques.

M. le Président - Sur le vote de l'amendement 453, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

M. le Secrétaire d'Etat - Vous avez soulevé une vraie question et la sensibilité du Gouvernement rejoint celle de la majorité plurielle. L'évolution historique s'est faite longtemps, y compris sous les gouvernements de gauche, dans le sens que vous critiquez aujourd'hui. Depuis quelques années, nous tentons de redresser la barre, avec une certaine efficacité.

Les lois de finances adoptées depuis 1998 ont fait passer le taux de l'avoir fiscal accordé aux personnes morales dont le siège est en France de 50 % à 45 %, puis 40 %. L'article 7 de ce projet prévoit une nouvelle réduction à 25 % en 2001 et à 15 % en 2002. L'avantage est donc réduit par cette catégorie.

Comme vous le savez, les conventions fiscales signées avec certains Etats étrangers prévoient en faveur des non-résidents le transfert d'un avoir fiscal égal à celui dont bénéficierait un résident. Les nouveaux taux vont donc s'appliquer à eux aussi.

Pour un dividende de 100 F, le montant de l'avoir fiscal retenu à la source passera de 42,50 F avant 1999 à 12,75 F en 2002, si l'article 7 est adopté, ce qui répond à votre préoccupation. Par ailleurs, nous renégocions actuellement la convention avec le Royaume-Uni, dans le sens que vous souhaitez. Quant au transfert de l'avoir fiscal dont bénéficient les fonds de pension étrangers, il s'explique, historiquement, par la volonté d'attirer des capitaux étrangers en France. Cette politique a été arrêtée depuis quelques années : les nouvelles conventions -par exemple, celle passée avec la Russie- ne prévoient plus ce transfert, et pour les fonds de pension étrangers qui bénéficient du transfert de l'avoir fiscal, à savoir ceux de l'Autriche, des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, du Japon et des Pays-Bas, le taux de cet avoir passera progressivement de 50 % avant 1999 à 15 %. Certes, il y a sans doute un dysfonctionnement du système fiscal, et je vous propose d'adresser à l'Assemblée nationale, par l'intermédiaire de la commission des finances, un rapport pour servir de base à la définition des étapes ultérieures. Nous ne devons toutefois pas oublier que nous sommes liés en la matière par des accords internationaux, qui comportent d'ailleurs souvent une clause de réciprocité. Il faut éviter de décourager l'épargne et l'investissement en France.

M. Jean-Jacques Jegou - Bel exercice !

M. le Président de la commission - Il est vrai que ce n'est pas le moment de créer des turbulences. Mais mon amendement est applicable dans le cadre des conventions internationales. Néanmoins, j'accepte de le retirer. Il faut tout de même réfléchir, même si la période n'est pas propice aux réformes, à une simplification qui est le souci de l'ensemble des parlementaires, et sans doute aussi le vôtre, Monsieur le ministre. Tout cela est trop compliqué. Le taux applicable à la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu est en réalité, par le jeu des abattements, inférieur à ce qu'il est en Allemagne. C'est la même complexité pour l'avoir fiscal : d'autres pays ont supprimé ce mécanisme et affecté le gain qui en résulte à une diminution du taux de l'impôt sur les sociétés. N'est-ce pas plus clair ? Je supplie donc les brillants cerveaux de notre administration : simplifiez ! simplifiez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Jacques Jegou - Très bien !

M. Jean-Pierre Brard - L'amendement 453 est repris. Nous sommes nombreux à être revenus du centralisme démocratique. L'évasion fiscale et la fraude fiscale privent l'Etat de ressources importantes. Le Gouvernement doit davantage mettre en pratique les positions claires qu'il prend à ce sujet dans les instances internationales. Sur cette question de l'avoir fiscal, qui n'est pas nouvelle, il est important que la majorité plurielle s'exprime !

A la majorité de 44 voix contre 5 sur 52 votants et 49 suffrages exprimés, l'amendement 453 n'est pas adopté.

M. le Président - L'amendement 450 subit le même sort.

L'article 7, modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 7

M. Gilbert Gantier - L'amendement 234 est défendu.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

L'amendement 234, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Cuvilliez - L'amendement 442 vise à ramener le taux de l'avoir fiscal à celui de l'impôt sur les sociétés, ce qui rapporterait plusieurs milliards à l'Etat. L'avoir fiscal est discutable dans son principe même. Il n'existe pas aux Etats-Unis ; d'autres pays y ont renoncé. Quand le taux de l'impôt sur les sociétés était de 50 %, l'avoir fiscal distribué pour un bénéfice de 100 F était de 25 F, soit la moitié de l'impôt sur les sociétés. Aujourd'hui, pour un bénéfice de 100 F, la société paie 33 F d'impôt sur les sociétés et distribue 67 F, ce qui ouvre droit à un avoir de 33 F supporté par les finances publiques et constitue un avantage disproportionné.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. Cette mesure nuirait à la capacité de l'économie française à financer l'investissement grâce à l'augmentation des fonds propres des entreprises.

L'amendement 442, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Auberger - L'amendement 171 est défendu.

L'amendement 171, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - L'article 209 du code général des impôts vise à ne pas faire bénéficier de l'avoir fiscal les sociétés implantées dans des paradis fiscaux. Mais tous les pays dont la fiscalité est plus faible que celle de la France ne risquent-ils pas d'être considérés comme des paradis fiscaux ?

Nous proposons par l'amendement 227 de préciser qu'on n'est pas dans un paradis fiscal lorsque l'entité hors de France, ayant principalement pour objet de détenir des participations, est située dans un pays membre de l'Union européenne et n'est pas exclue du bénéfice de la convention fiscale liant la France à ce pays. Sinon, c'est l'Union européenne qui n'a plus de sens.

M. le Rapporteur général - Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Très défavorable. Je m'étonne, Monsieur Gantier, que vous puissiez proposer un tel amendement, qui affaiblirait la lutte contre l'évasion fiscale. La position de l'administration est clairement exprimée dans une instruction de 1992. Ni une convention fiscale, ni le droit communautaire ne font obstacle à l'application de l'article 209B du CGI. Votre proposition revient, au fond, à y faire échapper les holdings. J'y suis vraiment hostile.

M. Gilles Carrez - Je suis surpris de cette réponse. Ce qui inquiète très précisément M. Gantier, c'est que la notion de paradis fiscal étant liée à la différence de fiscalité avec la France, elle va finir par concerner l'Allemagne, le Royaume-Uni et d'autres pays qui, à force de baisser les impôts, sont dans une situation fiscale vraiment différente de la nôtre. Il propose donc, par précaution, de spécifier que l'article 209B ne s'applique pas aux pays de l'Union européenne, avec lesquels nous recherchons l'harmonisation fiscale. Que l'on ait ce type de préoccupation montre que c'est la France qui devient un enfer fiscal (Exclamations sur les bancs du groupe communiste).

M. Gilbert Gantier - Je ne comprends pas. Je n'ai pas défendu des paradis fiscaux lointains, mais les pays de l'Union européenne. Nous cherchons à harmoniser le droit et avons passé des conventions avec eux. Considérer qu'ils seraient des paradis fiscaux est incompréhensible.

L'amendement 227, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président de la commission - Je retirerai l'amendement 454, mais il est bon d'évoquer ces questions en séance publique.

On parle de paradis fiscaux. La France en est un pour ces grandes sociétés qui, grâce au « bénéfice mondialisé » ne payent pas l'impôt sur les sociétés. Cela coûte à l'Etat 4,5 à 5 milliards. Je sais bien pourquoi on a instauré ce dispositif. Mais le résultat, c'est que des sociétés prestigieuses, et en particulier Elf-Total dont les résultats cette année montrent qu'elle n'est pas vraiment en difficultés, ne payent rien. C'est vraiment être très généreux ! Il n'y a pas à craindre que ces groupes -tel constructeur automobile par exemple- dont la stratégie obéit à bien d'autres critères, se délocalisent si on les remet, simplement, dans le droit commun. Des millions d'autres entreprises ne bénéficient pas de ces accords négociés au bord de la Seine.

Je souhaite que la commission des finances obtienne un rapport sur le bénéfice consolidé au niveau mondial. Je ne suis pas sûr qu'il soit compatible avec les règles européennes de la concurrence. De toute façon, ce dispositif extrêmement généreux n'est pas justifié.

M. Yves Cochet - Très bien !

M. Jean-Pierre Brard - Je reprends l'amendement 454. Il serait injuste que cette contribution de M. Emmanuelli passe par pertes et profits, ou qu'il l'ait faite pour le Roi de Prusse, si j'ose dire.

Cependant, je suis prêt à le retirer à mon tour en échange de la liste des grandes entreprises qui pratiquent ce système immoral pour se soustraire à la solidarité nationale et qui seraient ainsi livrées à la vindicte populaire.

M. le Rapporteur général - La commission a été attentive, comme toujours, aux questions soulevées par son Président. Mais elle n'a pas souhaité adopter cet amendement car elle peut comprendre qu'on institue des dispositifs permettant d'égaliser les conditions de la concurrence pour les sociétés françaises qui investissent à l'étranger. Le problème est seulement de savoir jusqu'où l'on va. Je ne crois pas que la France soit un paradis fiscal pour les grandes entreprises, mais il serait intéressant que le Gouvernement apporte des précisions et les éléments d'une comparaison internationale.

Il est effectivement choquant que les grandes compagnies pétrolières ne payent rien au titre de l'impôt sur les sociétés. Mais un article du projet les soumet justement à une contribution exceptionnelle. Cela répond en partie au souci de M. Emmanuelli. Si l'amendement n'est pas retiré, j'en demande le rejet.

M. le Secrétaire d'Etat - L'existence du régime du bénéfice mondial consolidé vient de ce que l'impôt sur les sociétés, en France, a un caractère étroitement national. Il fallait bien trouver un système qui tienne compte de l'internationalisation croissante des activités des entreprises.

D'autre part, ce régime n'est pas choisi librement par les entreprises : un bureau spécialisé de la direction générale des impôts doit donner son agrément. Il prend évidemment en considération l'intérêt de l'Etat, celui du développement de l'entreprise et l'équité fiscale.

Par ailleurs, dans les autres pays de l'Union européenne, l'impôt sur les sociétés n'étant pas territorialisé, le système n'est pas identique, mais tient compte de la mondialisation des entreprises.

Enfin, peu nombreux sont les entreprises qui bénéficient de ce système et presque toutes paient des impôts ; il ne faut pas assimiler le système du bénéfice mondial à un système d'évasion fiscale. Il s'agit d'ailleurs d'entreprises très diverses, parfois de taille moyenne qui ont réussi à conquérir des marchés dans le monde et dont il ne faudrait pas contrecarrer le développement. Je demande donc au groupe communiste de retirer cet amendement ; à défaut, j'en souhaite le rejet.

M. Jean-Jacques Jegou - Je remercie le ministre de ce qu'il vient de dire. En revanche, je regrette que M. Brard tienne des propos qui ne vont pas dans le sens de l'apaisement, même si je suis d'accord pour qu'on cherche à détecter d'éventuelles anomalies.

M. Jean-Pierre Brard - M. Jégou confond apaisement et opacité... Seuls les grands groupes recourent à ces « trucs » ; les PME-PMI ne savent même pas que cela existe.

S'agissant du système d'agrément, il serait bon que la mission d'évaluation et de contrôle se penche sur la manière dont il fonctionne. Certes, les fonctionnaires appliquent les règles mais peut-être celles-ci ne sont-elles pas les bonnes ? Au demeurant, il est anormal que, comme j'ai pu le constater à l'occasion de mon travail sur la fraude, des fonctionnaires de l'administration fiscale se livrent à une exégèse des règles en vigueur, dans des manuels utilisés par ceux qui cherchent à contourner ces règles !

Puisque vous n'êtes pas favorable, Monsieur le ministre, à ma proposition de publier une liste de ceux qui recourent à cette pratique, nous maintenons notre amendement.

L'amendement 454, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez - L'amendement 172 est défendu.

L'amendement 172, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Mon amendement 146 tend à soutenir l'économie solidaire.

M. le Rapporteur général - La commission ne l'a pas retenu, non qu'elle ne soit pas sensible à cette préoccupation, mais parce que des dispositions sont prévues dans le texte sur l'épargne salariale et qu'en outre, le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire souhaitera sans doute proposer un dispositif complet, auquel M. Yves Cochet apportera certainement sa contribution.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement a montré hier, sur un précédent article, son ouverture sur ce sujet, mais il faut laisser au secrétaire d'Etat le temps d'élaborer une politique d'ensemble. C'est pourquoi je demande à M. Cochet de bien vouloir retirer son amendement.

M. Yves Cochet - Je le maintiens.

L'amendement 146, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - Mon amendement 232 tend à rendre l'imposition forfaitaire annuelle déductible de l'impôt sur les sociétés sans limitation de durée, afin de ne pas pénaliser les entreprises en difficulté.

Mon amendement 231 est également défendu.

L'amendement 232, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 231.

M. Michel Bouvard - Le report en arrière du déficit permet aux entreprises passibles de l'IS d'imputer le déficit constaté à la clôture d'un exercice sur les bénéfices des trois exercices précédents. Au vu du fonctionnement actuel du système, l'amendement 170 corrigé de M. Auberger tend à remplacer le système de mobilisation de la créance auprès d'un établissement financier par un remboursement de la créance l'année suivant celle de la clôture de l'exercice au cours duquel l'option a été exercée.

M. Gilbert Gantier - Mon amendement 230 est également défendu. Le mécanisme du retour en arrière -qu'on appelait carry-back lorsqu'il a été créé- est excellent mais il faut lui donner toute sa portée.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable, d'une part parce que cette mesure serait coûteuse, d'autre part parce qu'elle créerait un déséquilibre avec le régime normal.

M. le Secrétaire d'Etat - Lorsqu'en 1985 j'ai proposé le système du carry back, l'objectif était de renforcer les fonds propres des entreprises et de permettre la création de quasi fonds propres.

L'idée n'était pas de réduire l'imposition des entreprises, mais de renforcer ces dernières. Cet objectif a été atteint, le dispositif, modifié à plusieurs reprises, donne satisfaction aux entreprises, et suffit tel qu'il est.

Les amendements 170 corrigé et 230, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 233 est défendu.

L'amendement 233, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Avec notre amendement 355, nous tenons à revenir sur le coût pour les finances publiques de la distribution d'avoir fiscal à des personnes non résidentes. Comme l'indique le rapporteur général, ce coût s'est élevé à 6,6 milliards en 1999, soit 25,8 % du coût budgétaire de l'avoir fiscal attaché aux dividendes des sociétés françaises. Ce montant est exorbitant, même s'il va être réduit grâce aux dispositions adoptées à l'article 7. Il est donc nécessaire d'aller au-delà. Si le rapporteur général relève que le problème du transfert de l'avoir fiscal, spécificité française, demeure principalement pour les non-résidents, les personnes physiques et les sociétés étrangères assimilées aux sociétés-mères, il n'en conclut pas qu'il faille supprimer ce dispositif. Il est vrai que des conventions internationales ont été signées. Mais comme la part des non-résidents dans le coût budgétaire de l'avoir fiscal va croissant, les conventions devraient être révisées sur ce point.

De plus, comment expliquer la décision unilatérale de la France au profit des résidents des Pays-Bas, pays auquel ne nous unit aucune convention ? Dans ce cas, nous pourrions supprimer le bénéfice de l'avoir fiscal immédiatement. Envers les Pays-Bas, nous faisons montre d'une mansuétude invraisemblable. Lorsque votre administration demande aux autorités néerlandaises, sur la base des accords signés, de contrôler une société française domiciliée chez eux, ceux-ci vont s'enquérir auprès d'elle pour savoir si elle est d'accord. Vous imaginez la réponse !

On mesure ainsi d'un côté la mauvaise volonté néerlandaise à coopérer avec l'administration française, de l'autre la mansuétude des autorités françaises.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Nous avons déjà eu cette discussion. Je vous suggère de retirer l'amendement, à la lumière de nos précisions et dans la perspective du rapport que devra présenter le ministre. Pour le reste, nous pourrons reparler de cette question en commission des finances.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis pour le rapporteur général. Comment faire pour qu'une entreprise de dimension mondiale, qui témoigne, dans le domaine aéronautique, de la supériorité technologique européenne, maintienne son activité en France plutôt que de domicilier son siège et ses opérations en Hollande ? Voilà la vraie question, celle de savoir où se situeront les centres de recherches, les emplois, la croissance.

La réponse se trouve ans la comparaison entre les fiscalités. A nous de faire en sorte que la nôtre soit compétitive.

M. Jean-Pierre Brard - Nos amendements ont pour intérêt de nourrir la discussion.

Nos partenaires devraient coopérer loyalement et ils font tout le contraire. Les Hollandais organisent en fait la fraude fiscale au travers des Antilles néerlandaises, auxquelles les lient des conventions spéciales, et même très spéciales. Face à cela, le Gouvernement doit se montrer plus pugnace. Le problème est que participe à ces pratiques déloyales une très grande famille des Pays-Bas que je ne veux pas nommer car, comme dit son homologue britannique, « Honni soit qui mal y pense ! »

J'accepte de retirer l'amendement si nous travaillons sur cette question, et sur d'autres comme le moratoire Sarkozy relatif à la navigation de plaisance, qui subsiste sans aucune base légale.

M. le Secrétaire d'Etat - Je félicite M. Brard de sa constance, et de la qualité de ses analyses. Je compte que nous poursuivions la discussion sur tous ces points, et je le remercie de retirer son amendement.

L'amendement 355 est retiré.

M. Gilles Carrez - Les entreprises françaises déposent de moins en moins de brevets, en particulier dans le domaine pharmaceutique. C'est très préoccupant. Une raison tient au coût du dépôt et de la maintenance des brevets, qui est plus élevé chez nous et en Europe qu'aux Etats-Unis. Notre amendement 167 tend à y remédier par la création d'un crédit d'impôt équivalant au quart du montant des frais de dépôt et de maintenance.

M. Gilbert Gantier - Notre amendement 229 est identique. Le dépôt de brevets contribue substantiellement au développement économique et technologique. Le crédit d'impôt peut y aider efficacement, et ne coûte rien aux finances publiques puisqu'ils `agit d'une avance.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Rejet également.

J'ai diminué de moitié la taxe sur le dépôt de brevet au 1er janvier 2000.

Les amendements 167 et 229, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gilles Carrez - L'amendement 168 est défendu.

L'amendement 168, repoussé la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard - L'amendement 265 est défendu.

M. Gilbert Gantier - Le 298, identique, l'est aussi.

Les amendements 265 et 298, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gilles Carrez - L'amendement 169 est défendu.

L'amendement 169, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ART. 8

M. le Rapporteur général - L'amendement 531 est de cohérence.

M. le Secrétaire d'Etat - Et il est très utile.

L'amendement 531, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 490 est rédactionnel.

L'amendement 490, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 8

M. Christian Cuvilliez - Notre amendement 360 reprend une demande que nous formulons chaque année. Il s'agit d'amorcer la suppression de la taxe sur le salaires pour les associations d'intérêt général. L'expression même de « taxe sur les salaires » devrait être bannie, et cette disposition anachronique supprimée de notre régime fiscal. L'année 2001 marquera une nouvelle étape dans la réduction de la part salariale de la taxe professionnelle : l'Assemblée a supprimé la taxe Juppé et allégé l'impôt sur les salaires dû par les PME-PMI -sans que nous soyons assurés d'ailleurs d'atteindre les objectifs assignés-, mais il faut tenir la balance égale et prendre des dispositions équivalentes pour les services publics de santé et pour le mouvement associatif ? Ce que nous venons de décider s'agissant de la vignette n'a qu'un aspect assez symbolique. Nous proposons donc, par l'amendement 360, d'amorcer une décrue de la taxe sur les salaires due par les associations reconnues d'utilité publique et par les hôpitaux. Ce serait une bonne façon de préparer, pour les premières, l'anniversaire de l'an prochain et, pour les seconds, de les aider à surmonter leurs difficultés financières !

M. le Rapporteur général - Dix milliards : l'amorce est de taille ! Il y a sans doute là matière à réflexion, mais vous savez déjà qu'après un ample débat, la commission a repoussé l'amendement et vous ne serez donc pas surpris que j'en demande le rejet.

L'amendement 360, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Cuvilliez - L'amendement 359 est défendu.

L'amendement 359, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - Une fois n'est pas coutume, M. Cuvilliez vient de plaider dans un sens raisonnable : il voulait bannir de notre vocabulaire les mots « taxe sur les salaires ». Malheureusement, son amendement ne concernait que les associations et les hôpitaux...

Exception française -rien d'équivalent n'existe dans toute l'OCDE-, cette taxe est un frein à l'emploi dans tout le secteur marchand exonéré de TVA et une incitation à la délocalisation. D'où l'amendement 520, que M. Cuvilliez devrait bien voter, lui qui est si attaché à l'euro et à la défense de la place de Paris !

Le rapporteur général m'opposera -c'est son rôle- le coût de la mesure. Mais l'avenir de notre secteur financier et de nos compagnies d'assurances ne compte-t-il pour rien ? Si nous ne mettons pas à profit cette période de croissance et de bonnes rentrées fiscales, nous ne ferons jamais la réforme que l'on demande de toutes parts ! Au reste, je propose de répartir l'effort sur cinq ans : la réfaction serait de 20 % l'an prochain, de 40 % en 2002, de 60 % en 2003, de 80 % en 2004, pour aboutir à une suppression totale de la taxe en 2005 seulement. N'est-ce pas un programme raisonnable, et dans l'intérêt de notre secteur de l'ingénierie financière comme de la place de Paris.

M. le Rapporteur général - Vous faites encore mieux que M. Cuvilliez : la mesure coûterait au total 50 milliards !

M. Jean-Jacques Jegou - Mais sur cinq ans !

M. le Rapporteur général - De plus, comme elle concerne les entreprises et établissements non soumis à la TVA, il faudrait réfléchir, en contrepartie, à une extension du champ de la TVA -ce que vous n'avez pas fait. Enfin, il ne paraît pas souhaitable d'avoir à assujettir les hôpitaux publics à cette même TVA : cela reviendrait à assimiler les prestations de santé à des opérations commerciales. Rejet, par conséquent.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Le coût de la disposition atteignant 10 milliards par an en régime de croisière, je trouve que M. Emmanuelli a fait preuve d'une grande mansuétude en acceptant la discussion de cet amendement : gager ces 50 milliards sur une augmentation de 50 % des droits sur les tabacs aboutirait à porter le prix moyen d'un paquet de cigarettes à 68 F ! La consommation chuterait, mais les recettes aussi... (Sourires)

L'amendement 520, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 235 est un amendement d'équité : il vise à étendre aux professionnels libéraux employant moins de cinq salariés le bénéfice de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle.

L'amendement 235, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ART. 9

M. Christian Cuvilliez - Nous abordons ici la question de la taxation des sociétés pétrolières...

M. Yves Cochet - Ah !

M. Christian Cuvilliez - ...question qui va évidemment susciter la passion. Il est vrai que le gisement est d'importance ! le niveau record atteint par les prix à la pompe a provoqué une modification profonde de l'état de l'opinion et le Gouvernement se doit de prendre au sérieux la situation. Nos concitoyens attendent des gestes très concrets, pour un meilleur partage des fruits de la croissance. C'est à quoi ce budget devrait tendre. Or nous ne pourrons nous contenter des dispositions comprises dans les articles 9 et 10.

Selon la revue Pétrole et gaz, le baril de super coûte actuellement près de 195 dollars. Sur ce total, 30 dollars vont aux pays exportateurs, 29 aux compagnies pétrolières et 136 au fisc des pays consommateurs ! La demande d'une réduction des taxes en France, championne de l'Union européenne en la matière, ne relève donc pas d'une politique opportuniste ou conjoncturelle. Elle mérite d'être étudiée sérieusement. Or cette revendication n'a été que très partiellement entendue. Cependant, on ne peut non plus faire n'importe quoi : la décision doit s'inscrire dans une politique énergétique d'ensemble.

M. Yves Cochet - Oui !

M. Christian Cuvilliez - Comme M. Jospin hier, je me réjouis que la France ait échappé à un nouveau choc pétrolier. Elle le doit à une utilisation diversifiée de l'énergie, au recours à des énergies renouvelables et surtout à son appareil de production nucléaire qui nous a évité de souffrir d'une sorte d'effet de souffle (Protestations sur les bancs du groupe RCV). Toutefois, M. Fabius a raison, il ne faudrait pas que l'OPEP ou d'autres nous dictent nos décisions.

Depuis la révolte de l'été, conduite, non pas par les grands consommateurs mais par des professionnels qui ont souvent su dépasser une vision purement catégorielle, quoi qu'on pense de leurs méthodes, la nécessité d'économiser les énergies fossiles est apparue plus clairement. Il faut également ouvrir un grand débat sur l'énergie, moderniser et consolider notre filière nucléaire (Protestations sur les bancs du groupe RCV) sans négliger les nouvelles formes d'énergie.

D'autre part, -et là je serai d'accord avec M. Cochet-, il est clair que l'envolée des prix et taxes s'est conjuguée avec un transfert massif du fret du rail vers la route. Ce dernier mouvement doit être inversé. Il y faudra une forte volonté politique, étant entendu que la hausse des prix des carburants ne serait pas la solution. Nous présenterons des amendements en ce sens, suggérant notamment des aménagements en matière de TVA, en vue de conserver au Gouvernement la maîtrise de ce secteur tout en répondant aux attentes des Français, que ne satisfait pas la TIPP flottante.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 236 vise à supprimer l'article. On ne peut décemment mener une politique fiscale au coup par coup, en fonction de la conjoncture. Cela ne peut aboutir qu'à des résultats aberrants.

M. Cuvilliez semble oublier que ce que rapporte un baril de brut aux sociétés pétrolières est légèrement inférieur à ce qu'il rapporte aux pays producteurs et très inférieur à la fiscalité ! Il faut donc garder le sens des proportions.

Les autres pays ne recourent pas à des fiscalités aussi discriminatoires que la nôtre.

M. le Rapporteur général - Le dispositif retenu par le Gouvernement est tout à fait légitime et la commission proposera, par un amendement, de l'amplifier : il est normal dans la situation actuelle de demander aux compagnies pétrolières une contribution.

La commission vous invite donc à rejeter l'amendement 236.

M. le Secrétaire d'Etat - Les entreprises de raffinage et de distribution de produits pétroliers ont, du fait de la flambée des prix et de la hausse du dollar, profité très largement, depuis un an, du mécanisme de provision pour hausse des prix, alors qu'en même temps leurs bénéfices augmentaient mécaniquement. Il paraît donc normal d'atténuer cet avantage.

L'amendement 236, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - La remontée du prix du brut a gonflé, de manière historique, les profits des compagnies pétrolières -jusqu'à 300 % pour certaines ! Le groupe Total confirme des profits de 22 milliards pour le premier semestre 2000, soit une progression de 65 %.

Il est donc possible et légitime de réévaluer la contribution demandée à ces compagnies, pour assurer une baisse plus conséquente du prix de l'essence à la pompe. On peut aller plus loin que vous ne le proposez dans votre texte, Monsieur le ministre. Le fait que les compagnies ne protestent pas montre bien qu'il y a de la réserve...

Pourquoi l'Union européenne n'exigerait-elle pas que les contrats soient libellés en euros ? Pourquoi ne pas faire pression sur Total dans le même sens ? Ne serait-ce pas un meilleur moyen de défendre l'euro que les pleurnicheries de M. Duisenberg qui, à chaque déclaration, fait plonger l'euro ?

Les amendements 389 et 390 permettent de faire restituer par les compagnies des profits accumulés de façon illégitime.

M. le Rapporteur général - La commission ne les a pas adoptés, préfèrant son propre amendement, qui porte la taxe à 25 %. Le Gouvernement proposait initialement une contribution exceptionnelle des compagnies pétrolières de 3,5 milliards. Compte tenu de la revalorisation qu'il a opérée et des autres mesures proposées, cette contribution s'élèvera à 5,4 milliards. C'est un effort significatif, auquel s'ajoute notre amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Je trouve très intéressante la suggestion du groupe communiste, de libeller les contrats pétroliers en euros. Actuellement seul l'Irak le fait, et ce n'est sans doute pas l'exemple le plus convaincant pour les autres pays.

La décision n'appartient pas aux pays consommateurs, mais aux pays producteurs. Je ferai cette suggestion à la réunion qui va se tenir à Ryad dans quelques jours.

En ce qui concerne le taux de la taxe, il faut savoir que s'il dépasse celui de l'impôt sur les sociétés, les effets s'annulent pour le trésor public.

Je crois que vous pouvez, sans sacrifier votre objectif politique de justice fiscale, retirer vos amendements et vous rallier à celui de la commission.

M. Michel Bouvard - Personnellement je vais voter l'article 9 car je considère qu'effectivement les profits exceptionnels réalisés par les compagnies pétrolières et dus non à leurs performances, mais à des mécanismes de marché, justifient ce prélèvement. Cela étant, il y a un point d'équilibre à respecter.

Je partage l'opinion de M. Brard sur le fait qu'il faudrait évoluer vers un paiement en euros. La Commission européenne et le Conseil des ministres devraient prendre des initiatives en ce sens auprès des pays producteurs.

A propos de l'Irak, je serais personnellement heureux que l'Europe prenne des initiatives pour lever l'embargo pétrolier, qui ne se justifie plus du tout aujourd'hui : cela remettrait de l'ordre sur le marché. Je déplore qu'une fois de plus, sur ce sujet, l'Europe soit à la remorque des Etats-Unis.

M. le Président de la commission - Très bien !

M. Jean-Pierre Brard - La solution proposée par la commission des finances est un compromis qui permet d'avancer. La notion de pays producteurs est largement fallacieuse, Monsieur le ministre. Dans beaucoup de pays, les mêmes compagnies internationales contrôlent le pétrole du puits à la pompe. D'où l'intérêt de la proposition de commission d'enquête sur les pratiques de ces compagnies qui va être prochainement examinée par notre assemblé et qui intéresse tous nos collègues.

Compte tenu de cette perspective et de l'amendement de la commission, nous retirons nos deux amendements.

M. le Rapporteur général - Les amendements 491 et 42 sont rédactionnels.

Les amendements 491 et 42, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Yves Cochet - A qui profite la hausse du pétrole ? Essentiellement aux compagnies pétrolières. Les résultats des majors anglo-saxonnes au premier semestre sont éloquents. L'augmentation des bénéfices par rapport à ceux de 1999 est de 116 % pour Exxon Mobil et de 95 % pour Shell. Ceux de BP ont triplé ! Et je ne parle pas de Total Fina Elf, bien connue sur les côtes bretonnes, ou en Birmanie, Monsieur Brard, où notre collègue Marie-Hélène Aubert est allée enquêter.

L'augmentation des profits des compagnies pétrolières au 1er semestre est telle que l'amendement 153 propose de porter de 20 à 30 % le taux de prélèvement exceptionnel auquel elles sont soumises. Cela contribuerait au financement de la lutte contre l'effet de serre et permettrait à la France, signataire il y a 3 ans du protocole de Kyoto, de se présenter dignement à la conférence de La Haye. Madame Bricq connaît bien le problème du trafic aérien, qui a augmenté de 12 % cette année à Roissy. Et le kérosène n'est même pas soumis à la TIPP !

Je propose d'affecter les recettes tirées de la mesure proposée au plan national d'économies d'énergie annoncé par le Premier ministre à Lyon le 11 septembre.

M. le Rapporteur général - Nous avons interpellé à plusieurs reprises les compagnies pétrolières dont le comportement, face aux évolutions du marché pétrolier, traduit des arbitrages contraires à l'intérêt du consommateur. Il est donc juste de leur demander une contribution exceptionnelle. En instituant la TIPP flottante, l'Etat s'est pour sa part refusé à profiter de la hausse des prix du pétrole. J'observe, comme Yves Cochet et mes collègues communistes, que les profits des compagnies pétrolières ont considérablement augmenté. L'amendement 43 fait une proposition équilibrée. Je souhaite que les compagnies pétrolières mènent une politique des prix plus conforme aux intérêts du consommateur, et n'exclus pas la reconduction de la taxe exceptionnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Secrétaire d'Etat - L'avis du Gouvernement est très favorable.

L'amendement 153, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 43 et 523, identiques, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur général - L'amendement 44 apporte une précision technique.

L'amendement 44, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 9, modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 9

M. Michel Bouvard - L'amendement 266 tient compte du caractère saisonnier de l'activité des entreprises de remontées mécaniques en instituant une provision destinée à leur permettre de faire face aux risques liés aux intempéries. Je pense pouvoir le retirer.

Mais je veux rappeler que les entreprises de ce secteur, qui réalisent un chiffre d'affaires d'environ 5 milliards de francs et emploient plusieurs dizaines de milliers de personnes, sont soumises à une forte concurrence, et contraintes de reporter leurs investissements, à défaut de provisions défiscalisées.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas adopté cet amendement. Seule une charge probable, et non éventuelle, peut être provisionnée. Le problème que vous soulevez a fait l'objet d'amendements ces dernières années, afin de créer un fonds neige dont le dispositif n'a pas été validé par le Conseil constitutionnel.

Messieurs Bonrepaux et Idiart travaillent à nouveau sur ce sujet. Je préférerais donc que vous retiriez votre amendement, afin de réfléchir, d'ici à la discussion de la seconde partie, à un dispositif qui puisse être validé par le Conseil constitutionnel.

M. Michel Bouvard - Je le retire, en espérant que nous trouverons, en deuxième partie, une rédaction satisfaisante permettant de créer enfin ce fonds neige.

M. Jean-Jacques Jegou - Nos amendements 102 et 101 tendent à faciliter l'acquisition et l'utilisation de véhicules fonctionnant à l'énergie propre : GPL, GNV ou électricité. Le coût et la mauvaise commercialisation des batteries et accumulateurs rendent difficile l'usage de véhicules électriques. Je parlerai donc surtout du GPL et GNV.

Alors que Gaz de France est à même d'acheminer le gaz à peu près partout en France, on ne trouve pratiquement plus de véhicules équipés au GPL et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, s'équiper en bicarburation représente un surcoût de 10 000 F pour l'acheteur. Ensuite non seulement les industriels ne fabriquent plus ces systèmes, mais les équipementiers agréés sont l'objet d'un véritable harcèlement, pour des questions de soupapes ou autres, de la part de petits chefs de service des Mines. Je pourrais citer des cas de captation de carte grise.

Mme Nicole Bricq - C'est vrai. Il y a un terrorisme de sous-chef de bureau !

M. Jean-Jacques Jegou - Cet hiver quand il n'y aura pas de vent nous aurons de nouveau des pics de pollution de niveau 3 à Paris à cause des petits véhicules de livraison, des bus, du ramassage des ordures. Ma dernière visite à Bercy a été édifiante. J'ai une Safrane qui fonctionne au GPL...

M. Yves Cochet - Très bien.

M. Jean-Jacques Jegou - ...comme les véhicules de ma commune du Plessis-Trévise. Bien sûr, je ne parle pas de ceux que je n'aurai jamais, puisque Fiat ne peut pas exporter en France. J'arrive donc sur le parking de Bercy. Et je constate que l'accès en est interdit aux véhicules fonctionnant au GPL !

M. Philippe Auberger - Abomination !

M. Jean-Jacques Jegou - ...Alors qu'on sait bien qu'ils ne présentent pas plus de risques d'explosion que les autres.

En tout cas, il faut vraiment donner des informations précises aux services des Mines. Il faut aussi inciter les industriels -c'est l'objet des amendements 101 et 102- à construire de nouveau des véhicules utilisant l'énergie propre.

M. le Rapporteur général - La commission est sensible à cette argumentation, et intéressée par ces mauvais exemples que vous citez. Cela dit, elle n'a pas accepté les amendements 102 et 101. Il n'y a pas lieu de modifier l'amortissement et le crédit d'impôt n'est pas une panacée. En outre, l'instaurer au 1er janvier 2000 créerait un formidable effet d'aubaine.

Mais s'agit d'un vrai problème sur lequel la commission a souhaité qu'on poursuive la réflexion et qu'on encourage l'utilisation de carburants propres.

M. le Secrétaire d'Etat - Je suis sûr que vos critiques de la DRIRE et du service des Mines ne concernent pas l'ensemble de leur personnel qui accomplissent avec rigueur, compétence et conscience professionnelle, des missions difficiles. Vous vous joindrez sûrement à moi pour leur rendre hommage. Comme vous, Monsieur Jegou, le Gouvernement souhaite que l'on utilise des carburants « plus » propres -on ne peut parler de carburants propres car les produits fossiles émettent toujours des rejets nocifs. Seuls les énergies nouvelles renouvelables et le nucléaire ne présentent pas cet inconvénient.

M. Yves Cochet - Ils en ont d'autres !

M. le Secrétaire d'Etat - Mais le gaz est utile. J'ai demandé à la RATP de poursuivre plus activement l'équipement des bus parisiens cette année.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Je souscris tout à fait aux propos de M. Jegou. Il faut rappeler leurs responsabilités aux compagnies pétrolières, mais il faut également faire évoluer l'administration encore enfermée dans une culture du tout-pétrole.

En revanche les propositions qu'il fait ne me paraissent pas prioritaires. Il faut accentuer l'effort pour encourager l'utilisation de carburants plus propres, mais en orientant vers ces carburants grâce à des aides fiscales. Il faut aussi accélérer l'équipement des flottes de taxis et de bus urbains. J'y reviendrai ultérieurement.

Mme Nicole Bricq - On a déjà fait beaucoup pour que les sociétés équipent leurs véhicules au GPL et au GNV. Cette année, le Gouvernement et la majorité veulent orienter l'effort vers les ménages. Je ne suis donc pas favorable à l'amendement 102. Quant à l'amendement 101, je suis très attachée au sujet qu'il évoque mais mieux vaut en parler dans la deuxième partie de la loi de finances.

M. Jean-Jacques Jegou - N'ayant pas les mêmes moyens que M. Brard, en modeste député d'opposition que je suis, ...

M. le Secrétaire d'Etat - Mais très estimé.

M. Jean-Jacques Jegou - ...je ne ferai pas de marchandage. Je comprends bien les problèmes que peuvent poser mes amendements. Je les retirerai volontiers si le Gouvernement s'engage à agir pour sortir de cette situation où l'on demande d'utiliser des énergies plus propres alors qu'il est impossible d'acquérir des véhicules équipés. La qualité de l'air est en jeu.

M. le Secrétaire d'Etat - Je demanderai à la DRIRE d'Ile-de-France de faire que cessent les légers dysfonctionnements que vous avez mentionnés.

M. Jean-Jacques Jegou - Je retire les amendements 101 et 102.

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ART. 10

M. Yves Cochet - Sur la TIPP dont traite l'article 10, j'aurai de nombreux amendements. Sur un plan général, je reprends d'abord la question que posait Jean-Pierre Orfeuil dans Le Monde : « Faut-il baisser les taxes sur le carburant ? »

Aujourd'hui, le prix des carburants payé par les automobilistes est en moyenne de 6,64 francs. En 1990, il était de 5,88 francs et un 1985, de 7,36 francs -en francs constants, bien sûr. Donc, le niveau de prix actuel est-il exceptionnel ? Non.

Les ménages ont consacré aux carburants en 2000 2,7 % de leur budget. En 1999, 2,5 % ; en 1995 , 2,6 % ; en 1990, 2,7 % ; et en 1985, 4,5 % ! Donc, la charge est-elle insupportable aujourd'hui ? Non.

Enfin, le gazole étant beaucoup moins taxé que l'essence, la taxe prélevée par l'Etat sur chaque kilomètre parcouru n'augmente pas : tous véhicules confondus elle était de 45 centimes en 1985, 38 en 1990 et 37 en 1999 -toujours en francs constants. On aimerait pouvoir en dire autant d'autres impôts...

Ces observations sont corroborées par MM. Patrick Artus et Moncef Kaabi dans le dernier Flash de la Caisse des dépôts. Sous le titre « Le pétrole n'est pas trop cher », ils concluent que même si la hausse du prix du pétrole ralentit la croissance mondiale -c'est une hypothèse-, le pétrole bon marché de la période 1986-1998 a eu des effets pervers massifs, notamment l'arrêt des économies d'énergie et l'augmentation de la pollution.

C'est pourquoi je souhaite qu'on reste ferme sur les prix de l'essence. Nous sommes tous des drogués du pétrole, il faut que nous nous désintoxiquions : selon une étude parue dans The Lancet, la pollution atmosphérique cause en France 18 000 morts prématurés par an... S'y ajoutent les 8 000 morts que provoquent les accidents de la route chaque année, ainsi que les 12 000 handicapés et les dizaines de milliers de blessés. Essayons donc, tous ensemble, de faire évoluer nos modes de transport et de modérer notre utilisation de véhicules à moteur thermique.

La suite de la discussion de la première partie de la loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 50.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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