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Session ordinaire de 2000-2001 - 13ème jour de séance, 29ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 25 OCTOBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

JOURNÉE D'ACTION DES PROFESSIONNELS
DE SANTÉ 2

INSÉCURITÉ 2

HAUSSE DU PRIX DU GAZ 3

EMPLOIS-JEUNES ET RÉDUCTION
DU TEMPS DE TRAVAIL 4

EUROPE DE LA DÉFENSE 5

CINÉMA 6

SÉCURITÉ ROUTIÈRE 6

PRÊTS À LA CRÉATION D'ENTREPRISES 7

HAUSSE DU PRIX DU GAZ 7

APPLICATION DE LA LOI SUR LES 35 HEURES
AUX PETITES ENTREPRISES 8

PÉNURIE DE MAIN-D'_UVRE 9

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE 9

DROITS DE L'ENFANT 10

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001 (suite) 11

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 18

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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JOURNÉE D'ACTION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

M. Pierre Morange - Je pose ma question au nom des groupes RPR, UDF et DL (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Les professions de santé mèneront toutes, demain, une journée d'action « santé morte ».Si elles sont excédées, en dépit de leur conscience professionnelle et de leur dévouement, la faute en revient à votre Gouvernement, qui, au pouvoir depuis trois ans et demi, ne saurait en rejeter la responsabilité sur ses prédécesseurs. En effet, qui accepterait ce qu'elles subissent depuis les sanctions décidées par la CNAM en août dernier ? L'ONDAM 2000, défini en 1999, est irréaliste, comme l'a d'ailleurs relevé la Cour des comptes. Il est anormal que la rémunération d'un acte médical soit sans cesse révisée à la baisse, qu'une incertitude permanente pèse de ce fait sur les revenus de ceux qui le pratiquent. Le projet de Mme Aubry a ainsi transféré la responsabilité d'un certain nombre de soins infirmiers aux auxiliaires de vie, dont le nombre est insuffisant, ce qui diminuera les revenus des infirmiers sans répondre pour autant aux besoins des personnes dépendantes. Et que dire de la cotation des actes des kinésithérapeutes, ramenée au niveau de 1997 ? Il y a là un recul des acquis sociaux et c'est la porte ouverte au rationnement des soins pour tous les Français.

Je vous demande d'annuler ces mesures iniques, prises sur la base de chiffres erronés (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le mouvement de demain a pour origine principale les mesures d'économie prises cet été par les caisses d'assurance maladie, responsables depuis la loi de financement de la sécurité sociale votée l'année dernière de la fixation des honoraires des professionnels de santé. Des mesures positives ont pourtant été mises en _uvre dans le même temps par le Gouvernement, sur proposition des caisses. Ainsi, pour les 48 800 infirmières, 400 millions de francs seront consacrés à l'amélioration des prestations aux personnes âgées dépendantes, soit environ 8 000 F de plus par personne et par an (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Pour les quelque 38 000 kinésithérapeutes, l'action sur la nomenclature aura un effet positif de 800 millions de francs par an, soit un gain net, compte tenu des mesures négatives prises par ailleurs, de 400 millions de francs, c'est-à-dire environ 10 000 F par kinésithérapeute. Je rappelle également que les honoraires de l'ensemble des professions médicales, y compris les médecins, ont augmenté depuis 1998, après avoir subi une baisse en 1996 et en 1997. Le dialogue n'a-t-il pas été suffisamment soutenu ? Je le reprendrai moi-même dès que le projet de loi de financement de la sécurité sociale aura été voté. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Quant à la journée de demain, nous avons pris des mesures pour que les soins soient assurés. Les hôpitaux et les urgences fonctionneront (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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INSÉCURITÉ

M. Christian Estrosi - Ma question est posée au nom de l'union des groupes RPR, UDF et DL (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Le sentiment d'insécurité n'a jamais été aussi fort en France, en dépit des chiffres qui viennent d'être publiés pour camoufler la réalité aux Français. Vous y mêlez en effet les statistiques relatives aux infractions contre les biens, qui sont en baisse, du fait de l'efficacité accrue des protections techniques et des alarmes, et celles qui concernent les violences contre les personnes, qui augmentent. Le chiffre de 20 000 incidents de violence urbaine recensés par la police en 1997 devrait s'élever à 30 000 en 2000. Chaque jour, des centaines de Français sont agressés dans la rue ou à leur domicile. Après les transports publics, l'école est touchée. Or aucune action d'envergure n'est menée face à cette menace qui pèse sur le pacte républicain, alors que les Français attendent de la fermeté. La sécurité est en effet un droit imprescriptible de l'homme et la première des libertés. Il faut, Monsieur le Premier ministre, vous expliquer sur les moyens supplémentaires que vous entendez déployer, car les Français ne sont pas dupes de vos chiffres (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Le Premier ministre a confirmé que la lutte contre l'insécurité constituait, après celle contre le chômage, la deuxième priorité du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Je m'emploierai à la rendre effective sur l'ensemble de notre territoire (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

Une telle lutte devrait impliquer les efforts de tous ceux qui considèrent l'insécurité comme une injustice sociale de plus, mais il ne semble pas que votre attitude soit celle-là ! La délinquance générale a, c'est vrai, augmenté de 3,3 % sur les huit premiers mois de l'année, mais c'est surtout le fait des infractions économiques et financières, en particulier de l'usage frauduleux de cartes de crédit. La délinquance sur la voie publique, et notamment les cambriolages, est quant à elle en légère diminution (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

Nous expérimentons la police de proximité. Les sites concernés connaissent une baisse de la délinquance. La première phase a permis de couvrir 10 millions de nos concitoyens. Je viens d'arrêter les 180 circonscriptions de police supplémentaires qui seront concernées par la deuxième phase, qui s'ouvrira au début de l'année. Enfin, pour renforcer l'efficacité de la police, la Direction de la police nationale a mis à la disposition d'une dizaine de départements sensibles des unités de police supplémentaires, qui viendront s'ajouter aux compagnies de CRS.

La sécurité des personnes et des biens est une valeur de la République et la première des libertés. Nous devons tous nous efforcer d'y contribuer, en dehors de toute polémique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

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HAUSSE DU PRIX DU GAZ

M. Jean-Claude Lemoine - Je pose ma question au nom des trois groupes de l'opposition, car nous sommes capables de préparer des questions ensemble (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Nous avons appris hier par la presse l'augmentation de 12 à 15 % du prix du gaz, alors que certains Français ont déjà vu leur facture augmenter de plus de 25 % depuis le début de l'année et que cette énergie, pourtant moins polluante que le fuel, vaut plus cher. Les utilisateurs, en outre, n'ont bénéficié ni de la baisse, au demeurant trop faible et trop tardive, de la TIPP, ni de l'amortissement fiscal.

Qu'a décidé le Gouvernement, étant donné cette situation intolérable, pour permettre à ces dix millions de foyers, souvent modestes, de se chauffer cet hiver ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je vous prie d'excuser Christian Pierret, qui a la grippe.

Vous savez certainement que les prix du gaz sont fixés par une convention tarifaire, établie en 1997, entre GDF et l'Etat. Cette convention comporte, d'une part, des avantages pour le gaz, tels que l'absence de TIPP et l'assujettissement des abonnements au taux réduit de la TVA ; elle prévoit, d'autre part, que le coût de la ressource est aligné sur celui du pétrole, de sorte que la hausse récemment observée ne peut rester sans répercussions. S'il faut garder présent à l'esprit l'intérêt des abonnés, il faut aussi préserver ceux de l'entreprise publique ; les nouveaux tarifs devant entrer en vigueur au 1er novembre, celle-ci fera des propositions dans les prochains jours, et l'augmentation sera sans doute de l'ordre de 13 % (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), soit bien moins qu'en Allemagne et en Belgique, où elle dépasse 30 % (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

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EMPLOIS-JEUNES ET RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

M. Francis Delattre - Ma question, posée au nom des trois groupes de l'opposition... (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste) Vous-mêmes seriez bien en peine de poser une question commune aux trois groupes de la majorité, notamment sur les recettes du budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Ma question a trait aux promesses sur lesquelles le Premier ministre a fondé sa majorité politique en 1997. Le vote, en effet, n'a pas été acquis sur un programme -vous n'aviez pas eu le temps d'en faire un (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) -, mais sur un slogan à deux têtes : les emplois-jeunes et les 35 heures.

Vous aviez promis 700 000 emplois-jeunes. Je n'aurai pas la cruauté de vous demander comment vous entendez créer, en dix-huit mois, les 450 000 qui manquent, mais plutôt comment vous allez consolider les 250 000 que vous avez créés.

Quant aux 35 heures, c'est de vos propres rangs qu'émanent les plus fortes interrogations quant à leur application aux PME-PMI et les critiques les plus acerbes quant au coût et à l'efficacité du dispositif Aubry. Je souhaite donc vous soumettre les éléments suivants afin de vous amener à contrition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il ressort d'une enquête sur l'attractivité de notre pays, menée auprès de quelque 350 groupes internationaux, que la moitié d'entre eux envisageaient de délocaliser leur siège social ou une partie de leurs activités (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV), à cause de notre hyperfiscalité et des contraintes administratives, telles les 35 heures, auxquelles est soumise la gestion des ressources humaines (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

La loi Aubry aura coûté 110 milliards, soit presque autant que le plan Fabius de baisse des impôts ; en d'autres termes, vous auriez pu, n'était cette usine à gaz, les baisser deux fois plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) Le projet de loi de finances devrait comporter, à la rubrique « dette », une sous-rubrique intitulée « générosité à crédit ; transfert des errements d'aujourd'hui sur les générations futures « (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

Les salariés sont en train de découvrir que les 35 heures ont un coût pour eux : le gel des salaires, qui concerne 47 % d'entre eux selon la revue du ministère du travail lui-même.

Les 35 heures sont un boulet pour notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Qu'allez-vous faire pour nous en débarrasser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Ce n'est pas parce que l'un des vôtres vous a invités à la repentance qu'il vous faut m'inviter à la contrition (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Je ne suis d'ailleurs pas certain que ce vocabulaire religieux ait sa place dans notre République laïque...

Nous n'aurions pas de difficulté à poser des questions communes à nos trois groupes ; encore faudrait-il, pour que nous puissions vous les adresser, que vous ayez formé un gouvernement ensemble, mais les Français n'en ont pas décidé ainsi ! J'observe en revanche que vous insistez, semaine après semaine, sur le symbole de votre union formelle, comme si vous vouliez masquer la profondeur de vos désaccords de fond. Plus que des questions, ce sont des réponses communes que les Français attendent de vous, mais nous en sommes loin ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Je ne sais pas si nous avions ou non, en 1997, un programme, mais le fait est que nous gouvernons depuis trois ans et demi ensemble et que l'ensemble de la majorité a permis au Gouvernement de faire adopter ses projets de loi. S'agissant des emplois-jeunes, nous nous étions engagés à en créer 350 000 dans le secteur public et nous en prenons le chemin ; quant au secteur privé, qui par ailleurs a embauché, nous ne pouvons décider à sa place. En tout cas, nous allons prochainement faire des propositions pour pérenniser et solvabiliser ceux qui dépendent de nous.

Les 35 heures sont une innovation sociale qui a, de plus, un effet économique sur l'emploi (« Faux ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il n'est pas vrai que les salaires aient baissé, et même les salariés qui n'ont pas été augmentés bénéficient, travaillant quatre heures de moins par semaine, d'un gain relatif de pouvoir d'achat. Celui-ci, en moyenne, a d'ailleurs progressé trois fois plus vite, depuis 1997, que sous les gouvernements de MM. Juppé et Balladur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Enfin, s'il est un pays d'Europe qui redoute la décolonisation de grands groupes industriels, c'est plutôt la Grande-Bretagne que la France, où des firmes telles que Toyota savent pouvoir trouver un système de formation et des infrastructures de qualité, tandis que nous nous attachons à réduire le poids de la fiscalité et des contraintes administratives. Je ne crois donc pas que le moment soit venu pour vous de nous donner des leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

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EUROPE DE LA DÉFENSE

Mme Chantal Robin-Rodrigo - L'Europe de la défense est l'une des priorités de la présidence française de l'Union. Le ministre de la défense, qui vient d'intervenir à ce sujet devant la commission des affaires étrangères du Parlement européen, peut-il nous faire part de l'état d'avancement du processus ? Qu'en est-il en particulier de l'objectif fixé à Helsinki, de constitution d'une force de réaction rapide d'ici 2003 ? Quel bilan peut-on faire des six premiers mois de présence de l'Eurocorps au Kosovo ? Nos partenaires ont-ils la volonté de donner à notre continent les moyens de son indépendance militaire ?

Ces avancées s'articulent-elles, enfin, avec la préservation de notre outil industriel de défense ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Alain Richard, ministre de la défense - Le moment est bien choisi pour faire le point de ce dossier important, sur lequel le Gouvernement peut se prévaloir d'un large et utile soutien de la représentation nationale.

La liste des unités et des moyens qui constitueront la force de réaction rapide a été adoptée il y a quinze jours ; la participation de chaque nation a été fixée et sera arrêtée formellement le 20 novembre prochain ; la quote-part de la France devrait être de 20 % environ. Les premiers éléments de cet outil de gestion des crises, défini d'un commun accord par les Quinze, devraient donc être mis en place au cours du premier semestre de l'année prochaine.

En ce qui concerne le rôle de l'Eurocorps au Kosovo, je résumerai les choses ainsi : mission accomplie. Comme je l'ai dit à Strasbourg, à l'occasion de la prise d'armes qui accompagnait le retour des soldats, nous pouvons mesurer les progrès considérables accomplis, grâce à leur présence, dans le retour de ce territoire à la vie civile. C'est la preuve de la plus-value apportée par la méthode européenne.

Sur le plan politique, je constate une convergence des approches de nos quinze nations, pour ce qui concerne l'alliance atlantique en particulier -et les Américains eux-mêmes acceptent à présent que l'Europe s'organise en matière de défense. Par ailleurs de grands progrès ont été accomplis dans l'harmonisation des règles en vue de faciliter les programmes conjoints. C'est ainsi que l'Europe pourra demain dire son mot de façon autonome face aux crises qui se produiront forcément (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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CINÉMA

M. Marcel Rogemont - Les Français vont de plus en plus au cinéma -116 millions d'entrées en 1992, 155 millions en 1999, plus de 160 millions cette année. Deux questions se posent cependant, à propos des multiplex et des cartes d'abonnement. Il ne s'agit pas d'interdire les multiplex, mais d'encadrer leur ouverture, afin de ne pas tuer le cinéma du centre-ville ni le cinéma d'art et d'essai. Quant à la carte d'abonnement, qui est plébiscitée par les usagers -l'UGC en a vendu 130 000 à Paris depuis la fin mars-, elle soulève deux problèmes : celui du lien entre le film et le prix des places, c'est-à-dire de la juste rémunération de ceux qui ont fait le film ; ensuite celui de la concurrence, lorsque l'UGC voit progresser de 26 % en quelques mois sa part de marché. Quelle est votre position sur ces deux sujets, Madame la ministre de la culture ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - En effet, la fréquentation du cinéma se porte assez bien dans notre pays, et on peut en outre se réjouir que la part des films français atteigne 30 %. Pourtant de lourdes menaces pèsent sur l'exploitation, du fait des multiplex et du lancement des cartes donnant un accès illimité. Je partage vos interrogations à ce sujet, et reste très attachée à la diversité du parc de salles. C'est pourquoi j'ai présenté, la semaine dernière, au Sénat, par amendement à la loi sur les nouvelles régulations économiques, plusieurs dispositions encadrant l'ouverture des multiplex. Quant aux cartes, si elles sont bien accueillies en effet par le public, car elles aboutissent à faire baisser le prix des entrées, elles risquent de faire disparaître tout un pan du réseau d'exploitation, et n'apportent pas de garantie sérieuse pour la rémunération des ayants droit : c'est pourquoi le Sénat a adopté un système d'agrément pour ces cartes. Le Gouvernement ne peut en effet accepter que des initiatives privées, prises sans concertation, compromettent un système d'aides à la création et un aménagement culturel du territoire où chacun a trouvé jusqu'ici sont profit (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. Armand Jung - Nous vivons dans un monde paradoxal : on fait des campagnes publicitaires sur la vitesse des voitures, et on déplore 8 000 morts par an sur les routes françaises. Vous avez pourtant mis en _uvre des moyens importants, Madame la ministre, en mobilisant les services de police et de gendarmerie, et je me félicite que le nombre des tués ait pu baisser de 13 % dans le Bas-Rhin. C'est que la fatalité n'est pas seule en cause. En effet : la vitesse, l'alcool, le non-respect du code de la route restent la première cause des accidents, avec la fatigue au volant -et les piétons et cyclistes paient souvent un lourd tribut. La sécurité routière a été déclarée « grande cause nationale » cette année, et une semaine de la sécurité routière va s'ouvrir au cours de laquelle le Gouvernement doit rendre publiques différentes mesures interministérielles. Quelle sera leur inspiration ? Quel message adresserez-vous aux conducteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Je connais votre engagement en faveur de la sécurité routière, Monsieur le député (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Dans moins de deux heures, le Premier ministre présidera un comité interministériel sur la sécurité routière, le troisième depuis1997 (Mêmes mouvements). Il n'y en avait eu aucun de 1994 à 1997 ! Je n'anticiperai pas sur les résultats de cette réunion, mais je rappelle que, depuis cinq mois, 400 vies ont été épargnées grâce à la mobilisation de tous, et qu'avec 7 600 tués en un an, on est parvenu au nombre le plus bas depuis 1954. Mais c'est encore insuffisant, et c'est un résultat fragile, il faut poursuivre la mobilisation, agir sur les infrastructures, mieux protéger les usagers les plus fragiles, améliorer la formation. Et j'en appelle tout spécialement à la prudence des automobilistes pour la période de Toussaint (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. le Président - J'invite nos collègues à visiter la belle exposition consacrée à la sécurité routière dans un salon voisin de l'hémicycle.

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PRÊTS À LA CRÉATION D'ENTREPRISES

M. Eric Besson - Je suis heureux de poser à M. Patriat sa première question d'actualité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). En avril, lors des états généraux de la création d'entreprises, le Premier ministre a annoncé des prêts à la création d'entreprises. Six mois plus tard, les premiers prêts sont disponibles. Pourriez-vous apporter quelques précisions quant à leurs modalités ? Seront-ils disponibles sur l'ensemble du territoire ? Par ailleurs, quelles seront vos priorités ? Continuerez-vous l'action engagée par vos prédécesseurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - Les conclusions du rapport que vous avez remis à Mme Lebranchu -au travail de laquelle je rends hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) ont été lues et suivies d'effet. Mme Lebranchu, qui a organisé plusieurs rencontres régionales, dont une s'est tenue à Montélimar, a pu, sur place, mesurer l'inquiétude des jeunes entrepreneurs et l'ampleur des besoins. En avril, le Premier ministre avait annoncé la mise en place de prêts à la création d'entreprises ; c'est maintenant chose faite et ces prêts peuvent, depuis le 10 octobre, être demandés aux établissements financiers. Le montant de chaque prêt ne pourra excéder 50 000 F, que la banque prêteuse aura la possibilité de doubler. La durée maximale en sera de 5 ans, et aucune garantie ne sera demandée.

Pour 2001, 20 000 prêts sont prévus, pour un montant total de 300 millions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Je rappelle enfin que 167 000 créations d'entreprises ont eu lieu en 1998, 190 000 en 1999 et qu'à ce jour on en comptabilise déjà 20 000 de plus pour 2000. Pour autant, nous n'entendons pas en rester là. C'est pourquoi, au vu des conclusion du rapport dont le Premier ministre a confié la rédaction à M. Bockel en septembre, nous organiserons la transmission des entreprises (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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HAUSSE DU PRIX DU GAZ

M. Jean-Paul Bacquet - Conscient de l'inquiétude des Français, qui ont dû faire face à une très forte augmentation du prix des carburants pour automobiles et du fuel domestique, le Gouvernement a pris des mesures destinées à amortir l'impact de cette hausse pour les professions les plus touchées.

On apprend maintenant qu'après avoir progressé de 6 % en mai, le prix du gaz augmentera à nouveau, dans une fourchette comprise entre 10 et 15 %. On imagine les conséquences d'une telle hausse sur le budget des ménages, alors que l'hiver approche, et sur celui des entreprises qui utilisent cette énergie. Le Gouvernement prendra-t-il, pour le gaz, des mesures propres à limiter les hausses trop fortes, comme il l'a fait pour le pétrole lorsque le prix du baril a par trop grimpé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je vous répondrai à la place de M. Pierret, toujours grippé (Sourires). Chacun le sait, 5 % seulement de la consommation de gaz est, en France, d'origine domestique. Or le prix du gaz importé évolue parallèlement à celui du pétrole. Le nouveau prix sera arrêté prochainement. L'entreprise et le Gouvernement tiendront compte à la fois du prix de revient de la ressource, de l'intérêt des usagers et de l'intérêt de la France, qui doit préserver son indépendance énergétique, notamment en diversifiant les énergies qu'elle achète (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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APPLICATION DE LA LOI SUR LES 35 HEURES AUX PETITES ENTREPRISES

M. Hervé Morin - Avant d'en venir à ma question, j'invite M. le Premier ministre à faire preuve d'un peu plus de modestie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Le projet de loi de finances n'a été adopté, hier, qu'à la majorité de 10 voix et encore a-t-il fallu, pour arriver à ce résultat, si l'on en croit un grand journal du soir, que M. Jospin se saisisse de son téléphone pour convaincre les députés Verts et communistes de ne pas commettre l'irréparable. C'est dire que pour la cohésion, il y a fort à faire au sein de la majorité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Hier, Madame Guigou, vous n'avez pas répondu à la question que vous avait posée mon collègue Deniaud à propos de l'application des 35 heures. Je la répéterai donc, non sans vous avoir rappelé nos mises en garde incessantes, qui n'ont malheureusement rencontré aucun écho lors de la discussion du projet de loi, et qui, toutes, se révèlent fondées : le SMIC unique est mort, la flexibilité a augmenté, l'application de la loi va coûter 85 milliards aux contribuables, et l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés n'aura jamais été aussi faible qu'en 2000. A ce sujet, je tiens à souligner que les salariés qui ont les revenus les plus modestes souhaitent bien entendu gagner plus d'argent plutôt que voir leur temps de travail réduit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Nous vous avions dit, enfin, que l'application de cette loi ne permettrait pas que la France bénéficie à plein de la croissance mondiale. Nous constatons qu'aujourd'hui l'un des vôtres, au moins, nous rejoint : il s'agit de Laurent Fabius !

Je vous demande donc, Madame la ministre, de nous indiquer sans éluder si vous allez différer l'application de la loi relative à la réduction du temps de travail pour les PME et si, passant enfin du dogme à la réalité, vous comptez entendre les partenaires sociaux et les laisser vous faire des propositions à ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Ce n'est pas en jouant les imprécateurs et les Cassandre que vous regagnerez la confiance des Français ! Vous vous êtes opposés, c'est vrai, à cette grande loi, qui a pourtant contribué à la reprise de la croissance (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) et permis à 800 000 chômeurs de retrouver un emploi, redonnant ainsi espoir à 800 000 familles. 1,3 million d'emplois ont été créés, et la loi a puissamment contribué à ces créations (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Quarante mille accords ont été signés, qui concernent plus de 4,5 millions de salariés. Pensez-vous qu'ils auraient donné leur accord à un texte qui ne leur agréerait pas ? Ces accords ont permis la création de 200 000 emplois et la sauvegarde de 30 000 autres (Applaudissements sur les mêmes bancs). Enfin, 80 % des salariés passés aux 35 heures se déclarent satisfaits de ce nouveau régime, qui améliore leurs conditions de travail sans que leur salaire ait baissé et qui améliore aussi, et de beaucoup, leur qualité de vie.

C'est pourquoi nous maintiendrons le cap fixé dans la loi, laquelle prévoit des dispositions plus souples pour les PME et singulièrement les plus petites. Nous aiderons celles dont les difficultés seront précisément identifiées.

S'agissant de la concertation avec les partenaires sociaux, elle s'engagera dès la fin de la discussion du PLFSS pour 2001 et, la semaine prochaine, les discussions auront lieu, puisque je les recevrai. L'organisation de l'application des 35 heures sera évidemment l'un des sujets dont nous traiterons.

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PÉNURIE DE MAIN-D'_UVRE

M. Léonce Deprez - Dans toutes les régions, certaines branches connaissent une pénurie de main-d'_uvre d'autant plus paradoxale que la France est l'un des pays d'Europe où le taux de chômage demeure le plus élevé. Ce phénomène a plusieurs causes, bien connues : l'insuffisance des salaires nets en raison du poids des charges sociales ; l'insuffisance de l'écart entre les prestations de chômage et le revenu du travail ; enfin, l'application de la loi sur les 35 heures.

Dans ces conditions, Madame la ministre, êtes-vous prête à augmenter à 188 heures le contingent d'heures supplémentaires annuelles autorisées, et à donner aux salariés le droit de préférer une rémunération à un repos compensateur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - J'ai répondu longuement à des questions semblables, hier déjà et tout à l'heure encore. La reprise de la croissance, qui sera de 3 % en 2000 et plus forte encore en 2001 a créé, c'est vrai, une situation nouvelle puisque, contrairement à ce qui se passait lorsque vous gouverniez, les candidats à un emploi peuvent désormais choisir entre plusieurs offres.

Il existe par ailleurs des difficultés de recrutement dans certains secteurs, parce que le travail y est pénible, tardif ou qu'il a lieu le week-end. Un effort d'information pour faire connaître ces métiers et les rendre plus attractifs s'impose.

Nous maintiendrons le cap des 35 heures. Des aides seront apportées aux entreprises, à condition que leurs difficultés soient précisément identifiées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

M. Félix Leyzour - Monsieur le ministre de l'agriculture, je souhaite revenir sur le problème de la sécurité alimentaire. Il faut que la justice fasse toute la lumière sur l'affaire en cours. Des négociants sont suspectés d'avoir triché, jetant le discrédit sur l'ensemble des éleveurs et mettant en péril l'emploi dans les abattoirs. Un animal présentant des signes de maladie aurait été retiré du troupeau, afin que puissent être livrés à la consommation des animaux qui, sans être nécessairement contaminés, auraient dû être éliminés et incinérés en application du principe de précaution. Heureusement, l'animal malade frauduleusement introduit dans un autre lot a pu être détecté et le système de traçabilité s'est révélé efficace. Il faut toutefois se demander pourquoi le dispositif n'a pas fonctionné à la même vitesse dans tous les groupes de distribution. S'il faut éviter, en pareille matière, de provoquer la panique, on ne doit montrer aucune complaisance à l'égard des tricheurs, des fraudeurs et des margoulins.

Il est par ailleurs nécessaire de renforcer notre système de sécurité. Dans quels délais l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments va-t-elle évaluer les tests de dépistage Biorad et Prionics ?

Que préconise l'AFSSA au sujet de l'utilisation des farines animales ? Où en est cette agence dans l'évaluation du risque et que fait l'autorité européenne compétente ?

La sécurité alimentaire et l'intérêt de tous les éleveurs honnêtes sont en jeu (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je l'ai dit hier, les contrôles français sont les plus rigoureux du monde. Pourtant, nous ne serons jamais à l'abri des fraudes. La justice étant saisie, je ne peux pas faire d'autres commentaires sur l'affaire en cours. Sans remettre en cause l'indépendance de la justice, je souhaite simplement qu'elle se montre de la plus grande sévérité. Procéder à des tests, de manière aléatoire, sur des viandes apparemment saines, devrait avoir un effet dissuasif.

Le programme d'évaluation engagé est un des plus importants du monde. Il s'agit d'évaluer les risques, mais aussi les tests, qui sont très récents. Les scientifiques vont examiner les tests Biorad et Prionics. Cette évaluation prendra plusieurs mois.

Par ailleurs, le Gouvernement a demandé à l'AFSSA d'évaluer le risque que peut représenter l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des volailles et des ovins. L'Agence ne s'est encore jamais prononcée de cette manière. Jusqu'alors, elle a simplement estimé qu'en garantissant la sûreté des tests, nous rendrions inutile l'interdiction des farines animales.

Le Gouvernement a décidé en outre d'accélérer l'étude des solutions alternatives. On ne peut en effet, concrètement, interdire ces farines du jour au lendemain. A cet égard, je souhaite mettre en garde l'opinion contre certains discours d'hommes politiques, de commentateurs, voire d'agents économiques. « Il n'y a qu'à rendre les tests systématiques », entend-on. « Il faut interdire les farines animales », déclarent certains. Le Gouvernement ne récuse pas ces idées, mais leur mise en _uvre prendrait de toute façon des mois. Quand nous nous adressons à l'opinion, il faut dire ce qu'on fait et faire ce qu'on dit.

En revanche, dire qu'on va faire ce qu'on sait impossible, ce serait tromper l'opinion. Notre responsabilité est de dire la vérité aux Français (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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DROITS DE L'ENFANT

M. Bernard Birsinger - Il y a quelques années, à l'initiative du groupe communiste, l'Assemblée avait adopté à l'unanimité une proposition instituant une journée nationale des droits de l'enfant. Elle s'est révélée utile. Les militants des droits de l'enfant on pu faire connaître la convention internationale en vigueur dans ce domaine. Le Parlement des enfants a été créé, des mesures ont été prises contre la maltraitance et nous avons créé un « défenseur des enfants ». Malgré ces avancées, il reste beaucoup à faire pour que l'enfant, objet de droit, devienne sujet de droit. En France, la principale atteinte aux droits de l'enfant réside dans les inégalités d'accès à l'école et aux loisirs. Dans d'autres pays, frappés par la guerre ou de lourdes difficultés économiques, les atteintes sont plus graves encore. Seul notre pays a une journée nationale des droits de l'enfant. Le Gouvernement pourrait agir auprès des Nations unies pour la création d'une journée mondiale. Compte-t-il profiter de la présidence française de l'Union européenne pour promouvoir cette idée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et quelques bancs du groupe socialiste).

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance - Dès ma nomination, j'ai réfléchi à une initiative française dans ce domaine. Dans le cadre de la présidence française, j'ai invité tous les ministres européens en charge de l'enfance à se réunir le 20 novembre, à l'occasion de notre journée des droits de l'enfant.

Ces droits valant pour l'ensemble des moins de dix-huit ans, Mme Buffet, en charge de la jeunesse, animera cette rencontre à mes côtés.

Les travaux préparatoires avancent dans deux directions : le droit à être éduqué, par la famille, l'école et une meilleure télévision, et le droit à être protégé contre toutes les formes de violence.

Si les ministres, réunis le 20 novembre, souhaitent instituer une journée européenne des droits de l'enfant, la France soutiendra cette idée.

L'Europe, nous la construisons pour nos enfants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Ollier.

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet - En 1997, la branche famille était en déficit de 14,5 milliards. Elle est excédentaire depuis 1999 et son excédent prévisionnel pour 2000 est de 6,8 milliards. Cette évolution a été rendue possible par des mesures de redressement qui ont été prises avec le souci de plus de justice sociale dans les prestations et en concertation avec la CNAF et le mouvement familial. Rappelons quelques mesures : l'extension de 18 à 20 ans de l'ensemble des prestations familiales. L'extension à 21 ans du complément familial et des aides au logement. L'attribution de l'allocation de rentrée scolaire, sous condition de ressources, à partir du premier enfant. Dans l'actuel projet, nous pouvons nous féliciter des actions prévues en faveur de la petite enfance, de l'aide au logement et des enfants gravement malades.

C'est parce que les dépenses ont été maîtrisées que l'on peut aujourd'hui mettre en _uvre les décisions de la conférence de la famille.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Tout à fait !

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet - Elue d'un secteur urbain en difficulté, je mesure les besoins des familles et l'urgence à agir.

Dans les Bouches-du-Rhône, département de 1,8 million d'habitants, il n'y a que 4 676 familles bénéficiaires de l'aide pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée. Un grand nombre d'enfants sont gardés par des assistantes sans agrément, ce qui pose nombre de problèmes, en particulier en matière d'accidents domestiques. Le renforcement de cette aide sera une incitation à choisir la qualité et la sécurité et permettra à nombre d'assistantes maternelles de sortir de la clandestinité pour bénéficier d'un véritable statut.

De même, de nombreuses associations demandaient depuis plusieurs années des mesures pour accompagner les enfants atteints de maladies graves. Aujourd'hui, les parents prennent sur leurs congés et doivent parfois renoncer à leur activité, faute de quoi ils sont incapables d'apporter à leurs enfants l'affection et la présence dont ils ont besoin.

Madame la ministre, je vous remercie au nom des familles d'avoir instauré ce congé de présence parentale et cette allocation.

M. Bernard Accoyer - Quelle bonne idée : c'est celle du RPR !

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet - Cette mesure volontariste, protectrice et ô combien attendue sera immédiatement opérationnelle, avant l'avis du contrôle médical. Elle assure un soutien aux deux parents, garantit le retour à l'emploi et n'exclut personne puisqu'elle est accessible aux chômeurs.

Parmi les autres mesures, je soulignerai le bien-fondé de la création d'un fonds d'investissement pour les crèches.

A Marseille, il n'y a que 4 000 places de crèches et partout des listes d'attente. Les besoins seront encore plus importants demain avec le cumul temporaire de l'allocation parentale d'éducation et d'un revenu qui favorisera le retour à l'emploi des femmes.

Madame la ministre, au moment où la France est vice-championne d'Europe, derrière l'Irlande, en matière de natalité, on ne peut que vous soutenir dans la mise en place des mesures proposées dans ce projet de loi.

Je terminerai en évoquant la crise de confiance que traversent les professionnels de la santé. Il est urgent de rétablir un dialogue constructif.

M. Bernard Accoyer - C'est sûr !

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet - Le symptôme en est la désertification des gardes. A Marseille, plus de 44 % des médecins n'effectuent pas de gardes. Le préfet est dans l'obligation de mettre en place une structure expérimentale pour un an, en collaboration avec le conseil de l'Ordre, pour assurer la continuité des soins. D'autres problèmes semblables se font jour et je sais pouvoir compter sur votre volonté de concertation pour trouver des solutions. Nous aurons plaisir à vous accompagner dans ces difficiles missions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Marcel Rogemont - Je voudrais d'abord saluer la présence de Mme la ministre, qui défend pour la première fois le projet de financement de la sécurité sociale. Elle le fait avec un sourire à la fois paisible -elle le peut puisque la sécurité sociale se porte bien- et déterminé, puisque ce projet permettra de renforcer la solidarité. Même ses détracteurs ne trouvent pas de nouvelle dépense à proposer ! L'équilibre est donc trouvé. J'en viens à la CSG. Vous êtes, Madame, ministre des dépenses de la sécurité sociale, mais aussi de ses recettes. Le PLFSS doit être équilibré, avec des recettes non budgétaires, dynamiques et pérennes. Parmi elles se trouve la CSG, qui fait encore partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale cette année et, espérons que ce sera toujours le cas pour les prochaines années. Lorsqu'on parle de l'universalité de la CSG, ce sont en fait les titulaires du SMIC qui sont concernés, car ils contribuent comme les plus riches, sans qu'il soit tenu compte de la différence de capacité contributive. N'hésitons donc pas à leur redonner du pouvoir d'achat, sans états d'âme ! Le RMiste est également culpabilisé, comme s'il percevait des revenus trop élevés. Je connais un commerçant qui, après s'être étonné qu'un RMiste refuse un contrat de dix-sept heures de travail, s'est associé à un autre pour lui offrir un contrat plus important. Ce RMiste a eu raison et je me félicite que le RMI joue un rôle de plancher pour les conditions de travail offertes sur le marché. Les salaires et le SMIC doivent être tirés vers le haut, et c'est tant mieux si nous évitons ainsi d'avoir trop de travailleurs pauvres. Bref, l'universalité n'est rien d'autre que l'esthétique administrative de ceux qui ne manquent de rien, c'est pourquoi, il faut en finir avec ce principe préjudiciable aux plus démunis.

J'en viens à la politique familiale. La crise économique a provoqué le déclin des actions familiales collectives au profit de l'action sociale individuelle. Il est désormais indispensable, alors que la situation financière de la sécurité sociale s'améliore, de renouer avec une action sociale collective, seule à même de permettre la transmission des savoirs. Bref, remettons au goût du jour une politique sociale collective (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Muguette Jacquaint - Le dispositif de la branche famille constitue l'instrument essentiel de notre politique familiale. 164 milliards de francs sont distribués directement ou indirectement aux familles, ce qui suffit à démontrer le rôle de redistribution et de solidarité que jouent les prestations familiales, lesquelles contribuent aussi à relancer la consommation.

Toutefois, les règles d'attribution méconnaissent parfois les fondements mêmes de la politique familiale. La plupart des allocations sont subordonnées aux ressources des ménages, le plafond étant souvent trop bas. D'autre part, de nombreuses associations familiales s'inquiètent du non-respect du principe de l'universalité, dont l'absence de versement des allocations familiales dès le premier enfant est le signe le plus visible.

Certes, le coût de l'allocation dès le premier enfant représente, selon les économistes de la sécurité sociale, environ 14 milliards par an. Mais le transfert à la CNAF de la majoration de 10 % des pensions des retraités ayant élevé au moins trois enfants, représente, à terme, près de 20 milliards par an.

Au vu de ces montants, le versement des allocations dès le premier enfant ne paraît donc pas irréalisable. Il est regrettable que notre amendement en ce sens ait été écarté en commission sur le fondement de l'article 40 de la Constitution.

Non moins primordial pour les familles est le pouvoir d'achat des prestations familiales. Leur indexation sur l'évolution des salaires moyens est une juste aspiration mais notre amendement en ce sens, bien que gagé, a été repoussé. Comme de surcroît, cette année, aucune revalorisation particulière égale à celle des pensions de retraite n'est prévu, il y a donc une injuste rupture entre le pouvoir d'achat des allocations et celui des pensions.

Cela dit, outre les allocations familiales, la CNAF verse d'autres prestations notamment destinées à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

Nous approuvons les améliorations proposées qu'il s'agisse de la majoration de l'AFEAMA ou de la création du fonds pour les crèches. Toutefois, cette majoration doit s'accompagner d'un relèvement des plafonds de ressources qui profiterait aux familles à revenus moyens.

De même, la création du fonds pour les crèches aidera indiscutablement les collectivités territoriales ou les associations à créer un équipement ou un service d'accueil du jeune enfant, mais il est regrettable que le coût de son fonctionnement soit laissé à la charge de la collectivité ou de la famille.

D'autre part, les mesures facilitant la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale ne seront efficaces que si elles ne sont pas anéanties par une organisation du travail, bouleversant les conditions de vie.

La flexibilité de l'emploi ou le projet de rétablissement du travail de nuit des femmes dans l'industrie risquent bien de les entraver.

L'allocation de présence parentale versée aux parents d'enfants gravement malades, handicapés ou accidentés, est un progrès important dont l'application est très attendue.

Cependant, plusieurs autres questions restent en suspens. La Conférence sur la famille avait ainsi soulevé le problème du jeune adulte, dont le départ de plus en plus tardif du domicile parental crée des besoins nouveaux.

D'un point de vue plus général, plusieurs dizaines de prestations, de milliers de règles de droit rendent la politique familiale trop complexe. De ce fait, des droits sont méconnus, souvent au détriment des familles les plus modestes.

De même, chacun connaît les difficultés rencontrées par les assurés sociaux pour obtenir des informations ou un simple rendez-vous à la CAF. Certes, les effectifs des CAF ont augmenté, mais les structures d'accueil restent insuffisantes, surtout dans les quartiers défavorisés. D'année en année, des améliorations sont apportées, mais un débat national et une remise à plat de l'ensemble du dispositif de la politique familiale restent nécessaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je remercie les orateurs de la majorité qui, après les rapporteurs, ont soutenu ce projet de loi. Trois grandes questions ont été soulevées dans les différentes interventions. La première a trait à l'évolution des dépenses de santé. La redéfinition des relations entre l'Etat, les caisses et les professions de santé souhaitée notamment par M. Evin et par M. Bacquet est également appelée de leurs v_ux par les caisses d'assurance maladie qui se sont vu confier l'année dernière le soin de fixer les honoraires des professions de santé.

Je suis convaincue que l'évolution de notre système de santé suppose l'adhésion des professionnels (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Aussi, j'en appelle à leur responsabilité. Je recevrai, durant les prochains jours, les partenaires sociaux et les représentants des professions de santé. Mais je crois tout aussi profondément qu'il ne faut pas céder à la facilité : la maîtrise des dépenses est impérative, car il nous faut en permanence vérifier que les ressources sont utilisées au mieux ; il y va de la qualité et de la pérennité de notre système de soins. J'ai du mal, à ce propos, à me faire aux contradictions que comporte le discours de certains représentants de l'opposition, comme MM. Foucher, Mariani ou Perrut, qui critiquent le rebasage et le dépassement des objectifs, et demandent en même temps que l'on supprime tout mécanisme de régulation des dépenses. Flatter les professionnels de santé est facile (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), mais inopérant, car ils sont adultes et responsables, et n'ont rien oublié du plan Juppé (Mêmes mouvements). On ne peut pas se réclamer des principes du plan Juppé et en récuser toutes les conséquences pratiques ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

J'ai été quelque peu surprise par les critiques de M. Aschieri sur le plan de soins infirmiers.

Plusieurs députés socialistes - Nous aussi !

M. Philippe Auberger - C'est normal : elles étaient frappées au coin du bon sens !

Mme la Ministre - Aussi vais-je tenter de répondre à ses inquiétudes, qui ne me paraissent pas fondées. Trois stratégies sont possibles. La première consiste à laisser filer les dépenses ; je ne la retiens pas, car elle aurait des conséquences incalculables sur notre économie comme sur notre système de soins. La seconde est à l'opposé : il s'agit de la maîtrise comptable, avec les sanctions financières collectives prévues par le plan Juppé (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Accoyer - C'est faux ! Les lettres-clés flottantes, c'est vous !

Mme la Ministre - Nous sommes pour la voie médiane : celle d'une maîtrise intelligente des dépenses. Vous avez bien voulu voter, l'an dernier, la clarification des rôles respectifs de l'Etat et de la CNAM, et celle-ci a pris, depuis, une série de mesures de régulation.

M. Bernard Accoyer - Avec votre plein accord !

Mme la Ministre - L'Etat n'a pas à se substituer à la CNAM, et c'est sur la proposition de cette dernière qu'il a révisé la nomenclature des actes des infirmières et des kinésithérapeutes, le solde net étant de 400 millions en faveur de ces derniers. Je ne sache pas que l'opposition propose d'en revenir à la régulation directe par l'Etat... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Il nous faut inventer un système qui associe les professionnels à la régulation, car les sanctions collectives sont loin d'être une méthode idéale : elles frappent en effet les bons praticiens comme les moins bons, et nous ne pouvons ignorer les mécontentements que cela suscite. C'est donc ensemble, dans la concertation, qu'il nous faut définir les bonnes pratiques, et je compte engager cette concertation sans tarder. Il me semble, au demeurant, que les inquiétudes - qui sont normales, étant donné l'importance de l'enjeu - portent davantage sur les modalités que sur les principes : je pense notamment à la conception des formulaires, ou à la circulation des informations entre médecins et infirmières. L'objectif qui doit nous guider est d'éviter toute rupture ou toute baisse de qualité dans la prise en charge des personnes dépendantes.

M. Bernard Accoyer - C'est déjà commencé !

Mme la Ministre - Dans le même esprit, j'entends accélérer la réforme de la prestation de dépendance, de façon à développer et à mieux coordonner les différents dispositifs d'aide à domicile, et je remercie M. Nauche de son intervention mesurée et convaincante sur cette question ; son rapport sur l'Office des professions paramédicales sera une importante source d'inspiration pour le projet de loi de modernisation de la santé.

Je remercie également M. Dubernard - pour son livre (Sourires) - et l'assure que nous poursuivrons activement la modernisation de l'offre hospitalière, tout en ouvrant à bref délai le chantier de la réduction du temps de travail à l'hôpital.

J'ai écouté avec grande attention les propos de Mme Guinchard-Kunstler et de M. Terrasse sur la prestation d'autonomie. Le Premier ministre a souligné lui-même l'importance qu'il attache à ce projet, que les gouvernements précédents n'ont su mener à bien, et ce sera l'une de mes toutes premières priorités (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

La question des retraites a inspiré beaucoup de critiques à l'opposition, mais les méthodes employées par les gouvernements que soutenaient MM. Morange, Mariani et Auberger ne les habilitent guère, justement, à nous tenir un « discours de la méthode »...

Notre démarche consiste, en premier lieu, à réactiver la croissance ; c'est grâce à elle, en effet, que le problème se pose dans des termes plus favorables qu'il y a quatre ans, toutes les prévisions convergeant désormais vers un accroissement sensible de la population active d'ici à 2010. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas agir, mais nous devons, pour cela, nous concerter avec toutes les parties, car il n'y a pas de place pour l'improvisation. M. Mariani nous invite à « mettre de l'argent de côté », et il a raison, mais nous ne sommes pas favorables, pour notre part, aux fonds de pension.

M. François Goulard - Supprimez donc la Préfon !

Mme la Ministre - Nous mettons bien de l'argent de côté, mais pour conforter le régime par répartition : c'est ainsi que le fonds de réserve s'élèvera à 150 milliards dès l'an prochain, pour atteindre 1 000 milliards en 2020. L'opposition avait accueilli cette initiative avec un certain mépris, mais nous voyons aujourd'hui que c'est un instrument efficace et crédible.

Le Gouvernement partage les préoccupations de M. Gremetz quant au pouvoir d'achat des retraités, qui a diminué entre 1993 et 1997, du fait des hausses successives de la CSG et de la création du RDS. Mais depuis 1997, il a progressé de 1,3 %. Quant aux salaires, leur pouvoir d'achat s'est accru également, c'est même la première fois depuis 1973 que l'on assiste parallèlement à de nombreuses créations d'emplois -quelque 1,3 million depuis 1997- et à une augmentation du pouvoir d'achat des ménages...

M. Arthur Dehaine - Cela s'appelle avoir du pot !

Mme la Ministre - Celle-ci a atteint 1,1 % en 1998 et 1999 ; 0,7 % en 2000 ; et sera sans doute de 1,7 % en 2001.

Quant à la masse salariale, elle s'est accrue encore plus vite : 2,5 % en 1998 ; 2,7 % en 1999 ; 3,7 % en 2000, et sans doute 2,5 % en 2001. On ne saurait donc affirmer que les salaires stagnent.

Beaucoup d'orateurs de l'opposition ont appelé de leurs v_ux une ambitieuse politique familiale, et je suis tout à fait d'accord avec eux -mais aux effets d'annonce je préfère les réponses concrètes aux préoccupations des familles. De 1993 à 1997, on a beaucoup parlé de grandes lois, mais on a mis sous condition de ressources l'allocation parentale pour jeune enfant, on a fiscalisé rétroactivement l'indemnité journalière de maternité, on a réduit l'allocation de rentrée scolaire (M. Jean-Luc Préel s'exclame).

M. le Président - Vous n'avez pas la parole, Monsieur Préel !

M. Jean-Luc Préel - Je la prends quand j'en ai envie !

Mme Odette Grzegrzulka - Un calmant pour M. Préel !

Mme la Ministre - Il faudra que nous allions nous expliquer à la buvette, M. Préel ! (Rires et exclamations)

Enfin la complexité des règles de financement a été relevée par M. Barrot et par M. Auberger. Je conviens avec M. Barrot -dont j'ai apprécié la hauteur de vues- qu'on ne peut responsabiliser les différents acteurs sans clarifier les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Mais nous devons aussi assumer une complexité qui s'explique historiquement, par l'évolution qu'a connue notre système social depuis ses origines. Il a fallu faire appel à la solidarité -d'où la création de la CSG-, dès lors que les salariés n'étaient plus seuls en cause, et diversifier les recettes. Le FOREC récapitule l'ensemble des recettes, et cette énumération fait sourire certains, mais on pourrait sourire aussi à la lecture des bleus budgétaires si on trouve une dimension ludique au budget !

Des critiques se sont élevées contre la ristourne dégressive sur la CSG et le RDS. Le choix qui a été fait visait à plus de justice et à encourager l'activité ; les avantages l'emportent, me semble-t-il, sur les inconvénients. Notre seul but est ici encore de favoriser l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - Même si la discussion générale a surtout porté sur les comptes de la sécurité sociale, je souhaite apporter ici des réponses aux questions concernant la politique de santé.

Tout d'abord, je l'ai déjà dit hier, la prévention est au centre de notre système de santé, même si M. Préel ne semble toujours pas l'admettre. Je lui rappellerai donc le programme national de lutte contre l'hépatite C, renforcé en 2001 en direction de groupes à risques, usagers de drogue, personnes détenues et professionnels réalisant des tatouages et des piercings. Nous renforçons également les actions contre le sida à destination des publics les plus vulnérables, femmes, migrants ou jeunes.

Nous avons également mis l'accent sur la prévention des conduites addictives, qu'il s'agisse du tabagisme, de l'alcoolisme ou de la consommation de stupéfiants, et défini un plan de lutte contre ce fléau qu'est le suicide -notamment le suicide des jeunes.

Conscient des carences de la lutte contre le cancer, le Gouvernement a lancé un programme pluriannuel ambitieux qui se traduira par l'acquisition de nouveaux matériels d'imagerie médicale et de radiothérapie, le soutien à l'innovation et à la recherche...

M. Bernard Accoyer - Il est temps !

Mme la Secrétaire d'Etat - ...ainsi que par le renforcement de l'hospitalisation à domicile et la poursuite des efforts en faveur des services de soins palliatifs.

M. Bernard Accoyer - Avec quels moyens ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Tout cela figure dans l'ONDAM, et je m'attache ici à préciser la politique de santé publique du Gouvernement.

Nous savons les difficultés liées au prix croissant des médicaments anticancéreux. Ainsi, dès 2001, il sera possible de tenir compte de la consommations de ces spécialités onéreuses dans l'activité des établissements concernés, mesurée par le PMSI.

Le président de votre commission et M. Evin, votre rapporteur, ont exprimé le souhait de voir renforcée l'organisation de réseaux du système de santé. Je partage ce point de vue. Des réseaux existent déjà, qui prennent en charge des pathologies spécifiques ou des populations particulières. Ils réalisent un travail remarquable, et une circulaire en a rappelé, il y a un an, les règles de fonctionnement. Il convient maintenant de leur donner une assise législative. L'amendement présenté par M. Evin nous donnera l'occasion d'en débattre.

S'agissant de la dyslexie, dont Mme Mignon s'inquiète à juste titre, le Gouvernement a la ferme volonté de faciliter le dépistage précoce des troubles. Cela suppose actions de prévention et campagnes de sensibilisation.

M. Préel a traité de la démographie médicale et des vacances de postes de praticiens hospitaliers. Le Gouvernement ne reste pas inactif : le numerus clausus a été porté à 4 100 postes, soit 250 places supplémentaires en 2001 ; de nouvelles filières d'internat ont été créées pour certaines spécialités en difficulté ; des dispositifs de recrutements incitatifs ont été décidés pour les praticiens hospitaliers. Au terme du tour de recrutement qui vient de s'achever, 956 postes restent à pourvoir, soit 4 % de l'ensemble des postes des établissements publics. La situation s'améliore nettement, puisque le nombre était de 1584, soit 7 % en 1998. Par ailleurs, une partie des postes vacants est occupée par des candidats attendant d'être nommés au concours. On constate enfin que le nombre des candidats inscrits a augmenté de 30 % en 1999, sauf en psychiatrie. La tendance est la même en 2000.

M. Pierre Hellier - PAC compris !

Mme la Secrétaire d'Etat - Oui.

M. Pierre Hellier - Il faut le préciser !

Mme la Secrétaire d'Etat - Vous le voyez, les mesures prises depuis trois ans commencent à porter leurs fruits. Un groupe de travail se met en place, qui déterminera les orientations souhaitables concernant à la fois les flux de spécialistes et les régulations à envisager pour réduire les très importantes disparités géographiques constatées.

S'agissant de la gynécologie médicale, je pensais vraiment que tout le monde considérait la question réglée, les arrêtés ministériels fixant les modalités d'obtention du nouveau DES de gynécologie-obstétrique et de gynécologie médicale étant parus. J'ajoute que l'accès des femmes au gynécologue de leur choix n'a jamais été menacé.

Je transmettrai donc à M. Aschieri les informations qui lui font défaut, et qui lui montreront que des solutions ont été trouvées.

M. Pierre Hellier - Elles sont mauvaises.

Mme la Secrétaire d'Etat - A Mme Fraysse, je souhaite rappeler que l'âge de prise en charge presque totale des prothèses auditives est porté de 16 à 20 ans ; que les personnes sourdes et aveugles bénéficieront, quel que soit leur âge, d'une quasi gratuité ; que la base de remboursement des embouts a été multipliée par dix.

Ces mesures qui entreront en vigueur à la fin de ce mois, représentent un effort supplémentaire de 20 millions.

A M. Perrut, je rappelle que 167 place adaptées ont été créées en 1999 en établissements médico-sociaux, et 12 places spécialisées pour les personnes autistes. Ces places s'ajoutent aux 1 748 places nouvelles financées dans le cadre du plan pluriannuel 1998-2003 pour les adultes lourdement handicapés.

M. Bernard Accoyer - Mais il s'agit là du budget de l'Etat !

Mme la Secrétaire d'Etat - Il n'empêche que les places existent, et que, dans le cadre du plan triennal 2001-2003 en faveur des personnes handicapées présenté le 25 janvier par le Premier ministre, 150 millions supplémentaires seront affectés à la prise en charge des personnes autistes.

L'expérience confirme enfin l'efficacité des centres d'action médico-sociale précoce, auxquels le Gouvernement a consacré 20 millions chaque année depuis 1998. Auparavant, rien n'avait été fait ! Le plan triennal prévoit de consacrer 60 millions des crédits de l'ONDAM au développement des CAMSP.

L'effort portera en priorité sur les quatre départements qui en sont encore dépourvus.

Vous avez été nombreux, à la suite des rapporteurs, à souhaiter que le projet de modernisation du système de santé vienne rapidement en discussion. Le Gouvernement a la même volonté, car ce texte comportera de nombreuses mesures en faveur de la prévention, de la formation, de la régionalisation, de l'accompagnement des victimes d'accidents médicaux, de la reconnaissance des droits du malade ou encore de la représentation des usagers dans les instances hospitalières. L'élaboration d'un tel texte a demandé un travail considérable, en concertation avec tous les acteurs. Ce travail est en voie d'achèvement. Le Premier ministre a souhaité que ce projet soit examiné au Parlement dès que possible, c'est-à-dire après les élections municipales, le calendrier parlementaire ne permettant pas d'aller plus vite (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91 alinéa 6 du Règlement.

M. Bernard Accoyer - Ce cinquième projet de loi de financement devrait comporter des mesures prises en considération des besoins sanitaires, sur le fondement d'une politique définissant des priorités. Il n'en est rien, cependant. Ce débat est une mascarade : on abuse le Parlement. Contrairement aux apparences, M. Jospin sera le Premier ministre des occasions sociales manquées. Son gouvernement portera la lourde responsabilité d'avoir engagé la dislocation de cette sécurité sociale qui, depuis cinquante ans, garantit la cohésion sociale dans notre pays.

Une présentation habile des dispositions à première vue généreuses ont jusqu'alors permis de donner le change. Mais en quoi notre sécurité sociale est-elle confortée ? L'universalité de son financement est mise à mal. Seule la croissance mondiale, dont la France bénéficie depuis trois ans, permet au Gouvernement de faire croire aux Français que les comptes de la sécurité sociale sont durablement consolidés.

La branche maladie reste déficitaire. Au lieu de nous présenter une loi de financement rectificative, vous siphonnez la branche famille, après avoir réduit le montant de ses prestations. On voit que, contrairement aux affirmations de la gauche, la loi sur la famille de 1994 était financée.

Le maigre excédent de la branche vieillesse sert lui aussi à combler le déficit de la branche maladie.

L'excédent global résulte exclusivement de l'augmentation des prélèvements. Il ne représente d'ailleurs que 0,2 % des dépenses, qui s'élèvent à 1 350 milliards. Les prélèvements ont augmenté de 57 milliards entre 1998 et 1999 et de 58 milliards entre 1999 et 2000 : 115 milliards en deux ans ! En trois ans, on atteindra 171 milliards, la commission des comptes de la sécurité sociale prévoyant, pour 2001, 56 milliards de recettes supplémentaires.

L'an dernier, le financement des 35 heures a dominé nos débats : il fallait en effet trouver 40 milliards. Pour 2001, vous aurez besoin du double.

Les 35 heures pesant sur le pouvoir d'achat des Français et la capacité de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a déployé tout son savoir faire pour dissimuler le véritable détournement de fonds sociaux auquel il procède. Comme l'a déclaré pudiquement le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, nommé de manière discrétionnaire par le précédent ministre, « la modification profonde de la structure du financement rend parfois difficile l'interprétation des résultats, en particulier les soldes par branche ».

Ainsi, la nouvelle ventilation de la CSG va faire perdre des recettes au FSV, à la CNAF et à l'assurance maladie, cette perte devant être compensée par une fraction du produit de la taxe sur les conventions d'assurance. Les droits de consommation sur les tabacs, jusqu'alors affectés à l'assurance maladie, vont alimenter le fonds destiné à financer les 35 heures, tout comme les droits sur les alcools.

Le prélèvement de 2 % sur les revenus de l'épargne, initialement destiné à la famille et à la vieillesse, a servi à financer la CMU en 1999 et le fonds de réserve des retraites en 2000. Pour 2001, l'assurance maladie et la branche famille vont perdre une partie de leurs ressources.

Comme l'a dit Mme Aubry, « en deux ans, que de chemin parcouru ! ».

Chaque nouvelle réforme est financée par les recettes destinées à la précédente. L'Etat reporte sur la branche famille la charge de ses dettes et de ses réformes. Le financement des 35 heures demeure acrobatique : on creuse un nouveau trou pour combler les anciens. Le FOREC aura cette année besoin de 85 à 90 milliards : vous lui affectez donc des impôts qui n'ont rien à voir avec la réduction du temps de travail, comme la taxe sur les véhicules de société, la taxe sur les conventions d'assurance ou les droits sur les alcools. Le FSV devient un contributeur important de cette réforme.

Le Gouvernement, qui prétend vouloir augmenter le pouvoir d'achat des Français, remet en cause le principe de l'universalité des cotisations sociales en accordant des exonérations de CSG et de CRDS. Il aurait mieux valu des baisses de charges, qui auraient accru le salaire net, c'est-à-dire le pouvoir d'achat des salariés les plus modestes. Mais vous refusez les baisses de charges, pour des raisons dogmatiques (Interruptions sur les bancs du groupe communiste).

S'agissant de la branche famille, ce projet poursuit la politique menée depuis trois ans, alors qu'elle est condamnée par l'ensemble des associations familiales. En 1998, l'abandon de la réforme de l'impôt sur le revenu a coûté 5,5 milliards aux familles à l'horizon 2001, le coût total de cette décision s'élèvera à 22 milliards. La mise sous condition de ressources des allocations familiales a fait perdre 4,8 milliards aux familles, qui ont encore subi la réduction de moitié de l'allocation de garde d'enfant à domicile.

En 1999, l'annulation de la mise sous condition de ressources des allocations familiales a été effacée par l'abaissement du plafond de l'avantage familial au titre de l'impôt sur le revenu. Pour 500 000 familles, le montant de cette imposition a augmenté.

Enfin, pour 2000, ce furent les restrictions fiscales sur les pensions. Rapportées à ces pertes, les mesures prises lors des conférences de la famille relèvent du saupoudrage. La politique familiale est compromise par la remise en cause de l'autonomie de la branche famille et l'abandon de la garantie de ressources, surtout alors que la branche doit supporter, contrairement aux engagements du Premier ministre, l'intégralité de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. Cette politique taxe ceux qui ont des enfants plus que les autres. Où est l'égalité, où est la logique quand on sait que le seul moyen de renforcer les régimes de retraite est d'encourager les naissances ?

Même la solidarité entre les générations, la plus ancienne, la plus sûre, vous la refusez. C'est la man_uvre scandaleuse de l'article 16 qui transfère à la CNAF la charge de la majoration des pensions des retraités ayant élevé trois enfants. C'est toute la logique de la branche famille qui est menacée. Certes, on enregistre une modeste évolution de l'aide à l'emploi d'une assistante maternelle agréée, mais avec des plafonds qui excluent de nombreuses familles. La seule bonne décision est l'allocation de présence parentale pour enfant gravement malade. Mais pourquoi l'avez-vous refusée lorsqu'elle était proposée par M. Muselier et en avez-vous donc retardé l'application ?

Le constat est tout aussi amer en ce qui concerne la branche maladie. Le PLFSS ne permet pas de débattre des priorités sanitaires. Il se contente de fixer l'ONDAM en fonction des recettes estimées. Les informations existent, qui permettraient au Parlement d'assurer de véritables choix sanitaires. Mais le Gouvernement ne veut pas s'en servir. Pourtant, notre système de soin est en crise. Jamais les relations entre le ministère et la CNAM n'ont été aussi mauvaises. Le Gouvernement contourne les caisses sans vergogne, imposant ses vues aux professions de santé, maniant tantôt l'anathème, tantôt la menace, s'érigeant en pouvoir absolu. La désespérance des professionnels de la santé les amènera demain dans la rue. Dans le secteur ambulatoire, le découragement émeut même les malades. Mais le Gouvernement maintient ses sanctions tarifaires. Au nom du principe qui rend les libéraux seuls responsables de la hausse des dépenses de santé, vous n'avez pas voulu approfondir nos maladroites expériences de sanction collective et n'avez pas plus tenu compte des décisions du Conseil constitutionnel que des professionnels de la santé. Vous avez instauré la pire des sanctions collectives : les tarifs flottants, injustes et inefficaces. De la réforme de 1996, vous n'avez gardé aucune des bonnes mesures. L'article 31 renforce l'obsession gouvernementale envers les libéraux. D'après l'exposé des motifs, « Cette réforme, en rétablissant l'efficacité du système de contrôle des règles qui s'imposent aux professionnels de santé, favorisera l'évolution des pratiques des professionnels. La réduction des actes et prescriptions indûment coûteux permettra d'infléchir l'évolution des dépenses d'assurance maladie. Cet effet s'ajoutera au rendement direct des procédures mises en _uvre à l'encontre de professionnels mis en cause ».

Les commissions de conciliation des CPAM seront supprimées et les procédures davantage judiciarisées encore. Il n'y avait pas de meilleure façon de décourager encore plus les professionnels. Jamais ils ne s'étaient sentis tellement affectés dans leurs conditions de travail, leur revenu et surtout leur dignité, qu'ils conçoivent comme une valorisation sociale légitime. Ils se sentent culpabilisés alors qu'ils ne font que leur travail. Tous sont concernés. Prenons l'exemple des masseurs kinésithérapeutes : entre 1991 et 1999, leur revenu moyen annuel a baissé de 20,68 % en francs constants. Ils soignent 500 000 patients par jour pour une enveloppe de 13,5 milliards. Les soins en établissement coûtent 20 fois plus cher par patient, mais vous ne leur portez pas le même regard. Il en est de même pour les infirmiers qui s'opposent à votre projet. Au lieu de chercher à l'imposer, vous devriez renouer les liens avec les professionnels.

A l'hôpital public, la crise gronde également. Mme Aubry a dû céder en catastrophe 10 milliards, dans la plus totale improvisation.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - C'est vrai !

M. Bernard Accoyer - S'y ajoutent 7 milliards pour les praticiens, le tout sur trois ans. Mais l'hôpital public va mal. Ses personnels sont inquiets. Ils savent que c'est la qualité des soins qui est menacée, sans même parler des 15 milliards qui seront affectés aux 35 heures plutôt qu'aux nouvelles technologies de la santé : la France est d'ailleurs le dernier des pays modernes pour le nombre d'IRM ou de tomographies à émission de positons. Le retard est tout aussi incroyable en matière de défibrillateurs implantables ou de pompes implantables programmables par exemple. Mais la seule modification relative à l'hôpital public que vous introduisez dans ce projet consiste à changer le nom du fonds de modernisation des établissements ! Est-ce à dire que la politique du Gouvernement pour l'hôpital public se résume à des mots ? En réalité, il s'agit d'un détournement pour appliquer le protocole budgétaire catastrophique de mars 2000. Ses dispositions se retrouvaient déjà dans le projet de modernisation sociale déposé le 24 mai à l'Assemblée et retiré depuis. Le PLFSS vient à point nommé pour faire office de DMOS.

Dans le même temps, la survie même des cliniques privées est menacée. L'hospitalisation privée assure une liberté fondamentale : celle du choix des praticiens. 63 % de nos concitoyens choisissent l'hospitalisation privée pour la chirurgie et 50 % pour les accouchements. Quand vous aurez étranglé les cliniques privées jusqu'à ce qu'elles aient disparu, il y aura un transfert d'activités vers l'hôpital public et les listes d'attente apparaîtront. Vous en porterez la responsabilité ! Comment un établissement peut-il assurer la sécurité et la qualité des soins tout en s'équipant de technologies coûteuses, en respectant des contraintes sanitaires toujours plus lourdes et en finançant les 35 heures alors même que le Gouvernement impose la stagnation ou la baisse des tarifs ? Parallèlement, le protocole de mars 2000 a, au lendemain du vote de la loi de financement pour 2000, accru de 100 % l'objectif de croissance des dépenses de l'hôpital public. Les hausses de salaires autorisées par le protocole ont provoqué un mouvement des professionnels de l'hospitalisation privée vers le public, au moment même où les cliniques doivent recruter 7,5 % d'infirmiers supplémentaires pour l'application des 35 heures. Leurs difficultés sont d'autant plus grandes qu'en 1997 et 1998, les quotas de formation ont été réduits au prétexte stupide que plus il y a de professionnels de la santé, plus les dépenses augmentent. Il manque aujourd'hui 27 000 infirmiers.

Quant au médicament, le texte n'en parle que pour mieux le taxer. Sous l'effet du mécanisme prix-volume, la recherche et l'existence même des laboratoires français sont remises en cause. Nous attendons désormais les innovations de l'étranger -et nous devons donc les payer. Si l'on prend l'exemple des médicaments anticancéreux, la hausse annuelle est de 15 %. L'ensemble du poste médicaments de tous les pays développés augmente de 7 à 8 %. Mais vous ne voulez rien savoir et préférez sanctionner médecins et laboratoires. Ainsi le PLFSS instaure-t-il une clause de sauvegarde qui va conduire les laboratoires à refuser certains produits aux malades français : le taux unique de sanction, à 70 %, rendrait le prix de vente confiscatoire. Là encore, l'exposé des motifs est un chef d'_uvre de langue de bois. Il veut faire passer pour une amélioration par lissage des taux ce qui est un véritable laminage, avec un taux supérieur à ce qui existait.

L'article proposé remplace le mécanisme actuel par un système linéaire. Vous persistez dans la même voie avec l'ONDAM, fixé sans évaluation aucune à 693,3 milliards de francs. Certes, vous annoncez la création d'une énième institution, l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation. Mais, alors que les Français ont droit à une information objective sur la qualité des soins, la création de l'Agence est surtout destinée à contrôler cette information, afin que seuls les établissements les meilleurs, et non les moins sûrs, puissent être connus du grand public. Dans ces conditions, et alors que les moins bien informés sont souvent les plus faibles, où est le droit des malades ? Les 20 milliards consacrés à la carte SESAME-VITALE n'ont rien apporté en-dehors du transfert aux professionnels d'une charge auparavant assumée par les caisses. Ne croyez-vous pas que le temps de la sincérité est venu, et qu'il faut désormais repartir sur des bases réalistes, afin que chacun puisse à nouveau exercer ses responsabilités ? En effet, sans réforme concertée avec l'ensemble des partenaires, c'est tout le système qui risque de s'effondrer, et ce n'est pas la CMU qui contribuera à la colmater. En effet, entre 600 000 et 700 000 personnes ne seront plus protégées du fait de la fixation du seuil à 3 500 F. L'échéance du 31 octobre prochain est donc une inquiétude majeure pour les 700 000 Français qui étaient jusque-là pris en charge par les dispositions de protection sociale des départements -dont les plafonds sont parfois supérieurs, je pense à la carte Paris Santé- et ne le seront pas par la CMU. Comment vont-ils faire ? Je vous le demande, car c'est une question pressante. Et le Gouvernement reste silencieux !

Mme la Secrétaire d'Etat - Je ne peux pas vous laisser dire cela, car nous avons -Mme Guigou et moi-même- répondu à plusieurs reprises sur ce point. Le seuil d'entrée prévu pour la CMU, dont les bénéficiaires étaient au nombre de 4,7 millions en septembre, soit 1,9 millions de plus que ce qui avait d'abord été prévu, exclut effectivement un certain nombre de personnes. Il s'agit notamment de celles qui n'ont pas déposé de dossier, ou de celles dont le revenu dépasse le seuil.

Je rappelle cependant que le seuil d'entrée de la CMU est supérieur à la moyenne des seuils d'entrée à l'aide médicale gratuite des départements, qui s'établissait à 2 500 F, seuls 10 départements ayant un seuil supérieur à 3 500 F Je reconnais qu'un problème peut se poser pour les bénéficiaires de ces 10 départements, qui sera traité au cas pas cas. Elisabeth Guigou s'est engagée à examiner attentivement cette question. Certaines situations peuvent d'ailleurs déjà être prises en compte par le fonds d'action sociale des caisses d'assurance maladie, notamment pour l'adhésion d'une assurance complémentaire ou la prise en charge de soins très coûteux. Je connais bien cette question puisque je suis moi-même élue d'un de ces 10 départements.

M. Bernard Accoyer - La précision que vous nous apportez, pour laquelle je vous remercie, ne fait hélas qu'aggraver notre inquiétude. M. Gremetz nous a dit que 12 000 personnes étaient concernées dans le Val-de-Marne. Le chiffre de 700 000 que j'ai avancé est donc tout à fait plausible. En outre, la plupart des départements n'incluaient pas certains revenus sociaux comme l'AAH ou le minimum vieillesse, dans le calcul des revenus. La situation est délicate et nombreux sont les CCAS, les départements et les élus qui ignorent ce qu'ils feront dans 5 jours, alors qu'ils n'ont plus aucun moyen puisque le Gouvernement les leur a enlevés et a préféré, avec la CMU, les centraliser dans les caisses primaires d'assurance maladie qui n'ont pas l'habitude de mener le micro-travail social qui est nécessaire. Il nous faut une réponse dans les jours qui viennent et nous comptons sur vous : puisque vous avez conservé votre mandat de conseiller général, nous ne doutons pas que vous mesurez la situation. Bref, il faut renouer le dialogue et rebâtir un système de soins transparent, juste et généreux, en écartant tout dogmatisme.

En ce qui concerne la vieillesse, nous restons dans la ligne Jospin, qui consiste à ne rien réformer et cela par calcul électoral. Avec le détournement des ressources du FSV au profit du FORECS, c'est-à-dire des 35 heures, la sécurité sociale se trouve privée de ressources dont elle a besoin. Mais le plus inquiétant est dans le refus obstiné du Gouvernement de tenir compte des conclusions du rapport du Commissaire général au plan, M. Charpin, pour mieux rester caché derrière le rapport de complaisance de M. Teulade. La revue Gestion sociale, rapportant la mise en cause de la sincérité du rapport Teulade, rappelait que le conseil d'orientation des retraites a été mis en place par le Premier ministre.

M. Maxime Gremetz - Je ne veux pas polémiquer (Sourires), mais je ne peux laisser passer ce propos ! Je représente, avec MM. Jacquat et Recours, l'Assemblée au sein du conseil d'orientation, et je puis témoigner, étant un membre assidu, que cet organisme a commencé par faire le bilan des différents rapports et études consacrés aux retraites - par M. Charpin, par M. Teulade, bien sûr, mais aussi par M. Taddéi et par d'autres économistes ou sociologues - et qu'il en a tiré ses propres conclusions, lesquelles ne sont donc ni celles de Charpin, ni celles de Teulade, ni celles de Tartempion, mais celles du conseil d'orientation dans son ensemble ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Bernard Accoyer - Vous avez dû manquer une séance... (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Maxime Gremetz - Aucune !

M. Bernard Accoyer - Je veux parler de la séance au cours de laquelle Mme Florence Legros a été entendue par le conseil.

M. Maxime Gremetz - Elle a donné son avis personnel, et cet avis a été contesté.

M. Bernard Accoyer - Son intervention apporte un démenti cinglant à l'optimisme du rapport de M. Teulade - qui est d'ailleurs le suppléant de M. Hollande... Elle a rappelé, en effet, que le rapport Charpin avait démontré que même une baisse notable du chômage laisserait subsister un besoin de financement important, et que, selon le rapport Teulade lui-même, il faudrait une croissance ininterrompue de 3,5 % par an jusqu'à 2040 pour que le niveau des retraites reste égal à 12,5 % du PIB durant toute cette période. Or, a-t-elle observé, non seulement rien ne vient étayer une telle hypothèse, mais encore le rapport Teulade ignore-t-il l'effet « noria », qui interdit de découpler le niveau des retraites de celui des salaires.

M. Maxime Gremetz - Ce sont les thèses de Mme Legros ! Ce ne sont pas celles du conseil d'orientation !

M. Bernard Accoyer - C'est donc sur une supercherie, celle du rapport Teulade, que se fonde toute la démarche du Premier ministre. Comment se fait-il que, sept ans après la réforme courageusement entreprise par l'un de ses prédécesseurs, M. Jospin, qui se proclame pourtant le champion de l'équité, laisse persister une inégalité flagrante entre deux catégories de Français, dont l'une, qui plus est, finance en grande partie les retraites de l'autre ? La même malhonnêteté intellectuelle qui le fait engager notre pays dans l'impasse pour des raisons électorales le conduit à refuser aux salariés du privé l'accès à une retraite supplémentaire par capitalisation, dont bénéficient, depuis plus de trente ans, ceux du public !

Quant à la vente des licences de téléphonie mobile, s'il nous faut saluer la conversion tardive de la gauche communiste à l'économie capitaliste, elle ne doit pas masquer le fait que même un fonds de réserve doté de 1000 milliards, à supposer que ce montant soit atteint, ne permettra qu'un lissage sur quelques années. Et, encore une fois, on peut douter que la croissance actuelle dure jusque-là, étant donné le ralentissement provoqué par divers dispositifs étatiques tels que les 35 heures ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

S'il est un domaine où la responsabilité du Gouvernement et de M. Jospin s'alourdit d'année en année, c'est bien celui des retraites, et le présent projet constitue, de ce point de vue, un mensonge d'Etat, fait aux Français de toutes les générations (Même mouvement). Il a d'ailleurs été rejeté par les conseils d'administration de la CNAF, de la CNAM, de la CNAV et de l'ACOSS, c'est-à-dire par l'ensemble des partenaires sociaux, car il ne répond ni à l'objectif de clarification, ni à celui de pérennisation du financement de la protection sociale. C'est pourquoi le groupe RPR propose de le renvoyer en commission, afin d'en corriger les errements les plus dangereux (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Gérard Terrier - J'attribue la pléthore de mots excessifs et fallacieux employés par M. Accoyer à la nécessité de compenser par l'excès du propos la faiblesse des arguments (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Il est même allé jusqu'à attribuer faussement au conseil d'orientation les propos tenus par Mme Legros devant celui-ci, et qui ne l'engagent nullement. Au renvoi en commission proprement dit, en revanche, il n'a guère consacré plus d'une ligne...

En vérité, la difficulté que rencontre la droite sur le terrain de la protection sociale est structurelle, car deux logiques, en son sein, s'opposent. Si la formation à laquelle appartient M. Accoyer se réclame, grosso modo, d'une certaine forme de solidarité, il existe un autre courant, représenté ici par M. Dord, qui a été le seul à faire l'esquisse de l'esquisse d'un projet d'essence libérale. Mais ce projet, les Français n'en veulent pas, et il ne constitue pas non plus le fond de la doctrine du RPR. Aussi, tant que vous n'aurez pas réglé ce différend entre vous, vous ne pourrez faire que des réquisitoires stériles, qui devraient d'ailleurs vous conduire, étant donné la grande quantité de matière que vous y avez injectée, à retirer votre demande de renvoi, l'Assemblée étant suffisamment informée désormais... (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Bur - Bernard Accoyer a mis le doigt, comme d'habitude, sur l'incohérence de la démarche du Gouvernement, dont le projet aggrave encore l'illisibilité de notre système de protection sociale et constitue un prolongement de fait de la loi de finances. Il crée des charges nouvelles qu'il met indûment à la charge des branches, sans garantir à celles-ci des ressources pérennes.

Quant aux caisses elles-mêmes, vous ne leur avez délégué d'autre pouvoir que celui de sanctionner. C'est la même absence de courage qui vous retient de prendre en compte les conséquences du vieillissement de la population et de dire aux Français quels efforts ils devront consentir pour préserver leurs régimes de retraite.

M. Marcel Rogemont - Quelles propositions faites-vous ?

M. Yves Bur - J'en ai cité quelques-unes hier, la régionalisation par exemple. Nous voterons le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Maxime Gremetz - J'ai écouté avec attention M. Accoyer, car il faut avouer, que, si nous ne partageons pas ses avis, il connaît bien le dossier, et pose parfois les mêmes questions que nous. La différence, c'est que son c_ur penche vers la minorité privilégiée, et que nous pensons à la majorité qui aurait bien besoin d'un surplus de pouvoir d'achat.

Au reste, tout a commencé avec le choix dont la droite se mord aujourd'hui les doigts, celui qu'elle a fait lors de la réforme régressive de Juppé, qui a conduit ensuite à la dissolution et au changement de majorité. Il est clair que jamais nous ne pourrons nous rejoindre. Vous voulez des fonds de pension, vous avez fait voter une loi Thomas que nous allons heureusement abroger. Vous voulez que chacun se soigne en fonction de ses moyens (Dénégations sur les bancs du groupe du RPR), vous ne voulez pas d'une sécurité sociale universelle. Mais je n'ai pas envie de retourner en commission pour entendre M. Accoyer répéter une fois de plus ce qu'il a déjà dit plusieurs fois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. le Président - Pour l'explication de vote du groupe RPR, la parole est M. Accoyer (Exclamations)

M. Bernard Accoyer - Cela me permettra de répondre à certains propos. Notre collègue socialiste n'a pas réfuté ce que j'avais dit de l'opacité de tuyauteries, visant surtout à égarer le Parlement comme ce détournement vers les 35 heures des recettes de la sécurité sociale.

Quant à Maxime Gremetz, s'il apporte un ton inimitable, un peu plus de retenue donnerait plus de crédibilité à ses propos. Mais j'ai bien noté qu'il proposerait des amendements et voterait contre le texte : cela suffit à mon plaisir.

M. François Goulard - Voilà un projet mal préparé, en partie illisible, qui mériterait d'être revu soigneusement en commission. On pouvait lire dans Le Monde à propos du départ de Mme Aubry : « Et le dossier Sécu à la poubelle ! », et de fait ce dossier paraît bâclé dans la précipitation d'un départ.

M. Accoyer a su donner une analyse d'ensemble du projet, tout en traitant des points spécifiques de la façon la plus concrète, par exemple lorsqu'il interpellait le Gouvernement sur le sort de ceux qui perdront bientôt le bénéfice de la CMU.

Quant à la prétendue délégation donnée à l'assurance-maladie pour contrôler les dépenses de santé, elle est parfaitement illusoire, car le ministre peut la suivre ou non, voire se substituer à elle. La vérité, est que vous mettez en _uvre une étatisation de la santé, à laquelle nous sommes opposés.

A propos des retraites, Mme Guigou a dit tout à l'heure que le Gouvernement n'était pas favorable aux fonds de pension. Nous l'avions compris, mais quelles sont alors vos intentions, à propos de la PREFON : allez-vous la supprimer ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe DL).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 18 heures 45.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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