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Session ordinaire de 2000-2001 - 15ème jour de séance, 33ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 27 OCTOBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

Sommaire

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001 (suite) 2

ART. 31 4

APRÈS L'ART. 30 (précédemment réservé) 8

APRÈS L'ART. 31 9

ART. 32 10

ART. 33 11

ART. 34 16

ART. 35 17

ART. 36 18

APRÈS L'ART. 36 19

ART. 37 19

APRÈS L'ART. 37 20

ART. 38 21

La séance est ouverte à neuf heures.

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je voudrais, au moment où nous reprenons le débat, revenir sur la couverture maladie universelle -CMU-, qui fait l'objet d'observations pertinentes de la part de nombre d'entre vous : Mme Odette Grzegrzulka, qui préside le conseil de surveillance du fonds d'orientation de la CMU, ainsi que plusieurs orateurs de la majorité et de l'opposition. Les bénéficiaires de la CMU, véritable conquête sociale, sont aujourd'hui 4,7 millions. Mais l'application du dispositif soulève certaines difficultés. La première concerne les personnes à faibles revenus qui cesseront, à partir du 31 octobre prochain, de bénéficier de l'aide médicale départementale, sans pouvoir prétendre à la CMU. Après en avoir parlé avec M. Le Garrec, président de la commission des affaires sociales, avec M. Recours, votre rapporteur, ainsi qu'avec les groupes de la majorité, je puis vous annoncer trois décisions. D'abord, la prolongation jusqu'au 30 juin 2001 des droits des bénéficiaires de l'ancienne aide médicale départementale, afin de nous donner le temps de préparer leur sortie du dispositif et d'éviter toute rupture de droits. Ensuite, pour les personnes qui ne bénéficient plus de l'aide médicale et dont les revenus dépassent le plafond de la CMU, 400 millions ont été affectés au fonds d'action sociale des caisses primaires d'assurance maladie pour leur prise en charge. Enfin, j'ai décidé de porter à 3 600 F le plafond de la CMU, ce qui représente 300 000 bénéficiaires supplémentaires (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Les règles de calcul des ressources prises en considération ne permettront cependant pas d'en faire bénéficier tous les minima sociaux. Les décrets d'application seront pris dans les prochains jours. Le Gouvernement entend ainsi affirmer que l'accès aux soins des plus modestes est une priorité.

M. Bernard Accoyer - Je souhaite faire un rappel au Règlement sur le fondement de l'article 58, d'abord pour presser Mme la ministre d'apporter une réponse au problème de la fin de droits au 31 octobre, ce qu'elle vient de faire partiellement, ensuite pour soulever celui des frontaliers qui travaillent en Suisse, et qui, du fait d'une décision autoritaire du Gouvernement, n'ont plus de couverture maladie satisfaisante. Je demande donc une suspension de séance afin de réunir mon groupe.

La séance, suspendue à 9 heures 10 est reprise à 9 heures 20.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance vieillesse - J'ai bien noté les propos de la ministre. Mais je dois rappeler que le seuil de pauvreté pour notre pays est fixé par l'INSEE à 3 800 F et qu'il faut s'en rapprocher. D'autre part, l'effet couperet du seuil pose un véritable problème et est particulièrement mal compris par nos concitoyens. Il convient de lancer une étude relative à la sortie en sifflet du dispositif.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance maladie et les accidents du travail - Les décisions qui viennent d'être annoncées répondent bien aux préoccupations qu'avait exprimées le groupe socialiste au nom duquel je parle. Elles montrent aussi à quel point les critiques de l'opposition sur le prétendu abandon du caractère universel de la protection sociale étaient erronées. Le PLFSS contient du reste d'autres manifestations de la volonté du Gouvernement de rendre la convention maladie la plus large possible. Ainsi avons-nous bien étendu la protection des non-salariés non agricoles par exemple. Toutefois, il est évident que la mise en place d'un système aussi important que celui de la CMU nécessite des adaptations. Il y a encore beaucoup à faire. La commission des affaires sociales a confié à Mme Grzegrzulka le soin d'élaborer un rapport d'évaluation, dont le Gouvernement s'est déjà inspiré. Nous continuerons de travailler pour améliorer la protection sociale des plus défavorisés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - Nous avions posé hier bien d'autres questions, portant en particulier sur la fongibilité des enveloppes ou l'avenir de la carte Vitale. Le débat aurait gagné à ce que nous ayons des réponses.

M. Bernard Accoyer - On ne répond qu'à Gremetz !

M. Jean-Luc Préel - Même sur la CMU, vous ne donnez que des réponses partielles. M. Evin s'en félicite, mais cela ne me suffit pas. Le report de date que vous venez d'annoncer -c'est déjà le deuxième- ne résout pas le problème des personnes qui étaient mieux couvertes par l'aide médicale départementale qu'elles ne le sont par la CMU.

Et que dire du dramatique effet de seuil ? Nous avions proposé une aide personnalisée à la santé dégressive en fonction des revenus qui aurait évité ces difficultés.

S'agissant ensuite du panier de soins, qui financera par exemple les dépassements de frais de dentisterie ou de lunettes ? D'autre part, on peut légitimement se demander qui gère notre système de santé ! La règle a longtemps été une séparation entre régime de base et complémentaire. Actuellement, 80 % au moins de ceux qui bénéficient de la CMU complémentaire relèvent à ce titre des CPAM. Une mesure transitoire est prévue pour la sortie des personnes dont les revenus augmentent mais les CPAM n'ont pas de quoi financer cette perte de complémentaire intermédiaire. Si on relevait davantage le plafond, les CPAM géreraient 80 % des assurés sociaux, tant en ce qui concerne le régime de base que complémentaire, ce qui bouleverserait notre assurance maladie.

M. Bernard Accoyer - Avec cette hausse de 3 % du seuil de la CMU, Madame le ministre, -du reste déjà absorbée par la hausse des carburants ou du gaz- vous ne résolvez pas les problèmes de la CMU. Contrairement à ce que vous prétendez, celle-ci porte une atteinte grave au principe d'unicité de la sécurité sociale. Vous avez mis les prestations maladie sous condition de ressources. C'est une maladie chronique de la gauche : vous aviez essayé de faire de même avec les allocations familiales. Le résultat est que la CMU crée deux catégories de Français : ceux dont la prise en charge est gratuite et totale et les autres. Rien n'est fait pour ceux qui sont juste au-dessus du seuil. C'est là que réside le vice fondateur de la CMU. Il existait des solutions alternatives mais elles ne nous auraient pas permis de faire le numéro auquel nous venons d'assister. Les mesures que vous nous proposez ne règlent rien. Certains départements avaient un seuil de prise en charge bien supérieur à 3 600 F. C'était 4 040 F pour la carte Paris-santé par exemple. La différence entre les deux représente 17 000 personnes...

En créant la CMU, vous avez retiré aux centres communaux d'action sociale et aux travailleurs sociaux de proximité la possibilité de mener une action en faveur de ces populations qui cumulent les difficultés. Désormais, ce sont les guichets des caisses primaires d'assurance maladie qui seront censés faire ce travail, alors que leurs personnels ne sont pas formés ni organisés pour cela.

En outre, la mise en place de la CMU -avec un deuxième report qui repousse de plus de dix-huit mois le délai fixé initialement- est un mauvais coup porté au système complémentaire parce que le financement est assuré en partie par les organismes d'assurance complémentaire : ceux-ci étant contraints par le code de la mutualité à avoir des comptes équilibrés, c'est sur eux qu'on fait reposer la solidarité nationale.

De même que nous avions fait des propositions en matière de retraites, nous vous en faisons une ici qui va à l'encontre de votre politique d'étatisation : donner aux collectivités territoriales les moyens de payer une complémentaire, en fonction de critères de ressources qu'elles auront décidés. Si en effet votre système vous a permis de faire des effets d'estrade, la politique consiste à résoudre les problèmes.

Mme Jacqueline Fraysse - Le groupe communiste avait demandé que le plafond de ressources de la CMU soit fixé à un niveau tel que les bénéficiaires de l'AAH et du minimum vieillesse soient inclus. Nous regrettons que tel ne soit toujours pas le cas avec ce projet et nous maintenons cette demande, tout en nous réjouissant, bien sûr, que le plafond soit porté à 3 600 F ; nous avons le sentiment d'y avoir beaucoup contribué.

La prolongation des droits jusqu'à la fin du mois de juin est évidemment utile, mais il faudra, d'ici là, trouver une solution pérenne.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - La question des travailleurs frontaliers est examinée actuellement par un magistrat de la Cour des comptes et deux universitaires. Les conclusions qu'ils vont nous rendre dans les jours qui viennent seront mises à l'étude avec les associations de frontaliers.

En ce qui concerne la télétransmission, Monsieur Préel, on constate cette année un vrai décalage : 42 millions de cartes Vitale ont été distribuées entre juillet 1998 et juillet 1999, auxquelles s'ajoutent 4,5 millions de cartes renouvelées. Le coût d'envoi d'une carte étant de 13 F, l'estimation financière globale est d'un milliard environ. Le nombre de médecins télétransmetteurs est passé de 1 290 en décembre 1998 à 43 000 à ce jour, soit 41,5 % des médecins libéraux.

D'autres professions de santé étant également entrées dans le dispositif, on compte au total 53 000 professionnels télétransmetteurs. Une caisse sur deux a dépassé l'objectif de 40 % qui avait été fixé par la CNAM au 31 décembre 1999 ; seules quelques caisses, notamment à Paris, en Corse et dans des départements d'outre-mer restent en dessous de 20 %. Au 30 août dernier, plus de 248 000 cartes personnelles de santé avaient été distribuées.

S'agissant de la fongibilité des enveloppes, il faut éviter tout dogmatisme. Lorsqu'un médicament distribué à l'hôpital est autorisé en ville, le transfert de l'enveloppe hospitalière à l'enveloppe de ville se fait au moment de la fixation des budgets. Un transfert se fait également de l'enveloppe hospitalière vers l'enveloppe médico-sociale : c'est la reconnaissance du rôle social de l'hôpital et du fonctionnement en réseau.

Ce mode de fonctionnement qui fait l'objet de dispositions expérimentales élargies, permettra d'avancer vers la fongibilité des enveloppes que vous réclamez mais qui doit correspondre à la réalité des pratiques médicales.

M. le Président - Nous en venons aux trois amendements après l'article 30.

M. Claude Evin, rapporteur - Si l'Assemblée adoptait ces amendements, ils pourraient ensuite être annulés par les votes qui interviendront sur l'article 31. La commission demande donc leur réserve jusqu'après l'article 31.

Les amendements 261, 289 et 342 sont réservés.

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ART. 31

M. Jean-Luc Préel - Nous sommes très attachés à la qualité des soins et à l'optimisation des dépenses, qui posent le problème du respect de l'ONDAM et celui des mauvaises pratiques médicales.

L'ONDAM est devenu quasiment virtuel. Est-ce bien un objectif à respecter ? Si lorsqu'il est dépassé on prend comme base pour l'année suivante les dépenses réelles, pourquoi maintenir des sanctions collectives ? Les professionnels ne comprennent pas. Nous nous étions nous-mêmes battus contre le système des lettres-clés flottantes et en faveur d'une individualisation des sanctions.

Le deuxième problème est celui des modes d'exercice déviants. Les comités médicaux régionaux -CMR- ne sont pas acceptés par les professionnels, qui les considèrent comme des tribunaux d'exception puisqu'ils ne sont pas paritaires, et dans la pratique ils n'ont pas fonctionné. Par cet article, vous proposez la suppression des commissions médicales paritaires locales -CMPL-, qui présentaient pourtant l'avantage d'être paritaires et étaient chargées d'évaluer les bonnes pratiques.

Or les pratiques déviantes sont rares, mais doivent être sanctionnées. Il convient pour cela de définir des références de bonne pratique, afin que ceux qui ne les respectent pas soient sanctionnés, mais d'abord par leur pairs, qui sont les seuls à même d'apprécier le caractère adapté ou non des pratiques utilisées. Nous sommes donc favorables à la suppression de la CMR, mais il nous paraît nécessaire de maintenir les CMPL.

M. Bernard Accoyer - Cet article a été introduit sans concertation avec la profession. Madame la ministre nous a expliqué qu'elle allait l'ouvrir ; nous l'incitons vivement à le faire car les professions libérales de santé sont désespérées.

La technocratie qui prévaut ici et là conduit à considérer que seules les professions libérales de santé sont responsables de la hausse des dépenses. Cette erreur évidente et cette injustice insupportables provoquent l'éc_urement des professionnels libéraux, qui étaient hier dans la rue pour la journée « santé morte ».

L'article 31 commet une erreur de plus : celle de vouloir sanctionner en recourant à la procédure réservée aux manquements les plus graves. Vous auriez dû plutôt choisir la concertation, à l'_uvre au sein des commissions médicales paritaires locales. Ces commissions ont l'avantage de la parité, de la proximité, de la prise en considération concrète des problèmes de soins. Mais vous choisissez la méthode la plus sévère, symboliquement humiliante. C'est inacceptable.

Déjà votre obsession de l'évolution des dépenses de santé vous a conduits à instituer le plus bête des mécanismes de sanction, celui des lettres-clés flottantes, qui en faisant baisser la valeur unitaire d'un bien de santé et d'un acte médical fait augmenter mécaniquement les volumes. En multipliant les baisses de tarif, vous avez dépassé de 100 % les objectifs. Le beau succès ! Et vous continuez dans la même voie ! En vérité, il faut regarder la réalité en face, évaluer la hausse des dépenses de santé, fixer leur évolution à la faveur de la discussion de lois modificatives de financement de la sécurité sociale. Or vous vous y refusez. Est-ce la faute des professionnels libéraux de santé si se produit un transfert d'activité de l'hôpital public vers la ville ? Si la délivrance de certains médicaments passe des pharmacies centrales hospitalières aux pharmacies d'officine ? Est-ce leur faute si les techniques de détection et de traitement de certaines maladies progressent ? Si on peut aujourd'hui pratiquer nombre d'interventions par voie endoscopique ? Si des personnes atteintes de difficultés coronariennes ont maintenant les moyens de vivre plus longtemps ?

Les seuls que vous estimiez comptables de ces transferts et de ces progrès, ce sont les professionnels libéraux. Avez-vous contrôlé l'évolution des dépenses de l'hôpital public, auquel vous avez dû octroyer en mars une hausse de l'ONDAM double de celle que nous avions votée ? Pourquoi ne regardez-vous jamais du côté des centres de rééducation fonctionnelle ? Pourquoi les infirmières, ces hussards de la solidarité et de la santé, devraient-elles être humiliées par l'application de PSI ?

Je vous demande un peu de justice et de considération envers les professionnels de santé quels qu'ils soient.

M. Jean-Pierre Foucher - Sous couvert de supprimer les CMR, véritables tribunaux d'exception, le Gouvernement supprime aussi les CMPL, dont la vocation première n'était pas de sanctionner, mais de développer une pédagogie.

Vous les remplacez par un dispositif dont le seul but est de prononcer des sanctions, en particulier des sanctions financières pouvant s'élever à 352 800 F. Cette procédure se déroule sans aucune concertation avec les professions, et les décisions sont exécutoires sans aucun recours, la conciliation pouvant être refusée par les caisses.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - La lecture de l'article 31 a causé une immense surprise. Sa rédaction s'étend sur six pages du petit fascicule mis à notre disposition, ce qui en fait l'article le plus long, assorti d'un exposé des motifs détaillé sur la façon de punir les médecins. Il n'est question que de fautes, de fraudes, d'abus, de manquements des professionnels, contre lesquels s'accumulent, avec une sorte de plaisir sadique, mise en garde, suspension, pénalité financière, interdiction temporaire ou permanente.

Je ne dis pas que tous les professionnels de santé soient irréprochables.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Alors comment faire ?

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Mais il ne faut pas jeter la suspicion sur l'ensemble de la profession. Les dispositions de l'article 31 signifient en fait que vous n'avez aucune estime pour les professionnels de santé.

Est-ce ainsi que vous comptez améliorer leur pratique ? Ce n'est pas la multiplication des sanctions qui fera naître un climat de confiance pourtant indispensable.

Je tiens à rappeler, autant qu'il le faudra, cinq principes.

D'abord les dépenses d'assurance maladie iront toujours en augmentant.

Il faut donc les réguler et une maîtrise s'impose. Mais l'Etat ne doit pas imposer un ONDAM de façon brutale. C'est un ONDAM prévisionnel qu'il faudra établir, dans la concertation. Aussi bien l'ONDAM est-il dépassé chaque année.

Si on décide de ne pas rembourser toutes les dépenses de soin, alors il est indispensable de définir un panier de biens et de services, en prenant l'avis des professionnels de santé.

Oui, un contrôle est nécessaire, entraînant, le cas échéant, des sanctions pour les professionnels non scrupuleux. Mais ces sanctions doivent revêtir un caractère pédagogique, au lieu de rechercher systématiquement la punition la plus lourde.

Sur ce point, les CMPL étaient remarquables par l'intelligence de leur composition et la qualité de leur fonctionnement.

Enfin, rien ne sera possible sans la participation permanente des professionnels de santé.

M. le Président - En imprimant des fascicules de petit format sur du papier recyclé, l'Assemblée économise plusieurs millions chaque année.

Mme Jacqueline Fraysse - J'ai écouté avec un grand intérêt la droite vitupérer en feignant d'oublier que les « épouvantables » sanctions dont il est question aujourd'hui ont été instaurées par le plan Juppé.

M. Bernard Accoyer - Il faut savoir revenir sur ce qui n'a pas fonctionné.

Mme Jacqueline Fraysse - Finissez-en, en tout cas, avec les effets de manche ! Les sanctions, vous les avez imposées contre l'avis des professions de santé, qui vous l'ont chèrement fait payer -elles ne sont pas pour rien dans votre éjection du pouvoir ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

L'opinion du groupe communiste n'a jamais varié sur ces questions : nous étions contre ce dispositif, et nous le demeurons. Nous sommes opposés, aussi, au mécanisme que propose le Gouvernement dans l'article 31, et nous nous félicitons que notre amendement de suppression ait été adopté par la commission.

La proposition qui nous est faite repose en effet sur un principe que personne ne peut accepter : ni les patients, qui souhaitent, légitimement, pouvoir accéder aux meilleurs soins, ni les médecins qui, pour des raisons éthiques évidentes, refusent de rationner les soins. Notre opposition à la proposition du Gouvernement ne signifie pas -mais qui en douterait ?- que nous défendons les excès, le gaspillage ou les dérives, lorsqu'il y en a, mais le dispositif envisagé, dépréciatif pour tous, n'est acceptable par personne, je le répète. Il importe de fixer, après concertation, des règles rigoureuses, en admettant que le corps médical n'est pas constitué d'une majorité de gangsters.

L'efficacité commande d'abandonner un système qui fait de chaque médecin un gaspilleur en puissance et donc un coupable, et de chaque patient, dépensier par nature, un consommateur effréné de médicaments et d'actes médicaux par plaisir pur. Chacun le sait, la réalité est tout autre.

Les médecins sont disposés à se prêter à l'évaluation de leur pratique, mais seulement si elle est conduite dans le respect de leur travail, avec l'objectif d'améliorer leur exercice et de satisfaire les besoins des malades, et en concertation. Aussi longtemps que des restrictions leur seront imposées a priori, ils ne les accepteront pas, ce que chacun peut comprendre.

Le dispositif coercitif proposé ne peut qu'accroître une tension déjà très forte. Il faut donc y renoncer et s'engager, par le dialogue, dans une démarche conventionnelle renouvelée. C'est pourquoi le groupe communiste votera contre cet article.

M. le Président - Je suis saisi de trois amendements de suppression.

M. Claude Evin, rapporteur - J'invite les orateurs à revenir au texte qui nous est proposé : ils constateront qu'il ne s'agit pas de sanctionner les médecins qui dépenseraient trop, mais de régler les litiges dans l'application des dispositions du code de la sécurité sociale relatives aux abus et aux fraudes. Le Gouvernement ne considère pas les médecins avec suspicion, Madame Obadia ! L'existence du code pénal signifierait-elle que l'ensemble des Français sont suspectés d'actes délictueux ? Vous admettez vous-même que certaines pratiques sont déviantes ; il nous faut bien les faire cesser !

En fait, la droite est empêtrée dans ses contradictions, convenant qu'il faut maîtriser les dépenses de santé tout en expliquant que les sanctions destinées à faire respecter l'ONDAM sont inadmissibles, et qu'il faut s'en tenir à une maîtrise individuelle des dépenses, tout en démontrant le contraire.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Vous deviez être occupé à autre chose ! Vous ne m'avez pas écoutée !

M. Claude Evin, rapporteur - Vous savez pourtant, pour ne pas y être vous-mêmes parvenus, qu'il est impossible d'identifier quels médecins sont trop dépensiers. Il faut donc mettre au point les procédures qui permettent de régler les litiges. Or les CMPL ne fonctionnaient pas, car elles ne pouvaient se réunir quand les syndicats de médecins refusaient de siéger. M. Juppé en était si conscient qu'il a, par l'ordonnance de 1996, installé les CMR -lesquels ne fonctionnent pas davantage. D'autres procédures sont donc nécessaires.

C'est pourquoi le Gouvernement propose un dispositif nouveau, prévoyant que si la conciliation n'a pas abouti, la caisse peut prendre diverses mesures ou saisir la section des affaires sociales du conseil régional de l'ordre des médecins. Cette piste de réflexion doit être précisée, car la vocation première de cette instance n'est pas de prononcer des sanctions. La solution qui consisterait à faire régler les litiges par les tribunaux des affaires sociales n'est pas plus satisfaisante, puisqu'aucun médecin n'y siège.

Il convient donc de repenser les procédures contentieuses liées à l'application des dispositions du livre 1er du code de la sécurité sociale. Mais, estimant que l'article 31 pourrait être considéré comme un cavalier par le Conseil constitutionnel, puisqu'il ne concerne pas l'application de l'ONDAM, la commission en demande la suppression, souhaitant qu'un nouveau dispositif soit soumis à l'Assemblée lors de la discussion, prévue pour avoir lieu en janvier, du projet relatif à la modernisation sociale. Elle est prête à participer à la concertation qui devra s'engager dans l'intervalle entre le Gouvernement, la CNAM et le corps médical, et qui devra privilégier la conciliation, très en amont, plutôt que les sanctions. Voilà qui explique l'amendement 78, de suppression.

M. Bernard Accoyer - On admirera la franchise du rapporteur : si la commission demande la suppression de l'article, ce n'est certes pas qu'elle trouve mauvaises les dispositions envisagées, mais qu'elle craint la censure du Conseil constitutionnel. Tous ceux qui ont pu croire un instant que la concertation et l'équité prévaudraient dans les règlements des litiges entre la CNAM et les médecins libéraux seront édifiés !

Ce qui justifie la suppression de cet article, c'est l'insupportable confusion que créerait la judiciarisation des litiges en l'absence de manquements graves justifiant la réunion d'instances disciplinaires.

Retraçant le cheminement de sa pensée, le rapporteur nous a d'ailleurs éclairé sur son état d'esprit : il n'a cessé d'affirmer sa volonté de sanctionner financièrement, usant à plusieurs reprises d'un qualificatif insultant -« déviants ». Pour nous, qui ne regrettons certes pas que les tribunaux des affaires sociales ne puissent intervenir, c'est la concertation qui doit primer : celle qui se déploie dans les commissions médicales paritaires locales. Nous demandons donc la suppression de cet article dans un tout autre esprit que le fait le rapporteur : nous voulons remplacer le dispositif actuel par un dispositif de maîtrise médicalisée et de promotion des bonnes pratiques qui soit concerté. Mais le Gouvernement, qui a mis à mal l'esprit conventionnel, préfère pouvoir continuer à accuser, de façon quasi-obsessionnelle, les professionnels libéraux d'être à l'origine d'une hausse inéluctable des dépenses de santé.

Mme la Ministre - Je suis évidemment contre ces amendement de suppression et je ne puis que souligner les contradictions de l'opposition qui, après avoir approuvé en 1996 l'institution des comités médicaux régionaux, demande aujourd'hui leur suppression ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

Les amendements 78, 197 et 262, mis aux voix, sont adoptés, et l'article 31 est ainsi supprimé.

M. le Président - Tous les autres amendements à cet article tombent.

Mme la Ministre - Je voudrais ici donner mon sentiment sur l'amendement 78 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Luc Préel - Mais il a déjà été adopté !

M. le Président - Le Gouvernement peut intervenir quand il le souhaite.

Mme la Ministre - Le débat a montré qu'à l'évidence, le système actuel ne fonctionne pas. Une politique de réformes structurelles s'impose donc pour permettre aux professionnels libéraux d'améliorer leurs pratiques, individuelles et collectives. Nous la verrons. Nous avons également informatisé le système de santé, au profit de 47 000 professionnels déjà ; nous travaillons à l'évaluation des pratiques, à l'amélioration de la formation continue, à la réforme de la nomenclature. Toutes ces actions exigent des engagements individuels ou collectifs et des conventions avec les caisses ; mais aussi un mécanisme de sanctions. Or le dispositif actuel de règlement des litiges mécontente aussi bien les professionnels que les caisses. La Cour des comptes en a également souligné les défauts, qui font que, depuis 1999, les instances concernées sont totalement paralysées. Il faut donc réagir et j'ai pris acte de votre volonté d'établir un système apte à fonctionner, en concertation avec les professionnels. Le support le plus approprié pour cette réforme me semble être le projet de loi de modernisation du système de santé : c'est donc à l'occasion de sa discussion que nous rechercherons les meilleures modalités d'une maîtrise des dépenses.

M. Bernard Accoyer - Mais étiez-vous favorable ou non à l'amendement de suppression ? Je crois vous avoir entendu dire que vous y étiez hostile...

M. Claude Evin, rapporteur - Merci, Madame la ministre, des précisions que vous venez de donner. J'ai bien noté pour ma part que le Gouvernement était favorable à l'amendement 78 et envisageait de nous saisir d'un nouveau dispositif de règlement des litiges, dans le projet de modernisation du système de santé -effectivement mieux adapté que le projet sur la modernisation sociale dans la mesure où il traitera aussi de la réforme des ordres, par exemple. Cette solution devrait nous permettre de proposer des dispositions cohérentes, tant pour les litiges d'ordre déontologique que pour ceux liés à l'application du code de sécurité sociale. Notre débat aura donc éclairé l'avenir.

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APRÈS L'ART. 30 (précédemment réservé)

M. Jean-Pierre Foucher - Les amendements 261, 289 et 342 sont défendus.

M. Claude Evin, rapporteur - Rejet, pour les raisons que j'ai déjà opposées.

Les amendements 261, 289, et 342, repoussés par le Gouvernement et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés

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APRÈS L'ART. 31

M. Jean-Luc Préel - Nous progressons bien lentement... N'importe, nous sommes prêts à débattre jusqu'à demain matin. Reste que le Gouvernement semble bien avoir changé d'avis sur la suppression de cet article.

En fin dialecticien, le rapporteur a travesti notre position. Je veux donc mettre les choses au point : nous sommes contre les sanctions collectives et pour le développement des bonnes pratiques médicales. Et si nous souhaitons que les « comportements déviants » soient sanctionnés, nous voulons que ce soit au terme d'un débat contradictoire.

Par l'amendement 280, nous tirons les conséquences du non-fonctionnement du système actuel. Celui-ci prévoit trois rapports annuels : or celui de novembre ne sert à rien, les sanctions proposées à ce moment ne pourront à l'évidence influer sur les dépenses. Nous sommes, bien sûr, également opposés aux lettres-clés flottantes.

Pour « rebaser » l'ONDAM, le Gouvernement prend en compte les dépenses réalisées et nous sommes d'accord avec lui sur ce point -une fois n'est pas coutume. Mais, dès lors, pourquoi sanctionner et sur quelles bases ? La logique veut plutôt qu'on renonce aux trois rapports et aux sanctions collectives.

Je propose donc un rapport annuel, qui serait transmis au Parlement, comporterait une analyse des évolutions de dépenses de l'année précédente, et fournirait l'occasion de promouvoir les bonnes pratiques.

M. Claude Evin, rapporteur - Nous avons à peine un an de recul pour apprécier la gestion de l'enveloppe de dépenses par les caisses, qui est une innovation de l'année dernière. J'observe qu'il y a une contradiction entre l'affirmation de la nécessité de la maîtrise des dépenses et le rejet de tout instrument proposé pour y parvenir. Car comment respecter les objectifs fixés en matière de gestion des honoraires ? Les caisses doivent présenter quatre rapports dans l'année. L'amendement 79 rectifié tend à ce que le rapport que les caisses doivent transmettre au plus tard le 15 novembre tienne compte de l'ONDAM annoncé pour l'année suivante, les caisses en ayant connaissance au moment où elles l'élaborent puisqu'elles sont saisies pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je souhaite l'adoption de cet amendement et suis défavorable à celui de M. Préel.

Mme la Ministre - Je suis défavorable à l'amendement 280, le dispositif voté l'an dernier ayant pour objectif d'établir un dialogue continu entre les caisses et les professions de santé et de permettre une évaluation régulière. S'il est sans doute utile d'adapter celui-ci après cette année de rodage, l'amendement du rapporteur le permet utilement, en précisant la finalité du dernier rapport : il est plus utile pour l'année à venir que pour celle en cours. Le Gouvernement est très attaché depuis 1998, à l'évolution envisagée pour les objectifs découlant de l'ONDAM. Le rapport du mois de novembre est donc une bonne occasion de confronter cette évolution avec les perspectives pour l'année à venir.

M. Jean-Luc Préel - Je ne défendrai pas à nouveau mon amendement, dont la logique est différente. Je me bornerai à rappeler que les relations avec les professionnels de santé, qui sont loin d'être bonnes, on été aggravées par ces différents rapports. Je suis également amusé et heureux que la commission propose un amendement qui n'est que la reprise de l'un de ceux que nous avions présentés l'année dernière, et que vous aviez alors repoussé avec mépris !

L'amendement 280, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 79 rectifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 32

M. Jean-Luc Préel - L'article 32, qui crée l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation, pose deux problèmes essentiels : celui du programme médicalisé des systèmes d'information -PMSI- et de la prise en compte de l'activité réelle des hôpitaux ; celui de l'évaluation et de l'accès des tiers aux informations. Nous sommes bien sûr favorables à la transparence des résultats de l'évaluation. Je regrette pour ma part que l'accréditation soit donnée par établissement, et non par service. La publicité des résultats est un problème crucial à l'heure où la population réclame de la transparence, comme en témoignent les enquêtes, certes pas toujours fiables, menées par différents journaux. Vous devez nous indiquer les modalités d'accès des tiers aux informations : qui aura un droit d'accès ? Comment les informations seront-elles transmises aux journalistes ? Pourront-ils toujours mener des enquêtes ?

Le deuxième objectif est de regrouper les données du PMSI. Comment sera-t-il tenu compte de l'activité réelle des hôpitaux dans la fixation de leur dotation budgétaire, ce qui n'est pas fait aujourd'hui, notamment en raison du retard pris par la tarification à la pathologie ? Les frais de personnel représentent 70 % d'un budget hospitalier, et le GVT y joue un rôle important. Et pourtant l'ARH ne prend en considération, pour mon hôpital, que 50 % de cet effet !

M. Bernard Accoyer - Sous couvert de créer une agence technique de l'information sur l'hospitalisation, et dans le prolongement de l'article 37 du PLFSS 2000, l'information sur les établissements de soins -en particulier publics- devient encore plus opaque. J'ai ici un numéro historique de l'année dernière de la revue Science et Avenir, qui publiait de vraies informations, au demeurant pas toujours rassurantes, sur la qualité des soins dans les établissements. Le Gouvernement s'empresse donc de rendre ce type d'informations confidentielles, alors qu'elles constituent un droit élémentaire des citoyens. Il est normal de se renseigner avant de se soigner ! Avec cette censure, le Gouvernement pousse l'hypocrisie à son paroxysme. Son travail odieux prive les plus faibles du droit fondamental de choisir un bon établissement. Désormais, il faut sortir son carnet d'adresse et essayer de se renseigner. Mais soyez sûrs que ceux qui ont organisé cette réforme savent où aller! Notre rôle est d'offrir aux Français la meilleure information pour garantir l'égal accès aux meilleurs soins.

M. le Président - Nous sommes saisis d'un amendement 243, déposé par les trois groupes de l'opposition tendant à supprimer l'article.

M. Claude Evin, rapporteur - Avis défavorable. L'article crée une agence technique pour gérer la collecte des informations, qui proviennent d'institutions très diverses. On veut laisser croire qu'il s'agit d'apprécier la qualité des établissements de santé, mais telle n'est pas la vocation du PMSI. C'est l'agence nationale d'évaluation et d'accréditation en santé qui traite cette question. Le PMSI n'est qu'un outil d'information très utile sur l'activité des établissements, et la création de l'agence technique est d'ailleurs réclamée par les professionnels eux-mêmes.

En revanche, la commission a déposé un amendement 80 rectifié qui précise que le financement de l'agence est assuré à la fois par l'Etat et par les caisses de sécurité sociale. Il tend aussi à supprimer le II de l'article qui pourrait être considéré comme un cavalier social.

Mme la Ministre - Avis défavorable à l'amendement 243. Il faut regrouper les informations qui permettent à l'administration de mettre en place le système d'information, de suivi et de pilotage de l'hospitalisation. En revanche, je suis favorable à l'amendement 80 rectifié qui précise les modalités de financement de l'agence.

L'amendement 243, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 80 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Foucher - Compte tenu de l'importance du PMSI pour la modernisation des hôpitaux, l'amendement 281 propose qu'un rapport annuel sur son évolution soit remis au Parlement.

M. Claude Evin, rapporteur - Je n'y suis pas favorable pour la simple raison que ce rapport figure déjà dans les annexes de chaque PLFSS.

Mme la Ministre - Même avis.

L'amendement 281, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 32 modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 33

M. Jean-Luc Préel - J'ai posé des questions auxquelles M. Evin n'a toujours pas répondu. Qui aura accès aux données de l'agence, et pour en faire quoi ? Le PMSI prend-il en compte l'activité réelle des hôpitaux, dans la dotation budgétaire ? Vous savez qu'il persiste de grandes inégalités entre les hôpitaux.

M. Bernard Accoyer - Certains sont surdotés, par exemple.

M. Jean-Luc Préel - Il est indispensable que le PMSI permette de rétablir l'équilibre.

L'article 33 concerne le fonds pour la modernisation sociale des établissements de santé. Il est intéressant parce qu'il a trait aux conditions de travail et de mobilité du personnel. Mais, alors qu'il s'adresse dans son premier paragraphe aux « établissements de santé », il exclut ensuite nombre d'établissements privés. Nous sommes très attachés, comme tous les Français, à la liberté de choix entre les hôpitaux publics et cliniques privées. Or ces dernières rencontrent des difficultés importantes. Il me semble logique que tous les établissements de santé puissent bénéficier du fonds de modernisation, mais vous avez refusé, sans que je comprenne pourquoi, l'amendement que j'avais déposé à cette fin.

M. Bernard Accoyer - Cet article illustre la méthode du Gouvernement pour résoudre les problèmes. Il crée un fonds de modernisation sociale des établissements de santé, qui ne diffère du fonds qui existait déjà que par ce seul terme de « sociale » ! Mais cette modeste adjonction pourrait avoir des conséquences graves sur la qualité des soins, l'adaptation des établissements ou l'accès aux technologies modernes de la santé. Elle satisfait en effet aux exigences du protocole de mars 2000 en faveur de l'hôpital public que Mme Aubry a signé dans la plus grande précipitation sous la pression des syndicats. Elle a dans le même temps fait montre de sa considération pour le Parlement en augmentant de 100 % l'objectif de dépenses pour l'hospitalisation publique, qu'il avait fixé quelques semaines plutôt !

Je m'étonne du peu de cas que fait le Gouvernement de l'état de notre système d'hospitalisation. Le protocole de mars 2000 gagne du temps, calme une situation explosive, mais ne peut en rien régler la grave crise actuelle, en dépit de 17 milliards qu'il dégage sur trois ans ! Je ne conteste pas cet effort, parce qu'il y a bien des besoins à combler, mais je remarque que le souci de maîtrise des dépenses du secteur privé, lui, n'a pas disparu ! Ce protocole donc, loin de répondre aux besoins, ne parvient pas à masquer l'absence totale de politique d'avenir. L'exemple en est la gestion démographique des professions de santé. Le Gouvernement a certes intégré 7 000 médecins, dont les diplômes ne présentent d'ailleurs pas les mêmes garanties que les diplômes européens. Il a certes accordé une aide financière. Mais, les salaires des infirmières augmentant dans le public, certaines infirmières quittent le secteur privé. Et cela au moment même où les cliniques privées, sur l'injonction du Gouvernement, sont passées aux 35 heures, ont besoin donc de recruter mais ne peuvent mieux payer leur personnel parce que vous faites stagner leurs tarifs, après avoir essayé de les réduire.

Madame le ministre, ne croyez-vous pas le moment venu d'alimenter le fonds de modernisation à un niveau qui permette aux établissements privés de se restructurer, et de donner à ceux-ci les moyens de fonctionnement dont ils ont besoin ? Si vous ne le faites pas, un certain nombre d'entre eux vont disparaître et on verra s'allonger les listes d'attente à l'hôpital public.

M. Jean-Pierre Foucher - Le fonds pour la modernisation sociale des établissements de santé remplace le fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé. C'est le résultat de la pression de la rue, mais l'amélioration des conditions de formation et d'exercice professionnel des personnels est une nécessité pour tous les établissements de santé. Or ne sont visés à cet article que le secteur public et les établissements engagés dans des opérations de coopération avec des établissements publics. Il est nécessaire d'inclure les établissements privés, qui accueillent un tiers des hospitalisations et emploient plus de 100 000 personnes.

Par ailleurs, peut-on avoir une idée du solde de l'ancien fonds, qui sera versé au nouveau ?

M. Alain Veyret - Faut-il créer un autre fonds en faveur du secteur privé, où les règles de fonctionnement sont très différentes de celles du secteur public, mais dont on ne peut occulter les difficultés ? La création d'un tel fonds, qui pourrait être contractualisé, serait une meilleure solution que l'élargissement au secteur privé de celui qui est créé à l'article 33.

Les difficultés que connaît le secteur privé vont apparaître dans quelque temps dans le secteur public du fait de la réduction du temps de travail. En effet si dans une entreprise industrielle, la réduction du temps de travail, grâce aux gains de productivité, peut n'entraîner que 7 % d'embauches, il n'en va pas du tout de même dans des services qui fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, où la diminution de 11,5 % du temps de travail doit être compensée intégralement par une augmentation des embauches. Cela entraîne une augmentation importante des masses salariales, qui représentent 75 % du budget de l'hospitalisation publique et 50 % de celui de l'hospitalisation privée. Comment a-t-on prévu de résoudre ce problème, tant dans le secteur public que dans le secteur privé ?

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article traduit les engagements du Gouvernement à la suite du grand mouvement des personnels hospitaliers de l'hiver dernier, qui s'est conclu par un protocole d'accord signé le 14 mars 2000.

Nous regrettons de ne pas avoir été entendus lorsque nous avons alerté le Gouvernement sur les problèmes que nous pressentions, à l'occasion du débat sur le PLFSS pour 2000. Les professionnels, à qui l'on a en outre confié des missions nouvelles, n'ont fait qu'exprimer leur volonté de dispenser des soins de qualité de façon égalitaire à tous les usagers, ce qui malheureusement reste loin d'être le cas.

Les 10 milliards débloqués sur trois ans apportent indiscutablement une bouffée d'oxygène, mais ne suffisent pas. A l'hôpital de Montauban, le personnel nous a expliqué que pour remplacer les absents et combler les manques, il faudrait embaucher 150 agents ; or le protocole n'a permis que de créer 15 emplois... La mise en place des 35 heures, crée de nouveaux besoins.

Par ailleurs, nous regrettons que les aides à la mobilité et à l'adaptation des personnels prévues par le protocole ne soient pas universelles, mais réservées aux établissements engagés dans des opérations de restructuration.

D'une façon générale, ce protocole d'accord n'est pas suffisant. Il faut donc dès maintenant des moyens pérennes au secteur public hospitalier. Nous devons faire vite car la pression sociale est importante. Néanmoins nous voterons cet article 33.

M. Claude Billard - Comme ma collègue vient de le dire, s'il est vrai que des avancées ont été obtenues à l'issue du conflit des personnels hospitaliers, la situation demeure très préoccupante dans certains établissements.

C'est notamment le cas dans le secteur psychiatrique, qui est particulièrement défavorisé. Plus de 500 postes de psychiatres ne sont pas pourvus dans les établissements publics. Il en résulte une dégradation des conditions de travail, des confrontations violentes entre les patients et les personnels, des sorties hâtives, une augmentation des réhospitalisations. C'est un gâchis financier et humain.

M. Bernard Accoyer - C'est tristement vrai.

M. Claude Billard - Le centre spécialisé de Villejuif, que je connais bien, voit son budget diminuer pour la sixième année consécutive, malgré les engagements pris par le ministère. Ces réductions budgétaires ont conduit à la suppression de 150 postes d'infirmiers, en six ans. Or dans ce type d'établissement, les personnels constituent la seule richesse... Le conseil d'administration de l'établissement a voté un budget de rattrapage pour 2001. Que se passera-t-il si aucune réponse n'est apportée à ce message d'alerte ?

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Ce fonds de modernisation était attendu, mais on comprend mal l'exclusion des hôpitaux privés, qui représentent plus du tiers des hospitalisations. Il serait nécessaire de modifier cet article pour assurer l'équité entre établissements publics et privés.

M. Jacques Barrot - Je regrette l'inégalité de traitement dont est victime le secteur hospitalier privé. Le risque est grand qu'il doive fermer certains services -il faudrait au contraire l'accompagner dans son effort de modernisation et de restructuration. Sinon l'iniquité qui le frappe va se retourner contre les malades et les personnels. M. Evin, qui siège avec moi à la fondation hospitalière de France, me comprendra certainement.

Mme la Ministre - Monsieur Préel, depuis la fin de 1999, la CNIL a autorisé tous les traitements de données personnelles qui ont fait l'objet de demandes dans le cadre des nouvelles procédures. Ç'a été le cas des deux premières demandes émanant du Figaro-magazine et de Science et Avenir. Il n'existe donc aucun blocage, mais il est normal de contrôler le traitement des données personnelles.

Les cliniques privées sont une composante essentielle de notre système de soins, en complémentarité avec l'hôpital public. Aussi le Gouvernement a-t-il pris cette année des mesures en leur faveur. Ainsi le nouveau mécanisme de régulation des cliniques a permis d'instaurer un véritable partenariat, et l'Etat a signé le 1er mars avec les trois fédérations de l'hospitalisation privée un accord permettant de réduire les disparités tarifaires au niveau régional. Le fonds pour la modernisation des cliniques privées est doté de 100 millions en 2000, et le sera de 150 millions l'an prochain.

M. Jean-Pierre Foucher - C'est très insuffisant !

Mme la Ministre - L'arrêté intéressant les établissements aux économies réalisées a été publié. Cet intéressement représente pour eux un revenu supplémentaire. Enfin, nous avons demandé aux Caisses nationales de ne pas procéder au recouvrement des ressources allouées en 1999 au titre du fonds d'aide aux contrats qui a été annulé par le Conseil d'Etat, ce qui constitue une ressource supplémentaire de 130 millions .

Le PLFSS comporte une disposition tendant à rémunérer l'activité d'urgence exercée par les cliniques privées qui en ont reçu l'autorisation dans le cadre des SROS. Le Gouvernement a l'intention de fixer un objectif de dépenses des cliniques en progression de 3,3 % en 2001 contre 2,2 % cette année, la hausse étant identique à celle décidée pour les hôpitaux publics. Monsieur Barrot, en 1997, lorsque vous étiez encore aux responsabilités, l'objectif de progression pour les cliniques privées était fixé à 1,3 %, nettement moins que l'ONDAM.

M. Jacques Barrot - Hélas !

Mme la Ministre - Les cliniques éprouvent des difficultés à recruter du personnel soignant. Aussi bénéficieront-elles de l'augmentation des quotas d'entrée dans les écoles d'infirmières. Un arrêté a aménagé l'accès aux écoles d'infirmières pour les aides-soignantes. Les cliniques peuvent désormais employer, comme les hôpitaux, les étudiants en 4ème année de médecine faisant fonction d'infirmiers.

Enfin nous allons modifier le décret de 1956 relatif aux normes de personnel applicables aux cliniques.

Vous le voyez, nous ne sommes pas restés inactifs. Le Gouvernement conduit à l'égard des cliniques privées une politique cohérente, tendant à adapter l'offre de soins aux besoins de la population pour promouvoir la qualité et la sécurité des soins, et réduire l'inégalité dans l'accès aux soins.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 291 tend à supprimer l'article. La création du fonds pour la modernisation sociale des établissements de santé suffira, à en croire la ministre, à régler tous les problèmes. Pourtant, alors que gouverner c'est prévoir, en 1997, 1998 et 1999 le nombre d'étudiants autorisés à entreprendre des études d'infirmière a baissé, de sorte que manquent aujourd'hui 27 000 infirmières diplômées d'Etat. L'article 33 n'est pas satisfaisant non plus en ce que le protocole 2000 comporte 10 milliards sur trois ans pour les établissements publics, soit 3,3 milliards par an, alors que vous venez d'annoncer 150 millions pour le secteur privé. Le rapport est ainsi de 1 à 2000, alors que 60 % des actes chirurgicaux sont effectués dans le secteur privé, et 50 % des accouchements.

En 1997, dites-vous, le taux de hausse des dépenses autorisé aux établissements privés a été faible. C'est vrai. Mais les ressources de l'assurance maladie étaient en péril, la sécurité sociale subissait un déficit profond et n'existaient pas les 35 heures obligatoires, qui ont contraint à embaucher 7,5 % à 10 % de personnels infirmiers supplémentaires, lesquels ont été aspirés vers l'hôpital public en application du protocole 2000.

Le fonds dont vous proposez la création ne permet pas d'opérer des restructurations indispensables en dépit de quelques mesures bienvenues.

Je rejoins les orateurs du groupe communiste pour signaler la détresse de très nombreux malades mentaux et de leurs familles. L'état dans lequel se trouve le secteur psychiatrique est indigne de notre pays.

M. Claude Evin, rapporteur - Le fonds pour la modernisation sociale fait suite au FASMO, dont, Monsieur Foucher, vous trouverez le niveau des crédits au 31 août dernier à la page 103 de mon rapport.

Ce fonds est destiné à répondre à des préoccupations réelles dans le secteur public hospitalier, qui ont fait l'objet d'un protocole d'accord au printemps dernier.

D'autres mesures ont également été prises, rappelées par la ministre.

Monsieur Accoyer, vos affirmations ne sont pas exactes. En 1997, les quotas d'infirmières avaient été réduits de 2 000 par la majorité que vous souteniez.

M. Bernard Accoyer - Je n'ai pas dit le contraire !

M. Claude Evin, rapporteur - Ces quotas ont été relevés de 1 000 en 1998 et de 1 200 en 1999. En 2000, le Gouvernement a autorisé la création de 8 000 places dans les établissements de formation. Ce fonds ne suffit pas à tout régler, et ce n'est d'ailleurs pas sa vocation.

Sur le cas des praticiens hospitaliers, évoqué par M. Billard, un accord particulier a été passé cette année. Cet accord lui-même ne répond pas au problème de la démographie médicale, qui se fait sentir en psychiatrie, en anesthésie, en gynécologie-obstétrique, voire en pédiatrie. Le Gouvernement a pris des mesures pour y faire face, dont les effets ne se feront sentir que dans quelques années. C'est qu'il a dû pallier les insuffisances de prévision des années antérieures.

M. Veyret a, quant à lui, exprimé des préoccupations, fondées, à propos de l'hôpital privé ; il a eu de Madame la ministre une réponse très complète. M. Barrot a traité de ce qu'il tient pour une iniquité, opposant les établissements publics aux établissements privés. Ce me semble être une mauvaise démarche que de les opposer.

M. Bernard Accoyer - Ce n'est pas une opposition, c'est un constat !

M. Claude Evin , rapporteur - Nous siégeons tous les deux, M. Barrot et moi-même, au conseil d'administration de la FHF et il sait comme moi que, sur le point de savoir lesquels sont les plus favorisés, les avis divergent. Dans tous les cas, on ne gagnera rien à les opposer. Ils ont désormais tous des relations contractuelles avec l'ARH, et le système général en a été amélioré. De plus, la volonté qu'a le Gouvernement de réduire les difficultés de l'hôpital privé se traduit dans l'ONDAM.

J'ajoute que la tarification à la pathologie, que nous appelons tous de nos v_ux, mais qui est d'une mise en _uvre très compliquée, tarde à s'appliquer. Elle, seule, permettra de garantir un traitement comparable des secteurs privé et public. Nous souhaitons tous qu'elle entre en vigueur dans les meilleurs délais.

La commission, qui souhaite la création du FMSES, est opposée à l'amendement 291. Elle l'est aussi aux amendements 240 et 23, tout en reconnaissant que le problème évoqué est réel, ainsi qu'à l'amendement 318, auquel elle préfère son propre amendement 81.

Mme la Ministre - Le Gouvernement, qui considère le FMSES comme un instrument indispensable, est bien sûr défavorable à l'amendement 291. Je n'ajouterai rien à l'excellente démonstration faite par votre rapporteur à propos du quota d'infirmières, rappelant à juste titre que l'écart est de 10 000 -en plus !- depuis 1997.

L'amendement 291, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Veyret - Les amendements 240 et 23 avaient été retirés en commission ; je m'étonne donc qu'ils soient présentés aujourd'hui, et je les retire. L'occasion m'est cependant donnée de rappeler à M. Barrot qu'en ce qui concerne l'hôpital privé, le Gouvernement précédent avait cru bon de prendre des mesures sans prévoir leur financement. Dois-je lui rappeler les décrets des 9 mai 1995 et 30 mai 1997 relatifs aux services des urgences ? Au moins ce dispositif qui nous est proposé aujourd'hui assure-t-il un financement, même si le montant de l'abondement peut prêter à discussion. Je rappelle enfin que la restructuration des établissements hospitaliers privés à conduit à la suppression de 4 000 lits, et qu'à l'époque, vous ne nous avez guère aidés.

M. Bernard Accoyer - Je reprends l'amendement 240. Je constate que son auteur, dont je ne citerai qu'une phrase de l'excellent exposé sommaire, contredit absolument le rapporteur. M. Veyret n'explique-t-il pas que « l'exclusion du bénéfice de ce fonds du secteur privé constituerait une discrimination injustifiée des personnels » ? Comment mieux dire ? Faut-il rappeler qu'avec une dotation de 150 millions, le rapport est de 1 à 2000 en défaveur de l'hospitalisation privée ? En 1996 et 1997, le Gouvernement précédent avait permis qu'une véritable restructuration s'engage, que tout le monde souhaitait. L'acharnement dont fait preuve le Gouvernement actuel à l'égard du secteur privé et libéral est patent. C'est un mauvais coup porté à la santé des Français et au droit à l'égalité d'accès aux soins.

M. Claude Evin, rapporteur -Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Jacques Barrot - J'ai été mis en cause alors que j'étais intervenu pour souligner, avec une grande modération, la nécessité de tenir compte, en créant le fonds, des conséquences de l'application prochaine des 35 heures dans les établissements hospitaliers privés. La vigilance est d'autant plus impérative que les infirmiers désertent l'hôpital privé pour l'hôpital public, où il leur est beaucoup plus facile de faire carrière.

Nous avions, c'est vrai, fixé des règles très strictes aux hôpitaux privés, mais nous y avions été contraints. Je ne suis pas enclin à l'autosatisfaction, mais je souligne néanmoins que ces règles très strictes ont eu pour conséquence une restructuration drastique dont, vous l'avez souligné, le besoin était urgent. J'ajoute que je n'ai pas opposé les deux secteurs de la santé, mais que je me suis limité à appeler votre attention sur le risque d'iniquité. Vous ne m'empêcherez pas de penser que la dotation de 150 millions prévue est un peu courte. C'est le moins que l'on puisse dire !

Je déplorerai enfin que, pour des considérations strictement politiciennes, on déforme les propos de ceux qui s'intéressent à un domaine essentiel de la vie de la nation, et que l'on refuse de prendre en considération ce qu'ils ont à dire, et qui n'est peut-être pas dénué de tout intérêt (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

L'amendement 240, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - L'amendement 23 est retiré.

L'amendement 81, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 318 tombe.

L'article 33, modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 34

M. Jean-Luc Préel - Il convient d'augmenter le nombre des élèves-infirmières et, pour cela, d'abonder le budget des hôpitaux, ou de demander à l'éducation nationale de prendre à sa charge l'intégralité du coût de cette formation, dont il est anormal que les établissements hospitaliers assument les trois quarts.

L'article 34 traite des services d'urgence et de leur financement. On le sait, le recours aux services d'urgence ne cesse de croître, si bien que des problèmes de coordination se posent avec une acuité grandissante. Les cliniques privées doivent donc se voir allouer une aide destinée à financer ces charges. Il ressort de l'article que cette aide se fera sous forme de dotation ; cette formule est très dangereuse si l'on ne tient pas compte de l'activité réelle et si l'on se limite à une corrélation automatique avec les prévisions du PMSI.

Je voudrais enfin dire un mot des médecins des urgences. Leur spécialité requiert de grandes compétences et une forte disponibilité. Nos armées avaient, outre celui de nommer des médecins à la direction des hôpitaux, le mérite d'affecter les praticiens les plus qualifiés au tri des blessés. Au contraire, nos hôpitaux civils ne sont que trop enclins à affecter aux urgences ceux qui n'ont pas pu trouver place ailleurs. A cela s'ajoute un problème de recrutement. Il faut donc mieux reconnaître le travail de ces urgentistes, afin d'avoir les meilleurs. C'est affaire de rémunération mais aussi de statut du praticien hospitalier -d'un statut qui prenne en compte la responsabilité et la pénibilité de l'activité.

M. Bernard Accoyer - Je suis heureux que des crédits spécifiques soient dégagés pour rémunérer l'activité d'urgence des établissements de santé privés. Cependant, le montant de ces nouvelles ressources sera fixé « dans le respect de l'objectif quantifié national -OQN- » -et l'on peut donc craindre qu'il ne soit insuffisant, surtout si cette activité est importante.

En dépit du numéro unique et de la création de services, les améliorations apportées au fonctionnement des services d'urgence sont loin d'être satisfaisantes. La disposition contenue dans cet article pose, quant à elle, et de façon aiguë, la question de la fongibilité des enveloppes et de la tarification à la pathologie : on opte pour une dotation fixe, mais comment évaluera-t-on le service rendu ?

M. Jean-Pierre Foucher - Si je vous ai interrogé tout à l'heure, Monsieur le rapporteur, c'est que je ne trouvais pas la réponse dans votre rapport. Le passage auquel vous m'avez renvoyé ne décrit que la situation au 31 août, non à la date où sera créé le fonds.

Cet article institue une rémunération globale, complémentaire de celle qui résulte de la tarification des prestations, pour les services d'urgence créés par les établissements privés en application des SROSS. Le montant de cette rémunération sera subordonné à l'accord national et à l'OQN, et fixé en concertation entre le ministre de la santé et au moins une des organisations les plus représentatives de l'établissement : sommes-nous assurés qu'il sera calculé de façon que les établissements privés puissent se conformer aux nouvelles normes d'équipement et de fonctionnement, très contraignantes ?

Les établissements publics bénéficient d'une dotation spécifique, au sein de l'ONDAM : l'égalité de traitement impose qu'il en soit de même pour les établissements privés.

M. Claude Evin, rapporteur - Cet article devrait répondre aux préoccupations exprimées lors de la discussion de l'article précédent. Les sommes ainsi allouées aux établissements privés -200 millions l'an prochain- devraient s'établir à 385 millions en année pleine. Elles seront ventilées entre une dotation globale et une tarification des passages. Cette disposition reconnaît donc officiellement la mission de service public remplie par les établissements privés, qui assurent aujourd'hui quelque 10 % des urgences.

L'article 34, mis aux voix, est adopté.

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ART. 35

M. Jean-Luc Préel - Les Français sont attachés à la liberté de choisir leur praticien et leur établissement de soins. Les cliniques assurent aujourd'hui 60 % des actes chirurgicaux et 40 % des accouchements ; elles emploient 120 000 salariés. Or leur rentabilité économique ne cesse de se dégrader alors même qu'elles ont à s'adapter aux nouvelles normes et à se restructurer. Certains directeur d'ARH se réjouissent de fermer une clinique par jour mais on ne peut laisser cette situation perdurer. Or, la dotation que vous accordez ne pourra financer qu'une ou deux restructurations par région. L'article 40 nous interdit de la porter au niveau qu'exigent les besoins : nous nous tournons donc vers la ministre pour lui demander de le faire...

M. Bernard Accoyer - L'hôpital privé et l'hôpital public ne peuvent se passer l'un de l'autre, de sorte qu'on peut bien parler en France d'un système unique. Les réformes engagées en 1996 visaient à renforcer la coopération entre les deux secteurs. Vous, au contraire, consentez pour l'hôpital public un effort 2 000 fois plus important que pour l'hôpital privé ! Les 150 millions de ce fonds sont une insulte à ce dernier mais, si vous décupliez la somme, nous n'en serions encore qu'à un rapport de 20  à 1.

Le coût d'une restructuration varie de 50 à 70 millions. La rentabilité des établissements privés est souvent négative dans la région parisienne, et elle avoisine zéro en province. Ne redoutez-vous pas que les groupes qui ont investi dans ce secteur décident de s'en dégager ? Les Français disposeront-ils alors des établissements de santé répondant à leurs besoins ? Auriez-vous, dans ce cas, le sentiment de remplir votre mission ? Je vous appelle donc à porter à ce problème un regard plus juste et à vous montrer plus prudente.

M. Jean-Pierre Foucher - Entre le public et le privé, les rapports ont changé. C'est aujourd'hui la complémentarité qui l'emporte. Le Gouvernement a donc jugé utile d'augmenter la dotation du fonds pour la modernisation des cliniques privées, mais sur quelle évolution s'est-il appuyé pour la fixer à 150 millions ? Cela ne correspond qu'à une opération par région.

Si les crédits de 1999 n'ont pas été totalement dépensés, cela s'explique sans doute par la difficulté qu'il y a à monter les dossiers. Aujourd'hui, il faudrait rattraper le retard. Par ailleurs, cette dotation fera-t-elle bien l'objet d'une enveloppe à part ?

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Bien qu'en augmentation de 50 %, ce fonds reste bien modique : la profession a calculé qu'il ne pourrait financer qu'une demi-restructuration ou réhabilitation par région ! Comment s'étonner dès lors que la presse rendant compte de nos débats, donne le sentiment qu'on montre toujours du doigt les professionnels libéraux et les établissements privés ?

M. Alain Veyret - Le fonds créé l'an passé va de nouveau être abondé.

Monsieur Accoyer, il est exact que de grands groupes, comme la Générale des Eaux, ont investi dans l'hospitalisation. Mais ils ont les reins assez solides pour attendre que cet investissement devienne rentable ! Par ailleurs, on peut craindre la constitution de monopoles...

Les hôpitaux privés sont aujourd'hui de trois types. On distingue d'abord de petits établissements, qui n'ont consenti que de faibles efforts de modernisation et qui vivent assez bien mais ne garantissent pas une sécurité sanitaire pleinement satisfaisante. Il y a ensuite d'autres établissements, également de petite taille mais qui se sont modernisés et spécialisés. Ils survivront. Enfin, certains établissements dont le chiffre d'affaires tourne autour de 80 ou 100 millions, se sont restructurés supprimant des lits -4 000 ont disparu en dix ans dans le secteur. La vétusté et la taille insuffisante de nombreux établissements incitent à poursuivre les restructurations. 300 à 400 des 1 300 établissements existant aujourd'hui devraient ainsi fermer dans les prochaines années. La fermeture de maternités dont l'activité n'était pas suffisante en Aquitaine a donné de bons résultats. Sur le montant de l'enveloppe, précisons tout de même que les structures privées n'attendent nullement des pouvoirs publics qu'ils financent l'intégralité de leurs investissements, mais demandent simplement une aide. Si les 100 millions prévus l'an dernier n'ont pu être consommés, c'est que les décrets d'application n'étaient pas sortis. C'est maintenant chose faite, et les ARH examinent en ce moment les dossiers qui leur sont présentés. Le montant de l'enveloppe est-il susceptible d'augmenter en fonction des besoins ? Quelque 500 millions de francs sont en effet nécessaires pour financer la restructuration des établissements hospitaliers privés. Mais peut-être n'ont-ils pas tant besoin de subventions que de dérogations tarifaires.

M. Claude Evin, rapporteur - Je précise à M. Foucher que la dotation du fonds s'établit à 150 millions de francs hors ONDAM -comme pour l'aide à l'investissement consentie aux établissements publics-, et que, Monsieur Veyret, il n'y a pas d'interférences avec les négociations tarifaires. Les ARH peuvent cependant intégrer dans les contrats d'objectifs et de moyens qu'elles passent avec les établissements privés des éléments liés aux restructurations. Sur la comparaison entre les établissements publics et privés, je pense, à l'instar de M. Accoyer, qu'il faut les traiter de manière comparable, dans toute la mesure où leur différence de statut le permet. J'observe tout de même que l'aide à l'investissement dans les établissements privés, va permettre d'accroître un patrimoine privé. En outre, le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux -FIMHO- est accessible aux établissements privés pour les opérations de restructuration les associant à des hôpitaux publics.

Avec 150 millions de francs pour l'année prochaine, le fonds qui nous occupe se trouve doté dans les mêmes proportions que le FIMHO qui reçoit cette année 800 millions de francs, et même mieux doté que ce fonds ne le sera en 2001 avec 500 millions de francs. Ces 150 millions seront affectés à hauteur de 20 % à 20 ou 30 opérations identifiées dans l'atlas des restructurations à paraître d'ici à la fin de l'année, le montant moyen de ces opérations étant de 30 millions de francs. Pour répondre à votre question, Monsieur Veyret, le fonds ne devrait pas recevoir plus de 150 millions en 2001, mais je ne doute pourtant pas que si le besoin se faisait vraiment sentir de procéder à des restructurations inscrites dans le SROS, le Gouvernement serait sensible à cette nécessité.

L'article 35, mis aux voix, est adopté.

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ART. 36

M. Jean-Pierre Foucher - Cet article ne constitue-t-il pas un premier pas pour inclure les établissements de santé des armées dans la carte sanitaire ?

M. Claude Evin, rapporteur - Il s'agit d'intégrer les dépenses des établissements de santé relevant du ministère de la défense dans l'ONDAM. Ceci conduit à les faire bénéficier, comme les autres établissements hospitaliers, de la dotation globale. L'amendement 82 vise à préciser par qui son montant est arrêté. Quant à l'intégration des établissements de santé des armées dans la carte sanitaire, elle constitue bien un objectif qui aura sa place dans la loi de modernisation sociale.

Mme la Ministre - J'accepte l'amendement 82 de la commission ainsi que son amendement 83, rédactionnels.

L'amendement 82, mis aux voix, est adopté de même que l'amendement 83.

L'article 36, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 36

Mme la Ministre - L'amendement 387 permet aux professionnels libéraux compétents pour effectuer des prélèvements et aux établissements et centres de santé ne disposant pas d'un laboratoire d'analyse de biologie médicale, de transmettre les prélèvements pour analyse. Cette transmission n'est actuellement autorisée qu'entre laboratoires ou aux pharmaciens d'officine implantés dans une agglomération dépourvue de laboratoire. Un encadrement de la pratique de ces transmissions est prévu, afin de garantir la sécurité et la qualité des examens. Les règles pratiques, qui compléteront celles prévues par le guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale, seront définies par un décret en Conseil d'Etat, pris sur la base des conclusions d'un groupe de travail.

M. Claude Evin, rapporteur - La commission n'a pas examiné formellement cet amendement, mais elle y est favorable.

Mme Muguette Jacquaint - Je soutiens cet amendement. Le groupe communiste en avait d'ailleurs déposé un qui allait dans le même sens et qui a été discuté en commission. Sa préoccupation trouve ici une réponse satisfaisante, avec l'autorisation donnée aux centres de santé qui effectuent des prélèvements mais n'ont pas de laboratoire, de continuer à le faire. Il faut bien sûr exercer un contrôle sur les conditions de sécurité. Mais cette disposition, dans le droit fil de la discussion menée l'an dernier sur le rôle des centres de santé, est propre à leur donner satisfaction.

L'amendement 387, mis aux voix, est adopté.

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ART. 37

M. Jean-Luc Préel - On peut se demander si l'amendement que nous venons de voter a vraiment sa place dans un PLFSS et ne relèverait pas plutôt d'un DMOS.

L'article 37 concerne les appartements thérapeutiques et les consultations en alcoologie. Il élargit notamment l'accès aux appartements à certaines pathologies sévères telles que les hépatites et certains cancers. Il s'agit donc de mesures intéressantes, mais la charge des dépenses correspondantes est transférée de l'Etat à l'assurance maladie et je m'étonne qu'il n'y ait pas plus de précisions à ce sujet. La taxe sur les alcools notamment semblerait devoir servir à financer le traitement de l'alcoologie plutôt que la réduction du temps de travail. On compte 50 000 morts par an dues à l'alcool. Il est nécessaire de mieux organiser les consultations et d'améliorer le financement de la prévention.

M. Claude Evin, rapporteur - Le transfert à l'assurance maladie du financement des centres d'alcoologie et des appartements thérapeutiques s'inscrit dans un mouvement général : c'est à l'assurance maladie de gérer les établissements qui relèvent de ses missions. Je dois toutefois demander des précisions au ministre. Je voudrais d'abord être assuré que les établissements concernés ne perdront rien dans l'opération. Il semble que les centres d'alcoologie pourront être entièrement pris en charge par l'assurance maladie, au titre soit des soins, soit de la prévention. En revanche, pour les appartements thérapeutiques, l'Etat finançait des aides au logement qui ne pourront être assumées par l'assurance maladie. Par ailleurs, les gestionnaires s'inquiètent du transfert administratif lui-même, au premier janvier. Il ne faudra pas que leur tâche en soit compliquée.

La commission propose à cet article les amendements 86 et 87 rectifié, 88 et 89, qui sont rédactionnels.

Mme la Ministre - Il n'y aura aucun discontinuité. Pour les centres d'hébergement, toutes les dépenses qui ne peuvent être reprises par l'assurance maladie seront financées par l'Etat. Pour les consultations d'alcoologie, elles seront prises en charge par le budget de prévention de la CNAM. Avis favorable aux quatre amendements.

L'amendement 86, mis aux voix, est adopté, ainsi que les amendements 87 rectifié, 88 et 89.

L'article 37, modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 37

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 168 s'attache aux médicaments. Aucun produit considéré comme un médicament ne peut être inefficace. Aussi tous les médicaments doivent-ils être remboursés. Certes, de nouvelles molécules peuvent être plus efficaces et supplanter des médicaments plus anciens, mais les médecins sont assez compétents pour les prescrire de préférence. Nous proposons donc que chaque médicament ait son prix fixé par le comité économique du médicament et fasse l'objet d'un remboursement.

M. Claude Evin, rapporteur - Avis défavorable. L'autorisation de mise sur le marché est une procédure de sécurité sanitaire. La fixation du prix et du montant de remboursement est une procédure économique. Les deux ne peuvent pas être liées, surtout alors que nous savons que de plus en plus d'autorisations de mise sur le marché seront prises au niveau européen.

Mme la Ministre - Je partage votre souci de garantir à tous l'accès aux médicaments, mais le simple fait d'obtenir une AMM n'implique pas que le médicament soit remboursé. Le remboursement a aussi pour fonction de garantir l'accès au traitement le plus efficace, qui comporte le moins d'effets indésirables ou qui joue le meilleur rôle dans une stratégie thérapeutique d'ensemble. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Foucher - Je me range à ces avis, et je suis heureux qu'ils diffèrent du discours tenu l'an dernier selon lequel un produit non remboursé n'est pas efficace. Je remercie Mme la ministre d'avoir été aussi claire. La commission qui délivre l'AMM se fonde sur des données scientifiques. Il est normal que certains produits, comme le fameux traitement de l'impuissance masculine, doivent être, dans la mesure où ils présentent des dangers, prescrits par un médecin, mais ne soient pas remboursés.

M. Bernard Accoyer - Cet amendement met le Gouvernement devant des choix importants. La réponse de Mme la ministre a montré qu'il opte désormais pour une nouvelle position. Tous les médicaments n'ont pas vocation à être remboursés. Mme Aubry avait d'ailleurs déjà entrepris de réviser la liste des médicaments remboursés. Mais cette analyse doit se faire selon l'intérêt scientifique du médicament et non avec l'intention de retarder le remboursement pour gagner quelques misérables dizaines de millions de francs dans les comptes de l'assurance maladie. Et que dire du Viagra, ou de certains produits spécifiques destinés aux personnes qui deviennent aveugles ou dont la bouche est asséchée par la radiothérapie et qui ne sont pas remboursés lorsqu'ils sont prescrits en ambulatoire ? C'est contraire à l'équité. Il faut aussi que vous définissiez rapidement un panier de soins. Le Gouvernement doit mener une politique claire, de la recherche et de l'élaboration du médicament au contenu du panier de soins. A force de ne pas vouloir choisir, on favorise l'ambiguïté qui mène au gaspillage et à la dégradation de l'accès aux soins.

L'amendement 168, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - Nos voisins européens étant confrontés à certains des problèmes que nous connaissons, sans doute devrions-nous faire en sorte de décider ensemble des mesures courageuses.

Par notre amendement 167, nous proposons que le taux moyen de remboursement soit fixé chaque année par le Parlement. En effet les taux de remboursement sont actuellement décidés dans des instances pour le moins discrètes. A l'article premier, nous avons fait introduire l'idée que le taux moyen de remboursement -qui est trop bas en France- doit augmenter, mais il faut traduire cette idée dans les faits, ce que permet cet amendement.

M. Claude Evin, rapporteur - Avis défavorable. Le niveau de remboursement doit être fixé en fonction du service médical rendu, ce que ne peut faire que le Gouvernement après examen par la commission de la transparence.

Mme la Ministre - Même avis. On constate d'ailleurs depuis trois ans une légère amélioration du taux de remboursement : 74 % des dépenses de santé sont ainsi « socialisées ». Et le Gouvernement a pour objectif de consolider cette tendance.

Les lunettes et les soins dentaires méritent une attention particulière. Une mission a été confiée à M. Yahiel concernant les soins dentaires. Pour les lunettes, le dispositif qui a été institué en faveur des moins de 16 ans permet, avec 200 F pour les montures et 79 à 437 F pour les verres selon le handicap, de couvrir l'intégralité des dépenses ; je m'engage à l'étendre aux jeunes de 16 à 18 ans, ce qui représente un effort de 100 millions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Accoyer - L'amendement de Mme Fraysse est au c_ur de nos débats. Madame le ministre, votre dernier contact avec les problèmes de protection sociale remontant à la période où vous étiez en charge des affaires sociales au parti socialiste, je veux vous rafraîchir la mémoire en vous rappelant que le taux que vous avez cité est une moyenne entre celui qui concerne les dépenses d'hospitalisation et celui qui porte sur les soins ambulatoires, pour lesquels nous sommes au dernier rang, avec un taux de remboursement de 55 %.

Malgré les quelques modifications que vous apportez, le niveau de remboursement reste scandaleusement bas pour la lunetterie des adultes, la dentisterie et les prothèses auditives. Hier, vous avez annoncé que le remboursement de celles-ci pour les enfants sourds était prolongé jusqu'à 20 ans, mais il n'est que de 645 F pour une prothèse qui coûte 7 000 F...En outre, plutôt que de rembourser les embouts, mieux vaudrait rembourser les piles, beaucoup plus onéreuses.

L'amendement 167, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ART. 38

M. Jean-Luc Préel - Je m'exprimerai sur les articles 38 et 39 à la fois.

Le problème est de savoir quelle définition on donne du médicament. Celui-ci n'est pas un produit comme un autre, sa vocation est de soigner, et si possible de guérir. Il est un peu étrange que l'article 38 autorise la publicité sur un médicament dont l'efficacité n'est plus reconnue. Ou bien un médicament est efficace et il doit être remboursé, ou bien il ne l'est pas et il est curieux de faire de la publicité afin de le vendre.

L'article 39, crée un fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique. C'est là un vieux cheval de bataille de M. Evin, qui s'en prenait souvent lorsqu'il était ministre à la manière dont les médicaments étaient présentés aux médecins. Le fonds sera chargé d'encadrer cette information.

M. Claude Evin, rapporteur - De l'organiser.

M. Jean-Luc Préel - Qui sera chargé de cette information ? Comment ce fonds sera-t-il financé ?

M. Bernard Accoyer - Je voterai cet article car il peut être justifié de ne plus rembourser certains médicaments et d'autoriser leur publicité. Mais il faut avoir le courage de définir le panier de soins, en distinguant ce qui doit donner lieu à remboursement et ce qui ne le doit pas, ce qui pose le problème de l'automédication et des médicaments conseillés par les pharmaciens.

M. Jean-Pierre Foucher - Je rappelle à Jean-Luc Préel que le médicament est défini par le code de la santé publique. Jusqu'à présent, ou bien un médicament était remboursé et il ne faisait pas l'objet de publicité, ou bien il ne l'était pas et la publicité était autorisée. Ce système peut permettre de développer la médication officinale et de faire faire des économies à la sécurité sociale.

Il ne faut pas tomber dans le piège en affirmant que tout médicament non remboursé est inefficace, ce qui va encourager les malades à aller chez le médecin pour se faire prescrire un médicament remboursé, qui pourra contenir des molécules plus chères et présenter des risques iatrogènes.

Je ne conteste pas l'intérêt de cet article, mais je m'inquiète des effets pervers que pourra entraîner la période intermédiaire. Nous devons prendre garde à tout risque de confusion, et éviter qu'un tel médicament encore remboursé mais qui va cesser de l'être puisse faire l'objet de publicité.

Enfin il nous faudra un jour prendre le temps d'examiner les moyens de développer la médecine officinale, à ne pas confondre avec l'automédication (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Jacqueline Fraysse - La médecine officinale convient aux gens qui peuvent la payer.

M. Bernard Accoyer - C'est mieux que de payer le guérisseur !

Mme Jacqueline Fraysse - En revanche quelqu'un qui n'a pas d'argent ne peut pas y recourir. Déjà certains patients qui n'ont pas accès à une prise en charge à 100 % doivent à la fin du mois interrompre leur traitement faute de ressources. Peut-être ne le savez-vous pas. Nous ne voterons pas l'article 38. Il n'est pas normal d'autoriser la publicité pour des médicaments radiés de la liste des produits remboursés au prétexte qu'ils ne seraient plus efficaces. Si de nouveaux médicaments les supplantent, il faut demander aux laboratoires pharmaceutiques de cesser la fabrication des précédents, et en tout cas de ne plus faire de publicité pour des médicaments devenus peu ou pas efficaces.

Alors que les laboratoires dépensent chaque année 12 milliards en publicité au moment où l'on prêche l'économie dans les dépenses de santé, nous devrions les rappeler au sens de leurs responsabilités pour qu'ils limitent leurs dépenses publicitaires.

M. Bernard Accoyer - Comme toujours vous êtes pour la censure !

Mme Jacqueline Fraysse - Nous sommes sensibles à ce que vient d'annoncer la ministre au sujet des lunettes. C'est un pas. Il faudra en franchir beaucoup d'autres, pour rembourser les lunettes, les prothèses dentaires et auditives, les appareillages pour handicapés...

M. Bernard Accoyer - Je voterai d'autant mieux l'article 38 que mon amendement 348 sera adopté. Il faciliterait la mise en _uvre de la mesure proposée par le Gouvernement en faveur de la publicité.

M. Claude Evin, rapporteur - Contre.

Mme la Ministre - Contre également.

L'amendement 348, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Nauche - L'amendent 171 tend à encadrer la mesure de bon sens décidée en accord avec les professionnels, afin d'éviter toute dérive. Le délai de six mois que nous proposons est habituel dans le secteur du médicament.

M. Claude Evin, rapporteur - Avis favorable.

Mme la Ministre - Avis également favorable, sous réserve de supprimer le mot « et ».

M. Philippe Nauche - D'accord !

M. Bernard Accoyer - Quelle mesquinerie !

Le Gouvernement n'a pas le courage de dire qu'il dérembourse les médicaments alors qu'il diminue les remboursements jusqu'au taux misérable de 35 % ! Il organise ainsi un transfert de charges du régime obligatoire vers les régimes complémentaires.

Je serais au demeurant étonné que des déremboursements soient autorisés dans les prochains mois pour des raisons électorales.

L'article 38 contenait enfin des dispositions bienvenues. Et voilà que la manie d'encadrer tout impose de réduire la durée de la publicité à six mois. C'est véritablement affligeant !

L'amendement 171 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 90 est de coordination.

L'amendement 90, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 38 modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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