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Session ordinaire de 2000-2001 - 17ème jour de séance, 37ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 31 OCTOBRE 2000

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite) 2

          CULTURE 2

          QUESTIONS 21

          ÉTAT B 24

          ÉTAT C 24

La séance est ouverte à neuf heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001.

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CULTURE

Mme la Présidente - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la culture.

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial de la commission des finances - Il m'est d'autant plus agréable de succéder à M. Raymond Douyère dans la fonction de rapporteur spécial que j'ai le plaisir de présenter un bon budget.

Après la progression de 2,1 % enregistrée l'an passé, le budget du ministère de la culture atteindra 16,67 milliards en 2001, à comparer aux 16,08 inscrits dans la loi de finances initiale pour 2000. Il s'agit de nouveau d'une augmentation significative puisqu'elle atteint, par rapport au budget voté de 2000, 590 millions en valeur absolue, soit 3,7 % en valeur relative. Les crédits de la culture avoisineront ainsi 0,97 % du budget de l'Etat. Les autorisations de programmes quant à elles, progresseront de 6,19 %.

A structure constante, c'est-à-dire hors transferts entre sections, mais en tenant compte de la création du secrétariat d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, la progression atteint 2,5 % entre 2000 et 2001. Après une neutralisation du périmètre, les crédits de paiement pour dépenses ordinaires et pour dépenses en capital passeront donc de 16,08 à 16,49 milliards.

Le budget de la culture est marqué, comme chaque année, par l'importance des subventions aux établissements publics et des dépenses d'intervention. En effet, les dépenses de fonctionnement, qui progresseront de 4,67 % en 2001, représentent 47,42 % du projet de budget. Les dépenses de personnel en représentent à elles seules 20,79 % et les subventions de fonctionnement aux nombreux établissements publics culturels près de 22,41 %.

Les dépenses d'intervention, qui constituent 30,51 % des crédits de la culture, atteindront 5,09 milliards dont 2,66 pour les interventions culturelles déconcentrées -en augmentation de 2,22 %- et 1,19 milliard pour les interventions culturelles d'intérêt national -en baisse de 5,63 %.

Les crédits de paiement pour dépenses en capital représentent 22,07 % du budget de la culture. Ils vont pour moitié aux investissements exécutés par l'Etat -1,94 milliard en crédits de paiement et 1,84 milliard en autorisations de programme- pour moitié aux subventions d'investissement accordées par l'Etat -1,74 milliard en crédits de paiement et 2,1 milliards en autorisations de programme. Cette dernière rubrique augmente de 24,48 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000.

Sans compter les efforts importants consentis en faveur de l'audiovisuel et des aides à la presse, l'année 2001 marque la quatrième étape dans la reconstitution d'un vrai budget et la reprise de la marche vers l'objectif symbolique du « 1 % », annoncé par le Premier ministre lors de son discours de politique générale de juin 1997. Je salue d'autant plus cette nouvelle progression qu'elle succède à l'effort substantiel des trois années précédentes après la baisse de 20 %, enregistrée, à périmètre constant, entre 1993 et 1997.

Les dotations des chapitres finançant les rémunérations et les charges sociales liées à l'activité des personnels s'élèveront en 2001 à 3,47 milliards, soit une progression de 223 millions et de 6,84 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000. Cette augmentation intègre un transfert de 173,4 millions en provenance du budget des charges communes et correspondant à l'inscription de cotisations patronales au titre du régime d'assurance maladie des personnels civils titulaires de l'Etat.

Le présent projet créée 192 emplois budgétaires nets, faisant passer les effectifs du ministère de 14 776 postes en 2000 à 14 968 en 2001, tandis que 208,5 emplois non budgétaires sont créés au sein des établissements publics, sans compter les 110 emplois transférés à partir des crédits de personnel du ministère. Ces mesures traduisent un nouvel effort de stabilisation.

Pour la troisième année consécutive, les établissements publics bénéficieront de mesures d'envergure. D'une part, avec ce transfert de 110 emplois vers les budgets des établissements publics, dont 18 au profit de la Bibliothèque publique d'information, 20 pour la Bibliothèque nationale de France, 30 pour l'Ecole nationale supérieur des arts décoratifs et 29 pour le Conservatoire national supérieur de musique de Paris. D'autre part, avec les 208,5 emplois non budgétaires que j'ai déjà évoqués, les coûts respectifs de ces deux mesures sont chiffrés à 33,6 millions et 12,1 millions.

Les crédits consacrés aux dépenses de fonctionnement courant, qui regroupent les moyens de l'administration centrale, les directions régionales des affaires culturelles, des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, des centres départementaux d'archives et des musées n'ayant pas le statut d'établissement public, augmentent de 3,1 % pour atteindre 605,72 millions.

Les établissements publics se multiplient dans le domaine culturel. Il est vrai que leur statut juridique offre toute la souplesse nécessaire. Leurs subventions de fonctionnement et d'investissement représenteront, en 2001, près de 27 % du budget de la culture. Elles progressent par rapport à l'année 2000 de 3,16 % pour atteindre 3,74 milliards de francs. Depuis 1996, elles auront progressé de 13,7 %.

L'Établissement public du musée du quai Branly verra ses crédits plus que tripler en 2001, tandis que la subvention de fonctionnement attribuée au musée du Louvre baissera de 4,16 % et celle destinée au musée et domaine national de Versailles de 55 %.

Les dépenses d'intervention, qui s'élèveront en 2001 à 5 086 millions constituent 30,51 % des crédits de la culture. Parmi elles, les interventions déconcentrées atteindront 2,66 milliards, en augmentation de 2,22 % par rapport à 2000, et les interventions d'intérêt national près de 1,19 milliard, en baisse de 5,63 %.

Les crédits d'intervention en faveur du spectacle vivant et du cinéma progressent de 79 millions, après avoir augmenté de 72 millions dans la loi de finances initiale pour 2000 et 50 millions dans la loi de finances rectificative du 12 juillet 2000. La dotation générale de décentralisation, destinée à compenser les transferts de compétences et principalement consacrée aux bibliothèques municipales, atteint 981 millions, soit une progression de 3,42 %. Les crédits d'acquisition, qui s'établissent à 254 millions, sont en légère baisse.

Les autorisations de programme progressent de 6,19 %, passant de 3,71 milliards à 3,94 milliards.

S'agissant des dépenses en capital, sur le titre V, les crédits destinés au patrimoine monumental passent à 1 204 millions en autorisations de programme et à 1 226 millions en crédits de paiement, soit des progressions respectives de 0,66 % et de 7,13 %. Les monuments historiques appartenant à l'Etat bénéficient de 63,37 % de la dotation du chapitre en AP et de 64,86 % en CP. Les CP destinés aux monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat progressent de 3,79 %. L'archéologie bénéficie de 21 millions d'AP.

Les crédits pour subventions d'investissement en faveur du patrimoine monumental, sur le titre VI, atteignent 527 millions en CP et 443 millions en AP, soit des progressions respectives de 2,63 % et de 24,48 %. 48 millions d'AP sont réservés à l'archéologie. Les opérations déconcentrées sur le patrimoine monumental sont dotées de 240 millions en AP et de 219 millions en CP ; les opérations d'intérêt national, de 184 millions en AP et de 125 millions en CP. Ces crédits représentent la participation de l'Etat à la restauration de patrimoines qui ne lui appartiennent pas, et dont il n'assure pas la maîtrise d'ouvrage. Une partie des crédits supplémentaires vont au Grand palais, doté de 40 millions, à l'Opéra Garnier, également doté de 40 millions, à la Cité de l'architecture et du patrimoine, doté de 26 millions et au domaine de Versailles, doté de 100 millions.

130 millions en AP et 93 millions en CP sont consacrés, sur le titre V, aux écoles d'architecture.

Les subventions d'investissement accordées par l'Etat, rassemblées sur le titre VI, représentent un dixième du budget de la culture, avec 1,74 milliard en CP -en progression de 2,65 %- et 2,1 milliards en AP -en progression de 24,48 %. Les subventions d'investissement aux établissements publics augmentent de 59,63 % en AP avec 958 millions et de 1,98 % en CP avec 729 millions ; les AP destinées à l'établissement public du Musée du quai Branly passent de 32 millions à 376 millions, et la Cité des Sciences et de l'industrie bénéficie de 239 millions en AP et de 238 millions en CP.

En conclusion, ce budget témoigne de la volonté du Gouvernement de faire de la culture un axe fort de son action. Elle doit s'accompagner d'un effort de rigueur dans la gestion de la dépense publique et d'une adaptation des administrations déconcentrées. Notre rapporteur spécial s'emploiera à vérifier sur le terrain que les crédits sont bien utilisés.

M. Hervé de Charette - Très bien !

M. le Rapporteur spécial - La commission des finances, sur ma proposition, a adopté les crédits de la culture à l'unanimité et demande à l'Assemblée de la suivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Ce budget de la culture pour 2001 donne une vague impression de déjà vu. Les priorités se retrouvent aisément : il s'agit avant tout de démocratiser, de décentraliser et de stabiliser les emplois et les institutions ; mais les critiques passées demeurent aussi : oubli des crédits d'entretien des monuments historiques et des crédits d'acquisition, absence de véritables créations de postes, marginalisation progressive des salles d'arts et d'essai...

A structure constante, ce budget s'élève à 16,495 milliards, soit une hausse de 2,6 %.

Les dépenses ordinaires sont en hausse de 2,4 %. 175 millions de mesures nouvelles sont inscrits sur le titre III et un montant à peu près égal est prévu pour les crédits d'intervention du titre IV. Ces crédits supplémentaires profiteront à la dotation générale pour les bibliothèques et aux interventions culturelles.

Le rétablissement des dépenses d'investissement se poursuit, après la régression de 1999. Les subventions d'investissement progressent ainsi de 24,5 %, la diminution de 9 % des investissements réalisés par l'Etat marque l'achèvement de plusieurs grands travaux.

Au total, le budget du ministère de la culture représente en 2001 0,98 % des charges nettes de l'Etat : nous ne sommes pas encore au 1 %, Madame la ministre !

Ce budget affiche trois objectifs : soutenir la diversité culturelle, garantir l'égalité d'accès et renforcer la décentralisation. Rien que de très classique, si l'on se souvient de la volonté affichée par votre prédécesseur de « concilier création et démocratisation ».

L'art vivant dévient la première des priorités, avec une progression de crédits de 3,99 %, destinée à la fois aux établissements publics du spectacle et à la restauration des marges de création artistique pour les institutions du réseau de la décentralisation théâtrale et des secteurs spécifiques de la création, comme le cirque. La priorité à la création s'exprimera aussi par un soutien aux enseignements artistiques spécialisés, et notamment -cela devenait urgent-, aux écoles d'architecture.

Deuxième priorité : la poursuite de l'effort de démocratisation. Les modes d'action choisis sont les mêmes que l'an passé : ainsi, la gratuité d'accès aux musées nationaux le premier dimanche de chaque mois est reconduite, mais elle n'est malheureusement pas étendue.

5 millions supplémentaires sont consacrés à l'éducation artistique et culturelle, notamment pour accélérer la création d'ateliers d'expression artistique dans les lycées. Il faudrait que cette action s'étende aux collèges et aux écoles primaires.

4 millions de mesures nouvelles sont destinés au développement des services éducatifs et d'action culturelle dans les institutions artistiques et culturelles ; la mise en place des « espaces culture multimédias » est encouragée.

Troisième priorité : l'équilibre entre Paris et la province. Plus de 50 % des crédits d'intervention sont désormais directement gérés par les DRAC, et les subventions d'investissement à des maîtres d'ouvrages locaux pour la rénovation ou la construction d'équipements culturels progressent de 42,3 millions, alors que les autorisations de programme relatives à des chantiers parisiens diminuent de 31,7 %.

Mais ce budget présente également des faiblesses.

On ne peut que déplorer tout d'abord le faible intérêt accordé aux monuments historiques. 1 million seulement est affecté à destination des seuls monuments historiques appartenant à l'Etat. Les crédits d'entretien sont en quasi stagnation depuis trois ans, alors qu'une dotation de 20 à 30 millions permettrait d'éviter des grosses réparations dans les prochaines années.

Par ailleurs, je suis inquiet, tout comme pour les réparations des dégâts causés par la tempête sur les monuments privés ou publics, les 800 millions prévus me paraissant traduire une sous-évaluation de leur coût.

Le deuxième point noir, et certainement le plus dramatique concerne les crédits d'acquisition, sacrifiés pour la troisième année consécutive. Ils sont en totale stagnation.

La direction des musées de France sera dans une situation particulièrement difficile, puisque l'apparent maintien de ses crédits d'acquisition dissimule une amputation de 10 millions du fonds du patrimoine destinée à compenser la gratuité de l'entrée dans les musées nationaux. Ce Fonds, qui disposera ainsi de 95 millions en 2001, ne pourra continuer ses acquisitions d'_uvres dont le refus de certificat d'exportation arrive à échéance.

Autre point de tension : la politique de l'emploi.

Le ministère entend résorber l'emploi précaire par 300 créations d'emploi. Mais 110 de ces créations ne sont que des transferts du budget de l'Etat vers celui des établissements publics.

Les responsables de ces établissements, qui n'ont pas été informés de ces transferts, ne disposent pas de moyens suffisants pour offrir des CDI à tous. En outre, ils manquent cruellement d'emplois qualifiés, surtout dans le domaine des nouvelles technologies. C'est donc la précarité qui a été transférée ! En fait, 51 postes seulement seront effectivement créés, alors que de nombreux établissements publics sont en sous-effectifs.

J'ai choisi cette année de m'intéresser plus particulièrement à la lecture publique qui, par les institutions qu'elle soutient comme par les actions qu'elle développe, est au c_ur des enjeux de la démocratisation culturelle.

Sans insister sur les immenses progrès accomplis depuis vingt ans, ni sur l'importance des efforts des collectivités locales, je veux relever ici les difficultés persistantes de la Bibliothèque nationale de France François-Mitterrand et les sommes considérables que l'Etat dépense pour son fonctionnement. Le site et la première victime de ses ambitions avec une crise informatique qui perdure, un système de conservation défectueux, un personnel démotivé.

Quels sont, Madame la ministre, vos échanges avec la direction de l'établissement ? Comment envisagez-vous de remédier plus qu'aux dysfonctionnements, à la mauvaise image que traîne la BNF ?

Par ailleurs, vous avez pris l'engagement de trancher avant la fin de l'année, la délicate question du droit de prêt, autour de laquelle s'opposent deux notions de l'histoire culturelle française : les droits d'auteurs et la lecture publique.

Les parties en présence s'interrogent sur la participation financière de l'Etat à l'acquittement de ce droit de prêt. Allez-vous solliciter les collectivités territoriales ? Dans ce cas, la décentralisation prendra-t-elle enfin toute sa mesure et ce transfert de charge s'accompagnera-t-il d'un transfert réel de moyens ? Profiterez-vous aussi de cette occasion pour réviser la loi Lang et pour résoudre le problème des remises accordées par les grossistes sur les achats des bibliothèques ? Sur tous ces points, merci de confirmer aujourd'hui votre engagement.

Vous avez à c_ur de présenter un projet sur les musées. J'en souligne l'urgence ainsi que la nécessité de définir un statut pour les établissements publics locaux à vocation culturelle, élément clé de la décentralisation culturelle. Quand ces projets nous seront-ils soumis ?

Votre budget confirme les priorités dégagées depuis plusieurs années, mais il sacrifie pour cela plusieurs domaines qui conditionnent à long terme l'efficacité et la pérennité de l'action culturelle et de ses institutions.

C'est pourquoi, bien que la commission des affaires culturelles ne m'ait pas suivi dans mes conclusions, je voterai contre les crédits de la culture pour 2001 (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Michel Herbillon - Force est de constater, Madame la ministre, que votre premier projet de budget ressemble à s'y méprendre à celui présenté l'an dernier par Mme Trautmann : on y retrouve les mêmes priorités, mais aussi, hélas, les mêmes insuffisances et la même absence d'audace réformatrice.

Certes, on ne peut qu'être d'accord avec les objectifs d'une plus grande démocratisation de la culture, du soutien à la diversité culturelle et d'une décentralisation renforcée. Mais ce qui nous préoccupe, ce sont les carences désormais chroniques de l'action culturelle du gouvernement Jospin.

Celui-ci met le projecteur sur l'augmentation des crédits pour tenter de montrer la vitalité de sa politique culturelle. Mais la réalité est moins brillante : les marges de man_uvre sont amputées par les coûts de fonctionnement exorbitants des grands travaux mitterrandiens. Ainsi, la Bibliothèque nationale de France est un véritable gouffre financier d'un milliard par an. Malgré les sommes englouties et les efforts réalisés, ses importants dysfonctionnements pénalisent chercheurs et utilisateurs. Il reste aujourd'hui à réparer les erreurs du passé et à doter la BNF d'une stratégie à la hauteur de l'effort budgétaire consenti par la nation, comme le demande un rapport récent du Sénat.

Et l'impact des coûts de fonctionnement des établissements issus des grands travaux est lourd de conséquence. Certains pans majeurs de notre culture font aujourd'hui les frais de ces erreurs. Le patrimoine et les monuments historiques sont, une fois de plus, les grands oubliés de votre budget. Vous nous aviez assurés, lors de votre prise de fonction, que la création d'un secrétariat d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle doterait le ministère d'un véritable moteur renforcé. Mais ce moteur est à ce point poussif qu'un seul million supplémentaire est dégagé pour l'entretien des monuments historiques appartenant à l'Etat !

Vous n'avez pas répondu à la proposition que je vous avais faite de conjuguer vos efforts avec ceux du ministère de la ville pour mener une politique active de restauration des monuments situés dans les villes de banlieue, où le patrimoine joue un rôle fédérateur et peut contribuer à forger un sentiment d'identité.

Les crédits d'acquisition sont aussi sacrifiés, pour la troisième année consécutive. Le Fonds du patrimoine est ainsi ramené à 95 millions, ce qui est proprement ridicule au regard de ses missions et des réalités du marché de l'art. Votre prédécesseur nous avait laissé entrevoir lors de l'examen du texte sur les trésors nationaux des perspectives sonnantes et trébuchantes. Là encore, les engagements du Gouvernement n'ont pas été tenus.

Ces exemples illustrent la frilosité et le manque d'imagination de votre politique culturelle car les solutions existent. L'opposition a ainsi proposé des mesures fiscales pour relancer le mécénat aujourd'hui fort peu développé dans notre pays. J'ai pour ma part suggéré, pour abonder les crédits d'acquisition, d'instituer comme en Grande-Bretagne, un prélèvement sur les mises de la loterie nationale.

M. Pierre Carassus - Ça déraille en Grande-Bretagne...

M. Michel Herbillon - Aurais-je un jour une réponse ?

Comme à chacune de nos propositions, le Gouvernement tergiverse. Il est vrai que l'attitude archaïque d'une partie de votre majorité, qui tente une fois de plus cette année d'intégrer les _uvres d'art dans le calcul de l'ISF, ne vous incite guère à l'audace. Peu leur importe l'impact dévastateur qu'aurait cette mesure sur le marché français de l'art, déjà affaibli face à ses concurrents américains et britanniques, du moment que l'idéologie est sauve.

Pourtant, ce n'est pas d'idéologie mais d'audace et d'imagination que le ministère de la culture a aujourd'hui besoin.

On le voit avec l'exemple du livre. Le prix unique pourrait être remis en cause par le commerce électronique et par les projets de la Commission européenne. Surtout, l'instauration d'un droit de prêt dans les bibliothèques, réclamée par certains auteurs et éditeurs, inquiète les lecteurs. Un rapport sur cette épineuse question a été remis à votre prédécesseur il y a deux ans. Depuis lors, plus rien, malgré l'engagement que vous aviez pris de régler cette question.

La situation du cinéma exige elle aussi une action déterminée des pouvoirs publics. Le développement anarchique des salles multiplexes et l'affaire des cartes d'abonnement ont provoqué une vive inquiétude pour l'avenir des exploitants indépendants. Le Gouvernement, virulent sur la forme, n'annonce que des demi-mesures.

Je ne peux, faute de temps, parler des musées, mais j'espère qu'un projet modifiant la législation qui leur applicable sera bientôt déposé.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocratie libérale n'approuvera pas votre budget. Nous n'avons pas le sentiment que soit menée aujourd'hui dans notre pays une politique culturelle qui ait de l'ambition, du souffle, de l'âme, qui réponde aux défis de notre temps et à l'attente de nos compatriotes, qui soit digne de notre histoire, de notre patrimoine, de l'influence de la culture française dans le monde (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Marcel Rogemont - Une nouvelle fois, le Gouvernement nous présente un budget de la culture en croissance. Moins 575 millions en 1997, plus 592 millions en 1998, plus 525 millions en 1999, plus 371 millions en 2000, plus 415 millions en 2001 : ces chiffres montrent la rupture qu'a marquée le budget pour 1998 et la continuité depuis de l'action du Gouvernement. On atteint ainsi pratiquement dès cette année le 1 % des dépenses de l'Etat pour la culture que le Premier ministre avait promis pour 2002. Aujourd'hui nous en sommes en effet à 0,994 %. Savourons cette progression sensible, d'autant que l'Etat n'est qu'un des financeurs de la culture : en 1996, dernière année pour laquelle des données sont disponibles, sur 50 milliards consacrés à la culture, 15 milliards provenaient de Etat et 35 milliards des collectivités locales, dont 30 milliards pour les seules communes.

Quel doit être le rôle de l'Etat dans ce contexte ? Vous apportez des réponses claires. Vous renforcez la déconcentration : les DRAC sont désormais reconnues comme des partenaires et doivent le devenir plus encore à l'avenir. Il ne faut pas les cantonner à un rôle de guichet.

La création du Secrétariat Etat et sa volonté de mettre en place des protocoles de décentralisation signifient pour nous une affirmation plus forte du rôle structurant de l'Etat.

Nous avons besoin de plans, plus que de financements. Est-ce la fonction de l'Etat de financer des opérations de quelques dizaines de milliers de francs, alors qu'il dispose de deux fois mois d'argent que les communes ? Nous attendons de vous que, comme vous le faites, vous affirmiez les politiques de l'Etat, et vous vous serviez des crédits disponibles comme autant de leviers plutôt que de semer aux quatre vents, comme cela a été possible dans le passé.

C'est avec les autres partenaires publics et à l'intérieur de l'enveloppe globale des 50 milliards qu'il faut modeler une politique pour la culture.

Bref, d'accord pour la contractualisation et le partenariat.

Vous adressez d'ailleurs à notre pays un signe fort de cette ambition, puisque les investissements sur Paris reculent -743 millions contre 785 millions en 1997-, alors que, dans le même temps, les investissements culturels en province passent de 275 millions à 610 millions.

Le second point que je veux aborder rapidement est l'éducation artistique. L'égal accès de tous à la culture passe nécessairement par une éducation artistique plus forte. Vous affirmez cette priorité en relation avec votre collègue de l'enseignement : tant mieux ! Bien entendu, la tentation doit être grande pour le ministère de l'enseignement d'organiser seul cette priorité. Mais ce serait couper l'éducation artistique d'un rapport direct entre les acteurs de la culture vivante et les jeunes.

Vous confirmez cette responsabilité croisée en ajoutant 18 millions pour l'éducation artistique, permettant ainsi notamment l'ouverture d'ateliers artistiques dans 2 500 lycées, soit 62,5 % des lycées français.

Dernier point, la création. Première ministre de la Culture depuis des lustres à avoir bénéficié d'une rallonge budgétaire lors d'un collectif, vous avez voulu consacrer l'essentiel de cet apport nouveau au spectacle vivant et à la création. Vous avez eu raison. Rappelons que plus de Françaises et de Français fréquentent les théâtres que les stades.

Avec 80 millions de plus par rapport au budget 2000, vous marquez votre volonté de prendre en compte cette responsabilité.

Votre action pour accompagner les personnes qui se consacrent à l'écriture dramatique ou musicale est particulièrement importante. La création contemporaine ne peut se nourrir de la seule interprétation nouvelle des _uvres existantes. Il faut permettre aux artistes d'aujourd'hui d'exister aujourd'hui.

Je terminerai par quelques questions.

La loi sur les musées, c'est pour quand ?

En dehors même de cette loi attendue, un établissement public a été créé pour faire advenir un nouveau musée quai Branly : Arts premiers, Arts primitifs, Arts et civilisations, son nom change régulièrement. Où en est ce projet ? Puisque d'autres musées, à commencer par le Louvre, mais aussi de très petits musées nationaux, sont déjà des établissements publics, pourquoi cette politique n'est-elle pas étendue ? Ainsi, pourquoi le musée d'Orsay n'est-il pas un établissement public ? Il y gagnerait en dynamisme ?

Je plaide aussi pour des établissements publics locaux à vocation culturelle. Moins pour faciliter leur gestion comptable que pour marquer la co-responsabilité. La création d'un établissement public local à vocation culturelle est un acte politique et non pas technique.

Qu'en est-il du statut des intermittents du spectacle ?

Qu'en est-il de la tarification des théâtres nationaux à 50 francs le jeudi ? J'observe que cette initiative a perturbé la politique tarifaire des théâtres nationaux comme locaux, dont le système d'abonnement aboutit parfois à de tarifs moindres -je pense en particulier au théâtre national de Bretagne qui propose trois spectacles pou 140 francs.

Y aura-t-il une évaluation ? Il est curieux que l'Etat ait cru bon de donner de l'argent en plus aux théâtres nationaux pour cette politique, alors qu'ils avaient déjà une politique tarifaire.

A travers toutes ces questions, c'est un appel à faire plus et mieux que nous lançons avec vous. Vous trouvez, au moins chez les députés de la majorité, mais aussi, je crois, bien au-delà, un encouragement et une présence vigilante pour le combat pour la culture que vous menez (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Birsinger - Si nous nous contentions de comparer les chiffres, je pourrais dire que ce budget est plutôt bon. Mais j'ai choisi d'axer mon intervention sur le point qui paraît essentiel aux députés communistes, à savoir le décalage entre ces moyens et les ambitions qui devraient être les nôtres. La culture peut être l'un des points de résistance essentiels à la mercantilisation de notre société et le vecteur d'une action forte pour construire des citoyens usant de leurs pouvoirs.

Au regard de ces enjeux, nous restons sur notre faim. Tout indique qu'une période nouvelle s'ouvre en matière de politique culturelle : toutes les pratiques culturelles sont en progression, de nouvelles formes d'art apparaissent, de nouveaux lieux, comme les médiathèques, démocratisent cette culture, le passage aux 35 heures ouvre de nouveaux loisirs. Bref, jamais la culture n'a pu autant prétendre concourir à l'épanouissement des individus.

Face à ces enjeux et aux objectifs déclarés, ce budget est décevant, comme l'a confirmé le débat que nous avons eu, ici même, avec une centaine de professionnels de la culture, le 2 octobre dernier. Certes, nous nous dirigeons vers le taux de 1 % -et encore, au prix d'une modification de périmètres portant sur un milliard !- mais cet objectif même est dépassé, il faut placer la barre beaucoup plus haut.

Certes l'augmentation de 2,6 % par rapport à l'an dernier confirme la rupture avec les années noires de la droite, entre 1993 et 1997, où ce budget a baissé de 20 %. Mais le Gouvernement ne peut se tenir pour quitte. Il faut que le discours se traduise en actes. Nous partageons l'impatience des professionnels de la culture, notamment du spectacle vivant. Notre principal atout n'est-il pas la grande qualité de la création actuelle dans tous les domaines et particulièrement dans celui-là ? Je note que le collectif budgétaire de 50 millions a été consolidé et que 30 nouveaux millions s'y ajoutent. Mais ces sommes ne suffisent pas, d'autant que le passage aux 35 heures a un coût de 110 millions dans ce secteur. L'argent manque aux jeunes compagnies pour aller vers leurs publics, trouver de nouveaux lieux. Les modes d'attribution des subventions sont aussi à revoir. Nous vous demandons donc d'inscrire, d'ici à la deuxième lecture, de nouveaux moyens pour promouvoir le spectacle vivant.

Tout en exprimant mon insatisfaction, j'ai conscience que ce budget se caractérise par des engagements de l'Etat dans la durée. Il faut cependant ouvrir une ère nouvelle, en engageant une réflexion sur les politiques publiques en matière culturelle et sur de nouveaux contributeurs, au-delà du mécénat. Je pense aux grands groupes qui tirent d'importants bénéfices du commerce de la culture. La décentralisation est, par ailleurs, une démarche à amplifier, afin de parvenir à un partage des responsabilités sur tout le territoire. Je me réjouis de la récente signature de la première convention de développement culturel entre l'Etat et mon département, la Seine-Saint-Denis, qui, bien que confronté à des difficultés économiques, a toujours mené une véritable politique culturelle, dont témoignent aussi bien la Maison de la Culture de Bobigny que l'importance du réseau de bibliothèques, de conservatoires et de cinémas. L'initiative des villes est décisive en matière d'offre publique de culture. Les collectivités locales ont d'ailleurs dépensé cette année 35 milliards à ce titre. Je me félicite également de la nomination d'un secrétaire d'Etat à la décentralisation culturelle, qui mène une véritable politique de proximité puisqu'il a déjà rencontré les acteurs de la culture de plus de 40 départements. Je souhaite cependant attirer votre attention sur les points qui posent problème. Ainsi, s'agissant des écoles nationales d'art, des équivalences ont certes été établies, mais certaines dispositions du protocole d'accord ne trouvent aucune traduction dans le budget 2001.

Je tiens aussi à vous interpeller sur la nouvelle convention d'assurance chômage que le Gouvernement entend agréer, alors que l'article 15 du protocole d'accord constitue une menace pour les intermittents du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel. Nous demandons au Gouvernement de revenir sur sa décision, afin de préserver leurs droits.

Nous aurions aussi besoin d'une politique bien plus audacieuse en faveur de la lecture publique.

L'Etat doit encourager les efforts entrepris en ce sens par de nombreuses collectivités, d'autant plus que se profile la menace du prêt payant. Pour nous, il faut à la fois préserver le prêt gratuit et élaborer un véritable statut de l'auteur.

Enfin, l'instauration de la carte d'accès illimité, par les majors du cinéma, touche à l'équilibre du système cinématographique français et risque d'entraîner la disparition du cinéma indépendant. Ne vaut-il pas mieux réfléchir à une carte universelle ?

Finalement, la question posée est bien celle du rapport de la culture au commerce. Face aux marchands du temple, notre pays doit rester déterminé. Ainsi faut-il absolument s'opposer à l'extension des décisions européennes à la majorité qualifiée en matière de culture. De la même façon, l'Organisation Mondiale du Commerce, avec son accord général sur le commerce des services, entend livrer au libre-échange la culture qui ne peut pourtant être soumise aux seules lois de la concurrence. Notre gouvernement avait joué un rôle décisif dans l'échec de l'AMI. Il faut poursuivre dans cette voie.

Peut-être, Madame la ministre, êtes-vous en mesure de nous apporter dès aujourd'hui des précisions sur la manière dont le Gouvernement entend préserver l'exception culturelle ?

Nous sommes face à un défi majeur. Aussi demandons-nous qu'un vaste débat s'engage sur tout le territoire afin de dégager de nouvelles pistes pour améliorer la responsabilité publique en matière de culture et mieux identifier les ressources à mobiliser.

Nous vous avons rencontrés, Madame la ministre, Monsieur le secrétaire d'Etat, lors de la préparation de ce budget et je crois que nous partageons le désir d'un nouvel essor de la politique culturelle. Les députés communistes s'apprêtent donc à voter ce budget, en prenant acte de l'augmentation de 2,6 % et surtout en prenant date pour ce nouvel essor (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Bruno Bourg-Broc - Pour votre premier exercice budgétaire en tant que ministre de la culture, vous devez être heureuse de présenter un budget en hausse de 590 millions de francs, soit 3,7 % et 2,5 % à périmètre constant, augmentation supérieure à celle du budget de la nation. Cependant, la seule augmentation ne fait pas la vertu d'un budget et l'examen de celui-ci montre des carences importantes.

Certes, la poursuite du rééquilibrage Paris-province rendue possible par l'achèvement des grands travaux, la démocratisation culturelle et la progression des crédits relatifs à l'enseignement artistique sont des points positifs.

Mais ils me semblent bien peu de chose au regard du sacrifice des crédits d'entretien du patrimoine et des crédits d'acquisition, et de la progression en trompe l'_il des crédits du spectacle vivant.

Pour les crédits d'entretien du patrimoine, le budget 2001 prévoit une augmentation de 1 million pour les crédits d'entretien des monuments appartenant à l'Etat et une stagnation pour ceux des monuments n'appartenant pas à l'Etat. Cette faible augmentation fait suite à une progression de 2 millions en 2000 pour les premiers sans aucune augmentation pour les seconds et à une augmentation de 10 millions en 1999 pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat sans aucune augmentation pour les crédits de ceux appartenant à l'Etat. Ce yo-yo budgétaire n'est pas une saine pratique et montre le peu de cas que le Gouvernement fait des travaux d'entretien des monuments historiques.

L'augmentation est en tout état de cause notoirement insuffisante pour éviter que le patrimoine ne se dégrade durablement. Si l'on n'entretient pas sa voiture, sa durée de vie est réduite et les coûts de réparation sont alors supérieurs à ceux de l'entretien. Il en est de même pour le patrimoine. Entretenir le patrimoine, c'est non seulement le garder en l'état mais aussi réaliser des économies sur des travaux futurs.

Lors de la discussion du budget 2000, j'avais réclamé une augmentation. Nous prenons un retard considérable. L'augmentation proposée est caricaturale. Si les besoins pouvaient être estimés à 20 ou 30 millions supplémentaires pour 2000, il aurait fallu en ajouter autant pour 2001.

De façon plus générale, je m'élève contre la faiblesse des crédits de restauration du patrimoine monumental. Certes l'augmentation est plus significative que pour l'entretien mais, comme l'a indiqué la Cour des comptes, ces crédits seraient insuffisants et sont sous-utilisés. Les crédits d'investissement pour le patrimoine représenteront 1,7 milliard de francs en 2001, en progression de 1,8 %. Mais la seule réfection de la cathédrale de Reims est estimée à 800 millions de francs. On voit le ridicule de l'intervention de l'Etat.

Pourtant le succès grandissant des journées du patrimoine montre à quel point les Français sont sensibles à leur patrimoine monumental, outil de démocratisation de l'accès aux pratiques culturelles. L'effort doit être intensifié en matière d'investissement, notamment en province. Il conviendrait aussi de relancer l'action de la Fondation du Patrimoine créée par le précédent gouvernement, car le mécénat est sous-utilisé dans notre pays, en raison de la faiblesse de l'incitation fiscale et des structures de soutien.

La tempête de décembre dernier aurait dû nous conduire à faire un effort particulier cette année sur le patrimoine, en utilisant l'outil fiscal.

La deuxième critique porte sur le sacrifice des crédits d'acquisition pour la troisième année. En 1999, leur progression se limitait à 0,6 %. Pour 2000, le budget était en baisse de 1,1 %. Lors de mon rapport budgétaire pour 2000, j'avais fortement critiqué cette baisse qui met en péril la richesse de notre patrimoine. Cette année, le budget est en parfaite stagnation. De plus, comme l'indique notre rapporteur Jean-Marie Geveaux, la compensation de la gratuité de l'entrée des musées vient en déduction des crédits d'acquisition, qui stagneront à 253 millions de francs.

A la suite de la mission d'information sur les musées menée par Alfred Recours, je vous demande à quand la loi sur les musées.

J'en viens enfin au spectacle vivant.

L'étude des crédits budgétaires laisse apparaître une réelle prise en compte des besoins pour les seuls établissements publics nationaux -Opéra de Paris, Comédie française et autres théâtres nationaux- alors que pour le titre IV, l'augmentation est nettement inférieure à celle des années précédentes. Les établissements nationaux -gérés directement par l'Etat- étant tous situés à Paris à quelques exceptions près comme le théâtre National de Strasbourg, le fossé se creuse entre les moyens alloués à la capitale et ceux réservés à la province.

Le seul coût de la réduction du temps de travail dans le spectacle vivant est évalué à 110 millions, soit quatre fois plus que la totalité des mesures nouvelles pour ce secteur. Vos discours ne se traduisent pas en actes.

Les crédits de l'enseignement artistique sont également insuffisants. Avez-vous conscience de la part du ministère dans le montant des contrats éducatifs locaux ? Qu'en est-il du rapport annuel au Parlement prévu par la loi de janvier 1988 ?

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR suivra le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et se prononcera contre votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Pierre Carassus - Ce budget est satisfaisant. Il est cette année encore en augmentation, et de 2,6 %, alors que le budget de l'Etat ne croît que de 1,2 %. L'action contre les déficits publics n'a pas empêché que l'on donne un peu plus de moyens à la culture, ce qui prouve que nous disposons encore de quelques marges de man_uvre.

Ce budget est organisé autour d'axes forts. Le premier est la relance de la décentralisation culturelle, avec 200 millions de mesures nouvelles. Cela ne doit pas faire oublier les efforts des collectivités locales pour une politique culturelle de proximité. L'Etat doit les épauler, surtout les plus modestes, qui peinent à offrir un service public de qualité. A cet égard, l'absence de soutien aux communes pour le fonctionnement des écoles de musique est incompréhensible. Un véritable maillage culturel du territoire est indispensable, fondé sur une politique volontariste d'égalité et de solidarité entre les collectivités locales.

La deuxième priorité est la promotion de la diversité culturelle et le soutien à la création. Le spectacle vivant enregistre une hausse de 4 % de ses crédits. Cet effort remarquable doit s'inscrire dans une politique pluriannuelle.

La troisième priorité est la démocratisation culturelle. Les mesures nouvelles sont notamment orientées vers l'éducation artistique et la création d'espaces culturels multi médias. Les moyens engagés ne me paraissent pas suffisants pour faire face à la fracture du numérique. Les nouvelles technologies de communication sont des outils d'accès à la connaissance et ont un rôle primordial pour le désenclavement des territoires isolés. Elles peuvent être un levier pour développer les échanges culturels. C'est un défi extraordinaire qui mérite un effort sans précédent.

Ces trois priorités étaient déjà au c_ur du budget de votre prédécesseur. Le rapporteur de la commission des affaires culturelles a parlé d'une impression de déjà vu. Mais il est tout à votre honneur de poursuivre une politique audacieuse et réaliste, d'autant que la continuité se manifeste aussi dans la progression des crédits. Le budget de la culture se monte désormais à 0,994 % des charges nettes de l'Etat, contre 0,98 % en 2000. On peut seulement regretter que la marche vers les fameux 1 % soit un peu longue.

Des inquiétudes demeurent par ailleurs. Nous redoutons que les dégâts causés par la tempête de décembre aux bâtiments publics n'aient pas été estimés à leur juste valeur. Souhaitons que la tempête actuelle soit moins dévastatrice. La politique de l'emploi du ministère de la culture a connu des progrès indiscutables depuis 1998, notamment pour les emplois d'Etat. Il y aura trois cents postes supplémentaires en 2001. Cet effort permet de continuer à résorber l'emploi précaire, mais la situation demeure préoccupante. Trop d'agents sont encore employés à la vacation et n'ont pas un revenu décent. Par ailleurs, quel sera le nombre des créations nettes d'emplois, compte tenu des transferts de postes ? Seront-elles suffisantes pour répondre aux besoins ?

Enfin, permettez-moi de vous faire part de mes préoccupations quant à l'avenir du cinéma de proximité face à l'essor des multiplexes. Ceux-ci représentent désormais 30 % des entrées en salle. Je crains que nous n'en arrivions à une situation à l'américaine et que les petites salles ne disparaissent face à la guerre des prix et des abonnements des géants. Cette question est directement liée à celle de la diversité culturelle, à laquelle doit avoir droit chaque citoyen. Les cinémas d'art et d'essai leur offrent un spectacle à multiples facettes bien loin des logiques mercantiles et des standards de la mondialisation. Il appartient aux pouvoirs publics de veiller à l'équilibre général de l'industrie du cinéma et à la diversité des lieux d'accès. Des réformes législatives sont urgentes. Il est actuellement plus facile d'ouvrir un multiplexe qu'un hypermarché !

Le groupe RCV est sensible à vos efforts, tant quantitatifs que qualitatifs. Certes, il y a des insuffisances, mais nous voterons ce budget avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Hervé de Charette - A nouveau ministre, nouvelle politique ? Le départ de votre prédécesseur avait suscité certains espoirs sur un changement de style, et votre arrivée nous change sûrement du langage technocratique et abscons de Mme Trautmann. Mais le constat de la continuité s'impose. Les crédits progressent au même rythme et vous poursuivrez à bon escient la déconcentration des crédits. Les préoccupations ne changent pas -patrimoine, éducation artistique, spectacle vivant -non plus que les objectifs : diversité culturelle, égalité d'accès à la culture et décentralisation. Autant de généralités qui ne peuvent guère soulever la contradiction.

Cette continuité n'est pas critiquable. Nous ne pouvons pas réclamer à la fois la baisse des impôts, la maîtrise des dépenses publiques et du déficit et toujours plus d'argent pour la culture. Nous ne critiquons donc pas le volume de ce budget, si ce n'est que la longue marche vers le 1 % culturel, cet étendard brandi par M. Lang en 1981, devient plus longue que celle de Mao Tsé Toung. Nous espérons qu'un jour vous atteindrez le but fixé. Bon courage !

C'est donc plutôt l'usage des crédits qui appelle quelques observations et critiques.

Les premières concernent la politique du patrimoine. Je serai bref à ce sujet car MM Geveaux, Bourg-Broc et Herbillon l'ont déjà fort bien évoqué. Reste que l'aspect quasi-squelettique des crédits destinés aux travaux d'entretien me préoccupe, de même que la faiblesse des crédits d'acquisition, carrément sacrifiés sur l'autel de vos choix budgétaires. J'ai des inquiétudes concernant la réparation des dégâts causés par les tempêtes ainsi que pour la Direction des musées de France, à qui l'on fait financer le coût de la gratuité d'accès aux musées nationaux.

Après les sacrifices qu'avait imposés au gouvernement précédent la nécessaire rigueur budgétaire, la province a cru à une envolée des crédits du patrimoine. Certes, ils ont augmenté, mais la province n'en a pas profité puisqu'ils ont totalement été dédiés au patrimoine de l'Etat.

Ma deuxième série d'observations concerne le marché français de l'art. Au début de la discussion budgétaire, les députés communistes ont plaidé pour une extension de l'ISF aux objets d'art, laquelle est évidemment le meilleur moyen de liquider définitivement un marché français, sur lequel les ventes ont déjà diminué de 25 % au cours des dix dernières années, alors qu'en Allemagne, elles ont augmenté d'environ 12 %, en Grande-Bretagne de 50 %, tandis que New York devenait la première place mondiale. La France pourrait reprendre une place importante. Encore faudrait-il qu'elle en ait l'ambition.

Je voudrais parler en troisième lieu du mécénat. Qu'allez-vous faire, Madame la ministre, pour l'encourager, sachant que nous en avons besoin tant pour les monuments historiques que pour le spectacle vivant et les festivals ? C'est le grand absent de la politique culturelle française. Il serait pourtant fort utile que les crédits publics soient relayés par des crédits privés. Hélas, le mécénat français stagne, je crains même qu'il baisse. En tout cas, il se fait de plus en plus sélectif, et ce en fonction de critères déterminés par un système d'exonérations fiscales beaucoup trop réduit. Je voudrais que la France ait enfin une ambition pour le mécénat.

Ma quatrième série d'observations concerne la Bibliothèque nationale de France. Je ne suis pourtant pas, je le dis tout de suite, un adversaire des grands travaux présidentiels. Lorsque la mousse de la polémique disparaît, on constate en effet que le résultat n'est pas si contestable que cela. On ne peut ainsi que se féliciter de devoir à l'impulsion des présidents Pompidou et Giscard d'Estaing, le musée d'Orsay, à celle de François Mitterrand l'aménagement du Grand Louvre et l'opéra Bastille et à celle de M. Chirac le futur musée du quai Branly, dont, malgré l'ironie développée par M. Rogemont, je suis sûr que vous serez bientôt d'ardents défenseurs. Donc, va pour les grands travaux ! Certes, ils ont quelque chose d'un peu monarchique mais ils font partie du système français. En ce qui concerne la BNF, force est cependant de constater que les rapports s'accumulent pour dire qu'elle a été mal conçue, qu'elle coûte cher -cinq fois plus que le Louvre- et que son administration est défaillante. S'y ajoute la faiblesse des crédits d'acquisition : alors que l'an dernier, la British Library a acheté 140 000 titres, la BNF n'en a acquis que 59 000. Il vous appartiendra, Madame la ministre, de sortir la BNF de cette situation kafkaïenne...

M. le Rapporteur pour avis - Très bien !

M. Hervé de Charette - Permettez-moi maintenant d'évoquer l'exception culturelle. Depuis les rencontres cinématographiques de Beaune, où vous étiez samedi, nous savons que le débat est rouvert à Bruxelles et ce dans des conditions fort inquiétantes, puisque le commissaire chargé des négociations internationales, qui est un Français et l'un de vos amis politiques, a déclaré qu'il était décidé à abandonner la seule règle qui protège cette exception, à savoir celle de la décision à l'unanimité. Nous pensions être enfin à l'abri. Il n'en est rien. Nous attendons donc de votre part et de celle du Premier ministre des réponses précises quant aux intentions du Gouvernement dans ce domaine, étant entendu que l'exception culturelle française aussi bien qu'européenne constitue une nécessité absolue.

Je m'inquiète aussi des initiatives de la Commission de Bruxelles en vue de réguler à son idée le secteur des industries culturelles. Elles ont besoin d'un espace adapté, qui est forcément l'Europe, et du soutien des pouvoirs publics. Mais elles ont aussi besoin de l'apport de l'épargne privée. Aussi faut-il concevoir un dispositif fiscal et juridique encourageant celle-ci à s'y investir. Il faut également travailler sur la question des taux de TVA.

Je voudrais dire un mot de l'éducation artistique et culturelle. On en parle chaque année depuis longtemps, mais comme disait Zazie, « tu causes, tu causes ». Les crédits prévus sont ridicules par rapport à l'ampleur de la tâche. La politique actuelle devrait pourtant être l'un des moyens de réduire les inégalités. On ne peut que constater qu'elle est absente de ce champ et que les jeunes des collèges et lycées ne reçoivent quasiment aucune éducation artistique, sauf celle qu'organisent à leurs frais les communes.

Je terminerai en déplorant que la culture soit trop souvent faite par des fonctionnaires parisiens pour un public parisien. Je sais, Madame la ministre, que vous faites des efforts pour contrebalancer cette tendance mais en tant que provincial, élu du monde rural qui plus est, je puis vous dire, que nous ne voyons guère la trace sur le terrain de tout ce dont nous parlons ici. Nous avons beaucoup de mal en province à obtenir le soutien des pouvoirs publics.

Valorisation du patrimoine, développement du mécénat, soutien à l'exception française et européenne, institution d'un nouveau régime juridique et fiscal en faveur des industries culturelles, égalité d'accès à la culture et à l'art, impulsion donnée à la vitalité culturelle française... telles devraient être à nos yeux les priorités. Et c'est à cette aune que nous vous jugerons. Pour l'heure, nous sommes déçus. C'est pourquoi le groupe UDF ne votera pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Catherine Génisson - A l'occasion du premier budget que vous nous présentez, Madame la ministre, je me félicite d'emblée des 415 millions de mesures nouvelles que nous y trouvons. Certes, le fameux « 1 % culturel » n'est pas atteint, mais ce sont les objectifs qui importent, à savoir : la diversité de l'action culturelle, l'égalité d'accès à la culture, la décentralisation.

Comme vous, j'attache une grande importance à la diversité culturelle. Dans notre pays, riche de sa longue histoire et d'un patrimoine varié, il importe de soutenir le développement de pratiques nouvelles. L'ouverture du chantier du centre d'art consacré à la jeune création -installé au Palais de Tokyo à Paris- illustre le rôle que l'Etat doit remplir en la matière : un rôle d'initiateur.

D'une manière générale, il convient de réfléchir à ce que doit être l'action de l'Etat dans le domaine culturel. Doit-il toujours subventionner, soutenir, accompagner des projets d'envergure ? Ou plutôt fixer des objectifs prioritaires et dessiner les conditions de leur réalisation ?

Les objectifs de diversité culturelle et d'égal accès à la culture doivent nous amener à développer des lieux intermédiaires, pluridisciplinaires et moins sacralisés que les grandes institutions, des lieux qui encouragent la liberté d'expression et l'adhésion d'un large public. Les communes doivent faire preuve d'imagination dans ce domaine, dans l'esprit de la loi contre les exclusions.

S'agissant de l'éducation artistique, des mesures nouvelles sont inscrites au budget. Nous nous en félicitons, qu'il s'agisse de la formation des intervenants ou de la création d'ateliers d'expression artistique dans les lycées.

Beaucoup est fait pour le développement de la musique à l'école. Néanmoins il faudrait réfléchir aux moyens de développer à l'école primaire l'initiation artistique dans ses différentes formes ; les centres de formation tels que les CEFEDEM et les CFMI jouent un rôle très important, mais il faudrait aller plus loin.

Enfin, comme vous l'avez compris, Madame la ministre, il est indispensable de moderniser les modes d'intervention du ministère, à travers de nouveaux contrats avec les collectivités locales. La meilleure répartition des moyens publics mérite bien les 15 millions qui y sont consacrés. Mais devons-nous favoriser la multiplication des lieux de création et de diffusion ou valoriser des structures qui sont opérationnelles ? C'est une question que je me pose.

Quoi qu'il en soit, Madame la ministre, le groupe socialiste vous apporte son soutien avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Etienne Pinte - Madame la ministre, je souhaite vous entretenir du financement de l'enseignement musical, c'est-à-dire des conservatoires nationaux de région et des cours à horaires aménagés dans les écoles, collègues et lycées, sujets dont j'avais déjà saisi vos prédécesseurs, sans obtenir de réponse positive sur le fond.

Les conservatoires nationaux de région, en dépit de leur dénomination, sont en très grande partie à la charge des communes. A Versailles, l'aide de l'Etat est passée de 28 % des dépenses de fonctionnement en 1982 à 11 % en 1999. La charge nette de la ville, dans le même temps, est passée de 49 % à 63 %. Il est malheureusement loin le temps où l'un de vos prédécesseurs, Jean-Philippe Lecat, s'était engagé à faire prendre en charge chaque année par l'Etat 25 % des dépenses de fonctionnement de ces conservatoires... Si l'Etat ne prend pas conscience de la situation et si les régions continuent à faire la sourde oreille, il ne restera plus aux communes qu'à réduire les activités dès la prochaine rentrée scolaire, en commençant par supprimer les niveaux supérieurs.

Dans un grand nombre des trente-quatre villes qui possèdent un conservatoire national de région, les ministères de la culture et de l'éducation nationale ont décidé, avec l'accord des municipalités, de créer des classes à horaires aménagés de musique, menant les élèves au bac F11. Le problème est que l'Etat laisse à la charge des collectivités locales quasiment l'intégralité des rémunérations des professeurs. Que font alors les communes ? Elles instituent des droits d'inscription et de scolarité. 19 se sont résignées à cette mauvaise solution, de surcroît jugée illégale par le tribunal administratif de Versailles.

Les classes à horaires aménagés de musique s'intégrant dans le cursus de l'enseignement obligatoire et gratuit, il convient que les rémunérations des professeurs soient financées par l'Etat. Si vous ne nous donnez pas satisfaction sur ce point, nous serons contraints d'éteindre progressivement la filière, en commençant par les cours préparatoires. Permettez-moi de souligner que les cours à horaires aménagés de musique coûtent à notre ville plus de 5 millions, soit deux fois la subvention que vous nous accordez pour notre conservatoire national de région, et que le coût moyen d'un élève dépasse 20 000 francs par an.

Madame la ministre, l'avenir du centre de musique baroque de Versailles, l'avenir des conservatoires nationaux de région, des classes à horaires aménagés de musique et de toute la filière musicale est entre vos mains.

En terminant, je voudrais évoquer l'exemple suisse. J'ai visité ce week-end à Bâle les deux grands musées d'art moderne qui viennent d'être créés grâce à un partenariat d'institutions publiques et privées et à l'association de fonds publics et privés, le musée Tinguely et la fondation Bayler. Je souhaite que nous nous inspirions de ce modèle (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Christian Martin - Des discussions sont engagées depuis de longs mois avec la direction de l'architecture et du patrimoine sur l'avenir des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement. Un groupe de travail interministériel, placé sous la présidence de M. Jean Frébault, réfléchit à l'évolution des missions de ces organismes départementaux, en concertation étroite avec la fédération nationale des CAUE, l'association des départements de France et l'association des maires de France. Michel Duffour a souhaité en avril dernier à Strasbourg que d'ici à la fin de l'année, des solutions techniques soient trouvées pour leur assurer la sécurité financière. La gestion budgétaire de ces organismes est en effet extrêmement aléatoire et induit un risque de responsabilité personnelle pour ses dirigeants, auxquels s'impose l'équilibre des comptes.

L'essentiel des ressources des CAUE provient d'une taxe départementale dont le mode de calcul et de perception est complexe. Les CAUE n'étant plus seulement comme à l'origine des outils d'assistance architecturale aux particuliers, mais ayant désormais pour premiers partenaires les territoires et les collectivités territoriales, il est illogique de faire supporter le financement sur les seuls bénéficiaires d'un permis de construire. Mieux vaudrait une taxe attachée au foncier bâti, celui-ci constituant un fait générateur stable, contrairement au flux de construction. Madame la ministre, puisque l'utilité publique des CAUE est confirmée, il est indispensable de donner à ces structures départementales les moyens de l'ambition que nous avons pour elles. Le même problème se pose d'ailleurs pour la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles.

Par ailleurs, permettez-moi d'évoquer la magnifique église de Saint-Denis de Pontigné, dans ma circonscription du Maine-et-Loire. Classée monument historique depuis 1910, elle est avec ses fresques l'une des plus remarquables du Baugeois. L'architecte en chef des monuments historiques a fait une étude préalable qui a reçu un avis favorable de l'inspection générale, puis une approbation administrative en juillet 1998. Mais depuis, rien ne bouge. Je vous supplie, Madame la ministre, de faire de suite le nécessaire pour restaurer cette église.

Je terminerai en vous recommandant le festival d'Anjou d'art dramatique deuxième de France après Avignon. Nous avons fêté en 1999 son cinquantième anniversaire. Après Jean-Claude Brialy, Francis Perrin en assure la direction artistique, il a prévu trois créations en 2001. Mais nous sommes inquiets de la baisse régulière de la subvention du ministère depuis trois ans. Je souhaite pour ma part une subvention annuelle d'au moins 250 000 francs. Vous serez, madame la ministre, la bienvenue en Anjou du 20 juin au 14 juillet prochain.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - Je remercie les rapporteurs et l'ensemble des intervenants.

C'est pour moi un grand honneur et une émotion personnelle que de vous présenter aujourd'hui, pour la première fois, le budget du ministère de la culture.

Depuis 1936, lorsque naquirent l'éducation et la culture populaires, jusqu'à André Malraux, qui voulait « donner à chacun accès à l'héritage de la noblesse du monde », nombreux sont ceux qui ont cru et qui ont agi pour que la culture soit reconnue comme un droit pour tous.

Cette conviction est la mienne et, depuis qu'en 1972 me fut confiée la direction de la maison de la culture de Grenoble, elle a fondé ma vie professionnelle comme mon engagement politique, elle inspire aujourd'hui mon travail au ministère. Réunir et confronter les créateurs et le public, faire s'épanouir les _uvres des premiers à la lumière des attentes du second, tels furent ma première ambition et mon premier métier. Dans les fonctions qui sont aujourd'hui les miennes, c'est l'objectif que j'entends poursuivre avec votre soutien.

Le ministère de la culture doit affirmer la présence de la création au c_ur de la cité, rendre les _uvres, dans toute leur diversité, accessibles au plus grand nombre.

C'est pour moi le sens premier du soutien de l'Etat, ce qui fonde la légitimité de son intervention, aujourd'hui reconnue légitime et utile par les professionnels comme par les collectivités territoriales qui, depuis des décennies, ont consenti des efforts considérables et déterminants pour le développement culturel.

Le temps des loisirs s'accroît et malgré l'élévation du niveau éducatif de nos concitoyens, le risque est grand d'une standardisation de la culture et des loisirs culturels. Alors que le marché y occupe une place de plus en plus forte, qui risque de devenir dominante, le rôle de l'Etat me paraît aujourd'hui encore plus nécessaire pour soutenir la création et sa diversité, pour garantir l'égalité devant la culture, pour équilibrer l'offre culturelle au bénéfice de l'ensemble du territoire.

Comme l'a souligné M. Idiart, ce budget est un bon budget, en cette croissance. Quant à la continuité avec Mme Trautmann, relevée par M. Geveaux, elle est pour moi le signe de la cohérence et de la continuité d'une politique culturelle qui ne saurait être menée à coups d'annonces et de virements de bords. Enfin, je vois dans la déception de M. Birsinger l'ambition que lui-même, son groupe et toutes les composantes de la majorité assignent à la politique culturelle d'un gouvernement de gauche.

Avec un total de 16 milliards 496 millions, soit 0,994 % du budget de l'Etat, le budget de la culture a anticipé sur l'objectif fixé par le Premier ministre en 1997, de 1 % du budget de l'Etat à la fin de la législature. Si cet objectif n'a jamais représenté à lui seul une politique, il est bien cependant le symbole d'un véritable engagement de notre Gouvernement. Et, pour moi, il convient désormais de réfléchir à l'au-delà de 1 %.

Avec 415 millions de mesures nouvelles, le budget de la culture connaît une progression de 2,6 % supérieure à celle enregistrée entre 1999 et 2000 et plus de deux fois supérieure à l'augmentation moyenne du budget de l'Etat.

Il marque également une progression très significative en matière d'emplois : mon ministère s'inscrit résolument dans la politique de résorption de l'emploi précaire : 300 vacataires seront ainsi stabilisés dans l'ensemble des catégories, dont 190 créations nettes. Les établissements publics bénéficient, par ailleurs, de 315 créations d'emplois. Ainsi, notre ministère s'attache à sortir progressivement d'une situation socialement et fonctionnellement très fragile, liée à un recours excessif à des agents précaires.

Ce budget permettra aussi, à partir de ce qui existe, de mettre en _uvre des actions nouvelles, conformes aux priorités que nous nous sommes fixées en arrivant à la tête de ce ministère. Nos moyens supplémentaires seront mis au service de deux objectifs majeurs.

Le premier est de renforcer la création et la diffusion des arts vivants. Comme l'a justement relevé M. Geveaux, c'est le plus puissant antidote au nivellement culturel et à la consommation passive.

Dès mon arrivée au ministère, j'avais souhaité l'inscription au collectif de printemps de 50 millions de crédits au bénéfice de la création et des créateurs. Je souhaitais ainsi restaurer les marges artistiques des établissements entamées par leurs charges de fonctionnement. En 2001, 80 millions de mesures nouvelles, porteront à 2,263 milliards les crédits d'interventions destinés au spectacle vivant. Depuis 1997, l'augmentation aura ainsi été de 308 millions, soit 15,75 %. En outre, les théâtres nationaux bénéficieront de 13 millions de mesures nouvelles dont 6 millions qui permettront au théâtre de Chaillot d'enrichir sa programmation en s'ouvrant largement à la danse sous la responsabilité d'Ariel Goldenberg et José Montalvo.

Mais la diversité culturelle passe également par l'ouverture de nouveaux lieux et le soutien aux disciplines nouvelles, comme l'a souhaité M. Carassus.

La réforme du soutien aux compagnies a permis d'ouvrir le dispositif aux jeunes équipes, qui bénéficieront l'an prochain de 14 millions de mesures nouvelles. En ce qui concerne le renouvellement des disciplines anciennes et la reconnaissance des arts populaires, 2001 sera consacrée « année du cirque », avec une dotation supplémentaire de 9 millions.

Désormais, le soutien à la création implique une aide à la création artistique multimédia. Ce nouveau mode d'expression souvent pluridisciplinaire, porté par de jeunes créateurs, s'adapte mal à l'organisation et aux procédures des services traditionnels. J'ai donc décidé la création d'un guichet unique, doté de 4 millions destiné à accueillir et à soutenir ces projets.

Les aides du Centre national de la cinématographie progresseront très sensiblement en 2001. Le compte de soutien augmentera de 9,7 %, au bénéfice, en priorité, des aides sélectives destinées aux salles d'art et d'essai, à l'écriture, à la distribution et au court métrage. Dans l'audiovisuel, la croissance des ressources permettra une augmentation de près de 14 % des aides à la production. Je souhaite que les entreprises émergentes du secteur en soient les premières bénéficiaires.

MM. Geveaux, Herbillon, Carassus et Rogemont ont fait part de leur profonde préoccupation quant à la diversité des salles. Le CNC travaille actuellement à une redistribution des aides automatiques à l'exploitation qui profiterait aux petits et moyens exploitants, garantissant ainsi la diversité de l'offre. J'ai par ailleurs annoncé à Poitiers, un assouplissement des conditions dans lesquelles les communes peuvent intervenir en faveur des salles, avec la suppression du seuil. Nombreuses sont en effet les collectivités qui se sont engagées dans une politique de maintien de salles, en particulier d'art et d'essai.

M. Edouard Landrain - Heureusement !

Mme la Ministre - Par ailleurs, le Sénat a adopté sur ma proposition un amendement à la loi sur les nouvelles régulations économiques, destiné à mieux encadrer l'implantation des multiplexes, dont je ne ferai pas le procès, vous l'avez fait vous-mêmes... ; rappelons que 70 multiplexes, concentrent 30 % de la fréquentation... Nous devons demander à l'ensemble de la profession d'être plus vigilante sur ces implantations.

M. Michel Herbillon - Il est bien tard...

Mme la Ministre - J'arrive, Monsieur Herbillon, et je m'efforce d'agir, avec le soutien de l'ensemble du Gouvernement. Préserver la diversité des lieux de diffusion et des implantations n'est pas chose aisée.

Enfin, un texte devrait permettre d'encadrer les pratiques commerciales nouvelles comme les cartes d'accès illimité, qui ont été lancées sans aucune concertation alors que, depuis des décennies, la concertation a été le gage de la santé de notre cinéma. Une procédure d'agrément préalable devrait être instituée.

Le site de Bercy, dont l'ouverture est prévue en 2002, bénéficiera de 35 millions d'autorisations de programmes.

Le soutien à la création passe aussi par la formation des créateurs de l'avenir. Avec 52 millions de mesures nouvelles, les crédits consacrés aux enseignements artistiques atteindront 1,7 milliard en 2001 soit une progression de plus de 18 % depuis 1999.

Je suis très attentive à l'affirmation du caractère d'enseignement supérieur de l'enseignement dispensé dans les écoles d'art, qui marquera un véritable tournant pour l'enseignement artistique. Un mot aussi, en réponse à M. Rogemont, sur les intermittents. Vous le savez, la procédure d'agrément de l'accord UNEDIC est en cours. Je veillerai, en accord avec la ministre de l'emploi, à ce que la renégociation s'effectue dans le respect des spécificités du régime d'assurance chômage de ces professions.

Le deuxième objectif que Michel Duffour et moi-même nous sommes fixé vise le maintien d'un haut niveau de soutien aux politiques patrimoniales.

MM. Geveaux, Bourg-Broc et de Charette ont fait part de leur forte inquiétude quant aux crédits du patrimoine. Je leur rappelle que, de 1995 à 1997, ces crédits avaient été réduits de 33 % ! Tout l'effort de cette majorité est de les restaurer.

La fondation du patrimoine est un bon outil. Le mécanisme fiscal est opérationnel. Elle travaille et elle sait qu'elle trouvera auprès de mon ministère tous les appuis nécessaires.

L'enveloppe consacrée au patrimoine progressera de 43 millions pour atteindre 1,580 milliard. Elle sera consacrée à l'archéologie et, à parts à peu près égales, aux monuments appartenant à l'Etat, tels que le château de Versailles ou le Grand Palais, et à ceux n'appartenant pas à l'Etat. Ainsi, en application des contrats de plan signé avec la région PACA, notre ministère consacrera 10 millions au patrimoine antique.

Notre patrimoine a été durement éprouvé par les tempêtes de la fin 1999. Le montant global des dommages non couverts par les assurances a été évalué à 800 millions. Le collectif budgétaire voté en juin a dégagé des crédits de 500 millions dont 200 millions pour les bâtiments n'appartenant pas à l'Etat, Monsieur Bourg-Broc. Ces crédits sont inclus dans les « avenants tempêtes » aux contrats de plan Etat/région. Ceux-ci sont en place, même si les procédures et la capacité de réponse des entreprises ont imposé des délais qui ont alarmé certaines collectivités.

Les musées classés et contrôlés verront leurs autorisations de programme progresser de 8 %. Les monuments historiques abritant des musées seront privilégiés. Nous mènerons ainsi une cinquantaine d'opérations sur l'ensemble du territoire.

A Paris, le ministère contribuera à hauteur de 376 millions, à la première phase de construction du futur musée du quai Branly, qui aura bien le statut d'établissement public, Monsieur Rogemont.

Beaucoup d'entre vous se sont inquiétés de l'évolution des crédits d'acquisition d'_uvres pour les musées nationaux : ils sont passés de 85 millions en 1995 à 180 millions en 2001. Par ailleurs, ce Gouvernement s'est attaché à donner un encadrement législatif au marché de l'art par la loi sur les enchères publiques, adoptée en juillet dernier et celle sur les trésors nationaux. L'harmonisation du régime fiscal des ventes est actuellement à l'étude au niveau européen.

Cette politique patrimoniale rejoint une forte attente du public et contribue au rayonnement culturel de notre pays : en 1999, 49 millions de personnes ont visité nos musées et l'année 2000 devrait enregistrer une nouvelle progression.

Vous m'avez interrogé sur le devenir du projet de loi sur les musées : il a fait l'objet d'un travail convergent entre les parlementaires réunis par M. Alfred Recours, et les services du ministère et d'une concertation avec les élus et les professions concernées. Ce texte est maintenant prêt ; il sera présenté au Conseil des ministres avant la fin de l'année et, je l'espère, au Parlement dès le printemps prochain.

Dans la même ligne, nous soutiendrons massivement l'effort de modernisation des bâtiments d'archives entrepris par les collectivités territoriales.

Enfin pour les bibliothèques, nous poursuivrons la modernisation du réseau, notamment la généralisation des techniques de l'information et la numérisation des fonds patrimoniaux.

Je souhaite que notre politique en faveur de la création et de la mise en valeur du patrimoine s'inscrive dans une double logique, la réduction des inégalités et la décentralisation.

Les mesures de gratuité mises en place dans certains secteurs, comme dans les musées, où elles ont eu un impact réel, ne sauraient résoudre à elles seules les problèmes posés par les inégalités d'accès à la culture. Monsieur Rogemont, une évaluation de ces politiques est en cours, afin de décider de la suite à leur donner. Les inégalités doivent être réduites au sein même du système scolaire. C'est pourquoi je me réjouis de la collaboration qui s'approfondit avec le ministère de l'éducation nationale afin d'assurer une éducation artistique tout au long de la scolarité. Je me réjouis aussi de votre unanimité sur cet objectif.

Dès 2001, je consacrerai 18 millions de mesures nouvelles à des actions d'éducation artistique et à la formation des professionnels de la culture intervenant en milieu scolaire.

Ces moyens nouveaux permettront la création de 660 ateliers d'expression artistique supplémentaires dans les lycées, qui s'ajouteront aux 1 650 ateliers créés en 1999 et 2000. En outre, le dispositif « musique à l'école » qui a pour objectif de favoriser la pratique musicale, sera renforcé. Monsieur Pinte, 182 millions, soit une augmentation de 5 %, sont prévus par les CNR et les écoles nationales de musique dans les protocoles de décentralisation.

L'égalité d'accès à la culture passe par une attention vigilante aux contenus qui seront diffusés par les nouvelles technologies. J'entends d'abord enrichir l'offre en poursuivant, à hauteur de 8 millions, la numérisation des fonds culturels.

En second lieu, nous doublerons le nombre des espaces multimédia, dans les lieux culturels. Leur nombre atteindra 220 en 2001. Comme l'a justement souligné M. Carassus, ce sont des lieux déterminants d'appropriation par tous des nouveaux médias.

Deuxième axe transversal de notre politique, la décentralisation.

Comme l'a indiqué le Premier ministre, le Gouvernement a décidé d'engager une deuxième étape de la décentralisation. La commission présidée par Pierre Mauroy vient de rendre son rapport et un débat national va s'ouvrir. Je m'en réjouis car la décentralisation est un axe majeur de la politique de mon ministère, comme l'a d'ailleurs marqué la création d'un secrétariat d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle confié à M. Michel Duffour, création justement saluée par M. Birsinger car elle nous donne une meilleure connaissance réciproque des potentialités d'action au niveau de l'Etat et des collectivités territoriales. Le nouveau contexte dans lequel s'inscrit cette action conjointe, notamment les contrats d'agglomération, de ville et de pays, appellent une modernisation des modes d'intervention de notre ministère. Seront donc expérimentés dès 2001, sous la conduite de Michel Duffour, des nouveaux protocoles de décentralisation culturelle avec les collectivités locales qui le souhaitent. M. Duffour travaille également à la mise au point du texte concernant les établissements publics de coopération culturelle. Beaucoup de professionnels et d'élus locaux ont demandé ces outils juridiques nouveaux.

M. Michel Herbillon - Où est-il, M. Duffour ?

Mme la Ministre - M. Duffour nous a quittés pour participer au conseil des ministres, où nous devions présenter des nominations. Il va nous rejoindre.

Nous voulons donc franchir une étape supplémentaire dans la décentralisation culturelle par ces protocoles qui proposeront une nouvelle répartition des responsabilités. Au nombre de 6 à 8, ils bénéficieront, dès 2001, d'une enveloppe de 15 millions de francs.

Comme l'a souligné M. Rogemont, ce budget prévoit une forte progression des concours aux investissements culturels dans les régions -même si, comme Mme Génisson l'a dit- l'accroissement du nombre d'équipements ne suffit pas à résoudre la question des pratiques culturelles.

L'effort le plus significatif portera sur la modernisation des bâtiments d'archives : ces crédits, qui s'élevaient à 30 millions de francs en 1999 et à 65 millions en 2000, atteindront 111 millions en 2001. Ils n'étaient que de 17 millions en 1997.

Plusieurs députés socialistes - Il faut le rappeler !

Mme la Ministre - Comme l'a souligné, M. Christian Martin, les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement constituent des instruments précieux au service des collectivités territoriales.

J'ai donc demandé que soient étudiées les nécessaires modifications de l'organisation, des missions et du financement des CAUE et, notamment, un aménagement de la fiscalité permettant de leur assurer des ressources pérennes. En ce qui concerne l'église de Pontigné, Monsieur Martin, les travaux envisagés pour 11 millions de francs seront inscrits dans les priorités régionales et une première tranche de 1,8 million de francs est déjà prévue, prise en charge à 50 % par l'Etat. Je prends cet exemple pour dire à l'Assemblée combien je suis attentive à ce patrimoine modeste et je profite de tous mes déplacements en région pour aller le visiter et voir ce qui doit être entrepris -je pense à la merveilleuse petite chapelle romane de Merigny dans l'Indre et à l'abbaye des Prémontrés dans le Calvados...

M. Hervé de Charette - Venez à Saint-Florent-le-Vieil, il y a une abbaye superbe !

M. Michel Herbillon - Et venez voir l'Ecole vétérinaire à Maisons-Alfort ! (Plusieurs députés du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL : « venez aussi chez moi ! »)

M. Marcel Rogemont - Ces multiples invitations venant de la droite sont significatives de la confiance qu'inspire Madame la ministre !

Mme la Ministre - Les crédits d'investissement du budget 2001 -190 millions de francs pour le spectacle vivant et 70 millions pour les arts plastiques- permettront de poursuivre la construction et l'aménagement des lieux de diffusion et d'enseignement, en partenariat avec les collectivités locales.

Pour le livre et la lecture, une mesure nouvelle de 32 millions de francs portant à 981 millions le montant des crédits affectés aux bibliothèques permettra la poursuite de leur modernisation, en soutenant plus de 300 opérations de construction et d'extension et en généralisant les nouvelles technologies dans les bibliothèques publiques. Je voudrais dire à M. Geveaux que je porte une grande attention au maintien du service de la lecture publique et que je me refuse au paiement du prêt des livres, tout en recherchant les voies d'une meilleure rémunération des droits d'auteur (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Je ferai d'ailleurs, comme je m'y suis engagée, des propositions d'ici la fin de l'année, qui donneront lieu à une concertation.

Enfin, le programme des bibliothèques à vocation régionale touche à son terme.

M. Alain Clary - Bonne nouvelle !

Mme la Ministre - Ainsi, un réseau dense et moderne de bibliothèques se met en place dans notre pays. Il sera irrigué par la Bibliothèque nationale de France qui, par les systèmes de consultation à distance et de numérisation des catalogues, joue dès à présent un rôle de tête de réseau des grandes bibliothèques régionales. Vous vous êtes d'ailleurs préoccupés de cet établissement, et je remercie M. de Charette d'avoir rappelé que les grands travaux sont un acquis pour la communauté nationale, et non un cadeau du prince à la seule capitale. Le caractère novateur de la BNF, la motivation et la compétence de son personnel, améliorent considérablement les services aux chercheurs et les relations avec les autres bibliothèques. Je voudrais d'ailleurs exprimer toute ma sympathie au personnel de la BNF, qui a été présent nuit et jour lors de l'incendie du quartier et a su transférer rapidement certains services pour répondre aux attentes du public. Les collectivités locales sont aujourd'hui beaucoup plus entreprenantes que par le passé dans le domaine culturel, pour le plus grand bénéfice de nos concitoyens. La dynamique qui s'est créée implique une convergence des objectifs de l'Etat des autres collectivités. Mais je suis fermement convaincue que l'Etat, garant de la diversité de la création et de l'égal accès de tous à la culture, conserve ainsi que des responsabilités propres, ce rôle d'initiateur bien souligné par Mme Génisson. Le budget 2001 manifeste ainsi sa volonté constante d'accompagner l'essor des régions.

La culture n'est pas un « plus » qui enjolive la vie, ni un commerce parmi d'autres, elle est le socle sur lequel se bâtit la personnalité, la cité, la relation au monde, et je terminerai en évoquant la construction européenne. A ce niveau européen, je défendrai fermement le maintien de la règle du vote à l'unanimité, seule capable de préserver l'exception culturelle dans chacun des pays de l'Union (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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QUESTIONS

M. Gilbert Gantier - Je souhaite vous interroger sur la colline de Chaillot, qui n'est pas seulement inspirée, mais qui héberge plusieurs musées nationaux, datant, pour beaucoup, de l'Exposition de 1937.

Quand seront terminés les travaux du musée Guimet, fermé depuis des mois ? A quelle date sera-t-il rouvert ? Quand le musée du cinéma, actuellement en construction avenue du Président Wilson, sera-t-il ouvert ? Les dommages qui ont affecté le musée des monuments français lors de l'incendie du Palais de Chaillot sont-ils réparés ? A quand la réouverture ? Le musée de la Marine est-il définitivement à l'abri des menaces de délocalisation ? Enfin, lorsque le musée des Arts premiers du Quai Branly sera en service, le musée de l'Homme devra-t-il y être transféré ?

Mme la Ministre - Le musée Guimet fait l'objet d'un programme architectural d'envergure. Nous ne serons pas déçus du résultat, puisque l'ouverture d'espaces supplémentaires permettra de tirer certaines _uvres des réserves. Son inauguration aura lieu le 15 janvier. 350 millions de francs ont été consacrés à sa rénovation, le mécénat ayant apporté 40 millions. Le musée national des monuments français est inclus dans le projet de cité de l'architecture et du patrimoine qui s'installera au Palais de Chaillot. Une réflexion sur une nouvelle muséographie et sur la présentation des moulages et des maquettes est en cours, la réouverture du musée étant prévue pour 2003. Des études de faisabilité sont actuellement menées pour le musée des Arts et techniques populaires, délocalisé à Marseille. Quant au musée de l'Homme, il reste au Palais de Chaillot. Un travail scientifique doit déterminer celles de ses collections qui réjoindront le musée des Arts premiers. Le musée du Cinéma s'intégrera dans le projet plus vaste qui regroupera aussi, à Bercy, la cinémathèque française, la bibliothèque du Film et, je l'espère, des activités pédagogiques, notamment à l'intention du jeune public, et dont l'ouverture est prévue en 2002.

M. Jean-Pierre Baeumler - La culture se confirme comme priorité budgétaire pour le Gouvernement. Les grandes orientations que sont le soutien à la création et à la diffusion, la promotion de la diversité culturelle et de l'accès à la culture, et la décentralisation culturelle, favorisent la démocratisation de la culture, but poursuivi par le Gouvernement depuis 1997. Je relèverai à titre d'exemples le financement des mesures tarifaires destinées à élargir l'accès aux lieux de culture, la poursuite du développement de l'éducation artistique, le soutien à la création, l'augmentation des subventions de fonctionnement et d'investissement allouées aux établissements publics de spectacles vivants, la modernisation des archives, la forte progression des concours à l'investissement pour la réalisation d'équipements culturels dans les régions. Le montant des subventions pour la rénovation ou la construction d'équipements culturels sera augmenté en 2001. Il s'agit de moyens considérables, qui n'ont pas toujours été dégagés dans la période 1993-1997 où l'on cédait volontiers aux effets d'annonce.

Nous saluons donc ce budget qui permet aussi d'atteindre un équilibre entre la capitale et les régions.

Néanmoins, il subsiste des attentes déçues. Je pense notamment aux nombreuses associations qui ont créé des écoles de musique, particulièrement nombreuses en Alsace.

Nous espérons que les nouvelles modalités de la politique de développement culturel permettront de mieux faire. Une nouvelle répartition des responsabilités et de nouveaux outils de partenariat dans le cadre des protocoles de décentralisation ont été annoncés.

Au-delà de cette préoccupation générale, je souhaiterais quelques précisions sur les moyens mobilisables et les modalités des relations partenariales que l'Etat souhaite construire, notamment avec les pays et les communautés d'agglomérations.

Mme la Ministre - En créant la commission Mauroy, le Premier ministre a mis au c_ur du débat une nouvelle étape de la décentralisation. En matière culturelle, il s'agit de mieux ancrer les actions dans les territoires, d'élargir l'accès à la culture et de répartir de façon plus harmonieuse les efforts de l'Etat et des collectivités territoriales. M. Duffour et moi avons choisi la méthode de l'expérimentation, avec la signature de protocoles de décentralisation culturelle prévus pour trois ans. Cette démarche sera soumise à évaluation chaque année. Deux domaines seront privilégiés : l'architecture et le patrimoine d'un côté, l'enseignement artistique de l'autre. Quinze millions supplémentaires seront dégagés pour ces actions en 2001.

Les associations musicales, qui sont particulièrement vivantes dans votre région, jouent un rôle essentiel de sensibilisation, d'éducation et de pratique amateur. Des états des lieux ont été commandés aux DRAC, qui seront suivis de plans d'actions régionaux mettant l'accent sur la création de centres de ressources proposés aux amateurs.

M. Patrick Bloche - L'art est souvent éphémère, surtout lorsqu'il s'exprime dans ces lieux dits « alternatifs » qui sont investis sans droit au bail. Ces « squats d'artistes », même s'ils sont souvent créés par des plasticiens, sont pluridisciplinaires. Ils se sont installés dans la réalité urbaine, avec une dimension sociale non négligeable. La création s'y confronte à la réaction d'un public souvent jeune. Des pistes sont explorées hors de tout contexte marchand. Des friches industrielles, des usines ou des garages désaffectés, des immeubles vides sont réquisitionnés là où la place de l'artiste est la plus contestée.

Paris est souvent évoqué, particulièrement lorsque les propriétaires font appel aux forces publiques, à propos de ce phénomène qui touche les métropoles. Les collectivités plus petites réagissent différemment : de la méfiance au soutien, par la mobilisation de leur patrimoine immobilier.

La culture de demain émerge dans ces lieux alternatifs. Comment votre politique culturelle les prend-elle en compte ?

Mme la Ministre - Question d'actualité, et même brûlante, à Paris et ailleurs... La politique de l'Etat comme des collectivités territoriales en matière de création d'ateliers d'artistes est à l'évidence insuffisante au regard du nombre des jeunes intéressés et peu adaptée à leur souhait de travailler en commun et de confronter leurs créations. Le nombre grandissant de squats d'artistes témoigne de l'énergie de l'art contemporain. Ce ne sont pas des concurrents des institutions : il y a un désir d'autres lieux de rencontre. A Paris comme dans les régions, des initiatives publiques ou privées ont permis la création d'espaces ouverts aux artistes. Le ministère souhaite les accompagner et ainsi renforcer les lieux culturels de proximité, à l'image du centre culturel, dont je sais qu'il vous est cher, du Plateau dans le XIXème arrondissement de Paris. Vous comprenez bien que je ne saurais cautionner les occupations illégales. Toutefois, je constate avec plaisir que les artistes « hors la loi » ont en général le plus grand souci du bâtiment qu'ils investissent. Nous devons encourager les actions de solidarité urbaine en proposant aux collectivités locales et à quelques grands propriétaires immobiliers de nouvelles modalités pour l'établissement de conventions d'occupation. La délégation aux arts plastiques y travaille à ma demande.

M. Alain Clary - Ma question s'adresse à M. Duffour. Il semble que nous entrions dans une nouvelle phase de décentralisation de l'action culturelle, avec de nouveaux transferts de crédits vers les DRAC. Mais la déconcentration des crédits ne suffit pas à faire une politique de décentralisation. La représentation nationale doit s'interroger sur le rôle de l'Etat. Monsieur le secrétaire d'Etat, lors de votre récent tour de France, vous avez rencontré les DRAC, les élus et tous les acteurs de la culture. Nous avons apprécié cette démarche. Mais décentralisation rime avec équilibre du territoire, continuité du service public et égalité des citoyens. La politique de décentralisation ne doit pas aboutir à une multitude de politiques régionales éclatées. Elle doit décliner la politique nationale dans les régions en tenant compte de leurs spécificités. Comment les DRAC pourront-elles veiller au développement de la culture dans toutes ses dimensions et réduire les disparités entre les régions ? Comment concilier décentralisation et réduction des inégalités ? Ce n'est pas en l'occurrence de moins d'Etat que nous avons besoin. Nous avons besoin d'un Etat qui intervienne autrement et qui assume son rôle de stimulateur. Pour cela, le Gouvernement doit améliorer la lisibilité de sa politique culturelle. Nous souhaitons que la nouvelle étape de la décentralisation culturelle s'accompagne d'une réflexion approfondie sur la notion de prise de risque et les critères de financement des projets. En quoi consisteront à cet égard les protocoles de décentralisation culturelle que vous allez engager ?

M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle - Ce budget traduit une volonté de proximité et de déconcentration des crédits : 69 % sont aujourd'hui délégués aux DRAC contre 59 % il y a deux ans. Nous allons poursuivre nos effort en ce domaine. Cette année par exemple, le nombre des conseillers en architecture des DRAC sera doublé. Vous vous interrogez sur les disparités que pourrait favoriser la politique de décentralisation et craignez un désengagement de l'Etat. Mais cette politique vise, en prenant en compte les évolutions des paysages culturels, à faciliter l'intervention des collectivités territoriales et à consolider le rôle régulateur de l'Etat ; elle se veut plus lisible et plus proche des citoyens et s'inscrit dans l'esprit des déclarations du Premier ministre à Lille. Il n'est pas question de rompre des liens et des partenariats tissés depuis vingt ans.

Les protocoles de décentralisation culturelle -il y en aura six à huit en 2001- seront mis en _uvre avec les collectivités volontaires pour clarifier et renforcer les partenariats. Il faudra préciser le rôle et les responsabilités de chaque collectivité et désigner celle qui pourrait servir de chef de file. Cette clarification devient indispensable. Ces nouveaux partenariats -auxquels 15 millions de mesures nouvelles seront consacrées dès 2001- devront s'établir en toute transparence et feront l'objet d'une évaluation et d'un suivi permanents. A cet effet, un groupe national composé d'experts travaillera en lien étroit avec le ministère ainsi qu'avec le conseil consultatif représentatif des collectivités pour la culture.

Cette méthode se veut avant tout pragmatique et vise à valoriser le bilan de plus de vingt ans de développement culturel.

M. Edouard Landrain - Il a beaucoup été question ce matin des collectivités territoriales. Heureusement qu'elles sont là, en effet, pour compléter la réponse de l'Etat aux besoins culturels !

Ma question concerne l'enseignement musical, non pas celui qui est dispensé au niveau des CNR mais celui de base que donnent les écoles primaires ainsi que les écoles de musique communales ou intercommunales. Le coût pour elles des professeurs de musique a été considérablement renchéri par la convention salariale qui a été passée. Cela les met en grande difficulté de sorte que les communes sont obligées d'intervenir. Elles ne se dérobent pas mais enfin il y a peut-être lieu de réfléchir à cette carence de l'éducation nationale.

Par ailleurs, les ADDM jouent au niveau départemental un rôle considérable sans que l'Etat soit vraiment présent. Avez-vous l'intention, Madame la ministre, de pousser un peu plus loin, dans le cadre de la déconcentration, le partenariat afin que ce que l'éducation nationale ne fait pas, les départements et les régions puissent le faire avec votre aide ?

Enfin, seriez-vous d'accord pour que le Parlement se penche sur le sort de la musique et de la danse en France et travaille avec votre ministère ainsi que celui de l'éducation nationale à un grand rapport d'information ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme la Ministre - Je n'ai pas de difficulté à reconnaître avec vous que la réponse qu'ensemble -Etat et collectivités territoriales- nous donnons à l'appétit de musique qui se manifeste dès le plus jeune âge n'est pas encore à la hauteur de notre ambition partagée.

Néanmoins, nous progressons. Jack Lang et moi travaillons en effet à des actions communes, avec l'intention de nous assigner pour les années à venir un programme très intensif dans le domaine de sensibilisation et de l'éducation à la musique.

On ne peut pas détacher l'effort consenti par l'Etat au travers notamment des conservatoires nationaux de région et des écoles nationales de musique de l'éducation musicale qui est donnée à l'école. Il y a là en effet une longue chaîne. Pour ma part, je m'attache à étudier tous les liens qui peuvent être établis entre les institutions relevant de mon ministère et l'enseignement. Cela peut prendre la forme de mises à disposition de professionnels de la musique pour des interventions durables ou ponctuelles au sein du système scolaire.

Mme la Présidente - Nous en avons terminé avec les questions.

J'appelle maintenant les crédits inscrits à la ligne « Culture et communication ».

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ÉTAT B

Les crédits des titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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ÉTAT C

Les crédits des titres V et VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication, concernant la culture.

Mme la Ministre - Après ce vote, je voudrais remercier à nouveau les rapporteurs pour les éléments très solides de réflexion qu'ils ont livrés aux parlementaires mais aussi aux ministres.

Je remercie chaleureusement les groupes qui ont apporté leur soutien au budget de la culture. J'y vois l'expression de la conscience croissante qu'a la collectivité nationale de l'importance de l'enjeu culturel.

Chez les parlementaires de l'opposition, je relève une certaine contradiction entre d'une part le sérieux de leurs analyses, le vif intérêt qu'ils portent aux questions culturelles, et d'autre part, le vote négatif qu'ils vont émettre. Peut-être exprimez-vous là, messieurs, le regret de n'avoir pu mieux contribuer dans le passé, lorsque vous étiez aux responsabilités, à une meilleure politique culturelle. Ou bien s'agit-il simplement de placer très haut la barre et de m'aider à atteindre mes ambitions...

La prochaine séance aura lieu cet après midi à quinze heures..

La séance est levée à 12 heures 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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