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Session ordinaire de 2000-2001 - 21ème jour de séance, 46ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 7 NOVEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite) 2

          AFFAIRES ÉTRANGÈRES (suite) 2

          QUESTIONS 17

          CRÉDITS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 19

          AVANT L'ART. 49 19

          ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 8 NOVEMBRE 2000 22

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001.

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AFFAIRES ÉTRANGÈRES (suite)

M. Roland Blum - Nous examinons, pour la deuxième année consécutive, un budget qui se stabilise, mais ne progresse pas, son augmentation étant due aux seules dépenses obligatoires, indispensables au maintien du rôle de la France dans le monde. L'augmentation de 852 millions de francs des contributions internationales, déjà trop modestes en 2000, risque d'être insuffisante. Elles sont en effet versées à plus de 130 organisations internationales et leur niveau dépend du cours du dollar, fixé par hypothèse à 6,57 francs. Or cette prévision risque fort d'être remise en cause. De même, les crédits dévolus aux opérations de maintien de la paix sont susceptibles d'augmenter, le règlement des crises réclamant de plus en plus de temps. Nos engagements européens risquent d'en pâtir, puisque les contributions au Conseil de l'Europe ou à l'organisation de sécurité et de coopération européenne sont financées par le solde hors ONU.

L'insuffisance des crédits inscrits au titre des contributions volontaires, qui s'élèvent à 318 millions de francs, est plus inquiétante car elle affaiblit l'influence même de la France sur la scène internationale. Les nouveaux programmes de l'ONU sont en effet financés par ce type de contributions. En contribuant trop modestement, la France ne peut être en mesure de placer ses hommes, ses idées, ses entreprises.

Le même constat de faiblesse s'impose en matière d'aide humanitaire. Alors que nos principaux partenaires européens, le Royaume-Uni, l'Allemagne ou l'Italie, allouent 200 à 300 millions de francs au fonds d'urgence humanitaire, la France lui consacre la modique somme de 60,79 millions.

Les crédits prévus pour la francophonie s'élèvent à 244,3 millions, qui doivent financer le plan d'action défini lors du dernier sommet francophone, tenu au Canada en septembre 1999. Si les priorités qui y ont été réaffirmées ne sont pas contestables, la lisibilité des actions mises en place demeure beaucoup plus problématique. L'identification sous un même chapitre des crédits destinés aux programmes et projets multilatéraux francophones constitue certes un progrès, mais il doit s'accompagner d'une définition et d'une communication meilleures sur les programmes francophones.

En conclusion, tout en soulignant la difficulté d'arrêter des crédits en fonction d'une actualité internationale mouvante, j'estime que ce budget ne donne pas à la France les moyens d'une véritable intervention sur la scène internationale.

Le groupe Démocratie libérale ne le votera donc pas (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Yves Dauge - Tout le monde s'accorde à reconnaître que l'Agence française de développement doit étendre son champ d'intervention à 61 pays, dont certains, tels que le Nigeria, l'Afrique du Sud ou le Vietnam, connaissent des difficultés très importantes. Il lui est demandé d'intervenir également hors de sa zone d'intervention prioritaire, notamment en Albanie, en Macédoine, au Kosovo, en Serbie ou en Bulgarie. Parallèlement, la nature même des missions de l'agence évolue, ses métiers devenant de plus en plus complexes, ce qui exige plus de professionnalisme et de moyens humains. Or, les moyens budgétaires font défaut. A cela s'ajoute l'annulation de la dette. En effet, les moyens dégagés doivent être réaffectés au développement, ce qui nécessite un encadrement et des moyens humains, d'autant plus qu'ils doivent être additionnels à l'aide publique au développement.

M. Jacques Myard - Il a raison !

M. Yves Dauge - Comment le financer ? En tant que représentant de notre Assemblée au conseil d'administration de l'agence, je puis vous dire que ses moyens sont stabilisés. En revanche, le montant des subventions aux projets est passé de 2,555 milliards de francs en 1990 à 1,145 milliard en 2000, soit une chute de 50 %.

M. Jacques Myard - La Berezina !

M. Yves Dauge - Les moyens humains de l'Agence sont très insuffisants au regard des besoins. Pour reprendre une expression d'Hubert Védrine, je dirais : pas de proclamations, des actes ! Les effectifs, qui s'élèvent à 1210 personnes, et ses frais généraux, n'ont pas augmenté depuis 5 ans. Elle est cependant restée très efficace, mais combien de temps pourra-t-elle tenir ? Il faudrait tout de même que les moyens correspondent aux commandes politiques.

Quant aux centres culturels, il est très difficile de connaître exactement leur budget, qui apparaît indifféremment en hausse ou en baisse selon les sources. Je me suis donc rendu sur le terrain, pour constater que les budgets de programmation ne représentent qu'une part minime des budgets des centres culturels : 5,6 % du compte financier à Tokyo, 6 % à Barcelone, 10 % à Munich, 20 %, ce qui est un maximum, à Amsterdam. Or, ces crédits de programmation culturelle peuvent être comparés à l'essence qui fait avancer les véhicules. Comme ils sont les seuls à être flexibles, ils sont utilisés comme variables d'ajustement, jusqu'au jour où le mécanisme ne fonctionnera plus. Et pourtant, que de discours magnifiques sur la présence de la France dans le monde ! Il faut arrêter ce massacre budgétaire, qui touche d'ailleurs des crédits d'un montant dérisoire !

Les crédits des centres culturels sont également insuffisants en valeur absolue : 600 000 F par an à Barcelone -ville de 3,5 millions d'habitants dont ceux-ci seraient en droit d'attendre davantage de la France-, 800 000 F à Berlin et 1,6 million à Tokyo, où, étant donné le coût de la vie, cette somme ne représente guère plus. Ces crédits ne permettent même pas à nos centres de survivre.

A quoi riment nos efforts de développement culturel si nous ne nous donnons pas les moyens d'exploiter ce formidable réseau, si nous laissons les équipes sur place, pourtant compétentes et motivées, se décourager ? Nul doute que les meilleurs éléments quitteront ces postes, d'autant que les directeurs des centres culturels sont souvent déconsidérés par les ambassadeurs, attitude d'ailleurs inacceptable.

Insuffisants en pourcentage, bien faibles en valeur absolue, ces crédits de surcroît diminuent. Le centre culturel de Barcelone ne reçoit plus aujourd'hui que 600 000 F contre 950 000 F en 1998.

Je sais, Monsieur le ministre, tous les efforts accomplis par notre pays et je vous ai bien entendu ce matin avec M. Védrine. Mais revenant du terrain, je me dois de faire remonter ces informations. En quelques années, tout un réseau patiemment construit a été détruit... malgré les effets d'affichage, de camouflage, devrais-je dire. Alors, oui à une politique culturelle de la France à l'étranger mais donnons à ses instruments un minimum de moyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Jacques Myard - Bravo !

M. Jean-Bernard Raimond - Je souhaite évoquer deux questions sans lien mais qui toutes deux démontrent combien une Europe puissante sur le plan économique et sur le plan politique, dotée des capacités militaires correspondantes, est nécessaire pour contrebalancer l'excès de puissance américaine. Il s'agit de l'Irak et de l'ex-Yougoslavie.

La situation actuelle en Irak et autour de l'Irak est un parfait exemple d'échec total de la communauté internationale. Au contraire, le retour inespéré à aussi court terme de la démocratie en ex-Yougoslavie, que le ministre des affaires étrangères français a salué, en se rendant immédiatement à Belgrade, ne peut qu'inspirer d'utiles réflexions.

L'embargo et le contrôle de l'armement irakien consécutifs à la guerre du Golfe auraient permis, en quelques années, de réintroduire l'Irak dans la communauté internationale. Il était possible en 1996 de lever l'embargo tout en continuant de contrôler l'armement de Bagdad, la France y était d'ailleurs favorable, le régime de Saddam Hussein ayant rempli les obligations qui lui avaient été imposées. La résolution 986 -dite pétrole contre nourriture-, acceptée par l'Irak, constituait un premier geste. Or, les Etats-Unis bloquèrent tout, parce que pour Washington, il s'agissait désormais, contrairement aux engagements de 1990-1991, de renverser Saddam Hussein. Cette crise nouvelle culmina en 1998 avec les bombardements américains et britanniques et le départ de la commission de contrôle.

La politique américaine a conduit à une situation irrationnelle : maintien d'un embargo de plus en plus contourné, légalement ou illégalement, et absence totale, depuis deux ans, de contrôle de la position militaire de l'Irak. L'impuissance de la France, dont la politique, pourtant, était raisonnable, montre donc que pendant presque dix ans, les Etats-Unis ont imposé à l'Europe une politique aux conséquences absurde.

La situation en ex-Yougoslavie est différente, même si jusqu'en 1995, les Etats européens ont laissé faire les Nations unies qui ont démontré leur incapacité à imposer la paix.

De juin à décembre 1991, la communauté internationale est restée totalement passive devant l'agression contre les Croates. En 1992, les mêmes erreurs ont été répétées en Bosnie-Herzégovine, où, malgré la présence des Casques bleus, les massacres et l'expansion totalitaire de la Serbie de M. Milosevic n'ont pu être empêchés. Il a fallu qu'un Européen, le Président Chirac, décide de réagir coûte que coûte, convainquant les Britanniques, pour que la communauté internationale prenne ses responsabilités et que les Américains, sortant de leur quasi-neutralité, interviennent. C'est ainsi que purent être signés les accords de Dayton et créée, sous l'égide de l'OTAN, l'IFOR puis la SFOR. Le changement radical du monde se traduisit alors par la présence d'un contingent russe, sous commandement de l'OTAN, qui plus est, dans le secteur américain. La suite est connue. Le peuple serbe vient de porter à sa tête un éminent démocrate en la personne de M. Vojislav Kostunica, auquel il faut laisser le temps de consolider la démocratie en Serbie. La victoire de M. Ibrahim Rugova au Kosovo s'inscrit dans la même logique et rend justice à la clairvoyance ainsi qu'à la ténacité de Bernard Kouchner.

Le rôle de la France et de la majorité des pays européens dans la crise balkanique s'est défini lentement parce que rien ne pouvait se faire sans les capacités militaires de l'OTAN et des Etats-Unis. Si la construction de l'Europe de la défense avait été engagée plus tôt, les tergiversations observées depuis 1989 en Yougoslavie auraient pu être évitées.

La conclusion va de soi. Elle rejoint mes propos d'hier sur les crédits de la défense. Il faudrait que la présidence française se traduise par des progrès significatifs en matière de défense européenne et surtout de réforme des institutions, préalable à un élargissement. Ainsi l'Europe débuterait d'un bon pied face aux Etats-Unis, dont nous connaîtrons le nom du président dans quelques heures (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Pierre Michel - Je limiterai mon propos à la politique arabe de la France...

M. Jacques Myard - Il n'y en a plus !

M. Jean-Pierre Michel - Après la visite d'Etat flamboyante, peut-être un peu trop, de M. Bouteflika en France, nous devons nous féliciter de la réouverture du consulat de France à Annaba, avec des services à la population réduits toutefois. Qu'en est-il à Oran ? Comment le Gouvernement compte-t-il résoudre la question d'Air France ? Il est ubuesque, scandaleux, que la compagnie nationale n'assure pas de vols à destination de l'Algérie.

Autre problème : le conflit israélo-palestinien. Le temps joue contre la paix et les crispations actuelles peuvent conduire à une terrible régression. On ne parle même plus des accords d'Oslo ni de Charm el-Cheikh. Or, le Proche et le Moyen-Orient doivent échapper à la spirale de la guerre et du mal-développement. C'est un enjeu de civilisation à la fois pour l'Orient et l'Occident. Mais aucune paix ne sera possible sans justice. La justice, c'est le droit d'Israël à des frontières sûres et reconnues, ce qui implique le retour de la Syrie dans le jeu. Ce pays semble se démocratiser, comme en témoigne l'octroi d'un passeport et d'un visa pour la France au président du comité de défense des droits de l'homme, jusqu'à il y a peu encore emprisonné. Comment notre pays compte-t-il réintroduire la Syrie dans le processus de paix ? La justice, c'est aussi le droit des Palestiniens à un Etat qui soit un espace géographique continu et non une dentelle de territoires isolés les uns des autres. Tant que les grandes puissances ne parviendront pas à dégager un tel espace dans cette zone, rien ne sera possible et il est clair que la Jordanie devra donner aussi son écot. De même si l'on ne l'évoque jamais, certains territoires jordaniens pourraient fort opportunément être cédés à Israël. Dans le conflit du Proche-Orient, la diplomatie joue un rôle très utile et je m'en félicite. En effet, la diplomatie américaine est trop partiale. Si les Etats-Unis voulaient vraiment la paix dans cette région du monde, ils n'auraient qu'à menacer Israël de réduire quelque peu les aides qu'ils lui accordent et qui se chiffrent en milliards de dollars. Les dirigeants israéliens reviendraient immédiatement à plus de raison. Mais il faut dire qu'en période préélectorale, ce n'était guère possible étant donné la vigueur du lobby sioniste aux Etats-Unis.

Enfin, la France a apporté une aide militaire considérable à Djibouti. Vous aviez, Monsieur le ministre, obtenu des engagements des autorités djiboutiennes. Or, ceux-ci n'ont pas été tenus. L'armée occupe encore le terrain, en particulier au nord, empêchant la population civile de vivre normalement. Toutes propositions sont restées lettre morte. Force est de constater qu'en dépit de toutes les promesses, la situation n'a pas changé. Que compte faire le gouvernement français ?

Les députés du MDC voteront votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Odette Trupin - La francophonie rassemble les pays ayant le français en partage. Conçue par ses fondateurs comme un espace d'amitié et d'échanges, elle a acquis depuis une dimension politique, institutionnelle et économique. Elle n'assure pas à proprement parler la défense de la langue française mais elle en est un élément d'affirmation et apparaît à ce titre plus que jamais nécessaire car la mondialisation des marchés conduit peu à peu à la convergence de beaucoup de langues vers l'anglais. De plus en plus de gens dans le monde seront « nomades » et anglophones. Il est possible qu'ils ne choisissent plus leur avenir personnel en fonction de leur appartenance à une communauté territoriale ou linguistique, mais qu'ils se rattachent individuellement au monde de l'emploi, de la technologie et de la distraction dominants, c'est à dire au monde anglo-saxon. En outre, le droit privé étant de plus en plus anglo-saxon, de très nombreuses professions risquent d'évoluer exclusivement en anglais ; et c'est en anglais qu'on créera la majorité des concepts et des mots liés à la modernité. Cela signifie évidemment que les Etats-Unis sont en train de confirmer leur statut « d'hyperpuissance » et l'anglais « d'hyperlangue ».

Dans le même temps, le français perd du terrain. Certes, il ne mérite pas d'être plus défendu qu'une autre langue et il ne faut pas fonder sa défense sur l'affirmation d'un sentiment de supériorité culturelle. Il est simplement un élément, parmi d'autres, de la diversité humaine qu'il importe de préserver.

Naturellement, il n'y a pas de langue française sans France. La grandeur de la France, sa survie comme nation, comme source d'emplois, de richesses, de culture, est fondamentale à la survie de la langue. Et la guerre n'est pas perdue d'avance. On compte en effet 113 millions de francophones, 500 millions d'individus s'expriment en français. La francophonie est donc encore un enjeu de taille. Dans ce cadre, la France doit faire porter ses efforts plus particulièrement sur deux points : la défense de sa langue au sein de l'Union européenne et dans les institutions internationales ; le renforcement de son action au sein de la francophonie, dont elle est le moteur et le principal bailleur de fonds, afin de donner plus de poids à l'organisation.

Le débat sur la diversité culturelle qui a lieu en ce moment dans tous les pays européens, la nécessaire protection des diverses langues de la Communauté non seulement au niveau national mais aussi dans les groupes de travail de la Communauté même, montre que le rêve européen peut devenir, s'il est mal encadré, un facteur de déclin de la langue française...

M. Jacques Myard - Il est déjà un cauchemar !

Mme Odette Trupin - Le français a le statut de langue officielle de l'Union, mais on constate depuis dix ans une baisse rapide de son emploi, aggravée par la récente adhésion des pays du Nord, qui privilégient l'anglais. C'est ainsi que les documents de travail de la Commission et du Conseil sont très souvent adressés aux administrations françaises en anglais. Et nos partenaires africains francophones se plaignent souvent que les documents en provenance de l'Union leur soient également envoyés en anglais. Ne devrait-il pas être fait obligation à tous les fonctionnaires français de veiller au respect du plurilinguisme dans les institutions européennes ?

Les mêmes questions méritent d'être posées en ce qui concerne la place du français dans les grands organismes internationaux comme l'ONU, où la traduction en français des documents de travail n'est pas toujours assurée.

La France devrait se montrer plus ferme et demander des mesures propres à garantir le respect du plurilinguisme au sein de l'Union européenne et des organisations internationales.

L'Organisation internationale de la francophonie, qui compte 51 membres, et dont le prochain sommet se tiendra à Beyrouth à l'automne 2001, a acquis une légitimité et une véritable représentation depuis le sommet des chefs d'Etat de Hanoi de 1997, avec la nomination de M. Boutros Boutros-Ghali au secrétariat général de l'Organisation. Cependant, cette organisation souffre d'un certain manque de lisibilité. La création d'un secrétariat général de la francophonie constitue certes une étape encourageante vers la rationalisation des structures, mais n'aurait-il pas fallu auparavant fédérer la cinquantaine d'institutions et les quelque trois cents associations et organismes intervenant dans ce domaine ? Les bonnes volontés risquent de s'épuiser si l'ensemble du dispositif n'est pas réévalué...

En France, la francophonie fait figure, comme l'a dit Yves Tavernier, d' « objet budgétaire non identifié », qu'il s'agisse de la contribution de la France à la francophonie institutionnelle ou de l'ensemble des actions francophones françaises multilatérales et bilatérales. Le crédits étant répartis entre divers ministères et directions, il est très difficile d'obtenir des chiffres fiables et il ne semble pas y avoir d'évaluation systématique des moyens mis en _uvre. A l'initiative de l'OIF, les principaux opérateurs de la francophonie ont néanmoins fait l'objet d'un audit : après l'Agence universitaire de la francophonie, c'est aujourd'hui le tour de l'Agence internationale de la francophonie et de l'Université Léopold Senghor.

Comme l'a rappelé ce matin M. le ministre, il serait souhaitable de « diffuser une vraie culture de l'évaluation » et, parallèlement à l'action de l'OIF, de procéder à une évaluation rigoureuse de l'efficacité de l'action francophone de la France et de la manière dont sont utilisées les nombreuses aides accordées par notre pays.

L'enjeu est de taille, car le plurilinguisme constitue un rempart contre l'uniformisation des modes de vie et des cultures. Est-il permis d'espérer que les citoyens français, de plus en plus sensibles au rayonnement de la France, pourront avoir accès aisément à une information claire dans ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Myard - Être ministre des affaires étrangères aujourd'hui, c'est avoir à relever deux défis : maintenir l'outil diplomatique et conduire une politique étrangère digne de la France.

En apparence, le budget du ministère croît de 5,3 % par rapport à 2000 mais ce n'est qu'un trompe-l'_il puisque le ministre reconnaît lui-même qu'à périmètre constant, l'accroissement n'est que de 40 millions. Il faut donc plutôt parler de stagnation, d'autant que les effectifs baissent à nouveau.

Vous n'avez donc pas un bon budget, Monsieur le ministre, et vous faites figure de mal aimé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Pourtant, certains députés dont je suis ont essayé d'abonder vos crédits. Mais la commission des finances, scélérate, a repoussé mes amendements en invoquant l'ordonnance de 1959 qui exige que l'on vise les chapitres et non les titres. Sans quoi, j'en suis sûr, M. le rapporteur les aurait votés...

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial - La prochaine fois, soyez moins maladroit !

M. Jacques Myard - Et l'on ne vous dit pas tout, Monsieur le ministre, on vous cache notamment le poids réel de votre budget dans les crédits totaux mis en _uvre par la France avec le reste du monde. D'ailleurs, le petit fascicule qui permettait de constater que le véritable ministre des affaires étrangères est en réalité celui des finances n'est plus mis à notre disposition.

La quasi-stagnation du budget des affaires étrangères est grave car elle lèse notre action extérieure, notamment en direction du tiers-monde.

Avant d'évoquer la nécessité de refonder notre politique étrangère, permettez-moi de regretter que la France -qui a construit une nouvelle ambassade à Berlin, ce dont je me félicite- ait décidé de vendre le château d'Ernisch. Il eût été plus judicieux de le garder pour en faire un grand centre d'études françaises, une sorte de Villa Médicis sur le Rhin.

La France a l'un des plus denses réseaux diplomatiques du monde, le deuxième même après celui des Etats-Unis, mais qu'en fait-elle ? M. Védrine a écrit dans l'un de ses livres qu'il y a toujours eu « une volonté française de vouloir ». Force est de constater que celle-ci s'étiole et disparaît dans le maquis des procédures bruxelloises, qui exigent toujours une stratégie et une position communes, ce qui en réalité paralyse l'action. La France qui souvent sut déranger semble aujourd'hui rentrer dans le rang, ce dont certains se réjouissent. Le « tout-Europe » de notre action diplomatique relève de la névrose obsessionnelle. Tout se passe comme s'il n'existait au monde que les directives et règlements de la Commission de Bruxelles, et l'on ne fait que mouliner à longueur de temps les mêmes textes pour encadrer tel ou tel domaine d'activité. Le monde ne se réduit pas à l'univers technocratique de la bureaucratie bruxelloise !

Mais la France néglige désormais l'essentiel. L'essentiel, comme l'a dit M. Dauge, c'est la Méditerranée, le Proche Orient, l'Afrique, qui s'éloignent de nous. C'est là que les fractures deviennent évidentes, et vont engendrer des bouleversements qui nous frapperont directement, car ces peuples sont nos voisins. Et nous les ignorons superbement ! Cessons de nous épuiser dans une construction européenne qui existe déjà -et qui doit d'ailleurs se recentrer sur l'essentiel- et dans l'élaboration de textes superfétatoires qui ne sont là que pour justifier l'existence d'une technocratie qui a pris le pouvoir. Occupons-nous de ce qui se passe à nos portes, en Méditerranée, au Proche Orient, en Afrique. C'est là que montent les dangers ; c'est là que se joue notre avenir. Et ne me dites pas que l'Europe fera ce travail à notre place. Vous savez bien que beaucoup de nos partenaires n'ont cure de ces pays. C'est à nous d'agir. C'est à nous de reprendre l'initiative en reconstituant notre aide publique au développement, qui est passée en une dizaine d'années de 0,57 à 0,37 % du PIB.

La France doit retrouver son autonomie de décision dans ces régions, et entraîner les autres au lieu de les supplier. La gifle qu'a reçu notre pays dans l'affaire de la Corée du Nord devrait redonner à certaines choses leurs justes proportions. La France est une puissance mondiale : M. Védrine l'a souvent dit -sans doute à destination de ses amis socialistes- et il a raison. Elle peut, elle doit agir seule et montrer la voie ; les autres suivront, il est vain de les attendre. Au Moyen Orient, avec l'Irak qui doit revenir dans le concert des nations -et il faut lever l'embargo- au Maghreb et à l'Afrique en passant par le Proche Orient, le monde attend la France, non M. Solana.

Reprenez l'initiative, Monsieur le ministre. Vous en avez les moyens ; vous avez notre soutien. Rendez à la France une ambition mondiale, avec je vous l'accorde, un zeste d'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Maurice Ligot - L'un des principaux défis de notre politique extérieure, c'est de réussir l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale et d'en faire, véritablement la « réunification de l'Europe », selon le mot si juste de l'ancien Premier ministre polonais Mazowieski. L'enjeu pour la France, c'est en particulier la réussite de l'adhésion de la Roumanie, dont les affinités historiques et culturelles avec notre pays sont particulièrement fortes.

Mais cette adhésion, espérée depuis la chute du totalitarisme communiste, est freinée par dix ans de tâtonnements. La Roumanie n'a choisi ni la thérapie de choc, comme la Pologne ou la Hongrie, ni la transition de velours, comme la République Tchèque. Elle s'est enlisée d'abord dans une fausse transition, avec la Présidence Iliescu de 1992 à 1996, puis dans une transition maladroite et brouillonne avec la majorité issue des élections de 1996. Après l'immobilisme, ce sont des querelles intestines et des réformes disparates sans vision d'ensemble. A quoi s'ajoute une situation économique extrêmement difficile, avec un PIB qui a diminué de 20 % en trois ans, et une très forte inflation, sans oublier les difficultés extérieures liées aux crises de la Yougoslavie. Ces constats ont conduit la Commission européenne à exprimer de sévères critiques sur l'absence d'une stratégie économique bien définie, la lenteur du processus de privatisation et les décisions politiques défavorables aux réformes économiques et administratives.

Néanmoins, le Conseil européen de Luxembourg, en décembre 1997, a intégré la Roumanie dans le cycle des négociations d'adhésion grâce à un assouplissement des critères économiques fixés à Copenhague. Le Conseil européen d'Helsinki, en décembre 1999, invitait toutefois la Roumanie à accomplir un effort particulier dans deux directions : une réforme structurelle de ses centres de l'enfance, et une stratégie économique à moyen terme, sur le droit de propriété, les réglementations économiques -là où elles manquent-, les disciplines financières et la réduction de l'économie souterraine.

Après une longue traversée du désert, l'année 2000 est pour la Roumanie celle de tous les espoirs, car elle recueille enfin les premiers fruits de ses efforts. Mais c'est aussi l'année de toutes les incertitudes, avec les échéances électorales de ce mois, qui risquent de remettre en cause le consensus sur les réformes indispensables. Le choix électoral du 26 novembre est capital : le nouveau pouvoir maintiendra-t-il le consensus sur les réformes à réaliser ? Si l'ancien président Iliescu, produit du régime communiste, l'emporte, changera-t-il d'orientation ou de rythme dans leur mise en _uvre ? C'est une grande question, qui inquiète tous les Roumains. Une chose est sûre : sans réformes considérables pour sortir le pays de son enlisement et de son très faible niveau de PIB -27 % de la moyenne de l'Union européenne-, l'adhésion de la Roumanie sera retardée.

Et pourtant, les potentialités de ce pays sont considérables : sa position géographique ; ses richesses naturelles, le pétrole, le bois, la terre fertile ; mais aussi la capacité des hommes et des femmes, quand ils sont bien formés : capacité « époustouflante », me disait le directeur de Renault en Roumanie, lors de ma mission comme vice-président de la Délégation de l'Assemblée pour l'Union européenne. Mais la mise en _uvre efficace de ces richesses exige que la priorité soit donnée aux réformes, et d'abord celles du système administratif et du système éducatif, qui maintiennent une absence généralisée de responsabilité, héritée de l'ancien régime totalitaire. De grands efforts seront également nécessaires pour moderniser l'agriculture, qui représente encore 40 % de l'emploi total, et réduire les effectifs pléthoriques des grandes entreprises.

On mesure aisément les obstacles, notamment sociologiques et politiques, qui s'opposent à ces réformes. Pour faciliter l'adaptation de la Roumanie au monde contemporain, à la fois exigeant et évolutif, il faut lui donner un espoir : ce ne peut être que l'adhésion à l'Union européenne -une adhésion, non pas sans conditions, mais sans arrière-pensées. Le rôle de la France, Messieurs les ministres, est d'être le porte-parole et l'artisan actif de cet espoir.

L'attente de la Roumanie à l'égard de la France est considérable, pressante et émouvante. C'est bien sûr l'effet de l'omniprésence de notre langue et de notre culture, qu'il faut veiller à maintenir. Mais cette attente est aussi importante sur les plans économique et technique. La reprise de la société Dacia par Renault est un bon exemple de ce qui peut être fait pour aider la Roumanie dans sa modernisation. Il devra y en avoir d'autres.

Dans la tradition séculaire de l'amitié entre la France et la Roumanie -qui se souvient que Napoléon III a favorisé son indépendance-, je vous demande, Messieurs les ministres, d'être les promoteurs de cet espoir pour les Roumains, par votre action au sein de l'Union européenne, et par celle de tous les agents de la France, qui travaillent en Roumanie pour la reconstruction de ce pays -et ainsi pour la « réunification » de l'Europe (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Yvette Roudy - Quelques mots sur la francophonie et les droits de l'homme. Il y a un an la conférence de Moncton donnait le signal d'un tournant pour la francophonie, vers une francophonie plus politique. Il fut décidé de créer un observatoire de la démocratie afin de pousser, parmi les pays membres de l'organisation, les « retardataires » en matière de droits de l'homme. La démarche était d'une urgente nécessité, mais reste aujourd'hui encore très insuffisante, dans un domaine qui appelle des actions fermes et ciblées. La programmation pour 2000-2001 de l'Agence intergouvernementale de la francophonie lui confie notamment le suivi des conclusions du Symposium sur les pratiques de la démocratie. Celui-ci s'est tenu la semaine dernière à Bamako. Vous y étiez, Monsieur le ministre, et vous avez exprimé le souhait que la francophonie serve la démocratie. Pouvons-nous en savoir plus sur les décisions, ou au moins les orientations retenues ?

On ne peut se contenter de dénoncer les manquements à la démocratie : il faut passer aux actes, et songer aux sanctions. On pourrait s'inspirer de la méthode du Commonwealth, qui a exclu le Nigeria en 1995. Une telle proposition mériterait d'être soumise lors des prochains sommets de la francophonie. Pour que celle-ci conserve sa crédibilité internationale, il est logique qu'elle sanctionne les pays qui ne respectent pas les droits de l'homme. Une telle proposition ne saurait surprendre, venant d'un pays qui se plaît à se dire celui des droits de l'homme.

En outre le soutien à la francophonie représente un effort non négligeable de la part des contribuables français. Il apparaît peu acceptable de soutenir les projets dans des pays où les droits de l'homme sont bafoués. Je pense en particulier à Djibouti, dont Jean-Pierre Michel a rappelé le mauvais exemple. Et vous ne serez pas surpris, Monsieur le ministre, que je fasse allusion à une affaire que je tiens pour symbolique : l'affaire Borrel. Je ne cesserai de questionner à ce sujet jusqu'à ce que des réponses soient données sur le destin tragique de ce magistrat intègre et remarquable, que j'ai bien connu, et qui ne s'est sûrement pas suicidé, mais qui a plutôt été assassiné, pour d'obscures raisons que certains disent « d'Etat ». Mme Borrel poursuivra inlassablement sa recherche de la vérité, jusqu'à ce que justice soit rendue. Elle le fera pour l'honneur de son mari, pour elle-même et pour ses enfants, qu'on ne peut pas laisser grandir avec une image salie de leur père. Je pense que nos relations privilégiées avec ce pays peuvent vous permettre d'élucider cette affaire ; je sais, Monsieur le ministre, que vous faites le maximum. Au cas où vous auriez des précisions, je vous serais très reconnaissante de les apporter à la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Loos - L'action de coopération menée par la France semble en réel recul, à en juger par la baisse des crédits et par la diminution du nombre de coopérants, passé en dix ans de 7 000 à moins de 2 000. Cette évolution est le signe d'un profond changement, qui touche à la place de la France dans le monde, voire à la confiance faite à la France. Il faut à l'évidence reconstruire une politique de coopération, afin de lutter contre la pauvreté des pays les moins avancés et de favoriser le décollage économique de tous les pays, qui peuvent être des partenaires dans la croissance mondiale. Pour redonner l'espoir aux plus pauvres, il faut non seulement leur accorder une remise de dette mais leur destiner une aide publique au développement au moins équivalente. Pour jeter les bases d'une économie moderne, la relance de l'aide programme est une bonne chose, mais l'aide de projet doit suivre ; elle suppose de développer à nouveau l'assistance technique.

Tout doit être fait pour que les aides bilatérales et multilatérales fonctionnent en synergie ; cela vaut en premier pour l'Union européenne, dont les crédits dorment. Par ailleurs, il importe que nos concitoyens se mobilisent ; l'universalisme des idées républicaines, le besoin d'expansion des entreprises, la volonté de participer aux grandes actions humanitaires sont autant de raisons de faire de la coopération une grande cause nationale. Je souhaite pour ma part une loi qui accorde des avantages fiscaux aux Français et aux PME qui s'engagent dans une action de coopération. Pourquoi n'incite-t-on pas davantage les PME française à investir en Algérie, au Maroc ou dans les pays de l'Est ? C'est un véritable plan Marshall européen qu'il faudrait lancer (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Michel Vauzelle - Le développement des moyens de communication ne réduit pas le rôle de la diplomatie, bien au contraire ; mais encore faut-il que la France ait les moyens d'une diplomatie digne d'elle et de l'idéal qu'elle incarne. Moyens humains, mais aussi moyens matériels : à cet égard, je viens d'avoir l'occasion de constater qu'à Djakarta, où je participais à une réunion de parlementaires, la résidence de l'ambassadeur de France laisse beaucoup à désirer. Je pense qu'il en va de même dans beaucoup de régions du monde, et cette situation mériterait d'être corrigée.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - En effet.

M. Michel Vauzelle - Bien sûr, au-delà de la forme, il y a le fond : la France doit avoir une politique étrangère à la hauteur de son idéal de liberté et de son identité culturelle. Votre livre, Monsieur le ministre, Les cartes de la France à l'heure de la mondialisation, qui est un excellent ouvrage pédagogique, montre que nous avons toutes les raisons d'espérer dans l'avenir de la France et de sa politique étrangère ; comme vous le dites parfaitement, l'existence d'une hyperpuissance parfois un peu encombrante et l'évolution de l'économie mondiale ne nous empêchent pas de développer notre message.

Bien sûr, notre politique doit conserver ses sources d'inspiration, et notamment la Méditerranée, surtout à l'heure où se joue un drame dans un Proche-Orient qui n'a jamais été aussi proche de nous. Etant président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, je ne puis omettre d'évoquer la rencontre qui, je l'espère, aura lieu dans quelques jours à Marseille, qu'on appelle « Barcelone 4 » mais dont nous espérons qu'elle sera « Marseille 1 ». Bien entendu, on ne peut pas confondre le processus d'Oslo et celui de Barcelone, mais le développement de la coopération en Méditerranée peut être fort utile à l'apaisement des esprits.

Enfin, la France doit avoir une expression adaptée à ses moyens. Nous ne pouvons pas avoir dans chaque ville du monde un institut français ou un lycée, mais peut-être pouvons-nous avoir quelques satellites qui diffusent sur la planète notre langue et notre culture. Pourquoi peut-on capter si aisément de par le monde, par exemple à Djakarta, les chaînes espagnoles, italiennes et allemandes, et ne parvient-on, quand on cherche à avoir des nouvelles de la France, qu'à saisir quelques images de ragondins de pays francophones ?

Soyez sûrs, Messieurs les ministres, que la région PACA jouera tout son rôle dans le rapprochement des régions méditerranéennes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Monique Collange - Selon le Bureau international du travail, plus de 250 millions d'enfants de moins de 14 ans travaillent aujourd'hui à travers le monde. Il ne s'agit pour eux que d'une quête de subsistance, sans aucune perspective d'épanouissement, et dans des conditions extrêmement dures, voire dégradantes.

Nous ne pouvons que nous indigner d'une telle situation. Cependant la posture adoptée depuis des décennies par les pays les plus riches à l'égard de ceux que l'on dit en développement est plus que suspecte.

La dénonciation de la précarité des conditions de travail dans ces pays, comme la condamnation de l'exploitation des enfants ont servi aussi à justifier la mise en place de mesures protectionnistes, sous couvert de se prémunir du « dumping social ».

Mais la promotion des droits fondamentaux ne peut reposer sur le chantage, et il nous faut repenser les relations que nous entretenons avec les pays en voie de développement.

Non, l'exploitation des plus jeunes, cette forme moderne de l'esclavage, n'est pas acceptable. Oui, l'abolition définitive du travail des enfants doit être notre ambition. Mais cela passe par l'adhésion de l'ensemble de la communauté internationale. Ce n'est donc pas d'abord au sein de l'OMC que la réflexion doit s'engager mais bien dans le cadre de l'ONU.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

Mme Monique Collange - Interrogé à de nombreuses reprises sur la position du Gouvernement français, vous avez souligné, Monsieur le ministre, la nécessité d'instruments internationaux plus « normatifs », et la convention 182 de l'OIT constitue certes une avancée non négligeable. Mais la France doit aussi participer davantage aux programmes internationaux de scolarisation, comme elle l'a fait en contribuant à un vaste projet visant à améliorer, dans les pays d'Afrique francophone, les conditions d'éducation des jeunes filles.

De telles initiatives permettent d'améliorer directement les conditions de vie des populations les plus jeunes et leur offrent une chance de se construire un avenir. Mais, elles permettent surtout de restaurer des rapports de confiance avec des peuples qui ont pu, par le passé, se sentir méprisés. Je crois à la confiance et au respect mutuel entre les nations. Mais la confiance ne se décrète pas, elle se construit pas à pas. Pour la mériter, les Occidentaux doivent être exemplaires, et c'est pourquoi il faut contrôler, à l'échelle mondiale, les délocalisations d'entreprises. L'exploitation de l'avantage relatif d'un pays, dans les productions à forte intensité de main-d'_uvre, ne doit pas être synonyme de recours massif au travail des enfants.

Des règles existent, qui obligent par exemple à embaucher des ingénieurs locaux. Pourquoi ne pas les compléter par une interdiction absolue d'employer des mineurs dans ces unités de production ?

Voici quelques observations sur un sujet qui ne peut que toucher les parents que nous sommes tous sur ces bancs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Je répondrai à certaines questions, puis Charles Josselin complétera mon propos. L'analyse des rapporteurs a montré un véritable intérêt pour notre démarche -et j'ai senti, même chez ceux dont l'appartenance à l'opposition bride quelque peu la parole, une véritable compréhension pour notre politique.

M. Lequiller et M. Blum m'ont interrogé sur le cours du dollar, question récurrente, à laquelle on ne peut vraiment répondre -sinon pour observer que le cours du dollar, si erratique soit-il, n'affecte qu'une partie de l'exécution du budget.

M. Myard s'est inquiété du sort du château d'Ernisch, ancienne résidence de nos ambassadeurs à Bonn. Sa mise en vente, dont le principe est acquis, participe d'une politique dynamique de patrimoine immobilier, après l'effort budgétaire consenti pour installer une nouvelle ambassade à Berlin.

M. Lequiller m'a interrogé sur l'ONU et le rapport Brahimi. Les opinions publiques occidentales réclament toujours plus d'opérations de maintien de la paix, dans toutes les parties du monde. Mais celles-ci ne sont pas toujours possibles : en l'absence d'accords entre les parties, les troupes de l'ONU seraient par exemple impuissantes dans l'Afrique des grands lacs, car les moyens de l'ONU sont insuffisants. Le rapport Brahimi a le mérite d'être réaliste, à l'opposé de la rhétorique confuse des bonnes intentions. Il repose sur une base que nous soutenons, réclame un mandat clair pour les troupes, et un commandement rationalisé.

M. Michel s'est intéressé à l'Algérie. Je confirme la réouverture prochaine du consulat d'Oran, après l'accord de principe passé avec M. Bouteflika. Tout au plus a-t-on perdu un peu de temps pour les opérations immobilières et les travaux. A propos d'Air France, en revanche, la discussion se poursuit.

Mme Isaac-Sibille et M. Lequiller se préoccupent de l'évolution des crédits d'équipement après le pic lié à la construction de l'ambassade de Berlin. Avec 459 millions de francs en AP et 302 millions de francs en CP, le budget immobilier retrouve son niveau des années antérieures, et il est conforme aux besoins. Les principales opérations concerneront Berlin et Kingston, ainsi que des réhabilitations à Moscou, Annaba, Bamako -et aussi des travaux à l'administration centrale, rue La Pérouse et à l'hôtel du ministre.

M. Michel et M. Mangin ont parlé tous deux du Proche-Orient. A M. Michel, qui demande comment la France compte réintégrer la Syrie dans le jeu, je répondrais qu'il faut éviter tout paternalisme : cette réintégration dépend de la Syrie seule. Avant la mort d'Hafez el Assad, les négociations sur le Golan et le lac de Tibériade avaient avancé, mais de manière insuffisante. Il n'y a pas eu de nouveau depuis, M. Barak étant, il est vrai, absorbé par d'autres préoccupations. Les négociations israélo-syriennes sont donc au point mort, et leur reprise ne dépend pas de la France même si je ne doute pas qu'elle interviendra en son temps. Sur le papier, cette question est en effet plus facile à régler que celle des relations israélo-palestiniennes. M. Mangin a évoqué la division des Quinze lors du vote de la résolution. Je lui répondrais que l'Europe, en décidant de mener une politique étrangère commune, était consciente des difficultés qui surgiraient, la divergence des positions se révélant à la mesure de la gravité des crises.

M. Jacques Myard - Et la Corée ?

M. le Ministre - Établir des relations diplomatiques avec un Etat ne signifie pas nécessairement que l'on approuve sa politique. Il est important, en revanche, de savoir ce que l'on va faire. Dans le cas de la Corée du Nord, les divergences étaient manifestes, mais il y aura une harmonisation des coopérations qui seront développées. J'en reviens au Proche-Orient. Depuis une vingtaine d'années, les pays européens ont, grâce à la France, rapproché leurs positions, ce qui a été formalisé par l'accord de Berlin qui en définit les principaux axes. Après les affrontements, la tentative de traiter la question au sein du Conseil de sécurité ayant été tenue en échec par les Etats-Unis, le débat a eu lieu à l'Assemblée générale. Afin de préserver l'avenir, nous voulions éviter un texte partial. Nous en avons discuté à Quinze, avant de proposer des amendements aux pays arabes qui les ont tous acceptés. Cependant, le texte de résolution ainsi amélioré par les Quinze sous la présidence française, susceptible d'influencer positivement le sommet du Caire qui allait s'ouvrir, a suscité des réserves de la part des Etats-Unis. Une partie des Quinze s'est donc finalement abstenue. La présidence française n'a en tout cas pas démérité.

D'autres questions ont porté sur le conseil européen de Biarritz. Celui-ci a permis de clarifier les enjeux et l'état des négociations commencées sous la présidence portugaise. En septembre, certains pays acceptaient finalement des compromis. On peut désormais distinguer les sujets sur lesquels une progression se fait jour -les coopérations renforcées que nous voulons assouplir, et l'extension du champ du vote à la majorité qualifiée -et ceux qui font clairement l'objet d'un désaccord : la composition de la Commission et la repondération des voix. La France plaide pour sa part -et elle persévérera dans cette voie pour une repondération substantielle, tandis que d'autres Etats défendent la double majorité. Le sujet de la Commission a nourri un certain antagonisme entre les petits et les grands pays. Il nous paraît en effet de bon sens de ne pas accroître les effectifs de la Commission en fonction de l'élargissement de l'Union ce qui suppose un système de rotation des commissaires dont l'éventualité heurte les petits pays. Il ne s'agit en aucun cas, et je tiens à le redire, d'une attaque des grands pays contre ces derniers, puisque tous devraient consentir un sacrifice. Nous entrons dans la phase intense des négociations finales qui nous permettra, j'en suis convaincu, de déboucher à Nice, faisant ainsi triompher l'intérêt européen global. Pour le reste, il y a eu beaucoup d'analyses intéressantes, dont nous saurons tirer parti. M. Godfrain souhaite une politique plus claire et plus lisible en Afrique. Je crois que nous avons répondu à son attente dans le cas de la Côte d'Ivoire. Nous resterons engagés en Afrique, mais il y a une différence entre l'amitié ou la coopération et l'ingérence. Le rapport sain et moderne que nous voulons entretenir avec des pays indépendants ne constitue pas un désengagement. Il est vrai que les commentaires sur la politique africaine évoluent moins vite que la politique africaine elle-même.

Mme Aubert regrette que le budget ne soit pas à la hauteur des espérances. L'ayant voté lorsqu'il était moins bon, elle n'a pas de raison de ne pas le voter aujourd'hui. M. Mangin demande une association plus étroite du Parlement à la préparation du budget. Je rappelle que les rapporteurs ont été en contact avec mon cabinet et avec celui de M. Josselin dès la phase de négociations avec Bercy. L'action des parlementaires a d'ailleurs été importante pour stabiliser les moyens et les effectifs du ministère . Je les en remercie. Rien ne s'oppose à un renforcement de cette coopération pour 2002. Je ne peux reprendre l'ensemble des sujets, mais M. Josselin va répondre précisément après moi.

Un dernier mot à M. Vauzelle sur la dimension méditerranéenne de notre politique extérieure. La France y est très attachée mais elle est l'un des rares pays de l'Union européenne à défendre cet axe de coopération. Peu de pays considèrent par exemple qu'il convient d'accorder au programme Meda des moyens substantiels. Les arbitrages budgétaires sont difficiles, d'autant qu'il faut rester dans l'enveloppe d'Agenda 2000. La réunion qui doit avoir lieu prochainement à Marseille sur le processus de Barcelone est contestée par la Syrie qui refuse, dans le contexte actuel, de siéger aux côtés d'Israël. Or, le processus de Barcelone vise précisément à permettre à la coopération euro-méditerranéenne d'avancer en toutes circonstances et malgré les vicissitudes. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai décidé de maintenir cette réunion qui sera l'occasion de dresser le bilan de Meda I et d'évoquer Meda II. J'espère qu'à son issue, en dépit de la situation extrêmement préoccupante au Moyen-Orient, nous pourrons envoyer un message de confiance à tous les peuples de la Méditerranée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Après avoir pris la précaution de dire que nous répondrons pas écrit à toutes les questions auxquelles nous n'aurions pas répondu ce soir, je répondrai, après M. Védrine, aux principales questions abordées par les orateurs de la discussion générale.

M. Lequiller a évoqué les contours de la zone de solidarité prioritaire qui compte à ce jour soixante pays. Les critères présidant à l'intégration d'un pays dans cette zone sont multiples : situation économique, relations éventuellement tissées par l'Histoire, mais aussi ambition stratégique particulière de notre pays. C'est à ce dernier titre que Cuba, par ailleurs très demandeur, a rejoint les pays de cette zone. Nous souhaitons en effet constituer dans la Caraïbe, mais aussi dans l'Océan Indien, des zones de solidarité auxquelles soient associés les départements d'outre-mer. Nous pensons également que Cuba aurait intérêt à rejoindre les pays ACP, lesquels, on le sait, entretiennent des relations privilégiées avec l'Union européenne : cela pourrait aider l'île à bouger. Si sur le plan des droits de l'homme et des libertés publiques la situation à Cuba n'est pas celle que nous souhaiterions, il faut reconnaître que sur le plan des droits sociaux, notamment pour l'accès aux soins et à l'éducation, Cuba fait beaucoup mieux que nombre de pays de la zone de solidarité prioritaire.

M. Lequiller s'est également demandé comment l'on compenserait la diminution du nombre des coopérants militaires. Par le volontariat civil, la réponse est simple, et quelques recrutements ponctuels, notamment pour pallier le manque d'informaticiens. Le Centre d'information sur le volontariat civil vient de recevoir 515 candidatures, dont plus de la moitié émanent de filles. 35 % des candidats ont un niveau bac + 5 et 24 % un niveau bac + 3 ou bac + 4. Beaucoup sont titulaires d'un DESS ou d'un doctorat ; 16 % sont diplômés d'une école de commerce ou de gestion et 15 % d'une école d'ingénieurs. Il faut se féliciter de cet afflux de candidatures de haut niveau. Ces volontaires devront toutefois être encadrés de manière satisfaisante et l'Etat est prêt à faire ce qui est nécessaire.

M. Godfrain a évoqué l'influence de la France dans les instances multilatérales. Nous essayons, avec nos partenaires européens, de mieux nous faire entendre dans les institutions onusiennes et issues de Bretton Woods. Notre position sur la dette, appuyée par l'Union européenne et les pays en développement, a, j'ai l'immodestie de le penser, contribué à faire évoluer celle du Congrès des Etats-Unis qui vient de voter une annulation de 235 milliards de dollars. Cela étant, notre influence dans les instances multilatérales sera d'autant plus forte que l'Europe s'exprimera d'une seule voix. Le Conseil européen du développement qui doit se tenir à Bruxelles vendredi prochain sera l'occasion pour l'Union de refonder sa politique d'aide au développement. La francophonie est également un moyen de peser davantage dans les instances multilatérales et la mobilisation des pays francophones avant certaines grandes réunions a parfois contribué à infléchir la décision finale.

M. Godfrain a aussi regretté que les entreprises françaises n'interviennent pas davantage en matière de déminage, d'autant que la France contribue très largement à ces actions. Mais on manque d'opérateurs français. Ceux-ci doivent par ailleurs se battre pour remporter les appels d'offres.

Plusieurs d'entre vous, dont M. Godfrain, se sont inquiétés du nombre croissant de boursiers étrangers choisissant d'aller étudier dans les pays anglo-saxons. Il est incontestable que des jeunes Africains préfèrent les universités nord-américaines mais après tout, beaucoup d'étudiants français ne vont-ils pas aussi étudier aux Etats-Unis ou au Canada ? Par ailleurs, un jeune noir africain se sent souvent mieux accueilli outre-Atlantique, en particulier dans certaines villes, qu'à Paris.

M. Pierre Brana, rapporteur pour avis - Hélas !

M. le Ministre délégué - M. Godfrain a également évoqué la défense « pathétique », a-t-il dit, de la francophonie. Certes, la bataille est difficile mais nous y consacrons des moyens importants. J'en veux pour preuve l'effort consenti au profit de l'audiovisuel extérieur. Une réunion ministérielle s'est encore tenue il y a quelques jours en Suisse pour voir comment améliorer le signal de TV5 émis depuis Montréal à destination de tout le continent américain. Si aucune amélioration ne devait être constatée, la France se réserve la possibilité d'émettre elle-même depuis Paris vers l'Amérique latine. Nous sommes fermement mobilisés sur cette question et une décision sera prise dans les trois mois.

M. Lefort s'est interrogé sur nos relations avec les grandes agences onusiennes. Notre intention est bien de les renforcer. D'ailleurs, nos contributions volontaires à ces agences ont remonté depuis trois ans, après la baisse qu'elles avaient connue auparavant. Des opérations articulant le multilatéral et le bilatéral ont été lancées, elles vont être développées.

S'agissant de savoir si la situation des pays en voie de développement s'aggrave ou non, je renvoie M. Lefort aux rapports du PNUD et de la Banque mondiale, qui font apparaître qu'en dépit des efforts déployés, 3 milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par jour, 1 milliard 200 millions avec moins d'un dollar. Et d'autres indicateurs sont tout aussi préoccupants, qu'il s'agisse de l'accès à l'éducation ou de la progression foudroyante de certaines pandémies. Dans ces conditions, il ne suffit pas de considérer les moyens à mobiliser, il faut aussi, comme l'a dit Mme Aubert, « requalifier » l'aide publique au développement.

Cela m'amène à parler du désendettement, à propos duquel M. Dauge a eu raison de poser un « principe d'additionnalité » : si nous savons additionner l'effacement de la créance et le maintien de l'aide publique, nous serons capables d'entrer dans un nouveau cycle de lutte contre la pauvreté. Les marges dégagées par l'effacement de certaines dettes devront en effet être utilisées par les pays concernés pour dégager des priorités, des programmes et moyens dans ce domaine. Ainsi, les programmes liés au désendettement permettront une meilleure utilisation de l'aide publique au développement.

Quant à la liberté du commerce, elle n'est qu'une escroquerie si elle est invoquée entre pays industrialisés et d'autres qui ne le sont pas. L'aide publique au développement a donc un rôle essentiel à jouer dans l'encouragement à l'investissement productif. Et il faut bien sûr encourager les investissements privés. L'harmonisation du droit des affaires étant un moyen de les sécuriser, la France accompagne fortement ce mouvement.

Je crois aussi que la relation Europe-ACP est un cadre qui peut être mis à contribution pour voir comment encourager davantage l'investissement industriel dans ces pays.

M. Lefort a parlé de « dérive sociale des continents ». C'est malheureusement une expression juste.

Pour ce qui est du fonds européen de développement, la déclaration de politique générale que nous allons essayer de faire adopter vendredi doit s'accompagner d'un plan d'action que la Commission est en train de préparer et qui tendra notamment à améliorer les procédures et la répartition des tâches entre Bruxelles et le terrain. L'assemblée paritaire a été informée de ces dossiers, le Parlement européen a reçu communication du projet de déclaration et je dois rencontrer demain soir à Bruxelles, pour parler de ces questions, le président de la commission développement. Votre Assemblée pourra aussi, comme elle l'a fait en début d'année, débattre au fond de ces questions, en s'appuyant notamment sur le rapport du Haut conseil de la coopération internationale et du développement qui devrait être remis au printemps prochain.

Mme Aubert trouve que la baisse de notre aide publique au développement fait douter de la volonté française de participer à la lutte contre la pauvreté. Il est exact que cette aide a baissé et va même diminuer encore, du moins en apparence puisque nous allons sortir de la statistique les TOM. Mais la France, avec un taux de 0,39 %, reste encore le premier donateur du G7, devant le Japon qui est à 0,35 %, l'Allemagne à 0,26 %, la Grande-Bretagne à 0,23 % et les Etats-Unis à 0,10 %. Ce déséquilibre dans la générosité tire d'ailleurs vers le bas l'ensemble de l'aide publique au développement tant il est vrai que savoir qu'on paie déjà trois fois plus qu'un autre pays n'incite guère à accroître son effort.

Cela dit, la baisse de l'aide publique française a aussi des raisons plus positives comme le fait que certains pays ont su restaurer les grands équilibres macro-économiques après la dévaluation du franc CFA ou comme le recentrage de notre aide sur certains types de coopération.

Mme Isaac-Sibille a évoqué la question des visas. Je rappelle donc qu'en 1999, l'activité de délivrance des visas a augmenté de 7,5 % par rapport à 1998. D'ailleurs, sur les 1 500 agents qui occupent des fonctions consulaires, près de 1 000 sont affectés au service des visas. Sur les 92 emplois dégagés par la loi de finances pour 2000, 18 ont été affectés à ces sections, et pour 2001, la proportion sera de 9 pour 14. C'est dire que nous sommes conscients du problème.

Sur trois ans, 120 millions ont été consacrés à l'aménagement des locaux et à l'amélioration de l'accueil dans les services des visas. Parmi les programmes les plus importants, je veux citer l'Algérie, le Mali, la Chine, le Maroc et la Tunisie. Nous avons également fait un gros effort d'informatisation.

L'extension du fonds de solidarité prioritaire au sud Caucase ? On peut avoir cette ambition, Madame, mais nous attendrons un peu pour cela car nous avons déjà déployé le FSP dans de nouveaux pays par rapport à l'ancien champ. Je connais les besoins qui peuvent exister en Géorgie ou en Arménie mais il y a d'autres moyens que le FSP pour y répondre.

Pour ce qui est de l'AEFE, des discussions sont en cours car il faudrait harmoniser les situations respectives des expatriés et des résidents. Nous cherchons donc un point d'équilibre avec les responsables syndicaux. J'espère que la discussion aboutira dans les semaines qui viennent.

M. Blum a regretté le manque de lisibilité de la francophonie. Il conviendra pourtant que la présentation du budget pour 2001 apporte des progrès. La DGCID s'en préoccupe, tout comme le service des affaires francophones. Et nous veillerons à améliorer votre information sur la réalité francophone. Quant à la bonne utilisation des crédits, les procédures d'évaluation demandées par la France vont s'étendre à tous les outils de la francophonie ; cette demande a déjà produit des effets chez certains opérateurs.

Yves Dauge a insisté sur le principe d'additionalité entre annulation de dette et aide publique au développement. Il a souligné l'importance des besoins en moyens humains, et rappelé que les moyens de l'Agence française de développement, en termes d'aide-projet, ont diminué sur la longue période, même s'ils se sont stabilisés sur une période plus courte. Nous devrons en effet chercher à les faire remonter, et M. Dauge sait que nous y sommes attachés. Quant aux centres culturels, leurs crédits sont bien au niveau qu'il a indiqué. Je rappelle que les subventions en 2000 ont augmenté de 3 millions, ce qui est modeste, mais pour s'établir à 245 millions ; on ne connaît pas encore le chiffre pour 2001, car il dépendra de la programmation des postes. Pourtant le total de leurs ressources s'est élevé à 460 millions. La différence entre ces deux chiffres résulte des recettes que les centres sont invités à se procurer, soit en vendant des cours de langue, soit en faisant appel au mécénat. Ainsi le centre culturel de Barcelone, qui reçoit une subvention modeste, a un budget global de 10 millions, et ne dépend que pour 7 % de la subvention du ministère. C'est que ce centre peut exercer son activité dans un environnement relativement solvable. Ce n'est pas le cas de nombreux centres situés dans des pays en développement. Et c'est aussi une manière d'équilibrer les moyens des uns et des autres, que d'inciter ceux qui sont dans des pays plus riches à recourir davantage au mécénat ou à des activités payantes.

Il est vrai cependant que beaucoup de ces centres demandent, à juste titre, des moyens supplémentaires. Nous veillerons aussi à ce que leurs relations avec les ambassades s'améliorent là où elles ne sont pas satisfaisantes.

Sur l'Algérie, Monsieur Michel, j'ai annoncé la réouverture du lycée d'Alger, du consulat d'Annaba, et la réactivation progressive de notre réseau culturel. Pour ce qui est d'Air France, je n'entrerai pas dans le détail du conflit. M. Gayssot s'est beaucoup employé à convaincre son personnel que les conditions de sécurité étaient désormais satisfaisantes. La discussion continue, et j'espère que nous sortirons rapidement d'une situation que déplorent surtout les Algériens. La réouverture d'Air France serait un signe fort de la part de notre pays.

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères - C'est de la lâcheté.

M. le Ministre délégué - La question de Djibouti revient souvent, et on peut le comprendre : ce pays a une longue histoire avec la France, qui y maintient une forte présence militaire. La situation sur le territoire -je le dis aussi à Mme Roudy- est tout de même en amélioration sensible. Il n'y a plus de prisonniers politiques ; les directeurs de journaux ont été libérés ; l'affaire des enfants des rues d'origine éthiopienne est terminée. Nous avons envoyée une mission avec Mme Serfaty, de l'Observatoire international des prisons : elle a conclu que les conditions de détention à Djibouti étaient comparables à celles d'autres pays en développement. Dans tous ces domaines il y a donc des progrès. Et nous n'avons de cesse, dans nos rencontres avec les autorités djiboutiennes, de mettre en avant cette question des droits de l'homme. Nous insistons particulièrement sur l'adoption d'un statut de la magistrature, dont l'absence nous a conduits à réduire notre coopération en matière judiciaire.

M. le Président de la commission - Et l'affaire Borrel ?

M. le Ministre délégué - Nous avions exigé une participation de la société civile à la dernière commission mixte : ce ne fut pas facile, mais nous l'avons obtenue.

Le symposium de Bamako, Madame Roudy, a adopté vendredi dernier une déclaration, qui prévoit notamment l'exclusion de la francophonie des pays qui ne respectent pas les droits et libertés définis par cette déclaration, notamment en matière de statut des oppositions ou de fonctionnement de l'information.

Sur les avantages fiscaux que souhaite M. Loos pour les entreprises qui investissent, je me suis déjà exprimé. M. Védrine a répondu également à M. Vauzelle sur la conférence Euroméditerranée, et sur l'intérêt qu'aurait cette rencontre pour la France. Je mesure aussi son intérêt pour la région que préside M. Vauzelle, et singulièrement pour la ville de Marseille, ouverte sur son environnement méditerranéen. M. Vauzelle a jugé sévèrement les prestations de la télévision francophone : j'ai dit déjà notre volonté de modifier très sensiblement cette situation. Je note aussi que les progrès de TV5 Europe nous ont permis de reconquérir depuis deux ans un grand nombre de téléspectateurs.

Le travail des enfants, Madame Collange, est une question qui nous préoccupe. Les normes sociales font l'objet, à l'OMC, d'un difficile débat entre nord et sud. Les pays en développement sont tentés de nous dire que, si nous nous étions appliqués à nous-mêmes nos normes actuelles, nous n'aurions jamais pu nous développer. C'est un argument qu'on ne peut recevoir en la forme. Mais ces pays, qui attendent impatiemment les investissements, craignent que l'application de nos normes sociales ne rende difficile leur développement industriel. Et leur relation au travail des enfants est différente, notamment en milieu rural. Il est vrai que, quand nous parlons de travail des enfants, nous ciblons plutôt le risque de leur exploitation industrielle. Mais c'est une question complexe.

Je n'ai pu répondre à toutes les questions. Mais je tenais, après M. Védrine, à affirmer notre volonté, et celle de tous les agents de ce ministère, de conjuguer influence française et lutte contre les inégalités du monde. Je remercie l'Assemblée de nous donner les moyens de le faire en votant ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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QUESTIONS

M. Charles Ehrmann - Chaque fois que des problèmes se posent dans l'Union européenne, on voit ses détracteurs s'exprimer et les opinions s'interroger. Il faut pourtant rappeler -et c'est un orphelin de la guerre de 14-18 qui vous le dit- que l'Union européenne, c'est d'abord la paix. France et Allemagne sont en paix depuis cinquante-cinq ans alors que depuis 1515 elles s'étaient fait la guerre en moyenne tous les vingt-trois ans ! Puissent les mamans et les épouses ne jamais oublier que la paix est fragile. En 1929, nous pensions avoir chassé canons et fusils. En 1933, ce fut Hitler et en 1939 la guerre... puissent les jeunes d'aujourd'hui se rappeler que, sans l'Union européenne, l'éclatement de la Yougoslavie aurait pu conduire à la guerre comme en 1914.

Il faut certes que l'Union des Quinze s'élargisse, pour que la paix règne partout. Mais il faut avant tout refaire les institutions : conçues pour six, elles sont obsolètes pour quinze. Faire l'élargissement d'abord, c'est basculer dans le libre-échange, l'anarchie politique, et laisser aux Etats-Unis la politique extérieure et la politique militaire. Or toutes les conférences intergouvernementales, depuis des années, ont échoué à rénover les institutions européennes. On attend beaucoup de la présidence française. Mais, malgré les efforts du Président de la République, du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères, j'ai peur que les résultats qui seront proclamés à Nice ne soient pas à la hauteur des espérances des Européens convaincus -à moins d'un miracle : puisse-t-il se produire !

M. le Ministre délégué - La question étant posée au ministre des affaires étrangères, je ne peux que la lui transmettre, tout en vous assurant que lui-même, le ministre des affaires européennes et les diplomates se sont mobilisés sur ce dossier. Les diverses questions à résoudre -nombre des commissaires, règles de majorité...- soulèvent des conflits d'intérêt. A Nice, tout pourra être fait pour que la présidence française se conclue sur une avancée institutionnelle significative, nous permettant d'entreprendre l'élargissement dans de bonnes conditions.

M. Charles Ehrmann - Il y a huit mois, le ministre m'avait répondu : « Nous ne pouvons pas nous opposer aux négociations sur l'élargissement, mais nous n'accepterons pas qu'elle aboutissent avant d'avoir établi de nouvelles institutions ».

M. le Ministre délégué - M. Védrine vous aurait certainement ce soir confirmé volontiers ces propos.

Mme Monique Collange - Le conflit israélo-palestinien et l'évolution engagée en ex-Yougoslavie ont quelque peu occulté le référendum danois relatif à l'entrée dans l'Union économique et monétaire. Au-delà de son résultat, que l'on peut regretter, le climat politique dans lequel il s'est déroulé doit nous inquiéter. En effet, sans doute par stratégie électorale, des responsables politiques membres du Gouvernement danois ont pris des positions extrêmement graves. La ministre social-démocrate de l'intérieur a notamment proposé de placer les demandeurs d'asile auteurs de délits ou présumés sur une île déserte durant l'examen de leur dossier ; elle a ensuite suggéré que le Danemark se désengage de la convention européenne de Dublin sur le droit d'asile. Que penser de telles déclarations, qui affectent les valeurs humanistes de l'Union européenne ?

M. le Ministre délégué - Les auteurs de tels propos ont eu tort de les tenir, mais je laisse à M. Védrine ou M. Moscovici le soin de vous répondre plus précisément.

M. Bruno Bourg-Broc - Comme président du groupe d'études sur la francophonie et la culture française dans le monde, je souhaite, Monsieur le ministre, vous interroger sur les moyens qui sont consacrés à la défense de celles-ci. Y croyez-vous ? Est-ce une priorité ? Quand aurons-nous ici un débat sur notre politique en faveur de la francophonie ?

Notre collègue Tavernier a préconisé des réformes dans sons récent rapport, mais j'aimerais en voir la traduction budgétaire. Et comment se fait-il, comme l'a dit le président Vauzelle, qu'on capte beaucoup mieux dans le monde des chaînes anglophones, hispanophones ou germanophones que les chaînes francophones ? Quel est votre point de vue sur la fusion des directions et organismes traitant des affaires francophones ? A quand un British Council ou un Goethe Institute français ?

M. le Ministre délégué - Oui, j'y crois ; c'est un beau combat que celui de la francophonie, même s'il est difficile et même si le comportement de certains hauts fonctionnaires et chefs d'entreprise s'apparentent parfois à une trahison. Il ne se passe pas de semaine, hélas, sans que je rappelle à l'ordre tel ou tel parce qu'il oublie que le français est langue de travail et qu'il y a des moyens de traduction.

Malheureusement, les Français ne mesurent pas l'importance de cette bataille. Nos partenaires francophones sont plus attentifs parce que pour eux il s'agit souvent en même temps d'un combat de politique intérieur.

J'ai évoqué tout à l'heure les avancées institutionnelles et la remise en ordre des opérateurs de la francophonie. L'évolution de notre politique en direction des étudiants étrangers produit déjà des effets.

En ce qui concerne l'audiovisuel, la France a fait le choix d'un système multilatéral, donc un peu plus compliqué à organiser. L'idéal serait une chaîne francophone d'information, mais cela pose des problèmes techniques. La télévision numérique permet d'imaginer des solutions nouvelles ; on pourrait s'orienter vers un « bouquet francophone ».

Enfin, nous souhaitons développer les partenariats, car la bataille contre l'uniformité culturelle passe aussi par des alliances avec d'autres -hispanophones, lusophones ...

M. Bruno Bourg-Broc - A quand le débat sur la francophonie ?

M. le Ministre délégué - Si le Bureau de l'Assemblée nationale veut l'organiser, j'y suis prêt.

M. le Président - Je ne suis pas sûr que cela ne dépende que du Bureau...

M. Bernard Schreiner - J'associe à ma question mon collègue Jean-Claude Mignon, qui est également membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

En 2001, pour la quatrième année consécutive, le budget du Conseil de l'Europe ne progressera pas en valeur réelle. Or sans ressources supplémentaires, il est en particulier impossible au Conseil de mener à bien les activités concernant les nouvelles démocraties de l'Europe centrale et orientale. Qu'en sera-t-il du budget 2002 ?

La France maintiendra-t-elle sa position sur la croissance budgétaire zéro ? Ou acceptera-t-elle une progression des ressources permettant au Conseil de l'Europe d'être présent sur la scène internationale ? Le temps me paraît venu de reconsidérer les méthodes de financement du Conseil de l'Europe, de nombreux Etats d'Europe centrale et orientale n'ayant pas les mêmes ressources que ceux de l'ouest. Qu'en pensez-vous, Monsieur le ministre ?

M. le Ministre délégué - Je sais que le Conseil de l'Europe ne cesse de se renouveler, du fait de nouvelles adhésions. Les dépenses qui le concernent, et qui figurent au chapitre des contributions obligatoires, se sont élevées à 169 millions de francs en 1998, et 174 millions de francs en 2000. Nous nous efforçons en effet de maîtriser la hausse des dépenses du Conseil, mais je soumettrai votre question à mon collègue Moscovici.

M. Marc Reymann - Le Premier ministre vient de confier à l'ancien maire de Strasbourg une mission de réflexion sur l'avenir de cette capitale européenne. Le TGV arrivera à Strasbourg en 2006, il existe des liaisons aériennes quotidiennes avec Berlin par l'aéroport de Baden-Baden, distant de 35 km, ainsi que de nombreuses autres liaisons pendant les sessions du Parlement européen. Depuis des années, tous les responsables politiques réaffirment la volonté de maintenir celui-ci à Strasbourg, mais le Gouvernement n'a rien entrepris, lorsque le vendredi des sessions ordinaires a été supprimé. La construction d'un nouvel hémicycle était indispensable, mais elle n'est pas suffisante -il faudrait que le greffe soit installé aussi à Strasbourg. Assurément, la dispersion des sessions entre Bruxelles et Strasbourg est insupportable, et la présidence française devrait être l'occasion de mettre fin à cette dérive.

M. le Ministre délégué - L'ancien député européen que je suis ne découvre évidemment pas ce dossier, et le ministre des affaires étrangères est bien conscient de l'absolue nécessité de préserver le rôle de Strasbourg comme capitale européenne, et de l'y aider. Les aides à la desserte aérienne se sont élevées à 7,3 millions en 1998 ; à 26,5 millions en 1999 ; et à 7,3 millions jusqu'ici pour l'année en cours. Comme elles sont évidemment proportionnelles à la présence des compagnies aériennes, la tendance récente n'augure rien de bon. Par ailleurs, 2 millions de francs ont été consacrés à la promotion de Strasbourg et la DGCID a décaissé 2,5 millions de francs. Notre volonté de préserver le rôle de capitale européenne de Strasbourg ne saurait donc être mise en doute.

M. Bernard Schreiner - Mais les moyens manquent.

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CRÉDITS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Les crédits inscrits aux titres III et IV de l'état B, et aux titres V et VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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AVANT L'ART. 49

M. le Président - En accord avec le ministre des finances, j'appelle l'amendement 49 rectifié avant l'article 49.

M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial de la commission des finances pour la coopération - Cet amendement s'inscrit dans une continuité que nous commençons à trouver un peu longue. Il y a un an, le 10 novembre 1999, vous nous aviez déclaré, Monsieur le ministre, que vous étiez « très favorable à ce que le contrôle parlementaire conserve sa plénitude », ce qui impliquait le maintien de représentants de l'Assemblée et du Sénat dans l'instance qui déciderait des projets du Fonds de solidarité prioritaire. En seconde lecture, le 16 décembre, nous avions adopté à l'unanimité un amendement auquel le ministre des finances donnait son accord, et qui serait devenu la loi si le Conseil constitutionnel ne l'avait annulé. Nous attendions cependant avec confiance le décret, l'engagement répété du Gouvernement étant des plus clairs. Or, ce décret, paru le 11 septembre 2000, ne mentionnait aucun parlementaire dans le comité des projets ! Sans doute respirait-on à Bercy ! Si ce n'est pas un oubli, c'est plus qu'une malice, c'est une régression du contrôle parlementaire sur les crédits d'intervention de la coopération. Voilà pourquoi je dépose aujourd'hui cet amendement, qui a vocation a être retiré si le Gouvernement prend un engagement clair.

M. le Ministre délégué - Sans prétendre que votre amendement de l'an dernier a fermé la porte à une modification du décret, je rappelle que la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 1999 a déclaré contraires à la Constitution les articles 96 et 113 de la loi de finances. Sur ce dernier, que votre amendement rejoindrait, le Conseil a estimé qu'une délicate question de séparation des pouvoirs se trouvait soulevée, et que l'article constituait un cavalier budgétaire. Il est vrai que le fonctionnement du fonds d'aide à la coopération permettait aux parlementaires de participer aux décisions de financement de projets d'aide en matière de coopération. Certains avaient envisagé la disparition du FAC lors de la réforme de la coopération. Je suis de ceux qui ont souhaité son maintien, et il est désormais remplacé par le fonds social prioritaire. Je découvre vote amendement, contre lequel le Gouvernement ne peut s'élever. Si vous faites le choix de constituer cette délégation parlementaire, le Gouvernement lui présentera, avant chaque comité des projets du FSP, un rapport sur les projets et programmes inscrits à son ordre du jour. Je m'interroge cependant sur la pertinence d'une telle délégation, dont la création risque surtout d'alourdir le travail parlementaire. Aux termes du décret, le conseil d'orientation stratégique émet des recommandations sur les stratégies de coopération, l'emploi des crédits du FSP, l'utilisation des fonds par secteurs d'activité et zones géographiques, l'évaluation des projets et des programmes du FSP. Nous nous sommes ainsi efforcés, dans ce décret, de cadrer le travail du comité des projets. Je vous propose aujourd'hui d'inscrire à l'agenda du conseil d'orientation stratégique un rapport sur le dernier comité des projets, ce qui donnerait une sorte de pouvoir d'évocation aux parlementaires, à qui je propose également d'adresser une liste des projets. Il faut en effet éviter de modifier le décret pour une institution qui n'a même pas encore commencé à fonctionner. Mes propositions me paraissent répondre à votre préoccupation.

M. Bernard Schreiner - Nous avons l'expérience du Conseil de l'Europe, où nous donnons un avis qui n'empêche pas que le budget soit régi par les fonctionnaires. Une condition de plus ou de moins ne réglera donc rien.

M. le Rapporteur spécial - Nous ne sommes pas au Conseil de l'Europe. Je ne prétends pas que le comité directeur du FAC était une enceinte exemplaire, ni que les représentants du Parlement qui y siégeaient pouvaient remettre en cause une décision de l'exécutif. Mais il était un lieu de débat. Les guerres ethniques n'ont pas seulement lieu en Afrique Noire, mais aussi dans les commissions qui gèrent les crédits destinés à l'Afrique Noire. Sans prétendre décider, nous entendons donc exprimer un avis en amont. Votre proposition n'a aucune portée juridique. Certes, vous êtes un homme de parole. Mais je ne peux me contenter de la simple pratique que vous me proposez, qui ne sera gravée ni dans le marbre de la loi, ni dans le travertin du décret. Le Conseil constitutionnel s'est borné à constater que cette disposition constituait un cavalier budgétaire au sens de l'ordonnance de 1959. Je ne pense pas qu'il y ait de divergence sur le fond, ni que le Gouvernement entende faire régresser le contrôle parlementaire, ce qui serait très grave.

M. le Ministre délégué - En craignant que cet engagement ne vaille pas pour l'avenir, vous oubliez que la présence de parlementaires au conseil d'orientation stratégique est, elle, une réalité durable.

M. le Rapporteur spécial - Il ne se passe rien au Conseil d'orientation stratégique !

M. le Ministre délégué - Les parlementaires sont en mesure de faire respecter un usage dont, en outre, je me porterai garant. Il m'étonnerait que l'on puisse revenir aussi facilement sur un usage que nous aurions ainsi établi ensemble.

Si je ne peux m'engager ce soir à ce que le décret soit modifié, je vous propose que le comité d'orientation stratégique examine le bilan des projets précédents et soit précisément informé des projets futurs.

M. le Président de la commission - Ces propos du ministre témoignent de la recherche d'un accord. J'en appelle donc à la sagesse.

M. Adevah-Poeuf a raison, ce décret a choqué beaucoup d'entre nous, leur donnant le sentiment que l'on se défiait du Parlement. M. le ministre nous fait une proposition sincère : acceptons-la et continuons entre nous à rechercher la meilleure solution pour que le Parlement ait un droit de regard. De toute façon, ce n'est pas à cette heure tardive, à la fin de l'examen des crédits d'un ministère que nous allons créer une délégation parlementaire.

M. le Rapporteur spécial - Personne n'a cru sérieusement, surtout pas vous, Monsieur le Président qui avez une si longue expérience parlementaire, que nous envisagions de créer une délégation parlementaire à cette heure en effet tardive devant un public aussi nombreux et aussi enthousiaste -nous avons d'ailleurs là la preuve que les affaires étrangères n'intéressent plus personne...

Je vais donc retirer mon amendement mais ce retrait ne vaut pas approbation de la proposition du ministre, sincère, sympathique, mais à mes yeux insuffisante. Monsieur le ministre, il faut trouver le moyen de modifier le décret et de rétablir la présence de députés et de sénateurs. A défaut, le même amendement sera déposé en seconde lecture, ayant peut-être même entre temps été adopté par le Sénat, et, s'il le faut, nous n'hésiterons pas à mettre en place une délégation parlementaire, ce qui serait néanmoins tout à fait disproportionné. J'en appelle donc à la sagesse du Gouvernement.

L'amendement 49 rectifié est retiré.

M. le Président de la commission - J'invite M. Adevah-Poeuf à venir en commission des affaires étrangères. Il s'apercevra que ces questions intéressent davantage de monde qu'il ne le croit.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère des affaires étrangères.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 8 novembre, à 15 heures.

La séance est levée le mercredi 8 novembre à 0 heure 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 8 NOVEMBRE 2000

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (n° 2585).

      M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Rapport n° 2624)

Agriculture et pêche ; articles 49 et 50 ; budget annexe des prestations sociales agricoles.

Agriculture :

      Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 4 du rapport n° 2624)

      M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges. (Tome I de l'avis n° 2629)

Pêche :

      M. Louis Mexandeau, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 5 du rapport n° 2624)

      M. René Leroux, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (Tome  II de l'avis 2629)

Prestations sociales agricoles :

      M. Charles de Courson, rapporteur spécial au nom de la commission des finances de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 42 du rapport n° 2624)

A VINGT ET UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

    Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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