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Session ordinaire de 2000-2001 - 22ème jour de séance, 47ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 8 NOVEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN 2

CENTRES DE RECHERCHE PHARMACEUTIQUE DE ROMAINVILLE ET VITRY-SUR-SEINE 2

CONSÉQUENCES D'UNE INTERDICTION
DES FARINES ANIMALES 3

FILIÈRE BOVINE 4

SOMMET EUROPÉEN DE NICE 5

INFIRMIERS ET MASSEURS-KINÉSITHÉRAPEUTES 5

SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION 6

APICULTURE 7

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET HEURES SUPPLÉMENTAIRES 7

ESB 8

VIOLENCE À L'ÉCOLE 10

LOI DE FINANCES POUR 2001
-deuxième partie- (suite) 11

AGRICULTURE 11

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN

M. Pierre Goldberg - Je rendre d'Israël, de Palestine et d'Égypte, où j'ai participé à une mission du parti communiste... (Exclamations sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

Nous avons rencontré à Tel-Aviv des partis politiques et des militants pacifistes qui aspirent profondément à la paix, mais aussi, en Palestine, le président Arafat et d'autres personnalités. Nous avons ressenti la frustration de la population palestinienne, notamment des jeunes. Il ressort de ces entretiens que si le processus d'Oslo a permis d'admettre le principe de la création d'un Etat palestinien, d'envisager des solutions pour Jérusalem, de poser la question des droits des réfugiés, il reste beaucoup à faire. Les tragiques événements qui ont débuté fin septembre à Jérusalem ont fait plus de 180 morts et des milliers de blessés. La responsabilité de la communauté internationale devrait d'ailleurs être engagée pour la protection des populations civiles.

Cependant, il n'y a pas d'alternative à la négociation, dont la reprise doit se fonder sur les résolutions de l'ONU et sur les acquis d'Oslo, en particulier en ce qui concerne le retrait des territoires occupés. Mais le monopole américain sur le processus de paix a montré ses limites ; l'élargissement du cadre des négociations est l'une des conditions de leur réussite, qui ne peut d'autre part se fonder sur le consentement des peuples. L'Europe doit être présente, dans l'esprit de la résolution de Berlin de mars 1999 et pour répondre aux appels lancés à la France. Pourriez-vous nous dire ce qu'est la position de la France face à l'évolution de la situation et à ce vibrant appel à la paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Je rejoins votre analyse. La priorité aujourd'hui consiste, tant pour la France que pour les Etats-Unis et l'ONU, à tout tenter pour faire retomber la tension et mettre fin aux affrontements. Tel est le message qui est passé aux responsables israéliens et palestiniens. Ils doivent éviter toute décision unilatérale susceptible d'aviver les tensions et de compromettre le principe de la reprise des négociations, unique solution possible pour ces peuples aux destins imbriqués. Il ne faut surtout pas perdre les acquis d'Oslo ni ceux de Camp David de l'été dernier. Telle est la position de la France et de chacun de ses partenaires européens, que M. Solana, représentant pour la PESC, était chargé de défendre à Charm el-Cheikh. La compétition entre les différents acteurs n'a pas lieu d'être ; il nous faut coordonner les interventions dans le seul but de préserver les acquis et de reprendre les négociations (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

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CENTRES DE RECHERCHE PHARMACEUTIQUE DE ROMAINVILLE ET VITRY-SUR-SEINE

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe Aventis est né de la fusion des activités sciences de la vie des entreprises Rhône-Poulenc et Hoechst, qui visait à créer un groupe européen de dimension mondiale.

Or, en contradiction avec les objectifs affichés, la direction a fait le choix stratégique de la vente ou de la fermeture des sites de recherche sur la santé humaine.

Après avoir annoncé la vente du centre de recherche de Romainville, qui se consacre à la recherche sur les maladies de l'os et les maladies infectieuses à Dupont de Nemours puis au laboratoire Fabre, la direction d'Aventis, après l'échec de ces tentatives et 23 mois d'hésitation, préconise la réintégration du centre au sein d'Aventis.

Ce projet ne diminue cependant pas les inquiétudes des salariés, Aventis projetant, d'ici un an, d'abandonner les activités de recherche et de développement sur les maladies de l'os et de partager l'axe thérapeutique anti-infectieux avec Vitry-sur-Seine.

Le site de Romainville serait ainsi privé de sa substance au détriment de la recherche pharmaceutique, tandis que sans investissement, le site de Vitry, concerné par un projet d'externalisation de l'activité thérapie génique, serait fragilisé. Devant les besoins grandissants, l'axe thérapeutique des maladies de l'os et son élargissement aux cancers hormono-dépendants doit pourtant devenir stratégique et faire l'objet d'investissements importants.

Il faut donc rééquilibrer les investissements d'Aventis entre la France et les Etats-Unis, où le groupe a l'intention d'investir massivement en recherche et développement.

Les choix de la recherche pharmaceutique en France sont stratégiques pour la situation sanitaire.

Quels moyens comptez-vous donc mettre en _uvre pour maintenir le secteur recherche du site de Romainville et pour garantir son avenir et celui du centre de Vitry-sur-Seine ?

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Mon attention a déjà été attirée par Mme Neiertz et M. Bartolone sur ces sites et sur la nécessité de maintenir des centres de décision industriels et des capacités de recherche en France. Je me félicite donc de la décision d'Aventis d'intégrer le centre de Romainville, qui met un terme aux projets de cession et constitue la solution la plus satisfaisante. Le groupe Aventis va devoir adapter sa stratégie, notamment en Ile-de-France où il possède trois sites à Vitry-sur-Seine, la Croix de Berny et Romainville qui, j'en ai l'assurance, seront maintenus. Les éventuels transferts de personnel seront limités et précédés d'une concertation exemplaire. Le meilleur parti pourra donc être tiré des réussites scientifiques du laboratoire de Romainville (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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CONSÉQUENCES D'UNE INTERDICTION DES FARINES ANIMALES

M. Germain Gengenwin - La suppression des farines animales dans la composition des aliments du bétail apparaissant inéluctable, la question de leur remplacement est posée, alors que l'absence de capacités de production de protéines végétales nous rend dépendants à 95 % de la production américaine. Comment aider les éleveurs et les salariés de la filière, alors que certains abattoirs n'ont déjà plus d'activité ? La situation dans laquelle se retrouvent les éleveurs au moment où les troupeaux rentrent des herbages risque d'en conduire certains au dépôt de bilan. Il nous faut donc un plan de sauvetage de la filière, sous peine de conséquences catastrophiques pour l'avenir, notamment pour les jeunes. Comment envisagez-vous, Monsieur le ministre de l'agriculture, de soutenir les éleveurs dans l'immédiat ? Allez-vous exiger la soumission des viandes importées aux tests imposés aux viandes produites en France ? Comment le Gouvernement entend-il amener l'Europe à encourager la production de protéines végétales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je note avec intérêt que vous vous souciez -et je m'en félicite- de la situation de la filière bovine qui, de fait, vit des heures difficiles (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Mais dans cette affaire, la santé du consommateur est un impératif qui doit l'emporter sur toutes les autres considérations (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Je pense d'ailleurs que les producteurs de bovins eux-mêmes en sont persuadés.

Cela dit, si l'on veut aider la filière bovine, il faudrait aussi ne pas en rajouter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Par exemple, il n'est peut-être pas nécessaire, alors qu'aucun élément nouveau ni aucun avis scientifique ne le justifient, de réclamer pour certains lieux une totale interdiction de la viande bovine (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je le dis à l'ensemble de l'hémicycle : il faut savoir raison garder.

Reste que la filière bovine a besoin de la solidarité nationale car elle est actuellement confrontée à des difficultés bien plus grandes qu'en 1996, quand la consommation avait baissé de 15 à 20 % ; ces dernières semaines, des abattoirs ont connu en effet une baisse de 40 % ! On peut donc parler de traumatisme économique.

J'ai reçu hier des représentants de plusieurs sociétés d'abattage et, plus tard dans la soirée, des représentants de l'ensemble de la filière, avec lesquels j'ai discuté des mesures de soutien à envisager. Les responsables professionnels m'ont fait une proposition, qui ne s'est pas encore traduite en décision : il s'agit d'abattre tous les bovins nés avant 1996, c'est-à-dire avant les décisions prises par la majorité d'alors et que les mêmes semblent aujourd'hui considérer comme nulles et non avenues (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Cette proposition mérite d'être étudiée. Elle a sa cohérence mais aussi un coût que j'estime de l'ordre de 12 à 18 milliards.

Demain aura lieu une réunion de travail avec l'Office interprofessionnel des viandes au cours de laquelle nous discuterons aussi des autres mesures possibles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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FILIÈRE BOVINE

M. Jérôme Lambert - Alors qu'aucun élément n'est venu contredire ce que nous savions déjà concernant la maladie dite de la vache folle, des propos ont été tenus ces derniers jours -ici même et en d'autres lieux de pouvoir- qui sont de nature à jeter le doute sur tous les produits d'origine bovine (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Pourtant, la filière bovine a mis en place depuis des années, avec l'aide des pouvoirs publics, des dispositifs qui assurent le contrôle, la traçabilité et la qualité des produits sur le marché. Au travers de leurs organisations professionnelles, de leurs coopératives de commercialisation, des certificats et des labels, les producteurs français ont joué le jeu de la transparence.

De simples discours médiatiques sont en train de mettre à mal la confiance qui avait ainsi été gagnée. Faut-il donc rappeler que depuis 1996, les farines animales sont interdites dans l'alimentation des bovins ? Que des tests sont de plus en plus couramment pratiqués pour éliminer tous les animaux suspects ? Qu'il n'y a eu depuis dix ans que quelques dizaines de cas sur des millions d'animaux abattus et consommés ? Que tous les animaux malades sont éliminés du circuit commercial avec l'ensemble du troupeau auquel ils appartiennent ? Que les parties susceptibles de contenir des éléments suspects ne sont jamais consommées même si elles proviennent d'animaux sains ?

Plusieurs députés RPR - La question !

M. Jérôme Lambert - Il faut continuer dans ce sens. Comment le Gouvernement compte-t-il donc aider la filière bovine à retrouver la confiance des consommateurs, qu'elle mérite amplement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Une précision : l'interdiction des farines animales dans l'alimentation des bovins ne date pas de 1996 mais de 1990.

Comme je l'ai dit à M. Gengenwin, nous avons entamé depuis hier des négociations avec la profession -qui fait preuve d'un esprit de responsabilité que je salue ici- en vue de prendre des mesures qui répondent à la fois à l'attente de l'opinion et aux besoins de la filière.

Quelles que soient ces mesures, il est bien évident qu'elles doivent avoir une répercussion sur le plan européen. Nous avons déjà obtenu au premier semestre des avancées en matière de retrait des matériaux à risques spécifiés. Mais il faudra en obtenir d'autres car la France, dans l'action que nous menons depuis des années pour sécuriser la filière, a encore pris de l'avance. En tout état de cause, les mesures que nous prendrons ne sauraient être franco-françaises ; elles s'appliqueront aussi à nos frontières.

Nous aurons peut-être à voir avec nos partenaires européens comment produire plus de protéines végétales, cette production étant actuellement bridée par les accords de Blair House -il y avait bien sûr une contrepartie. C'est l'un des dossiers, parmi beaucoup d'autres car le problème est complexe, qui doivent être traités à ce niveau (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SOMMET EUROPÉEN DE NICE

M. Alain Barrau - Il y a quelque temps, nous avions évoqué les résultats du conseil informel de Biarritz. Des avancées ont été obtenues depuis concernant les coopérations renforcées et la majorité qualifiée. Ces dernières semaines, dans la perspective du Conseil de Nice, vous avez, Monsieur le ministre des affaires européennes, multiplié les contacts avec nos partenaires pour progresser dans la voie d'un accord institutionnel. Pouvez-vous nous dire comment les choses se présentent pour les deux sujets les plus délicats, à savoir d'une part la composition de la Commission et son fonctionnement, d'autre part la pondération des voix au sein du Conseil ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Le sommet de Biarritz avait mis la CIG sur de bons rails, mais il demeurait une sorte d'opposition entre les « grands » Etats et les « petits ». C'est dans ce contexte que le Président de la République et le Premier ministre m'ont demandé de faire un certain nombre de visites -en Belgique, au Luxembourg, en Finlande, au Danemark, au Portugal, où j'ai rencontré à chaque fois les premiers ministres et les ministres des affaires étrangères.

Je crois que cette démarche était utile car il fallait à la fois expliquer et négocier et il me semble que se dessinent les prémices d'un accord.

Aucun de nos partenaires n'est aujourd'hui prêt à renoncer, à Nice, à son commissaire. Mais nous pouvons commencer à étudier l'idée d'un plafonnement par étapes, au fur et à mesure des Commissions et des élargissements, pour arriver à une Commission plafonnée avec une rotation égalitaire.

Concernant la pondération des voix, les deux schémas restent sur la table. Certains restent attachés à la double majorité, mais il me semble que l'on peut espérer aller vers une repondération simple des voix, mécanisme qui prévaut dans l'Union européenne depuis son origine.

Je n'aurai garde d'oublier les progrès qui continuent à être enregistrés dans les négociations sur les votes à la majorité qualifiée. Et sur les coopérations renforcées, je crois que nous parviendrons à un bon accord. Enfin, il me semble que nous pourrons modifier l'article 7 du Traité, qui permet de prendre des mesures préventives en cas de violation des droits de l'homme ou des valeurs fondamentales de l'Union. Les dernières réserves danoises ou anglaises sont en effet en voie d'être levées.

Tout cela fait que nous pourrons, je crois, obtenir de bons résultats à Nice (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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INFIRMIERS ET MASSEURS-KINÉSITHÉRAPEUTES

M. Michel Vauzelle - La santé est le premier souci de chacun, à la fois pour soi mais encore davantage pour ceux qui nous sont chers -enfants et personnes âgées. Et chacun sait le rôle joué dans ce domaine par les infirmiers et infirmières.

Or le plan de soins infirmiers qui a été arrêté le 13 octobre dernier est considéré comme inacceptable par nombre d'entre eux ainsi que par les kinésithérapeutes (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les infirmières craignent en effet qu'il ne réduise les « actes infirmiers de soins », regroupant l'hygiène, la surveillance, la prévention, l'éducation et la prise en charge psychologique.

Et la notion nouvelle de dépendance stabilisée fera que beaucoup de patients relèveront désormais des auxiliaires de vie, qui ne reçoivent que trois semaines de formation. Privés de ces patients, beaucoup d'infirmières risquent de devoir fermer leur cabinet.

Quant aux masseurs-kinésithérapeutes, ils se plaignent que le décret du 3 août dernier ait entraîné une minoration de leurs honoraires. Les professionnels ne reçoivent pas tous 70 patients par jour. Comment pourraient-ils accepter une baisse de leur revenu alors que la conjoncture économique permet au contraire d'envisager des hausses dans plusieurs domaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Or leurs charges augmentent, en particulier par la nécessité de maintenir des plateaux techniques performants. Il faut donc leur éviter de subir une injustice très grave. Vous avez déjà prononcé à leur endroit des paroles apaisantes. Mais leur inquiétude est si forte qu'elle appelle des réponses de la part du Gouvernement. Quelles mesures comptez-vous prendre pour répondre aux attentes justifiées de ces professionnels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous avez raison, les infirmières et les masseurs-kinésithérapeutes jouent un rôle de santé publique irremplaçable, en particulier ceux qui exercent en ville ou à la campagne. Ces professionnels très qualifiés apportent aux patients des services de proximité, ils sont à leur écoute et sont au c_ur de notre politique de maintien à domicile des malades et des personnes âgées (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Souvent ils sont même à l'origine d'une meilleure prise en charge de la douleur (Mêmes mouvements).

Ces infirmiers, ces masseurs-kinésithérapeutes, reconnus et appréciés par la représentation nationale et par l'ensemble de la population, réfléchissent à leurs pratiques.

Leur formation les voue à délivrer des soins pour lesquels ils sont seuls compétents. Je soutiens ces professionnels dans leurs exigences.

Ce que les infirmiers et les kinésithérapeutes nous demandent, c'est une reconnaissance de leur volonté de délivrer dans les meilleures conditions des soins de qualité. Je suis décidée à les accompagner dans cette voie. Le Gouvernement a déjà pris des décisions qui leur donnent une plus grande liberté d'exercice. Faisons confiance aux professionnels consciencieux, qui sont la très grande majorité.

Dans cette perspective, le député Philippe Nauche a exploré les conditions de création d'un Office des professions paramédicales qui sera géré par les professionnels eux-mêmes (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ne nous arrêtons pas à la minorité qui ne respecte pas les règles, et pour laquelle des sanctions sont prévues. J'ai commencé cette semaine mes consultations en rencontrant les syndicats d'infirmières. Mon objectif est d'associer les professionnels à notre double responsabilité collective : maîtriser intelligemment les dépenses de santé et veiller à améliorer la qualité des soins destinés en particulier aux personnes âgées qui doivent pouvoir autant que possible être maintenues à domicile (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION

M. Michel Françaix - Le 30 octobre, le Premier ministre, aux deuxièmes rencontres parlementaires sur la société de l'information, a réaffirmé sa volonté de promouvoir une société de l'information solidaire. L'Internet peut y jouer un rôle déterminant, à condition que son accès soit aussi large que possible, ce qui signifie des prix d'interconnexion raisonnables. Or le prix des communications téléphoniques locales freine la diffusion de l'Internet dans tous les foyers français. 80 % des non-abonnés déclarent qu'une offre d'accès forfaitaire illimité faciliterait leur décision de s'abonner.

La politique tarifaire à la durée de connexion de France Télécom est assurément un obstacle à la démocratisation d'Internet.

Le président de l'ART a engagé une réflexion approfondie sur l'introduction en France d'une interconnexion forfaitaire illimitée à l'Internet. Vous-même, Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, considérez que la France doit participer à ce mouvement. Le Premier ministre, devant le comité interministériel pour la société de l'information du 10 juillet 2000, a annoncé des mesures financières importantes pour réduire le fossé numérique. Il ne s'agirait pas que tous ces efforts restent vains en raison de tarifs d'accès à Internet décourageants.

Il faut donc rechercher un équilibre assurant le respect de la concurrence par des offres respectables par tous sans déstabiliser l'opérateur historique.

Quand et comment le Gouvernement compte-t-il favoriser l'accès des Français à des offres forfaitaires illimitées et contribuer ainsi à réduire la fracture numérique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - L'accès forfaitaire illimité est un axe de développement majeur dont le Premier ministre a rappelé que la France le prend en considération. Il tend à se généraliser en Europe au niveau de 30 euros. Cette formule, qui répond aux demandes légitimes des internautes, est à la fois économiquement et techniquement réalisable, dans l'attente du haut débit.

Pour y parvenir, France Télécom doit proposer une offre de connexion à ses réseaux qui soit spécifique et forfaitaire. L'ART étudie la question. J'ai incité l'opérateur à faire au plus vite le nécessaire. Mais ce nouvel accès requiert des investissements très importants, dont nous souhaitons que France Télécom les réalise dès l'an prochain. Je vous apporte donc une réponse positive (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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APICULTURE

M. Gérard Charasse - Les médias se sont faits l'écho des graves préoccupations éprouvées par le secteur apicole face à la nouvelle baisse des quantités de miel. L'INRA et le CNRS ont confirmé que le cheptel était intoxiqué par les insecticides contenus dans l'enrobage des semences de tournesol et de maïs. Un tiers du cheptel a ainsi disparu.

L'abeille déboussolée n'est pas la vache folle. Les professionnels ont proposé des mesures simples et de bon sens. Quelles suites comptez-vous leur donner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - En janvier 1999, j'avais déjà interdit l'usage du Gaucho pour le traitement des semences de tournesol, alors que les scientifiques n'avaient pas encore abouti dans leurs recherches, ce qui prouve, Monsieur Mattei, que le Gouvernement est capable de prendre des décisions dans l'attente des conclusions des experts.

Nous avons ensuite saisi la commission d'étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole, qui a promis son rapport pour la mi-décembre. Sur la base de ses travaux, je prendrai aussitôt des décisions, dans le sens que vous pouvez deviner (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET HEURES SUPPLÉMENTAIRES

M. François Goulard - Madame la ministre de l'emploi, votre prédécesseur a bloqué pendant des mois l'accord conclu entre les partenaires sociaux pour dessiner un nouvel avenir à notre régime d'assurance chômage. Elle a fini par être désavouée la veille de son départ par le Premier ministre, au prix il est vrai du versement d'une rançon de quelques milliards (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous considérons qu'un progrès a été réalisé, puisque la négociation sociale a abouti à un accord et que tout vaut mieux que l'intervention systématique et bureaucratique de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Il est un autre domaine où la négociation sociale peut nous aider à résoudre un des innombrables problèmes posés par la loi sur les 35 heures. Il s'agit d'une solution partielle, car la facture des 35 heures est bien là, que les contribuables devront payer à hauteur de 100 milliards.

Vous découvrez le problème de la pénurie de main d'_uvre, dont nous avions souligné le risque. Ces pénuries affectent aussi bien le BTP que l'informatique. Elles coûtent de la richesse nationale, puisque depuis un an le nombre d'heures travaillées en France a baissé. La solution se trouve dans la souplesse pour recourir aux heures supplémentaires. Il semble que M. Fabius vous en ait convaincue.

Allez-vous, pour introduire cette souplesse, adopter l'autoritarisme irrépressible de Mme Aubry et décider arbitrairement ce que vous retenez des propositions formulées par les partenaires sociaux, ou au contraire allez-vous reconnaître à ces derniers le droit de décider eux-mêmes des aménagements qui les concernent dans le cadre d'accords collectifs ? Nous verrons alors quel prix vous accordez à la négociation sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Une fois de plus, vous manifestez votre esprit de nuance ! Je récuse totalement votre interprétation de l'attitude de Mme Aubry par rapport à la négociation UNEDIC (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). A un moment donné, cette négociation a comporté des clauses inacceptables pour l'ensemble du Gouvernement. Des améliorations significatives sont alors intervenues, auxquelles Martine Aubry a fortement contribué.

Abstenez-vous aussi de céder à la caricature sur les 35 heures, en leur imputant les difficultés de recrutement qui ont toujours existé dans certains secteurs, notamment ceux où l'on travaille tard le soir ainsi que le week-end, et qui sont bien normalement accentuées par la reprise de la croissance et la baisse du chômage, les salariés pouvant se montrer plus exigeants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La vérité, c'est que 40 % des entreprises de moins de vingt salariées sont passées aux 35 heures, preuve que la formule est attractive pour beaucoup d'entre elles (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Quant aux autres, nous devons apaiser leur inquiétude, en insistant sur les souplesses que ménage la loi : en particulier, dans les secteurs qui connaissent des difficultés reconnues de recrutement, il est possible de recourir aux heures supplémentaires. Je rappelle, en outre, que 11 000 entreprises du BTP et de l'artisanat ont bénéficié d'aides au conseil.

Faisons en sorte de résoudre les problèmes tels qu'ils se posent, et non pas tels que les présente une certaine approche idéologique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

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ESB

M. Jean Auclair - J'interroge le ministre de l'agriculture au nom des trois groupes de l'opposition (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Monsieur le ministre, vos réponses d'hier sur la vache folle n'ont convaincu personne : vous semblez n'avoir pas saisi la gravité de cette crise qui touche la filière bovine. Durant trois ans, en effet, vous avez laissé grossir, dans l'indifférence la plus totale, les stocks de farines animales, avec lesquelles continuent d'êtres nourris de nombreux bovins, volailles et même poissons, et voici qu'aujourd'hui vous différez leur nécessaire interdiction en parlant de saisir l'AFSSA.

Vous ne pouvez cependant empêcher qu'éclate au grand jour l'imprévoyance qui fut la vôtre quand vous avez, en renégociant la PAC en 1992, torpillé la filière des oléoprotéagineux (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ceux-ci ne se limitent pas, en effet, au soja américain, bourré d'OGM : vous auriez pu, avec une volonté politique forte, relancer avec nos partenaires européens le marché européen des protéines végétales.

Si vous avez vraiment le souci de la santé publique, vous devez rassurer nos compatriotes comme nos clients européens, en organisant immédiatement le dépistage systématique à l'entrée des abattoirs, ainsi que vous le demandent les distributeurs. Vous dites que cela coûtera cher (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), mais quand on trouve 100 milliards pour financer les 35 heures, on peut bien trouver 114 F par animal pour rassurer les Français et sauver des milliers d'emplois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) L'élimination des bêtes nées avant 1996 est une fausse bonne idée, car elle ne ferait que stimuler les importations et fragiliser la filière.

Entendez-vous lancer une campagne de communication pour dire aux Français que la consommation de muscles est sans risque ? Quant aux éleveurs, vous ne pouvez vous contenter de leur promettre des reports des échéances, des prêts bancaires ou, pire, des interventions à 14 F le kilo, quand ils attendent avec impatience le versement de leurs aides compensatrices annuelles, qui subit un retard sans précédent.

Plusieurs députés socialistes - Hormones, Hormones.

M. Jean Auclair - Nous voulons des réponses pratiques, pas du bavardage. Ecoutez, pour une fois, les recommandations du Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je suis très sensible au fait que la question me soit posée par un éleveur bovin soucieux de qualité... (Mouvements divers)

Puisque vous me demandez de suivre les recommandations du président de la République, je noterai que vous critiquez les accords de Berlin, pourtant signés par lui (Mêmes mouvements). Tout ce qui est excessif est dérisoire, et je vous renvoie au communiqué publié hier par l'association UFC-Que choisir, entièrement indépendante et souvent critique à l'égard des pouvoirs publics, et qui dénonce, en cette affaire, « un enjeu devenu purement politique, voire électoral » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Voilà qui se suffit à soi-même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Richard Cazenave - Après cette réponse caricaturale du ministre de l'agriculture (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), je m'adresse, en l'absence du Premier ministre, à quelqu'un qui soit habilité à parler au nom du Gouvernement sur cette question (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La psychose actuelle, en effet, a été alimentée en premier lieu par les discours contradictoires des différents ministres (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe D ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs députés socialistes - Et Chirac ?

M. Richard Cazenave - Comment voulez-vous que les Français ne s'inquiètent pas lorsque le président du groupe socialiste, après avoir fait applaudir M. Glavany, court à Nantes pour y faire interdire la viande bovine dans les cantines scolaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je ne dis pas cela pour faire de la polémique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais pour que le Gouvernement et son chef prennent enfin conscience que les situations de crise appellent des réponses urgentes, immédiates, et que tout attentisme est catastrophique.

Ne vous réfugiez pas derrière des avis d'experts qui prendront plusieurs mois et seront sans doute contradictoires entre eux ! Prenez vos responsabilités ! Lorsque la santé publique est en jeu, on ne doit pas hésiter un seul instant. Le président de la République a préconisé des mesures simples et efficaces : l'interdiction des farines animales et le dépistage systématique. Il s'agit tout simplement de généraliser ce qui a été entrepris en 1996. C'est seulement ainsi que vous pourrez sauver la filière du naufrage auquel la conduit votre attentisme. Allez-vous le faire et mettre fin à la crise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - La santé publique est, en cette affaire, la préoccupation primordiale du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Nous voulons la vérité, telle qu'elle peut être connue par les scientifiques ; nous voulons la transparence ; nous voulons agir avec méthode, sang-froid et efficacité.

S'agissant des tests, il me faut rappeler que nous sommes le pays du monde qui en fait le plus, et le seul, en outre, avec la Suisse, à rendre publics leurs résultats au fur et à mesure qu'ils sont connus. Le Gouvernement étudie la possibilité de les généraliser ; il les a étendus à l'ensemble du territoire, et les bovins destinés à la consommation seront testés de façon aléatoire, afin de dissuader les fraudeurs éventuels.

Quant aux farines animales, elles sont déjà strictement interdites dans l'alimentation des ruminants, c'est-à-dire des bovins, des ovins et des caprins. Celles données aux porcs, aux volailles et aux poissons sont issues d'animaux ne comportant pas de risques spéciaux, et sécurisées qui plus est, par un procédé thermique totalement validé (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le Gouvernement étudie cependant les moyens de les interdire complètement dans les meilleurs délais (Mêmes mouvements).

Il est bien plus facile, en effet, de dire que de faire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Nous ne voulons pas nous contenter d'effets d'annonce : nous entendons dire aux Français, non seulement que les farines animales seront interdites, mais quand et comment cette interdiction entrera dans les faits. Les modalités de transport, de stockage et d'incinération des farines posent en effet des problèmes de santé publique et de protection de l'environnement ; le problème n'est en aucun cas financier ni technique (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Il faut faire preuve de responsabilité, et ne pas se borner à dire : « Yaka interdire les farines », encore faut-il savoir s'en débarrasser sans prendre d'autres risques pour la santé publique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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VIOLENCE À L'ÉCOLE

M. François Vannson - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, et je la pose bien sûr au nom des trois groupes de l'opposition. Depuis trois ans, les chiffres l'attestent, la violence à l'école ne diminue pas, et vous avez reconnu vous-même dans un entretien au Parisien que les dégradations et les vols se multipliaient. On dénombre 6 500 incidents graves chaque trimestre.

Vous annoncez, pour y remédier, la création d'un comité national de lutte contre la violence, mais les parents sont sceptiques, comme d'ailleurs les élus, les enseignants et les élèves eux-mêmes. Pouvez-vous nous rassurer à ce sujet ?

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel - M. Jack Lang, qui préside une réunion des ministres européens, m'a prié de vous répondre. Votre question vient à point, car les chiffres que vous avez cités sont bien réels, et il convient de les regarder en face. Le nouveau comité contre la violence sera constitué de gens venus du terrain, procureurs, policiers, enseignants, élus de tous bords, qui ont en commun d'avoir su éradiquer la violence là où ils ont eu à en connaître. Nous avons pensé intéressant de mettre en commun ces expériences, car s'il est vrai que c'est d'abord la société qui engendre la violence, et que les adultes ont une part de responsabilité -y compris nous-mêmes ici, parfois-, il existe cependant des moyens d'y remédier, et on doit s'efforcer de généraliser les méthodes qui ont « marché ».

Le comité sera présidé par une inspectrice de l'éducation nationale venue des Bouches-du-Rhône, où l'expérience très positive du lycée professionnel de l'Estaque peut servir d'exemple : il montre ce qu'on peut obtenir lorsque l'on retrouve le goût de s'élever par ses mérites plutôt que par les combines. En tout cas, tout ce qui pourra être fait le sera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 5 est reprise à 16 heures 25, sous la présidence de Mme Lazerges.

PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES

vice-présidente

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LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001.

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AGRICULTURE

Mme Béatrice Marre, rapporteure spéciale de la commission des finances pour l'agriculture - Le projet de budget de l'agriculture pour 2001 est ambitieux et équilibré. J'en félicite le ministre. Il s'établit à 29,617 milliards de francs, soit 4,52 milliards d'euros, en augmentation de 0,57 % à structure constante. On notera que les dépenses en capital augmentent considérablement : de 35 % pour les autorisations de programmes, de 13,73 % pour les crédits de paiement. Les crédits de fonctionnement sont en hausse de 1,9 %, et les dépenses de personnel connaissent une croissance, très importante, de 7,2 %.

Certes, l'action sociale ou l'action économique hors charges de bonification semblent moins bien dotées que lors de l'exercice précédent. Cette baisse apparente est plus que compensée par des crédits extérieurs au budget de l'agriculture. Chacun le sait : il faut tenir compte, pour évaluer l'effort en faveur de l'agriculture, de tous les concours publics qui lui sont consacrés : les dépenses à caractère social, à hauteur de 73,87 milliards -incluant le BAPSA et sa subvention d'équilibre- et les autres financements, pour 74,13 milliards, dont 68 milliards de retours communautaires.

L'ensemble de ces concours s'élève à 177,387 milliards. L'accroissement total des dépenses en faveur de l'agriculture sera donc de 3,65 %. C'est une hausse très importante.

De plus, les allégements de charges fiscales et sociales prévus ou intégrés par voie d'amendements dans la première partie du projet de loi de finances et dans la loi de financement de la sécurité sociale, complétés par les annonces que vous avez faites le 24 octobre, Monsieur le ministre, représenteront plus de 3 milliards supplémentaires.

Le budget 2001 répond à une triple volonté : la poursuite de la politique agricole dans laquelle nous sommes engagés depuis 1997 par la loi d'orientation agricole et la loi d'orientation forestière en cours d'examen ; le renforcement de la sécurité alimentaire, la réparation des dégâts causés par les intempéries de décembre 1999. Dans cette perspective, le projet de budget se structure autour de quatre grands choix budgétaires. Il vise en premier lieu à encourager le développement d'une agriculture multifonctionnelle tout en poursuivant les politiques en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs et en consolidant les filières de production de qualité. Il tend aussi à conforter l'enseignement agricole. Il est aussi destiné à intensifier l'action publique de prévention des risques alimentaires -sujet d'une brûlante actualité- et de promotion de la qualité des produits agricoles. Il vise enfin à financer les travaux forestiers rendus nécessaires par les tempêtes de la fin 1999, et, plus globalement, à relancer la filière forestière.

Comment, donc, préparer l'avenir ?

Une dotation de 400 millions est proposée pour alimenter le fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation -CTE- ; elle sera complétée par les reports de crédits non consommés en 1999 et 2000 et par le cofinancement communautaire. A ce jour, plus de 1 400 contrats ont déjà été signés et plusieurs milliers d'autres sont en préparation, notamment des contrats collectifs qui semblent une voie d'avenir.

Mais le projet de budget donne d'autres moyens de poursuivre la politique volontariste d'installation conduite depuis plusieurs années : 490 millions pour la dotation d'installation des jeunes agriculteurs -DJA-, ce qui correspond au financement de près de 8 000 installations aidées, et 86,69 millions pour les stages de préparation à l'installation, ce qui assurera 7 500 stages « six mois » et 10 500 stages « 40 heures », chiffres supérieurs à ceux de 2000. Ceci est complété par des allégements fiscaux, parmi lesquels la prorogation pour trois ans de l'abattement de 50 % sur les bénéfices étendue aux jeunes signataires d'un contrat territorial d'exploitation. L'effort en matière de formation est poursuivi, avec des crédits en hausse de 5,5 %, 200 postes créés dans l'enseignement secondaire et 20 dans l'enseignement supérieur, et 3 millions de francs de crédits de vacation, toutes mesures nécessaires au regard du succès que connaît actuellement l'enseignement agricole.

Préparer l'avenir implique également de conserver le patrimoine. L'effort en faveur de la forêt est consenti à la fois dans le cadre de la loi d'orientation forestière qui sera votée début 2001 et dans celui d'un plan d'urgence pour la forêt qui bénéficiera des crédits importants prévus par le collectif budgétaire de juillet 2000 pour réparer les dégâts provoqués par la tempête de décembre 1999. Les crédits de la politique forestière augmentent donc de 30,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000.

Enfin, pour répondre aux préoccupations légitimes de l'heure, les crédits consacrés à la sécurité et à la qualité des aliments progressent de 13,7 %. Ceci permettra de renforcer le personnel de l'Agence française de sécurité des aliments -AFSSA- et d'augmenter de 9,6 % sa dotation, qui s'élèvera à 18,6 millions de francs, après une hausse de 40 % en 2000, ainsi que de poursuivre les efforts de maîtrise sanitaire des animaux et notamment de continuer à lutter contre l'encéphalite spongiforme bovine.

Compte tenu de l'actualité, nous souhaitons cependant connaître les décisions que vous prendrez dans les prochains jours sur les farines animales et sur la dernière proposition de la profession, consistant à abattre les bêtes nées avant le 1er juillet 1996.

Ces crédits permettront aussi de promouvoir l'agriculture biologique, par la création d'un groupement d'intérêt public, le GIP Bio.

Mais il importe aussi de renforcer les moyens classiques de notre politique agricole, qu'il s'agisse de la solidarité ou de la consolidation des filières.

En matière de protection sociale agricole tout d'abord, la quatrième étape du plan de revalorisation des petites retraites induit un coût supplémentaire de 1,24 milliards de francs en 2001, ce qui permettra d'amener les plus faibles retraites agricoles au niveau des minima vieillesse en 2002. Nous avons également noté votre engagement de mettre en place un système de retraites complémentaires.

De même 225 millions de francs sont affectés aux préretraites des agriculteurs en difficulté, ce dispositif devant être étendu aux agriculteurs signataires d'un CTE-transmission.

Enfin, le fonds d'allégement des charges créé en 1990 est doté pour 2001 de 200 millions de francs.

En ce qui concerne la consolidation des filières, l'essentiel des soutiens aux productions agricoles relève de la PAC. L'intervention de l'Etat est cependant déterminante en matière d'investissement agricole, à travers la bonification des taux d'intérêts, pour laquelle 300 millions supplémentaires sont prévus, et l'orientation des productions.

Je note également la poursuite de la revalorisation de la prime à la vache allaitante et la reconduction des crédits des offices. Je réitère d'ailleurs à ce propos mon souhait d'une plus grande transparence de la gestion financière des offices.

S'agissant de la politique de la montagne, je rappelle qu'outre les majorations d'aide dans le cadre de la DJA et des prêts bonifiés, les agriculteurs des zones de montagne bénéficient d'aides spécifiques.

Il s'agit en premier lieu de l'indemnité compensatoire de handicap naturel -ICHN. Si la dotation passe de 1,56 milliards en 2000 à 1,284 milliards en 2001, c'est en raison du passage de 25 à 50 % du taux de cofinancement communautaire. Au total, ces crédits passent de 2,41 milliards en 2000 à 2,57 milliards en 2001.

Toutefois, les nouvelles règles d'attribution de cette aide, substituant une aide à la surface à l'ancienne aide proportionnelle au nombre d'unités de gros bétail, risquaient d'entraîner de fortes variations individuelles. Aussi avez-vous annoncé une enveloppe supplémentaire de 500 millions, dont nous souhaiterions connaître les modalités de répartition.

L'aide à la modernisation des exploitations et l'aménagement rural et hydraulique agricole bénéficient, quant à eux, de moyens stables.

Par ailleurs, les moyens de fonctionnement sont renforcés, avec une hausse modérée des crédits de 3,8 % après la hausse de 2000. Le budget de fonctionnement s'établit ainsi à 773 millions. Les mesures nouvelles seront principalement affectées à la modernisation des services.

Les effectifs budgétaire du ministère augmentent de 797 emplois, ce qui les fait passer à 30 238 emplois. Cette croissance permet d'affermir l'enseignement agricole et de faire face à la tempête de fin 1999 et aux missions nouvelles incombant au ministère, notamment en matière de sécurité et de qualité alimentaire.

Cette évolution globale prend principalement en compte la création de 200 emplois au profit de l'enseignement agricole et 100 dans les services déconcentrés et la poursuite de l'action destinée à faire sortir de la précarité les agents du ministère, pour 520 emplois.

Au total, je propose l'adoption de ce projet de budget, qui me semble répondre globalement aux orientations de notre politique agricole.

Reste à faire face aux légitimes préoccupations de nos concitoyens en matière de sécurité alimentaire, qui nécessiteront de nouveaux engagements de votre part (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Joseph Parrenin, rapporteur pour avis de la commission de la production pour l'agriculture - La discussion du budget de l'agriculture est un moment important, qui ne permettra cependant pas de répondre complètement à la crise de la vache folle. Ce projet de budget s'élève à 29 milliards de francs. Sa hausse de 2 % est supérieure à celle de la moyenne des budgets civils de l'Etat, qui s'établit à 1,6 %. Il marque, avec 300 créations d'emplois et 600 « déprécarisations », un effort particulier en matière d'emploi.

Pour appréhender l'effort financier public mené en faveur de l'agriculture, il faut ajouter aux crédits du ministère les dotations du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, qui permettent un effort sans précédent en matière de retraite et les crédits communautaires. Il est également indispensable de prendre en compte les mesures de la première partie de la loi de finances pour 2001 telles que la baisse des impôts sur le revenu et sur les sociétés, l'exonération de la CSG sur les bas salaires, la détaxation du fioul domestique. Les agriculteurs bénéficieront de surcroît d'un allégement sans précédent de 2,2 milliards de leurs charges.

Les moyens globaux de l'agriculture française s'élèvent ainsi à 173 milliards de francs pour 2001.

La discussion du budget de l'agriculture est l'heureuse occasion de revenir sur la situation d'ensemble du secteur agricole et sur la politique qu'y mène le Gouvernement.

L'année 2000 a été jalonnée de grandes difficultés : la tempête de décembre 1999, la crise persistante de la « vache folle », des problèmes conjoncturels dans plusieurs productions et la hausse des prix du carburant. Problèmes et défis se multiplient : l'exigence des consommateurs quant à la qualité sanitaire de leur alimentation ne cesse de croître, la compétition mondiale est toujours plus rude, et la désertification de certaines zones rurales de notre territoire continue. A travers ce budget, le Gouvernement mesure bien la situation concrète de nos agriculteurs comme il l'a fait tout au long de l'année face aux difficultés auxquelles il a su répondre par des mesures justes et inventives.

Le renforcement de la sécurité sanitaire est bien pris en compte dans ce budget.

Je souhaite insister sur la politique d'installation, qui a fait l'objet d'une large concertation avec les organisations professionnelles agricoles, en particulier le CNJA, ce qui a débouché en juin sur l'annonce de dispositifs d'adaptation, à Etalans, dans mon département, le Doubs : je vous en remercie, Monsieur le ministre. Le nombre des installations stagnent cependant à un niveau insuffisant, pour des raisons qui ne sont pas seulement financières, une réflexion ne devrait-elle pas être engagée sur ce sujet ?

Je voudrais enfin parler de l'enseignement agricole, qui est lié à l'installation.

Pour l'enseignement agricole public, ce budget est un bon budget ; avec 600 créations de postes, 400 « déprécarisations » et 200 créations nettes. Mais les enjeux sont ailleurs. Vous avez proposé à l'enseignement agricole des horizons prospectifs mais il faudrait le raccorder au plan pluriannuel de l'éducation nationale qui a été annoncé le 16 mars dernier. Par ailleurs, l'enseignement agricole, avec 20 % d'emplois précaires, se démarque de façon préoccupante de l'enseignement général. Dans ce domaine, il s'agit de tirer le maximum du protocole « Sapin » du 10 juillet 2000.

La réduction du temps de travail intéresse bien sûr l'enseignement agricole, qui sera attentif aux créations de postes correspondantes, notamment pour les personnels ATOS.

On constate une désaffection des jeunes pour l'enseignement agricole. Certains l'expliquent par le coût des études ou bien par la démographie, je crois pour ma part qu'elle tient à un déficit d'image. La culture des champs n'enthousiasme plus. Certes, il y aura des candidats pour reprendre un troupeau et 200 000 litres de quotas, mais y en aura-t-il pour prendre la responsabilité d'une coopérative ? Je suggère que l'on confie à un parlementaire le soin de réfléchir à la formation et l'installation en agriculture, étant entendu que cette installation ne doit pas être réservée à des jeunes issus du milieu rural.

En 2001, avec les reports de l'année 2000, les crédits CTE permettront d'atteindre l'objectif de plus de 50 000 CTE. C'est une bonne chose car ces contrats permettent de prendre en compte, dans l'esprit de l'ensemble de la loi d'orientation agricole, toutes les fonctions de l'agriculture -économique, sociale et environnementale- afin d'en faire une agriculture durable, bien répartie sur l'ensemble du territoire et soucieuse de la santé des consommateurs -point qui est plus que jamais d'actualité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Je souhaite terminer mon propos en revenant sur la crise de la vache folle.

Depuis 1997, le gouvernement de Lionel Jospin a su prendre des décisions justes et courageuses ; aucun autre gouvernement n'a autant joué la carte de la transparence.

Pourtant la psychose s'est installée. Peut-être à cause d'une trop forte médiatisation, peut-être aussi parce que les conditions de production et de transformation des produits que nous retrouvons dans nos assiettes nous interpellent. Mais sûrement aussi à cause de la politisation -scandaleuse à mon sens- de ce sujet grave. Je suis partisan de décisions courageuses et rapides concernant l'utilisation des farines animales. Leur abandon se justifie pour des raisons de santé publique, mais aussi pour changer l'image de la filière agro-alimentaire. Pourtant, je sais comme vous, Monsieur le ministre, et comme tous les non-démagogues qu'un tel abandon n'est pas chose aisée. J'ai entendu des gens se prononcer pour un arrêt immédiat des farines animales pour toutes les espèces, mais je n'ai pas entendu les mêmes donner des solutions quant au devenir de ces farines. Faut-il les épandre sur les Champs-Elysées ou dans les jardins du château de Brégançon ? (Sourires sur les bancs du groupe socialiste) En tout état de cause, il faudra trouver des sites de stockage, des incinérateurs.

Les représentants de la filière bovine ont fait des propositions, dont celle d'éliminer tous les bovins dès avant 1996. C'est une possibilité à étudier sérieusement.

Je sais, Monsieur le ministre, que vous ferez preuve d'une vigilance sans faille. Et vous pouvez compter sur la représentation nationale pour jouer tout son rôle, sans sombrer dans la démagogie. Nous avons tous à assurer une grande responsabilité car la santé publique et l'avenir d'une partie de l'agriculture sont en cause.

La commission de la production a donné un avis favorable aux crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche ainsi que du BAPSA. Je vous invite à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Louis Mexandeau, rapporteur spécial de la commission des finances pour la pêche - Avant d'aborder les crédits eux-mêmes, je tiens à rendre hommage aux milliers d'hommes et de femmes qui exercent les durs métiers de la pêche et de la conchyliculture et pour lesquels l'année 2000 aura été une succession d'épreuves, avec la marée noire provoquée par le naufrage de l'Erika et les tempêtes, qui ont parfois réduit à néant les équipements constitués au prix de longues années d'efforts, avec, ensuite la hausse des prix des carburants qui a commencé par rogner les marges des entreprises, puis qui a compromis leur existence même. Et voici qu'un cargo chargé de produits chimiques vient couler au large des côtes normandes et plonger toute une population dans le doute et la révolte.

Bien sûr, le Gouvernement a pris des mesures pour venir en aide aux sinistrés et soutenir les entreprises de pêche. Dès le 2 février, Monsieur le ministre, vous avez mis en place un dispositif d'aides exceptionnelles en faveur de la pêche et de l'aquaculture mobilisant 450 millions de francs, soit bien plus que les crédits annuels normaux. Ces aides viennent en complément des mécanismes d'intervention relevant des calamités agricoles, qui représentent environ 50 millions de francs, et des indemnisations servies par les compagnies d'assurance.

Au mois de mars, vous avez complété le dispositif par des allégements de charges sociales qui ont été prolongées ultérieurement.

Et pour permettre aux pêcheurs de faire face à la montée des cours du pétrole, vous avez arrêté avec les représentants de la profession différentes mesures d'allégements de charges, sociales, portuaires et financières. Plusieurs régions sont elles aussi venues en aide aux pêcheurs. L'engagement que vous avez pris de réunir ces derniers en fin d'année témoigne encore de votre attention à leurs problèmes.

Il ne s'agit pas seulement dans cette affaire de manifester la solidarité de la nation, mais aussi de conforter des activités indispensables à notre pays et à l'équilibre économique et social de nombreuses régions du littoral.

La demande intérieure en produits de la mer est en effet considérable. Si la production française ne suffit pas à la satisfaire au-delà de 60 %, elle limite par ses exportations un déficit du commerce extérieur qui s'élève pour ce secteur à 13 milliards de francs par an. Sans les exportations de produits français, qui représentent la valeur d'une quinzaine d'Airbus, ce déficit atteindrait près de 20 milliards.

Et faut-il rappeler ce que ce secteur représente en termes d'emplois ? Outre les 16 623 pêcheurs embarqués, les cultures marines occupent 20 000 personnes. Dans certaines régions, la pêche et l'aquaculture marine constituent la principale activité. C'est le cas de la Bretagne, où 11 % des habitants travaillent dans la filière pêche. On peut également citer le bassin de Marennes-Oléron où la conchyliculture procure 10 000 emplois. Permettez-moi aussi de citer la Normandie et en particulier le secteur où les conchyliculteurs sont confrontés à la mort inexpliquée de 30 % de la production. En tenant compte de l'ensemble des activités du secteur, la filière pêche occupe en France près de 100 000 personnes, dont 70 000 sur le littoral.

Venons-en au budget. Avec un montant total de 165,92 millions, les dépenses ordinaires progressent de 7,9 %, soit un taux nettement supérieur à celui du budget général. Les dépenses en capital sont quant à elles en repli apparent puisque le chapitre 64-36 n'a été doté que de 20,1 millions contre 40,1 l'année dernière. Mais aux crédits inscrits pour l'année prochaine viendront s'ajouter 23 millions qui n'ont pas été consommés cette année. Ces sommes ne représentent qu'une partie de l'effort consenti par l'Etat en faveur de la pêche et de l'aquaculture, qui s'est élevée pour 1999 à 4 597 millions, auxquels se sont ajoutées les interventions communautaires pour 319 millions, sans oublier les contributions des collectivités locales.

Les crédits d'intervention en faveur des entreprises de pêche et d'aquaculture progressent de 21,54 % et financeront des actions destinées à faciliter la mise en _uvre du plan de sortie de flotte. Une partie conséquente de ces crédits permettra aussi d'abonder les montants alloués aux caisses chômage et intempéries qui, sous l'effet des tempêtes de 1999, ont connu un fort accroissement de leurs adhérents.

L'Office interprofessionnel des produits de pêche voit sa dotation passer de 95,6 millions à 95,77 millions. Outre la liquidation des dossiers d'indemnisation pour les sinistres de la fin de 1999, l'OFFIMER devra continuer les actions engagées pour moderniser la filière des produits de la mer et de l'aquaculture, promouvoir la production nationale et mettre en _uvre la réforme de l'OCM, avec en particulier les nouvelles règles d'étiquetage applicables au 1er janvier 2002.

Les crédits d'investissement du budget de la pêche sont en baisse par rapport à 2000, mais ils avaient précédemment été réévalués de 39 % en CP et de 86 % en AP. Les dotations budgétaires pour 2001 seront donc complétées par les crédits de report non consommés. Cet ensemble devrait servir à accompagner les opérations de renouvellement et de modernisation de la flotte, la France ayant respecté ses obligations de réduction de capacités. De plus, la France a reçu pour le nouveau programme 2000-2006 225 millions d'euros de fonds structurels.

Enfin, l'aquaculture pourra bénéficier d'aides au titre du maintien de la qualité des eaux et du renouvellement piscicole.

Pour la deuxième année consécutive, les crédits d'investissement destinés aux ports de pêche diminuent, la mise aux normes sanitaires des installations étant achevée.

La subvention à l'IFREMER augmente de 4,5 % pour atteindre 3,45 millions. Rappelons le précieux concours que cet organisme apporte aux pêches maritimes et à l'aquaculture marine.

Au-delà des moyens financiers que vous avez su mobiliser, je rends hommage à votre action. Vous avez mené à bien l'application de la loi d'orientation, dont les rapports qu'elle préconisait sur l'état de nos pêches nourrissent la réflexion et la concertation avec les professionnels.

Tel est le sens, je crois, de la mission que le Premier ministre vient de confier à Dominique Dupilet. Les remarques valent aussi pour votre action au plan communautaire.

Evoquons enfin les accidents du travail, qui touchent un pêcheur sur cinq, pour un travailleur sur huit dans le bâtiment. Il ne faudrait pas considérer ce phénomène comme une fatalité. Bien souvent les accidents sont à relier avec des situations qui poussent à économiser sur le matériel et sur le nombre des hommes, ou avec la mauvaise utilisation d'instruments de bord encombrants.

Les actions de sensibilisation et de modernisation déjà en cours devraient être renforcées.

Votre budget vous permet d'agir. Aussi la commission des finances invite-t-elle l'Assemblée à adopter les crédits de la pêche (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. René Leroux, rapporteur pour avis de la commission de la production pour la pêche - Ce budget marque une volonté forte de l'Etat de soutenir le secteur de la pêche qui, après une grave crise en 1994, est encore convalescent. Les entreprises restent fragiles même si la loi d'orientation du 18 novembre 1997 porte ses fruits. Leur santé économique est étroitement dépendante du niveau des cours, mais surtout des coûts de production et du carburant.

Le budget pour 2001 amplifie cet accompagnement des pouvoirs publics, avec l'augmentation de 7,9 % des crédits globaux d'intervention, qui atteignent 162,4 millions.

Les crédits d'intervention en faveur des entreprises de pêche et de l'aquaculture, qui croissent de 21,5 %, doivent permettre la poursuite du plan de sortie de flotte, conformément aux objectifs du POP IV, et aussi de mieux adapter notre effort de pêche à l'état de la ressource et de répondre aux besoins de financement des caisses « chômage-intempéries ».

Le POP IV impose à la France des contraintes particulièrement lourdes. Au 31 décembre 1999, notre flotte de pêche comptait 5 906 navires totalisant une puissance de 924 792 kilowatts. Entre 1994 et 2000, elle a diminué de 13,5 % en nombre d'unités. Il ne s'agit pas de remettre en cause la nécessité de restructurer la flotte, mais de penser autrement que « sortie de flotte ». Oui à la modernisation, non à la réduction drastique ! Nous comptons sur vous pour tenter de faire évoluer ce programme d'orientation pluriannuel.

La transformation du FIOM en OFIMER a constitué un axe essentiel de la loi d'orientation de 1997.

Le montant de la subvention à cet organisme passe de 95,6 millions à 95,8 millions. Bien entendu la commission aurait souhaité un effort supplémentaire car les missions de l'OFIMER sont multiples et essentielles.

D'autant que le rôle des organisations de producteurs va se renforcer avec la nouvelle organisation communautaire de marché, qui impose notamment la définition d'un plan de capture pour les espèces sous quotas. En contrepartie, les producteurs bénéficieront d'une aide forfaitaire pendant cinq ans.

Il est difficile de prévoir en début d'exercice les crédits nécessaires pour faire face à des situations d'urgence comme ce fut le cas cette année. Suite aux intempéries et à la marée noire, le Gouvernement a rapidement débloqué 450 millions. L'OFIMER a donc eu les moyens de remplir ses objectifs.

J'insiste sur la nécessité de renforcer les exigences en matière de qualité des produits et d'information des consommateurs. Je ne doute pas de votre détermination.

En décembre dernier, le Conseil européen des ministres de la pêche a adopté une organisation du marché des produits de la pêche et de l'aquaculture, applicable au 1er janvier 2001, à l'exception des mesures concernant l'information des consommateurs applicables seulement en 2002. La France marquerait sa volonté de contribuer au renforcement de la qualité si elle prenait l'initiative d'anticiper en adoptant cet étiquetage dès janvier 2001.

Les efforts importants réalisés pour mettre ses criées aux normes sanitaires doivent se prolonger pour les conditions de conservation sur les navires. Les contrôles vétérinaires doivent être intensifiés.

Les naufrages du Ievoli Sun et de l'Erika nous rappellent que l'effort prioritaire doit d'abord porter sur la protection de la mer contre toutes formes de pollutions. Il faut lier protection du milieu et protection de la ressource. Veillons au strict respect des mesures de prévention et de contrôle, mais aussi à l'application des sanctions aux pollueurs, y compris à certains professionnels de la pêche, responsables de micropollutions à répétition.

L'OFIMER a aussi pour mission de promouvoir les produits de la mer, dont il convient de donner envie aux Français d'en consommer davantage, sachant cependant que la France ne produit pas assez.

La subvention à l'IFREMER augmente de 4,4 % passant à 3,45 millions, ce qui permettra d'améliorer la connaissance du milieu marin.

Les dotations aux investissements diminuent, mais seulement en apparence, 23 millions de crédits non consommés étant disponibles. Ainsi, la modernisation et le renouvellement de la flotte de pêche devraient se poursuivre.

La modernisation des structures à terre est quasiment achevée. Il s'agit maintenant de poursuivre la modernisation des navires. Mais l'incertitude sur les cours et surtout la forte hausse des carburants freinent les investissements. Sur ce point, je tiens à saluer vos initiatives.

Les professionnels ont apprécié votre volonté de dialogue et le plan global pour la pêche que vous avez annoncé.

La future politique commune des pêches se dessine à l'horizon 2002. Où en sont les travaux préparatoires ? Il est indispensable que l'Union européenne participe au développement à long terme de la pêche. Les effectifs de marins embarqués à la pêche diminuent, passant de 19 560 marins en 1991 à 15 000 aujourd'hui. Il est vrai que la profession est dangereuse et exigeante.

Aussi, saluons le courage de ces marins et de leurs familles. La réduction de l'effort de pêche et la pénibilité du travail expliquent en partie cette baisse des effectifs. Mais peut-être faut-il envisager un renforcement de la formation et de l'aide à l'installation des jeunes.

Je souhaite, en outre, que les derniers décrets du volet social de la loi d'orientation entrent rapidement en vigueur ; je songe notamment au décret sur l'apprentissage maritime et à celui sur le repos hebdomadaire. En juillet dernier, un accord de branche a été signé, qui harmonise la rémunération « à la part » et l'application du SMIC ; c'est une avancée importante.

Les conchyliculteurs ont consenti de gros efforts, ces dernières années, pour mettre leurs exploitations aux normes, notamment sanitaires, mais ils ont subi de fortes pertes en raison des aléas météorologiques et, surtout, de la marée noire. Ne les oublions pas ! D'une façon générale, les mesures d'aide aux professionnels touchés devront se poursuivre, car les procédures imposées par le FIPOL sont longues et complexes. Tirons les leçons de cette catastrophe, et réfléchissons aux dispositions à prendre pour améliorer la circulation de l'information, le suivi des dossiers et l'assistance administrative et comptable aux entreprises.

Une autre profession a été particulièrement atteinte : les producteurs de sel. Au nom du principe de précaution, les paludiers de la presqu'île de Guérande ont décidé de ne pas produire de sel cette saison, mais les conséquences financières de cette courageuse résolution se font cruellement sentir, surtout chez les jeunes, et je crains que l'enveloppe débloquée ne soit pas suffisante. Je suggère donc une rallonge de 12 millions.

Le budget de la pêche pour 2001 est un bon budget, qui permet de conforter l'ensemble du secteur et d'assurer son développement. Au nom de la commission de la production, je vous invite à l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances pour le BAPSA - Mon rapport écrit présentant en détail le BAPSA, je concentrerai mon propos sur quatre points principaux.

En premier lieu, les prévisions de recettes et de dépenses manquent de réalisme. Ainsi, les prévisions de cotisations techniques sont assises sur l'hypothèse, bien optimiste étant donné la crise bovine, que le revenu agricole moyen sera du même niveau, cette année, qu'en 1998, où il était particulièrement élevé, plutôt qu'en 1999, où il était particulièrement faible ; l'habitude comme la prudence auraient voulu que l'on se base sur le dernier revenu connu. Il est regrettable, Monsieur le ministre, que vous ayez différé la réunion de la commission des comptes de l'agriculture, qui a lieu, traditionnellement, à la mi-novembre ; je veux espérer que ce n'est pas pour dissimuler, le temps de notre débat, l'ampleur de la chute...

De même, les prévisions de dépenses de maladie sont très légèrement inférieures à l'évaluation révisée pour l'année en cours, ce qui paraît d'autant moins réaliste qu'elle est elle-même sensiblement supérieure à l'évaluation initiale. On me dira qu'il s'agit d'un simple objectif à ne pas dépasser, mais c'est tout de même lui qui détermine le montant de la subvention d'équilibre versée par l'Etat !

L'estimation des frais financiers est tout aussi peu vraisemblable, puisqu'est reconduit le montant retenu pour cette année, alors qu'il sera dépassé de moitié - soit 120 millions. La commission des finances a adopté un amendement tendant à rationaliser la gestion des trésoreries autonomes des caisses, en la centralisant auprès de la CCMSA ; la rémunération des fonds en serait améliorée, mais elles n'y feront sans doute pas bon accueil, aussi une négociation s'impose-t-elle sur les modalités de cette réforme.

On peut s'interroger, enfin, sur la façon dont sont élaborées les prévisions de recettes de TVA, dont la croissance est sensiblement inférieure à celle du produit total de cet impôt. C'était le contraire l'an dernier, sans que l'on ait davantage su pourquoi...

Au total, les corrections à apporter s'élèvent à 1,2 milliard, qu'il faudra bien financer. Encore suis-je moi-même optimiste, puisque je m'en tiens à l'exécution du BAPSA en cours, dont j'avais montré que le déséquilibre était sous-estimé de 700 millions. Au total, ce sont quelque 2,5 milliards qu'il faudra trouver dans le cadre du collectif de fin d'année. Ne croyez-vous pas, Monsieur le Ministre, qu'il y a des progrès à faire pour améliorer la sincérité des dépenses et des recettes -à moins d'admettre que le Parlement ne délibère que sur des intentions, et non sur des prévisions réalistes ?

Deuxième point : l'articulation entre le projet de BAPSA et le projet de loi de financement de la sécurité sociale est déficiente. C'est inévitable, me direz-vous, puisque celui-ci est arrêté après celui-là, mais il est tout de même dommage que l'habitude ait été prise de ne pas transcrire dans le projet de loi de finances certaines mesures du PLFSS, comme, par exemple, la revalorisation des pensions ou celle de la base mensuelle des allocations familiales. Cela représente, pour l'exercice qui nous intéresse, une différence de 300 millions environ ! En outre, les annexes du PLFSS prévoient une subvention au régime des exploitants agricoles inférieure de 500 millions à celle figurant au projet de budget, et ne soufflent mot du prélèvement de 1,35 milliard sur le produit de la CSSS !

Mon troisième point concerne précisément ce dernier prélèvement. Le BAPSA a été exclu, en 1996, de son affectation ; il en bénéficie néanmoins pour la troisième année consécutive, pour un montant à la fois croissant et notable. Si je constate avec satisfaction que, pour la première fois, cette affectation n'est pas proposée par voie d'amendement, mais par un article du projet lui-même, je constate aussi qu'il s'agit d'un provisoire appelé à durer, puisqu'il sera inévitablement réitéré l'an prochain, afin de financer la dernière étape du plan de revalorisation des retraites agricoles modestes, et même l'année suivante, si le Gouvernement décide effectivement de créer un régime de retraite complémentaire en partie financé par l'Etat. Ne pensez-vous pas qu'il vaudrait mieux clarifier la situation et mettre en conformité le droit avec la pratique ?

Cela m'amène à mettre en question l'existence même du BAPSA. Je plaide de longue date, vous le savez, pour sa disparition, dans la mesure où il est évidemment contraire à l'ordonnance organique de 1959, où il fait double emploi avec le PLFSS quand il ne le contredit pas, et où il ne transcrit que partiellement le régime des exploitants agricoles. J'observe d'ailleurs que le Rapporteur général me rejoint, puisque sa proposition de réforme de l'ordonnance organique prévoit notamment la suppression de tous les budgets annexes. J'ajoute que, contrairement à ce que pensent certaines organisations agricoles, l'existence du BAPSA ne garantit nullement la pérennité et l'équilibre du régime agricole, ainsi que le prouvent, a contrario, les autres régimes des travailleurs indépendants.

J'aborde maintenant la question de la nécessaire réforme des prélèvements sociaux qui pèsent sur les agriculteurs, et dont une grande partie est affectée au financement du BAPSA. L'ensemble de ces prélèvements représente en effet 20 % du revenu net d'exploitation, et ne diminuera, très légèrement d'ailleurs, en 2001, que par l'effet de la ristourne progressive de CSG et de CRDS, et à condition, d'une part, que ce revenu net progresse, et d'autre part que la TGAP ne pèse pas trop.

Le Gouvernement a proposé plusieurs mesures disséminées dans la première partie du projet de loi de finances et dans le PLFSS, tandis que la TGAP, dont le produit, estimé à 4 milliards, aura des incidences considérables sur certaines exploitations, figurera dans le collectif. Cette dispersion du dispositif est préjudiciable à sa clarté.

Si la réforme des cotisations techniques va dans le sens de la simplification, elle repose sur des choix contestables et, en outre, ne va pas assez loin. Ne laisser le choix aux exploitants qu'entre l'assiette triennale et l'année n-1, c'est prendre le risque de grandes difficultés en cas de crise conjoncturelle sectorielle : comment expliquer à un éleveur de bovins, qui va subir un lourd déficit en 2001, qu'il doit payer des cotisations ?

Enfin, le passage brutal de l'année n vers la moyenne triennale et vers l'année n-1 va se traduire par une grave accentuation de la pression sociale.

Par ailleurs, cette réforme ne va pas assez loin sur plusieurs points. Les périodes de référence des assiettes de la CSG sont alignées sur celles des cotisations sociales, alors que les assiettes elles-mêmes demeurent différentes. Je ne peux que m'associer à M. Cahuzac pour considérer qu'il faut mettre fin à cette différence injuste, dont la suppression ne coûterait d'ailleurs que 50 millions de francs. Mais, au-delà de ce petit ajustement, la véritable simplification serait d'aligner toutes les assiettes sociales sur l'assiette fiscale.

Ensuite, vous avez proposé, Monsieur le ministre, de supprimer la majoration de la cotisation minimale d'assurance maladie. C'est bien, mais ce n'est qu'une demi-mesure, puisque vous laissez subsister la cotisation minimale, qui ne touche évidemment que les revenus les plus modestes. Les exploitants concernés par cette assiette minimale sont doublement pénalisés : ils doivent acquitter une cotisation qui est plus que proportionnelle à leur revenu et ils sont exclus du bénéfice de la CMU complémentaire gratuite.

Enfin, ce que vous proposez pour les cotisations solidaires reste bien timide. La suppression de la cotisation de solidarité sur les exploitants à titre secondaire est une bonne chose, mais celle qui porte sur les associés ne participant pas aux travaux de l'exploitation présente aussi des défauts majeurs, au moins dans sa conception actuelle. Elle fait l'objet de beaucoup de fraudes et ne rapporte que 11 millions soit 0,01 % des ressources du BAPSA, alors que sa gestion coûterait 27 % de ce produit. Voilà le type du mauvais impôt, à supprimer de toute urgence.

Mme la Présidente - Il faudrait conclure.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial - Trois réformes de régime agricole demeurent en souffrance. Où en est la réforme des accidents du travail ? Et la mise en place d'un régime de retraite complémentaire ? Quid enfin de la mensualisation des retraites ? Avec la suppression du BAPSA, elle ne coûterait plus que 245 millions de francs.

Trois mots encore. L'affiliation des exploitants agricoles reste trop souple et il serait utile de rapprocher les fichiers.

En Corse, enfin, la situation s'améliore très lentement, mais la commission régionale que vous avez créée pour examiner les cotisations non recouvrées ne laisse pas de faire regretter que vous ne vous soyez pas inspiré plutôt du rapport de certain député membre d'une commission d'enquête (Sourires).

Le point positif de ce budget, est la poursuite de l'amélioration des petites retraites. Elle a conduit le rapporteur à s'abstenir, tandis que la commission approuvait ces crédits, sous réserve d'un amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Félix Leyzour - Ce budget prend un relief particulier dans le contexte actuel, sur fond d'inquiétude générale des consommateurs, des éleveurs et des salariés de la filière agroalimentaire.

Le budget de l'agriculture et de la pêche, qui s'élève à 29,6 milliards de francs ne représente qu'une partie des concours publics à ces deux secteurs d'activité, lesquels se montent à plus de 173 milliards si on ajoute au budget les concours européens et le BAPSA.

Cet effort se justifie par tout ce que représente l'agriculture, qui nourrit la population, participe à l'équilibre de nos échanges, entretien l'espace -et aussi par la nécessité de reconnaître la contribution passée des retraités actuels.

Sur les 29,6 milliards de ce budget, 33 % vont au personnel, 7 % au fonctionnement, 6 % aux interventions et 4 % à l'investissement. Au total, on constate une progression apparente de 2 %, qui n'est en réalité que de 0,6 % à périmètre constant. Quatre priorités ont été retenues : contrôle et promotion de la qualité, plan de développement rural national, soutien à la forêt, enseignement agricole.

S'agissant d'abord de la seconde priorité, 2,9 milliards sont affectés aux offices ; la dotation à la POA augmente de 5 % et celle du troupeau allaitant de 14 %. Les CTE, créés par la loi d'orientation agricole, représentent la pièce maîtresse du plan de développement rural national. Un certain retard ayant été pris, du fait de l'examen du dispositif par la Commission européenne, et aussi sans doute à cause du caractère novateur de la démarche, les reports de crédits sont importants. Je ne doute pas que vous sachiez pousser les feux désormais, et rester vigilant, Monsieur le ministre.

Le plan de soutien à la forêt se traduira l'an prochain par une hausse de 33 % de crédits.

Quant à ceux de l'enseignement agricole, ils s'accroîtront de 2,7 %. Sur 933 emplois de titulaires, -dont 600 au titre de la « déprécarisation »-, 600 reviennent à l'enseignement. C'est un effort que nous apprécions.

Les actions relatives au contrôle et à la promotion de la qualité, ô combien prioritaires, voient leur dotation accrue de 22 %, en particulier pour la lutte contre les maladies animales et le dépistage de l'ESB, ainsi que pour la bio-vigilance à l'endroit des OGM. Les moyens de l'AFSSA progressent par ailleurs de 7,4 %. La sécurité alimentaire est un droit. Certes, ce que l'on consomme aujourd'hui est globalement plus sain que ce que l'on consommait autrefois -il reste néanmoins des dysfonctionnements divers, dus parfois à la fraude ou à la négligence, mais sur fond de pression permanente sur les coûts de production et de fabrication. Ce qui s'est passé récemment, chez Carrefour notamment, aura montré que, si ces dysfonctionnements existent, la détection et la traçabilité fonctionnent -et l'on peut regretter que l'indispensable débat public ait été relégué à l'arrière-plan par une campagne d'inquiétude.

Deux propositions font aujourd'hui débat : dépistage systématique de l'ESB ; suppression totale des farines animales dans la nourriture des animaux, et donc incinération des carcasses. Sachons dire d'abord qu'aucune de ces deux mesures ne fera disparaître la maladie entièrement, du jour au lendemain. Il y a six mois, la commission d'enquête avait préconisé plusieurs mesures : établissement d'une liste des ingrédients autorisés ; séparation nette des sites de fabrication des farines et des sites de transformation des produits d'équarissage ; définition de normes précises d'étiquetage et de traçabilité ; stricte séparation des activités, dans toute la chaîne de production et de commercialisation, pour éviter les contaminations croisées ; interdiction, enfin, de l'importation de farines qui ne répondraient pas à ces critères. On le sait, en effet, même si on ne le dit pas : la situation n'est pas toujours, ailleurs, ce qu'elle est en France, et les mesures prises sont loin d'être partout aussi strictes.

Les travaux de la commission devraient contribuer à éclairer les décisions du Gouvernement, dans l'intérêt des consommateurs, des producteurs honnêtes et des salariés de l'industrie agro-alimentaire.

J'en viens au BAPSA. Le plan pluriannuel de relèvement des retraites les plus faibles est en cours, je ne l'ignore pas, et des améliorations ont été apportées depuis 1997. Il n'empêche que les retraites agricoles, même revalorisées, demeurent si basses que des dizaines de milliers de pensionnés vivent dans les plus grandes difficultés. Par ailleurs, le système est si compliqué qu'il en est devenu incompréhensible. En outre, la croissance revenue donne les moyens d'accélérer la revalorisation des retraites, et en particulier celle des agriculteurs. J'ai d'ailleurs noté avec satisfaction que les formations de la gauche plurielle se sont déclarées favorables à un plan de revalorisation des petites retraites. L'occasion nous est donnée de traduire cette intention dans les faits.

En dépit de ces critiques, le groupe communiste, qui souhaite aller de l'avant, votera ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. François Sauvadet - Nous abordons l'examen de ce budget dans un contexte inédit. Rien de surprenant à ce que tous les groupes politiques aient interrogé le Gouvernement sur les mesures qu'il entendait prendre pour remédier à la terrible crise qui affecte les éleveurs et, plus largement, toute la filière bovine. Outre qu'elle est inquiétante, la situation est paradoxale, puisque notre pays, la pointe en matière de sécurité alimentaire, est pris dans une véritable tempête. Les producteurs de viande de b_uf sont victimes de ceux qui ont lancé le slogan de la « malbouffe ». La responsabilité de ceux-là est immense.

M. Germain Gengenwin - Très juste !

M. François Sauvadet - Déjà, on parle d'une chute de 30 % de la production en France, mais l'on ne dit rien encore du marasme qui va frapper nos exportations, vers la Pologne et, surtout, vers la Russie.

Si nous en sommes arrivés là, c'est que vous avez laissé dériver les choses, vous limitant à renvoyer la décision à l'AFSSA alors qu'une décision politique s'imposait. De fait, vous en êtes toujours à recommander des études qui auraient dû être faites il y a déjà dix huit mois. Souvenez-vous des préoccupations que nous avons exprimées devant votre acceptation, à Bruxelles, du « principe de réalité » ! Sans aucun doute il fallait faire davantage pour mettre un terme à l'insécurité sanitaire.

A présent, des mesures urgentes s'imposent. Même si les moyens sont limités, il faut procéder à un dépistage plus systématique de l'ESB, en prenant pour cible les animaux nés avant 1996. Tel est le prix du retour à la confiance, et ce ne sont certes pas les 100 millions supplémentaires affectés, dans votre budget, à la sécurité alimentaire, qui répondront aux besoins. Que dire, d'autre part, d'une augmentation du budget « recherche » limitée à 0,8 % ? C'est très insuffisant ! Plutôt que de se répandre en cadeaux lourds d'arrière-pensées électoralistes, le Gouvernement aurait été mieux inspiré de consacrer les moyens supplémentaires que lui offrait la reprise économique au dépistage.

Sur le plan européen, vous n'avez pas su convaincre nos partenaires de s'engager dans la voie d'un contrôle et d'une transparence harmonisés. Où en est donc l'agence européenne de sécurité alimentaire ? Et quelles mesures allez-vous prendre pour empêcher l'importation de farines carnées en provenance de pays qui n'assurent pas les contrôles indispensables ?

J'en viens aux CTE, dont vous avez voulu faire le c_ur de votre politique, et à leur financement. Je vous rappelle notre opposition au principe même de la modulation des aides. Je vous rappelle aussi que nous nous étions élevés contre la procédure administrée que vous comptiez mettre en _uvre. Vous vous étiez déclaré convaincu que le dispositif fonctionnerait. Un an plus tard, on constate que si quelque chose a fonctionné, c'est le prélèvement sur les zones intermédiaires, qui a principalement touché des filières aujourd'hui malmenées et dont nous aurons, demain, le plus grand besoin pour compenser l'abandon des farines carnées dans l'alimentation animale -je pense, en particulier aux oléoprotéagineux.

Mais si un milliard a effectivement été prélevé avec célérité, l'échec est patent pour le reste. Vous nous annonciez la signature de 50 000 CTE avant la fin de l'année 2000 ; nous en sommes à 1 500 au mieux, soit 3 %. Vous ne vous faites d'ailleurs aucune illusion pour la suite, puisque votre projet de budget ne prévoit que 400 millions pour le FFCTE, contre 950 millions l'an dernier. Comment comptez-vous donc procéder pour remplir les objectifs que vous vous étiez fixés ? Comment allez-vous organiser la modulation ?

Comment allez-vous mobiliser les fonds européens correspondants ? Et qu'allez-vous faire avec la cagnotte que vous avez constituée en prélevant 1 milliard au titre d'une modulation qui est loin d'avoir produit les effets que vous espériez ? A toutes ces questions, j'aimerais des réponses précises, Monsieur le ministre.

J'ai en effet le sentiment que, désormais, vous pilotez à vue. N'avez-vous pas laissé entendre, lorsque vous avez été entendu par la commission de la production, que ceux qui ont des revenus inférieurs aux compensations devraient se diriger vers une autre activité ?

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Le sujet est trop sérieux pour tolérer la caricature, et je sais M. Jacob enclin aux communiqués polémiques

M. Christian Jacob - Je n'ai encore rien dit !

M. le Ministre - Dit, pas encore, mais je vous ai lu ! Si la caricature qui vient d'être brossée était vraie, c'est-à-dire si des agriculteurs percevant une aide publique supérieure à 200 000 F avaient des revenus inférieurs au SMIC, nous devrions en effet nous interroger, tous autant que nous sommes : Gouvernement, Parlement et producteurs !

Je n'ai jamais tenu les propos que vous m'imputez.

M. Christian Jacob - Ils figurent au compte rendu des travaux de la commission.

M. le Ministre - Non ; je l'ai relu et n'en ai pas trouvé trace. Ce que j'ai dit, en revanche, c'est que la question de la redistribution des aides se poserait inéluctablement.

M. François Sauvadet - Je ne peux pas vous laisser poursuivre le mauvais raisonnement que vous avez tenu devant la commission de la production. Je vous fournirai les chiffres des centres de gestion ! Vous oubliez que les aides sont d'abord des compensations économiques. Je rappelle que le cours du blé s'établit aujourd'hui à 65 F le quintal, contre 120 F il y a dix ans. En ce qui concerne les installations de jeunes, dont vous continuez à accompagner la décroissance, leur nombre a chuté de 35 % en trois ans. Nous sommes passés de 10 000 installations aidées en 1997, grâce à la charte de l'installation de votre prédécesseur, à moins de 7 000. Ceci est le résultat de l'absence de lisibilité de votre action. Vous commettez en outre l'erreur d'opposer les diverses catégories d'agriculteurs entre elles. Quant au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, il fallait effectivement le réorienter, mais sans oublier que des centaines de dossiers de mise aux normes sont en attente faute de financement. Les quelques dispositions que vous prévoyez sont à cet égard insuffisantes. Pendant ce temps, le produit de la TGAP sert à financer les 35 heures. Il est tout de même paradoxal que le produit de la fiscalité écologique n'ait aucun retour sur l'environnement ! S'agissant des retraites, le rattrapage engagé, je le rappelle, par votre prédécesseur, devrait s'accélérer. Je termine par l'enseignement, qui a fait l'objet d'un effort. Cependant, comme l'an dernier, je souhaite une réflexion sur les formations elles-mêmes, puisqu'il y a des demandes dans des filières nouvelles. Il faut aussi soutenir l'enseignement agricole privé, notamment par les formations en alternance, dont il faut aider les familles à supporter le coût.

Pour la forêt enfin, il était nécessaire de dégager des moyens à la suite de la tempête. Mais, hormis en matière de transports, les aides se font attendre sur le terrain. Comme vous l'avez compris, nous ne voterons pas votre budget, et nous continuerons à combattre votre conception redistributive et archaïque de la politique agricole (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Michel Vergnier - Vive le productivisme !

M. Germinal Peiro - Le problème des retraites agricoles touche plus de 2 millions de nos concitoyens. Nos agriculteurs sont victimes d'un système défaillant du fait de sa mise en place tardive -en 1952 et 1955-, de la faiblesse de ses contributions et du rapport démographique défavorable entre actifs et retraités. Fidèle à ses engagements, le gouvernement Jospin s'attache à réformer ce régime depuis 1997. Les agriculteurs concernés sont souvent des personnes seules. Avec Louis Le Pensec, le Gouvernement a mis en place un plan pluriannuel qui devrait permettre à terme de porter les retraites des personnes seules comme des couples au niveau du minimum vieillesse. Ce plan demande un effort budgétaire supplémentaire de 1,6 milliard en 2001 et 2,2 milliards en 2002, et représente 22 milliards sur la législature. Il est satisfaisant pour les retraités ayant cotisé entre 32 ans et demi et 37 ans et demi, ou plus de 27 ans et demi s'ils ne perçoivent qu'une seule pension. En revanche, les retraités ayant cotisé moins de 32 ans et demi ou percevant plusieurs pensions se voient privés de cette revalorisation. Il faudrait donc abaisser le seuil de la mesure, comme cela a été fait pour ceux qui perçoivent une seule pension.

Enfin, il faut un régime complémentaire obligatoire par répartition pour les agriculteurs ; les syndicats en sont d'accord et les intéressés pourront ainsi à terme percevoir 75 % du SMIC. Nous attendons la décision de principe du Gouvernement. En attendant, nous approuvons ce nouveau pas en avant que constituent le budget et le BAPSA 2001 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Rebillard - Je ne vous étonnerai pas en commençant par évoquer la crise de la vache folle, dont le réveil influe sur ce budget préparé dans un contexte tout différent. Néanmoins, il est l'occasion de rappeler votre action en matière de sécurité sanitaire et de prévention des risques, et des mesures de relance de la consommation de viande bovine. Depuis plusieurs années, vous avez réorienté l'agriculture vers la multifonctionnalité et la qualité. Encore faut-il que cette volonté politique puisse se concrétiser. Malheureusement, les résistances au changement sont fortes, et c'est avec tristesse que nous constatons que ce sont les crises qui favorisent aujourd'hui le changement.

Ce budget de 29,6 milliards est en augmentation de 2 %. La présentation d'un budget augmenté des 67 milliards venus de la Communauté européenne refléterait cependant mieux l'effort fourni en faveur de l'agriculture française. Nous savons que vous vous battez pour nos agriculteurs à Bruxelles, comme en témoigne la négociation récente du plan de développement rural national, mais un effort d'explication pédagogique serait nécessaire.

Ne figurent pas dans ce budget les mesures d'allégement fiscal qui portent sur 3 milliards de francs, ou les mesures arrêtées lors de la conférence du 24 octobre 2000 avec les organisations professionnelles agricoles. Le dialogue avec elles a permis des avancées qu'il s'agisse de soutenir l'élevage ovin ou de prolonger la durée de l'allégement des charges sociales pour les jeunes agriculteurs. Vous avez, d'autre part, su utiliser certains reliquats de crédits pour prolonger le financement du FIA dans les régions où les initiatives avaient été les plus performantes.

Les crédits pour les contrats territoriaux d'exploitation sont portés à 1,2 milliard. Sur le terrain, je constate un fort intérêt des agriculteurs pour le CTE, mais les signatures ne suivent pas toujours car la complexité des contrats types et la menace d'un contrôle administratif tatillon en découragent plus d'un. Monsieur le ministre, lors de votre audition en commission, vous vous êtes déclaré partisan d'un nombre très limité de contrats types. Or, on en compte plus de 300, ce qui handicape fortement le démarrage des CTE. Nous vous demandons donc d'être le ministre de la simplification administrative. Si l'on veut la réussite du CTE, il faut s'en tenir à quelques critères simples comme les taux de chargement, les doses maximales de fertilisant ou l'adhésion à des démarches de qualité dûment certifiées.

Et c'est dans les domaines où l'agriculture est la plus respectueuse de l'environnement, je pense en particulier à l'élevage bovin allaitant, que les démarches administratives sont les plus lourdes ! Il y a de quoi décourager les plus vertueux. Dans le secteur céréalier, par contre, un seul critère suffit pour arrêter le montant du soutien financier européen : celui de la surface. Il est donc grand temps de simplifier.

Autre dossier que je souhaite aborder : les petites retraites agricoles. Nous avons apprécié le plan continu de revalorisation qui a permis depuis quatre ans d'y consacrer 1,6 milliard supplémentaire en année pleine et nous nous réjouissons de l'annonce officielle de la mise en place d'une retraite complémentaire. Mais il faut compléter ces mesures par la mensualisation des retraites. Je vous ai d'ailleurs fait une proposition qui permettrait d'y consacrer 250 millions. Et je souhaite que nous puissions examiner au printemps prochain une nouvelle loi sociale agricole qui se fonde sur les rapports de Germinal Peiro, Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac et qui comporte trois piliers : la mensualisation, la retraite complémentaire et la réforme de l'assurance accident.

J'en viens aux conséquences de la maladie de la vache folle. Rappelons d'abord, Monsieur le ministre, qu'à votre initiative a été créée l'Agence Française de Sécurité Sanitaire, qui verra en 2001 ses crédits augmenter de 7 %. A votre initiative a également été lancée une grande opération de dépistage. En 2001, les crédits destinés au dépistage et au contrôle augmenteront de 100 millions. Toutes ces mesures sont de nature à remettre la filière bovine sur de bonnes bases. Mais une crise grave de confiance s'est instaurée et les consommateurs ne veulent plus des farines animales dans l'alimentation des animaux. Il faut donc les interdire très rapidement. Les députés du groupe RCV vous le demandent solennellement. Le coût en sera élevé mais inférieur à celui de la faillite de toute une filière.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Jacques Rebillard - Il nous faut d'ores et déjà envisager des mesures de soutien financier à la filière bovine : pour les éleveurs comme pour les professionnels qui, tels les boyaudiers, les bouchers ou les abatteurs, vont subir des pertes d'exploitation très fortes. Nous demandons donc dès ce budget la création d'un fonds d'indemnisation des conséquences de la crise de l'ESB.

Il faut aussi que des instructions soient données aux directions départementales des services vétérinaires pour qu'elles informent les responsables de cantines et que cesse la psychose.

Tout cela devra s'accompagner d'efforts d'harmonisation sur le plan européen, de contrôle des importations des produits carnés, de recherche sur le recyclage biologique des déchets organiques et d'une relance de la production des protéines végétales européennes.

Au bout du compte, la suppression des farines animales aura des conséquences favorables et conformes à vos orientations, Monsieur le ministre, en faveur d'une agriculture moins industrialisée. L'élevage des porcs et des volailles enregistrera sans doute des performances pondérales moindres. Mais la production de ruminants engraissés à l'herbe s'en trouvera, elle, revalorisée, et la notion de terroir renforcée. La grande distribution devra quant à elle, accepter de payer la qualité à son juste prix. Il est trop facile de culpabiliser les producteurs et de se décharger sur les transformateurs quand pendant des années le seul critère d'achat a été celui du prix le plus bas.

M. Germain Gengenwin - Très bien !

M. Jacques Rebillard - Sachons donc rebondir et tirer d'un mal un bien.

Vous l'avez compris, Monsieur le ministre, la contribution du groupe RCV se veut avant tout constructive. Les événements ont donné raison à vos analyses. C'est parce que nous croyons que vous pouvez être le ministre de la simplification administrative, celui qui portera une nouvelle loi sociale agricole et celui qui rétablira la confiance entre le citoyen-consommateur et l'agriculture que nous vous apportons notre soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Jean Proriol - Nous étions nombreux à regretter la baisse des crédits de l'agriculture l'an dernier. Cette année, la tendance semble s'inverser, avec une hausse de 2 % alors que la moyenne de la hausse des budgets civils de l'Etat n'est que de 1,6 %. Mais en réalité, à structures constantes, cette hausse doit être ramenée à 0,6 % car le milliard supplémentaire tient compte de l'inscription des cotisations patronales, qui figuraient jusqu'à présent au budget des charges communes.

Je voudrais pointer quelques insuffisances de ce budget et de votre politique, Monsieur le ministre. La première concerne l'installation des jeunes.

Devant la commission de la production, vous avez vous-même reconnu que le nombre d'installations des jeunes cette année -6 500 à 7 000- était en deçà de vos attentes. Depuis 1997, elles ont diminué de 35 % ! Quel bilan ! Or, les crédits de dotations d'installation sont simplement reconduits. Dans ces conditions, comment comptez-vous redresser la courbe et susciter plus de vocations ? Vous savez aussi bien que moi les mesures qu'il faudrait prendre pour cela : exonération de 25 % des charges sociales pour les jeunes agriculteurs, exonération de l'imposition des plus-values lors de la transmission d'une exploitation à un jeune, mise en place de prêts à taux bonifiés à 1 %, abattement sur le revenu imposable durant les cinq premières années... Nous ne les voyons pas venir.

En 1999, le Parlement votait la loi d'orientation agricole, dont l'article 141 prévoyait la parution d'un rapport gouvernemental sur « les adaptations à apporter à la fiscalité des exploitants agricoles et au mode de calcul de leurs cotisations sociales, afin de lever les obstacles à l'installation ». Ce rapport est paru sous la signature de Mme Marre et M. Cahuzac. Pourquoi ne pas avoir repris certaines de leurs propositions telles que celle tendant à exonérer de l'imposition sur les plus-values l'exploitant qui cède son entreprise agricole à un jeune ? Pourquoi ne pas avoir supprimé l'assiette minimum de cotisation maladie ?

La fiscalité est un outil efficace pour aider à l'installation des jeunes. Quoi de mieux qu'une loi de finances pour le mettre en place ?

Deuxième insuffisance : les contrats territoriaux d'exploitation.

Annoncés comme la mesure révolutionnaire et la pierre angulaire de la loi votée en juillet 1999, leur mise en place s'est faite à grand renfort de trompettes, les préfets étant mobilisés pour la cérémonie des rares signatures ! L'échec est cinglant puisque seulement 1 534 CTE ont été signés. On est loin des 50 000 CTE annoncés par le Premier ministre le 21 octobre 1999.

M. le Ministre - Les chiffres ont augmenté.

M. Jean Proriol - Cet échec est la preuve de l'écart entre les mécanismes mis en place par le Gouvernement et les attentes des agriculteurs.

Troisième insuffisance : la politique de promotion des produits. En effet, les crédits affectés à ce chapitre diminuent une fois de plus, alors que chaque année nous attirons votre attention sur la nécessité d'une aide, en particulier pour les PME exportatrices.

Les aides de l'Union européenne allouées à la France sont deux fois supérieures au budget de votre ministère et progressent de 3 milliards, mais cela n'exonère en rien le Gouvernement français de ses devoirs envers le monde agricole et les agriculteurs.

J'en viens au sujet qui fait la une de l'actualité : la sécurité alimentaire.

Le principe de précaution devrait conduire à suspendre toute utilisation des farines animales en attendant le verdict des experts et de l'AFSSA, le Gouvernement assumant les conséquences de ce retrait sur l'ensemble de la filière.

Je voudrais aussi évoquer les autres secteurs en crise.

Dans la filière porcine, une réforme de l'organisation commune de marchés est nécessaire. Dans la filière avicole aussi.

La création d'une OCM pour le secteur ovin est très demandée. Qu'en est-il du colloque européen sur ce sujet auquel vous deviez participer ? Qu'en est-il encore des ICHN, indispensables à la survie de l'agriculture de montagne, et du PMPOA, si attendu mais encore incertain ?

Avez-vous lancé une étude sur l'application des 35 heures dans les exploitations agricoles ? Quels chiffres, selon vous, permettront de résoudre cette équation ?

Les crédits de l'enseignement technique agricole public augmentent de 10 %, ce qui est bien, mais ceux du privé de 2 % seulement...

Mon propos sur la pêche a été préparé par Aimé Kerguéris, empêché aujourd'hui par un malaise et auquel nous adressons tous, je pense, des v_ux de rétablissement.

Les crédits d'intervention pour la pêche augmentent de plus de 7 %, donc substantiellement. Mais une lecture attentive révèle que ce mouvement est destiné pour l'essentiel à financer nos obligations de sortie de flotte, c'est-à-dire de retraits de bateaux, imposées par le POP IV. Vous-même, en commission, avez admis que le plan est largement inefficace, et impopulaire, et qu'il fallait donc le faire évoluer. Son principal défaut est d'organiser des destructions de navires, alors qu'il nous est indispensable de maintenir une flotte de pêche suffisante. Il serait inconcevable que le Gouvernement ne défende pas notre secteur de pêche, sa tradition et son économie.

La subvention à l'OFIMER n'augmente que de 0,2 % en raison, avez-vous expliqué, de la situation financière favorable de cet organisme et par la difficulté de prévoir en début d'exercice les crédits nécessaires. Pourtant nous réclamons depuis longtemps une véritable traçabilité des produits de la mer, donnant au consommateur une information complète. Comment y parvenir dans ces conditions ? La loi d'orientation du 18 novembre 1997, avec la création de l'OFIMER, avait pourtant fait naître de réels espoirs.

Au plan européen, une nouvelle OCM entrera en vigueur le 1er janvier 2001, comportant l'établissement d'une véritable traçabilité des produits de la pêche. Quelle sera la position de la France lors des négociations de la prochaine politique commune des pêches face aux appétits de nos voisins ?

Ces derniers mois, des événements graves ont touché de plein fouet nos pêches et notre aquaculture. A situation exceptionnelle, remède exceptionnel ! Quels ont été les effets de la marée noire sur le secteur conchylicole, et comment le Gouvernement compte-t-il y remédier ?

Je rejoins entièrement Charles de Courson dans son analyse du BAPSA.

Après deux ans d'expérience ministérielle, nous aurions pu espérer que vous obtiendriez de vos collègues et de Bercy davantage de crédits. Il n'en est rien, et nous ne pouvons pas soutenir ce budget des occasions manquées (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. François Guillaume - Alors que vous présidez depuis juillet le Conseil des ministres européens de l'agriculture, la situation, dans le domaine de la sécurité alimentaire, est apocalyptique. Par vos déclarations aussi intempestives qu'imprécises, par exemple sur une troisième voie de contamination, vous avez joué l'apprenti sorcier, et vous ne pouvez plus arrêter la psychose.

Plusieurs députés socialistes - Chirac !

M. François Guillaume - Vous gérez la crise au coup par coup, sans autre logique que celle de tout détruire faute de tout savoir.

Plusieurs députés socialistes - Cela, c'est Chirac !

M. François Guillaume - Vos décisions mêmes vous sont dictées par les médias : le quatrième pouvoir s'est assis dans le fauteuil du premier !

Vous allez certainement interdire les farines animales, donc éliminer les 800 000 tonnes produites chaque année. Comment traitez-vous le problème de la dangerosité du stockage ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Par qui les farines seront-elles traitées, les cimentiers se montrant très réticents ?

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Excellente question !

M. François Guillaume - Envisagez-vous de remplacer ces farines par des protéines végétales, alors que l'accord de Berlin conduit à la diminution de la production oléagineuse ? Allez-vous recourir à des importations de soja, transgénique à 80 %, alors que vous êtes si hostile aux OGM que vous avez laissé détruire des essais de l'INRA sans protester ?

M. le Ministre - Pas du tout !

M. François Guillaume - Comment allez-vous gérer les conséquences commerciales de l'ESB ? La chute de la consommation est catastrophique, les revenus des producteurs vont immanquablement suivre. A l'exportation, nous sommes discrédités. La Russie, la Hongrie, la Pologne nous font successivement défaut.

Pour rassurer les consommateurs, on annonce des importations de viande américaine. C'est un comble ! Allez-vous révéler qu'elle est presque totalement hormonée et que les conditions d'abattage, aux Etats-Unis, sont archaïques ?

Face à ce drame, qu'avez-vous fait à Bruxelles ? A quand l'harmonisation des pratiques sanitaires ? Les Allemands et d'autres continuent à produire des farines d'équarrissage, rien n'empêche qu'elles soient exportées chez nous. Ne trouvez-vous pas suspect que ni l'Allemagne ni les Pays-Bas, qui importent la quasi-totalité de leurs aliments pour bétail, ne déclarent aucun cas de vache folle ?

M. le Ministre - Bonne question !

M. François Guillaume - Vous auriez été plus crédible si, au titre de la présidence française, vous aviez été aussi rigoureux à Bruxelles que vous affectez de l'être à Paris !

L'espoir que la présidence française veillerait à toute dégradation de la PAC a été déçu. A preuve l'annonce d'une réforme de l'OCM sucre préjudiciable à nos producteurs et en contradiction avec l'esprit de l'accord de Berlin. Allez-vous nous refaire le coup de 1992 d'une réforme de la PAC dans le sens souhaité par les Américains pour que, lors d'un prochain cycle, ils nous réclament encore des concessions supplémentaires ?

Certes, vous avez critiqué cette annonce de la Commission, dont vous dites n'avoir pas été averti. J'ai peine à le croire, car ce serait sans précédent. Je m'étonne aussi que l'annonce du nouveau programme américain d'aides aux « farmers » vous ait laissé de marbre. Vous n'êtes pas davantage monté au créneau face aux aides occultes aux exportations américaines. Votre passivité est de mauvais augure. Il vous reste un mois pour éviter que votre présidence ait été une présidence pour rien. Je le souhaite pour les intérêts français (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. François Liberti - Rappelons que la France dispose de la plus grande façade maritime et du plus grand nombre de ports de pêche au sein de l'Union européenne. Reste que l'économie de la pêche demeure d'une extrême fragilité, en raison notamment de la pollution, des mesures restrictives découlant des directives communautaires, des conséquences du coût du carburant...

Les mesures que vous avez prises et le sens de l'écoute dont vous avez témoigné face à la forte hausse du prix du carburant, ont permis de répondre à l'urgence avec efficacité.

Cela dit, le problème de fond reste à résoudre, par l'établissement d'un prix-campagne stabilisé, ou encore par la mise en _uvre de nouveaux procédés réduisant la consommation d'énergie.

Quant à la pollution marine, elle ne résulte pas du transport lui-même, mais des conditions dans lesquelles il s'effectue. Les catastrophes de l'Erika et de l'Ievoli Sun sont la conséquence d'un libéralisme à outrance, d'un dumping social, d'une concurrence sauvage, où les équipages sont sous-qualifiés et sous-payés, les navires usés jusqu'à la rouille, les contrôles et les pavillons de complaisance. Les mesures préconisées par Jean-Claude Gayssot pour éloigner de nos ports et de nos côtes les navires présentant un risque pour la sécurité et l'environnement permettront de structurer une réelle politique de sécurité maritime. Il faut que les Etats européens prennent la décision de les appliquer immédiatement.

Je n'ose imaginer les conséquences irrémédiables qu'aurait sur la ressource, dans une mer sans marée, une catastrophe comme celle que nous venons de vivre ! Nous devons nous doter de remorqueurs puissants et rapides, équipés de moyens de lutte anti-incendie et anti-pollution, les faire stationner en permanence dans des sites à risque de la Méditerranée, tels que Toulon ou Sète, pour les intégrer, à terme, dans un dispositif européen. Enfin, il importe de mieux coordonner l'action des divers prestataires de services portuaires dans le domaine de la sécurité et de lutte contre les pollutions ; les activités de pilotage, de remorquage et de laminage doivent être reconnues et défendues.

Si la loi d'orientation pour la pêche a codifié l'organisation des métiers de la mer, le volet fiscal manque encore, et en particulier la réforme de l'inscription au registre du commerce, réclamée par les organisations de la pêche artisanale. Le groupe communiste a déposé une proposition de loi rendant cette inscription facultative.

Le budget de la pêche augmente de 8 % ; c'est une bonne chose. Les crédits d'intervention progressent de 21,5 % ; cela va dans le bon sens. Les dotations de l'IFREMER sont en hausse de 4,4 %, et c'est positif. Cela dit, il faut d'autres mesures pour remédier au vieillissement de la flotte, qui constitue une menace sérieuse pour l'avenir du secteur comme pour la qualité des produits et la sécurité maritime. Il est important, en outre, que soit reconnue la spécificité de chacune de nos façades maritimes.

Trois observations pour conclure. Le passage de l'enseignement maritime sous statut public est une bonne chose, mais doit être accompagné des moyens nécessaires ; or, la dernière rentrée a été marquée par de nombreux incidents liés au manque de personnels enseignants et d'encadrement. Le même problème se pose aussi dans les quartiers des affaires maritimes et dans les régies de l'ENIM, ce qui ne permet pas de traiter les dossiers sociaux dans de bonnes conditions. Enfin, quelles suites seront données au rapport sur la bande côtière, qui révèle la fragilité et le manque de moyens des organisations professionnelles ?

Les députés communistes voteront le budget de la pêche pour 2001, qui répond à de nombreuses attentes de la profession et constitue un point d'appui pour la reconquête du milieu maritime français (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Pierre Micaux - Vous pensez, Monsieur le Ministre, que je vais vous parler de la forêt ? Eh bien non ! Ce sera pour la deuxième lecture de la loi d'orientation... (Sourires)

Les milieux agricoles et les communes rurales sont placés dans une situation délicate, voire critique, par la question des intrants épandus sur les terres cultivables. Si les communes sont productrices de boues d'épuration qu'elles doivent éliminer, les maires ont, de par la loi, la charge de faire cesser les pollutions de toute nature, et donc de s'assurer qu'on ne procède pas, sur le territoire desdites communes, à des épandages mettant en péril les ressources en eau et la santé publique. Quant aux agriculteurs, ils sont prisonniers d'un système qui tend à leur imposer d'accepter des boues issues de stations d'épuration urbaines, au risque de rendre difficilement écoulable leur production.

Le problème est devenu brûlant. Dans mon département, comme dans bien d'autres, les maires de plusieurs communes ont pris récemment des arrêtés d'interdiction de nouveaux épandages, au motif que les dispositions du décret de décembre 1997 et de l'arrêté de janvier 1998 n'étaient pas respectées. Le seraient-elles, d'ailleurs, que l'on pourrait douter qu'elles soient à la mesure des enjeux...

L'Académie de médecine, dans un avis de juin 1998, a considéré que les procédés d'épuration ne permettaient pas d'inactiver totalement certains agents pathogènes, tels les prions, et qu'il convenait par ailleurs de surveiller strictement la présence de métaux lourds et de micropolluants organiques dans les sols des zones d'épandage.

Il est devenu clair que les prescriptions techniques actuelles ne suffisent plus à rassurer les consommateurs. Ainsi, une autorisation préfectorale expresse n'est nécessaire que dans certains cas particuliers, et il n'est nullement prévu que les maires puissent demander des expertises et analyses complémentaires s'ils redoutent un risque sérieux pour la santé des habitants. Or, il est indispensable de porter la sécurité à son maximum si l'on veut éviter le blocage de la filière de valorisation agricole des boues.

Parmi les solutions alternatives figure l'enfouissement, mais celui-ci sera réservé, à partir de 2002, aux déchets ultimes, et la directive européenne du 26 avril 1999 prévoit en outre la réduction progressive de la quantité de déchets biodégradables enfouis. Il convient donc de définir les conditions dans lesquelles les boues doivent être traitées pour être considérées comme des déchets ultimes, non biodégradables. La méthanisation semble ouvrir une perspective intéressante, car elle coûte moins cher que l'incinération, engendre des recettes nouvelles et limite l'effet de serre. Il serait sans nul doute utile d'instaurer des incitations.

En toute hypothèse, nous attendons du Gouvernement qu'il prenne des initiatives résolues et concrètes pour faire face aux difficultés croissantes de l'agriculture à absorber les déchets produits par le monde urbain. La TGAP serait mieux employée à cela qu'à financer les 35 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. François Brottes - Je veux d'abord rendre hommage, Monsieur le Ministre, à celui qui, dans la bourrasque, ne plie ni ne rompt, malgré les tempêtes et les ouragans déchaînés sur son département ministériel : la forêt fut harcelée par les conséquences du réchauffement de la planète, la pêche subit des pollutions marines successives, et l'agriculture, malgré ses efforts de rigueur, de qualité et de transparence, parvient difficilement à surmonter les rumeurs irrationnelles. Votre pratique de la gestion des situations de crise, Monsieur le Ministre, appelle le respect : parce que votre parole est juste, honnête et transparente, elle est écoutée ; parce que votre méthode est franche et respectueuse du rôle de chacun, elle est responsable (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Ce ne sont pas les mesures prises pour redynamiser la filière bois et contrecarrer les effets de la tempête de décembre dernier qui me contrediront. En tant que rapporteur du projet de loi d'orientation et que président du groupe d'études sur la forêt, il m'a été donné de participer à bon nombre de colloques d'« après-tempête », et je voudrais vous dire à la fois ma confiance, mes inquiétudes et mes espoirs.

Ma confiance, tout d'abord : au-delà des drames que constituent les trop nombreux accidents mortels en forêt, au-delà de la détresse des forestiers qui ont vu saccagé le travail de plusieurs générations, au-delà du désespoir de nombreux petits propriétaires victimes de quelques négociants sans scrupules, au-delà des sirènes toujours puissantes, qui ne sonnent que pour nous annoncer que le pire est à venir, je crois que la tempête aura créé un déclic salutaire, afin de reconsidérer plus sereinement les pratiques sylvicoles à venir. Même si les analyses ont confirmé que ce sont bien les arbres qui offraient le plus de prise au vent qui sont tombés le plus facilement, il importait de le vérifier de manière scientifique pour éviter tout procès d'intention.

L'ampleur du plan national en faveur de la forêt aura permis de remobiliser les acteurs et de leur faire prendre mieux conscience des enjeux communs.

Le budget 2001 s'inscrit dans la continuité, après le grand pas accompli il y a un an. Les crédits s'accroissent encore de 30 % cette année, et pas seulement pour les secteurs touchés par la tempête. Vous ramenez par exemple à 5,5 % la TVA sur les travaux forestiers.

Je me permettrai de vous faire part, cependant de quelques préoccupations. Où en est la déduction des revenus professionnels des charges liées à la tempête ? Quid des propriétaires forestiers les plus défavorisés ? Quid de l'éligibilité des groupements au taux de TVA de 5,5 % ? Quid de l'ouverture des prêts bonifiés aux pépiniéristes ? Quid de la demande des scieries et des entrepreneurs de bénéficier de la provision pour investissement ?

M. François Sauvadet - Très bonne piste !

M. François Brottes - Enfin, où en est la discussion budgétaire avec l'ONF ?

Je terminerai cependant sur une note positive, pour me réjouir du lancement prochain de la « semaine du bois », dont j'espère qu'elle incitera de nombreux projets. Cette initiative devrait nous rappeler que le bois, matériau vertueux, est un matériau d'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Suchod - Le groupe RCV souhaite d'abord réaffirmer sa solidarité avec le Gouvernement, confronté à ce dossier très difficile du bannissement des farines animales. Nous souhaitons que le pays ne cède pas à la panique, et nous approuvons votre décision de confier à l'AFSSA le soin d'évaluer les risques. Dans le précédent budget, vous avez obtenu 9,6 millions de crédits supplémentaires pour l'AFSSA, cette tendance devra évidemment continuer.

Mais je voudrais parler d'abord du BAPSA et des retraites agricoles. Nous approuvons les mesures nouvelles décidées dans le cadre du plan pluriannuel, mais la revalorisation décidée cette année pour les retraites n'est-elle pas trop modeste ? Nous aurions souhaité qu'on ne se borne pas aux 1,3 milliard rendus disponibles par l'évolution spontanée. Nous n'avons plus que deux budgets avant la fin de la législature.

Un député RPR - Ce n'est pas sûr !

M. Michel Suchod - La dissolution a montré ses limites !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial - Ça dépend, on n'est fixé qu'après coup !

M. Michel Suchod - Charles X non plus n'avait pas lieu de s'en féliciter !

Pour arriver au bout des prévisions du plan gouvernemental, il manque encore 181 F par mois pour un chef d'exploitation, 393 F pour les veuves, 312 F pour un conjoint, soit au total 1,9 milliard de francs que nous trouverons l'an prochain. Mais un coup de pouce ne serait-il pas possible ? Les services rendus depuis 50 ans par les agriculteurs, tout comme les promesses faites, le justifieraient. Bien sûr, nous approuvons le projet de retraite complémentaire et souhaitons la mensualisation des retraites agricoles.

S'agissant du budget de l'agriculture, je vous félicite de votre politique forestière. Depuis les événements climatiques de l'an dernier, les crédits ont progressé de 33 %, et j'ai particulièrement apprécié les décrets d'avances que vous avez obtenu en janvier-février, ainsi que le collectif du 13 juillet -vous avez obtenu près d'1,3 milliard de francs au total. Nous avons aussi eu le plaisir de voter en première lecture la loi d'orientation forestière.

Je vous accorderai aussi un satisfecit pour la mise en _uvre de la LOA. Plus de 2 000 dossiers de CTE ont été examinés, 1 500 déjà signés, dont certains l'ont été par vous-même, Monsieur le ministre, lors de votre venue en Dordogne. Aujourd'hui 50 000 agriculteurs travaillent sur leur CTE, qui leur procureront en moyenne 210 000 F d'aides sur cinq ans. Cette formule a un grand avenir, car elle valorise le caractère multifonctionnel de l'agriculture et appelle à la concertation. Si les crédits baissent de 950 à 450 millions, cela est dû à des reports de l'an dernier, les premiers crédits ayant été, forcément indicatifs.

Un mot enfin sur les installations. 8 000 sont aidées chaque année, il en faudrait encore davantage. Mais je me félicite que l'installation puisse être progressive.

Votre budget contribuera en tout cas à préserver l'avenir de notre agriculture et de notre secteur rural.

M. Louis Guédon - Le budget de la pêche, qui s'établit à 182,575 millions, contre 190,575 millions l'année dernière, est le parent pauvre de votre ministère.

M. René Leroux, rapporteur pour avis de la commission de la production pour la pêche - N'oubliez pas le budget de la mer !

M. Louis Guédon - Or, l'examen de ce budget en régression commence quelques semaines après les manifestations consécutives à la hausse du coût des carburants. Le Gouvernement, me direz-vous, a diminué les charges de l'ENIM et les taxes portuaires. Pour autant, la satisfaction des marins n'est pas totale, non seulement parce qu'il s'agit de mesures prises à titre provisoire mais aussi parce qu'elles ont des effets très différents selon le type de navire considéré. Quant à l'allégement des taxes portuaires, il tarde à se mettre en place.

Par ailleurs, les travaux d'infrastructures portuaires, qui relèvent de l'aménagement du territoire, ne peuvent être laissés à la charge de professionnels confrontés à une crise grave ; ils doivent être supportés par le budget de l'Etat.

Le mareyage, maillon essentiel de la commercialisation, est en très grande souffrance, et les mesures précédemment décrites ne lui ont apporté aucun avantage. L'an dernier déjà, j'avais dénoncé sa dramatique absence de trésorerie.

Quant à l'aspect social de votre budget, il est désespérant. Je n'y ai pas trouvé les créations de postes d'enseignants indispensables aux écoles de pêche pour lutter contre la baisse des effectifs. Comment assurer aux jeunes une formation de qualité comparable à celles offertes pour des carrières à terre ?

La volonté d'endiguer la crise des vocations n'apparaît pas.

M. René Leroux, rapporteur pour avis - De telles mesures figurent dans le budget de la mer !

M. Louis Guédon - Par ailleurs, les attentes des femmes de marins peinent à trouver réponse. Leur formation d'insertion, prévue par la loi, est bien longue à venir. Ce sont souvent les collectivités locales ou territoriales qui, à nouveau, prennent à leur compte ce dossier, y compris dans les départements où ce secteur représente 10 % de l'activité économique. La pêche ne profite en rien de la croissance retrouvée.

L'application des POP laisse notre flottille vieillir, conduit à la spéculation sur de vieux navires et nuit à la sécurité de nos marins.

Nous nous réjouissons donc de voir le Gouvernement nous rejoindre enfin pour demander leur suppression et suivre les professionnels qui réclament, avec un grand sens des responsabilités, l'application des quotas. Ce faisant, ils protègent la ressource, maintiennent l'outil de travail et autorisent la poursuite d'une politique sociale.

Il convient de dénoncer les mesures de renouvellement de la motorisation et dire nettement que l'obligation de diminuer de 30 % la force motrice est suicidaire, d'autant que la France a accumulé un grand retard.

Je n'ai pas davantage trouvé dans votre budget, Monsieur le ministre, de quoi calmer les inquiétudes de nos conchyliculteurs qui ne pourront supporter une nouvelle fermeture des parcs après une pollution maritime, ni connaître à nouveau les angoisses des remboursements auprès du FIPOL.

J'aurais aussi aimé voir mentionner des moyens de lutte significatifs contre les algues dévastatrices.

La pêche française est en crise, elle doit être défendue sans attendre que nos marins soient à nouveau dans la rue. Votre budget ne répond ni à l'attente des jeunes, ni à celle des professionnels, ni à celles des consommateurs. C'est pourquoi nous ne pourrons le soutenir (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Michel Vergnier - Alors que s'engage la discussion du budget de l'agriculture, plusieurs enquêtes disent la défiance des consommateurs à l'égard des productions agricoles, défiance due à des crises successives qui font peser une suspicion générale sur des pratiques pourtant diverses. Il ne faut pas accabler les producteurs pour des maux dont ils ne sont ni responsables ni coupables mais dénoncer un système de production qui a sacrifié la sécurité alimentaire sur l'autel de la rentabilité. Certains propos indignent quand ils sont tenus par des gens parfaitement au courant des mécanismes en vigueur. Je prendrai comme seul exemple celui de M. Guillaume, qui a posé d'excellentes questions en se gardant bien de leur apporter les vraies réponses.

Qui, sinon le Président de la République, déclarait en 1996 qu'« il faudrait parler de presse folle plutôt que de vaches folles », affirmant qu'il n'existait « aucun témoignage scientifique fiable » du risque de transmission de l'ESB à l'homme et incitant la presse à « un peu de modération et de responsabilité » ?

M. Christian Jacob - On peut reprendre cette expression en termes identiques : c'est bien de modération et de responsabilité que nous avons besoin.

M. Michel Vergnier - M. Guillaume nous a montré ce dont il était capable en matière de modération et je ne doute pas que vous suivrez son exemple.

M. Christian Jacob - Naturellement.

M. Michel Vergnier - Il est essentiel de retrouver la confiance des consommateurs et d'apaiser les craintes des agriculteurs. Ce sont les ambitions de votre budget, Monsieur le ministre. Mais à quoi bon renforcer l'action publique sans réformer le système de production qui est à l'origine des risques que nous cherchons à réduire ?

Il existe, on le sait, plusieurs agricultures possibles, selon que l'on décide de favoriser la production et elle seulement ou que l'on s'attache à produire toujours plus pour gagner toujours plus -ce qui conduit à une impasse. L'autre option, c'est de produire mieux pour gagner davantage. On rappellera, à cet égard, l'intéressante idée lancée par certains jeunes agriculteurs et qui se résumait assez bien par le slogan « plus de voisins, moins d'hectares ». Or certaines mesures prises par les CDOA sont contraires aux intérêts de la profession.

Le Gouvernement a pris des mesures convaincantes, en créant les CTE.

M. Christian Jacob - Avec quels résultats ?

M. Michel Vergnier - Au lieu de vous délecter des lenteurs inhérentes à la mise en _uvre d'un nouveau dispositif, que ne vous demandez-vous plutôt si c'est un bon outil ?

M. Christian Jacob - Ce n'est pas un bon outil !

M. Michel Vergnier - Mais ne prétendez pas représenter tous les agriculteurs français à vous seul ! Votre unique pensée est « pourvu que le Gouvernement échoue » ! Est-ce vraiment la meilleure façon de défendre la profession ?

Cela étant, le dispositif doit absolument être simplifié, Monsieur le ministre, car sa complexité est parfois décourageante. Il faut, d'autre part, coupler les CTE et les politiques de protection de l'environnement et revoir, aussi, les modalités de mise en _uvre du PMPOA.

Les orientations du budget sont bonnes. En tant qu'élu d'un département où l'agriculture compte pour 23 % de l'activité économique, où producteurs et retraités agricoles sont nombreux, je ne peux que le soutenir et je le ferai de grand c_ur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Paul Nunzi - La filière « fruits et légumes » connaît, depuis plusieurs années de très graves difficultés récurrentes, qui menacent l'équilibre de vastes bassins d'emplois.

Les dispositions prises au cours des dernières campagnes démontrent que le Gouvernement a conscience des enjeux économiques et sociaux liés au devenir de la filière et notamment au secteur arboricole.

Mais, pour nécessaires qu'elles soient, ces mesures ne sont que conjoncturelles. Elles ne peuvent donc suffire à garantir la pérennité de la filière.

Le plan pluriannuel de restructuration de l'arboriculture constitue une nouvelle étape du redressement et de la réorganisation attendue par les professionnels. Il serait donc nécessaire que ses modalités d'application, notamment celles qui visent à la modernisation du verger soient très rapidement proposées aux producteurs, avant l'époque de la taille.

Le renforcement d'une organisation économique et commerciale collective et la poursuite d'un véritable dialogue interprofessionnel restent cependant les meilleurs garants du succès, à terme, de la filière « fruits et légumes ».

Dans cette perspective, il est urgent que la réforme de l'OCM engagée en 1996 soit adaptée aux besoins actuels. En effet, plusieurs difficultés techniques en limitent actuellement la portée et l'efficacité.

Dans ce contexte, il faudrait que la révision des OCM fruits et légumes intervienne avant la fin de la présidence française. L'avenir de la filière en dépend. Quant à la crise bovine, elle amoindrit la confiance dans une filière encore trop touchée par la fraude. Pour la rétablir, il faut interdire les farines animales et renforcer les contrôles dans les abattoirs et les sanctions, ce qui demande des moyens budgétaires supplémentaires. Les réactions de nos concitoyens révèlent une quête de transparence qui ne peut qu'encourager votre action (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Jacob - Le calme et la sérénité qu'il convient d'opposer à la crise de la vache folle n'empêchent pas de prendre avec détermination les mesures qui s'imposent. Loin de céder, comme vous, à la tentation de la polémique, je poserai simplement des questions. Etes-vous décidé à interdire les farines animales dans l'alimentation de toutes les espèces ? Si oui, il faudra produire des protéines végétales pour les remplacer, sans recourir aux importations. Cela nécessiterait 800 000 hectares de cultures, ce qui est possible sur le plan technique. Mais il s'agit là d'une décision politique, qu'il vous appartient de prendre. Etes-vous favorable à la généralisation des tests, qui coûtent environ 114 F par animal, à tous les animaux abattus, et à un véritable soutien à l'ensemble de la filière bovine ? Le Gouvernement a beaucoup bavardé ces derniers jours, sans apporter la moindre réponse à ces questions, alors que nos voisins européens s'apprêtent à appliquer un embargo sur la viande française ! Vous en êtes responsables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

Sur l'installation des jeunes, je citerai les chiffres de votre ministère : une progression de 15 % entre 1995 et 1997, lorsque Philippe Vasseur était ministre, une chute de 30 % depuis, avec la remise en cause de la charte. Sur les contrats territoriaux d'exploitation, vous subissez un échec cinglant, puisque vous ne réalisez que 2,5 % de l'objectif fixé par le Premier ministre : seuls 1 500 contrats ont en effet été signés sur les 50 000 qui devaient l'être. Par ailleurs, la modulation des aides que vous avez mise en place ampute d'un milliard le revenu des agriculteurs. Allez-vous au moins l'utiliser pour réduire leurs charges fiscales et sociales ? Il faut rappeler que le revenu des agriculteurs n'est pas net, puisqu'ils en utilisent une partie pour investir dans leur outil de production. Si je prends l'exemple d'un exploitant de 140 hectares de céréales, son chiffre d'affaires s'élève à 1,2 million de francs, dont 377 000 F d'aides, et son revenu, une fois les charges déduites, à 226 000 F, soit 18 000 F par mois. Il reste, s'il en consacre la moitié à l'investissement, environ 9 000 F. Voilà qui sont les gros, les parias que vous voulez éliminer ! Car avec la modulation des aides, ce revenu net mensuel se trouvera réduit à environ 6 684 F. Je me suis appuyé sur des chiffres validés par l'administration fiscale ! Enfin, contrairement à ce que vous avez affirmé tout à l'heure, vous avez bien dit, le compte-rendu en fait foi, que vous préféreriez, au lieu d'accorder 200 000 F d'aides à un agriculteur, lui en verser 100 000 pour qu'il s'oriente vers une autre activité !

M. le Ministre - Une autre activité de production !

M. Christian Jacob - Je vous en prie, le ridicule a ses limites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. Bernard Outin - Vous ne paraissez pas le savoir !

M. Christian Jacob - M. Parrenin s'est félicité de votre visite dans sa circonscription. Venez donc dans la mienne discuter avec une famille d'agriculteurs sur les résultats de la modulation des aides ! Vous nous le devez si vous êtes ministre de l'Etat et non un élu du parti socialiste ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Bien entendu, le groupe RPR ne votera pas votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Jacqueline Lazard - Les activités halieutiques et les entreprises de pêche artisanale sont en proie à des difficultés d'exploitation de la ressource et soumises aux lois du marché.

Après une crise des marchés en 1993-1994, c'est à une crise des entreprises de pêche que nous confronte la flambée des prix du gazole. Vous avez démontré dans cette situation votre sens des responsabilités et votre souci de préserver les entreprises de pêche et leurs emplois. Il faut se féliciter que des mesures structurelles aient été associées aux mesures de compensation de la hausse du gazole.

En effet, celle-ci pèse sur le budget des entreprises de pêche, s'imputant sur la part du marin, entraînant une diminution importante de son revenu.

Ces mesures doivent être reconduites tant que le cours du baril de pétrole sera supérieur à 28 dollars et qu'un climat favorable au maintien des structures artisanales ne sera pas établi. En matière d'investissements, il importe de respecter la diversité des métiers pratiqués sur nos côtes.

Mais la vraie question reste celle de l'avenir de la ressource.

Son exploitation est soumise à des contingences météorologiques, biologiques et techniques. La course à la productivité entraîne une surexploitation des fonds. Nous ne pouvons plus aujourd'hui nous dispenser d'une réflexion écologique à partir de ce constat. La bande côtière est particulièrement surexploitée, car elle est fréquentée à certaines périodes de l'année par 60 à 80 % des professionnels.

Le système de maîtrise de l'exploitation en vigueur dans l'Union européenne, qui vise à protéger la ressource par la réduction de la capacité de pêche des flottilles, atteint ses limites. Nous devons trouver de nouveaux outils de gestion de cette ressource si nous voulons préserver les emplois qui y sont attachés. Les réponses passent sans doute par une politique davantage liée à la préservation des espèces et par l'élargissement de la politique des TAC -total admissible de captures- et des quotas. Les voies à explorer doivent l'être en concertation avec les professionnels et avec l'IFREMER et non reposer sur une logique technocratique qui entraînerait la disparition de tel ou tel engin de pêche, je pense au chalut.

La pêche manque de bras. Une meilleure formation, des aides à l'installation et une image renouvelée de son organisation seraient de nature à rendre le métier plus attractif. Plusieurs mesures ont déjà été prises en ce sens et un bilan des dispositions économiques de la loi d'orientation de 1997 est en cours. Il convient de rester vigilant pour éviter que les jeunes ne pâtissent d'un marché du bateau d'occasion défavorable à l'installation.

Je souhaite également informer la représentation nationale des avancées de la parité. En octobre dernier se sont en effet constitués deux forums mondiaux des artisans pêcheurs qui ont inscrit celle-ci dans leurs statuts. La France s'est engagée résolument dans cette démarche. La loi d'orientation a reconnu le travail des femmes dans l'entreprise de pêche. La conjointe co-exploitant a désormais un statut qui lui permet de participer aux assemblées générales et d'être élue aux organes dirigeants des coopératives maritimes. Un droit à la retraite a été créé, ainsi qu'une indemnité de remplacement en cas de maternité.

Le rattachement de la formation maritime au ministère des transports a été décidé en 1999. Les crédits à cet effet sont en augmentation pour 2001, ce dont je me félicite compte tenu de l'augmentation régulière des effectifs : en 1994, 1 400 élèves, en 1999, 1 800.

Un pas supplémentaire doit être franchi dans l'amélioration des conditions générales de l'emploi. Le rattachement à l'UNEDIC et la mise en _uvre de la réduction du temps de travail constitueront des avancées sociales indiscutables. Mais il y a aussi urgence à réfléchir à une autre prise en charge du coût des infrastructures portuaires.

Si je tiens en conclusion à saluer les efforts consentis dans le domaine de la pêche et à souligner le volontarisme du budget pour 2001, je voudrais aussi vous dire, Monsieur le ministre, combien je regrette -et avec moi, les professionnels- que vous ne soyez pas le ministre de la mer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Thierry Mariani - Alors que l'économie française connaît une embellie et que nos concitoyens commencent à récolter les fruits de la croissance, les agriculteurs français sont en passe de devenir les nouveaux exclus de la société française.

Victimes de crises sectorielles dramatiques, affaiblis par la réforme de la PAC, asphyxiés par l'alourdissement des charges lié à la hausse du coût de l'énergie, les agriculteurs français méritaient plus qu'un budget de l'agriculture qui, si l'on tient compte de l'inflation, accuse en réalité une diminution de 0,6 %.

Monsieur le ministre, vous reprenez à votre compte les mesures fiscales annoncées par le Gouvernement alors qu'elles ne constituent en rien une réponse ciblée en direction des agriculteurs. Votre budget comme vos méthodes démontrent une fois de plus que l'agriculture ne figure pas au rang des priorités du Gouvernement. Les objectifs affichés sont certes louables, mais dans les faits, les crédits d'intervention spécifiques à l'agriculture sont plutôt malmenés.

Avec une baisse de crédits de 58 %, le CTE, présenté comme la grande innovation de la loi d'orientation agricole, signe votre échec. Trop complexe, enserré dans un carcan administratif et doté d'un volet économique et social inconsistant, le CTE doit impérativement être réformé. L'environnement et le développement durable sont certes des préoccupations légitimes, mais elles ne suffisent pas à construire un projet d'avenir. La priorité aujourd'hui, c'est d'accompagner l'agriculteur dans sa mission initiale de producteur.

Par bien des aspects, la politique agricole du Gouvernement s'apparente davantage à de la démagogie qu'au réalisme économique. En effet, le CTE, la TGAP et la réforme prochaine de la politique de l'eau sont autant d'occasions pour votre majorité d'évoquer une agriculture plus « citoyenne ». Mais si l'on considère la réalité, on voit que le CTE est en panne, que la TGAP n'a de vocation environnementale que dans son nom et que la réforme de la politique de l'eau n'est que le prétexte d'une taxation supplémentaire des agriculteurs. Comble d'hypocrisie, les indemnités compensatrices de handicaps naturels sont remises en cause et le programme agri-environnemental diminue de 239 millions !

Si le discours agricole de la gauche plurielle n'est qu'une coquille vide, l'addition est pourtant douloureuse. J'en veux pour preuve le financement du CTE par la modulation des aides. Les prélèvements ont bel et bien été effectués, mais à hauteur de 50 000 contrats, soit une ponction d'un milliard sur les aides directes, alors que seulement 14 000 contrats ont été signés. A ce rythme là, l'objectif ne sera atteint qu'en 2070, dans quatorze mandatures !

Ces échecs successifs sont le résultat de choix idéologiques qui ne répondent pas aux attentes des agriculteurs. C'est aussi l'échec d'un gouvernement qui a rompu avec le principe de cogestion et qui ne nourrit, hélas, que peu d'ambitions pour l'agriculture française.

Ce manque d'ambition est illustré de manière flagrante par le recul des installations qui ont chuté de plus de 30 % en trois ans. Or, une agriculture qui ne se renouvelle plus est une agriculture qui n'a plus confiance dans son avenir. Que fait le Gouvernement pour y remédier ? Il se contente de reconduire à l'identique la dotation à l'installation votée en 2000 !

Cette insuffisance de volonté politique, ce sont également les retraités agricoles qui en supportent les conséquences. Le plan de revalorisation des retraites agricoles atteint aujourd'hui ses limites. Les retraites agricoles restent parmi les plus faibles du système français.

L'augmentation générale des retraites de 2,2 % n'a été reprise dans ce budget qu'à hauteur de 1,2 %. Ce n'est pas juste. Le relèvement des pensions les plus faibles à hauteur du minimum vieillesse, ce qui n'a tout de même rien d'exorbitant, doit être accéléré.

Plusieurs députés socialistes - Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Thierry Mariani - Seules des mesures rapides et de réelle portée financière, comme la prise en compte des meilleures années de cotisations, la mensualisation des pensions, la mise en place d'une bonification forfaitaire pour les exploitants ayant élevé trois enfants ou la création d'un régime complémentaire obligatoire permettront de mettre un terme aux nombreuses injustices qui subsistent.

La fiscalité est l'un de ces domaines sur lesquels vous vous montrez prolixe mais où vos actes ne sont pas forcément à la hauteur des besoins.

La fiscalité agricole doit être pensée comme un instrument d'incitation et non comme un fardeau. Les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2001 auraient pu être l'occasion de favoriser l'installation en adaptant la fiscalité et les cotisations. Mais vous n'avez pas su là non plus prendre les décisions qui s'imposaient.

Une politique agricole ambitieuse passe aussi par la relance des secteurs malmenés par la mondialisation des échanges. Les secteurs des fruits et légumes, de la tomate d'industrie et de la viticulture, sont victimes de distorsions de concurrence contre lesquelles le Gouvernement ne fait rien.

Le secteur des fruits et légumes devrait non seulement bénéficier d'aides conjoncturelles, mais surtout d'un véritable programme de restructuration permettant une meilleure maîtrise des marchés et des productions. Il faut aussi que la France pèse de tout son poids sur l'Union européenne pour permettre à l'agriculture française de vivre de sa production, de rester compétitive et de renforcer sa capacité exportatrice.

S'agissant de l'engagement financier de la nation en faveur de l'agriculture, les chiffres trahissent une fois de plus la défaillance du Gouvernement. L'insuffisance des moyens accordés à l'organisation économique encore fragile des producteurs et la réduction des financements consacrés aux actions de promotion en sont une preuve flagrante (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Philippe Martin - S'élevant à 29,6 milliards, le budget pour 2001 augmente apparemment de 2 %. Mais comme il inclut 418 millions de cotisations patronales, imputées auparavant au budget des charges communes, à structure constante l'augmentation n'est que de 0,6 %.

Les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. En effet, la plupart des crédits d'intervention aux programmes environnementaux et aux indemnités compensatrices de handicaps sont en forte baisse. Et ceux destinés à l'installation des jeunes agriculteurs ne sont que reconduits. Je souscris totalement à ce qu'a dit M. Christian Jacob à ce sujet.

Les crédits de l'enseignement et de la formation professionnelle augmentent de 5,5 %. Vous portez l'effort sur la création d'emplois -180 postes créés- alors que les effectifs scolaires stagnent en raison d'une mauvaise évolution démographique. En revanche, les crédits pour la formation professionnelle continue baissent de 0,75 %. N'est-ce point contradictoire, alors que tout le monde insiste sur la nécessaire formation tout au long de la vie ?

Le fonds des calamités agricoles voit quant à lui sa dotation budgétaire reconduite à hauteur de 50 millions. Beaucoup s'inquiètent de la faiblesse de ce montant, étant donné le retard cumulé de la participation de l'Etat au dit fonds et en raison des incertitudes sur les suites qui seront données au rapport sur l'assurance récolte. Je vous rappelle qu'antérieurement, ce fonds était abondé en moyenne à hauteur de 200 millions de francs.

La France est le deuxième exportateur mondial de produits agricoles. De nouveaux marchés s'ouvrent aujourd'hui, grâce à des accords commerciaux multilatéraux et dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne. C'est une chance importante que nous devons saisir pour renforcer nos exportations agro-alimentaires.

A cet égard, la SOPEXA tient un rôle de premier plan. Il faut donc lui donner les moyens de tenir ses engagements. Or la dotation publique qui lui est allouée dans le contrat de plan accuse une baisse de plus de 3 millions.

Un décret d'août dernier a élargi les compétences de l'INAO, qui s'occupera désormais aussi des IGP, en plus des AOC. Cette décision va induire des dépenses supplémentaires et elle est risquée pour les AOC, qui ont fait leurs preuves pour ce qui est de la qualité et dont les exportations apportent une manne importante au budget de l'Etat.

Il est donc indispensable de distinguer nettement deux lignes budgétaires au sein de l'INAO, l'une pour les AOC, l'autre pour les IGP, afin d'éviter toute confusion. L'augmentation de 5 millions du budget de l'INAO me paraît dérisoire, au risque d'entraîner des conséquences néfastes sur la politique globale des appellations d'origine.

Le Gouvernement a encore porté un coup aux vignerons en affectant au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale l'ensemble des droits sur les vins et alcools. Jusqu'au milieu des années 1980, une partie de ces droits de circulation était précisément affectée au financement de l'INAO. Il faudrait revenir à cette situation.

L'aide à la restructuration des vignobles doit prendre en compte toutes les surfaces restructurées par les jeunes agriculteurs.

Enfin, certaines régions viticoles démarrent une nouvelle campagne avec des stocks importants et de mauvaise qualité. La nouvelle OCM viticole, dont j'ai été le rapporteur au Parlement européen, autorise dans ce cas la distillation de crise et la modulation de l'aide communautaire. Or, vous n'êtes pas parvenu à mettre en _uvre la modulation du prix de la distillation préventive, qu'il faudrait ouvrir sans retard pour 1,5 million d'hectolitres payés 25 F l'hectolitre. Il y va de la survie de nombre d'exploitations.

La réforme de la fiscalité que nous réclamons appelle d'indispensables mesures, de la dissociation entre revenus du capital et revenu du travail à l'aménagement de l'assiette des cotisations sociales.

Une fois de plus, ce budget démontre le manque d'ambition et de soutien du Gouvernement à l'égard du monde agricole. Restaurer la compétitivité de la production française et assurer le maintien des agriculteurs, voilà ce qu'il faut. Ce n'est assurément pas avec ce budget que nous y parviendrons (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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