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Session ordinaire de 2000-2001 - 24ème jour de séance, 51ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 10 NOVEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite) 2

          ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS 2

La séance est ouverte à neuf heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001.

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ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement concernant l'équipement et les transports.

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial de la commission des finances pour les transports terrestres - Avant de détailler le contenu de ce budget, qui est globalement bon, je voudrais souligner deux modifications majeures dans la présentation des crédits, qui rendent la lecture du budget et le travail du rapporteur particulièrement difficiles cette année. La profonde refonte de la nomenclature budgétaire facilitera certes à l'avenir le contrôle parlementaire, mais elle rend très difficiles, cette année, les comparaisons avec le précédent exercice.

La seconde innovation est la suppression du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN. Ce fonds, qui à l'origine devait s'ajouter aux crédits du transport, a en réalité servi à une large débudgétisation. On a en effet constaté, depuis sa création en 1995, que le budget des transports baissait corrélativement à sa montée en puissance. Pour des raisons de transparence, la commission des finances comme la mission d'évaluation et de contrôle avaient souhaité sa suppression. Je vous remercie, Monsieur le ministre, de les avoir suivies.

Venons-en aux crédits pour 2001. Je remarque tout d'abord que les moyens des services et les interventions publiques s'élèvent à 26,9 milliards de francs en crédits de paiement, soit une progression de 9,84 % après des années de stabilité.

Je remarque ensuite que l'accent est mis sur trois priorités : le développement des transports en commun ferroviaires ou urbains, qui est primordial pour l'environnement, l'entretien du réseau routier national et la sécurité routière. Il s'agit de choix politiques clairs, au service d'une action dynamique et cohérente.

On ne soulignera jamais assez le rôle des transports collectifs dans la décongestion des villes et des grands axes routiers. Pour autant, il faut encore de lourds efforts pour les rendre plus efficaces, plus commodes mais aussi plus sûrs.

Les crédits pour l'Ile-de-France diminuent légèrement pour se stabiliser à 5,2 milliards. La politique de renouveau de la SNCF en Ile-de-France a amélioré la fréquentation du réseau, désormais appelé « Transilien ».

Quant à la RATP, sa situation s'améliore. Le trafic a augmenté de 3,1 % en 1999 et les prévisions optimistes pour 2000 seront vraisemblablement dépassées. Le résultat comptable pour 1999 était positif. Cependant, une inquiétude subsiste, concernant le niveau d'endettement de l'entreprise. L'encours de la dette n'est maîtrisé que grâce à un faible niveau d'investissement.

M. Michel Bouvard - Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial - Il y a toutefois une amélioration par rapport aux années précédentes, Monsieur Bouvard.

Contrairement aux entreprises de province, la RATP supporte des coûts de matériel et d'atelier et 20 % des coûts d'infrastructures. En conséquence, et compte tenu des investissements prévus par l'ambitieux contrat de plan Etat-région, l'endettement de l'entreprise devrait à nouveau augmenter.

L'effort pour les transports collectifs de province est particulièrement encourageant : les autorisations de programme passent de 748 millions à 1,34 milliard et les crédits de paiement progressent de près de 120 millions. Cet effort traduit l'engagement que vous avez pris, Monsieur le ministre, lors de la discussion du projet de loi « solidarité et renouvellement urbain ». Pour autant, je ne vois guère plus de 750 millions de francs sur le milliard annoncé.

Les 250 millions manquants doivent être inscrits dans la prochaine loi de finances. Ces crédits permettront notamment de poursuivre les programmes de bus en site propre à Rennes et Saint-Denis de la Réunion ou encore du tramway lyonnais.

Parmi les programmes nouveaux, citons la création de lignes de tramway à Valenciennes, Nantes et Toulon et la construction d'une nouvelle ligne de métro à Toulouse. Pour autant, l'enveloppe qui leur est destinée ne semble pas pouvoir être établie, certains projets de 2000 n'étant pas complètement financés.

Dans le secteur ferroviaire, la SNCF a atteint, pour son résultat courant, l'équilibre en 1999. Elle récolte ainsi aujourd'hui les fruits de sa politique tarifaire et de l'amélioration des dessertes. Les engagements de l'Etat sont stables. Pourtant, je m'interroge sur le passage aux 35 heures, qui ne fait l'objet d'aucune compensation directe.

M. Michel Bouvard - En effet !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial - Les dépenses en personnel ont augmenté de 2,3 % en 1999, largement du fait des 35 heures. Je crains donc que l'excédent brut d'exploitation ne soit amoindri en conséquence pour les exercices suivants.

M. Michel Bouvard - C'est très honnête de le dire.

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial - L'activité fret progresse de plus de 9,5 % au premier semestre 2000. Pourtant, sa qualité reste médiocre. L'objectif d'un doublement du trafic fret d'ici à 2010, ne permettrait que de stabiliser la part du rail dans le transport de marchandises. Il faut donc impérativement développer les lignes adéquates, et je me félicite que la ligne TGV entre Nîmes et Montpellier soit accessible au fret.

Beaucoup d'efforts restent à accomplir pour décongestionner les axes routiers. Le transport combiné, dont la part est passée de 14,7 % en 1990 à 25,5 % en 1999, doit être développé, particulièrement dans les zones montagneuses, asphyxiées par le trafic de poids lourds.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial - Après des années de tergiversations, je me félicite que le ferroutage soit enfin envisagé pour la traversée des Alpes. Il doit aussi l'être dans les Pyrénées.

Le désendettement du secteur ferroviaire se poursuit. Dans le cadre de la seconde réforme de RFF, le Gouvernement doit apporter à l'établissement 37 milliards entre 1999 et 2001. Cependant, à l'issue de ce plan, le désendettement de RFF sera loin d'être achevé. La loi de séparation entre SNCF et RFF n'a rien réglé. Qu'envisagez-vous de faire à ce propos ?

Parmi vos priorités figure aussi une vigoureuse politique d'entretien du réseau routier, qui ne peut d'ailleurs pas être dissociée du renouveau des actions en matière de sécurité routière. Les autorisations de programme progressent de 35 % et les crédits de paiement de 38 %.

Parallèlement, les crédits de la sécurité routière auront augmenté de 40 % depuis 1997. Cela mérite d'être souligné. La sécurité routière a été consacrée « grande cause nationale 2000 » et le projet de budget met particulièrement l'accent sur les campagnes de communication et la formation des conducteurs. Mais comment se fait-il qu'il y ait tant de poids lourds sur les routes le week-end alors qu'ils ne devraient, sauf exceptions, pas circuler ?

La grande ombre de ce tableau est le budget des investissements routiers. Si les autorisations de programme progressent de 7,3 %, ce qui paraît satisfaisant, les crédits de paiement baissent de 17,8 %. La principale diminution -300 millions- porte sur les investissements pour le réseau routier national, hors Ile-de-France. La baisse atteint même 1,8 milliard si l'on tient compte de la disparition du FITTVN.

J'ai bien entendu l'engagement du Gouvernement de reporter intégralement les crédits inutilisés du FITTVN sur les lignes budgétaires correspondantes...

M. Michel Bouvard - Il a fallu insister !

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial - ...soit un report de 1,5 milliard pour les investissements routiers : il manquera quand même 300 millions.

Cette « stabilisation » me semble contradictoire avec les engagements pris par l'Etat dans le cadre des nouveaux contrats de plan Etat-région. Pour les deux premières années de ces contrats, les engagements de l'Etat n'atteindront que 25,1 %, alors qu'ils devraient dépasser 28 %, ce qui risque de retarder leur mise en _uvre. Je souhaiterais que vous nous rassuriez à ce propos.

En ce qui concerne la politique autoroutière, les travaux de la MEC ont souligné la nécessité de la réformer. Le « nouvel objet routier » a encore des contours flous, mais il va bientôt trouver une traduction concrète puisque l'A650 entre Pau et Oloron est conçue sur ce modèle. A ce propos, je souligne l'importance de toutes les traversées pyrénéennes, qui facilitent la coopération avec l'Espagne. Ce nouveau type d'autoroute est adapté au trafic modéré attendu et a un coût, lui aussi, modéré. Il répond à la recommandation de la MEC de rationaliser autant que possible les investissements.

La réforme du secteur autoroutier est enfin lancée, avec le dépôt au Sénat, le 7 septembre 2000, d'un projet de loi visant à autoriser le Gouvernement à prendre des ordonnances de transposition de directives européennes. La réforme renforcera la concurrence pour l'attribution des nouvelles concessions et dotera le système autoroutier de moyens financiers adéquats compte tenu, notamment, de l'abandon du mécanisme de l'adossement.

Dans l'ensemble, je l'ai dit, votre budget, Monsieur le ministre, est un bon budget. Il poursuit les actions entamées depuis le début de la législature, avec des investissements lourds qui s'étalent sur plusieurs années. La commission des finances l'a adopté et vous demande, chers collègues, de faire de même.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission de la production pour l'équipement et les transports terrestres - Les crédits consacrés aux transports en 2001 marquent un retour à l'orthodoxie budgétaire par la suppression du compte d'affectation spécial FITTVN et la modification de la nomenclature budgétaire.

Si cette nouveauté perturbe la comparaison, sur le fond le principe d'une répartition intermodale des crédits d'investissement, avec une prime au ferroviaire, est maintenu. Ces crédits, ajoutés à d'importantes autorisations de programme, devraient permettre au Gouvernement de tenir ses engagements. Outre qu'il impulse le développement prioritaire des transports collectifs, l'Etat assume ses missions dans ses multiples domaines d'intervention : dotation de 12 milliards pour stabiliser la dette de RFF, contribution de 12,6 milliards aux charges d'infrastructures de RFF, 620 millions pour le transport combiné, près de 2 milliards d'autorisations de programme pour le transport collectif, 860 millions pour le financement du TGV Est-européen.

S'y ajoutent les contributions habituellement accordées à la SNCF pour lui permettre d'assumer ses missions de service public.

J'assortirai cependant ce satisfecit de deux remarques. D'une part, la SNCF assume sans aide de l'Etat la réduction du temps de travail. D'autre part, je n'ai pas eu d'explication rationnelle sur la diminution de 715 millions des contributions aux charges d'infrastructures...

M. Michel Bouvard - Quel aveu !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis - ...diminution qui aura des conséquences néfastes sur la trésorerie de RFF et donc sur l'ensemble du système ferroviaire.

En 2001 se concrétiseront les politiques engagées depuis 1997 : mise en _uvre de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain, nouvelle programmation des grands réseaux de transport avec les contrats de plan Etat-régions, adoption des schémas de service de transport de voyageurs et de marchandises.

Ce budget marque l'arrêt de la dégradation continuelle de l'emploi dans les services de l'Equipement et je vous en remercie, Monsieur le ministre.

J'en viens au rééquilibrage entre les modes de transport. La politique routière et autoroutière engagée depuis plus de vingt ans nous a permis de disposer d'un réseau routier envié en Europe. Mais elle a coûté à l'Etat 1 000 milliards de francs alors que 300 milliards seulement ont été, dans le même temps, consacrés aux infrastructures ferroviaires. Un rééquilibrage suppose de donner à présent plus de moyens aux transports collectifs, en particulier au transport ferroviaire, même si des besoins en routes se font encore sentir dans certaines régions et s'il faut achever le programme autoroutier intégré aux schémas de service.

La forte demande provoquée par le retour de la croissance et les mesures prises par la SNCF pour accroître la qualité de l'offre, surtout en direction des voyageurs, ont redonné une légitimité au mode ferroviaire. En augmentation de 9 % en un an, le fret ferroviaire a repris un point de part de marché. Pour le trafic voyageurs, la progression est appréciable sur les segments les plus dynamiques -TER, TGV- et même sur les grandes lignes classiques, atteignant 10,5 % en région Centre.

Mais beaucoup reste à faire pour rendre l'offre ferroviaire durablement attractive pour les voyageurs et les chargeurs. Pour les TER, il faudra mobiliser des moyens importants et engager, dès le 1er janvier 2002, et pas plus tard comme certains l'envisagent déjà, le transfert des compétences aux régions.

Dans ce climat plus positif et favorable à un rééquilibrage, la situation financière du transport ferroviaire reste globalement fragile, alors qu'il a besoin d'une masse d'investissements structurants.

Même si la loi de février 1997 a allégé le poids de la dette de la SNCF, les quelque 160 milliards de dettes de RFF pèsent lourd sur le développement du mode ferroviaire. Par ailleurs, les 50 milliards laissés à la charge de la SNCF ne lui permettent pas de financer le renouvellement des matériels roulants et des objectifs de trafic fixés par le Gouvernement. De plus, environ 60 milliards restent cantonnés dans le service annexe d'amortissement de la dette ferroviaire.

L'engagement pris par le Gouvernement de verser, sur 3 ans, 37 milliards de dotation en capital à RFF pour stabiliser sa dette ne suffit pas à faire de cet établissement public un investisseur à la hauteur des besoins actuels. Il est conduit, de ce fait, à faire pression sur la SNCF pour augmenter les péages et hésite à étudier des projets d'infrastructures pourtant nécessaires.

Cette situation est dangereuse pour l'avenir du transport ferroviaire. Aussi, je me permets, en ma qualité de rapporteur pour avis et de président du Conseil supérieur du service public ferroviaire, d'attirer votre attention, Monsieur le ministre, sur la nécessité de soulager d'au moins 50 % la dette globale du système ferroviaire, par exemple en utilisant le produit de la vente des licences UMTS.

M. Michel Bouvard - Excellente idée !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis - D'ailleurs un désendettement significatif du secteur ferroviaire allégerait ultérieurement pour l'Etat le poids des charges annuelles de dotations en capital à RFF et dégagerait des possibilités nouvelles d'investissements. Cela aurait, en outre, un impact non négligeable sur l'emploi dans l'industrie ferroviaire nationale.

Le développement du fret ferroviaire apparaît, aux yeux de tous comme le meilleur moyen de résoudre le dilemme entre l'accroissement des besoins de transport et la protection de la qualité de vie.

Le contexte a rarement été aussi favorable pour le fret ferroviaire, mais sa survie tient en grande partie à la capacité de réaction et de transformation des entreprises ferroviaires pour fournir rapidement des services de qualité aux chargeurs. Une révolution profonde du système de production de la SNCF est nécessaire afin que le fret cesse d'être le parent pauvre du transport ferroviaire. D'importants efforts doivent être fournis pour mettre à la disposition de la société nationale un réseau et des sillons offrant des performances au moins égales à celles de la route. Le transport combiné, pour s'imposer, doit être soutenu financièrement et organisé. Je plaide aussi pour que le transport de camions sur wagons soit enfin expérimenté, notamment dans les zones sensibles, comme la traversée des Alpes et des Pyrénées.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis - Mais les efforts des deux entreprises publiques seraient illusoires sans moyens financiers supplémentaires. L'Etat français et l'Union européenne doivent s'engager dans un véritable plan Marshall pour rattraper le retard pris dans la politique européenne des transports, notamment le fret ferroviaire.

L'objectif à terme est que le fret ferroviaire puisse se passer de subventions publiques à l'exploitation. Mais cela implique d'importants achats de matériels roulants, la formation d'agents de conduite, des travaux d'infrastructures et un désendettement des deux entreprises publiques.

Cela implique aussi que l'Europe mette à disposition des moyens financiers conséquents et que soient établies des règles de concurrence équitables entre la route et le rail, par l'intégration complète des coûts externes et une harmonisation sociale par le haut. Le Gouvernement peut mettre à profit la présidence française -et Dieu sait que vous vous y employez, Monsieur le ministre !- pour faire avancer l'Europe sur ces points.

Vous avez d'autre part la difficile tâche de présider les négociations de conciliation sur le paquet ferroviaire, constitué de trois projets de directives déterminants pour l'avenir du transport ferroviaire. Leur examen entre dans sa phase finale sous la forme d'une conciliation entre la position commune du Conseil et les amendements récemment votés par le Parlement européen. Or, ces amendements modifient la position de compromis du Conseil, dans le sens d'une libéralisation complète, à terme, du transport ferroviaire. Celle-ci serait dangereuse économiquement, socialement et en termes de protection de l'environnement, compte tenu des spécificités de l'activité ferroviaire.

M. Michel Bouvard - Tout à fait.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis - Je serai donc très attentif aux conclusions de cette conciliation difficile. Je milite en outre, comme le recommande le troisième avis du CSSPF, en faveur d'un moratoire de cinq ans dans la réforme des organisations ferroviaires, moratoire qui ne devrait pas être considéré comme défensif, mais utilisé pour construire le réseau transeuropéen de fret ferroviaire, renforcer l'efficacité des entreprises ferroviaires, achever leur assainissement financier, et faire le bilan des directives en vigueur.

Avec ce siècle doivent enfin se dissiper les illusions des apprentis sorciers du libéralisme. On voit le désastre auquel ce laisser-faire conduit dans d'autres domaines. L'hégémonie routière que nous subissons, résultat d'une orientation constante de la politique des transports depuis des décennies et de prix de transport tirés vers le bas a fait long feu. Chacun voit quelles terribles conséquences en résultent déjà, et s'aggraveraient encore demain avec la croissance de la demande de transport. Le maître mot doit devenir la régulation, laquelle impose la multimodalité des transports au service des personnes et d'une économie saine.

Votre politique, Monsieur le ministre, va dans ce sens et nous l'appuyons. Les décisions prises depuis 1997, les budgets que vous présentez depuis trois ans, les contrats de plan 2000-2006, votre implication dans le difficile combat européen sont autant d'atouts pour un projet global de transport partagé par le plus grand nombre. La commission de la production a adopté votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial de la commission des finances pour le transport aérien et la météorologie - Je résumerai ainsi mon rapport : bon point pour la construction aéronautique, et pour le reste, hélas, conservatisme, opacité, incohérence... (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Commençons par les éloges. Le Gouvernement a eu le mérite de faire face à la situation -comme tous les gouvernements français depuis un demi-siècle, qui, à travers les aventures Caravelle, Concorde, Airbus, ont su faire revivre la tradition pionnière de la France dans le domaine aéronautique : si l'Europe occupe aujourd'hui la position qui est la sienne, elle le doit largement à la France, et nos partenaires seraient bien avisés de ne pas l'oublier.

Le secteur aéronautique a connu un véritable bouleversement en dix-huit mois, mais l'essentiel est fait, à savoir la création d'une société européenne et la fusion, au sein d'une nouvelle entreprise, des différents partenaires d'Airbus. L'industrie française s'est trouvée au c_ur de restructurations à l'échelle européenne, et il faut féliciter le Gouvernement d'avoir pris à temps la mesure du défi que nous lançait l'industrie américaine. Ce défi étant permanent, il faut se réjouir de voir l'Etat soutenir vigoureusement la recherche aéronautique, avec plus de 2 milliards d'autorisations de programme, qui financeront notamment la réalisation de l'Airbus A3XX. Mon seul regret concerne la faiblesse de la politique communautaire, qui ne dégage que des crédits relativement limités.

Le budget annexe de l'aviation civile est évalué à 8,9 milliards pour 2001, en hausse de 2,7 %. Cette progression est supposée financer les dépenses de sûreté des aéroports ainsi que la navigation aérienne. Mais les compagnies aériennes, principales contributrices au budget annexe, ont signalé des irrégularités en cours d'exécution. Ainsi le budget annexe aurait financé un hangar à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce qui relève normalement d'un autre budget. Il assure également les loisirs aéronautiques d'une partie de la gendarmerie, au prétexte qu'elle est chargée de la protection des aéronefs. Plus préoccupante est l'absence d'information sur les unités de base taxable, sur lesquelles se fonde le rendement des différentes redevances. Depuis bientôt huit ans, les rapporteurs spéciaux de l'Assemblée et du Sénat déplorent l'opacité de la présentation du budget, et doivent se contenter d'améliorations de détail.

La fiscalité du transport aérien n'échappe d'ailleurs pas à l'incohérence générale, comme le montre l'article 19 de la première partie du projet de loi de finances, sur la répartition de la taxe de l'aviation civile. Le Gouvernement nous en a proposé une modification pour la troisième année consécutive, ce qui montre son incapacité à trouver un équilibre. La modification concerne cette fois-ci la quotité de répartition : la part du budget annexe augmente, sans que le Gouvernement en ait fourni la moindre justification. Quant au Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, destinataire de l'autre partie du produit de la taxe, sa part diminue drastiquement. Le Gouvernement vient en quelque sorte de signer la mort de la politique d'aménagement du territoire dans le domaine aérien... Le FIATA, à sa création, a bénéficié d'une fiscalité abusive, assise sur les passagers et le fret, abusive en ceci que le Fonds a été doté de plus de crédits qu'il n'en pouvait dépenser. Ce sont donc nos concitoyens qui ont payé l'erreur d'évaluation de l'Etat. Le Gouvernement aurait pu reconnaître cette erreur et baisser les taux unitaires de la taxe de l'aviation civile, mais il n'en a rien été. Le FIATA disposera pour 2001 de 279 millions de francs, mais cette somme alimentera exclusivement les aéroports. L'aménagement du territoire sera financé par les seuls reports de crédits. Le FIATA cesse progressivement d'être un outil d'aménagement du territoire, pour devenir un simple compte d'affectation spéciale, prétexte à la perception d'une taxe. Autant sortir alors de l'hypocrisie : conservez la taxe si vous la jugez nécessaire, Monsieur le ministre, mais supprimez le FIATA, comme vous supprimez, sans doute la mort dans l'âme, le Fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables. Les crédits de l'Etat pour l'aménagement du territoire seront inscrits dans une ligne budgétaire du « bleu » des transports, ce qui ne pourra que renforcer la lisibilité des crédits.

J'en viens à Air France, qui pourrait constituer, avec la construction aéronautique, une note optimiste dans nos débats. Les comptes de la compagnie sont excédentaires et elle développe son réseau. L'alliance avec Delta lui a permis de remarquables gains de compétitivité sur l'Atlantique Nord. On peut cependant être inquiet sur son avenir, en raison de son maintien, pour une raison purement idéologique, dans le secteur public. Comme l'an dernier, Monsieur le ministre, j'en appellerai à une privatisation. Vous m'objecterez le contraste entre les résultats d'Air France et ceux d'AOM, compagnie privée déficitaire. Mais là n'est pas la question. Chaque compagnie a son autonomie de gestion, et l'Etat n'est pour rien dans les résultats d'Air France. Il faut plutôt saluer le travail de son président, M. Jean-Cyril Spinetta et de ses prédécesseurs, et rappeler qu'Air France a bénéficié pour se redresser de l'expertise des Américains. Le droit communautaire interdit en outre au Gouvernement d'opérer le moindre apport en capital à Air France. On voit donc mal où se situe désormais l'utilité de l'Etat. Or, la compagnie a un besoin vital de lancer des investissements, et seul le public, c'est-à-dire les marchés financiers, sont en mesure de souscrire à des augmentations de capital.

Par ailleurs, le transport aérien ne correspond pas à la notion de service public. Qu'est-ce qu'un service public ? C'est une activité d'utilité sociale que le marché ne peut assurer, qui se caractérise par la continuité dans le temps et dont le financement provient de dotations budgétaires avec, le cas échéant, la participation des usagers. Le transport ferroviaire répond à ces critères, en raison de ses coûts colossaux d'investissement et de son impact favorable sur l'aménagement du territoire et l'environnement. Notre collègue Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial, nous a rappelé que l'Etat, à ce titre, apporte chaque année plus de 44 milliards de dotations diverses à la SNCF. Mais le transport aérien est à l'opposé de cette philosophie. Il constitue un marché, qui se déplace en fonction du dynamisme des grandes métropoles de ce monde. Il remplit un rôle essentiellement économique : sa tâche est certes de relier les hommes, comme le disait joliment Saint-Exupéry, mais vous savez bien que 70 % de la clientèle d'Air France sont constitués d'hommes d'affaires. C'est un merveilleux paradoxe que de vous voir assimiler à un service public le soutien au développement du grand capitalisme international...

Cette assimilation abusive à un service public a failli tuer Air France. L'endettement abyssal de 30 milliards qu'a comblé le gouvernement d'Edouard Balladur n'avait d'autre origine que des modes de gestion conservateurs et la vision idyllique d'une compagnie emblématique, censée représenter l'excellence de notre pays. Air France pratiquait donc des tarifs élevés, seulement accessibles à nos compatriotes les plus fortunés. Pendant ce temps, la concurrence, plus dynamique, mettait le transport aérien à la portée des plus modestes et réorganisait fondamentalement les bases du métier.

Les aéroports appellent une vigilance particulière du Parlement. J'évoquerai en premier lieu une affaire sur laquelle j'espère des précisions du Gouvernement. Il s'agit d'une perte financière de près d'un milliard, subie conjointement par Aéroports de Paris et la RATP. ADP souhaitait installer à Roissy un système de navettes automatiques pour relier ses différentes aérogares entre elles et avec la station de RER. Un tel système est en vigueur dans de nombreux aéroports à travers le monde et, en France, la technologie en est parfaitement maîtrisée par Matra. Pour des raisons encore mystérieuses, le choix du maître d'ouvrage s'est porté sur une PME du Sud-Ouest, l'entreprise Soulé, étroitement liée à la RATP. Malgré les avertissements de l'Inspection des finances et de l'administration des Ponts et Chaussées, Soulé s'est révélée incapable de résoudre les problèmes liés à la réalisation technique du projet. J'ai interrogé la direction d'Aéroports de Paris sur cette question : elle m'a confirmé que le coût total de ce projet abandonné s'élève à 224,7 millions pour Aéroports de Paris et 714,5 millions pour la RATP. Si l'on y ajoute le coût de la dépose du système, la perte globale pour la collectivité publique atteint près d'un milliard.

Je donne acte à Aéroports de Paris de sa réponse, mais au-delà des aspects comptables, non négligeables pour le contribuable, il conviendrait que le Gouvernement éclaire la représentation nationale sur les aspects les plus politiques de ce dossier. Pourquoi le Gouvernement, en 1991, n'a-t-il pas suivi les avis réservés de l'Inspection des finances et des Ponts et Chaussées ? Que sont devenues les personnes qui siégeaient au jury technique qui a retenu l'entreprise Soulé ? Exercent-elles toujours des responsabilités ? Aéroports de Paris fait état d'un règlement amiable avec la RATP, après arbitrage d'une mission d'expertise et de deux membres du Gouvernement, vous-même, Monsieur le ministre, et votre collègue chargé de l'économie et des finances. Cet arbitrage établit néanmoins nettement la responsabilité de la RATP, et Aéroports de Paris a perdu des sommes considérables. Pour quelle raison n'y a-t-il pas compensation intégrale de ces pertes ?

J'espère, Monsieur le ministre, que vous allez m'apporter des réponses précises à ces questions. A défaut, je poursuivrai mon rôle de rapporteur spécial, en application de l'article 164 de l'ordonnance du 30 décembre 1958.

Pour l'anecdote, l'embryon de navette a eu tout de même une certaine utilité : il a servi de décor à un vidéo clip du chanteur Patrick Bruel. A ma connaissance, c'est le seul décor de clip payé par le contribuable... Merci pour lui !

J'en viens aux risques de saturation des aéroports, à leur environnement urbain et au projet de troisième aéroport.

Le Gouvernement s'est bien gardé d'être précis sur la localisation et le coût éventuel de ce projet, dont la concrétisation rencontre, il est vrai, deux obstacles majeurs.

Premièrement, Air France ne veut pas aller dans un autre aéroport que Roissy, car cela remettrait en cause sa stratégie de hub. Aux Etats-Unis, où les compagnies aériennes sont quatre à cinq fois plus importantes qu'Air France et où les réserves foncières ne manquent pas, les compagnies n'ont pas plusieurs hubs, Delta est à Atlanta, Northwest à Détroit... La stratégie de hub d'Air France -qui réalise 70 % du trafic national et international de notre territoire- se révèle, jour après jour, être une éclatante réussite, mais elle suppose une concentration géographique.

Deuxièmement, Roissy a été conçu pour recevoir 70 millions de passagers, afin de faire de l'Ile-de-France la première ou deuxième place aéroportuaire d'Europe. C'est à cette fin qu'on a réalisé les connexions du TGV, de même que les troisième et quatrième pistes, que vous avez bien fait d'autoriser, Monsieur le ministre. Aurons-nous financé ces investissements en pure perte ?

La presse a révélé ces jours-ci que l'aéroport de Schipol, aux Pays-Bas, ambitionnait d'atteindre 70 millions de passagers. C'est dire la compétition que se livrent les régions d'Europe, sachant qu'un million de passagers génère 1 000 emplois. La France peut-elle renoncer à une telle chance ?

N'oublions pas que le secteur des transports évolue vie. Un événement récent est passé inaperçu : la suppression par Air France de la liaison Paris-Bruxelles, qui a été tuée par la ligne de TGV Thalys. Dans quelques mois, il en sera de même pour Paris-Marseille, comme cela a déjà été le cas pour Paris-Lyon. Vous affirmez, Monsieur le ministre, que votre priorité va au transport ferroviaire et j'approuve cette orientation : mais cessons de raisonner sur chaque mode de transport isolément. Cela fait cinq ans que les rapporteurs spéciaux demandent au Gouvernement le schéma général des infrastructures ; sans doute est-il politiquement difficile à établir, aucune région ne voulant être laissée à l'écart, mais ce serait le seul moyen de dégager des priorités. Tout en comprenant les réticences de nos collègues élus des communes riveraines, surtout quand des drames s'ajoutent aux nuisances quotidiennes, je rappelle que l'aéroport de Roissy a été créé en rase campagne. Certains élus n'ont rien fait pour limiter l'urbanisation à son voisinage. Avant de lancer un nouvel investissement très coûteux, qui soulèvera à terme les mêmes problèmes, explorons les autres solutions, qu'il s'agisse du développement d'autres modes de transport ou des aéroports de province.

Monsieur le ministre, j'ai mis l'accent sur les problèmes, comme il sied à un rapporteur appartenant à l'opposition. A votre décharge, il faut reconnaître que vous êtes l'héritier de mauvaise pratiques qui se sont poursuivies pendant de nombreuses années. J'ai proposé le rejet des crédits de l'aviation civile, mais la majorité de la commission des finances ne m'a pas suivi et propose à l'Assemblée de les adopter.

M. Michel Bouvard - Très bien.

M. François Asensi, rapporteur pour avis de la commission de la production pour les transports aériens - Avec 8,9 milliards, le budget annexe de l'aviation civile confirme, Monsieur le ministre, votre engagement en faveur de la sécurité des vols, notamment à travers la création de 429 emplois de navigation aérienne et la poursuite des programmes de modernisation des équipements de navigation.

La diminution des dotations du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien s'explique par la baisse de la part de la taxe de l'aviation civile qui lui est affectée. Aucune dotation n'est inscrite pour l'équilibre des dessertes aériennes en raison des reports des crédits 2000. Les crédits seront principalement affectés aux dépenses de l'Etat dans le domaine de la sûreté.

Pour la construction aéronautique, l'Etat poursuit son soutien aux programmes de recherche et au développement de nouveaux produits. La part la plus importante des dotations, versée sous forme d'avances remboursables, est destinée au lancement de l'A3XX, le nouveau géant européen des airs. Votre engagement personnel et celui du Gouvernement pour ce projet ambitieux est un signe fort pour l'industrie et l'emploi.

La commission de la production et des échanges a émis un avis favorable au vote du budget de l'aviation civile, dont la présentation est l'occasion de faire le point sur les évolutions de la filière aéronautique.

La déréglementation a été lancée à la fin des années 70 par l'administration Reagan. Sur le vieux continent, le transport aérien, libéralisé depuis le 1er avril 1997, fait désormais confiance à la main invisible du marché. La définition d'un espace commun des transports aériens englobant les Etats membres de l'Union européenne et les Etats-Unis a été envisagée par le Conseil des ministres des transports européens en juin 1996. Cela peut constituer une alternative à la politique de « ciel ouvert » menée par les Etats-Unis avec neuf pays membres de l'Union européenne, à condition que nous soyons fermes dans les négociations.

C'est dans ce contexte que les compagnies aériennes européennes poursuivent leur politique d'adaptation et de regroupement. C'est le cas pour les ailes françaises, touchées cette année par l'accident à Gonesse, de l'avion civil le plus mythique.

Air France arrive aujourd'hui en tête des compagnies aériennes européennes en affichant des résultats commerciaux et financiers en forte croissance.

Je voudrais dire à mon collègue Gantier que le fait que l'Etat conserve une part majoritaire n'a pas empêché l'entreprise de conclure des alliances et de créer les conditions de son développement et de la croissance de l'emploi. Aujourd'hui, je ne vois que des raisons idéologiques pour demander encore la privatisation d'Air France.

M. Dominique Bussereau - C'est Fabius !

M. François Asensi, rapporteur pour avis - Air France est reconnue pour la qualité de son savoir-faire et de ses services. Elle détient un réseau mondial puissant, grâce à sa participation à l'alliance globale Sky Team avec son partenaire américain Delta Airlines. En s'alliant avec la compagnie tchèque CSA, elle va pouvoir se déployer sur tout l'est du continent européen et offrir ainsi une puissante réplique à son principal rival américain, Star Alliances.

La croissance du trafic aérien produit des effets sur toute la filière aéronautique. En aval, l'augmentation du nombre de passagers nécessite des adaptations de la politique aéroportuaire. Le 26 octobre dernier, le Premier ministre a annoncé la constitution d'un réseau de plates-formes complémentaires à l'échelle nationale et d'une nouvelle plate-forme à vocation internationale pour désengorger Orly et Roissy. Ces décisions sont justes, d'autant qu'elles s'accompagnent de l'organisation d'un débat public et d'une consultation des élus avant le choix définitif. La nouvelle donne aéroportuaire passe par le développement de capacités aéroportuaires alternatives en province et la recherche d'une articulation avec le réseau des TGV ; la multimodalité est un axe majeur d'une politique d'aménagement du territoire.

Les préoccupations exprimées par les riverains d'aéroport ne peuvent être ignorées. Monsieur le ministre, la limite des 55 millions de passagers que vous avez fixée pour Roissy ne doit en aucun cas être dépassée sous peine de dégrader le cadre de vie et les équilibres écologiques de la Plaine de France. Je constate que l'engagement de ne pas dépasser globalement la quantité de bruit observée en 1997 a été tenu. Je me réjouis que l'autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires amplifie le dispositif de sanctions administratives.

Aux préoccupations concernant l'environnement s'ajoutent celles qui portent sur la sécurité. La commission de Bruxelles envisage de mettre en concurrence les systèmes de contrôle et de privatiser la gestion du trafic aérien en vol. Monsieur le ministre, comme vous l'avez affirmé lors de votre audition par la commission de la production et des échanges, il n'est pas question de séparer la fonction de régulation de la fonction d'opérateur et de céder, lors du Conseil de décembre, aux recommandations de Bruxelles.

En amont de la filière, avec le rapprochement des constructeurs français, la transformation du statut d'Airbus et le soutien de l'Etat aux programmes de recherche et aux nouveaux produits comme l'A3XX, sous forme d'avances remboursables, la France rivalise avec ses principaux concurrents. Au sein d'EADS, pionnier de l'intégration européenne, Airbus dépasse pour la première fois Boeing en commandes. Cependant, le géant de Seattle garde encore son avantage en termes de livraisons ainsi que de financement des programmes, bénéficiant notamment d'avantages fiscaux que nous ne pouvons accepter. D'après la Commission européenne, l'industrie aéronautique américaine a bénéficié de soutiens à hauteur de 7 % en 1996 et 12 % en 1997, alors que l'accord bilatéral de juillet 1992 n'autorise que 3 %. Le Gouvernement doit rester attentif à ce problème.

Sa vigilance doit être d'autant plus forte que les Américains inquiets des succès commerciaux d'Airbus, entendent perturber le lancement industriel de l'A3XX en affirmant qu'il n'existe pas de marché pour ce type d'avion et en mettant en cause le mécanisme des aides publiques.

Pour battre en brèche le vieux monopole de Boeing sur les avions très gros porteurs, Airbus espère vendre 750 avions au cours des vingt prochaines années. Le seuil des 50 commandes fermes sera atteint d'ici à la fin de l'année.

Cette année, je me félicite des avances remboursables que vous avez décidé de consentir à la recherche pour l'A3XX mais aussi pour la version allongée de l'Airbus A340 et les nouveaux moteurs.

Nous devons aussi nous efforcer avec nos partenaires européens, d'assurer le développement du futur avion supersonique.

Même si l'accident de Gonesse hypothèque l'avenir du Concorde, les constructeurs possèdent des acquis technologiques importants pour construire des avions supersoniques de deuxième génération, si toutefois il est possible de résoudre les problèmes d'environnement.

A l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, nous devons défendre notre savoir-faire aéronautique, préserver les droits sociaux et garantir un haut niveau de sécurité.

La commission de la production a approuvé les crédits de l'aviation civile.

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial de la commission des finances pour la mer - Il aura fallu les naufrages de l'Erika et de l'Ievoli Sun pour que la France se rappelle qu'elle est une grande nation maritime : c'est un message qu'il est difficile de faire passer, y compris à l'Assemblée nationale, puisque le rapporteur spécial pour la mer ne dispose que de dix minutes, contre quinze pour les rapporteurs en charge des transports terrestres et des questions aéronautiques. J'élève donc une véhémente protestation contre cette différence de traitement (« Très bien ! » sur divers bancs).

M. le Président - Votre protestation s'adresse sans doute au président de la commission des finances, puisque ce sont les commissions qui fixent le temps de parole des rapporteurs.

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial - Le budget de la mer tel qu'il apparaît dans le « bleu » s'élève à 6,7 milliards, soit une progression de 2,36 %. L'ensemble des dépenses publiques consacrées à la mer atteignent un total de 10,482 milliards.

Je rappelle que 72 % des crédits du budget de la mer vont à l'Établissement national des invalides de la marine qui doit plus de la moitié de son financement à l'Etat. Le taux de couverture pour armateurs et marins n'est que de 14,35 %, et, pour 43 000 actifs, il y a 125 000 pensionnés.

Hors ENIM, votre budget est en augmentation de 3,48 %. L'effort de formation est poursuivi : l'Ecole nationale de la marine marchande et le lycée technique en bénéficient. Nous avions voté l'an dernier un amendement pour l'intégration du personnel de l'AGEMA dans la fonction publique, mais l'administration -pas la vôtre, Monsieur le ministre- traîne les pieds. A ce jour, aucun de ces agents n'a changé de statut.

Vous vous êtes personnellement engagé dans le combat difficile de la sécurité maritime. Votre budget en apporte la preuve.

Tout d'abord, d'importants moyens sont inscrits pour améliorer le balisage et moderniser les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage en mer.

Vous avez proposé la création, chaque année pendant trois ans, de seize postes d'inspecteur de sécurité des navires. Effort méritoire mais insuffisant, tant les besoins sont importants.

Les autorisations de programme augmentent de 60 %, mais je m'étonne que diminue de 4,8 % le chapitre 34-98 -hors articles 70 et 80- consacré à la flottille de surveillance et aux moyens de services. L'an dernier, ces moyens étaient déjà insuffisants. L'Origan, vedette des affaires maritimes chargée de la surveillance entre Dieppe et Calais ne peut sortir que neuf heures par semaine ! Elle est pourtant basée dans le premier port de pêche de France au bord du boulevard maritime le plus fréquenté du monde. Cette décision est incompréhensible, à moins qu'elle ne soit l'_uvre de quelque chef de service qui, confortablement installé dans son bureau des bords de Seine, juge les événements à l'aune du trafic des péniches qu'il voit passer devant lui...

Les contrôles perdent beaucoup de leur intérêt si le réglementation applicable est trop laxiste. Je tiens à souligner la détermination de la France -la vôtre, Monsieur le ministre- pour faire évoluer la situation au niveau européen. Une réglementation qui ne s'appliquerait qu'à notre pays n'aurait aucun sens ; au contraire, elle ruinerait nos ports.

On vous a accusé, Monsieur le ministre, d'avoir freiné les mesures de sécurité maritime au niveau européen. Il faut être sérieux : faire des propositions maximalistes, ce serait susciter l'opposition de nombreux pays et il ne vous resterait qu'à rejeter la faute sur les autres. Il faut au contraire, comme vous l'avez fait, rechercher un consensus : c'est ainsi que les choses avancent.

Un effort supplémentaire en matière de secours en mer me semble indispensable.

Le samedi 28 octobre à 22 h 40, le Manuella, pétrolier-caboteur, voulait rejoindre Dunkerque après avoir déchargé sa cargaison dans le port de Boulogne. Le vent était très violent, la mer très forte, hachée par les courants qui règnent à la sortie de la rade.

Le Manuella, battant pavillon du Luxembourg, grand pays maritime s'il en est, était en règle : rien ne pouvait, réglementairement, l'empêcher de prendre la mer. A 23 h 15, réalisant que les moteurs étaient trop faibles pour lutter contre les éléments, il alertait la capitainerie. Cet exemple montre une carence de la réglementation, car on n'aurait jamais dû autoriser ce navire à sortir.

Aucun des trois remorqueurs de Boulogne n'étant suffisamment puissant pour sortir du port, on fit appel au remorqueur de haute-mer Far Turbot -affrété conjointement par la France et la Grande-Bretagne- qui arriva sur la zone vers deux heures.

Mais les vents violents, malgré l'aide de trois hommes d'une équipe de la marine nationale hélitreuillés à bord, empêchèrent le remorqueur d'intervenir. Il tomba en panne et dut aller se faire réparer dans le port de Boulogne ... Le remorqueur Le Calaisien, alerté, mit quatre heures pour arriver, le passage du Griz-Nez, vent debout et courant contraire, étant particulièrement difficile. Las ! la man_uvre échoua et les aussières vinrent se prendre dans une des hélices du Calaisien, qui partit rejoindre le Far-Turbot à Boulogne.

Le Manuella était alors à un demi-mile de la côte. Heureusement, il était vide et la faiblesse de son tirant d'eau lui évita l'échouage.

Vers 13 h, profitant d'une accalmie, notre pétrolier releva seul son ancre et, lentement, alla se mettre à l'abri en gagnant les côtes anglaises.

Alors que l'Ievoli Sun a pu dériver de 20 km, le Manuella était à 800 mètres du rivage. Le détroit du Pas-de-Calais est un véritable baril de nitroglycérine. Chaque jour, le quart du trafic maritime mondial y transite : 220 000 navires empruntent chaque année les deux rails montant et descendant à quelques kilomètres des côtes, croisant les navires qui traversent la Manche pour relier le premier port de voyageurs du monde -Douvres- au premier port d'Europe continentale -Calais- sans compter les navires de pêche.

Les vents d'ouest et de sud-ouest poussent inexorablement les navires en difficulté sur nos côtes. La carte fournie par le CROSS Gris-Nez, annexée au rapport, est claire. Il faut pouvoir en moins d'une heure, secourir un navire en difficulté. Le Far-Turbot est insuffisant. Il faut, à demeure à Boulogne, parce que c'est le port le mieux placé, ou dans les parages immédiats, un remorqueur de haute-mer.

Les crédits consacrés aux ports sont en augmentation significative et, d'année en année, vous comblez le retard considérable pris dans leur entretien.

La compétitivité d'un port dépend directement de sa desserte terrestre. Ainsi, pour transporter un conteneur de Lyon en Asie, le coût du trajet Lyon-Marseille représente 35 % du coût total.

J'ai évoqué l'an dernier la nécessité de revoir le statut des ports : sept ports autonomes et vingt-trois ports d'intérêt national, cela n'a pas grand sens. La Cour des comptes fait la même analyse dans son rapport, très critique il est vrai.

La loi Chevènement a développé, avec succès, l'intercommunalité. Pourquoi pas une loi Gayssot sur « l'interportuarité » ?

Notre flotte de commerce reste à son niveau de l'an dernier, mais 80 % de sa capacité est sous pavillon des Terres australes et antarctiques françaises. Harcelés par la concurrence, les armateurs demandent des améliorations de ce statut. On peut les comprendre, mais il faut rappeler qu'au 1er janvier, notre flotte TAAF comportait 815 bâtiments étrangers pour 759 français.

Le système du GIE fiscal qui a remplacé les quirats a pris sa vitesse de croisière. Devant la commission des finances, j'ai évoqué les interrogations apparues dans la presse à propos de la privatisation de la CGM : 1,3 milliard de recapitalisation, dont 800 millions de fonds propres, pour un prix de vente de 20 millions... Notre collègue Gérard Bapt a demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire.

L'an dernier, après la publication de l'excellent rapport de M. Capet, nous avions évoqué les conséquences que risquait d'avoir la disparition du duty free sur les navires du trafic transmanche. Nos inquiétudes étaient fondées. Si les pertes ont pu être compensées sur les liaisons les plus longues par une augmentation des tarifs, il n'en est pas de même pour les liaisons courtes. Au second semestre 1999, Seafrance a perdu 50 % de ses passagers. Boulogne-sur-Mer est de loin le port le plus touché. Pour la première fois depuis cent cinquante ans, il est privé de tout trafic de passagers, l'armateur anglo-américain qui assurait la liaison avec Folkestone ayant renoncé à cette desserte en septembre. Or de nombreux commerces vivaient grâce aux Britanniques. La situation de ma ville, qui compte encore 20 % de chômeurs, est devenue dramatique. Elle résulte d'une décision européenne -la fin du duty free- et d'une décision franco-britannique -l'ouverture du tunnel. La solidarité nationale doit donc jouer. Dès 1986 d'ailleurs, il était prévu, dans un « bleu interministériel », d'aider les villes touchées par l'ouverture du tunnel.

Enfin, Monsieur le ministre, soyez vigilant sur la question du cabotage vers les îles. La Commission européenne, connue pour son ultra-libéralisme, veut l'ouvrir à la concurrence, si bien que certaines îles, si la liaison n'est pas rentable, se retrouveront complètement isolées.

Monsieur le ministre, vous mettez tout en _uvre pour aider le domaine maritime français et j'invite mes collègues à voter votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. André Capet, rapporteur pour avis de la commission de la production pour les transports maritimes et fluviaux - Après une nette progression de 15,6 % en 2000, les dotations consacrées aux transports maritimes et fluviaux, hors subvention à l'Établissement national des invalides de la marine, augmentent à nouveau de près de 4 %. Toutefois, cette progression ne profite qu'aux dépenses ordinaires, les crédits de paiement reculant de plus de 12 %. Je considère néanmoins que la hausse de 14 % des autorisations de programme permettra au ministère de poursuivre efficacement ses interventions.

Le secteur des transports maritimes, qui se porte plutôt mieux en France qu'il y a quelques années, est méconnu de la plupart de nos concitoyens et même de trop de nos collègues. Pourtant, 90 % de notre commerce extérieur intercontinental transite par nos ports. Mais le développement des trafics, la recherche frénétique de la réduction des coûts du transport, le manque de moyens juridiques et pratiques pour contrôler la navigabilité de certains navires aboutissent à l'utilisation de navires parfois insuffisamment entretenus, parfois trop anciens et trop fragiles, voire à celle de véritables rafiots qui, en sombrant, polluent nos côtes et désespèrent les populations, notamment le long de la Manche et de l'Atlantique, de voir un jour notre littoral respecté.

C'est pourquoi j'aborderai en premier lieu la sécurité maritime. La France préside encore pour deux mois l'Union européenne : mettons à profit ce court laps de temps pour nous engager résolument en faveur du renforcement des contrôles dans les ports, après les naufrages de l'Erika et de l'Ievoli Sun. La recherche, louable, d'une solution communautaire consensuelle ne doit pas faire oublier que, depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, les réglementations européennes sur les transports peuvent être adoptées à la majorité qualifiée.

Vous avez, Monsieur le ministre, trouvé au Conseil des ministres des transports du mois d'octobre un compromis sur le renforcement des contrôles dans les ports mais la Commission était en mesure de soutenir davantage votre détermination à voir définis des critères encore plus stricts. Il est dommage que les pays européens ne veuillent pas s'engager à augmenter la fréquence des contrôles en raison du manque de personnel dans leurs ports. Une telle mesure permettrait pourtant à la Commission de publier une liste noire des navires dangereux. Je salue à ce propos votre engagement, dès avant l'accident de l'Ievoli Sun, de doubler le nombre de contrôleurs dans les ports français.

De grands pays maritimes comme les Pays-Bas sont parmi les plus réticents à renforcer les contrôles. Comme l'a souligné récemment François Lamoureux, directeur général de l'énergie et des transports à la Commission, il y a un gros manque d'inspecteurs spécialisés et si les pays membres décident de baisser le coefficient de contrôle proposé par le Commission, un bateau comme l'Erika passera au travers des mailles du filet.

Je souhaite donc que vous nous indiquiez comment vous entendez avancer sur la proposition tendant à interdire dans les ports de l'Union les navires de plus de quinze ans qui ont déjà été l'objet de deux immobilisations. Deux autres séries de mesures permettraient de renforcer la sécurité maritime en Europe. Il conviendrait en premier lieu de renforcer les contrôles dans les ports communautaires, tout en prévoyant des sanctions plus sévères à l'encontre des sociétés de classification négligentes et en éliminant progressivement, d'ici à 2015, les navires à coque unique au profit des doubles coques, qui paraissent plus sûres. Il faudrait aussi prévoir un système européen d'échanges d'informations, notamment sur les bateaux dangereux, la création d'une agence maritime européenne et la réforme des principes qui régissent les responsabilités du propriétaire, du chargeur et de l'affréteur, ainsi que des régimes d'indemnisation en cas de catastrophe.

Enfin, je soutiens, Monsieur le ministre, votre projet d'interdire aux navires dangereux d'appareiller en cas de tempête.

Mais le transport maritime ne se limite pas, heureusement, à ces drames. Nos ports maritimes se portent plutôt bien, puisqu'entre 1994 et 1998, leur trafic total est passé de 236 à 261 millions de tonnes. Cette progression est d'autant plus satisfaisante qu'au cours de la même période, l'accroissement du trafic de l'ensemble des ports européens n'a été que de 13 millions de tonnes sur un total de 1,19 milliard. L'action engagée depuis plusieurs années avec la réforme du statut de la manutention, l'amélioration de la productivité, la meilleure insertion des ports dans la chaîne de transports, la responsabilisation des acteurs et la simplification des procédures a donc porté ses fruits. Nous pouvons ainsi pleinement profiter du dynamisme des trafics en Europe du Nord, qui avait été jusqu'ici plutôt favorable à Anvers et à Rotterdam. La nécessité pour les chargeurs d'éviter la constitution de monopoles portuaires les amène à diversifier leurs points d'entrée et de départ des marchandises en Europe. La saturation croissante des réseaux terrestres dans le nord de l'Europe va également conduire à ne plus concentrer les trafics ce qui entraînera sans doute une certaine redistribution dont les ports français peuvent être de grands bénéficiaires. Le développement récent des zones logistiques portuaires, notamment avec l'opération Port 2000 au Havre, marque une évolution positive. Les mesures prévues, cette année, notamment l'exonération de la taxe professionnelle des équipements de manutention portuaires, rendront nos ports plus compétitifs dans un marché particulièrement concurrentiel.

En outre, la remise à niveau des infrastructures portuaires, ainsi qu'une série d'investissements visant à accroître les capacités du Havre, de Marseille, de Nantes-Saint-Nazaire et de Dunkerque ou à les moderniser, ont fait l'objet de contractualisations dans le cadre des nouveaux contrats de plan Etat-régions. Le volet portuaire de ces plans, représente, pour la période 2000-2006, un engagement de 1,35 milliard de l'Etat.

Je salue également l'action menée pour conjuguer le soutien à la flotte de commerce et l'adaptation de la formation maritime à des besoins croissants ; je me réjouis en particulier du dispositif de remboursement par l'Etat des contributions sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accidents du travail, versées par les entreprises qui emploient du personnel navigant sur des navires de commerce battant pavillon français. Il serait toutefois plus simple et plus efficace de dispenser du paiement des cotisations les entreprises qui peuvent prétendre à ces exonérations, tout en prévoyant un contrôle a priori du respect des conditions d'embauche et d'emploi ouvrant droit à ces allégements. Si le GIE maritime créé par la loi du 2 juillet 1998 pour favoriser l'investissement maritime a permis de stabiliser la flotte à environ 210 navires, il n'a pas pour autant favorisé une forte remontée de l'armement français, qui reste au 28ème rang mondial.

Les armateurs de la flotte de commerce doivent actuellement faire face à une grave pénurie d'officiers, alors qu'il y a quelques années, les majors des écoles maritimes peinaient à embarquer. Ces difficultés vont s'aggraver, compte tenu de la pyramide des âges et de l'évolution prévisible de la flotte française. Il manque déjà 150 officiers pour satisfaire les stricts besoins actuels d'armement des navires. Cette pénurie est d'ailleurs mondiale.

L'augmentation du nombre d'élèves dans les écoles nationales de la marine marchande est essentielle pour résoudre ce problème. Le nombre d'élèves inscrits en formation d'officier polyvalent a augmenté régulièrement depuis 1995 ; il sera de 250 en septembre 2000. Le plan de spécialisation de ces écoles et l'augmentation de la subvention de l'Etat ont permis d'améliorer l'efficacité de notre enseignement maritime. Mais aujourd'hui le manque d'enseignants ne permet pas d'envisager une nouvelle augmentation du nombre des élèves.

Je terminerai sur le transport maritime par une question sur l'avenir de l'armement SeaFrance pour la liaison Calais-Douvres. Je suis, vous le savez, très attaché au maintien de l'armement sous pavillon français dans le secteur transmanche, pour lequel SeaFrance joue un rôle prépondérant. J'y vois l'assurance du maintien d'emplois maritimes qualifiés, dans une région qui souffre d'une grave crise de l'emploi. Il faut aussi que prévale sur ces lignes une concurrence loyale entre les opérateurs pour ne pas laisser s'établir sur un axe économiquement aussi important un monopole qui pénaliserait les utilisateurs.

SeaFrance est la seule compagnie maritime française du Pas-de-Calais. Son marché principal est la Grande-Bretagne, où elle est implantée, la clientèle britannique représentant les trois-quarts de ses passagers. En 1998, son chiffre d'affaires s'est élevé à 1,26 milliard, ce qui lui a permis de consolider ses positions et d'assainir ses comptes : pour la première fois depuis son lancement, le résultat courant de l'exercice avait été bénéficiaire de 12,3 millions.

En 1999, grâce au taux élevé de la livre, ce chiffre d'affaires a atteint à 1,32 milliard, avec un résultat courant de 50 millions. La compagnie évalue toutefois à 159 millions la perte globale de marge résultant de la suppression des ventes hors taxes au 1er juillet 1999. Les ventes à bord, qui représentaient 52 % des recettes en 1997, 48 % en 1998 et moins de 37 % en 1999, devraient chuter à moins de 30 % en 2000.

Dans ce contexte extrêmement difficile, les parts de marché de SeaFrance s'effritent, passant de 20,4 % du trafic passagers sur la ligne maritime Calais-Douvres en 1998 à 19,7 % en 1999, et de 11,7 % à 11,2 % du marché global, qui inclut le lien fixe Eurotunnel. Sur le marché du fret, pourtant globalement en progression de 12 %, SeaFrance a perdu 4 % de part de marché, en raison de son incapacité à répondre à la demande et des augmentations de capacité de ses concurrents.

Plus petite que les armements P&O-Stena et Hoverspeed, lequel vient de remplacer ses hovercrafts par des catamarans géants, SeaFrance poursuit ses efforts pour développer son trafic de fret, qui est sa principale source de revenus. Son avenir est lié à l'évolution des prix de passage, largement déterminée par le leader Eurotunnel et par les comportements de la clientèle.

De ce point de vue, 1999 a été marquée par une hausse sensible des tarifs, notamment pour compenser les importantes pertes liées à la suppression des ventes hors taxes : pour SeaFrance la hausse a été de 20 à 40 %, selon les trafics. D'où une très forte diminution des traversées de piétons à la journée, qui concernaient les plus modestes. Et SeaFrance a encore dû relever ses barèmes de 12 % en 2000.

Si la recapitalisation de l'entreprise par sa maison mère, la SNCF, ainsi que la clarification de sa situation patrimoniale ont rendu SeaFrance intégralement propriétaire des navires Cézanne et Renoir, il faudra que la puissance publique conforte encore l'entreprise, qui prévoit de moderniser une flotte vieillissante et de renforcer son offre de transport pour rester un opérateur majeur du trafic transmanche. SeaFrance vient ainsi de commander, avec votre aide, Monsieur le ministre, un nouveau navire transbordeur d'une capacité de 1 900 passagers et de 120 camions ou de 700 voitures, d'une valeur d'environ 600 millions, dans le cadre du dispositif du « GIE fiscal ». Sa mise en service est prévue dès le début de 2002.

J'en viens au transport fluvial. Avec la disparition du FITTVN, les crédits pour les voies navigables se répartissent désormais en cinq chapitres inscrits au budget des transports. Les crédits d'entretien et de fonctionnement sont dotés de 5,6 millions, afin d'assurer les services déconcentrés du ministère. Les crédits pour les interventions en faveur de la batellerie, transférés au chapitre 44-20, chutent de 13 à 7 millions , en raison de l'achèvement des plans sociaux.

Pour le reste, la politique fluviale se concentre sur l'extension et la restauration des réseaux : 530 millions en autorisations de programme au titre VI et 159 millions en crédits de paiement viendront abonder les ressources propres de Voies navigables de France, pour aider cet établissement à financer ses opérations de restauration du réseau. Ces crédits financeront aussi la part de l'Etat dans les contrats de plan Etat-régions, au titre de la modernisation de la voie d'eau. En outre, 20 millions au titre V en autorisations de programme et 6 millions en crédits de paiement seront consacrés à la restauration et aux grosses réparations du réseau géré directement par l'Etat.

Par rapport à l'ensemble des modes de transports terrestres, le chiffre d'affaires de la voie d'eau est en très légère progression, passant de 1,23 % en 1998 à 1,32 % en 1999. Cependant, avec un réseau de 8 500 kilomètres qui n'a pas évolué récemment, le total des longueurs fréquentées a diminué de 7,6 % entre 1996 et 1999, et le trafic a disparu sur certaines portions de réseau, ce qui va à l'encontre de la multimodalité. Pouvez-vous nous rassurer, Monsieur le ministre, sur la réalisation des projets d'infrastructures nouvelles à grand gabarit, comme Seine-Nord, Seine-Est, Saône-Moselle ? Sans ces projets structurants, le développement de la voie d'eau, mode de transport peu consommateur d'énergie, indispensable pour dégager les axes routiers saturés et qui préserve l'environnement, restera une chimère.

La voie d'eau permet en outre une diversification de l'activité touristique puisqu'y cohabitent navigation de plaisance, location de bateaux, sports aquatiques et pêche.

Conformément aux conclusions de son rapporteur, la commission a donné un avis favorable aux crédits des transports maritimes et fluviaux pour 2001 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Odile Saugues - Avec presque 10 milliards d'autorisations de programme et 4,5 milliards de francs de subventions d'investissements, au profit principalement des transports collectifs, ferroviaires et de la voie d'eau, ce budget s'inscrit dans la politique engagée depuis 1997. Il nous permet d'aller vers le rééquilibrage des modes de transports ; il fait de la sécurité non seulement un slogan mais aussi une priorité budgétaire ; il marque notre attachement à l'emploi, notamment pour rendre plus efficace notre système de contrôle.

Le rééquilibrage des modes de transports paraît incontournable tant nous sommes au bord de l'asphyxie dans nos villes et tant il faut revoir le transport des marchandises dans notre pays.

On peut chercher à limiter la place d'un mode de transport en le pénalisant, en lui demandant d'intégrer l'ensemble de ses coûts sociaux et environnementaux. Mais cette logique n'est pas toujours efficace. Ainsi, la flambée récente des cours du pétrole ou les hausses de la TIPP décidées par les gouvernements Balladur et Juppé n'ont pas remis en cause la place prépondérante du transport routier de marchandises.

Nous devons encourager les modes de transport les moins polluants et les plus sûrs. L'effort budgétaire va dans ce sens. Depuis 1997, les investissements ferroviaires ont été doublés. Les nouveaux contrats de plan Etat-région dégagent aussi des moyens sans précédent pour ce qui a été le parent pauvre des contrats précédents. La prise de conscience des régions -il est vrai que des changements politiques notables sont intervenus- et la volonté sans faille du Gouvernement ont permis cette évolution.

Rééquilibrer nos modes de transport passe également par la définition d'un véritable politique fluviale. 530 millions en autorisations de programme et 159 millions en crédits de paiement viendront abonder les ressources propres de voies navigables de France pour financer les opérations de restauration du réseau et les nouveaux contrats de plan. Il convient là encore, de souligner l'importance de ces contrats. Toutes les régions concernées ont prévu de s'engager dans la valorisation des voies navigables et en ont mesuré les enjeux pour l'économie, l'industrie, mais aussi le développement touristique.

Rééquilibrer les modes de transport, c'est aussi sortir les villes de la toute puissance de l'automobile. Vous avez, Monsieur le ministre, tenu les engagements pris lors du débat sur le projet de loi SRU. Les crédits d'investissement pour les transports collectifs urbains augmentent de 60 %, avec un effort particulièrement important pour la mise en _uvre des plans de déplacements urbains.

Enfin, le rééquilibrage des modes de transports passe par la modernisation du transport routier de marchandises. La libéralisation a tiré ce secteur vers le bas, encourageant des pratiques de dumping social. Le rôle de l'Etat, tel que nous le concevons, est de conforter sa place dans notre économie en relevant le défi de la qualité, de la formation professionnelle, des conditions de travail et de la sécurité.

Les crédits consacrés à la formation professionnelle dans ce secteur atteindront, en 2001, 40 millions, au lieu de 14 cette année. Nous revenons de loin en la matière. Depuis 1997, la formation des conducteurs a été au centre des préoccupations des pouvoirs publics. Les résultats sont là : en 1998, le nombre des salariés du transport routier ayant reçu une formation augmentait de 28 %, les formations continues consacrées aux matières dangereuses de 26 % et le nombre de stagiaires accueillis par l'AFT de 46 % ! On assiste également à une hausse spectaculaire de formations continues obligatoires de sécurité : 104 stagiaires en 1995 et 32 300 en 1998.

Ce souci est un atout précieux pour préparer l'avenir, mais également une Europe des transports où les conditions de travail et où les formations seraient davantage harmonisées.

Ce budget marque aussi une nouvelle étape en matière de sécurité maritime. Les autorisations de programme augmenteront de 60 %. Ces moyens nouveaux permettront de moderniser les dispositifs de sécurité. Je me félicite en particulier de la commande d'un deuxième patrouilleur de haute mer et de l'accélération du programme de remise en état des phares et balises.

75 postes sont aussi créés. Toutefois, nous sommes encore loin du compte puisque les contrôleurs d'épaves visitent à peine 13 % des navires étrangers alors que l'objectif européen est de 25 %. Par ailleurs, il faut que ces postes soient pourvus par des personnes à l'expérience professionnelle reconnue.

L'Etat doit non seulement redoubler d'efforts, mais aussi être capable de travailler avec tous les partenaires face aux risques de pollution. Le naufrage de l'Erika a montré la place majeure du mouvement associatif. De même, il me paraît heureux de reconnaître le savoir-faire scientifique et technique d'une association comme Greenspeace. En ce qui concerne la lutte contre les dégazages en mer, il faudra donner aux ports les moyens de recueillir les déchets d'exploitation et les résidus de cargaison. J'ai déposé un amendement avec MM. Le Bris et Le Drian dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les transports qui nécessitera un effort de la part de l'Etat.

Nous tenons également à vous apporter notre soutien, que j'espère d'ailleurs unanime, pour faire que la réunion des ministres des transports des 20 et 21 décembre prochains soit un tournant pour la sécurité de nos espaces maritimes. Le naufrage du pétrolier Erika et celui du chimiquier italien Ievoli Sun montrent clairement que les réponses doivent être pensées et mises en _uvre au plan européen. Il faut obtenir de l'Europe des restrictions de navigation en cas de tempête, en particulier dans le rail d'Ouessant, mais aussi dans d'autres zones très sensibles comme les Bouches de Bonifacio.

Hier, un responsable syndical disait à propos du Ievoli Sun, que les impératifs de rentabilité se sont imposés encore une fois devant la sécurité des hommes et de l'environnement. Il stigmatisait les larmes de crocodile de certains responsables politiques, précisant qu'une partie significative des élus de droite tient un double langage : ils sont très fermes pour dénoncer les catastrophes, alors qu'ils prônent par ailleurs une libéralisation accrue des transports.

M. Dominique Bussereau - Allez voir aux Etats-Unis !

Mme Odile Saugues - Le Gouvernement et sa majorité parlementaire ont, eux, beaucoup _uvré en une année. Deux comités interministériels, les 28 février et 27 juin, ont défini des mesures pour améliorer la prévention, la surveillance et la répression.

Il faut aussi évoquer le renouvellement de la chaîne radar de surveillance de la Manche, la création d'un centre de traitement des informations relatives au trafic maritime et la remise à plat de l'organisation des plans Polmar Terre et Polmar Mer.

Nous sommes à vos côtés, Monsieur le ministre, pour demander l'accélération du calendrier d'élimination des pétroliers à simple coque et l'agrément des sociétés nationales de classification au niveau européen.

Mais je ne peux évoquer ce volet de votre budget sans vous faire part de mes inquiétudes à propos de la privatisation de la Compagnie générale maritime en 1996. Guy Lengagne a fort justement pointé du doigt les zones d'ombre de cette affaire, en particulier en ce qui concerne l'utilisation des 1 125 millions versés par l'Etat pour la recapitalisation de la CGM. J'espère, Monsieur le ministre, que vous pourrez nous éclairer sur ce dossier visiblement mal conduit par le Gouvernement précédent.

Je terminerai avec un point à mes yeux primordial : Météo France. Ce service est au c_ur de notre dispositif de prévention des risques naturels. Or le prochain contrat d'objectifs 2001-2005 entre l'Etat et lui suscite des inquiétudes.

Il faut veiller à préserver son efficacité, en particulier en maintenant son implantation locale. Je ne vois d'ailleurs pas comment nous pourrons attendre des agents de Météo France qu'ils maintiennent leur niveau d'excellence, voire qu'ils confirment leurs compétences en hydrologie si nous acceptons une stagnation des effectifs et une diminution des ouvriers d'Etat et des militaires.

Mes collègues socialistes compléteront ce tour d'horizon sur un budget qui est, du fait d'événements dramatiques mais aussi par son impact dans notre vie quotidienne, au c_ur des préoccupations de nos concitoyens.

Vous pouvez, Monsieur le ministre, compter sur l'appui de notre groupe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Michel Bouvard - Ce budget intéresse au premier chef nos concitoyens, tant dans leur vie quotidienne qu'au point de vue des échanges économiques de l'environnement. On pourrait donc penser qu'il serait une des priorités du Gouvernement. Mais, sans pudeur, le projet prévoit une simple reconduction des crédits, soit une diminution en francs constants. Sur 11 337 emplois nouveaux, 3 seulement lui sont attribués, alors même que des besoins urgents se font sentir. Le retour de la croissance aurait dû permettre d'y remédier, ainsi qu'au déficit d'investissements. Cette situation n'est pas due à un manque de combativité du ministre, mais au fait que ce ministère a la malchance de regrouper la majorité des investissements civils du pays et que ce sont justement ces dépenses qui sont sacrifiées. Les budgets d'investissements civils s'établissent à un niveau historiquement bas, moins de 80 milliards, à rapprocher des 100 milliards des 35 heures ... La Cour des comptes s'est elle-même inquiétée de l'absence de maîtrise des dépenses de fonctionnement. C'est ce qui rend d'autant plus regrettable que ce budget ne soit pas discuté en milieu de semaine, comme à l'accoutumée, devant un plus grand nombre de nos collègues.

En ce qui concerne le budget de la mer, j'enregistre avec satisfaction une progression de 5,5 % des crédits pour la sécurité maritime et le doublement des effectifs pour l'inspection des navires. Cependant, les investissements ont baissé de 12,57 %. Le traité de Maastricht a donné compétence à l'Union dans le domaine maritime. Le groupe du RPR plaide donc pour la constitution d'un corps européen de garde-côtes.

Quant au budget des transports terrestres, il est vrai que le changement de nomenclature le rend peu lisible. Les crédits consacrés aux routes augmentent de 7,3 % en autorisations de programme mais baissent de 17,8 % en crédits de paiement. Ces crédits baissent malgré la réintégration du FITTVN. Nous attendons que les crédits non consommés du fonds soient intégralement reconduits sur 2001. Il a fallu toute la ténacité de nos collègues présents pour obtenir que le Gouvernement s'y engage. Il est certain que sans la vigilance des parlementaires ces crédits n'auraient pas été restitués.

Après avoir déjà diminué en 1997, 1998 et 1999, le budget des routes est sacrifié et les taux d'exécution des investissements prévus dans les contrats de plan ne seront pas atteints.

Nous approuvons, en revanche, le redressement des crédits d'entretien du patrimoine, tendance engagée dès le budget 1996, Monsieur Bonrepaux.

Les contrats de plan traduisent la faiblesse des investissements : la route des estuaires n'est toujours pas achevée, certaines opérations ne pourront même pas être engagées et celles qui le sont font appel à des contributions importantes des collectivités locales. Ainsi le programme de sécurisation des routes de montagne ne sera financé qu'à 33 % par l'Etat sur son propre réseau national !

Quand sera réouvert le tunnel du Mont Blanc ? Je précise au rapporteur spécial que les responsables du tunnel du Fréjus, géré par les collectivités locales, n'ont pas attendu la catastrophe du Mont Blanc pour faire escorter les convois dangereux, contrairement à ce qu'indique son rapport.

En ce qui concerne les sociétés d'autoroutes, les négociations avec Bruxelles sont-elles achevées ? Je veux dire le désaccord du RPR sur la procédure d'approbation de la réforme par voie d'ordonnance. Ce sujet aurait justifié un débat parlementaire, par exemple dans le cadre de la loi de finances rectificative. Sous le gouvernement Balladur, la réorganisation des SEMCA avait fait l'objet d'un débat ici-même.

M. Francis Delattre - Eh oui !

M. Michel Bouvard - La MEC avait d'ailleurs recommandé l'adoption d'un schéma national d'infrastructures avec arbitrage des ressources budgétaires. Hélas, les schémas de service pour les transports ne seront pas soumis au Parlement.

En ce qui concerne le rail, le groupe RPR se félicite de l'amélioration des résultats de la SNCF, due à la mobilisation de l'entreprise, à la régionalisation et au retour de la croissance. Cela ne signifie pas que les problèmes soient réglés. La SNCF devra face aux 35 heures, à la hausse des péages dus à RFF, à l'accroissement de la fiscalité -rien ne nous indique qu'elle sera exemptée de la taxe sur l'énergie. S'y ajoute un redressement fiscal de plusieurs centaines de millions, comme si Bercy voulait reprendre d'une main ce qu'il donne de l'autre.

Je souhaite que les relations entre l'Etat et la SNCF soient normalisées et plus transparentes. On ne peut annoncer des aides à l'investissement, puis refuser les projets que la SNCF présente. On ne peut imposer une hausse brutale des péages sans réajuster les tarifs sociaux consentis à la demande de l'Etat. N'oublions pas que la SNCF a financé le TGV-Méditerranée en fixant un péage élevé. Pour la régionalisation, se pose toujours le problème de la prise en charge du matériel roulant.

Notre groupe souhaite qu'une mission d'information, qui pourrait être organisée dans le cadre de la MEC, propose des règles stables pour les rapports entre l'Etat et la SNCF.

Pour le réseau RFF, la faiblesse des investissements de l'Etat retarde de nombreux projets de modernisation, comme l'électrification de la ligne Grenoble-Chambéry, attendue depuis plus de dix ans. Les liaisons à réaliser dans les Alpes et les Pyrénées, pour faire face à l'accroissement du trafic, se font aussi attendre. Alors qu'une décision sur la liaison Lyon-Turin semblait proche quand vous êtes venu à Modane, Monsieur le ministre, le sommet franco-italien est reporté. La population veut un calendrier précis. Les récentes crues en Italie du Nord ont démontré la fragilité du réseau ferroviaire actuel : les délais de réparation vont faire perdre à la SNCF 6 % du fret national. Elément nouveau, des partenaires se sont déclarés prêts à s'engager financièrement dans l'opération, notamment la Caisse des dépôts et le groupe San Paulo, réunis autour de M. Raymond Barre.

Puisque les crédits d'investissement manquent pour la route et le rail, je suggère qu'on leur affecte une partie du produit des licences UMTS, qui sont la réalisation d'actifs de l'Etat.

Je conclurai sur le dossier de la viabilité hivernale. Nous avons appris que suite à une circulaire adressée aux DDE, l'Equipement ne comptait plus assurer cet hiver le déneigement des communes, voire de certaines routes départementales -tout cela pour suivre une directive européenne sur le temps de travail qu'aucun pays européen n'applique à cette activité !

Monsieur le ministre, rapportez cette circulaire ! Donnez-nous le délai nécessaire pour négocier avec la Commission européenne, conformément à la loi Montagne. Les personnels de l'Equipement effectuent leur travail avec compétence et passion, pourquoi tout remettre en cause ? Maintenons le service, maintenons la mutualisation des moyens entre Etat et collectivités locales. On ne peut pénaliser à nouveau les territoires de montagne qui souffrent déjà de handicaps. Nous vous appuierons dans les négociations avec la Commission européenne. Votre directeur des routes, que nous avons rencontré le 12 juillet, semble partager notre sentiment. Nous attendons une décision politique.

Sur beaucoup d'objectifs, nous sommes en accord avec vous, Monsieur le ministre. Mais nous constatons que le Premier ministre ne vous donne pas les moyens nécessaires, alors que sur des politiques plus discutables, votre collègue de l'Environnement les obtient.

Le groupe RPR ne pourra voter ce budget qui affiche de bonnes intentions, mais ne permet pas de financer les investissements indispensables au pays (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Marc-Philippe Daubresse - Un grand homme de gauche déclarait dans les années 60 que la démocratie repose à tout instant sur les engagements pris par les candidats aux responsabilités et sur le mandat donné par le pays pour tenir ces engagements.

L'instant de vérité est arrivé : de nombreux engagements ont été pris depuis 1997 pour une stratégie à long terme. Notre déception est à la hauteur des enjeux.

Il est vrai que l'année 2000 n'a pas été clémente pour vous : après l'incendie du tunnel du Mont-Blanc et le naufrage de l'Erika, vous avez connu cette année l'explosion du Concorde et la disparition en mer du Ievoli Sun. Vos engagements répétés en faveur de la sécurité aérienne, maritime et routière, n'ont pas été honorés.

Nous attendions un budget 2001 plus clair et plus volontariste. Or, du fait de la débudgétisation du FITTVN, il est peu lisible. Il est sans perspective et sans souffle, axé sur le fonctionnement plus que sur l'investissement.

Lorsque la loi Pasqua a créé le FITTVN, c'était pour lancer une vraie politique d'investissements pour l'intermodalité : or, année après année, vous l'avez débudgétisé pour donner plus de crédits aux routes et vous n'avez pas initié de politique nouvelle pour le ferroviaire et le fluvial.

Vous envisagez de présenter au Parlement un projet sur l'intermodalité en 2002. C'est fou tout ce qu'on fera en 2002 : les retraites, la réforme de la décentralisation, les institutions et, maintenant, l'intermodalité ! Pourquoi ne pas en traiter dès 2001 ? Nous pourrions avoir un débat intéressant et vous montrer que l'argent -bien réel- qui est mis dans le rail ne va pas pour l'essentiel à l'investissement, mais au fonctionnement ; et que les investissements dans le transport combiné n'atteignent pas un seuil suffisant pour infléchir réellement la politique de l'Etat. Vous me direz que la SNCF est en redressement, qu'elle a connu -grâce au désendettement engagé par Bernard Pons et Mme Idrac- une croissance importante et qu'elle va atteindre le point d'équilibre. Mais la réalité pour 2001 est moins idyllique.

La SNCF devra intégrer les péages de RFF, l'impact des 35 heures -et je ne retrouve pas dans les « bleus » les 200 millions prévus à ce sujet par l'Etat, le surplus de 700 millions de taxe professionnelle exigé par le ministère des Finances, sans oublier les 270 millions de hausses de salaires consécutives à la grève, et le coût même de la grève, soit 130 millions. Le trafic de fret, qui s'est accru sur les huit premiers mois de 2000, va s'effondrer en fin d'année à la suite des problèmes qui sont apparus du côté de Modane. Je suis donc prêt à parier que la SNCF sera en déficit en 2001.

Le manque de moyens de fonctionnement de la SNCF ne cesse de s'aggraver au détriment des investissements. Cette année, hors RFF, la SNCF n'investit que 6 milliards ou 10 milliards si l'on ajoute les contrats de plan sur les transports express régionaux.

La dotation de RFF, soit 12 milliards, n'est pas à la hauteur des enjeux -TGV Est, intermodalité, amélioration des lignes de fret, plates-formes multimodales...

A propos d'investissements, la SNCF semble vouloir, dans la plus grande clandestinité, prendre une participation de 3 à 5 % dans la société anglaise Go Ahead. Mais cela exige, outre les 300 millions d'achat des actions, un investissement de 200 millions en fonds propres, et la garantie d'un investissement de 16 milliards en infrastructures. Le risque financier pose des questions de fond : puisque la SNCF accepte en Angleterre le principe de la privatisation et de la concurrence, pourquoi pas en France ? D'autre part, dans une telle opération, n'est-ce pas le contribuable français qui investit pour permettre au contribuable anglais de faire des économies, alors que nous avons en France des besoins criants d'investissement ? Enfin, quel a été le processus de décision ? Pourquoi le Parlement n'a-t-il pas été informé ? L'avez-vous été vous-même, Monsieur le Ministre ? Comment fonctionne la tutelle en pareil cas ?

La régionalisation des transports ferroviaires, entreprise par M. Pons et Mme Idrac, est un succès. Le déficit de la SNCF est tombé de 1,7 milliard à 800 millions . Mais la loi SRU fixe un montant maximum d'indemnité aux régions très inférieur à la réalité, sans tenir compte du renouvellement du matériel roulant, ce qui laisse augurer des bagarres sur le débat gares (Sourires). Il suffit d'écouter les présidents de conseils généraux, de toutes tendances, pour voir que les moyens ne sont pas à la hauteur.

Pour ce qui est du fret de l'intermodalité, il est satisfaisant que la SNCF investisse dans six cents locomotives. Nous nous félicitons aussi de la réalisation des deux grandes plates-formes internationales d'Hourcade et de Dourges, décidée certes par un précédent gouvernement, mais l'engagement est tenu. Rapporteur d'une précédente majorité, j'avais souligné la nécessité de faire de grandes plates-formes européennes, mais aussi de petites plates-formes légères comme celle de Bayonne. Il faut aussi investir non seulement dans les n_uds, mais dans les tuyaux, c'est-à-dire les contournements de Paris, Lyon, Nîmes et Dijon.

Je ne reviendrai pas sur le tunnel du Mont-Blanc, sauf pour rappeler que si certaines décisions avaient été prises plus tôt, nous n'aurions pas aujourd'hui tant de problèmes de fret en Maurienne. La discussion avec l'Italie sera longue, et il faut se donner les moyens nécessaires. Un investissement dans le nouveau type de wagons qui vient d'être inventé nous éviterait des investissements lourds dans les voies, puisqu'il suffirait de retailler certains tunnels.

M. Gallois, président de la SNCF, réclamait récemment : « que la priorité soit donnée à des investissements propres à l'écoulement du trafic fret, et que se manifestent, de la part des pouvoirs publics sur le plan national et européen, des politiques extrêmement volontaristes d'investissement d'infrastructures, appuyées évidemment sur RFF pour ce qui est de la France ». Il parlait d'or. Le suivrez-vous ?

J'en viens au volet fluvial. Ce secteur a progressé, certes, mais, partant de rien, il est arrivé à pas grand-chose.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - A cause de qui est-on parti de rien ?

M. Marc-Philippe Daubresse - Cela dure depuis des décennies, et peut être imputé à tous les gouvernements, même à celui auquel M. Fiterman appartenait. Mais si vous voulez nous convaincre de votre volonté d'investir dans la voie d'eau, pourquoi retardez-vous le démarrage du canal Seine-Nord ? Vous avez même décommandé votre venue à ce sujet dans le Pas-de-Calais. Donnez-nous des preuves de votre volonté.

J'insisterai peu sur le problème routier, car nous avons ce paradoxe : comme nous ne faisons pas les efforts nécessaires sur l'intermodalité, le rail, la voie d'eau, et que donc nous ne délestons pas nos autoroutes du trafic de marchandises, il nous faudra encore, pendant dix ou quinze ans, construire de nouvelles autoroutes et de nouveaux contournements. Nous faisons face au débit, mais nous n'inversons pas la tendance.

Le transport aérien subit l'augmentation du trafic plus qu'il n'en profite, les aéroports parisiens étant saturés. Vous avez choisi de créer une nouvelle plate-forme à vocation internationale. Quels seront les critères de choix du site, et la méthode de concertation ?

Je voudrais pour conclure vous interpeller sur votre politique européenne, car vous présidez le Conseil des ministres européens des transports. Devant l'ampleur des enjeux, ne devriez-vous pas vous exprimer devant la commission de la production sur les questions européennes majeures ?

Pour le ferroviaire, le 22 novembre se tiendra la deuxième réunion de conciliation entre le Parlement et le Conseil des ministres européens. Elle est capitale pour l'avenir du fret français : création d'un réseau européen de fret, interopérabilité, résorption des goulots d'étranglements, et libéralisation, accentuée par le Parlement. Si vous ne parvenez pas à un accord lors de cette réunion, comment concilierez-vous la croissance du fret français avec certaines revendications au sein de la SNCF ?

La deuxième question importante concerne l'Ievoli Sun. Dans une interview récente à Libération, Mme Loyola de Palacio, commissaire européenne aux transports, affirme que dès mars 2000 la Commission avait proposé une meilleure inspection des navires, un contrôle rigoureux des seuils de classification, une interdiction des navires non dotés de double coque et un ciblage des contrôles pour mieux dépister les bateaux à risque. Or, le 2 octobre, quelques mois après le naufrage de l'Erika et quelques jours avant celui de l'Ievoli Sun, vous avez présidé un conseil des ministres qui aurait accepté d'édulcorer ces exigences et de différer de 2008 à 2015 l'interdiction des navires à simple coque. Ces accusations sont-elles fondées ? Les Etats-Unis, pays ultra-libéral et fédéral, ont su mettre en place un corps de garde-côtes. Certes, vous avez interdit l'accès du rail d'Ouessant en cas de tempête ; mais vingt-sept navires sont passés depuis l'interdiction. Comment comptez-vous faire appliquer vos décisions ?

Je reste optimiste sur les chances que pourrait avoir notre pays de devenir une grande plate-forme logistique de l'Europe dans le cadre d'un aménagement du territoire équilibré ; et je prends acte de vos mesures face aux récentes catastrophes. Mais le groupe UDF considère que votre budget n'est pas à la hauteur des enjeux, qu'il est présenté en trompe l'_il et qu'il ne trace pas les perspectives qui s'imposent. C'est pourquoi nous voterons résolument contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Dominique Bussereau - On a pu lire ce matin dans le Figaro Magazine que vous étiez le ministre de toutes les catastrophes. Je ne classerai pas votre budget parmi elles, car ce serait excessif. Mais l'interdiction du rail d'Ouessant en cas de tempête a fait bien rire les marins de l'Atlantique : des tempêtes, il y en a six mois par an...

Ce budget comporte des aspects positifs. L'élu de province que je suis est heureux de reconnaître la priorité réelle donnée aux transports collectifs urbains. M. Daubresse a raison de déplorer la grande misère de la voie d'eau, mais par rapport au passé il y a peut-être un petit mieux -même si, comme mon collègue, j'attends une vraie décision sur le canal Seine-Nord.

Nous avons été très déçus, en revanche, par la méthode du Gouvernement qui, après avoir signé les contrats de plan et obtenu des régions des engagements financiers, n'a publié qu'ensuite ses schémas de services collectifs. Le bon fonctionnement de la machine gouvernementale eût exigé que les schémas de services fussent préalables aux contrats de plan.

Je déplore, par ailleurs, la baisse des crédits routiers. Ce désengagement contredit votre discours volontariste en matière de sécurité routière.

En ce qui concerne le transport ferroviaire, la SNCF et le Gouvernement ont fait à juste titre du fret une priorité. Sur le plan européen, le conservatisme le plus étroit l'a emporté puisque vous avez refusé les propositions du Parlement européen, qui visaient à améliorer le fonctionnement du réseau.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis- Heureusement.

M. Dominique Bussereau - Marc-Philippe Daubresse aurait pu également, ayant été à l'origine d'une prise de conscience du Gouvernement précédent sur le combiné, souligner la grande opacité des subventions au combiné. Je vous renvoie sur ce sujet à un article de La vie du rail, dans lequel s'exprimaient des dirigeants de la SNCF.

Si on veut développer le fret, il faut donner des moyens à la SNCF. Or celle-ci demande à juste titre des locomotives électriques et des locomotives diesel, mais le ministère des finances s'y oppose.

Comment, d'ailleurs, développer le fret ferroviaire quand, de Paris à Charleroi, un train de fret change dix fois d'équipe de conduite ? Il est assez logique qu'un entrepreneur de la région parisienne préfère faire appel à un transporteur routier... D'autant plus qu'en cas de mouvements sociaux, on bloque en priorité les trains de fret.

Comment, enfin, peut-on prendre aux contribuables français 16 milliards, sans informer le Parlement, pour que la SNCF, qui en France refuse la concurrence de prestataires privés, devienne un entrepreneur libéral sur le réseau britannique ? A Bruxelles, nos collègues européens doivent sourire, Monsieur le ministre... J'aimerais avoir des explications. Pourquoi ce qui se fait en Grande-Bretagne ne peut-il pas se faire en France ? Pourquoi le contribuable français est-il sollicité sans que ses représentants soient informés ? Quel a été le rôle de la tutelle ? Je ne conteste pas la décision de la SNCF, mais je dénonce le double langage.

En ce qui concerne le transport aérien, je vous demande, Monsieur le ministre, de nous préciser vos projets pour Concorde. On a entendu tout et le contraire. Pour ma part, je suis tout à fait favorable à ce qu'Air France fasse à nouveau voler cet avion emblématique. S'il ne vole plus, la crédibilité de l'industrie aéronautique française sera remise en cause.

M. Jean-Pierre Blazy - Attention aux mythes !

M. Dominique Bussereau - Les mythes sont importants, Monsieur Blazy.

En ce qui concerne le contrôle aérien, je ne comprends pas vos réticences à une européanisation : un système unifié serait beaucoup plus sûr.

Quelques mots enfin sur le troisième aéroport, en m'excusant auprès de Francis Delattre car je peux comprendre qu'en tant que député du Val-d'Oise, il n'ait pas la même position que moi. J'exprimerai ici un point de vue personnel.

Je considère que la construction d'un troisième aéroport est une décision extrêmement funeste en termes financiers. En outre, je ne vois pas où l'on va le construire car personne n'en veut. Mme Aubert, députée Verte, a été élue dans une circonscription où un centriste était considéré jusqu'alors comme un dangereux trotskiste parce qu'il avait pris parti pour le troisième aéroport.

Vous dites, Monsieur le ministre, que vous bloquez le trafic de Roissy à 55 millions de passagers. Comment allez-vous faire, puisque ce seuil sera atteint dans deux ans ? Et pourquoi, alors, avoir accepté la troisième et la quatrième piste ? Pourquoi a-t-on organisé l'interconnexion des TGV ? La plate-forme de Roissy peut aller jusqu'à 80 millions. Je ne nie pas les contraintes environnementales, mais j'aimerais savoir comment vous ferez pour ne pas dépasser les 55 millions, puisque la construction de ce troisième aéroport demanderait quinze ans.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est une bonne question.

M. Dominique Bussereau - Par ailleurs, pourquoi bloquer le développement d'Orly ? La décision avait été prise par Bernard Bosson, mais cet aéroport est sous-utilisé et ADP vient de moderniser à grands frais l'aérogare d'Orly-Sud.

Monsieur le ministre, ne dites pas que vous allez faire un troisième aéroport. Au mieux, c'est un rideau de fumée pour faire plaisir à certains de vos amis. Au pire, c'est une décision funeste en termes d'aménagement du territoire. On peut utiliser mieux Roissy, Orly ou les aéroports spécialisés d'Ile-de-France. Enfin, on peut reporter une partie du trafic sur la province. Pourquoi cette volonté centralisatrice qui vous pousse à envisager un troisième aéroport en région parisienne ? Peut-être est-ce un mensonge. En tout cas, j'aimerais connaître précisément vos intentions.

Dans ces conditions, tout en reconnaissant le travail que vous faites et votre bonne foi sur les principes (Interruptions sur les bancs du groupe communiste), notre groupe ne votera pas votre budget.

M. Christian Estrosi - Très bien.

M. le Ministre - Après ce que vous venez de dire, c'est presque un honneur pour moi que vous ne le votiez pas !

M. Gilbert Biessy - Nous nous réjouissons que soient réaffirmées dans ce budget certaines priorités fondamentales. Néanmoins nous exprimons des interrogations et même des inquiétudes, que ce débat permettra certainement de dissiper.

Premier motif de satisfaction : la progression de l'aide aux transports collectifs urbains.

Même si le GART estime qu'il faudrait 500 millions supplémentaires pour lancer les projets « sites propres » la dotation augmente de 3 % en moyens de paiement et de 7,3 % en moyens d'engagement. Reconnaissons cependant, Monsieur le ministre, que nous n'avons pas encore réuni les conditions d'une véritable rupture.

A l'exemple de nos voisins du Nord de l'Europe, il faudrait que l'Etat prenne en charge une partie des coûts d'exploitation des réseaux. Les grands réseaux de province, qui ont fait des efforts d'investissement très importants, auraient bien besoin de ressources nouvelles pour leur fonctionnement. Nous notons avec satisfaction que les opérateurs du transport collectif urbain bénéficient de la baisse de TIPP accordée aux professionnels. Mais il faut étendre cette mesure à l'aquazole, sans quoi on pénaliserait les communes qui se sont engagées dans la lutte contre la pollution. J'ai bien compris que vous alliez vous rapprocher du ministère des finances : je souhaite que ce rapprochement ne soit pas trop tardif et que vous ayez une bonne nouvelle à nous annoncer avant la fin des débats budgétaires.

Dans le domaine ferroviaire, les autorisations de programme s'élèvent à 1,7 milliard, soit une hausse de 10 % par rapport à l'année dernière et un doublement par rapport à 1997. Néanmoins, la réalisation du TGV-Est absorbe la moitié de ces crédits. Le doublement du fret marchandise en deux ans impose aussi d'autres réalisations, comme la résorption des points noirs ou la création de lignes nouvelles.

Se pose en outre le problème du transport de passagers dans les réseaux régionaux. Farouche défenseur de la décentralisation, le groupe communiste se méfie néanmoins de ces transferts de charges auxquels nous assistons depuis vingt ans, d'autant que la SNCF ne semble pas en mesure de produire des comptes certifiés par région.

Les crédits alloués à l'amélioration des voies navigables ont progressé de 10 %. Si nous restons loin d'une véritable promotion du transport fluvial, il faut souligner ces efforts. Néanmoins, il est question de supprimer le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, qui a fourni l'an dernier 2 milliards aux opérations en faveur du transport combiné. Le groupe communiste a déposé un amendement pour maintenir le FITTVN. Nous avons besoin de certitudes sur l'avenir et l'affectation des taxes qui alimentent ce fonds.

Le budget de la sécurité routière nous satisfait. Il augmente de 9 % en dépenses ordinaires, de 11,6 % en autorisations de programme et de 13,4 % en crédits de paiement. L'adoption, il y a deux ans, de la loi sur la sécurité routière témoigne de l'engagement du ministère dans ce domaine. Les points noirs se résorbent et le nombre des tués est enfin passé sous la barre des 8 000. Sans actions nouvelles, la situation se dégraderait de nouveau. Nous soutenons donc votre action éducative et, quand il le faut, répressive. La conduite n'est pas seulement un acte technique, mais un acte social, avec toutes les responsabilités qui s'y rattachent.

Pour le transport de marchandises sur longue distance, le ferroutage constitue la solution la plus sûre. Il faut donc améliorer la qualité du service, développer les capacités des infrastructures et mettre en service de nouveaux matériels roulants. Je souhaite donc qu'on continue de consolider la situation financière de Réseau ferré de France.

L'afflux de conducteurs routiers venus de pays d'Europe centrale et orientale et qu'on fait travailler dans des conditions déplorables pose un problème de concurrence, mais aussi de sécurité routière. Nous avons besoin d'une harmonisation européenne des conditions sociales dans ce secteur.

Enfin, l'hémorragie des emplois au sein de votre ministère semble être stoppée. C'est à un régime de mille suppressions de postes par an que vos prédécesseurs avaient soumis l'administration de l'équipement. Le groupe communiste s'était souvent élevé contre cette politique de la saignée. Pour la première fois depuis que je suis député, je n'ai pas à déplorer une vague de suppression de postes.

Il est dommage, toutefois, que les moyens de fonctionnement des services n'évoluent pas de la même manière. Les crédits des DDE diminuent de 8,5 %, autrement dit de 87 millions. Il n'est pas sûr qu'elles soient en mesure de remplir leurs missions, notamment l'entretien hivernal des réseaux en zone rurale ou de montagne. Nous attendons des engagements dans ce domaine.

Ce budget comporte de nombreux motifs de satisfaction. Il suscite aussi quelques inquiétudes qui vont, je l'espère, être dissipées. C'est un bon budget et le groupe communiste le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Blazy - Monsieur le ministre, je souhaite en premier lieu appeler votre attention sur la nécessité de respecter les engagements du contrat de plan Etat-région s'agissant du renouvellement du matériel roulant de la SNCF en Ile-de-France. La SNCF met actuellement au point un programme de 1,6 milliard pour la période 2001-2003 en vue de rénover 2 000 des wagons aujourd'hui en circulation sur le réseau banlieue. Ce programme permettrait de mobiliser 1,3 milliard inscrit au titre de la région. Il semble qu'il y ait des blocages au niveau de Bercy. Pouvez-vous nous apporter des informations sur la mise en _uvre de ce programme ?

Par ailleurs, quelles sont votre position sur la traversée de l'autoroute A16 en Ile-de-France, en particulier dans le Val-d'Oise, et votre doctrine concernant le péage urbain ? Cette réalisation n'étant pas prévue dans le contrat de plan, son financement sera privé.

Le transport aérien ne cesse de croître, dans un contexte de dérégulation et de concurrence exacerbée. Le trafic passagers en Europe a augmenté en septembre de 8,1 %, selon l'Association des compagnies aériennes européennes. Le taux d'occupation des avions a atteint le niveau record de 79 %.

La compagnie nationale Air France bénéficie d'une conjoncture exceptionnelle pour réussir son redressement. Elle affiche des résultats financiers excellents, malgré la hausse du prix du pétrole.

Un des rapporteurs s'est félicité de la cohésion sociale dans l'entreprise. Le récent conflit à la SODETAIR, filiale à 100 % d'Air France, montre qu'il reste beaucoup à faire. Si le développement de la plate-forme de Roissy crée des emplois, certains sont d'une grande précarité. Malgré mes sollicitations auprès de vous, Monsieur le ministre, je dois déplorer l'insuffisance persistante des effectifs de l'inspection du travail sur cette plate-forme.

Si l'extension de l'aéroport de Roissy et la mise en place de son hub a permis à Air France de renaître, la croissance rapide du trafic et les exigences environnementales des riverains rendent nécessaire l'application des décisions prises le 26 octobre dernier par le Gouvernement.

Lorsque vous avez pris, il y a trois ans, l'engagement de limiter le trafic de Roissy à 55 millions de passagers, il était admis que ce seuil infranchissable ne pouvait être atteint avant 2015. Il devait correspondre à 480 000 mouvements commerciaux. Aujourd'hui, la croissance du transport aérien et la politique du hub laissent à penser que ce seuil de saturation sera atteint à brève échéance. En 2000, passeront à Roissy plus de 49 millions de passagers, pour 515 000 mouvements. L'aéroport est donc au bord de la saturation. La Commission européenne considère cette donnée comme fondamentale dans l'élaboration d'une politique de développement durable du transport aérien. Monsieur le ministre, vivant à Gonesse, j'affirme que les conséquences du développement de Roissy sont devenues insupportables. Alors que vous vous félicitez chaque année de la baisse de l'énergie sonore globale, Gonesse est une des communes où cet indicateur est passé au rouge comme le révèle le rapport annuel d'ADP sur l'environnement.

Le Premier ministre a annoncé la construction d'une troisième plate-forme internationale dans le grand bassin parisien. Contrairement à M. Bussereau, je m'en félicite. Cependant, aucun site n'est encore précisément identifié, aucun calendrier prévisionnel n'est avancé. L'absence de choix entre les trois régions susceptibles d'accueillir la nouvelle plate-forme aéroportuaire est difficilement compréhensible. A l'évidence, le choix de Beauvilliers ne répond pas aux exigences d'une plate-forme internationale. En outre, il condamnerait Orly à terme et compromettrait le projet de Notre-Dame-des-Landes, dans le Grand Ouest. Par ailleurs, le ciel du Nord de la France est saturé. Il convient donc de retenir dès maintenant un site hors de l'Ile-de-France, dans l'est du Grand bassin parisien. C'est en ces termes que doit s'engager le débat public.

En aucun cas l'annonce de la réalisation du troisième aéroport ne saurait être un alibi comme l'avait été l'annonce du site de Beauvilliers par Alain Juppé.

Je m'étonne vivement que votre budget ne traduise à aucun moment l'orientation du Gouvernement, puisque les premiers crédits indispensables n'y sont pas inscrits. Or il n'y a pas de volonté politique réelle sans décision effective.

Il ne serait pas acceptable de laisser croire à certains que, le moment venu, on pourrait déplafonner à Roissy et à Orly.

Je vous demande donc avec insistance d'expliquer à la représentation nationale les mesures contraignantes que vous serez amené à prendre rapidement pour faire respecter les engagements du Gouvernement et pour remédier à la saturation environnementale des plates-formes parisiennes.

M. Dominique Bussereau - Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy - Ni les reports de trafic sur les aéroports de province ou sur le rail ni la maîtrise de l'évolution des mouvements ne seront suffisants car d'ici à 2010, ce sont 30 à 40 millions de passagers supplémentaires qu'il faudra accueillir. Le développement durable du transport aérien ne se paiera pas de mots mais procédera d'une volonté politique réelle.

J'en viens à l'exigence de sécurité aérienne, qui se manifeste de plus en plus face à l'augmentation du trafic, surtout au lendemain de l'accident tragique de Concorde à Gonesse.

J'appelle votre attention sur les conditions dans lesquelles se déroule l'enquête judiciaire et sur la demande des trois magistrats instructeurs de recevoir les moyens d'accéder à certaines connaissances en matière aéronautique et de ne pas être moins bien dotés que leurs collègues chargés d'instruire la catastrophe du Mont Sainte-Odile. N'oublions pas que la croissance du transport aérien civil repose en grande partie sur l'assurance qu'ont les usagers qu'il est le mode de transport le plus sûr. Mais Boeing et les analystes aéronautiques prévoient un accident majeur chaque semaine d'ici à 2005-2010, en raison même de la croissance rapide du transport aérien. Pour ma part, je refuse tout fatalisme, et toute banalisation de l'insécurité aérienne.

Je me félicite donc de la création des emplois nécessaires, notamment dans les corps techniques de la navigation aérienne, qui permettront, je l'espère, de faire face à la croissance du trafic, de compenser les départs à la retraite, de faire évoluer la qualification des personnels. Il faut aussi renforcer le corps des contrôleurs techniques d'exploitation qui peuvent maintenir les avions au sol. Il est difficilement acceptable que ce corps ne compte que 25 agents, dont 5 seulement pour l'Ile-de-France, alors que le trafic augmente et que l'exigence de sécurité est de plus en plus forte.

Alors que la France préside l'Union européenne, que la Commission travaille à l'amélioration de la sécurité aérienne je souhaite que vous nous informiez des décisions qui pourraient être prises en ce qui concerne le ciel unique européen, les redevances environnementales et la création de l'Agence européenne pour la sécurité de l'aviation.

J'en viens à l'application de la loi du 12 juillet 1999 portant création de l'ACNUSA. L'autorité indépendante a été installée cette année, comme prévue, et nous nous en félicitons. Néanmoins, bien que dotée d'un budget, l'ACNUSA rencontre des difficultés pour assumer ses missions, en raison de blocages administratifs qui l'empêchent de recruter son personnel. Je suis intervenu à plusieurs reprises auprès des ministères concernés et je suis aujourd'hui excédé. Je vous saurais gré de faire enfin en sorte que l'ACNUSA puisse remplir ses missions.

Par ailleurs, les nouvelles commissions consultatives de l'environnement ne sont pas encore installées notamment à Paris. Alors que vous vous étiez engagé à réviser le plan d'exposition au bruit de Roissy en 1998, force est de constater que rien n'a été fait. Les riverains attendent toujours le décret sur la zone D et l'ACNUSA n'a toujours pas été officiellement saisie du dossier de la définition des nouveaux indices de gêne sonore.

Je suis au regret de constater que ce budget ne reflète pas totalement les engagements et les discours du Gouvernement. J'espère que les réponses que vous apporterez à mes questions convaincront tous ceux -acteurs du transport aérien, usagers, riverains-, qui croient au développement durable du transport aérien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Estrosi - Votre budget nous déçoit profondément.

Je regrette, en premier lieu, la faiblesse des crédits accordés aux directions départementales de l'équipement, notamment à celles des zones de montagne, qui jouent un rôle considérable pour nos petites communes.

J'ai pu constater dans mon département, victime cette semaine de très graves intempéries, -50 routes sont coupées dans ma seule circonscription-, que les services de l'équipement ne disposaient toujours pas, cinq jours plus tard des moyens nécessaires.

Quant à la circulaire viabilité hivernale, elle ne fait qu'aggraver la situation et je crains le pire pour nos routes de haute montagne car seuls les axes principaux pourront être déneigés par vos services.

Votre budget manque de souffle et d'ambition. Il ne permet pas plus que les précédents de doter notre pays des infrastructures indispensables à son développement.

Ainsi, le rapporteur spécial s'en est ému, les investissements routiers diminuent de 17,8 % soit, si l'on inclut les 1,5 milliard de crédits de paiement non consommés en 2000, une baisse de 1,8 milliard .

L'exécution des contrats de plan a déjà pris un retard considérable. L'année 2000, certes année de démarrage des nouveaux contrats, a été marquée par la faiblesse de la programmation de l'Etat.

M. le Ministre - Ne parlons-nous pas du budget 2001 ?

M. Christian Estrosi - Il ne suffira pas à combler les retards pris en 2000.

Les collectivités locales et les régions craignent d'avoir passé avec vous un marché de dupes.

Cette absence d'ambition pour l'équipement du territoire se traduit particulièrement en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Ses habitant ont été scandalisés par votre décision récente d'abandonner purement et simplement la réalisation du dernier tronçon de l'A51. L'Etat doit pourtant respecter la parole donnée.

M. Dominique Bussereau - Très bien !

M. Christian Estrosi - Nous nous trouvons aujourd'hui avec une autoroute réalisée au sud, jusqu'à La Saulce, et au Nord, dans l'Isère, mais dont vous refusez la continuité en son milieu. C'est ubuesque !

Cette décision, concédée au chantage de Mme Voynet et destinée à lui faire accepter un troisième aéroport parisien, ne fait pas honneur à votre gouvernement.

M. Dominique Bussereau - Très bien !

M. Christian Estrosi - Le Gouvernement condamne ainsi à l'enclavement trois départements alpins, et même toute une région qui a pourtant déjà beaucoup souffert de vos abandons, qu'il s'agisse du canal Rhin-Rhône, qui aurait pourtant été un remarquable outil d'aménagement du territoire et une alternative crédible au tout camion dans la vallée du Rhône ; de la percée alpine du Mercantour, ensuite, qui pouvait offrir un formidable débouché à la région PACA vers l'Italie et vers l'Europe centrale, en assurant la continuité de l'arc méditerranéen de Barcelone à Turin, en passant par Marseille et Nice -à cet égard, la décision de la convention alpine de renoncer à toute nouvelle route laissera le seul tunnel de Tende assumer le trafic- qu'il s'agisse enfin de la deuxième autoroute plus au nord dans les Alpes-Maritimes. En effet, l'A8 saturée se transforme chaque jour en un véritable piège pour des dizaines de milliers d'automobilistes, victimes de vos compromissions politiciennes.

L'avenir des liaisons dans ce département et l'intérêt général commandent que l'Etat prenne ses responsabilités dans ce dossier. Vous ne pouvez vous contenter de gommer l'action de vos prédécesseurs sans proposer la moindre alternative. C'est cette attitude irresponsable que je tenais à dénoncer avec force (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Francis Delattre - J'avais préparé une belle intervention de dix minutes mais M. Bussereau s'est substitué à moi, dans des conditions étranges, en tant que porte-parole du groupe Démocratie libérale. Je ne vois dès lors pas ce que je gagnerais à rester dans un groupe qui respecte aussi peu la démocratie et je tirerai les conséquences de cet événement inacceptable pour aller là où je trouverai un peu plus de solidarité et d'amitié. J'ajoute que le fait d'avoir pris, au nom de notre groupe, des positions personnelles, est source d'une certaine ambiguïté.

Pour en venir à ce budget, je relève, après d'autres, la contradiction qu'il y a à se dire très attaché à la sécurité routière quand on réduit de près de 20 % les crédits consacrés aux routes.

Bien sûr qu'il faut rééquilibrer les crédits des routes et du transport ferré, mais pas en réduisant les premiers! Plutôt en faisant un effort supplémentaire pour les transports en commun.

J'en viens à la question du troisième aéroport. J'ai toujours soutenu qu'il fallait quatre pistes à Roissy, parce qu'avec deux seulement, les avions doivent patienter en tournant autour du site. Le doublement a donc été un progrès sensible.

M. Jean-Pierre Blazy - Pas pour les Gonnessiens !

M. Francis Delattre - Bien sûr que cela présente des inconvénients pour les riverains, mais c'est aussi un atout économique !

A cette occasion toutefois, un contrat avait été passé avec les élus, limitant le nombre de passagers et celui des mouvements. Ce dernier point est moins crucial : comme la capacité des avions augmente, le nombre des mouvements peut stagner. Lorsqu'on évoque un troisième aéroport, ce n'est pas forcément en Ile-de-France : loin de nous de pousser au centralisme. La condition de base est qu'il se situe à moins d'une heure de Paris par voie ferrée. Cela n'est en rien à opposer au développement nécessaire des infrastructures de Lyon, Mulhouse, Strasbourg ou Nantes ! Mais si le troisième aéroport parisien n'est pas construit, des problèmes vont se poser à Roissy, remettant en cause le contrat dont j'ai parlé et par là même notre crédibilité. Et voilà la conséquence du discours de mon collègue : que vais-je faire en rentrant dans mon département ? Quelle crédibilité aurai-je ? Une plate-forme aussi importante n'est pas sans poser des problèmes, pas seulement à Gonesse mais à l'ensemble du site survolé, et nous n'avons même pas obtenu satisfaction sur des points fondamentaux ! Nous avons eu du mal à faire accepter nos projets à la population, et nous ne tenons pas nos engagements, les rythmes de développement que nous avions prévus pour Orly et pour Roissy sont déjà dépassés. Nous risquons d'atteindre le plafond dans cinq ans. Il est urgent d'agir et je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir pris une décision courageuse, qui a provoqué des discussions interministérielles difficiles.

Je voudrais aussi évoquer le problème du débouché de l'A16. Une de vos premières décisions du reste opportune, fut qu'elle ne traverserait pas la Seine-Saint-Denis. Compte tenu de nuisances qu'y provoquent déjà de nombreuses voies à grande vitesse, cela se comprend. Mais aujourd'hui, faute d'autre décision, l'autoroute A16 débouche tout bonnement dans la nature ! Avec les bretelles prévues vers Cergy, toute la circulation sera transférée sur l'A15. Il n'y a qu'une solution, raccorder l'A16 sur la Francilienne.

M. Jean-Pierre Blazy - Cela mérite une concertation !

M. Francis Delattre - Lorsque l'A16 fonctionnera à plein régime, l'A15 et l'A115 deviendront des goulets d'étranglement sans nom. Il faut avoir le courage de dire qu'en venant de province, on ne doit pas aboutir forcément au c_ur de la région parisienne, parce que les problèmes liés à la circulation y sont déjà difficiles à surmonter. Voilà les quelques observations personnelles que je voulais formuler.

M. Daniel Paul - Je concentrerai mon intervention sur le transport maritime. Notre pavillon demeure fragile, mais il ne décline plus. Des mesures ont été prises pour améliorer une situation qui devenait préoccupante. Les marins restent attentifs à cette question, liée à celle de la sécurité des transports maritimes. Je note d'ailleurs que le sommet de la gauche plurielle lui accorde une place intéressante.

L'actualité récente nous a malheureusement prouvé que la sécurité maritime était toujours une urgente nécessité.

Le naufrage de l'Erika il y a dix mois avait incité notre Assemblée à créer une commission d'enquête, que j'ai eu l'honneur de présider. Celle-ci a fait un certain nombre de propositions : renforcer les contrôles, éliminer les navires qui ne méritent plus ce nom, contraindre les armateurs à effectuer les réparations nécessaires, instituer une autorité européenne afin d'harmoniser les contrôles de sécurité, contrôler les sociétés de classification. Il faut aussi renforcer la coopération européenne, mettre en commun les moyens de chaque pays par zone géographique et constituer une véritable force pour la prévention des risques et l'intervention en mer.

Le Gouvernement a lancé, au lendemain du naufrage de l'Erika, des initiatives en direction de l'OMI, du FIPOL et de l'Union européenne. Nous les soutenons, ainsi que la proposition visant à interdire la navigation dans le rail d'Ouessant, la Manche et la mer du Nord, en cas de tempête. Nous protégeons ainsi les marins et les amis de la mer contre les pratiques intéressées des affréteurs, chargeurs et armateurs pour qui la mer n'est qu'un lieu où l'on doit gagner du temps, donc de l'argent. Il ne s'agit pas de remettre en cause la liberté de circuler en mer. Mais comment ne pas voir qu'elle sert trop souvent les seuls intérêts d'un libéralisme exacerbé, nuisible aux hommes et à l'environnement.

La droite a tenté de misérables opérations politiciennes, avec le naufrage du Ievoli Sun, cherchant à en faire porter la responsabilité au Gouvernement. Elle veut surtout faire oublier ses propres responsabilités dans l'indigence des moyens qu'elle avait dégagés.

Prôner le libéralisme, aboutit au dumping et à l'insécurité. Comme tous les autres, le transport maritime a un coût qu'il faut assumer.

Dans votre budget, les crédits de fonctionnement augmentent de 5,5 %. Pour l'équipement, les autorisations de programme progressent de 60,4 %. Ces efforts doivent être salués.

Toutefois, je désire formuler quelques remarques. D'abord, la mer ne doit pas être une zone de non-droit. Aussi, s'il faut fixer des normes plus strictes, il faut aussi utiliser les outils existants.

La surveillance, par exemple, dispose d'un outil remarquable que nous envient presque tous les Etats du monde : les Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage. Ce budget doit leur donner les moyens de jouer pleinement leur rôle, d'autant qu'en 2001 leur domaine de compétence sera étendu. Les efforts entrepris pour professionnaliser et augmenter leurs dotations doivent être poursuivis pour que leurs équipements techniques soient toujours au top niveau.

Le système EQUASIS participe lui aussi activement à la surveillance. Ce système informatisé de gestion de données sur les navires, créé début 1998, à l'initiative de la France et de la Commission européenne, permettra aux opérateurs de choisir en connaissance de cause le bateau qu'ils affrètent. Bien que ce système soit devenu opérationnel en mai dernier, son exploitation ne sera effective que lorsque tous les acteurs du monde maritime y prendront part.

En ce qui concerne le nombre d'inspecteurs, nos effectifs contrastent avec ceux des pays voisins. La France doit avoir les moyens d'inspecter plus de navires et de respecter les accords internationaux. D'ici à 2003, le Gouvernement a décidé de doubler nombre d'inspecteurs. Cela sera-t-il suffisant ? La Manche et la mer du Nord ont particulièrement besoin de personnel. Les cinq centres de sécurité concernés vont certes voir leurs effectifs augmenter, mais cela ne représentera toujours qu'une vingtaine de personnes de Dunkerque à Caen. En outre, il y aura de nombreux départs en retraite à compenser.

Enfin, j'en viens aux services d'assistance portuaire qui remplissent des missions de service public liées à la sécurité maritime.

Ainsi, les lamaneurs, qui effectuent les opérations d'amarrage et de désammarage des navires, participent à la lutte contre les pollutions marines. Ils fournissent des compléments d'équipage pour man_uvrer les navires désarmés. Ils interviennent dans les ports sans interruption, de jour comme de nuit, 365 jours par an.

Nous sommes inquiets devant les prétentions européennes à ouvrir ces services aux lois du marché, ce qui aboutirait à les tirer brutalement vers le bas avec tous les risques que cela comporte.

Je souhaite donc que notre pays s'oppose à ces décisions que rien ne justifie, d'autant que si les trafics augmentent, le nombre d'opérations, lui, n'évolue pas dans les mêmes proportions.

Le refus de la segmentation des marchés doit aussi être réaffirmé, de même que l'amélioration des procédures d'agrément par une concertation approfondie avec les partenaires concernés. Ne suivons pas l'exemple de la Commission européenne, qui s'adresse directement aux organisations professionnelles de notre pays par-dessus les Etats, ceux-ci étant supposés entériner des décisions venues d'ailleurs.

La sécurité maritime passe par une responsabilisation de tous les acteurs de la chaîne. L'opinion y est aujourd'hui attentive et attend la poursuite de nos efforts, de nature politique, à l'égard de nos partenaires, comme de nature budgétaire pour renforcer nos moyens propres, tant pour les contrôles dans les ports que pour les interventions en haute mer, au large de nos côtes.

Vous avez fait de la sécurité une priorité dans votre budget ; le groupe communiste s'en félicite (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Baeumler - Mon intervention se concentrera sur la sécurité routière. La France est souvent considérée comme le mauvais élève de l'Europe dans ce domaine. La route y tue 2,5 fois plus qu'en Grande-Bretagne, par exemple.

C'est la première cause de mortalité chez les jeunes : les 15-24 ans représentent 13 % de la population, mais 26,5 % des tués sur la route. La principale difficulté est d'ordre culturel : sécurité des déplacements et liberté de mouvement sont souvent considérées comme contradictoires.

Face à cette « guerre non déclarée », le Gouvernement a déclaré la sécurité routière grande cause nationale pour l'année 2000, soulignant la priorité qu'il accorde à cette question. L'hécatombe routière n'est pas une fatalité. Les premiers chiffres sont à cet égard encourageants: plus de 500 vies ont été épargnées par rapport à 1999.

Au delà des déclarations, le Gouvernement se donne les moyens de son ambition : les dotations budgétaires pour la sécurité routière augmentent de 10 %. Depuis le comité interministériel sur la sécurité routière du 26 novembre 1997, le Gouvernement a mené une politique globale et volontariste, intervenant également dans l'aménagement du territoire, l'environnement, la santé et l'éducation. Votre démarche, Monsieur le ministre, est à la fois dissuasive et pédagogique.

Dissuasive avec la création du délit de grand excès de vitesse, la responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule, le dépistage des stupéfiants chez les conducteurs impliqués dans un accident mortel, le renforcement du dispositif policier, le développement des radars automatiques, la suspension du permis de conduire en cas de grand excès de vitesse -avez-vous pu évaluer l'impact de ces dispositifs sur le comportement des conducteurs ?

Pédagogique, avec la formation au bon usage de la route à tous les âges, la création de 77 postes d'inspecteurs du permis de conduire, la mise en place d'un baromètre de l'accidentologie et d'un Conseil national de la sécurité routière, mesure décidée le 25 octobre dernier.

Le budget 2001 s'inscrit dans cette démarche.

Il permet d'abord de développer une communication plus incisive. L'année 1999 a marqué un tournant dans ce domaine. Pour reprendre les termes de Mme Massin, déléguée interministérielle à la sécurité routière, la communication ne doit pas seulement expliquer les mesures prises, mais aussi susciter un débat sur les valeurs. Il faut d'abord convaincre, et cela dès le plus jeune âge. Les crédits de communication passent de 65 à 78 millions, effort important, mais encore insuffisant. Une participation des compagnies d'assurances ou l'affectation du produit des amendes permettrait d'augmenter ces moyens. Les campagnes de communication effectuées, dont je salue la qualité, ont un impact important. Je remercie aussi l'Assemblée d'y participer par une remarquable exposition, que notre Président a inaugurée il y a quelques jours.

Le budget 2001 va permettre aussi une présence sur le terrain plus importante. L'opération « Label Vie » a ainsi permis de démultiplier localement l'impact des campagnes nationales. L'appel à projets auprès des jeunes constitue toujours une priorité du budget et je m'en félicite. C'est en développant les partenariats avec les collectivités locales, les associations, les partenaires privés, comme les responsables de discothèques, dans le cadre des plans départementaux de sécurité routière, que l'on responsabilisera les plus jeunes de nos citoyens.

Vous avez intégré dans vos dispositifs la question des déplacements professionnels : en effet les deux tiers des accidents de la route ont lieu pendant les trajets quotidiens tels que domicile-travail, domicile-école, courses.

S'il faut agir sur les comportements, il convient également d'améliorer la sécurité des infrastructures : 95 % des accidents mortels ont pour origine le comportement du conducteur, mais dans 40 % des cas, l'infrastructure joue aussi un rôle. Le comité interministériel du 2 avril 1999 avait inscrit parmi ses priorités le contrôle de sécurité des infrastructures et le budget 2001 poursuit cet objectif. Le programme d'aménagements des nationales est porté à 240 millions, soit une augmentation de 20 %. Près de 110 millions sont consacrés à la protection des motards et au traitement des obstacles latéraux. La dotation pour les tunnels passe de 75 à 175 millions. Naturellement vous prendrez en compte le tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines. Le contrôle technique des infrastructures doit être généralisé et un audit sur la sécurité des projets routiers devrait figurer dans les contrats de plan.

Je voudrais enfin insister sur le nécessaire partenariat avec l'école. L'apprentissage de règles comportementales communes doit se faire dès le plus jeune âge.

Depuis 1993, une attestation de sécurité routière clôture l'enseignement de la sécurité routière à l'école. Cette obligation n'est pas toujours respectée. En effet, les enseignants ne sont pas réellement formés à la sécurité routière. Celle-ci devrait être dispensée dans les IUFM, en formation initiale et en formation continue.

Le monde de l'éducation doit trouver toute sa place dans la lutte contre l'insécurité routière. Votre décision de faire passer aux élèves du primaire une « attestation de première éducation à la route » à la fin du CM2 va dans le bon sens. De même, l'instauration, au collège, d'une attestation scolaire de sécurité routière en troisième, d'une épreuve allégée de code de la route et d'une épreuve de conduite d'un deux roues devraient renforcer l'attention des adolescents aux questions de sécurité routière.

Dernier point dont je me félicite, la présidence française de l'Union européenne a permis d'accélérer l'harmonisation européenne des politiques de sécurité routière. La France a ainsi obtenu de ses partenaires européens l'étude de l'installation, dans les véhicules légers, d'un limiteur de vitesse réglable par le conducteur. L'uniformisation des vitesses maximales, du taux d'alcoolémie, de la signalisation et des normes des véhicules devraient consolider l'efficacité des actions nationales.

La réussite d'une politique de réduction des accidents sur les routes de France passe par la mobilisation de tous.

La campagne « sécurité routière, grande cause nationale » l'a prouvé. Si chacun s'implique dans ces campagnes, c'est la vie qui gagne. Nous voterons avec confiance les crédits consacrés à la sécurité routière, qui confirment l'intérêt que le Gouvernement accorde à cette priorité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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