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Session ordinaire de 2000-2001 - 27ème jour de séance, 60ème séance

3ème SÉANCE DU MERCREDI 15 NOVEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

Sommaire

          LOI D'ORIENTATION POUR L'OUTRE-MER
          -lecture définitive- 2

          EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 5

          EXPLICATIONS DE VOTE 22

          ORDRE DU JOUR DU JEUDI 16 NOVEMBRE 2000 25

La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.

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LOI D'ORIENTATION POUR L'OUTRE-MER (lecture définitive)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre par laquelle il m'indique que, conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de bien vouloir statuer définitivement sur le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de ce projet de loi en lecture définitive.

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - A ce stade des débats, l'Assemblée est parfaitement informée de la philosophie qui sous-tend le projet. Le budget qu'elle a adopté il y a quelques heures à peine, à une majorité qui dépasse largement la seule majorité gouvernementale, a montré que le financement du projet de loi d'orientation est prévu, et prévu dès 2001. Ainsi pourra-t-elle entrer en application, progressivement, dès sa promulgation, sans que l'année à venir ne soit une année de jachère pour ce grand texte attendu depuis si longtemps par les populations des départements d'outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Remettre ce vote en perspective, c'est dire son importance, et dire, aussi, la vision qui a guidé l'élaboration de ce texte. Après la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, les autres territoires d'outre-mer se voient reconnaître le droit à une évolution statutaire différenciée et choisie. Dans chacun d'eux, les élus pourront se saisir des opportunités qui leur sont offertes, soit, comme à la Réunion, pour réaffirmer leur aspiration au maintien du droit commun, soit pour dire leur aspiration à une autre voie.

Et, après un quart de siècle de promesses non tenues, Mayotte sera bientôt dotée d'un nouveau statut, que le Parlement examinera d'ici peu. Le Gouvernement a donc, grâce à ce texte, permis que les neuf collectivités d'outre-mer disposent d'un statut conforme à ce que souhaitent leurs populations.

Abstraction faite de quelques postures tactiques et partis-pris partisans, cette évolution se sera faite sans crise ni déchirement. Pourtant, le passé ne plaidait pas en faveur de l'avenir. Ce n'est pas d'indifférence qu'il s'est agi, comme d'aucuns se sont crus autorisés à le dire, mais de la preuve que l'époque des fantasmes était révolue -sauf cas très isolés, dont nous avons eu un exemple sur ces bancs. Voilà qui témoigne de la justesse de l'analyse du Gouvernement.

Dans les départements d'outre-mer davantage qu'ailleurs encore, deux approches se sont longtemps opposées, parfois jusqu'à la caricature : l'aspiration à l'égalité des droits civiques et la volonté d'émancipation. Départementalisation, alors, ou autonomie ? Le projet permet de dépasser ce dilemme, car il traduit deux convictions intransigeantes : il faut refuser que la démocratie s'arrête aux limites de la métropole ; il faut croire à la force de la République.

Le temps n'est plus où l'on souhaitait confondre démocratie et immobilisme pour garantir la tranquillité des gouvernants. C'est avec cet état d'esprit que le Gouvernement a voulu rompre, considérant que le débat, les projets et la discussion des choix prouvent la vitalité d'une société, et n'ont donc rien qui puisse effrayer. Respecter les divergences d'opinion, et permettre qu'elles s'expriment dans un cadre démocratique : tel est l'enjeu du congrès. C'est la voie choisie par le Gouvernement qui a, d'autre part, la volonté déterminée de permettre aux populations concernées par une éventuelle évolution statutaire d'exprimer leur opinion. Agir autrement, ce serait faire renaître des peurs anciennes. Le Gouvernement considère donc que le principe de la consultation populaire est indissociable de l'évolution statutaire. C'est pourquoi il figure à l'article premier du projet de loi. Je regrette que le Sénat ait supprimé cette disposition. La décision de la Haute assemblée marque en effet une différence d'approche fondamentale. Comment, si une proposition de modification statutaire substantielle est avancée, peut-on concevoir que la population concernée ne soit pas consultée ?

La réforme voulue par le Premier ministre et engagée par M. Queyranne est donc parachevée. Menace-t-elle l'unité de la République ? Personne ne le pense. Dès lors que l'évolution se fait démocratiquement, nos institutions sont assez fortes pour que nous puissions ne pas confondre unité et unicité. A vrai dire, l'outre-mer sera, pour la République, l'école de la diversité.

Les très riches débats qui ont préparé l'élaboration du projet ont été un exercice pédagogique de premier plan. Ils ont en effet permis d'en finir avec une vision caricaturale de l'outre-mer. J'ai déjà eu l'occasion de dire à quel point je trouvais choquant de qualifier d'« assistanat » là-bas ce qui est dit « solidarité » ici. Oui, un effort financier sans précédent est consenti, qui permet que soit repris le chemin de l'égalité sociale. C'est faire _uvre de justice que de refuser désormais de distinguer progrès économique et progrès social.

La voie choisie par le Gouvernement est la voie de la lucidité, n'en déplaise à ceux qui s'obstinent à le nier, par arrogance ou par ignorance. Quelle est la réalité ? Que les créations d'emplois sont, outre-mer, supérieures à la moyenne nationale et que, sans la pression démographique, la baisse du chômage serait irréversible. Sait-on, aussi, que les utilisateurs d'Internet sont, en proportion, plus nombreux en Martinique qu'en métropole ?

En adoptant ce texte, vous permettrez que soient associés, outre-mer, développement, identité et démocratie. Vous donnerez vie à une nouvelle vision de l'outre-mer. Vous réaffirmerez que la République est assez forte, tolérante et ouverte pour que toutes les collectivités d'outre-mer y trouvent leur place (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jérôme Lambert, rapporteur de la commission des lois - Pour la dernière fois, nous allons débattre du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, que nous examinons ce soir en lecture définitive, dans le cadre de la procédure d'urgence demandée par le Gouvernement.

Nous allons donc enfin donner force de loi à des dispositions très attendues par nos compatriotes de l'outre-mer, et par tous ceux, dont je fais partie, qui croient à l'avenir de l'outre-mer.

Le projet que nous examinons aujourd'hui est à l'évidence la réponse la plus ambitieuse qui ait jamais été proposée pour prendre en compte les difficultés spécifiques de l'outre-mer mais aussi pour valoriser ses atouts et ainsi assurer un véritable développement économique dans le progrès social. Ce projet est aussi un formidable outil pour envisager un mode d'organisation institutionnelle mieux adapté aux situations particulières de chacun des départements d'outre-mer.

A ce stade de la procédure, aux termes de l'article 114, alinéa 3, du Règlement, l'Assemblée peut reprendre soit le texte élaboré par la CMP, soit le texte voté par elle en nouvelle lecture, modifié le cas échéant par des amendements du Sénat.

En l'espèce, la CMP n'ayant pu parvenir à un accord, l'Assemblée n'a pas d'autre choix que de retenir la seconde solution.

En nouvelle lecture, le Sénat a pour l'essentiel rétabli les dispositions qu'il avait adoptées en première lecture, lesquelles sont pour la plupart en contradiction avec les positions exprimées à deux reprises par l'Assemblée. Néanmoins, quelques uns de ses amendements peuvent être adoptés sans remettre en cause l'économie générale du texte. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour le détail de ces amendements.

Le Sénat a supprimé l'article 38, qui prévoit la création de deux départements dans l'île de la Réunion, ainsi que l'article 39, qui permet dans les régions d'outre-mer composées d'un seul département la réunion d'un congrès des élus départementaux et régionaux. Dans les deux cas, ses arguments ne sauraient emporter l'adhésion. En refusant tout, il entendait bloquer tout débat institutionnel et figer des situations que chacun s'accorde pourtant en d'autres lieux à vouloir faire évoluer. Il y a de l'incohérence à agir ainsi, mais aussi un brin d'inconscience. En vérité, le refus d'envisager de créer un second département à la Réunion, qui compte déjà près de 700 000 habitants, est dicté par des considérations clairement politiques. L'Assemblée, en première lecture, n'avait pas considéré la question sous cet angle, mais avait simplement souhaité que les élus réunionnais aient des moyens supplémentaires pour faire face aux défis de l'aménagement du territoire. Il s'agissait aussi de s'aligner sur le droit commun des collectivités territoriales en faisant sortir la région Réunion d'un cadre mono-départemental qui superpose sur le même territoire deux assemblées élues aux compétences qui parfois se chevauchent. Nous voulons entrer dans une ère de coopération et de complémentarité entre les conseils généraux et le conseil régional.

Ceux qui, à droite, voient dans ces deux départements la création d'une structure administrative de trop, oublient la dynamique que les élus départementaux eux-mêmes permettront de donner à ce nouveau dispositif.

Par ailleurs, nos collègues sénateurs considèrent le congrès des élus départementaux et régionaux comme la création d'une troisième assemblée, dérogatoire au droit commun, en l'état actuel de notre Constitution. Cette crainte est dénuée de portée car le congrès qui nous est proposé à l'article 39 est une simple réunion, à laquelle la loi donne la qualité d'instance de concertation démocratique, utile à l'émergence d'idées constructives pour un nouvel avenir institutionnel.

Le présent projet comporte aussi un volet économique et social de première importance qui, avec l'incitation à l'investissement, que nous avons déjà adoptée, marque une volonté sans précédent de répondre aux besoins de nos compatriotes d'outre-mer. Au total, ce texte est sans commune mesure avec d'autres lois, dont nous avons pourtant beaucoup entendu parler. D'ailleurs, en matière économique et sociale, les points de vue des deux assemblées se sont rapprochés.

Je rappelle que ce texte est le fruit d'une très large concertation avec les élus, les assemblées locales et les responsables socio-économiques d'outre-mer. Il affirme que le développement des activités économiques et de l'emploi dans les DOM est une priorité de la nation. Cette priorité se traduira par un effort de l'Etat d'environ 4 milliards par an.

Ce projet va aussi accroître les responsabilités locales, renforcer la décentralisation et préparer les évolutions qui pourront être souhaitées par nos compatriotes de l'outre-mer. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous portez là un texte ambitieux, porteur d'un véritable espoir. La commission des lois, sous réserve de quelques amendements qu'elle a retenus, propose donc à l'Assemblée de l'adopter.

Pour conclure, je tiens à vous dire combien j'ai apprécié de travailler d'une part avec tous mes collègues de l'outre-mer, mais aussi quelques autres, en particulier Louis Mermaz, Jean-Yves Caullet, Dominique Bussereau et Emile Blessig, sans oublier les rapporteurs, Michel Tamaya et Daniel Marsin, et les administrateurs de la commission. Je suis certain que nous avons tous voulu _uvrer pour que les enjeux de l'outre-mer soient mieux pris en compte. Merci à vous tous d'avoir aidé votre rapporteur et merci à vous aussi, Monsieur le secrétaire d'Etat, de l'intérêt que vous avez porté, à la suite de M. Jean-Jacques Queyranne, aux préoccupations des parlementaires.

Il vous appartiendra de faire vivre pleinement ce grand texte de loi. Vous pouvez compter pour ce faire sur notre engagement à vos côtés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe UDF une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91 alinéa 4 du Règlement.

M. Henri Plagnol - Ma motion visera exclusivement les articles 38 et 38 bis du présent projet, c'est-à-dire la bidépartementalisation, qui à nos yeux porte gravement atteinte à la Constitution, tant sur le fond que du point de vue de la procédure, ainsi qu'aux principes de notre République.

Je tiens cependant au préalable à vous adresser tous mes v_ux de succès, Monsieur le secrétaire d'Etat, dans votre action pour l'outre-mer. Je connais votre rigueur et votre sens de l'Etat et je suis sûr que vous aurez à c_ur de tirer le meilleur parti de cette loi dont vous n'êtes pas l'auteur.

Mme Odette Grzegrzulka - Hypocrite.

M. Henri Plagnol - Vous êtes d'ailleurs l'auteur d'un excellent rapport sur les effets négatifs de la bidépartementalisation en Corse...

Mme Huguette Bello - La Réunion n'est pas la Corse.

M. Henri Plagnol - ...et je pourrais reprendre la plupart de ce que vous y écriviez pour démontrer que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la bidépartementalisation ne peut qu'aboutir à un échec. Je suis d'autant plus à l'aise pour le dire qu'elle était une idée d'un gouvernement de droite.

La bidépartementalisation qui est proposée dans ce projet va à l'encontre de l'esprit même de celui-ci, qui a pour objet d'encourager un développement autonome de l'outre-mer, de conforter son identité dans le cadre de la République et de permettre son évolution institutionnelle sans remettre en cause sa stabilité ni le pacte qui l'unit à la France -et qui est particulièrement cher aux Réunionnais. La bidépartementalisation fait figure de verrue dans ce texte. On comprend ce qui l'amène mais il n'en demeure pas moins qu'elle n'a rien à voir avec les objectifs que je viens d'énoncer.

La bidépartementalisation est une aberration économique. Comment peut-on prétendre, au début du troisième millénaire, qu'un département supplémentaire va générer des richesses, de l'emploi et du développement ? Il est évident que son résultat concret sera d'aggraver l'hypertrophie du secteur tertiaire et la logique d'assistanat.

C'est aussi une aberration administrative. Au moment où l'on parle de réforme de l'Etat, de responsabilisation et de déconcentration, voilà que l'on veut avoir sur un territoire dont l'unité est évidente deux préfets, deux directeurs départementaux de l'agriculture ou de l'équipement, deux DDASS... Alors qu'existent déjà sur ce territoire un conseil général et un conseil régional qui ont du mal à coordonner leurs actions (Exclamations sur divers bancs).

La logique géographique et historique, pour le seul département français de l'océan Indien, est d'approfondir la décentralisation, de simplifier les administrations et de rassembler toutes les énergies, notamment pour bénéficier au mieux de l'atout européen. Nous savons bien que très souvent, les problèmes de coordination administrative font échouer les projets européens ; actuellement mon ami Jean-Paul Virapoullé joue un rôle moteur dans le développement européen de la Réunion (Interruptions sur divers bancs). Quant à l'approfondissement de la décentralisation, il suppose un dialogue entre une assemblée, le conseil général de la Réunion et le préfet.

Pourquoi ces dispositions ont-elles été introduites, alors qu'elles n'ont rien à faire dans une loi d'orientation ? C'est une man_uvre politique, à quelques semaines des élections cantonales. Curieusement, parmi ces deux départements de population voisine, celui du Nord aurait un sénateur et celui du Sud en aurait deux... Ce seul fait constitue un motif d'inconstitutionnalité : le Conseil constitutionnel a confirmé à plusieurs reprises que la représentation des territoires de la République au Sénat devait être équitable du point de vue démographique.

Sur le plan de la procédure, l'introduction de la bidépartementalisation, à l'article 38, par la voie d'un amendement parlementaire est contraire à l'article 40 de la Constitution. En effet, de toute évidence, la bidépartementalisation va entraîner des charges publiques supplémentaires, ne serait-ce qu'à travers les emplois publics qu'il faudra créer.

Plus choquant encore est l'article 38 bis, composé de trente-trois paragraphes, qui a été introduit en cours de discussion. Non seulement il fixe toutes les modalités de cette bidépartementalisation, alors que le projet initial du Gouvernement prévoyait sagement de les renvoyer à une loi ultérieure, mais il avance encore la date de la mise en _uvre de cette bidépartementalisation, qui interviendrait dès le 1er janvier 2001. Est-ce sérieux ? Est-il un seul département de métropole qui accepterait d'être découpé dans ces conditions ? Je suis convaincu que le Conseil constitutionnel verra là une atteinte grave au principe de libre administration des collectivités locales.

M. René Dosière - Le Conseil constitutionnel et la libre administration, on a déjà vu...

M. Henri Plagnol - Dans plusieurs décisions, dont celle du 23 janvier 1987, le Conseil constitutionnel a précisé que les modifications apportées à un texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, 1er alinéa, et 44, 1er alinéa, de la Constitution, ni être sans lien avec l'objet du texte, ni dépasser par leur objet ou leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement. De toute évidence, ces limites sont ici très largement dépassées.

Par ailleurs, cet article 38 bis constitue une atteinte au principe de sécurité juridique, que le Conseil constitutionnel a défini dans plusieurs décisions en se fondant sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme.

Enfin, c'est porter atteinte à la sincérité et à la clarté du suffrage que de modifier le découpage alors que la campagne pour les prochaines élections cantonales a déjà démarré. Sera-t-on candidat soit au conseil général de la Réunion du Sud, soit au conseil général de la Réunion du Nord ?

M. René Dosière - On est conseiller général d'un canton, pas d'un département !

M. Henri Plagnol - Je suis sûr que ce motif suffira à justifier la censure du Conseil constitutionnel.

Pour conclure, la bidépartementalisation va entraîner une déstabilisation institutionnelle, que vous aviez dénoncée pour la Corse. Les Réunionnais souhaitent avoir un statut de droit commun dans la République ; ils ne comprennent pas pourquoi un département de 700 000 habitants -le mien, le Val-de-Marne, en compte 1 250 000- aurait besoin d'être coupé en deux. Prendre cette décision, c'est méconnaître la géographie et l'histoire.

Mme Huguette Bello - Vous ne connaissez pas notre histoire !

M. Henri Plagnol - Au nom de quoi porter atteinte à l'identité et à l'unité de l'île en la divisant artificiellement ? Monsieur le ministre, je vous transmets là le cri de la majorité des Réunionnais, qui veulent être consultés (Protestations sur divers bancs).

M. le Rapporteur - Je ne comprends pas : vous souhaitez la réussite de la politique économique et sociale à conduire outre-mer, et en même temps vous nous proposez de couper court à ces efforts... Je vous propose de retirer votre exception d'irrecevabilité et de reporter le débat de fond à la discussion des amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - Alors que nous nous apprêtons à conclure deux ans de travail intense, auquel vous avez pris part, Monsieur le député, de façon fort intermittente, nous voici, comme pour le projet sur la consultation des habitants de Mayotte, face à une exception d'irrecevabilité déposée par votre groupe.

Vous avez tenté de démontrer que la bidépartementalisation de la Réunion n'était ni opportune, ni conforme à la Constitution, alors même que les cinq députés et les trois sénateurs de l'île, plus de la moitié des maires et le président de la République lui-même s'y sont dits favorables, et que plusieurs raisons plaident en sa faveur.

Elle permettra d'abord de renforcer les services de proximité à la Réunion, qui en manque notoirement. Elle favorisera, en second lieu, un aménagement plus harmonieux du territoire, car le sud de l'île est resté longtemps à l'écart des flux de population comme de marchandises. Elle aidera, enfin et surtout, la région Réunion à demeurer dans le droit commun de la République. J'ai relu, à ce propos, votre intervention en première lecture : vous aviez déclaré vouloir poser le problème du lien institutionnel entre la métropole et l'outre-mer, montrant ainsi une méconnaissance profonde des souhaits des Réunionnais. Et puisque vous avez rendu hommage au rapport rédigé par Jean Glavany et moi-même il y a deux ans, je vous répondrai que la Réunion n'est pas la Corse.

M. André Thien Ah Koon - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Il y a entre ces deux îles une différence démographique : 250 000 habitants dans l'une, 700 000 - bientôt un million - dans l'autre. Il y a surtout une différence historique : la bidépartementalisation de la Corse a été, voici un quart de siècle, la réponse du Gouvernement d'alors à des événements graves qui avaient déchiré l'île et dont nous continuons de porter le poids, tandis que la situation actuelle de la Réunion ne peut être qualifiée d'état de crise, encore moins de pré-guerre civile, mais simplement de recherche concertée d'une meilleure organisation territoriale.

Vos arguments constitutionnels sont, en vérité, idéologiques. N'est-il pas de la compétence du Parlement de créer des départements ou d'en modifier les limites ? C'est ainsi qu'il fut fait en 1946, en 1964, en 1975. Je crains qu'en fait cette motion de procédure ne soit révélatrice de votre dessein véritable, qui dépasse son simple objet : si d'aventure l'exception était votée, la loi d'orientation ne pourrait être adoptée, ni ce soir ni plus tard. A ceux qui pourraient être tentés de vous suivre sur ce mauvais chemin, je pose donc cette question : voulez-vous vraiment que soit annihilé le fruit d'un travail de plusieurs mois, dont chacun a d'ailleurs salué la qualité, et que nos compatriotes d'outre-mer soient privés du bénéfice de mesures aussi essentielles que l'exonération de charges sociales, les projets initiatives-jeunes ou les « préretraites contre embauches » ? Dépourvue de vision politique et de projet pour l'outre-mer, l'UDF semble décidément avoir choisi la politique du pire !

Vous disiez, le 10 mai dernier, vouloir tenir compte de l'aspiration nouvelle des populations d'outre-mer à l'instauration d'assemblées uniques.

Mme Odette Grzegrzulka - Il est amnésique !

M. Henri Plagnol - Vous mélangez des choses qui n'ont rien à voir !

M. le Secrétaire d'Etat - Si l'Assemblée vous suit, c'est bien l'ensemble du projet qui sera repoussé, et non pas seulement la bidépartementalisation et la consultation des populations concernées - que vous aviez déjà voulu empêcher dans le cas de Mayotte, mais ni le Conseil constitutionnel, ni les Mahorais eux-mêmes ne vous ont suivi ! Nous voulons, pour notre part, fixer par la loi le cadre du débat démocratique que vous refusez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Hoarau - Un million et demi de citoyens des DOM attendent avec intérêt l'adoption de cette loi d'orientation, que M. Plagnol nous propose de faire disparaître en votant l'exception d'irrecevabilité. Il n'y aurait alors plus rien pour les PME, qui attendent d'être totalement exonérées de cotisations de sécurité sociale, ni pour les érémistes, qui attendent de pouvoir exercer des tâches rémunérées tout en gardant le bénéfice de leur allocation, ni pour les jeunes, qui attendent les projets initiatives-jeunes, ni les travailleurs de plus de 55 ans, qui attendent de partir en préretraite - et je pourrais longuement égrener les quarante articles du projet...

Notre collègue ne se serait-il pas trompé de cible, en déposant cette motion de procédure à seule fin de faire échouer la départementalisation, et en prenant le risque de faire échouer du même coup les espoirs des Réunionnais comme de nos autres concitoyens d'outre-mer ?

S'agissant de la bidépartementalisation, M. le ministre a rappelé quelles personnalités l'avaient approuvée. Sans doute peut-on en débattre, mais vous vous êtes fait l'écho de M. Virapoullé, qui avait pourtant signé, en 1997, le même document que les autres parlementaires.

Mme Odette Grzegrzulka - Il s'est fait acheter !

M. Claude Hoarau - Ce qui était bon en 1997 ne le serait donc plus en 2000 ? Serait-ce que la géographie de la Réunion a changé ?

Mme Odette Grzegrzulka - C'est un caméléon !

M. Claude Hoarau - Méfiez-vous, Monsieur Plagnol. Il changera encore, et vous aurez à changer si vous voulez le suivre. Il a trahi tout le monde, à commencer par ses propres amis. Je ne ferai pas le procès de M. Virapoullé...

M. le Président - Ce ne serait pas conforme à nos traditions.

M. Claude Hoarau - Nous considérons la bidépartementalisation comme un facteur de rééquilibrage pour l'aménagement du territoire, qui permettra de créer les conditions d'un développement serein. Nous voterons donc contre l'exception d'irrecevabilité, et nous débattrons de la bidépartementalisation à son heure -à l'article 38 (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Caullet - Cette exception d'irrecevabilité n'est pas de bonne méthode, elle vise un mauvais objectif. M. Plagnol, de l'UDF, est opposé à la bidépartementalisation, ce n'est pas une vraie surprise. Mais il nous dit viser deux articles -s'il était sincère, il aurait ouvert le débat à l'occasion de ces articles, au lieu qu'il n'a pas résisté à la tentation de donner des leçons à tout le monde, prenant le risque de mettre en péril un édifice attendu par l'ensemble de l'outre-mer. Il a ressorti des arguments classiques, tout l'arsenal de la phobie anti-administrative, mais n'a convaincu personne. Cette exception n'est vraiment pas recevable, et le groupe socialiste ne la votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Plagnol - J'ai été choqué par cette mise en cause personnelle de la part de M. le ministre, comme si un parlementaire n'ayant pas participé aux phases antérieures de la discussion n'avait pas le droit de déposer une exception d'irrecevabilité. C'est vrai, je m'intéresse surtout au volet institutionnel, mais si on me refuse le droit de déposer mon exception pour appeler l'attention sur un point particulier, que restera-t-il de nos libertés ? Je n'ai pas voulu empêcher l'adoption de la loi, évidemment -et je ne serais d'ailleurs pas surpris si, à la sauvette, on disjoignait tout à l'heure ces deux articles, qui n'ont rien à voir avec le reste du projet, et sont là pour des raisons tactiques.

Ce qui est inadmissible, ce n'est pas la bidépartementalisation elle-même. Bien sûr que le législateur a le droit de créer un nouveau département. Mais on méconnaît le v_u des assemblées locales, qui ont voté contre, et on ne consulte pas les populations. Pour ce seul motif, l'exception d'irrecevabilité serait justifiée. On ne peut modifier, ainsi, à trois mois des élections, la carte administrative.

Mme Odette Grzegrzulka - Demandez à Pasqua ce qu'il a fait en 1995 !

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Elie Hoarau - Pour la première fois, une loi considère chaque département d'outre-mer pour lui-même. Celle-ci marque donc une rupture avec la période qui s'est ouverte en 1946. Rupture aussi du fait de l'alignement programmé du RMI, qui couronnera la réalisation de l'égalité sociale. Rupture enfin, entre la situation géographique et le statut politique.

Or, chaque fois que la Réunion a connu un tournant, c'est le même scénario. En 1848, l'abolition de l'esclavage allait entraîner la ruine des colonies. En 1946, la départementalisation conduirait l'île à la ruine. Derrière ces propos, toujours les mêmes motivations : défendre des intérêts particuliers en suscitant la peur. Cette fois, la peur se focalise sur la bidépartementalisation, prélude à « la partition de l'île ». Ses détracteurs évoquent un coût excessif, ils se cachent derrière les sondages, demandent une consultation populaire et brandissent la menace du Conseil constitutionnel.

La création d'un deuxième département n'est qu'une réforme administrative, le pendant, pour l'organisation des pouvoirs publics, des mesures économiques, sociales et culturelles de la loi d'orientation. Cette réforme met en place le cadre dans lequel les autres dispositifs trouveront leur application la plus efficiente au service du développement.

Pour toutes ces raisons, la mise en _uvre de cette réforme administrative doit être aussi réussie que possible. La première lecture, le 10 mai, avait prévu qu'un texte ultérieur préciserait les mesures découlant de la création d'un second département.

En deuxième lecture, le 12 octobre, nous avons spécifié la date de création des nouveaux départements, ainsi que les aménagements rendus nécessaires par la création d'un nouveau département -c'est l'article 38 bis du projet. Certaines modalités devaient être cependant complétées ou précisées, comme l'a bien vu le Sénat. La représentation parlementaire devait être mieux définie et tenir compte des limites et de la démographie des nouveaux départements. La création d'un deuxième département devait aussi conduire au dédoublement des organismes extérieurs rattachés au conseil général, tel le service départemental d'incendie et de secours.

Si techniques soient-ils, ces aménagements sont très importants pour la bonne mise en _uvre de cette réforme administrative et pour le fonctionnement des futures institutions.

Or, à ce stade du débat, nous ne pouvons plus apporter, par amendement, ces modifications essentielles. Le Gouvernement n'a pas davantage cette possibilité. La seule solution est donc de déposer un nouveau texte, qui reprendra les dispositions de l'article 38 bis et apporter les compléments indispensables.

M. Henri Plagnol - Très bien !

M. Elie Hoarau - Le sens des responsabilités doit nous conduire à réunir toutes les conditions pour que la loi d'orientation s'applique avec le maximum d'efficacité. C'est dans cet esprit que les cinq députés de la Réunion, tous favorables à la création d'un nouveau département, demanderont au cours de ce débat la suppression des articles 38 et 38 bis et déposeront une proposition de loi en vue de mettre en _uvre la bidépartementalisation dans des conditions optimales dès 2001.

M. Henri Plagnol - Bravo !

M. Elie Hoarau - En proposant la suppression de ces articles, les députés de la Réunion visent précisément un objectif inverse à celui de la Haute assemblée.

De plus, notre initiative ôte toute inquiétude à ceux qui redoutaient que l'adjonction de l'article 38 bis après la réunion de la commission mixte paritaire puisse être un motif de censure du Conseil constitutionnel.

M. Henri Plagnol - Je m'en réjouis !

M. Elie Hoarau - La volonté de cinq députés et la détermination du Gouvernement feront aboutir cette réforme dans les meilleurs délais, en sorte que 2001 ouvre la voie du développement et de la responsabilité (Applaudissements sur divers bancs).

M. Philippe Chaulet - Le calendrier a ses hasards. Alors que nous discutons en ultime lecture le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, les élus de Corse peaufineront demain avec le ministre de l'intérieur le projet de loi accordant à l'île une plus large autonomie. Comment pourrait-on mieux souligner le mépris de ce Gouvernement à l'égard des femmes et des hommes de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique ?

En démocratie, la politique est l'art d'apaiser les mécontentements. Or, dans nos régions, les causes de malaise ne manquent pas : explosion du chômage, montée de l'insécurité, crises découlant de la mondialisation, qui fragilisent les productions locales traditionnelles. Mais il tient surtout à la surdité du Gouvernement à nos propositions pour ce qui concerne l'organisation administrative de l'archipel.

Quant à la portée de votre projet de loi d'orientation, il faut avoir une certaine dose d'ignorance ou de mauvaise foi pour oser affirmer qu'il est à inscrire au même rang que le décret d'avril 1848 portant abolition de l'esclavage ou que la loi de 1946 portant départementalisation de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion. Pour reprendre les propos du plus ancien député de la Guadeloupe, il manquait à la gauche un texte de référence auquel elle pourrait se rattacher, car toutes les grandes lois pour l'outre-mer avaient toujours été à l'initiative de la droite. La gauche plurielle pourra désormais invoquer « sa » loi d'orientation, pour masquer la médiocrité de ses propositions pour nos départements et le peu d'intérêt qu'elle porte au développement économique et social des DOM.

Au risque de vous contrarier, je me permets de vous dire que votre projet ne répond en rien aux attentes de l'opinion de la Guadeloupe, qui soutient la démarche d'une décentralisation plus approfondie, dans l'esprit de « la Déclaration de Basse-Terre ». Le rassemblement dimanche dernier de plus de 5 000 militants d'Objectif Guadeloupe, présidé par Mme Lucette Michaux-Chevry en atteste.

Votre prédécesseur a proposé de créer dans trois DOM sur quatre une assemblée croupion, avec laquelle la région et le département devraient se « pacser » pour légitimer toute proposition d'évolution statutaire.

Je m'élève en faux contre vos déclarations à l'AFP rapportant que nous étions opposés à toute évolution institutionnelle, mais sans doute avez-vous été mal informé ?

Du reste, vous n'avez pas vous-même foi en ce congrès, puisque vous conviez le 18 décembre prochain les forces politiques de la Guyane à une table ronde pour jouer au chef d'orchestre d'un débat sur la question statutaire.

M. le Secrétaire d'Etat - Avec la permission de l'orateur, je précise que j'accueille à Paris les principaux élus de Guyane en vertu d'un engagement de mon prédécesseur, et, surtout, parce qu'ils me l'ont instamment demandé. Du reste, je ne cache pas que je serais ravi si la Guyane était l'un des premiers DOM à emprunter la voie du congrès. Enfin, ne nous y trompons pas : ceux qui dénigrent aujourd'hui le congrès ne seront pas les derniers à l'utiliser !

M. Philippe Chaulet - Il y a un malentendu : nous avons déjà un projet et nous n'avons pas besoin de nous pacser pour déposer des propositions de réforme.

Comme vous avez pu le constater depuis votre arrivée, si ce projet de loi s'était limité à son volet économique et social, nous n'aurions pas dû attendre trois ans pour le voir aboutir !

Le document unique de programmation -5,3 milliards- et le contrat de plan sont en réalité les piliers essentiels du développement en Guadeloupe. Concernant ce dernier, la région Guadeloupe s'est engagée à hauteur de 1 407 millions, l'Etat pour 1 284 millions et le département pour seulement 740 millions. Dès lors, force est de constater que le développement passe par une action conjuguée de l'Europe, de l'Etat, et, surtout, de la région Guadeloupe qui fournit le budget le plus important.

Peu novateur dans son volet économique et social, votre projet de loi n'est qu'une reprise des mesures mises en _uvre par la droite et qu'une mise en conformité des orientations arrêtées par les instances communautaires.

Monsieur le ministre, j'ai participé activement à l'amélioration de votre projet mais plusieurs points continuent à ne pas me satisfaire : je ne puis en effet que déplorer votre manque d'ouverture pour ce qui concerne l'effet de seuil pour les entreprises de vingt salariés. Dois-je du reste rappeler que ceux qui, en première lecture, étaient favorables à 23 heures à l'exonération des dix premiers salariés ont finalement voté contre à quatre heures du matin ? De même, il y a tout lieu de regretter l'exclusion des transports aériens et maritimes régionaux du bénéfice de l'article 2, ainsi que le refus d'augmenter le plafond d'exonération de cotisations patronales des employeurs implantés dans les communes doublement insulaires de notre archipel -La Désirade et Marie-Galante.

Je regrette enfin que le Gouvernement n'ait tenu aucun compte du rapport Seners préconisant pour les îles du Nord d'instituer une zone franche commerciale. Monsieur le secrétaire d'Etat, malgré le soutien de M. Lambert que je remercie sincèrement, vous ne vous êtes manifestement pas rendu compte qu'il y avait là une nécessité.

Il est pourtant nécessaire d'éclaircir les dispositions législatives et fiscales qui s'appliquent à l'île de Saint-Martin, pour corriger la mauvaise presse faite à cette île. Personne ne souhaite faire de Saint-Martin une zone de non-droit propice au blanchiment d'argent ! Mais, si le droit commun n'est pas adapté par ignorance des réalités locales, c'est criminel : et si cela découle de la volonté politique du Gouvernement, le crime devient intentionnel, et c'est donc volontairement que vous sacrifiez Saint-Martin, plutôt que de favoriser le développement du seul territoire binational existant en France. J'ai donc pris bonne note de votre volonté de revoir la question. A votre loi d'orientation nous aurions préféré une loi programme comportant des engagements chiffrés pour assurer le développement de notre région.

Quant à faire se pacser le département et la région pour avoir le droit de faire des propositions d'évolution statutaire, je m'y refuse absolument, et je ne voterais point ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Léo Andy - Nous arrivons au terme de la discussion de ce projet, qui a parcouru un long chemin, depuis l'annonce de son élaboration, faite par le Gouvernement en octobre 1998. D'une grande portée économique, sociale, culturelle et institutionnelle, il a de surcroît été considérablement amélioré lors de ses passages à l'Assemblée. Son application, prévue pour le 1er janvier 2001, est déjà assurée grâce aux dotations spécifiques figurant dans votre budget et dans celui du ministère de l'emploi et de la solidarité, grâce, aussi, au nouveau dispositif de défiscalisation inscrit à l'article 12 de la loi de finances pour 2001. Comment ne pas se féliciter de cette célérité, témoin de l'extrême intérêt que le Gouvernement manifeste à l'outre-mer ?

Je profite de ce débat pour évoquer la création du CAPES créole, décision qui reconnaît la richesse que constitue l'usage de la langue maternelle dans la formation des jeunes. Cependant, des interrogations demeurent sur la formation des formateurs et sur la publication des manuels nécessaires. Elles demeurent sans réponse à ce jour.

S'agissant de l'introduction des langues vivantes à l'école, je rappelle mes démarches antérieures visant à ce que les élèves des départements français d'Amérique puissent très rapidement apprendre l'anglais et l'espagnol. Comment le plan annoncé par le ministre de l'éducation nationale s'appliquera-t-il cette année en Guadeloupe ?

Je demande qu'il soit scrupuleusement respecté pour les années à venir. La maîtrise de l'anglais et de l'espagnol, dès le plus jeune âge, sera un atout essentiel de réussite et de mobilité dans la Caraïbe.

Je rappelle d'autre part la nécessité d'une déconcentration renforcée. A ce jour, de très nombreuses administrations sont encore centralisées en Martinique. C'est une grave entorse à la décentralisation, et cette situation doit être corrigée rapidement afin d'éviter aux Guadeloupéens, souvent démunis, des démarches longues et parfois coûteuses vers les bureaux situés dans l'île s_ur.

Enfin, je relève la demande insistante de tous les milieux progressistes, en métropole, en faveur d'une hausse substantielle du RMI avant la fin de l'année 2000, pour permettre aux allocataires de franchir le seuil de pauvreté, fixé à 3 000 F. Cette démarche légitime souligne l'impérieuse nécessité d'aligner dès 2001 le montant de cette prestation dans les DOM. 

C'est bien la première fois, et chacun le reconnaît, sur tous les bancs, qu'un Gouvernement prend des mesures d'une telle ampleur en faveur du développement durable des DOM. C'est pourquoi je souhaite que les décrets d'application soient publiés aussitôt la loi votée.

Ce projet est symbolique du respect de la volonté d'émancipation des peuples de l'outre-mer. En ce moment historique, je ne peux m'empêcher de penser à tous ceux qui ont été frappés par les dispositions de l'ordonnance de 1960 interdisant, dans les DOM, toute revendication et toute déclaration relatives aux problèmes institutionnels. Je pense aux intellectuels et aux fonctionnaires, radiés des cadres de la fonction publique, mutés à Paris ou internés à la prison de la Santé, pour avoir dit, il y a trente-cinq ans, que la reconnaissance du droit des peuples guadeloupéen et martiniquais à l'autodétermination est imprescriptible.

Les gouvernements se suivent et ne se ressemblent pas ; heureusement ! Monsieur le ministre, vous avez proposé à l'article premier de ce projet un amendement habilitant les DOM à proposer des évolutions statutaires, brisant ainsi un tabou de quarante ans. J'avais moi-même présenté un amendement en ce sens, que j'ai donc retiré. Seule la gauche pouvait transformer une telle espérance en réalité !

Certains diront que vous avez franchi le Rubicon. Que la réponse soit claire : vous avez, par cet amendement, mis un terme au conservatisme, à l'archaïsme et à l'obscurantisme qui ont caractérisé le carcan colonial pendant des décennies. L'histoire retiendra qu'après nos aînés en 1946, nous aurons, ce soir, fait un grand pas pour permettre à nos populations d'accéder à plus de responsabilité et à la maîtrise de leur destin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Ernest Moutoussamy - Après un cheminement législatif marqué par les contradictions, les ambiguïtés et le double langage de la droite, ce projet termine son parcours parlementaire.

Amputé de sa dimension institutionnelle par la Haute assemblée, allergique à l'émancipation de l'outre-mer dans la République, il doit retrouver son âme par le rétablissement des articles premier, 38 et 39. Il convient de souligner avec force que la majorité sénatoriale, en contredisant le discours de M. le Président de la République et des principaux dirigeants de la droite, en opposition, aussi, avec les séides de la déclaration de Basse-Terre, a livré un combat rétrograde.

Tout d'abord, elle a supprimé, pour les Antilles et la Guyane, la possibilité donnée à leur assemblée de proposer des évolutions statutaires. Lorsque, pour la première fois dans le droit français, il est reconnu explicitement à nos assemblées locales la possibilité de soumettre au Parlement une proposition de loi visant à un changement de statut, et que pas une voix à droite, pas même celle de l'égérie du triumvirat antillo-guyanais, ne s'élève pour s'opposer à une attaque aussi réactionnaire, on ne peut que fustiger et dénoncer la démagogie de la majorité sénatoriale. Faut-il voir dans ce coup tordu de la droite le signe de son attachement indéfectible au statut départemental, pourtant considéré comme dépassé par le Président de la République ?

Poursuivant son offensive rageuse contre le projet, la droite sénatoriale a supprimé, dans l'article premier, le principe de la consultation des populations sur les évolutions envisagées. Une fois encore, l'égérie si prompte à donner des leçons de démocratie s'est faite complice du crime. C'est bien en effet un crime contre les peuples que de leur enlever le droit sacré d'être consultés sur leur avenir. Quelle volonté manifeste donc la droite, quand elle s'oppose à la traduction dans la loi d'un principe démocratique sans lequel on ouvre la porte à l'aventure, au « macoutisme » et au pouvoir personnel ? Ce comportement démontre, s'il en était besoin, que la déclaration de Basse-Terre est bien une vaste supercherie et une tentative de manipulation.

J'en arrive au troisième coup de force du Sénat : la suppression de l'article 39. Il est difficile de comprendre que ceux-là même qui disent appeler de leurs v_ux une évolution du statut des DOM vers une autonomie accrue rejettent le dispositif démocratique décrit dans l'article 39 sans présenter d'alternative. La volonté de pêcher en eau trouble, de cultiver l'amalgame et la confusion, est manifeste. Si la droite est contre le congrès -ce qui peut se concevoir- au moins devrait-elle tenter d'intégrer dans la loi ses propositions, en l'espèce les dispositions de la déclaration de Basse-Terre : nous pourrions, sur cette base, parvenir à un accord. Mais la droite a préféré choisir l'option du vide, en adepte du pouvoir personnel et de l'autocratie, qui refuse toute évolution démocratique fondée sur le consensus et, notamment, l'exercice du droit des peuples guadeloupéen, martiniquais et guyanais à s'autodéterminer librement. Le comportement démagogique et machiavélique du chef de la droite guadeloupéenne au Sénat conforte la gauche socialiste et progressiste de notre département dans sa lutte déterminée contre le front national-populiste regroupé autour de la déclaration de Basse-Terre. Aussi, Monsieur le ministre, il appartient à la gauche plurielle de notre Assemblée, soutenue par quelques élus de droite dont nous saluons le courage, la lucidité et l'attachement aux intérêts de leur population, de rétablir le texte que nous avons voté en deuxième lecture.

Quant à nous, conformément à une ligne politique vieille de plus de trente ans, que certains se sont acharnés à détruire pendant toute leur carrière politique, comme ils excellent aujourd'hui à se l'approprier dans un plagiat fondé sur la manipulation et méritant une sanction pénale, nous proposerons au congrès une seule assemblée, avec un conseil exécutif et des pouvoirs d'adaptation réglementaire et législative conformes aux nécessités du développement et à l'exercice réel et efficace de la responsabilité. Cette proposition impliquant une révision de la Constitution, nous sommes prêts à créer les conditions du consensus local indispensable pour obtenir sur le plan national la majorité parlementaire requise.

En attendant, le monde du travail a appris avec satisfaction que les dépenses engendrées par l'application du texte ont été prises en considération dans la loi de finances de 2001. Chacun salue la volonté du Gouvernement de le mettre en _uvre le plus vite possible. Malheureusement la droite saisira sans doute le Conseil constitutionnel, comme elle l'a fait en 1982 contre l'Assemblée unique. Ce sont donc toujours les mêmes qui cherchent à priver nos entreprises et nos jeunes d'une application rapide de la loi.

Malgré ces gesticulations, dans mon département, les futurs bénéficiaires de la loi savent bien que c'est près d'un milliard de francs que le Gouvernement leur apportera en 2001, sous forme d'aides ou d'exonérations de charges. C'est un puissant coup d'accélérateur, un effort sans précédent puisque rien que pour la Guadeloupe, vous apportez l'équivalent de la loi Perben pour l'ensemble de l'outre-mer ! Mes compatriotes ont conscience que ceux qui, en 1994, ont voté à deux mains la loi Perben, mais qui aujourd'hui critiquent ce projet, ne sont pas crédibles. Je ne dirai pas que la loi Paul vaut quatre fois la loi Perben, mais simplement que la gauche plurielle démontre une fois encore qu'elle est plus généreuse, plus solidaire et plus progressiste que la droite à l'égard de l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Henri Plagnol - Je ne vais pas bouder mon plaisir après le coup de théâtre qui a constitué l'annonce de M. Elie Hoarau. Je croyais tout à l'heure être seul à juger ce projet inconstitutionnel, mais il n'en était rien et je m'explique mieux, Monsieur le secrétaire d'Etat, votre irritation. Si ce soir les parlementaires de la Réunion décident de retirer de ce projet de loi d'orientation les dispositions que je dénonçais, c'est bien parce qu'ils ont compris que le Conseil constitutionnel ne manquerait pas de censurer la procédure suivie. Je regrette simplement qu'il ait fallu attendre la troisième lecture pour en arriver à ce constat.

J'y vois une victoire de l'UDF réunionnaise, en particulier de M. Virapoullé, et de l'ensemble des Réunionnais qui se sont mobilisés contre la disposition qui va être retirée ce soir. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi nous saisirions le Conseil constitutionnel. Je puis au moins vous rassurer sur ce point.

Il ne reste donc pas grand-chose des dispositions institutionnelles initiales puisqu'à la suite de l'avis du Conseil d'Etat, vous aviez déjà dû renoncer au caractère permanent du congrès. J'avais moi-même dénoncé le caractère baroque de cette troisième assemblée censée se réunir de temps en temps, comme si les conseillers généraux et régionaux d'un même territoire n'avaient déjà pas la faculté de se réunir quand bon leur semble !

Au demeurant, cette assemblée n'aurait pas au la moindre possibilité de décider d'une évolution institutionnelle.

Certes, il reste les dispositions économiques et sociales. Mais sur le plan institutionnel, l'échec est patent. Il est dû à des erreurs de procédure et constitue un faux-pas qui contredit une fois de plus la fameuse méthode Jospin (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Huguette Bello - C'est pas Ouvéa tout de même !

M. Alfred Marie-Jeanne - Le budget 2001 de l'outre-mer ayant été voté, la projet de loi d'orientation s'en trouve délesté de sa lourde partie de mesures économiques, d'ailleurs plus ou moins efficaces. Dans ces conditions, que reste-t-il à débattre, si l'on excepte la bidépartementalisation envisagée pour la Réunion et l'artifice du congrès imaginé pour la Guadeloupe, la Guyane, et la Martinique ?

Il nous reste cependant à montrer l'indigence de certaines allégations. Peut-on par exemple tirer prétexte d'une longue histoire connue pour laisser les choses en l'état ? A l'évidence non, car la revendication sociale n'est pas une question démodée.

Est-il normal d'affirmer péremptoirement que la question institutionnelle est éloignée des préoccupations quotidiennes de nos peuples ? De nous mettre en garde contre le danger de brûler les étapes alors que jusqu'ici on les a toutes ratées ? De louer le rapport Lise-Tamaya alors que dès le départ la lettre de cadrage du Premier ministre caporalisait leur mission en la confinant à l'article 73 ? De menacer les avant-gardistes comme si ce n'était pas le suffrage populaire qui les avait placés à l'avant-garde des revendications de leurs peuples ?

De dire que, pour obtenir une assemblée unique, à la proportionnelle, il faut le préalable de la volonté conjointe des assemblées régionales et départementales, et ensuite de ne pas tenir compte de cette volonté. De prédéterminer le choix en laissant éclater au grand jour sa préférence personnelle pour l'approfondissement de la décentralisation ? De parler de projet ambitieux en semblant ignorer qu'une ambition s'inscrit forcément dans l'histoire et que celle-ci commence à l'émancipation des peuples ? D'accuser certains élus d'être des populistes, alors que les accusateurs sont avant tout des légitimistes, des affairistes patentés, accrochés aux basques du gouvernement, quel qu'il soit, pour assurer leur promotion personnelle.

M. Philippe Chaulet - Très bien !

M. Alfred Marie-Jeanne - Vous avez déclaré au Sénat, le 7 novembre, que l'objet de l'article 39 était de donner aux élus locaux un droit d'initiative en matière d'évolution statutaire. Mais de deux choses l'une : ou l'on récupère l'initiative qu'a constituée la déclaration de Basse-Terre du 1er décembre 1999 ; ou l'on dénie aux élus le droit d'en prendre sans permission gouvernementale.

Nous avons déjà suffisamment servi de cobayes pour qu'on ne nous inflige pas la honte d'une expérimentation institutionnelle supplémentaire. Pour nous, le débat institutionnel n'est jamais clos. Bon vent à tous ceux qui s'arrogent le droit de le clore !

En conclusion, je vais me faire violence, en citant un passage édifiant de la contribution de la fédération socialiste de la Martinique au prochain congrès de Grenoble : « Les revendications institutionnelles très fortes dans l'outre-mer sont liées à la conviction qu'une redéfinition et un élargissement des cadres statutaires sont de nature à impulser une dynamique de développement durable, à briser l'isolement des DOM dans leurs zones géographiques respectives, à nouer un nouveau type de relations avec l'Europe, en lien avec les régions ultra-périphériques et enfin, à éradiquer le chômage et l'assistanat ».

Si le courage politique consista, il y a un demi siècle, à assimiler, il a aujourd'hui changé de camp, et avec lui l'espoir. Il s'agit dorénavant de le mettre au service du développement, durable et solidaire, et de la responsabilité. Et puisque le nouveau dispositif d'aide en faveur de l'investissement prévoit de rétrocéder 60 à 75 % de l'avantage fiscal aux entreprises, pourquoi ne pas procéder de même pour le pouvoir politique ? C'est lui qui permet de distinguer un projet global d'une simple construction économique de circonstance. Les intérêts se marchandent, les valeurs non !

M. Philippe Chaulet - Très bien !

M. Pierre Petit - Puisque nous discutons d'une loi d'orientation dont l'objet principal est l'emploi, permettez-moi de vous reprocher, Monsieur le secrétaire d'Etat, de ne m'avoir pas plus répondu que M. Queyranne au sujet des 250 emplois que j'ai perdus chez moi, dans cette partie du nord Caraïbe particulièrement démunie. 250 emplois en Martinique, cela équivaudrait à 29 000 en France métropolitaine. Aucun ministre n'y resterait indifférent. J'avais demandé à M. Queyranne une zone d'entreprises ; il ne m'a pas répondu. Ayant mis en place moi-même un comité de bassin d'emploi, je vous ai demandé ce matin s'il vous serait possible de nous aider davantage sur trois ans ; je n'ai pas eu davantage de réponse. Je le déplore. J'interviendrai à nouveau dans la discussion des amendements.

Néanmoins cette loi d'orientation est bonne d'un point de vue économique. Dans sa partie institutionnelle, elle est marquée par le syndrome de la rivière Kwaï... On se renvoie la balle comme des enfants, personne ne veut céder. Nous Antillais, nous aurions dû discuter entre nous pour nous mettre d'accord face au Gouvernement. Traiter certains de populistes, ce n'est pas bien, ce n'est pas chic, ce n'est pas antillais, c'est simplement stalinien (Interruptions).

Parfois je me demande, Monsieur le ministre, si on a vraiment envie de réussir avant 2002 ; et je constate que certains ne savent pas rester calmes. De toute façon, pour paraphraser M. Laignel, j'aurai tort devant l'évidence parce que je suis politiquement minoritaire.

Mme Christiane Taubira-Delannon - Nous assistons à des échanges non à fleuret moucheté, mais au glaive ! Le Val-de-Marne provoque la Réunion, la Guadeloupe cherche la Guyane... Sans doute ces échanges participent-ils du débat démocratique.

Pour ma part, Monsieur le ministre, je voudrais appeler votre attention sur un sujet dont la loi d'orientation ne traite pas : l'aménagement du territoire.

Les dispositions de la loi Voynet et de la loi Chevènement s'appliquent en Guyane, mais avec des difficultés, qui concernent notamment l'imprécision des zones d'aménagement du territoire. Un débat de fond sur l'aménagement du territoire est indispensable, particulièrement pour la Guyane où 90 % de la population réside sur 5 % du territoire et où il n'existe pas d'instruments opérationnels permettant de régler la question de l'occupation de l'espace et de l'accès aux ressources naturelles.

Un décret de 1898 avait posé le principe que toutes les terres vacantes et sans maître étaient propriété de l'Etat. Or les premières populations d'origine amérindienne pratiquaient l'usage collectif de la terre ; les populations arrivées ensuite dans le cadre de la traite et de l'esclavage n'avaient pas davantage de relation de propriété à la terre. L'Etat s'est ainsi retrouvé propriétaire de 90 % du territoire. Des dispositions législatives et réglementaires récentes ont permis de desserrer l'étau, mais les choses tardent à se mettre en place, faute de moyens humains suffisants.

Par ailleurs, la loi de départementalisation de 1946 n'avait pas aboli un texte précédent, un décret-loi qui séparait la Guyane en deux et qui n'a été aboli qu'en 1969.

Aujourd'hui, 90 % de la population a reflué vers le littoral, 90 % du territoire est pratiquement inaccessible. Il nous faut donc chercher les moyens de contrer la densification urbaine et de désenclaver l'intérieur du territoire, qui dispose de ressources minières, forestières et agricoles. C'est pourquoi j'appelle de mes v_ux un débat sur l'aménagement du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gérard Grignon - Je voterai ce texte étant satisfait que Saint-Pierre-et-Miquelon soit associé, comme je l'avais souhaité, à l'essentiel du dispositif économique établi pour les quatre départements d'outre-mer, d'autant qu'il va au-delà des dispositions de la loi de juillet 1994. Ainsi se trouve conforté l'effort considérable accompli dans l'archipel, pour diversifier les activités économiques, après l'échec de l'arbitrage frontalier de juin 1992 et l'arrêt total de la pêche à la morue.

Je note avec satisfaction l'inscription dans le budget 2001 d'une dotation spécifique de 325 millions afin d'appliquer ce texte dès le début de l'année prochaine. Mais j'insiste pour que les texte d'application soient rédigés dans les meilleurs délais, d'autant que les articles 2, 3, 5, 6, 16, 21 et 33 sont rendus applicables dans la collectivité territoriale sous réserve des adaptations nécessaires.

Je vous demande, Monsieur le ministre, que les intentions de la loi et les chiffres inscrits au budget se concrétisent sur le terrain dès le début de l'année 2001, s'agissant du volet économique, des dispositions en faveur des jeunes comme des mesures sociales, notamment l'extension à l'archipel de la loi de 1975 en faveur des personnes handicapées. Par ailleurs, je vous rappelle que j'ai formulé ce matin des observations concernant vos propositions en matière de défiscalisation des investissements.

Je regrette que les amendements concernant les retraites n'aient pas été repris et qu'on ait manqué l'occasion de procéder à quelques réajustements statutaires.

Cela dit, la perfection n'est pas de ce monde, et la critique est aisée. Ce projet est, dans l'ensemble, bon pour l'outre-mer en général et pour Saint-Pierre-et-Miquelon en particulier. Je le voterai donc sans hésitation, car au-delà des idéologies dépassées et des attitudes politiciennes déconcertantes, mon seul parti, ce soir, c'est Saint-Pierre-et-Miquelon !

M. André Thien Ah Koon - Ce n'est pas sans émotion que je m'adresse à vous, et vous n'en serez pas surpris, tant je me suis impliqué dans le débat institutionnel, après un combat d'un quart de siècle contre l'aventure de l'autonomie et de l'indépendance. On me pardonnera donc si, par-delà les dispositions économiques et sociales novatrices contenues dans ce projet que je voterai, je m'en tiendrai à son volet institutionnel.

Je n'ai eu de cesse d'affirmer ma volonté d'ancrer toujours plus mon île natale à l'ensemble français, et suis donc d'autant plus satisfait que la quasi-totalité des parlementaires réunionnais et la plupart des maires, dont Jean-Paul Virapoullé, président de l'UDF réunionnaise, aient signé par deux fois les protocoles réclamant la création d'un deuxième département. Aussi suis-je consterné de constater que l'UDF nationale a déposé une exception d'irrecevabilité contre la bidépartementalisation et s'est prononcée, en revanche, pour l'instauration du congrès, c'est-à-dire pour la possibilité de négocier, à terme, l'autonomie, voire l'indépendance de la Réunion.

Vous l'avez dit vous-même, Monsieur le ministre : la porte est ouverte, mais cette porte ouverte, nous n'en voulons pas, car ce serait la fin du progrès social et l'avènement de la misère pour les enfants de l'île. Il vous faudra être vigilant, afin que les Réunionnais ne soient pas entraînés dans une aventure dramatique ; il vous faudra aussi compléter le texte de façon à permettre un développement plus équilibré du territoire, un approfondissement de la décentralisation et un rapprochement de l'administration et des citoyens.

Je conclurai mon propos en remerciant l'ensemble des élus, nationaux et locaux, qui ont fait preuve d'esprit civique et de sens des responsabilités en nous accompagnant dans cette croisade institutionnelle. Je remercie également ceux qui m'ont fait confiance, et qui savaient que je choisirais toujours, à l'image de nos grands anciens, l'avenir dans la France plutôt que l'aventure du congrès. Nous ne voulons plus qu'il y ait 45 % de chômeurs au sud et 30 % au nord, 18 % d'érémistes au sud et 9 % au nord, 23 % de diplômés au sud et 35 % au nord ! Je vous remercie de votre attention.

M. Philippe Chaulet et M. Pierre Petit - Très bien !

La discussion générale est close.

M. le Président - La CMP n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée nationale est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle. J'appelle les amendements dans les conditions prévues aux articles 45, alinéa 4, de la Constitution et 114, alinéa 3, du Règlement.

M. le Rapporteur - L'amendement 4 à l'article 3 améliore le dispositif d'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les pêcheurs en cas de cyclone : mieux vaut en effet que le délai coure pendant six mois à compter de la catastrophe, au lieu d'expirer au 31 décembre de l'année en cours.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 1 lève le gage lié à l'article 3.

L'amendement 1, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 5 à l'article 5 est analogue à l'amendement 4, mais a trait aux plans d'apurement conclus entre les caisses de sécurité sociale et les entreprises victimes d'aléas climatiques.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 précise la notion de fraude fiscale visée à l'article 5, en faisant référence à l'article 1741 du code général des impôts.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 2 lève le gage lié à l'article 5.

L'amendement 2, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 7 et 8 à l'article 6 sont rédactionnels, les amendements 9 et 10 au même article sont de coordination.

Les amendements 7 à 10, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 11 à l'article 9 soumet le pilotage des projets initiatives-jeunes par les organismes de formation professionnelle à un agrément spécifique.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 12 à l'article 9 précise que le montant, fixé par décret, de l'aide aux projets initiatives-jeunes sera un maximum, non un forfait.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 13 à l'article 9 quater supprime, aux fins d'harmonisation rédactionnelle, la référence à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il sera toutefois précisé à l'article 40 que l'article 9 quater s'applique bien à cette collectivité.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 14 après l'article 11 supprime les articles du code du travail qui permettraient, théoriquement, de modifier le SMIC outre-mer par décret et, partant, de le différencier à nouveau du SMIC métropolitain, sur lequel il a été aligné, à la demande générale, en 1996.

L'amendement 14, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A la demande du Gouvernement, l'amendement 27 à l'article 16 est réservé jusqu'après l'examen de l'amendement 21.

L'amendement 15 de la commission, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. Michel Tamaya - L'amendement 24 modifie la loi de 1986 sur l'audiovisuel afin de préciser que, pour assurer la continuité territoriale des chaînes publiques France 2, France 3 et la Cinquième-Arte, RFO peut recourir à des modalités spécifiques de mise en _uvre, différenciées, selon les départements d'outre-mer.

M. le Rapporteur - La commission a adopté un amendement 16 identique.

Les amendements 16 et 24, acceptés par le Gouvernement et mis aux voix, sont adoptés.

M. Ernest Moutoussamy - Les conseils régional et général des DOM sont dotés de compétences complémentaires, qui justifient qu'ils puissent intervenir l'un et l'autre dans l'espace international régional des DOM. Tant qu'une assemblée unique n'est pas en place, pourquoi priver le conseil général de cette capacité, quand ses compétences sont en cause -par exemple pour la culture, l'environnement, l'éducation ? Il ne s'agit pas de réclamer une double participation pour chaque DOM, mais de partager les sièges selon les organismes. Tel est l'objet de son amendement 3.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement, considérant que la collectivité ne pouvait être représentée tantôt par une instance et tantôt par une autre. Que se passera-t-il lorsqu'il y aura chevauchement de compétences ? Il est plus simple de confier la représentation, une fois pour toutes, à la région.

M. le Secrétaire d'Etat - Je suis, quant à moi, favorable à l'amendement.

M. Camille Darsières - L'amendement, nous dit l'exposé sommaire, « se justifie pas son texte même ». Le texte peut-être, mais pas le contexte ! Il s'agit à l'article 22 de l'action des régions d'outre-mer dans leur environnement international. La Martinique ne peut être représentée dans l'association des Etats caraïbes tantôt par le conseil général et tantôt par le conseil régional. Le Mexique aurait un siège et la Martinique en aurait deux !

Je regrette que le ministre n'ait pas voulu choisir -après tout, c'est l'essence du Gouvernement de faire des choix. Mais la loi de décentralisation du 31 décembre 1982 avait déjà choisi, puisque son article 9 dispose que les conseils régionaux de la Martinique et des autres DOM peuvent être saisis pour avis de tout projet d'accord entre la République française et les Etats voisins des DOM. C'est donc bien à la région qu'était échue la mission de préserver l'identité de la collectivité.

Mais je voudrais rassurer notre collègue Moutoussamy. Dans la présente loi, nous avons voté une disposition qui permet aux conseils généraux de demander aux autorités de la République la possibilité de négocier des accords, dans le domaine de leurs compétences, avec des Etats, territoires ou organismes régionaux. Néanmoins, lorsqu'il faudra représenter le pays, ce sera le rôle du conseil régional. Malgré toute l'amitié que j'ai pour Ernest Moutoussamy, je crois qu'il se trompe ici, et voterai contre son amendement.

M. Daniel Marsin - Notre collègue Darsières est un excellent avocat -nous le savions. Mais en l'espèce, je crois juste la position du Gouvernement, pour la période transitoire. A terme, il y aura bien une assemblée par collectivité, mais pour l'instant deux instances existent, qui ont chacune ses compétences. Demandera-t-on à la région de discuter sur des questions sanitaires dont elle n'a pas la moindre notion ? Cela ne veut pas dire que la Guadeloupe aura deux sièges : elle en aura un, qui sera occupé tantôt par la région, tantôt par le département, de même que le Venezuela est représenté, selon les questions traitées, par son ministre de l'éducation ou son ministre de l'agriculture. Dans quelques années, quand l'assemblée unique sera en place, il en ira autrement. Je voterai donc l'amendement.

M. Pierre Petit - Je vous remercie, Monsieur le secrétaire d'Etat, de ne pas tomber dans ce piège. Médecin moi-même, j'ai représenté la région dans de nombreux organismes internationaux et il a souvent été question de problèmes de santé. Pourquoi dénier au conseil régional toute compétence en matière de santé ? Il y a pour l'instant deux assemblées, profitons-en !

M. Ernest Moutoussamy - Puis-je dire à M. Darsières que la disposition votée en 1982 n'est pas inscrite dans le marbre et qu'un texte aussi fondamental que celui dont nous discutons peut tout à fait la modifier ? Il convient de supprimer tout ce qui pourrait laisser à penser que la région est privilégiée en matière de coopération. Il y a dans la Caraïbe cinq organisations internationales : il serait injuste de privilégier systématiquement la région pour y représenter la Guadeloupe. M. Marsin a raison de dire que nous vivons une période transitoire et qu'il faut en tenir compte.

L'amendement 3, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 17 est rédactionnel.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Henri Plagnol - Je défendrai ensemble mes amendements 23, 22 et 21. Le premier vise à supprimer l'article 38 instituant la bidépartementalisation. Je présume qu'il sera voté dans les mêmes termes par les cinq députés qui en avaient été les principaux promoteurs !

Le second, qui découle du précédent, tend à supprimer l'article 38 bis et l'amendement 21 à consulter la population de la Réunion préalablement à toute évolution institutionnelle. L'UDF de la Réunion se réjouit de voir écartée la menace de la bidépartementalisation, qu'elle avait toujours dénoncée comme un mauvais coup policier. Elle observe en outre avec quelque ironie qu'une fois encore, c'est le Conseil constitutionnel qui se pose en garant de l'unité de la République.

Monsieur le ministre, puisqu'il ne reste à peu près rien du volet institutionnel de votre réforme, renoncez aussi à ce congrès dont les Réunionnais ne veulent pas. Leur seul désir est de rester dans le droit commun de la République. Je vous invite donc à la prudence car avec ce faux pas, la fameuse méthode Jospin est prise en flagrant délit de faute : la funeste perspective de la bidépartementalisation est mort-née.

M. Claude Hoarau - Il n'y a pas lieu de consulter la population de la Réunion sur la création d'un deuxième département car cette réforme administrative n'a rien d'une évolution institutionnelle : ceux qui se targuent de connaître le droit pourraient au moins éviter ce genre d'erreur !

Quant au Conseil constitutionnel, il ne peut se prononcer que sur le point de savoir s'il est régulier d'introduire dans la loi une disposition après la commission mixte paritaire. Il ne peut à l'évidence invalider la création d'un deuxième département ! Or, si le Conseil constitutionnel avait fait tomber l'article 38 bis, comment aurions-nous pu créer dans de bonnes conditions un deuxième département à compter du 1er janvier prochain ?

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - Le raisonnement est très pertinent !

M. Claude Hoarau - Le débat constitutionnel est affaire de juristes. Notre propos est tout autre : nous sommes favorables à la bidépartementalisation de la Réunion...

M. le Président de la commission des lois - Nous aussi !

M. Claude Hoarau - ...et pour éviter tout risque d'invalidation par le Conseil constitutionnel, nous défendons l'amendement 26 qui tend à supprimer les articles 38 et 38 bis pour les remplacer par une proposition de loi qui apportera les compléments et correctifs nécessaires. Elle sera déposée dans les prochaines heures sur le Bureau de notre Assemblée afin que la réforme puisse aboutir dans les meilleurs délais.

M. le Rapporteur - Ne disposant pas au moment où elle les a examinés de l'ensemble de ces informations, la commission a rejeté les amendements de suppression des articles 38 et 38 bis. Pour autant, Monsieur Plagnol, ne prenez pas vos désirs pour des réalités ! Ce n'est pas le principe de la bidépartementalisation qui est ce soir mis en cause mais ses modalités pratiques de mise en _uvre. Les cinq élus réunionnais qui défendent l'amendement 26 agissent par précaution, puisqu'ils entendent déposer dans les prochaines heures sur le Bureau de notre assemblée une proposition de loi visant à rediscuter la question. De même, je n'ai pas le sentiment que le congrès soit contesté sur l'ensemble de nos bancs ! Je ne puis préjuger de la décision du Conseil constitutionnel -s'il avait été saisi- et j'entends m'en remettre à la décision de nos collègues réunionnais. Nous mènerons à bien cette réforme nécessaire selon la méthode qu'ils jugeront la mieux adaptée. Aussi, bien que la commission des lois ait rejeté ces amendements, je vous invite, à titre personnel, à les adopter.

M. le Secrétaire d'Etat - Ainsi que je l'ai exposé lorsque j'ai demandé à votre assemblée de repousser l'exception d'irrecevabilité, le Gouvernement est convaincu du bien-fondé de la réforme administrative de la Réunion et de sa constitutionnalité. Je rappelle que, dès l'origine, le Gouvernement a écouté les élus de la Réunion, notamment les cinq députés réunionnais. Je prends acte de leur position unanime et je leur redis l'engagement du Gouvernement en faveur de la bidépartementalisation, qui sera inscrite à l'ordre du jour du Parlement dans les meilleurs délais, conformément au souhait qu'ils ont exprimé et qu'a exprimé l'Assemblée en première et en deuxième lectures.

En conséquence, j'émets un avis favorable sur les amendements.

M. Henri Plagnol - Ah ! Nous sommes donc d'accord !

M. le Président de la commission - Je prends la parole pour défendre les droits du Parlement, dans tous les cas, et aussi face aux menaces d'un Conseil constitutionnel qui n'est saisi que virtuellement.

Le bons sens conduirait à attendre de l'Assemblée qu'elle confirme, en lecture définitive, la volonté qu'elle a exprimée de manière identique en première puis en deuxième lecture. Il est donc quelque peu surprenant d'apprendre que la majorité, qui souhaite la bidépartementalisaton, préférerait au risque -potentiel seulement, je le répète- de la voir censurée la certitude de ne pas la voter ! L'étonnement est d'autant plus grand que l'objectif est poursuivi de conserve par le Gouvernement, la majorité et une partie de l'opposition.

J'observe en outre qu'à supposer une saisine du Conseil constitutionnel, le Gouvernement, puisque c'est à lui que cette tâche reviendrait -ne pourrait-on, du reste, imaginer qu'elle incombe au Parlement- aurait de sérieux arguments à faire valoir. En premier lieu, juge-t-on de l'importance d'un article à sa longueur ? L'article 38 bis est particulièrement fourni, c'est vrai, mais il n'est que de conséquence. Puisque le législateur décidait d'avancer à 2001 l'entrée en vigueur de la réforme, disposition qui figure dans l'article 38, il se devait de préciser les conditions d'application de la réforme dans l'article 38 bis.

Si le Conseil constitutionnel décidait d'annuler l'article 38 bis, il serait immanquablement conduit, conformément au principe de la compétence négative, à annuler aussi l'article 38. Ce serait une singulière perversité que d'annuler l'article 38 bis au motif qu'il est trop copieux, puis l'article 38 pour la raison qu'il serait inapplicable sans l'article 38 bis !

Le législateur se trouve donc dans la situation invraisemblable de devoir se terrer pour laisser passer un orage possible, alors même qu'il souhaite adopter un dispositif, comme il l'a manifesté par deux fois. Telle n'est pas ma conception du rôle du législateur. Je me rangerai à l'avis du rapporteur et à celui de la majorité de l'Assemblée, mais je tenais à dire qu'elle s'honorerait en appliquant les orientations qu'elle s'est fixées, sans céder aux menaces virtuelles des juges constitutionnels (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Caullet - Par deux fois, le groupe socialiste s'est prononcé en faveur de la bidépartementalisation de la Réunion, suivant ainsi l'avis exprimé par les élus de l'île, et convaincu que cette réforme est nécessaire. Comme le président de la commission des lois, je m'interroge sur le rôle d'un Parlement qui ne légiférerait qu'en tremblant face à la menace, réelle ou supposée, de la censure du Conseil constitutionnel. Il y a là le germe d'un abandon dangereux, et je tiens à souligner l'immense responsabilité politique des élus qui agitent cette menace alors que la représentation nationale s'est clairement exprimée sur le fond. Par cette man_uvre, ils mènent un combat de retardement, car ils savent bien qu'ils ne feront que différer l'applications des dispositions envisagées. N'avons-nous pas entendu, tout à l'heure, M. Plagnol fustiger la méthode du Premier ministre ? Quel aveu ! Ce n'est pas de droit qu'il s'agit, mais de politique ! Or, lorsque le sujet de discussion est d'une telle importance, la priorité doit rester aux élus, qui représentent une population dont le soutien ne s'est jamais démenti.

Pour toutes ces raisons, j'invite le groupe socialiste à s'abstenir, et à laisser les élus de la Réunion s'exprimer, en tenant compte, aussi, de la menace que l'on fait planer sur les choix du législateur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Plagnol - Il me serait facile d'ironiser sur les déboires de la majorité, mais je sais gré au président de la commission de sa hauteur de vue et de son rappel bienvenu des difficultés que suscite le poids croissant du Conseil constitutionnel dans la vie politique de notre pays.

Pour autant, s'il ne s'agissait que de motifs de forme, les élus de la République ne seraient pas conduits à retirer un article en faveur duquel ils se sont tant battus, et l'arbitrage du Premier ministre n'aurait pas été celui-là.

M. le Président de la commission - Je n'ai pas connaissance d'arbitrage du Premier ministre.

M. Henri Plagnol - Disons, si vous préférez, que l'arbitrage est celui de la majorité plurielle, puisque nous nous abstiendrons et que l'amendement passera, et cessons cette comédie ! Le problème n'est pas seulement celui de la portée du droit d'amendement. Il s'agit d'une réforme majeure qui n'est pas conforme à l'esprit général de la loi d'orientation.

Pire, l'article 38 résulte lui-même d'un amendement de nos collègues de la Réunion qui, première erreur, était irrecevable au titre de l'article 40. Il prévoyait initialement une date d'application postérieure aux élections à venir mais par le biais d'un article additionnel qui porte à l'évidence atteinte à la clarté du suffrage et à la sincérité de l'élection, vous avez voulu accélérer la réforme en fixant la date du 1er janvier 2001 ! Aucun département n'accepterait d'être découpé à deux mois d'une élection ! C'est ce qui a conduit le Gouvernement à reculer et les députés de la Réunion à comprendre qu'ils allaient au devant d'une déroute politique.

Procédure, me direz-vous. Mais la procédure est la garantie même de la démocratie.

S'il s'agissait de faire prévaloir une position de fond contre les aléas d'une jurisprudence, il serait à l'honneur du Gouvernement et de la commission des lois d'aller au bout de leurs convictions. Et je n'ai pour ma part jamais contesté à la majorité le droit de décider, en opportunité, d'une réforme -qu'au demeurant, je combats pour des raisons de fond. Mais ce soir, c'est la procédure que nous devons défendre.

Et arrêtons la comédie consistant à faire croire qu'une proposition de loi reprenant les dispositions en cause sera débattue prochainement ! Elle ne le sera en tout cas évidemment pas avant les élections à venir.

De sorte que ce seront les Réunionnais qui trancheront. S'ils votent massivement pour les auteurs de la disposition proposée, il est probable que nous en débattrons à nouveau avant 2002. Sinon, la réforme sera renvoyée aux calendes grecques, vous le savez bien.

Je rejoins en partie ce que vous disiez, Monsieur le président de la commission des lois, à propos des rapports entre le législateur et le juge arbitre, mais pour les faire évoluer dans le sens que vous souhaitez, l'occasion n'était vraiment pas la bonne.

Les amendements 23 et 26, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 38 est ainsi supprimé.

Les amendements 22 et 25, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 38 bis est ainsi supprimé.

M. le Rapporteur - Je précise que l'amendement 21 a été repoussé par la commission.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

L'amendement 21, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous en arrivons aux amendements 27 et 28, précédemment réservés à la demande du Gouvernement.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 27 tire les conséquences de l'adoption de l'amendement 26.

M. le Rapporteur - Pas examiné par la commission mais il va de soi.

L'amendement 27, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 28 obéit au même motif que le précédent.

M. le Rapporteur - Même motif, même avis favorable.

L'amendement 28 est adopté.

M. le Rapporteur - J'avais annoncé tout à l'heure que l'on verrait réapparaître les dispositions sur Saint-Pierre-et-Miquelon. Elles sont à l'amendement 18.

L'amendement 18, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 19 concerne aussi Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'amendement 19, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 20 est de précision.

L'amendement 20, accepté par le Gouvernement, est adopté.

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Michel Tamaya - Nous voici donc au terme d'un processus qui aura duré de nombreux mois et qui aura été exemplaire, aussi bien sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, d'abord. Rappelons qu'une lettre de mission du Premier ministre chargea deux parlementaires des DOM de rédiger un rapport sur l'approfondissement de la décentralisation. Intitulé « La voie de la responsabilité », ce rapport a été le fruit d'une concertation sans précédent, puisque plus de 13 000 personnes, représentant les forces vives, ont été consultées.

Il y a eu ensuite le rapport Fragonard, -là encore, la concertation a été de mise,- et le rapport Mossé, qui n'a laissé personne indifférent.

Enfin, le 10 décembre 1999, Jean-Jacques Queyranne, alors secrétaire d'Etat à l'outre-mer, transmettait aux parlementaires domiens un document d'orientation, qui regroupait les principales propositions du Gouvernement pour la future loi d'orientation sur l'outre-mer. Ce texte constituait la première phase de la large concertation qui a débouché sur le projet d'orientation que nous avons examiné ce soir, en dernière lecture.

Si j'insiste autant sur la concertation qui a prévalu, c'est pour montrer combien est infondé le reproche que font à cette grande loi nos adversaires ; « nous n'avons pas été consultés », disent-ils. Alors même que la concertation à laquelle elle a donné lieu est probablement sans précédent dans les annales de l'outre-mer.

Exemplaire, ce projet l'est aussi sur le fond, avec ses deux volets complémentaires, l'un économique, l'autre institutionnel. Certes, les articles 38 et 38 bis ont été retirés du texte, mais nous les reprendrons dans les meilleurs délais sous forme d'une proposition de loi, dont nous espérons bien que le Gouvernement se saisira vite.

Cette loi d'orientation fera date -après ces dates historiques que furent 1848, 1946 et 1981- parce qu'elle prend réellement en compte la diversité domienne dans tous ses aspects, alors que jusqu'à présent prévalait une vision globale de l'outre-mer.

Mais le caractère volontariste et ambitieux de cette loi se manifeste également dans l'ampleur des mesures économiques qui seront appliquées : plus de 3,5 milliards d'aides de l'Etat par an, sous forme d'exonérations de charges sociales.

Toutes les autres mesures contenues dans ce projet tendent à lutter contre le chômage et l'exclusion et à approfondir la décentralisation. Je suis persuadé que l'ensemble de ces dispositions vont « booster » les économies domiennes et favoriser un développement durable et solidaire. C'est pourquoi le groupe socialiste votera avec confiance cette loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Chaulet - Je vous confirme que le groupe RPR ne votera pas ce projet mais j'aimerais, Monsieur le secrétaire d'Etat, que vous m'expliquiez quelle est aujourd'hui votre position sur le congrès. Pourquoi les départements français des Caraïbes auraient-ils droit à un congrès mais pas nos amis de la Réunion, alors qu'ils sont dans la même situation monodépartementale, comme cela a été confirmé ce soir ? Finalement y ont-ils droit ou non ?

M. Daniel Marsin - Mais oui.

M. Philippe Chaulet - Ah, je suis heureux de vous l'entendre dire.

M. le Président de la commission des lois - Alors, le groupe RPR vote le texte ?

M. Philippe Chaulet - Cela pourrait changer tout car notre opposition au texte vient de ce congrès, dont je ne comprends pas ce soir qu'on ne le donne pas aux Réunionnais...

M. Henri Plagnol - Nos débats, longs et passionnés, ont considérablement amélioré le texte dans la mesure où ils l'ont purgé de ses principaux vices institutionnels. Il demeure certes la coquille vide du congrès, cette assemblée baroque dont je ne comprends toujours pas l'utilité car je ne vois pas ce qui empêche d'ores et déjà les conseillers généraux et régionaux d'un même territoire de se réunir quand bon leur semble. Je ne pense pas par ailleurs que les Réunionnais soient particulièrement demandeurs de ce congrès.

Il y a cependant de bonnes choses dans ce projet, au moins dans son volet économique et social. Je pense en particulier au titre de travail simplifié, au projet initiative-jeunes, à l'incitation au départ en préretraite, aux dispositions sur la formation professionnelle ou sur la coopération régionale et à tout ce qui favorise les investissements européens.

Cela dit, même dans ce domaine, votre projet est bien frileux. Il manque de mesures audacieuses qui permettraient de rendre ces territoires réellement compétitifs, en les faisant passer progressivement d'une logique de développement trop fondée sur l'injection de fonds publics et l'assistance à un dynamisme propre. C'est tout l'enjeu, en particulier, de la rénovation -très insuffisante dans votre projet- du mécanisme de défiscalisation.

En raison de la timidité de ce projet dans le domaine économique et social, en raison surtout, Monsieur le ministre, de l'échec radical de la méthode qui a été la vôtre et celle de votre prédécesseur concernant les évolutions institutionnelles, l'UDF votera contre ce texte.

M. le Président - Je mets aux voix, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du Règlement, l'ensemble du projet de loi tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - Vous venez de dégager sur ce texte une majorité qui va au-delà de la majorité parlementaire, manifestant ainsi la volonté d'ouvrir aux départements d'outre-mer la voie du développement durable et solidaire, celle aussi d'une évolution différenciée et démocratique dans la République. Je vous exprime ma profonde gratitude pour la qualité de vos interventions, pour l'intérêt que vous portez à la cause de l'outre-mer et pour le sérieux de votre travail de législateur.

A vous, parlementaires de l'outre-mer, je voudrais dire que chacun ici pourra témoigner du formidable investissement qui a été le vôtre tout au long de l'élaboration de ce texte. A partir du rapport de Claude Lise et Michel Tamaya, chacun de vous, dans la majorité mais aussi dans l'opposition, a exprimé sa sensibilité particulière. Ce texte est avant tout le vôtre. Par-delà vos divergences, vous avez su donner à ce débat sa qualité, sa dignité et son retentissement. Qui peut en effet contester que ce qui vous rassemble, c'est la passion de votre terre et la volonté de combler les espérances de ceux qui ont placé leur confiance en vous ?

A vous, parlementaires de la métropole, et particulièrement au rapporteur, Jérôme Lambert, infatigable défenseur des textes sur l'outre-mer, et au président Bernard Roman, assidu à nos débats depuis la première lecture, je voudrais également exprimer la gratitude du Gouvernement, la mienne et celle de Jean-Jack Queyranne. Vous avez montré votre profond attachement à l'outre-mer, en même temps que votre souci de réaffirmer une certaine vision de la République.

Mon engagement ce soir tiendra en trois points : application rapide de la loi d'orientation, par une mobilisation des services de l'Etat, outre-mer comme à Paris ; application concertée, laissant la place au dialogue entre nous et à l'évaluation ; enfin, application anticipée, grâce aux moyens considérables que le Gouvernement a pu inscrire dès 2001.

Après votre vote de ce soir, rien ne sera plus comme avant dans les départements d'outre-mer (Applaudissements sur tous les bancs).

M. le Président - Je veux seulement dire l'honneur qui a été le mien de présider une partie de nos travaux et d'apprécier la qualité de nos débats passionnés.

Prochaine séance ce matin jeudi 16 novembre à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 16 NOVEMBRE 2000

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 (n° 2585).

      M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Rapport n° 2624)

    _ Fonction publique et réforme de l'État

      M. Jean Vila, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 30 du rapport n° 2624)

      M. Alain Tourret, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Tome I de l'avis n°2628)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

    _ Logement (nouvelle procédure)

      M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 25 du rapport n° 2624)

    - Logement et urbanisme

      M. Alain Cacheux, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges. (Tome XI de l'avis n° 2629)

    _ Industrie, poste et télécommunications

    - Industrie

      M. Michel Destot, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 13 du rapport n° 2624)

      M. Claude Billard, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges. (Tome VI de l'avis n° 2629)

    - Poste et télécommunications

      M. Edmond Hervé, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 15 du rapport n° 2624)

      M. François Brottes, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges. (Tome VIII de l'avis n° 2629)

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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