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Session ordinaire de 2000-2001 - 34ème jour de séance, 74ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 28 NOVEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

Sommaire

          SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2

          SÉCURITÉ ALIMENTAIRE (Questions orales avec débat) 2

          FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 32

          A N N E X E ORDRE DU JOUR 32

La séance est ouverte à neuf heures.

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SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - J'ai reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel deux lettres m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante sénateurs et plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

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      SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
      (Questions orales avec débat)

L'ordre du jour appelle la discussion de six questions orales avec débat sur la sécurité alimentaire.

M. le Président - Voici quelques indications sur le déroulement de notre séance, puisque nous renouons avec une procédure qui ne vous est peut-être pas familière puisque la dernière séance de questions orales avec débat remonte au printemps 1978.

Conformément aux décisions prises par la Conférence des présidents en application de l'article 134 du Règlement, je donnerai d'abord la parole à l'auteur de chaque question ou à son suppléant pour 10 minutes, puis au Gouvernement pour une première série de réponses. Les orateurs inscrits interviendront ensuite, puis le Gouvernement apportera une seconde série de réponses. J'appelle votre attention sur la nécessité d'être concis et veillerai strictement au respect des temps de parole.

M. Daniel Chevallier - L'histoire retiendra que c'est dans la semaine du 7 novembre 2000 que les Français ont pris conscience de l'étau dans lequel les place une maladie du cheptel bovin révélée au début des années 1990 mais certainement plus ancienne, puisque sa forme primitive, la « tremblante du mouton », a été observée à l'état endémique dès le XVIIIe siècle.

L'histoire retiendra aussi que c'est par une conjonction particulière de circonstances et de conditions que la maladie à prion a envahi le monde animal jusqu'à franchir, sous sa forme d'encéphalopathie spongiforme bovine -ESB- la « barrière d'espèce » par laquelle nous pensions protéger l'homme.

Comme tous les phénomènes globaux, cette prise de conscience est assez redoutable pour menacer gravement tout un secteur économique et notre quotidien lui-même, à travers l'alimentation, le rapport à l'animal, voire le rapport à autrui.

Mais le sens des responsabilités nous interdit de céder à la panique tout comme de verser dans l'autosatisfaction. Le défi auquel est confrontée la France, grande puissance agricole et agro-alimentaire, est celui des décisions à prendre, qui doivent pouvoir servir de référence à nos partenaires européens. Cette question concerne autant les ministres de la santé et de la consommation que le ministre de l'agriculture. En vérité, elle concerne le Gouvernement tout entier, tant il importe de protéger nos concitoyens contre la démagogie que certains sont prêts à pratiquer. Ces défis, comment les relever ?

La crise de l'ESB est d'abord un défi de santé publique. Nos concitoyens veulent connaître les risques encourus en fonction des personnes et de leurs comportements. Nous devons leur livrer clairement l'état actuel des connaissances, dans un esprit de transparence et de pédagogie.

Elle est ensuite un défi de consommation. La chaîne de confiance qui va du producteur à chacun d'entre nous a été ébranlée ; elle devra être restaurée, et tous les acteurs de la filière alimentaire devront se mobiliser en ce sens.

Enfin et surtout, cette crise constitue un défi agricole. Notre agriculture s'est édifiée sur un modèle « producteur » qui a permis de faire face aux besoins à la Libération, puis d'assurer une certaine abondance, jusqu'à permettre d'exporter. Mais ce système pèche par son caractère intensif et productiviste. Nous en payons sans doute en partie le prix aujourd'hui.

Les trois dimensions de cette crise doivent guider notre examen de conscience.

Le Gouvernement a annoncé des mesures sur les farines animales, les contrôles de la filière de production-transformation et les conditions de la commercialisation. Cela va dans le bon sens mais il faudra un certain délai pour rétablir la confiance.

Si les plus grands risques sont vraisemblablement derrière nous, c'est maintenant que leurs conséquences vont se manifester.

De plus, dans les deux, quatre ou cinq ans à venir, il va nous falloir voisiner d'une part avec le foyer historique de cette contamination, la Grande-Bretagne, d'autre part avec des pays qui découvrent ou vont découvrir le fléau. Les derniers événements le confirment : un dépistage systématique, que nous avons été les premiers à mettre en place, devrait malheureusement démontrer que la dimension de ce dossier est bien européenne. Mais notre pays se devait de réagir, compte tenu de sa responsabilité morale.

Aussi bien la politique agricole menée depuis 1997, notamment à travers la loi d'orientation de 1999, tourne-t-elle le dos à nos vieilles velléités. Si nous le voulons, le contrat territorial d'exploitation peut être l'instrument de l'agriculture productive mais équilibrée et raisonnée à laquelle cette crise nous appelle. De plus, à la lumière des investigations effectuées, celles de deux commissions d'enquête parlementaire en 1996 et 1999, celles, permanentes, du ministère de l'agriculture et, depuis 1998, de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, le système apparaît sinon sans failles, du moins à la hauteur des enjeux de cette crise.

A nos concitoyens inquiets, notre message est donc un message de confiance, mais aussi de vigilance. Assurément, dans les cinq ans à venir des précautions devront être prises.

Je souhaite donc vous demander, en matière de santé publique tout d'abord, quelle évaluation vous faites des enjeux de cette crise, quelle mobilisation de moyens implique, selon vous, la contagion à l'homme de cette épizootie, et quelle estimation objective du risque on peut faire en fonction des personnes et des situations.

En ce qui concerne les farines animales, quelles sont les données en votre possession sur l'introduction, l'importation et l'utilisation éventuelles en France de farines animales d'origine britannique après leur interdiction par les pouvoirs publics ? Quelle évaluation peut-on faire du risque qui naît des échanges économiques ? Car il ne suffit pas d'interdire et de réglementer chez nous, si l'importation de produits douteux continue. Par ailleurs, l'interdiction des farines animales nous amènera sans doute aux questions soulevées par leur remplacement par d'autres apports protéiques, notamment végétaux, et l'inquiétude est grande de voir les OGM faire une entrée dans l'agro-alimentaire sous la contrainte, ce qui serait une erreur. Pouvez-vous également nous préciser les dispositions envisagées pour gérer les stocks et contrôler leur destination ?

En ce qui concerne la protection des consommateurs, la combinaison des tests de contrôles avec l'élimination des matériaux à risques devrait démontrer que le principe de précaution n'est ni un concept abstrait ni un élément de blocage lorsqu'il est étayé par la rigueur scientifique. Nous devons veiller à ce que les mailles du filet soient aussi resserrées que possible.

Dans la filière de l'élevage et de l'abattage, le désarroi est grand. Il faut dégager les aides nécessaires pour permettre aux professionnels concernés de faire face à court et moyen terme. Sur le plan européen, la présidence française doit être mise à profit pour améliorer la réglementation et l'organisation communautaires en matière de sécurité alimentaire.

Merci d'éclairer nos concitoyens sur les intentions du Gouvernement dans tous ces domaines (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Thierry Mariani - Je poserai mes questions au nom des trois groupes de l'opposition.

La sécurité alimentaire figure parmi les principales préoccupations de nos concitoyens. Depuis vingt ans, nos habitudes alimentaires ont profondément évolué. Nous consommons des produits de plus en plus élaborés, déjà cuisinés, souvent surgelés. Dans le même temps, la désertification rurale a coupé une partie de la société française de ses racines. Nous sommes passés à une production de masse qui rend possible aujourd'hui une contamination de masse.

Les dernières crises alimentaires -veau aux hormones, poulet à la dioxine, fromage à la listeria, rillettes à la salmonelle et surtout maladie de la vache folle-, ont fait grandir chez nos concitoyens une inquiétude sur la qualité des aliments qu'ils consomment. Cette crise de confiance, appelle une application ferme et responsable du principe de précaution.

Respecter ce principe, c'est prendre conscience qu'en matière scientifique, il faut mettre en balance les connaissances acquises et le doute, le connu et l'inconnu, les menaces et les bienfaits. C'est aussi donner toute sa place à l'expertise scientifique pour appuyer les décisions politiques.

C'est ce que nous avons toujours fait quand nous étions aux affaires. Nos décisions lors de la première crise de la vache folle en attestent. Dès 1994, le gouvernement d'Edouard Balladur a débloqué les crédits indispensables au développement de la recherche scientifique sur le prion, sous l'impulsion de François Fillon. Par un arrêté du 1er août 1995, modifié en septembre, le Gouvernement d'Alain Juppé a interdit l'introduction en France de viande bovine fraîche provenant du Royaume Uni. Le 20 mars 1996, la Grande Bretagne annonce avoir établi un lien entre l'encéphalopathie spongiforme bovine et une nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Dès le lendemain, un nouvel embargo est décrété sur les importations de bovins et de produits bovins britanniques. Une semaine plus tard, à l'initiative de la France, cet embargo est étendu au niveau communautaire et la réglementation sur l'interdiction d'importer des farines animales et de les utiliser pour l'alimentation des bovins est renforcée.

Dans le même temps, le gouvernement d'Alain Juppé a pris une série de mesures limitant considérablement la commercialisation des abats bovins. Ainsi, le 10 avril 1996, un décret dispose que les aliments pour bébé et les compléments alimentaires destinés à la consommation humaine ne doivent pas contenir certains tissus ou liquides corporels d'origine bovine, tels que le cerveau, la rate, les amygdales, le thymus. Deux jours plus tard, un arrêté retire de la chaîne alimentaire l'encéphale, la moelle épinière, le thymus, les amygdales, la rate et les intestins des bovins nés avant le 31 juillet 1991. Puis, un arrêté du 13 juin 1996 ajoute à cette liste les yeux de l'animal et précise que les bovins d'importation introduits en France avant la date du 31 juillet 1991 sont eux aussi concernés par la mesure retenue le 12 avril.

D'autres arrêtés, en date du 28 juin 1996, du 10 septembre et du 17 septembre 1996, ont renforcé le dispositif de sécurité sanitaire.

On le voit, nous avons pris les mesures qui s'imposaient, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques de l'époque, et nous les avons prises avec rapidité, fermeté et détermination.

Sans vouloir polémiquer, on ne peut pas en dire autant de l'actuel gouvernement et de sa majorité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Vous ne changez pas !

M. Thierry Mariani - Ses atermoiements, les déclarations contradictoires des uns et des autres au sein de la majorité, le contraste entre les paroles rassurantes prononcées dans l'hémicycle e les décisions prises par certains députés-maires concernant les cantines ont en effet contribué à la psychose actuelle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Nous avons certes salué la création de l'AFSSA -idée qui avait été lancée en 1997 par le précédent gouvernement et que l'actuel a reprise en 1998- mais nous regrettons qu'elle ne dispose pas de pouvoirs suffisamment étendus. Il faut renforcer ses compétences en suivant trois principes : séparer l'expertise de la décision ; réaffirmer qu'en situation de crise, il appartient aux politiques de prendre les mesures de précaution qui s'imposent, comme cela a été fait en 1996 avec l'embargo sur la viande bovine ; faire des institutions chargées d'assurer la veille sanitaire des pôles de référence reconnus, à l'instar de l'agence américaine Food and Drugs. Par ailleurs, la question des pouvoirs propres du directeur de l'AFSSA mérite d'être posée.

Cela étant, la France est placée dans un marché mondialisé et dans un espace européen de libre circulation des personnes, des capitaux et des produits. Il serait donc vain de croire qu'elle peut seule, dans son coin, résoudre les problèmes de sécurité alimentaire. Nous devons en conséquence progresser dans l'harmonisation de nos règles. A ce titre, la création d'une autorité alimentaire européenne paraît constituer une première étape indispensable.

La traçabilité des produits doit elle aussi être renforcée, car elle permet d'une part de réagir efficacement en matière de contamination, d'autre part de rechercher les responsabilités en cas d'accident. Il convient donc de se doter de règles imposant un étiquetage clair et lisible des aliments et d'engager une réflexion entre pouvoirs publics et professionnels sur les labels de qualité.

Mais il ne faut pas être dupes : en matière de sécurité des aliments, le « zéro défaut » ne peut être atteint. Il y aura toujours des abus, toujours des accidents, toujours des fraudes. D'ailleurs les peines actuellement prévues pour les fraudeurs sont insuffisantes. Il faut aller au-delà car il est particulièrement choquant que certains, pour des raisons économiques, se permettent de jouer avec la santé de nos concitoyens.

La sécurité alimentaire fait partie des compétences régaliennes de l'Etat, au même titre que la sécurité des biens et des personnes, l'éducation ou la défense. Nous avons donc le devoir d'offrir à nos concitoyens le maximum de respect et de vigilance en la matière.

Vous avez décidé, Monsieur le ministre, d'étendre les tests de dépistage à l'entrée des abattoirs. Nous en prenons acte avec satisfaction. Cependant, l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques estime que cette mesure pourrait concerner un million et demi de bêtes, pour un coût unitaire d'environ 1 500 F. Pouvez-vous nous confirmer ces chiffres et nous faire connaître les moyens que vous allez affecter à la généralisation de ces tests et dire selon quel calendrier ?

M. Félix Leyzour - La filière bovine traverse une crise sans précédent. Depuis plus d'un mois, les consommateurs se méfient de la viande de b_uf et la boudent, ce qui fait que les abattages de bovins ont chuté de moitié. Des animaux prêts à la vente ne trouvent plus preneur et les éleveurs sont obligés de les garder sur l'exploitation, ce qui augmente le coût de l'alimentation des troupeaux. Les bêtes qui sont malgré tout vendues le sont à un prix de 20 à 30 % inférieur à l'habituel, si ce n'est 50 %. La situation est donc très difficile pour les éleveurs.

La baisse d'activité des abattoirs menace aussi l'avenir professionnel de quelque 8 000 salariés, dont beaucoup connaissent déjà le chômage partiel.

Paradoxalement, la grande peur de la vache folle est partie d'une situation montrant que le système de détection et de traçabilité fonctionnait bien. Il faut dire aussi que certains n'ont pas hésité à actionner fortement l'alarme pour mieux prouver leur vertu. Et il est regrettable que, du plus haut sommet de l'Etat, on ait cru devoir capter l'émotion populaire pour s'assurer un bon positionnement politique. Cela n'a fait qu'amplifier la psychose.

M. Alain Barrau - Très bien !

M. Félix Leyzour - On ne sait pas encore tout sur l'ESB ni sur le prion. Il est toutefois établi que le prion s'est transmis aux bovins quand les fabricants britanniques d'aliments pour bétail ont réduit, pour accroître leur profit, les exigences de traitement des farines de viande destinées aux animaux.

Le libéralisme à la Thatcher a donc de lourdes responsabilités. L'épidémie a commencé dans les années 80 en Grande-Bretagne. Le premier cas d'ESB a été signalé en France en 1991. Notre pays n'est pas resté inerte face à cette maladie. Depuis 1990, les farines animales sont interdites dans l'alimentation des bovins ; depuis 1996, celles destinées aux porcs, volailles et poissons ne doivent pas contenir de matériaux dits à risque ; enfin, depuis 1998, les farines subissent un traitement thermique inactivant.

L'apparition de cas d'ESB chez des ruminants nés après l'interdiction des farines animales a soulevé l'hypothèse de contaminations croisées ou accidentelles, voire de fraudes. La réalisation de tests mieux ciblés et la détection de nouveaux cas qui s'est ensuivie ont persuadé l'opinion que la maladie prenait de l'ampleur. Le pays qui cherchait le plus, et donc trouvait le plus, a été mis au rang de coupable en Europe ! Cependant, la situation se modifie de jour en jour et la lutte contre la maladie, ainsi que la défense des éleveurs, tendent de plus en plus à s'organiser à l'échelle de l'Europe. Le Gouvernement, pour sa part, a arrêté un plan qui comporte quatre volets : la suppression des farines animales, l'élargissement du dépistage, le renforcement du dispositif de sécurité sanitaire et le soutien aux filières bovine et avicole. Ces quatre volets sont également importants, mais je m'attacherai surtout, ici, au premier et au dernier.

Il y a huit mois, notre commission d'enquête a, pour éviter le risque de contaminations croisées, préconisé la séparation physique des sites de fabrication des farines à partir de produits sains, dont elle demandait l'inscription sur une liste « positive », d'avec les sites de fabrication à partir de produits à risques ou de produits d'équarrissage. De son côté, le Gouvernement a décidé de suspendre l'utilisation des farines, de sorte qu'il faut maintenant stocker et détruire 870 000 tonnes de farines et de graisses. Comment s'élabore le plan de stockage dans les départements ? Quelles précautions sanitaires et environnementales faut-il prendre ? D'autre part, quelles sont les capacités actuelles d'incinération ? De combien peut-on les accroître ?

Le montant des aides à la filière s'élève à un peu plus de 3 milliards. La question le plus souvent posée est celle des aides directes : certaines organisations syndicales souhaitent qu'elles soient plafonnées afin de soutenir ceux qui en ont le plus besoin, d'autres se prononcent pour la généralisation. Quel dispositif envisagez-vous pour compléter votre premier plan d'urgence ?

A situation exceptionnelle, procédures exceptionnelles. Il me semble indispensable de recourir à des achats publics afin de réduire l'offre et de réguler les mises sur le marché pour soutenir les cours. Le changement constaté en Europe dans la perception des problèmes ne rend-il pas désormais possible ce qui ne l'était pas jusqu'ici ? Enfin, que pensez-vous de l'idée de créer un fonds spécial en faveur des salariés de la filière agro-alimentaire ?

Voilà autant de questions sur lesquelles les réponses du Gouvernement sont très attendues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Jacques Rebillard, suppléant de M. Bernard Charles - Cette séance de questions vient à propos, car les éleveurs français sont aujourd'hui aussi perdus et fiévreux qu'un ouvrier qui viendrait de recevoir sa lettre de licenciement. Il faut donc faire tomber la fièvre, en attendant de pouvoir soigner la maladie.

Les Radicaux de gauche tiennent à se démarquer du spectaculaire et de la psychose : le « syndrome de la côte de b_uf » nous éloigne de l'essentiel. Il est concevable que les consommateurs s'inquiètent mais comment oublier le sentiment de profonde injustice éprouvé par les éleveurs ? Ils ont produit en masse et à bon marché comme l'attendait la société et ne peuvent donc comprendre l'acharnement médiatique dont ils sont victimes, chaque fois qu'un nouveau cas de vache folle est révélé -alors même que chaque nouveau décès dû au tabac ou à l'alcool ne fait plus une ligne dans les journaux, en dehors des chroniques nécrologiques !

M. Thierry Mariani - Très bien !

M. Jacques Rebillard - Cette séance devrait nous être l'occasion de rétablir l'honneur du métier de paysan, tout en précisant les précautions à prendre pour fournir aux consommateurs une alimentation sûre -mais en rappelant aussi que cette sécurité aura forcément un prix !

Ne nous arrêtons pas au débat, d'ailleurs proche d'être clos, sur les farines animales. Il faut toutefois rappeler l'évidence : on ne transforme pas impunément des herbivores en carnivores et la décision de supprimer ces farines est donc sage. Reste à savoir comment procéder à cette élimination : la solution la plus couramment évoquée est celle de l'incinération, mais ne peut-on envisager, pour les farines saines, un recyclage biologique -production de bio-gaz, compostage et enfouissement dans les terres agricoles- ? Des recherches ont-elles été menées sur le sujet ?

D'autre part, nous ne pouvons continuer à jouer les apprentis sorciers et nous abstenir, en particulier, de nous interroger sur la légitimité des recherches relatives à l'utilisation des OGM dans la production agricole. Nous aurions pu envisager cette utilisation pour les productions végétales à finalités industrielles et médicales, mais pourquoi avoir laissé privilégier le secteur alimentaire ? Il nous faut désormais choisir entre une agriculture qui recourt aux procédures génétiques et une agriculture qui les refuse !

D'autre part, comment prendre en compte les demandes de nos concitoyens ? Nous ne pouvons laisser se prolonger la suspicion. Les Radicaux de gauche suggèrent donc de créer un observatoire de la demande et des attentes des consommateurs.

Nous réclamons également qu'on observe une éthique alimentaire, c'est-à-dire qu'on respecte les cultures et les animaux pour préserver le consommateur de toutes incertitudes. Les intérêts économiques de l'agriculture intensive ne peuvent prendre pas sur la santé. Accepteriez-vous qu'une charte soit élaborée sur le sujet ?

S'il est aujourd'hui nécessaire de produire des céréales, du soja et du maïs pour nourrir le bétail, il faut le faire dans le respect de notre environnement et dans le cadre d'une agriculture raisonnée, tournée vers des productions de qualité. De ce point de vue, on ne peut que regretter que la profession ne recoure pas davantage aux contrats territoriaux d'exploitation.

La France ne peut jouer sa partition seule. Au moment où elle assume la présidence de l'Union, quelle place accorde-t-elle donc aux travaux et réflexions menés dans le cadre communautaire ? Les questions des tests de l'ESB, des OGM et de la sécurité alimentaire se posent sans considération de frontières : peut-on espérer une harmonisation européenne sur tous ces points ?

Enfin, les Radicaux de gauche militent pour que nous tirions les enseignements du passé : nos erreurs doivent nous pousser à la sagesse et à la modestie en ce qui concerne les recherches agro-alimentaires. Nous devons réfléchir à un développement durable et solidaire de l'agriculture, respectueux des intérêts des consommateurs, comme de ceux qui en vivent. Il ne s'agit certes pas de revenir au passé mais bien d'utiliser les connaissances actuelles. Pour cela, nous comptons sur vous, Mesdames et Messieurs les ministres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Nicole Ameline - Les défis du monde moderne tiennent en quatre mots : santé, sécurité, qualité et environnement. Les relever suppose évidemment de tirer les enseignements de la crise sans précédent dans laquelle nous nous trouvons, mais, surtout, de nous tenir à un modèle de société fondé sur le droit et sur le respect de l'homme et de son environnement. Dans cette entreprise, l'Europe a un rôle moteur à jouer. Or, jusqu'ici, elle ne s'est engagée que très peu sur cette voie et, en 1995-1996, M. Mattei a pu avec raison dénoncer l'indigence de son action.

De l'Union, nous attendons moins des règlements et des mesures qu'une inspiration : elle doit inciter à élaborer un modèle européen assurant la plus grande sécurité possible aux consommateurs.

Nous avons besoin d'une vraie politique européenne. Or les décisions prises à Bruxelles il y a quelques jours sont très en deçà de ce qui serait nécessaire. Pourtant, la Commission a d'ores et déjà identifié près de quatre-vingt actions destinées à rendre plus cohérent le corpus législatif de la chaîne alimentaire. Un effort de simplification et d'harmonisation est par ailleurs engagé à travers la refonte des règlements relatifs à l'hygiène. L'objectif est donc de définir un nouveau cadre juridique qui concernera l'ensemble des opérateurs.

Au c_ur du dispositif se trouve l'autorité alimentaire indépendante qui, outre son rôle consultatif, aura pour missions la gestion des systèmes d'alerte rapide et le dialogue avec les consommateurs. Elle regroupera près de 250 personnes dans un délai de trois ans, avec un budget de 40 millions d'euros.

Néanmoins, il faut se demander quels seront les pouvoirs réels de cette agence, notamment en comparaison de ceux de la Food and drug administration. Son efficacité sera subordonnée au soutien du Parlement européen et du Conseil, ainsi qu'à l'engagement des Etats membres dans la mise en _uvre des mesures.

Même si la chaîne alimentaire européenne est l'une des plus sûres du monde, les consommateurs ont le sentiment que la qualité des produits alimentaires se dégrade. Personne n'a oublié les poulets à la dioxine, la listériose ou les veaux aux hormones. Cette crise de confiance appelle une réponse adaptée. Or la lisibilité du dispositif mis en place laisse à désirer. S'il est clair que l'identification et l'évaluation des risques relèvera de la compétence de la nouvelle autorité, qu'en sera-t-il du déclenchement des procédures et des éventuelles sanctions ? Les institutions politiques en conserveront-elles la responsabilité ?

Par ailleurs, l'efficacité de l'agence européenne passe par la coordination de son action avec celle qui est menée par les agences nationales.

Enfin, pour éviter le risque d'uniformisation, il faudrait circonscrire l'intervention de cette autorité aux problèmes de sécurité. On se souvient en effet des excès de zèle européen dans le champ de la qualité, notamment dans l'affaire des fromages au lait cru. La nouvelle autorité devrait bien au contraire encourager l'agriculture des terroirs, qui correspond aux attentes des consommateurs d'aujourd'hui.

L'information des consommateurs doit faire l'objet d'une vigilance particulière : la recherche de la transparence maximale, notamment à travers l'étiquetage, n'exclut pas la maîtrise de l'information. On arrive en effet aujourd'hui au paradoxe que la transparence totale sur la viande de b_uf, qui la rend particulièrement sûre, aboutit à son rejet. La définition de protocoles de communication, proportionnant l'information au risque encouru, me paraît donc essentielle.

Bref, Monsieur le ministre, j'aimerais que vous précisiez les attentes de la France quant aux missions de la future autorité européenne. Par ailleurs, ne pensez-vous pas que la sécurité alimentaire passe également par une évolution de l'agriculture européenne ? La logique du hors-sol a démontré ses limites ; il faut mener une réflexion sur la prime à l'herbe, sur la réorientation des cultures vers les protéines végétales ainsi que sur les OGM.

En conclusion, nous sommes évidemment favorables à ce nouveau cadre juridique européen, mais à condition qu'il s'établisse en liaison directe avec les Etats et que l'objectif d'efficacité conduise à l'harmonisation et non à l'uniformisation. C'est comme cela que l'Europe offrira un modèle nouveau, conforme à ses valeurs et susceptible de servir d'exemple aux pays du Sud (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. François Sauvadet - Nous voulions ce débat sur la sécurité alimentaire. Nous l'abordons dans un esprit de responsabilité, étant pleinement conscients de la crise qui frappe toute la filière bovine, crise sans commune mesure avec celle que nous avons connue en 1996. En quelques semaines, le marché de la viande bovine s'est effondré de plus de 60 %, et notre pays se voit imposer un embargo draconien sur ses viandes et animaux destinés à l'exportation.

Sans minimiser la gravité des enjeux, on peut dire que cette situation, qui est ressentie comme une injustice pour toute la filière, n'est pas en rapport avec les risques réels. Depuis des années, nos éleveurs ont fait des efforts considérables pour garantir la sécurité sanitaire de leurs produits. Il nous faut aujourd'hui tout faire pour éviter que s'instaure durablement un climat de psychose. C'est par un retour à la confiance que se résoudra une partie de la crise.

Dans l'immédiat, il nous faut trouver les moyens les plus efficaces pour répondre à la détresse des éleveurs et de l'ensemble des acteurs de la filière bovine. Le Gouvernement a dans cette affaire un rôle majeur, comme vous l'avez rappelé vous-même, Monsieur le ministre de l'agriculture, d'une manière malheureusement un peu polémique, dans le débat sur votre budget. La polémique doit céder la place à la responsabilité, c'est ainsi que nous concevons notre propre rôle.

C'est d'abord au niveau européen que s'exprime ce rôle majeur du Gouvernement. En effet, Monsieur le ministre, vous présidez le Conseil des ministres européens de l'agriculture et la crise de l'ESB est européenne, comme le montre l'actualité récente. Comment ne pas s'étonner de vous avoir vu revenir de Bruxelles en affichant un sentiment de satisfaction ? En réalité, ce conseil des ministres a été un rendez-vous manqué ; vous n'avez obtenu qu'un accord minimal. Nos partenaires ne vous ont pas suivi dans la voie d'une interdiction totale des farines animales, et il n'y a pas eu d'avancées significatives sur la mise en place d'un « plan protéines végétales » et sur le lancement d'un véritable plan de recherche consacré à l'ESB, sans parler de la fameuse agence européenne de sécurité alimentaire, dont nous ne savons toujours pas quand elle se mettra en place.

En bref, nous avons eu le sentiment que la France était isolée. Il est pourtant plus qu'urgent d'harmoniser la réglementation des pays membres de l'Union pour éviter des distorsions de concurrence inadmissibles. Déjà, les industriels français de l'alimentation pour chiens et chats affrontent la concurrence déloyale de ceux qui, à l'étranger, utilisent encore des farines carnées non sécurisées.

Comment accepter que les pays qui n'ont pas réalisé les mêmes efforts de transparence que les nôtres puissent à la fois fermer leurs frontières à nos exportations de viande bovine et continuer de produire selon des normes moins sûres que les nôtres ? Surtout, comment accepter qu'ils puissent continuer d'exporter des bovins vers la France, alors que ne sont établis ni la traçabilité, ni le contrôle de l'utilisation des farines ?

Le Premier ministre a rappelé que l'interdiction de l'utilisation des farines dans l'alimentation des ruminants décidée par l'Union européenne en 1994, soit quatre ans après la France devait être effectivement respectée. Ce qui vaut pour la France doit valoir pour les autres pays, fussent-ils nos partenaires au sein de l'Union européenne, car 21 % de la viande consommée dans notre pays provient d'importations, dont 98,7 % de l'Union. Faute d'obtenir la généralisation des mesures prises en France, et faute d'un contrôle réel sur les viandes importées, il faudra sans nul doute s'acheminer vers la suspension des importations d'animaux en provenance des pays qui n'appliquent pas les mêmes règles de précaution que nous. Il serait inacceptable, tant pour les éleveurs que pour les consommateurs, que des mesures en ce sens ne soient pas prises rapidement.

Chacun sera comptable des risques que pourraient faire courir des importations de bovins en provenance de pays qui prétendent leur cheptel indemne d'ESB.

Nous attendons donc du Gouvernement une extrême fermeté à l'égard de ceux de nos partenaires qui pratiquent la politique de l'autruche.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour que ne soient importés en France ni bovins ni carcasses en provenance de pays qui ne se seraient pas imposé des règles élémentaires de sécurité ?

M. Germain Gengenwin - Très bonne question !

M. François Sauvadet - Je regrette d'autre part que l'installation de l'Agence de sécurité alimentaire européenne n'ait pas été décidée. Elle pourrait pourtant rassembler un comité scientifique qui éclairerait de ses avis le Conseil des ministres européens et la Commission, ce qui permettrait d'avancer sur la voie de l'harmonisation de nos politiques de sécurité.

Comment oublier, en effet, la cacophonie qui a régné au sein de l'Union lorsque la question de la levée de l'embargo sur les exportations de viande bovine anglaise s'est posée il y a un an ? Vous vous étiez d'ailleurs abstenu, à l'époque, Monsieur le ministre.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je vous expliquerai pourquoi.

M. François Sauvadet - Dans tous les cas, des situations de ce type ne doivent pas se reproduire.

J'en viens au contenu du plan -sans précédent, disiez-vous- que vous avez annoncé la semaine dernière pour venir en aide à la filière bovine.

Sur la méthode, tout d'abord, il apparaît que la concertation semble avoir fait défaut. D'autre part, il n'est pas convenable, en période de crise, de prendre l'opinion à témoin pour répondre aux critiques légitimes des professionnels. Alors qu'un pan entier de notre économie est touché et que les salariés de la filière et leurs familles vivent une situation dramatique, il ne sied pas d'opposer les Français entre eux.

Sur le fond, les responsables professionnels ont le sentiment d'être abandonnés et ils ont ressenti votre plan comme un affichage, puisqu'il annonce le déblocage de crédits déjà prévus par ailleurs, en tout cas sans aucune commune mesure avec l'ampleur de la crise. Ce que la filière attend de vous et ce que nous attendons du Gouvernement, c'est qu'il prenne des mesures efficaces pour aider à passer ce cap. Cela signifie en premier lieu ne pas relâcher l'effort de recherche, de contrôle et d'utilisation des meilleurs tests applicables aux animaux abattus. Sur ce point, nous nous retrouverons tous.

Mais il faut, aussi, faire davantage qu'autoriser des reports de crédits et de cotisations sociales. Etant donné l'urgence, les éleveurs ont besoin d'un soutien direct au dégagement de marché, par un stockage public. Il faut donc recenser les animaux non commercialisés, afin d'engager un débat sérieux avec les professionnels et la représentation nationale pour prévoir, par élevage, par abattoir et par industriel, les moyens à débloquer.

La question reste aussi posée de la création d'un fonds, permettant aux entreprises frappées par des mesures sanitaires d'engager la reconversion partielle ou la mise aux normes de leur outil de production. Nous vous l'avons demandé dès la première crise, qui avait frappé le secteur fromager au lait cru.

Prévoir l'avenir, c'est aussi engager un vaste plan « protéines végétales », dont les grandes lignes ont déjà été évoquées.

Il convient enfin de poursuivre sans relâche l'effort de communication engagé pour expliquer clairement aux consommateurs que les mesures prises font qu'il n'y a pas de risque, aujourd'hui, à manger de la viande française (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - La sécurité sanitaire est une priorité de l'action du Gouvernement. L'encéphalopathie spongiforme bovine constitue évidemment un enjeu de santé publique. La question que vous nous posez est de savoir si le Gouvernement prend suffisamment la mesure de ce risque. Qu'en est-il ?

Avec la loi du 1er juillet 1998, la France dispose d'un système cohérent, constitué d'outils puissants, les agences, qui permet à la sécurité sanitaire de s'imposer comme un vecteur majeur de santé publique. Cette loi, votée à l'unanimité des deux assemblées, fait de la France le premier pays d'Europe à s'être doté d'un dispositif complet particulièrement fiable, fondé sur quatre notions : l'évaluation, la précaution, l'indépendance et la transparence. Avec l'AFSSA pour la sécurité alimentaire, l'AFSSAPS pour celle des produits de santé, l'Institut de veille sanitaire pour la surveillance de l'état de santé de la population, et bientôt l'Agence santé-environnement, tous les secteurs d'activité seront couverts.

Il n'en demeure pas moins que la gestion de risques nouveaux comme celui de l'ESB demeure particulièrement délicate en raison de la persistance d'incertitudes scientifiques.

Cette épizootie s'est développée en Grande-Bretagne. Elle est liée à la présence d'un prion qui s'est transmis aux bovins par l'alimentation, au moment où les fabricants d'aliments du bétail au Royaume-Uni ont abaissé les exigences du traitement des farines de viande destinées aux animaux, à la fin des années 1970.

Les scientifiques estiment que cette maladie s'est transmise à l'homme par l'ingestion d'organes de bovins infectés. La barrière de l'espèce a donc été franchie, contre toute certitude. Cette maladie humaine, dite « nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob » est lente à apparaître ; la période d'incubation varie, selon les estimations dont nous disposons aujourd'hui, de 10 à 30 ans, voire plus. Cette période d'incubation explique que les maladies humaines observées aujourd'hui sont dues à des contaminations alimentaires anciennes, survenues alors que les connaissances disponibles ne permettaient pas de penser que la maladie pouvait franchir la barrière des espèces, si bien qu'aucune mesure de prévention n'avait été envisagée.

Si le risque pour la santé humaine lié à l'ESB est certain, les connaissances dont nous disposons actuellement ne permettent pas encore de mesurer avec précision son impact en terme de santé publique. Le risque est précisé au rythme de la progression des connaissances. C'est pourquoi le Gouvernement s'appuie, pour ses décisions, sur l'évaluation scientifique permanente.

Les mesures que nous prenons doivent être soigneusement pesées, et elles ont toujours été prises en fonction du scénario le plus pessimiste, mais en tenant compte de leur incidence.

A titre d'exemple, j'évoquerai la décision sur l'opportunité pour la France de soustraire au don de sang les donneurs ayant séjourné en Grande-Bretagne, comme l'avaient fait le Canada et les Etats-Unis. A l'issue d'un long travail d'expertise, rendu public au Comité national de sécurité sanitaire du 23 février 2000, la décision a été prise de ne pas exclure ces personnes du don du sang, de poursuivre le renforcement de la sécurité des produits sanguins, d'entretenir la veille scientifique afin de tenir compte de tout élément scientifique nouveau pouvant contribuer à réévaluer cette décision. C'est d'ailleurs ainsi que la publication d'un travail disant possible la transmission du prion par le sang de mouton à mouton nous a amenés à réévaluer cette question.

Seule une bonne appréciation du risque peut permettre de prendre de bonnes décisions de santé publique.

Combien de personnes ont été exposées ? Combien développeront la maladie ? Existe-t-il un risque résiduel à consommer des produits d'origine bovine ? Peut-on enfin rassurer tout à fait nos concitoyens sur la sécurité des aliments qu'ils consomment ? Telles sont les questions auxquelles nous devons répondre.

La qualité des solutions envisagées dépend de l'avancée des connaissances scientifiques. A ce titre, le programme national de recherche sur les maladies à prion, lancé dès 1996, a représenté un engagement de plus de 140 millions et a mobilisé une soixantaine d'équipes de recherche. Grâce à lui, la recherche française a produit l'un des deux tests de diagnostic les plus fiables. Convaincu du rôle essentiel de la recherche, le Gouvernement a décidé de tripler l'effort en portant l'engagement de l'Etat à 210 millions par an. De nombreux chercheurs seront ainsi recrutés pour proposer de nouveaux traitements de la maladie. Des moyens seront également accordés pour étudier les effets de la maladie sur les bovins et les ovins.

Parallèlement, le Gouvernement prend les mesures nécessaires à la prévention et à la lutte contre la maladie de la vache folle.

La réglementation française en matière de sécurité sanitaire est une des plus rigoureuses d'Europe. Elle s'organise autour de trois axes que ne manquera pas de rappeler M. Glavany. Mais, au-delà de la sécurité alimentaire, la présence de cas humains et la forte probabilité que d'autres surviennent nécessitent d'agir pour limiter le risque de transmission d'homme à homme.

Pour ce qui concerne le risque de transmission par les activités de soins, les règles d'utilisation du matériel médical sont actuellement renforcées, sur la base d'une évaluation scientifique du Comité interministériel sur les encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles. Les moyens de contrôle seront également renforcés par le recrutement de cent vingt-cinq médecins et pharmaciens inspecteurs.

L'AFSSAPS procède à l'évaluation permanente de la sécurité des produits de santé. A ce titre, une conférence pluridisciplinaire d'experts a eu lieu le 17 novembre dernier afin de réévaluer les mesures mises en _uvre pour faire face à l'hypothèse d'une transmission du nouveau variant de la maladie Creutzfeldt-Jakob par les produits sanguins.

En outre, une analyse produit par produit est actuellement menée et ses conclusions seront rendues publiques.

Grâce aux agences, le principe de la transparence de l'expertise est établi. Faut-il aller plus loin ? Je le pense, et c'est la raison pour laquelle, nous avons introduit en France une consultation préalable des parties intéressées, pour l'évaluation de la sécurité des produits sanguins. De même, pour améliorer l'information de nos concitoyens, j'ai demandé que le site Internet du ministère soit enrichi et mis en relation directe avec celui des agences.

Un guide de recommandations sera proposé aux professionnels de santé. Il tendra à faciliter le diagnostic, à assurer aux malades des soins de qualité, à lutter contre la douleur et à développer les soins palliatifs. Un accompagnement psychologique attentif de l'entourage des malades doit également être favorisé. Enfin, il est à mes yeux essentiel de respecter la dignité des malades et leur droit à la tranquillité dans l'épreuve redoutable qu'ils traversent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - Notre débat ne se prête pas aux arrière-pensées politiciennes et j'ai apprécié le sens des responsabilités dont ont fait preuve les différents orateurs. La sécurité alimentaire est une aspiration légitime de nos concitoyens et les pouvoirs publics sont tenus d'y répondre en prenant les problèmes dans toutes leurs dimensions. S'il faut redonner confiance à la filière, il convient aussi de ne pas négliger la souffrance des malades et de leur entourage. Le Gouvernement est résolu à faire face en proposant des mesures ciblées et complémentaires.

M. Chevallier a présenté la crise de l'ESB comme étant un défi pour la consommation. D'autres ont évoqué l'information du public et le rôle des associations de consommateurs. A mes yeux, il s'agit surtout d'une crise de confiance. Tout au long de la chaîne alimentaire, chaque opérateur représente un maillon de la confiance : le scientifique qui dit ses doutes, le politique qui met en _uvre la précaution, mais encore, de l'étable à la table, l'éleveur, l'abatteur, le grossiste, le distributeur et le consommateur.

La France a innové en insistant sur la nécessaire traçabilité des produits et en mettant en _uvre une politique ambitieuse de labellisation. La loi d'orientation agricole de 1999 poursuit dans cette voie en prônant une agriculture de qualité, accrochée au territoire (Murmures sur les bancs du groupe du RPR) et qui tourne le dos aux excès de productivisme (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste). Il ne faut pas répondre à la crise par du quantitatif, en multipliant les aides : favorisons plutôt une agriculture fondée sur le souci de la qualité des produits et assise sur des structures d'organisation rénovées, telles que les contrats territoriaux d'exploitation.

M. Thierry Mariani - Cela ne fonctionne pas !

M. le Secrétaire d'Etat - Le succès de l'agriculture biologique nous indique que ce sont les attentes de nos concitoyens. C'est cette voie qu'il convient de privilégier.

Face à la crise, le Gouvernement entend poursuivre le dialogue. Ainsi, je recevrai cette semaine les associations de consommateurs. Avec Jack Lang, nous avons du reste déjà reçu les parents d'élèves, les chefs d'établissement et les intendants des restaurants scolaires afin qu'ils dispensent aux familles une information complète et rassurante. Du reste, la confiance des consommateurs ne peut être restaurée que par une meilleure information, fondée notamment sur le respect des règles d'étiquetage. A cet égard et pour ce qui concerne l'étiquetage de la viande bovine, il y a lieu de regretter que le Parlement européen ait conduit le Conseil à ne pas retenir l'obligation d'étiqueter la race et la catégorie. Pour autant, j'encourage les professionnels à valoriser un étiquetage complet des animaux nés, élevés et abattus en France.

Au-delà de l'étiquetage, la sécurité alimentaire est aussi une éducation. La présidente de la commission de la sécurité des consommateurs me rappelait récemment toute l'importance de préceptes simples d'hygiène, consistant par exemple à apprendre aux enfants à se laver les mains avant de passer à table. Nettoyer son réfrigérateur, conserver ses rillettes au frais, ne pas laisser ses courses trop longtemps dans sa voiture, sont autant de précautions que nous pouvons encourager, plutôt que de surfer sur le marketing des peurs alimentaires.

La distribution a également un rôle à jouer en matière de sécurité alimentaire. Elle en a d'ailleurs les moyens, comme le montrent les contrôles de la chaîne du froid, tant en ce qui concerne la réception des marchandises, que pour le suivi des meubles de conservation ou la gestion des rayons. Les spécifications réglementaires et les moyens de valoriser la qualité existent indéniablement en France.

S'agissant des contrôles, je précise que la DGCCRF, mais aussi la DGAL et la Direction générale des douanes et des droits indirects -DGDDI- se sont mobilisées pour assurer le respect des réglementations sur le terrain. Mais les contrôles peuvent aussi être systématiques, comme par exemple l'inspection ante mortem à l'abattoir. Les enquêtes épidémiologiques ont également donné de bons résultats. Il faut rappeler que ce sont les services de répression qui ont permis de mettre au jour l'affaire des canards avariés en Dordogne.

Nous mettons donc là aussi en _uvre le principe de transparence. Sur l'origine des viandes, la DGCCRF a engagé depuis 1996 seize procès-verbaux pour détention de viande originaire du Royaume-Uni : dans quinze cas, les viandes concernées avaient été importées avant l'embargo de 1996. Un procès-verbal a été classé et deux relaxes prononcées. Mais des condamnations ont été prononcées, notamment une amende de 100 000 F pour détention, avec indication d'une fausse origine française, de foies de génisse congelés.

En ce qui concerne les farines animales, une méthode d'analyse mise au point en France permet d'identifier et de quantifier la présence de fragments d'os par prélèvements : si l'analyse en révèle la moindre trace, un contrôle renforcé de l'entreprise est mis en place, et le dossier est transmis à l'autorité judiciaire lorsque la présence d'os est caractérisée. Ainsi, entre 1997 et 1999, douze procès-verbaux ont été transmis aux tribunaux : sept sont à l'instruction, quatre ont fait l'objet d'une relaxe ou d'un classement sans suite, et un procès-verbal a donné lieu à une condamnation lourde.

La dimension européenne de la sécurité alimentaire est une évidence. Les dispositions européennes ont ainsi été mises en place dans le prolongement des efforts d'harmonisation accompagnant l'achèvement du grand marché.

Au-delà des difficultés dues aux mécanismes communautaires, l'Europe se doit de franchir une nouvelle étape pour s'adapter aux exigences de la société européenne et des consommateurs. Ainsi, après avoir rencontré le commissaire Byrne, je peux vous confirmer qu'il y aura bien, dès 2002, une agence européenne chargée de l'évaluation et de l'anticipation des risques en matière de sécurité alimentaire. Le Conseil européen de Nice devrait se pencher attentivement sur ce dossier. Tous les ministres qui y travaillent appellent d'ailleurs de leurs v_ux une plus grande cohérence de l'Union, et les événements récents nous montrent que la France avait suivi la bonne voie.

M. Marcel Rogemont - Très bon rappel !

M. le Secrétaire d'Etat - Parvenus aujourd'hui à une nouvelle étape, nous pourrons donc tirer des résultats positifs de la présidence française de l'Union.

Les percées du principe de précaution au plan communautaire vont aussi dans le bon sens. Une résolution a été préparée durant notre présidence, et son adoption prochaine constituera aussi une référence pour les décisions de sécurité alimentaire prises au plan européen.

Le principe de précaution aura donc vocation, dans le cadre de cette résolution, à s'appliquer à l'ensemble des politiques de l'Union, dès lors que l'éventualité d'effets nocifs sur la santé ou l'environnement est identifiée et qu'il y a incertitude sur le niveau de risque.

Certaines de vos questions, notamment celle de M. Rebillard, portent sur les organismes génétiquement modifiés. Là aussi, les principes de précaution et de transparence ont guidé l'action du Gouvernement. En tant que ministre de la consommation, j'insisterai sur les enjeux de la traçabilité et de l'étiquetage dans ce domaine.

Si l'innocuité des OGM est la première condition de leur commercialisation, le consommateur doit disposer des informations lui permettant de choisir en toute connaissance de cause.

Dès 1990, un dispositif communautaire a été adopté pour protéger l'environnement et la santé des utilisateurs. Mais la demande légitime du consommateur en matière d'étiquetage a été prise en compte plus récemment ; avec un règlement de mai 1998 fixant des modalités d'étiquetage basées sur la présence d'ADN ou de protéines et sur la mention « produit à partir de maïs/soja génétiquement modifié », complété en janvier 2000, notamment par l'obligation d'étiqueter les denrées remises aux collectivités.

Néanmoins des lacunes persistent, et il faut maintenant améliorer et rendre cohérent le dispositif. La France demande fermement d'étiqueter les produits dérivés ne contenant ni ADN ni protéines liées à la modification génétique.

La traçabilité vise à garantir la fiabilité de l'information et à renforcer les dispositifs de surveillances des OGM autorisés. Si les professionnels ont d'ores et déjà mis en _uvre des moyens de traçabilité, il reste à disposer rapidement d'un outil juridique. Un décret est en cours de finalisation.

Le Gouvernement demande au niveau communautaire que la révision de l'étiquetage et la mise en place d'une obligation de traçabilité à tous les stades soient les conditions préalables à toute nouvelle autorisation. Une première réunion des experts gouvernementaux se déroulera à Bruxelles le 29 novembre 2000, et je m'en félicite.

Vérifier la conformité et la loyauté de l'information est l'objectif poursuivi par la DGCCRF. Un large programme d'enquête portant notamment sur les semences commercialisées est actuellement en cours.

Pour permettre au consommateur de choisir, un site Internet élaboré avec l'ensemble des ministères concernés est consacré spécifiquement aux OGM et on y trouve notamment les résultats des contrôles.

Associer la société civile à la réflexion est aussi une priorité. La conférence des citoyens organisée à l'Assemblée nationale en 1998 à l'initiative de Jean-Yves Le Déaut a marqué une étape décisive. Une soixantaine de débats publics organisés par trois associations de consommateurs durant les mois de septembre et octobre 2000 ont permis de porter au niveau local ce débat qui, outre les questions de sécurité, pose également des questions socio-économiques. La réponse à la question de M. Sauvadet « Demain, comment mieux manger du b_uf ? » passe par les décisions et la méthode de consultation et de contrôle mises en _uvre par le Gouvernement. Celles-ci, qui portent tant sur le maintien de l'embargo que sur les 48 000 tests et le retrait des matériaux à risque, redonneront confiance aux consommateurs et préserveront la qualité de la gastronomie française (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Compte tenu du temps disponible pour ce débat, je vais essayer d'être plus bref que mes collègues et me contenterai d'aborder deux ou trois points. Tout d'abord, un devoir de vérité s'impose. C'est là une exigence démocratique, et c'est pourquoi il n'y a pas plus de place pour un discours rassurant que pour un discours alarmiste. Nous nous adressons à des citoyens responsables, et la confiance ne se rétablira que sur le socle de la vérité. La France, qui s'est courageusement exposée en lançant la première un grand programme de tests sur le cheptel bovin, en paye aujourd'hui le prix. C'est d'abord cette décision, Monsieur Sauvadet, qui nous a isolés en Europe. Quant au reste, puisque vous voulez laisser de côté la polémique, je vous l'expliquerai peut-être en coulisses ! Si certains pays comme l'Allemagne ou l'Espagne sont aujourd'hui rattrapés par l'épidémie, ce n'est pas une surprise pour nous. Ils avaient en effet été classés par les experts européens, tout comme l'Italie et contrairement à leurs déclarations, parmi les pays à risques, au même titre que la France, puisqu'ils ont, comme elle, importé des farines animales britanniques dans les années 1990. Je ne me réjouis évidemment pas que ces pays soient touchés, mais me félicite que la vérité et la lucidité des gouvernements progressent. La France, de ce fait se retrouvera moins isolée.

La deuxième exigence consiste à faire primer sur tout autre impératif -financier ou économique- la santé de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Je le dis haut et fort car le ministère de l'agriculture a trop longtemps été considéré comme celui des lobbies agricoles. J'ai voulu quant à moi en faire un ministère de la sécurité alimentaire à part entière et j'ai réformé la direction générale de l'alimentation en ce sens. C'est ma fierté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le programme de tests que nous avions initialement décidé portait sur 48 000 unités et était prioritairement axé sur les départements à risques, c'est-à-dire ceux où le plus grand nombre de cas avaient déjà été détectés, ceux du grand ouest donc, ainsi que sur le cheptel à risques -les abattages d'urgence et les cadavres. Nous avons décidé de l'étendre premièrement à l'ensemble du territoire national- c'est en cours depuis une dizaine de jours ; deuxièmement à d'autres tests que le Prionics, initialement choisi par les experts, et notamment au test français qu'est le Biorad -c'est également en cours depuis quelques jours ; enfin, de façon aléatoire, à l'ensemble des abattoirs : ce sera fait à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine, le protocole de mise en _uvre aléatoire devant être défini par les scientifiques.

Nous sommes donc là encore en avance sur les autres pays.

Vous m'avez interrogé d'autre part sur l'harmonisation européenne. Certains ont dit que la France s'étant retrouvée isolée lors du dernier conseil européen de l'agriculture. J'ai dit pour ma part que j'en tirais un bilan mitigé. Je considère en effet comme un succès la décision d'étendre le programme de tests au niveau européen (Exclamations sur les bancs du groupe UDF), car elle n'était pas gagnée d'avance. Et surtout le fait que nous ayons évité le pire, à savoir un embargo sur le b_uf français, comme l'ont proposé à plusieurs reprises certains pays ainsi que la Commission. Mais je considère comme un échec que nous n'ayons pas obtenu l'interdiction au niveau communautaire des farines animales, ni la levée des embargos partiels.

Je souhaite donc -et j'en ai fait la demande- que soit rapidement convoqué un conseil extraordinaire des ministres européens de l'agriculture, avant celui qui doit se tenir les 19 et 20 décembre. Il pourrait avoir lieu le 4 décembre. Nous serons fixés sur ce point aujourd'hui ou demain. Les cas d'ESB apparus en Espagne ou en Allemagne justifient en effet une nouvelle réunion.

Plusieurs de vos questions concernaient le soutien à la filière. Ce n'est pas exactement le thème de ce matin, mais je rappelle quand même que le Gouvernement a fait une proposition, dont il a dit d'entrée de jeu, qu'elle n'était pas pour solde de tout compte. Si je reçois demain les organisations professionnelles, c'est précisément parce que je suis prêt à l'amender. J'ai par ailleurs tout de suite dit qu'il manquait un volet essentiel à ce plan, à savoir le volet européen. Reste que ce plan témoigne déjà d'un effort de solidarité nationale non négligeable en faveur des éleveurs.

Certains m'ont reproché un manque de concertation. En vérité, ce plan a été annoncé le mardi mais avait été exposé dans ses grandes lignes le mardi précédent au Conseil supérieur de l'orientation. Il a été détaillé par le Premier ministre lors de ses consultations le mercredi et le jeudi, peaufiné par des conversations avec ses services les jours suivants... Bref, la concertation est permanente...

M. François Sauvadet - Ce n'est pas mon sentiment !

M. le Ministre - Peu importent vos sentiments, c'est la réalité qui compte.

M. François Sauvadet - Ce n'est pas le sentiment des organisations professionnelles !

M. le Ministre - Monsieur Sauvadet, peut-être un jour exercerez-vous les fonctions qui sont les miennes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et vous verrez alors que certaines choses sont plus faciles à dire qu'à faire.

Concernant les protéines végétales, je voudrais dire qu'il n'y a aucune fatalité à ce que l'interdiction des farines animales se solde par des importations d'OGM en provenance d'Amérique du Nord. D'abord parce que nous avons des marges de man_uvre pour produire nous-mêmes plus de protéines végétales, ensuite parce que les agriculteurs se détournent spontanément des semences OGM qui sont autorisées, de sorte que le marché se tarit de lui-même.

Au total, il nous faudra bien tirer les leçons de la crise actuelle. Nous devons en particulier bien prendre conscience que c'est la course folle au productivisme-que la droite de l'hémicycle a toujours défendue- qui nous y a conduits (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Oui, vous l'avez défendue et vous m'avez même contesté le droit, lors de la discussion de la loi d'orientation agricole, de la remettre en cause (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Vous n'avez cessé de me reprocher de freiner le poductivisme. Je suis donc heureux que vous nous rejoigniez aujourd'hui dans le combat que nous menons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Ollier - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58. M. le ministre nous annonce un « discours vérité », mais pendant que nous débattons ici, j'apprends par une dépêche de l'AFP que Mme Lebranchu, Garde des Sceaux et ancienne secrétaire d'Etat à la consommation, a déclaré qu'elle n'aurait pas interdit les farines animales si elle avait été seule à prendre la décision car, dit-elle, « le plan coûte terriblement cher » et ne constitue pas forcément « la bonne solution ». Quelle discordance ! Le Gouvernement parle-t-il dans cette affaire par la voix de la Garde des Sceaux ou du ministre de l'agriculture ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Ministre - Je connais suffisamment le sens de la solidarité gouvernementale de Mme Lebranchu pour savoir qu'elle a voulu dire, dans son langage vérité à elle, que la décision n'était pas si simple que cela à prendre, qu'il y avait des arguments pour et des arguments contre. Vous le savez bien vous-même puisque vous n'avez pas interdit les farines animales quand vous étiez en situation de le faire et avez même déclaré que ce n'était pas du tout nécessaire. Puis tout d'un coup, l'opposition s'est mise à réclamer que cette mesure soit prise séance tenante. Nous l'avons prise, mais en mesurant au préalable ses conséquences. Mme Lebranchu a simplement l'honnêteté de dire qu'à ses yeux, les conséquences pesaient plus lourd que les avantages attendus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Béatrice Marre - Les interrogations sur la sécurité alimentaire ne sont pas nouvelles mais le niveau des craintes et leur généralisation à l'échelle de l'Union européenne sont sans précédent. Même si les déclarations de certains hauts responsables ont accéléré la perte de confiance des consommateurs, celle-ci n'aurait sans doute pas pu prendre une telle ampleur sans la mondialisation.

La « mal bouffe », stigmatisée d'abord comme une perte d'identité culturelle lors de la réunion de l'OMC à Seattle, s'est transformée en « bouffe mortelle » dans l'esprit de nos concitoyens. Cette transformation est due, en grande partie, au sentiment d'impuissance qu'ils ressentent face aux incertitudes scientifiques, à des règles sanitaires contradictoires entre Européens, à des accords de production -la PAC- ou de commerce -l'OMC- aux effets jugés aujourd'hui désastreux. Je pense par exemple aux primes à la jachère et à l'élevage intensif, ou aux accords de Blair-House qui ont limité nos surfaces de production d'oléo-protéagineux.

Il est urgent de restaurer la confiance. Cela dépendra d'abord de notre capacité à mettre en place rapidement des filières fiables d'alimentation du bétail.

Pour ce faire, le Gouvernement a pris un ensemble de mesures, parmi lesquelles la suppression de toutes les farines comprenant des éléments carnés dans l'alimentation de l'ensemble des animaux d'élevage et des animaux domestiques.

La capacité du Gouvernement à convaincre nos partenaires de l'Union européenne du bien-fondé des mesures de précaution prises en France vient d'être renforcée par les révélations de cas d'ESB en Espagne et en Allemagne. J'espère donc que le prochain conseil européen donnera de bons résultats. Mais si l'interdiction de farines animales est étendue à l'ensemble de l'Union, il faudra des aliments de substitution. Or, ni la France ni l'Union européenne ne sont autosuffisantes en oléo-protéagineux, et ce pour des raisons exclusivement politiques puisque les terres en jachère comme les capacités à produire de nos agriculteurs permettraient cette autosuffisance. Pensez-vous donc pouvoir rapidement convaincre nos quatorze partenaires de revenir sur la décision prise lors de l'accord de Berlin de mars 1999 ?

Et pensez-vous qu'au niveau de l'OMC nous pourrons revenir sur les accords de Blair-House qui limitent les surfaces cultivées en oléo-protéagineux ? Que nous pourrons faire prévaloir notre conception du principe de précaution et la spécificité des produits agro-alimentaires au regard des règles commerciales internationales ? Enfin, Monsieur le ministre, comptez-vous aller au-delà des 500 millions de francs annoncés dans le plan d'urgence pour favoriser la production de protéine végétales ?

Du point de vue qualitatif, le bon sens commande de revenir à une alimentation plus naturelle : l'herbe aux herbivores, dit-on. Le développement de cultures telles que la luzerne ne devrait-il pas être soutenu, en début d'assolement ? Ce serait une aide directe à l'agriculture extensive, donc à la filière bovine, qui ne remettrait pas en cause les accords internationaux, puisqu'elle relèverait du deuxième pilier de la PAC, le développement rural, et non du FEOGA.

Nos concitoyens redoutent par ailleurs qu'au risque de dissémination de l'ESB ne se substitue celui d'une dissémination des OGM. Le débat sur le sujet n'est pas simple mais la moindre des choses ne serait-elle pas de permettre à chacun de choisir d'en consommer ou non, ce qui implique une transparence optimale ? La délégation pour l'Union européenne a adopté en septembre une résolution présentée par Mme Aubert qui invite le Gouvernement à compléter la proposition de directive du 23 février 1998, actuellement en discussion, pour organiser une véritable traçabilité, pour rendre l'étiquetage plus fiable, pour harmoniser textes communautaires et textes internationaux et pour prendre des précautions immédiates contre l'importation et la production de certains types d'OGM. Quel sort le Gouvernement réservera-t-il à ces recommandations, devenues celles de l'Assemblée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Marleix - Une semaine après l'annonce d'un « plan de soutien » à la filière bovine d'ailleurs jugé sévèrement par toutes les organisations syndicales, Bruxelles prétend ne l'avoir toujours pas reçu ! C'est en tout cas ce qu'assurait le Commissaire Fischler hier, en en croire la presse...

M. Thierry Mariani - Quel manque de sérieux !

M. Alain Marleix - Alors que la consommation a baissé de 40 % et que l'Union fait preuve d'une tragique impuissance, comment le monde agricole ne s'interrogerait-il pas sur votre capacité à affronter cette crise majeure, ainsi que sur la crédibilité d'un gouvernement prodigue en déclarations incohérentes -Mme Lebranchu vient d'en fournir la dernière illustration !

Les agriculteurs et l'opinion attendent de vous des mesures courageuses et concertées. De l'Union, comme l'a dit le Président de la République mercredi à Bruxelles, nous espérons « d'autres décisions ». Malgré vos efforts personnels, sans doute méritoires, convenez, Monsieur le ministre de l'agriculture, que le Conseil européen a été à tout le moins une grande déception.

Une harmonisation des législations est également indispensable, en bonne logique. Ce qui vient de se passer en Allemagne et en Espagne a prouvé que la France -et le chef de l'Etat- avaient eu raison avant tous les autres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Quels sont vos objectifs pour le prochain Conseil, prévu pour le 4 décembre et en tout cas nécessaire avant le sommet de Nice ? La crédibilité de l'Europe est en jeu !

A l'échelon national, un véritable plan d'intervention s'impose pour toutes les catégories d'animaux qui ne trouvent pas acheteur. En 1996, à l'occasion de la première crise de la vache folle, le gouvernement Juppé avait obtenu de Bruxelles cette mesure, y compris pour les broutards. Pourquoi n'en serait-il pas de même aujourd'hui ? Etes-vous prêt à le demander ?

M. le Ministre - C'est déjà fait !

M. Alain Marleix - Il faut aussi fixer au plus vite un prix-plancher et régler le problème du taux de chargement. Lors de la réforme de la PAC, à Berlin, on a substitué au critère des « animaux primés », celui des animaux « présents », ce qui revenait à démanteler l'OCM viande. On constate aujourd'hui les dégâts de cette politique. Que ferez-vous pour remédier à l'explosion des taux ?

Que ferez-vous, enfin, pour la politique de l'herbe, la grande oubliée alors que c'est encore la première source de protéines dans de nombreuses régions -dans le Massif central et les Alpes mais aussi dans votre propre région- ? Pourquoi ne propose-t-on pas une revalorisation de cette prime et du complément « extensification » ?

Eleveurs, consommateurs : tous attendent des réponses claires et si possible convaincantes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. André Lajoinie - La crise en cours est plus grave que celle de 1996 et nos concitoyens sont légitimement préoccupés par cette maladie animale, potentiellement dangereuse pour l'homme. La France, menant une politique de dépistage courageuse, a mis au jour l'étendue du fléau. Malgré l'interdiction des farines animales dans l'alimentation des ruminants, dès 1990, et la sécurisation de ces mêmes farines pour les autres animaux d'élevage en 1996, les tests ont révélé de nouveaux cas d'ESB. Quand on cherche, on trouve, il est vrai, et vous l'avez dit, Monsieur le ministre. L'Allemagne et l'Espagne en font d'ailleurs l'amère expérience à leur tour. Mais comment ces pays auraient-ils pu être épargnés, puisque cette maladie trouve son origine dans un productivisme aveugle ? Les premiers cas sont d'ailleurs apparus en Grande-Bretagne, où l'on avait abaissé les températures de chauffage des farines carnées, pour réduire les coûts de fabrication. Cette course effrénée au profit ne s'est pas cantonnée au pays de Mme Thatcher, malheureusement, et la Commission, par ailleurs prompte à mettre les pays sous surveillance pour le calcul des primes, a fait preuve en la matière d'un grand laxisme, au nom de la liberté de circulation des marchandises...

Bien qu'à ce jour l'agent infectieux n'ait pas été détecté dans le muscle de bovin, nombre de Français ont réduit ou cessé leurs achats de viande de b_uf. Pour les éleveurs et les 350 000 personnes qui travaillent dans la filière bovine, les répercussions d'une chute des ventes de l'ordre de 50 % sont dramatiques ! Nous ne pouvons nous contenter du « premier plan » de soutien, décidé par le Gouvernement, il faut des aides directes plus substantielles que les seuls reports de charges et versements anticipés de primes. Des interventions nationales et européennes s'imposent pour garantir des débouchés solvables et le mécanisme de stockage privé doit, par exemple, être élargi au stockage public.

La pérennité de la filière suppose en outre de restaurer la confiance des consommateurs en continuant d'appliquer le principe de précaution. Mais il faut en même temps offrir des garanties supplémentaires en matière de sécurité alimentaire, afin de tendre vers une fiabilité sanitaire maximale. La détection de l'ESB doit encore être améliorée et généralisée à toute l'Union. Les tests, qui ont démontré leur utilité pour cerner l'épidémie, ont toutefois une sensibilité limitée. Les recherches en cours sur les infections à prion ouvrent des perspectives d'amélioration intéressantes : il faut les soutenir davantage. Et, sans attendre, nous devons organiser un dépistage systématique à l'entrée des abattoirs, pour rassurer les consommateurs.

Parallèlement, il est urgent d'instaurer un mécanisme de traçabilité commun à tous les pays de l'Union. Si la France est en pointe pour l'étiquetage, la Commission a reporté à 2001 l'obligation de faire mention de l'endroit où l'animal a été abattu et à 2003 celle qui a trait au lieu de naissance et d'élevage. On voit donc qu'il reste bien des progrès à accomplir pour parvenir à une harmonisation !

On peut espérer, au vu de l'évolution de la situation en Allemagne et en Espagne, que les Quinze décideront le 4 décembre prochain, une suspension totale des farines animales. Quoi qu'il advienne, se pose désormais la question de remplacer ces aliments par des protéines végétales. La France et l'Europe disposent d'un important potentiel de production mobilisable rapidement avec les terres mises en jachère. Encore faut-il avoir la volonté de remettre en cause les accords de 1994 et de résister aux velléités américaines d'inonder nos marchés de leurs productions transgéniques. Il ne faut pas que la soif de rentabilité immédiate provoque de nouvelles catastrophes. Tenons ferme, sur le principe de précaution, donc ! L'interdiction des farines carnées dans seulement quatre pays de l'Union pose un problème de sécurité alimentaire, mais aussi de concurrence. D'autre part, notre capacité d'exportation de viande de porc et de volaille sera limitée, du fait que nos partenaires utilisent toujours les farines carnées. Or, si nous exportons pour plus de 26 milliards de viandes de boucherie, nous en importons pour plus de 21 milliards...

La France, présidente en exercice de l'Union, doit prendre des initiatives pour que les Quinze se dotent d'une politique de sécurité alimentaire efficace et cohérente. C'est à cette condition que nous retrouverons, comme vous l'avez souhaité récemment, Monsieur le ministre, « les voies d'une consommation citoyenne, c'est-à-dire informée et confiante ».

Il se peut aussi que cette crise nous aide à progresser vers une agriculture plus durable, plus respectueuse de l'environnement, des hommes et des territoires, tournant le dos à un productivisme sans frein. Les contrats territoriaux d'exploitation sont de nature à encourager cette agriculture de qualité. Mais rien n'est jamais acquis dans le libéralisme ambiant, qui multiplie les sources d'insécurité. Dans cette entreprise, le Gouvernement pourra donc compter sur notre vigilance, pour l'aider à trouver les solutions nécessaires, dans l'intérêt des consommateurs comme des agriculteurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. François Sauvadet - J'accepte l'idée de vous succéder au plus vite, Monsieur le ministre, mais il faudra évidemment une autre majorité que j'appelle de mes v_ux ! (Sourires)

Nous sommes dans un débat, et je m'emploierai donc à répondre au Gouvernement.

L'interdiction de l'utilisation des farines animales était une nécessité mais la mesure doit être étendue aux autres pays pour éviter les distorsions de concurrence.

Nous sommes tous d'accord pour considérer que la solution de la crise suppose de rétablir la confiance des consommateurs et pour dire que c'est par la vérité qu'on y parviendra. Les pays qui refusent de pratiquer des tests auront rendez-vous un jour avec leur opinion publique. Sur l'information, la traçabilité, l'étiquetage, nous sommes d'accord.

Au niveau européen, Monsieur le ministre, on ne peut pas parler de succès mitigé : la négociation a été un véritable échec. Vous dites que vous avez évité le pire, notamment l'embargo, mais voyez combien de pays le pratiquent, à l'encontre des viandes comme des animaux...

Par ailleurs, vous n'avez pas répondu à nos questions.

Premièrement, sur l'aide à la filière. Vous dites qu'il manque un volet européen, mais il manque aussi le volet national ! Les professionnels se sont émus de l'absence de concertation sur ce sujet. Il est indispensable de l'engager au plus vite afin d'identifier les besoins et de débattre des moyens nécessaires.

Deuxièmement, l'indispensable dégagement du marché passe notamment par des mesures de stockage public.

Troisièmement, nous importons actuellement 21 % de notre consommation de viande. Quelles sont vos intentions à l'égard des pays qui n'ont pas pris les mêmes mesures de précaution que nous en matière de farines ? A ce sujet, ne nous faites pas le procès de ne pas les avoir interdites en 1996 : on pourrait vous dire que vous auriez dû le faire dès 1990 !

Quatrièmement, quand l'agence européenne de sécurité alimentaire sera-t-elle créée ?

Quelques observations enfin sur la manière dont le Gouvernement a géré la crise.

On ne peut pas faire jouer à des experts le rôle qui revient au politique. Le chercheur a vocation à éclairer, le politique à décider. En aucun cas l'incertitude scientifique ne doit justifier l'inaction politique car c'est précisément en période d'incertitude que la responsabilité du politique prend tout son sens.

Le risque zéro n'existe pas. Il faudra donc parvenir à définir une norme acceptable et acceptée.

Ceux qui, face à ces crises alimentaires, attaquent un modèle considéré comme productiviste se trompent, comme tous les adeptes du slogan de la « mal bouffe ». Qu'ils regardent le chemin parcouru en matière de sécurité alimentaire, parallèlement à la réalisation de l'objectif d'autosuffisance alimentaire assigné à nos agriculteurs dans les années 60.

Les zones intermédiaires ont été frappées de plein fouet par la crise et ce sont elles dont on peut attendre beaucoup pour la production d'oléo-protéagineux. J'espère que vous reviendrez sur les conditions d'application de la modulation, ce qui n'exclut pas de réfléchir à un système de plafonnement d'aides.

En conclusion, nous devons absolument éviter une alimentation « à deux vitesses », les produits sécurisés étant réservés à certains et les produits de masse ne satisfaisant pas aux mêmes exigences. Par ailleurs, nous devons préserver un modèle alimentaire diversifié. C'est un enjeu économique aussi bien que culturel, sans parler de l'aménagement du territoire. A nos questions précises, nous attendons, avec les Français, des réponses précises (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Georges Sarre - Le calme de la population française est remarquable : ni mouvement de panique, ni peurs irraisonnées malgré la présentation d'une réalité grave sous un aspect dramatique et effrayant. Inondés d'informations souvent contradictoires, les Français ont adopté une attitude normale de prudence.

Je comprends que la découverte des premiers cas humains d'une maladie mortelle ait suscité une vive émotion et favorisé les excès de langage. En matière de prévention sanitaire, toute décision a des conséquences financières énormes. La destruction des farines animales, la reconversion des marchés, les transferts de consommation s'accompagnent de mouvements de capitaux difficilement chiffrables. Certains seront ruinés, d'autres se frottent les mains, en quête de profits d'aubaine. Les conséquences sociales de cette crise seront considérables.

Les rivalités que l'on nous assurait disparues n'ont pas manqué de se manifester avec nos partenaires européens. Maintenant que la maladie bovine a gagné toute l'Europe, j'espère que la défense d'intérêts communs évitera des décisions nationales égoïstes et parfois absurdes.

Il nous appartient de retrouver notre sérénité afin que les lois ne soient pas des artifices destinés à plaire.

Un accident sanitaire s'est transformé en une crise de société. Il manque encore des outils législatifs et judiciaires propres à prévenir, et non plus seulement à gérer des crises comme celle-ci. Il nous appartient de combler cette lacune (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Pierre Cardo - Un débat sur la sécurité alimentaire ne peut se restreindre, malgré l'actualité, au problème de l'ESB. En effet le politique doit prévoir, et non pas seulement subir les événements.

Nous ne pouvons pas évacuer le problème des métaux lourds et celui du traitement des boues d'épandage. Le saturnisme ayant été évoqué jusque dans le loi de lutte contre les exclusions, nous ne saurions esquiver un tel sujet ici.

Ainsi, il y a peu, les préfets des Yvelines et du Val d'Oise ont interdit les cultures sur de vastes zones de ces deux départements, au motif que la teneur en métaux lourds des terres considérées excédait la norme admise. L'imprécision de la décision étonne : non seulement l'on ne dit pas sur quelle profondeur les sols sont contaminés, mais l'on ne dit pas davantage la période pendant laquelle les cultures seront interdites.

La présence de métaux lourds n'est pas contestée : elle a pour origine les épandages de la ville de Paris, qui ont pour conséquence des taux en plombs et en mercure de deux fois et demi supérieurs aux taux considérés comme tolérables sans risque pour la santé humaine. Encore ne sait-on rien de la teneur en cadmium et autres métaux lourds.

On comprend bien que, dans ces conditions, il ne suffit pas d'interdire les cultures : il faut aussi traiter les terrains. Dans le Nord, des vaches ont été déclarées impropres à la consommation pour avoir pâturé une herbe contaminée par les métaux lourds. Outre que les assurances ne prévoient pas d'indemniser ce type de risque, c'est un grave problème de santé publique qui menace, d'autant que l'on peut légitimement craindre l'infestation de la nappe phréatique.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour traiter les sols contaminés ? Comment entend-il indemniser les propriétaires lésés, et les communes, sachant que l'on ne peut, pour des raisons évidentes, prendre le risque de créer des jardins individuels dans les zones contaminées ? Quelles aides seront-elles apportées à la transformation de l'usage de ces terrains ?

Plus généralement, que faire des boues d'épandage, dont on sait que l'incinération ne résout rien, puisque les particules de métaux lourds projetées dans l'atmosphère se déposent à nouveau à terre, au risque, une fois encore, de contaminer les sols et à terme, la nappe phréatique ?

A ce jour, aucune stratégie n'a été définie, et les pouvoirs publics ne semblent pas davantage s'émouvoir des taux de pollution très élevés constatés autour des autoroutes et des aéroports. Bien des questions restent pendantes : comment traiter les terrains contaminés ? Comment éviter la pollution de la nappe phréatique ? Comment recycler les boues d'épandage de bonne qualité, et comment contrôler efficacement cette qualité ? Comment empêcher la généralisation de l'incinération des boues d'épandage toxiques ? Comment contrôler efficacement les taux de pollution ?

La sécurité alimentaire n'est pas le seul domaine dans lequel la transparence doit prévaloir. Les élus doivent être tenus régulièrement informés des taux de contamination par métaux lourds relevés dans leurs communes pour rassurer leurs administrés. Il ne faudrait pas que, pour avoir souhaité mieux nourrir le monde, nous l'ayons empoisonné ! Le rôle des politiques est d'anticiper, pour éviter de devoir affronter brutalement les crises semblables à celle que nous connaissons aujourd'hui et dont nos débats se sont faits l'écho. Or les questions que je viens d'évoquer, souvent posées, demeurent sans réponse. Une réflexion d'ensemble doit s'engager sans plus de retard (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean Gaubert - Progrès de la recherche et développement de l'information créent de nouveaux défis : saurons-nous garder la tête froide devant cette avalanche de découvertes mais aussi d'informations plus ou moins vérifiées ? La perception du risque est un mouvement très différent de la réalité du risque, et l'on constate que plus les progrès scientifiques bénéficient à notre société, plus, paradoxalement, celle-ci s'inquiète. Ainsi, c'est quand l'état de santé des Français est le meilleur, et quand l'espérance de vie est la plus longue que la panique gagne nos concitoyens.

La commission d'enquête sur la transparence et la sécurité alimentaire présidée par Félix Leyzour a, dans son rapport rédigé par Daniel Chevallier, exposé ces contradictions. Elle a aussi distingué sécurité sanitaire et « mal bouffe », relevant ainsi la confusion entre « manger sain » et « manger équilibré », ce deuxième aspect étant à l'origine de bien des difficultés de santé de nos concitoyens.

La commission a aussi contribué à dresser l'état des connaissances sur l'ESB, tableau confirmé lors du colloque organisé mardi dernier à l'initiative de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques.

Cette maladie reste énigmatique, donc inquiétante. Certains chercheurs la font remonter au XIXe siècle. Ce qui est assurément nouveau, c'est son mode de diffusion, dû à l'abandon des règles de prudence élémentaires en Grande-Bretagne, pour des raisons économiques. La certitude existe désormais que le prion franchit, dans certains cas, la barrière des espèces, mais aussi qu'il ne survit pas en milieu hostile et que la recontamination par le pâturage est impossible si l'on s'en tient aux règles couramment admises d'attente après épandage d'engrais. Enfin, le muscle n'est jamais atteint et, de ce fait, la consommation de viande n'est pas dangereuse, à plus forte raison quand elle est « tracée ». On sait aussi que les tests disponibles ont un degré de fiabilité certain mais qu'ils ne peuvent détecter la maladie à un stade précoce de développement.

Plusieurs questions demeurent cependant sans réponse : la répétition de doses subinfectueuses a-t-elle des effets cumulatifs ? Comment la barrière des espèces est-elle franchie ? Pourquoi, alors que la période d'incubation est réputée longue, des jeunes sont-ils atteints ? Est-on sûr qu'il n'existe pas d'autres voies de contamination des bovins ?

L'ampleur des problèmes qui demeurent irrésolus appelle à poursuivre les recherches. De quels moyens le Gouvernement compte-t-il donc doter nos instituts de recherche ? Et quelle coordination scientifique vous paraît nécessaire au niveau européen, sinon mondial ?

C'est aussi en apportant des réponses claires à ces questions que nous redonnerons confiance à nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Didier Julia - J'espère deux réponses claires à deux questions brèves, Monsieur le ministre. Mon collègue Sauvadet a opportunément rappelé que 21 % de la viande bovine que nous consommons est importée et provient de pays qui continuent de nourrir leurs bêtes de farines carnées, parfois non sécurisées. Le respect du consommateur, particulier ou restaurateur, impose de prévoir l'étiquetage obligatoire, indiquant la provenance de la viande. Quant aux bouchers, ils doivent pouvoir disposer de la liste des pays qui utilisent ces farines et l'afficher.

Les poissonniers et les restaurateurs doivent aussi être en mesure d'indiquer au consommateur si le poisson proposé est sauvage ou s'il a été élevé avec des farines carnées, sécurisées ou non. Il y a une différence entre un saumon norvégien gavé de farine carnée non sécurisée et un poisson originaire d'un autre pays, plus respectueux des règles de sécurité ! Et il en va de même pour les poulets : les bouchers, les poissonniers et les restaurateurs doivent pouvoir afficher l'origine exacte de leurs produits et le mode d'alimentation dont ils ont fait l'objet. J'attends de vous, Monsieur le ministre, une réponse claire car il s'agit d'une question essentielle (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Michel Marchand - Les Verts se réjouissent que le Parlement, face à la psychose qui s'est emparée de la population, se saisisse enfin des questions de sécurité alimentaire.

Depuis quelques semaines, nombre de nos concitoyens boycottent la viande de b_uf et certains parents n'ont pas hésité à retirer leurs enfants des cantines scolaires. Il convient donc de tout faire pour éviter que la peur ne se développe, d'autant qu'elle est souvent irrationnelle. Du reste, l'affaire du sang contaminé est encore dans tous les esprits et ce sont les mêmes questions qui se posent aujourd'hui : quelle est la nature exacte du risque encouru ? Comment protéger nos enfants ? Nous dit-on toute la vérité ? Le temps où les nuages radioactifs s'arrêtaient par miracle à nos frontières est révolu : l'opinion publique exige la vérité. Loins de vouloir jouer les Cassandre, les Verts en appellent aujourd'hui à la responsabilité des pouvoirs publics et plaident pour une application stricte du principe de précaution. Ils rappellent aussi que la santé humaine n'a pas de prix et que les intérêts économiques ne doivent jamais prendre le pas sur les objectifs de santé publique.

La loi du 1er juillet 1998, qui a amené la création de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, a jeté les bases d'un système pertinent de prévention sanitaire. Cependant, dans la crise actuelle, elle a été saisie trop tardivement et la population aurait été plus rassurée si des mesures probatoires avaient été adoptées sans délai.

De même, pour ce qui concerne les organismes génétiquement « manipulés », nous avons dénoncé la décision de 1998 autorisant la mise en culture de maïs transgénique...

M. le Ministre - Moi aussi, en tant que parlementaire ! (Sourires)

M. Jean-Michel Marchand - ...et notre Assemblée a adopté le 7 novembre dernier une résolution demandant au Gouvernement de s'opposer à la mise sur le marché de tout OGM, tant que l'analyse des risques n'aura pas donné de résultat probant. C'est pourquoi il faut revenir sur l'arrêté de 1998 et instaurer un moratoire pour toutes les espèces, maïs inclus. A cet égard, la décision du Conseil d'Etat sur la légalité de l'arrêté ministériel de 1998 n'est pas acceptable en ce qu'elle ne tient aucun compte de l'aspiration profonde de l'opinion publique à la sécurité alimentaire. Doit-on rappeler que les Etats-Unis eux-mêmes envisagent de durcir leur politique en la matière ?

Pour novatrice qu'elle soit, la loi du 1er juillet 1998 relative à la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme ne tient pas suffisamment compte des risques liés à la dégradation de l'environnement et l'agence de sécurité sanitaire environnementale, dont la création est en débat, tend à y remédier. Ses compétences doivent couvrir un large spectre et ne pas se restreindre à de simples autorisations de mise sur le marché. En effet, la France accuse un retard certain au regard des normes de l'OMS et des substances telles que la dioxine montrent qu'il n'est pas raisonnable de dissocier sécurité de l'environnement et sécurité alimentaire. Ainsi, un rapport récent de la direction générale de l'alimentation a établi qu'un enfant soumis à un régime alimentaire banal subissait une contamination deux fois supérieure à la norme admissible.

Listeria, salmonelle, prions, hormones, nitrate, plomb... dans l'imagination des consommateurs, ces différents poisons entretiennent l'inquiétude. Nous devons agir en amont et cesser d'opposer la logique économique aux attentes de la société. La France doit mettre sans délai un terme aux désordres sanitaires liés aux risques environnementaux : à ce titre, les députés Verts souhaitent que des mesures urgentes soient prises dans le domaine de l'alimentation et que le Gouvernement fasse de leurs réflexions sur l'environnement une priorité législative.

M. Hervé de Charette - La crise bovine frappe tous les esprits car la France est l'un des premiers terroirs du monde capable de rivaliser avec les meilleurs. Ainsi, la région dont je suis l'élu est la première région d'élevage bovin en France. Le drame qui plonge aujourd'hui les éleveurs dans le désarroi n'a rien à voir avec la crise de 1996, importée du Royaume-Uni. Il suffisait alors de fermer les frontières pour se protéger. A l'inverse, force nous est faite aujourd'hui de reconnaître que la crise actuelle, qui ébranle la confiance du producteur comme du consommateur, est une crise nationale, spécifiquement française. Dès lors -et je le dis sans esprit de polémique- le plan du Gouvernement est-il à la hauteur de l'enjeu ? Face aux différentes aides envisagées pour tenter de compenser les pertes, la FNSEA a parlé de plan en trompe-l'_il et je concède pour ma part que le volume des crédits mobilisés ne me semble pas prendre la mesure de la crise.

L'agriculture française se trouve au surplus confrontée à un nouveau défi : elle doit produire elle-même les protéines végétales destinées à se substituer aux protéines animales utilisées jusqu'à présent. Or, nous sommes à cet égard enserrés dans un dispositif réglementaire manifestement inadapté car la situation a radicalement évolué. Il y aurait tout lieu de considérer que nous sommes confrontés à un cas de force majeure, face auquel la France et l'Europe doivent se mobiliser.

Le Gouvernement ne doit pas compter sur le temps qui passe pour surmonter la crise : il doit renforcer les tests et les mesures de contrôle et ne pas s'en remettre à des effets d'annonce dont chacun sait qu'ils ne déboucheront sur rien. A quoi bon, eu égard aux délais de réaction de nos administrations, annoncer un plan pluriannuel de recrutement de trois cents vétérinaires inspecteurs ? Il faut agir vite et avec plus de fermeté ! La traçabilité ne suffit plus : le producteur doit être en mesure de garantir au consommateur que le mode d'alimentation de ses bêtes est conforme aux prescriptions sanitaires les plus strictes. Je préconise à cet égard que soit institué un cahier des charges de la production bovine nationale, élaboré conjointement par des représentants des consommateurs et des éleveurs et soumis au contrôle d'un organisme certificateur indépendant. Je souhaite que vous puissiez, Monsieur le ministre, me recevoir à ce sujet car cette évolution me semble susceptible de concourir au rétablissement de la confiance. Je l'ai du reste mise au point avec plusieurs élus de ma région.

Je constate enfin que quatre ministres nous ont fait l'honneur de nous rencontrer ce matin : ne serait-il pas temps de désigner un responsable unique de la sécurité alimentaire, doté de moyens suffisants ? Je souhaite, Monsieur le ministre, que vous fassiez part de cette observation, qui n'est dirigée contre personne, à M. le Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Alain Rodet - La réunion qui s'est tenue mardi dernier sous l'égide de l'Office d'évaluation des choix scientifiques a permis d'avancer, mais aussi de rassurer certains esprits, notamment grâce aux contributions de chercheurs de l'INSERM ou de M. Fischler. Savoir ce qu'il convient de faire aujourd'hui face à la crise est donc la question principale pour les scientifiques, pour les éleveurs bovins et pour nos partenaires européens. A propos des Etats-Unis, je rappelle qu'il existe là-bas des milliers de cas d'ESB, dont on se garde bien de parler. On a entendu vanter la Food and Drugs administration, mais jamais dénoncer l'absence de dépistage de l'ESB aux Etats-Unis où, par ailleurs, certaines pratiques d'élevage sont inquiétantes.

D'autre part, nous avons tous envoyé nos enfants effectuer des séjours linguistiques en Grande-Bretagne. Est-ce à dire que nous sommes des assassins ? Il faut replacer la crise dans son contexte, en rappelant qu'elle trouve son origine dans la prétendue logique libérale des années Thatcher, qui a baissé la garde sur les farines animales et sur les contrôles dans les abattoirs. M. Major l'a d'ailleurs reconnu.

La crise est aussi un désastre, dont les éleveurs sont les premières victimes, pour la filière bovine française. Ni les grosses ficelles européennes ni l'illusion protectionniste n'y pourront changer grand-chose. En outre, certains responsables agricoles dont les présidents de la FNSEA et de la Fédération nationale bovine ont accru le doute et la suspicion par leurs déclarations consternantes et démagogiques. Puis, en quinze jours, ils ont changé d'avis et rejettent en bloc les propositions du Gouvernement. Mais il n'est pas rare que les pyromanes reviennent sur les lieux du sinistre, munis de la grande échelle des pompiers ! Au-delà de cette provocation, il faut mesurer les dégâts dans l'opinion publique et les risques pour nos exportations intra-communautaires, en particulier vers l'Italie : le principe de précaution terrasse aujourd'hui le principe de vérité. Il faut répondre dans l'urgence à des questions multiples. Vous avez évoqué une amélioration du plan gouvernemental...

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Alain Rodet - Il faudrait aussi mener une action énergique en Europe en particulier avancer le Conseil des ministres agricole et sensibiliser le Parlement européen dont la présidence est française, à la question ... Une action de promotion est également nécessaire : l'interdiction de la viande de boeuf ne constituera jamais une solution satisfaisante.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Alain Rodet - Si vous complétez votre plan d'action, il convient d'être attentif aux problèmes des abattoirs publics, du traitement des déchets d'abattoir et de l'élimination des 250 000 tonnes de stocks de farines.

M. le Président - M. Rodet, je vous prie maintenant de conclure !

M. Alain Rodet - Surtout, il faut obtenir très rapidement la levée de ces mesures d'embargo par le premier pays importateur de nos jeunes bovins, l'Italie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Patrick Ollier - M. Rodet ferait bien de s'informer auprès des représentants de la filière limousine ! Le Président de la République a eu raison de demander l'interdiction des farines animales, et le Gouvernement d'accéder à sa demande. Nous vous soutenons dans l'application de cette mesure. Puisque l'on sait qu'il est possible de les remplacer par des oléagineux, il faut y encourager les Etats de l'Union. Est-ce prévu, et si oui, dans quelles conditions ? Ne faut-il pas augmenter dès 2002 le niveau du paiement à l'hectare, ce qui est compatible avec les accords de Blair House ? Il faut en tout cas soutenir la diversification des assolements, et préparer pour 2002 un filet de sécurité qui soit à même d'apporter les garanties adaptées. Il faut favoriser le gazole éthylique, accorder des exonérations de TIPP et une réglementation de l'usage des produits propre à protéger l'environnement. S'agissant de la France, je ne vous interrogerai pas sur la destruction des stocks de farines, mais sur les protéagineux. 400 000 hectares peuvent être mis en culture, et la même surface de terres aujourd'hui en jachère peut être plantée d'oléagineux. Mais ceci implique d'obtenir des autorisations à Bruxelles.

Vous avez eu, Monsieur le ministre, quelques difficultés avec nos collègues européens. Il faut être vigilant. Les cultures protéagineuses ne s'imposeront au niveau communautaire que si le développement des tests révèle des cas nouveaux d'ESB, dans des pays considérés jusqu'à présent comme épargnés par la maladie. La France doit demeurer très ferme dans sa volonté d'ouvrir cette voie.

Pour conclure, vous ne ferez pas l'économie d'un nouveau conseil des ministres de l'agriculture. La date du 4 décembre a été évoquée. Pourriez-vous nous la confirmer, et éviter ainsi que la vache folle ne s'invite à Nice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. Daniel Vachez - La crise de la vache folle a pris, depuis quelques années, une dimension nouvelle, que l'on pourrait juger disproportionnée au regard des connaissances scientifiques.

Cette crise n'est pas la première que nous traversons dans le domaine alimentaire, mais son ampleur s'explique sans doute par un phénomène d'accumulation sans parler des images terribles diffusées par la télévision. Surtout, elle révèle une véritable crise de confiance entre les Français et leur alimentation. Le consommateur ne sait plus s'il peut ou non consommer du b_uf, et, plus généralement, ce qu'il peut manger sans risque. Il a ainsi le sentiment de ne plus contrôler son alimentation.

Face à l'inquiétude générale, le Gouvernement a tenu à rappeler quelques vérités scientifiques. Il est bon, en effet, de redire que l'épidémie d'ESB en France n'est nullement comparable à celle que connaît l'Angleterre, puisqu'on dénombre 1 000 fois moins de vaches infestées en France qu'au Royaume-Uni.

Il est bon de dire également que la chaîne alimentaire a fait l'objet de mesures de précaution appropriées en fonction de l'état des connaissances.

Enfin, il faut répéter que le risque est beaucoup moins grand aujourd'hui de mourir de la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, que d'un accident de la route ou d'un accident domestique, ces derniers provoquant plus de 18 000 décès chaque année.

Force est pourtant de constater que ce discours « raisonnable » n'est pas entendu par une grande partie des consommateurs. Mais l'émotion et l'irrationnel se comprennent lorsque l'on touche à un domaine aussi essentiel et aussi symbolique que l'alimentation. Notre rôle politique est de répondre à ces appréhensions légitimes par un langage de vérité, ce qui implique d'informer le consommateur de l'état des connaissances scientifiques sur les risques encourus et de permettre ainsi à chacun de déterminer, en toute connaissance de cause, les comportements alimentaires de son choix.

Encore faut-il que le consommateur dispose d'informations suffisantes sur l'origine et la qualité des produits qu'il achète. A cette fin, il faudra renforcer la traçabilité ; améliorer l'étiquetage ; promouvoir notre politique de labellisation.

En ce qui concerne la traçabilité, des mesures très importantes ont déjà été prises, dont nous avons pu récemment constater l'efficacité, même si les médias ne rendent pas toujours très clairement compte des procédures. Ne serait-il pas possible d'aller plus loin, notamment en identifiant l'origine et la qualité des viandes qui entrent dans la composition de plats cuisinés ou élaborés à base de b_uf et en assurant aux consommateurs que ceux-ci ne comprennent que des morceaux composés à 100 % de muscle ?

En matière d'étiquetage, ne faudrait-il pas obliger les fabricants à mentionner la viande de b_uf lorsque celle-ci entre dans la composition d'un produit, même en faible quantité ?

Enfin, sachant que plus de 90 % des vaches françaises atteintes de l'ESB sont des vaches laitières, et que les races à viandes dites « vaches allaitantes » ont été très majoritairement épargnées par l'épidémie, ne faudrait-il pas mieux informer les consommateurs à ce propos ? Or, les mentions « race à viande » ou « race laitière » ne sont obligatoires que sur les emballages des morceaux non transformés. Du fait de l'adjonction de condiments, le carpaccio de b_uf ou les « viandes à pierrade » y échappent, de même que la viande hachée. De plus, ces mentions ne sont pas assez lisibles et surtout mal connues des consommateurs.

Par ailleurs, le seul label officiel apportant des garanties d'élevage traditionnel est le « label rouge », mais autant il est répandu pour les volailles, autant il est absent pour la viande bovine dans les étalages des grandes surfaces. Il faut le promouvoir.

En effet, nous ne sortirons de cette crise que par le haut, c'est-à-dire grâce à une amélioration globale de la qualité. A cet égard, la question de la responsabilité de la grande distribution mérite d'être posée. Les pressions exercées pour obtenir les plus bas prix n'ont-elles pas conduit à sacrifier la qualité, et par là même à mettre potentiellement en danger la santé des consommateurs, notamment les plus modestes ?

Plus généralement, c'est bien la fuite en avant vers toujours plus de productivité et de profit qui porte en germe les dérives que nous connaissons aujourd'hui. C'est cette logique économique d'une alimentation abandonnée aux seules forces du marché que nous devons combattre. Dans ce combat, les consommateurs ont un rôle essentiel à jouer car, par leur choix, ils peuvent favoriser tel ou tel mode de production. En leur donnant de nouveaux moyens de contrôle et d'information, nous leur permettrons de l'exercer plus efficacement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Joseph Parrenin - Cela fait déjà quelques années qu'a commencé la « crise de la vache folle », à l'occasion de laquelle les consommateurs ont appris avec stupéfaction que l'on nourrissait des herbivores avec des dérivés de viandes. Plus récemment, la contamination d'élevages de porcs et de poulets par des dioxines est venue à nouveau jeter l'inquiétude sur certains produits agroalimentaires comme sur certaines méthodes de production. Des épidémies de listeria en décembre 1999 et en février 2000 ont encore avivé les craintes.

La sécurité alimentaire est ainsi devenue, depuis quelques années, une préoccupation unanime. Le ministre de l'agriculture a donc raison d'en faire une priorité absolue. Les consommateurs s'interrogent et remettent en cause les conditions de production et de transformation des denrées alimentaires, tant au regard de la santé des personnes que de celui de la protection de l'environnement et de la qualité gustative des produits.

Ces dernières semaines ont été marquées par la découverte de nouveaux cas d'ESB, résultats d'un dépistage de plus en plus fréquent. Nous avons aussi parfois assisté à l'exploitation politicienne d'une situation grave qui a eu pour résultat la psychose des consommateurs. Il y a d'un côté les pyromanes et de l'autre les pompiers ; il est plus aisé de faire partie du premier groupe... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR)

Monsieur le ministre de l'agriculture, vous avez déjà annoncé un certain nombre de mesures et d'autres suivront. Vous avez aussi évoqué les négociations difficiles avec nos partenaires européens. Il est vrai que certaines déclarations du chef de l'Etat et du président du plus grand syndicat agricole étaient de nature à jeter le trouble... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) Il n'empêche que s'il est un dossier qui doit être traité au niveau européen, c'est bien celui de la sécurité alimentaire. L'Europe devra être au c_ur du dispositif de gestion de la crise.

Les consommateurs comme les producteurs veulent une autre politique agricole que celle dictée par la seule logique du profit et de la productivité, de la quantité au détriment de la qualité. Nous voulons protéger la qualité ancestrale de notre nourriture, la diversité de nos terroirs et notre richesse gastronomique.

Quelles initiatives allez-vous donc prendre au niveau national mais aussi européen pour que les orientations de l'agriculture de demain soient bien celles de la loi d'orientation agricole ? Loi que tout le monde n'a pas votée, c'est dommage.

M. Thierry Mariani - Elle ne marche pas, voyez les CTE !

M. Joseph Parrenin - Pensez-vous que nos partenaires européens soient aujourd'hui plus proches de la conception de l'agriculture que nous avions défendue alors et que nous continuons à défendre ?

Les députés socialistes sont disposés à agir pour rétablir la confiance des producteurs et des consommateurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Avant de donner la parole aux ministres pour répondre aux orateurs, je dois rappeler que les temps de parole impartis aux uns et aux autres dans le débat de ce matin ont été fixés par la Conférence des présidents de manière que la séance puisse s'achever vers 13 heures.

Il n'est pas simple de rester concis tout en apportant à l'Assemblée une information complète sur des problèmes aussi divers que ceux qui nous occupent ce matin Mais je suis sûr que vous aurez à c_ur d'essayer.

Je donne d'abord la parole à Mme Voynet...

Plusieurs députés RPR - Mais elle n'a rien entendu !

M. le Président - ...qui avait fait savoir qu'elle devait ce matin assister à des obsèques.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Je représentais en effet le Gouvernement aux obsèques de Théodore Monod, mais j'ai été tenue étroitement informée des questions qui m'ont été adressées.

En ce qui concerne les farines animales, sachez que la décision du 14 novembre n'a pas été prise à la légère mais à l'issue d'une évaluation serrée. Cette décision a en effet des conséquences lourdes puisqu'il faudra stocker d'urgence des tonnages considérables de farines -la production est actuellement de 60 000 tonnes par mois- et de graisses -20 000 tonnes- en vue de les détruire, lesquels s'ajoutent aux 130 000 tonnes par an de farines et de graisses issues de matières à risques spécifiés. Pour coordonner l'action des services concernés et assister les préfets dans leur tâche, une cellule interministérielle a été mise en place sous la responsabilité de M. Jean-Paul Proust. Elle bénéficie du soutien actif de mes services et de ceux du ministère de l'agriculture.

Sa première mission est d'identifier les sites de stockage. A ce jour, des sites sont disponibles immédiatement pour stocker 250 000 tonnes de farines et 15 000 tonnes de graisses. Ces capacités de stockage devraient être portées sous trois mois à respectivement 600 000 et 100 000 tonnes.

Les entreprises d'équarrissage avaient dans un premier temps refusé les déchets des abattoirs, faute de précisions sur la répartition des responsabilités, notamment en matière de transports, ainsi que sur le niveau de rémunération de leur prestation. Ces points sont en cours de négociation sous la responsabilité du ministère de l'agriculture. Les premières précisions apportées aux équarrisseurs ont d'ores et déjà débloqué la situation.

Le stockage doit bien entendu s'exercer dans des conditions respectueuses de l'environnement, en évitant toute nuisance et tout risque pour la population. Par circulaire du 15 novembre 2000, des prescriptions techniques ont été adressées en ce sens aux préfets. Il y est notamment précisé que le stockage doit être réalisé dans des lieux couverts, fermés, étanches à l'eau et ventilés. Certaines prescriptions visent aussi à prévenir tout risque d'autocombustion ainsi que l'apparition d'odeurs gênantes. Les entrepôts déjà identifiés sont pour la plupart localisés dans des zones industrielles ou portuaires, ce qui est de nature à réduire les désagréments causés aux riverains. En tout état de cause, je souhaite que le choix des sites se fasse dans la plus totale transparence.

Après le stockage, la destruction. La capacité d'incinération immédiatement disponible est d'environ 530 000 tonnes par an pour les farines. Elle peut être portée en six mois à 850 000 tonnes, sans construction d'équipement particulier mais en intégrant certaines capacités allemandes -intégration qui pourrait être remise en cause si l'Allemagne décidait à son tour d'interdire les farines animales. Les quantités à incinérer sont de l'ordre de 750 000 tonnes par an.

Nos capacités d'incinération des graisses sont, elles, plus limitées : 60 000 tonnes par an, alors que les besoins sont évalués à 270 000 tonnes par an. Il nous faudra donc faire porter l'effort là-dessus. Les compagnies pétrolières et Charbonnages de France ont déjà fait des propositions en ce sens. Elles sont examinées par mes services et par l'ADEME. Je tiens en tout état de cause à préciser que cette incinération n'est pas susceptible d'augmenter significativement les rejets de dioxine : ils n'augmenteraient au plus que d'un gramme par an, à comparer aux deux cents actuels. Les rejets de dioxine sont en effet principalement imputables aux équipements vétustes.

M. Rebillard m'a interrogé sur les alternatives à l'incinération. De fait, j'ai entendu beaucoup de propositions : immersion des déchets, enfouissement dans des terres agricoles, utilisation sous forme de compostage... Mais rien ne paraît apporter le même niveau de sécurité que l'incinération, en termes d'inactivation du prion et d'élimination des capacités infectantes. L'enfouissement dans des terres agricoles est en particulier exclu. On a en effet constaté que des matériaux enfouis conservaient leur pouvoir d'infection au bout de plusieurs années.

L'interdiction des farines animales ne doit bien évidemment pas nous conduire à nous en remettre aux seules OGM, comme s'il n'y avait pas d'autre choix. Ce n'est pas en important du soja américain génétiquement modifié que l'on répondra à l'exigence croissante de sécurité sanitaire, comme à celle de qualité et d'authenticité. N'en déplaise à M. Sauvadet, plus les vaches mangeront d'herbe, plus leur viande sera saine ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF) Mais, pour cela, il nous faut remettre en cause la politique productiviste menée dans le cadre de la PAC. M. Glavany a abordé le sujet ; pour ce qui concerne mon département, une politique qui concentre les aides sur les territoires les plus prospères, qui vide les campagnes et supprime les emplois agricoles ne saurait être considérée comme une politique de développement durable. La loi d'orientation qui va dans un tout autre sens mérite donc notre soutien.

Pour en revenir aux OGM, le Gouvernement a toujours appliqué le principe de précaution en la matière. Dès novembre 1997, un moratoire a été institué sur les espèces « disséminantes » : seule la culture de quelques espèces de maïs génétiquement modifiées a été autorisée, parce que le gouvernement de M. Juppé et de Mme Lepage avait transmis à Bruxelles le dossier les concernant avec un avis favorable. La France avait dès lors compétence liée et ne pouvait plus qu'accorder les autorisations sollicitées. Cependant, comme M. Marchand, je souhaite que ces dernières soient revues, compte tenu des éléments nouveaux intervenus depuis 1997.

Sans étiquetage complet et fiable, le consommateur ne peut choisir librement d'acheter ou de ne pas acheter des produits génétiquement modifiés. Soutenue par l'Italie, le Danemark, la Grèce et le Luxembourg, La France a donc demandé, lors du conseil des ministres de l'environnement de juin 1999, un moratoire sur l'ensemble des nouvelles autorisations d'OGM aussi longtemps que les mécanismes de traçabilité ne seraient pas au point. Ce moratoire est maintenant effectif. Par ailleurs, la directive qui réglemente la dissémination des OGM est en cours de révision, pour une application plus stricte du principe de précaution et pour la mise en _uvre d'une procédure de bio-vigilance. Cette révision entre dans sa phase finale et il s'agit maintenant de concilier le texte proposé par le Conseil -sur lequel la France s'est abstenue, le jugeant trop peu contraignant- et celui qu'a voté le Parlement européen en deuxième lecture -considérablement affaibli par rapport à celui de première lecture, du fait de la nouvelle majorité conservatrice... (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Voyez ce qu'ont voté vos amis !

M'appuyant sur la résolution que vous avez votée à l'initiative de Mme Aubert, je ne ménage pas mes efforts pour préserver les quelques avancées proposées par le Parlement européen -définition d'un calendrier d'élimination des gènes marqueurs de résidus d'antibiotiques, création de registres retraçant la localisation des cultures d'OGM- et pour obtenir le rejet des dispositions laxistes. Cette conciliation devrait aboutir avant la fin de la présidence française. En tout état de cause, le moratoire restera en place tant que la traçabilité ne sera pas acquise et que le régime de responsabilité pour les dommages causés aux tiers et à l'environnement par la dissémination d'OGM ne sera pas défini.

A l'échelle mondiale, un protocole de « bio-sécurité », adopté en janvier à Montréal vise à réglementer le commerce des OGM. La France a joué dans cette affaire un rôle majeur, contre les pays exportateurs regroupés autour des Etats-Unis. En outre, j'ai proposé d'accueillir, dans deux semaines, à Montpellier, la première conférence intergouvernementale chargée de l'application de ce protocole.

Monsieur Cardo, la contamination à laquelle vous avez fait allusion est due à l'épandage d'eaux urbaines non traitées, et non à des boues de stations d'épuration. Le Gouvernement a interdit cette pratique, qui durait depuis un siècle, et il a interdit la production maraîchère, certains légumes ayant une forte concentration en métaux lourds. Un plan de reconversion des agriculteurs concernés est mis en _uvre : il doit être financé par le syndicat des eaux à l'origine de cette pollution et, à 30 %, soit 12 millions, par l'Etat.

Pour ce qui est des boues, nous avons fixé pour la première fois la teneur maximale de métaux et défini des moyens de contrôle, cela dans un décret de 1997 et dans un arrêté de janvier 1998. Les boues non conformes à ces normes doivent être incinérées, les cendres devant être mises en décharge de classe 1, comme déchets ultimes. En revanche, pour les autres, l'épandage agricole apparaît comme une utilisation économiquement rationnelle. Le ministère de l'agriculture et le mien ont préparé, entre tous les acteurs concernés, un accord qui vise à couvrir les risques éventuellement encourus par les éleveurs et qui pourra sans doute être signé aussitôt après l'élection des nouvelles chambres d'agriculture.

Pour ce qui est des sites pollués, vous pouvez consulter sur le site Internet du ministère un début d'inventaire. Il existe actuellement 65 000 installations soumises à autorisation et 500 000 soumises à déclaration. Les inventaires historiques d'anciens sites industriels devraient en recenser plus de 400 000, d'autre part. Nous recherchons les informations éparses afin de les identifier, puis nous établirons pour chacun un diagnostic pour définir les priorités de traitement -et cette réhabilitation peut impliquer des travaux très lourds, comme à Salsignes où la seule première tranche reviendra à 200 millions.

Le programme pluriannuel de diagnostic des pollutions du sol porte sur plus de 1 300 sites en activité ; il s'achèvera en 2001. Quant à l'inventaire historique, commencé en 1998, il devrait être mené à terme en 2004.

Du point de vue juridique, s'il existe un propriétaire des lieux, nous pourrons le mettre en demeure de faire réaliser des travaux. Dans les autres cas, c'est l'ADEME qui met le site en sécurité grâce au fonds de gestion des sites pollués. Reste le problème de la responsabilité des actionnaires d'une filiale à l'origine de telles pollutions : l'inspection générale des finances et le conseil général des mines travaillent à le régler, afin que des entreprises indélicates ne puissent plus s'exonérer de leurs responsabilités par ce biais.

Enfin, l'Assemblée et le Sénat ont examiné en première lecture le projet de création d'une agence de la sécurité sanitaire et de l'environnement. Je souhaite que la deuxième lecture intervienne le plus rapidement possible et je ne doute pas que vous aurez à c_ur de hâter la constitution de cet outil à l'évidence nécessaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - Je m'attacherai à répondre avant tout à ceux qui ont posé des questions relatives à la sécurité sanitaire : MM. Gaubert, Marchand et Vachez.

La santé publique est une priorité pour ce gouvernement, indéniablement. Chaque fois qu'apparaît un risque majeur, notre politique consiste à prendre les décisions qu'appelle le scénario le plus pessimiste, puis de les réévaluer régulièrement en fonction de l'avancée des connaissances scientifiques. Nous avons ainsi pu anticiper sur la concrétisation des risques.

Les maladies à prion, toujours mortelles, sont évidemment au premier rang de nos préoccupations. Cet agent infectieux résiste aux traitements physiques ou chimiques qui ont raison des bactéries et virus, et a des propriétés qui demeurent mystérieuses, qu'il s'agisse de sa structure, de son mode de diffusion dans l'organisme ou de son action sur les tissus nerveux. Les modes de transmission restent mal connus, également, mais l'effondrement de trois dogmes longtemps prévalants en la matière doit nous inciter à la plus grande prudence : il est maintenant avéré que la barrière de l'espèce n'est plus infranchissable et que l'on a sous-estimé la possibilité de transmission par voie orale ou via les organes lymphoïdes ; quant à la durée d'incubation, les incertitudes demeurent grandes. On avance qu'elle pourrait être de dix à trente ans, voire davantage. Seul un plus grand recul ou une meilleure connaissance des mécanismes physiologiques permettront une appréciation plus précise. Pour l'instant, tout ce que nous pouvons conclure à partir des cas découverts en Grande-Bretagne, c'est que l'incubation serait au minimum de douze ans.

Nous avons mis en place un système de vigilance et de surveillance des variantes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, en nous appuyant sur le réseau multidisciplinaire créé en 1998 autour de l'INSERM 360, qui réunit des neurologues, neuropathologistes et biologistes. La déclaration de la maladie de Creutzfeldt-Jakob est obligatoire depuis 1996 et nous avons renforcé le réseau national de surveillance, dont le rôle s'inscrit dans une action concertée au niveau européen.

Dans la mesure ou l'on ne peut encore cerner le risque épidémiologique, nous devrons _uvrer de concert avec la communauté scientifique, qui nous fait bénéficier de ses découvertes progressives. Le programme national de recherche sur les maladies à prion a été annoncé dès 1996 ; de 1997 à 2000, il a mobilisé plus de 140 millions de crédits publics et de nombreux chercheurs. Le Gouvernement a décidé de tripler l'effort de recherche à partir de 2001. Notre priorité est la mise au point de nouveaux tests de détection et procédés thérapeutiques. Nous voulons aussi développer la recherche épidémiologique sur les maladies à prion, rechercher des modes d'élimination des farines animales alternatifs à l'incinération et renforcer la coordination des organismes de recherche. De plus, le 16 novembre dernier, le conseil Recherche a incité la Commission européenne à créer un groupe d'experts pour dresser le bilan des recherches sur l'ESB et la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

Monsieur Vachez, certes nous avons fait des progrès immenses en matière de sécurité sanitaire, mais nos concitoyens refusent le risque alimentaire. Le Gouvernement s'emploie à satisfaire cette exigence. Les nouveaux cas de variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob sont dus à des contaminations anciennes, survenues alors qu'on ne pensait pas que la maladie pouvait franchir la barrière des espèces. Aujourd'hui, le risque que représente la maladie de la vache folle pour la santé humaine est certain, mais imprécis ; il sera précisé au fur et à mesure de la progression de nos connaissances scientifiques et épidémiologiques. C'est pourquoi toutes les mesures que nous prenons pour lutter contre ce risque sont soigneusement pesées... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - Monsieur Lajoinie, le marché est libre, c'est vrai, mais il y a quand même des contrôles : les services douaniers en ont réalisé près d'un million sur le respect de l'embargo. Bien sûr, le contrôle étant aléatoire, il faut faire progresser l'action européenne tant pour l'évaluation du risque qu'en matière de réglementation. C'est ce à quoi nous nous employons.

Monsieur Vachez, la crise de confiance est incontestable. Néanmoins il n'y a pas d'éléments nouveaux qui justifient les inquiétudes soudaines sur la viande bovine. Une campagne d'information a été lancée par le Gouvernement, par voie de presse et par un numéro vert. Je rencontrerai vendredi matin les associations de consommateurs car il convient que le dialogue soit permanent.

A M. Julia, je répondrai qu'il est en effet légitime que le consommateur puisse savoir si le poisson qu'il achète est d'élevage ou non. Le Gouvernement est prêt à dialoguer avec les professionnels pour mettre au point une réglementation.

M. Sarre nous a interrogé sur la gestion du risque et de sa perception. Scientifiquement, en effet, on gère le risque, mais politiquement, on gère aussi la perception du risque. C'est bien ce qu'a fait le Gouvernement en interdisant les farines animales. Le dialogue avec la société civile doit déboucher très prochainement sur les états généraux de l'alimentation.

Monsieur Sauvadet, oui, bien sûr, la sécurité alimentaire doit être la même pour tous. La concurrence entre les entreprises ne doit jouer que sur la qualité du service (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre de l'agriculture et de la pêche - Ne disposant que de quelques minutes, je me limiterai à trois points.

Un : le modèle agricole.

J'entends dire que tout cela ne serait pas arrivé si tout le monde s'était engagé dans une démarche de qualité et si toutes les vaches avaient mangé de l'herbe. Certes. Cependant je n'irai pas jusqu'à la proposition d'Hervé de Charrette, qui m'évoque le Gosplan... Si je le suivais, nul doute que l'opposition me reprocherait de suradministrer l'agriculture française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). En revanche, je vous demande de m'aider à faire marcher le CTE. Si je vous propose un CTE pour les éleveurs bovins comportant un engagement dans une démarche de qualité et un volet environnemental « herbe », je suppose que vous allez en faire signer par milliers dans vos circonscriptions ! Eh bien, allons-y ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Deux : le programme de tests.

J'ai donné le calendrier. L'extension au territoire national : c'est fait depuis une quinzaine de jours. L'ouverture aux nouveaux tests : c'est fait depuis quelques jours. L'extension à l'entrée des abattoirs : ce sera fait au début de janvier. Nous sommes donc des précurseurs. Pourquoi faisons-nous des tests ? Pour savoir, pour mieux connaître l'épizootie. Il faudra en tirer les leçons : lorsqu'à la mi-décembre, les scientifiques nous donneront une première évaluation à partir des 15 000 ou 20 000 premiers tests, ce sera une deuxième opération vérité. On verra en effet que le cheptel n'est pas touché de manière uniforme.

Trois : les protections à l'importation.

Il faudrait procéder, pour le porc et la volaille, comme nous l'avons fait pour la viande bovine. C'est en bonne voie pour le porc, et l'interprofession s'apprête à instituer un étiquetage « viande porcine française ».

M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Ministre - Il reste à parvenir au même résultat pour la volaille. Il faut, aussi, lutter pour obtenir l'harmonisation des règles européennes. J'étais seul à me battre à ce sujet il y a un an, je le suis un peu moins maintenant.

M. François Sauvadet - Nous y étions favorables nous aussi.

M. le Ministre - La nécessité d'interdire les farines animales vous est apparue il y a peu. Quoi qu'il en soit, il le faut. J'en appelle, en outre, à la responsabilité des importateurs, et à celle des consommateurs. Pourquoi importer de la viande bovine allemande, les mesures de sécurité prises en Allemagne étant ce qu'elles sont, alors que la filière française est sinistrée ? Et l'étiquetage étant acquis, grâce à l'action du Gouvernement, les consommateurs doivent s'astreindre à choisir ce qu'ils achètent ! Si cette crise a pour conséquence de susciter une consommation « citoyenne », nous avons progressé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour arrêté ce matin en Conférence des présidents pour les séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 15 décembre inclus sera annexé au procès-verbal de la présente séance.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 15 décembre inclus, a été ainsi fixé en Conférence des présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, en nouvelle lecture ;

      _ Texte de la commission mixte paritaire sur la proposition relative à la contraception d'urgence ;

      _ Deuxième lecture du projet portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural ;

      _ Deuxième lecture de la proposition relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

MERCREDI 29 NOVEMBRE, à 9 heures, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ Projet relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

JEUDI 30 NOVEMBRE, à 9 heures :

      _ Suite du projet relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception ;

à 15 heures et à 21 heures :

      _ Eventuellement, suite du projet relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception ;

      _ Projet, adopté par le Sénat, relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

MARDI 5 DÉCEMBRE, à 9 heures :

      _ Proposition de M. Bernard ACCOYER et plusieurs de ses collègues relative à la conduite automobile sous l'emprise de stupéfiants ;

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution).

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception ;

      _ Lecture définitive du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ;

      _ Projet, adopté par le Sénat, portant habilitation du Gouvernement, à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en _uvre certaines dispositions du droit communautaire.

MERCREDI 6 DÉCEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ Nouvelle lecture du projet relatif à l'archéologie préventive ;

      _ Projet de loi de finances rectificative pour 2000.

JEUDI 7 DÉCEMBRE, à 10 heures :

      _ Proposition, adoptée par le Sénat, tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine ;

(Ordre du jour complémentaire)

à 15 heures et à 21 heures :

      _ Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2000.

MARDI 12 DÉCEMBRE, à 9 heures :

      _ Proposition de M. Alain BOCQUET et plusieurs de ses collègues tendant à créer une allocation d'autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans ;

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution).

à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

      _ Deuxième lecture de la proposition tendant à la création d'une agence française de sécurité sanitaire environnementale ;

      _ Texte de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la proposition de loi organique destinée à améliorer l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française ;

à 21 heures :

      _ Eventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi ;

      _ Texte de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de transports.

MERCREDI 13 DÉCEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ Projet portant réforme des tribunaux de commerce ;

      _ Projet modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise ;

      _ Projet de loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature et instituant le recrutement de conseillers d'appel exerçant à titre temporaire.

(Ces trois textes faisant l'objet d'une discussion générale commune).

JEUDI 14 DÉCEMBRE, à 9 heures :

      _ Proposition de Mme FRAYSSE et plusieurs de ses collègues tendant à améliorer l'accès aux fonctions électives locales ;

(Ordre du jour complémentaire)

à 15 heures :

      _ Texte de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en _uvre certaines dispositions du droit communautaire ;

      _ Éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;

à 21 heures et éventuellement VENDREDI 15 DÉCEMBRE, à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

      _ Texte de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2001.


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