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Session ordinaire de 2000-2001 - 39ème jour de séance, 88ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 7 DÉCEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

Sommaire

          COMMUNAUTÉ URBAINE 2

La séance est ouverte à dix heures trente.

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        COMMUNAUTÉ URBAINE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois - Le texte que nous examinons ici dans le cadre de la séance réservée à l'initiative parlementaire devrait nous réunir : le Sénat l'a en effet adopté à l'unanimité le 15 juin dernier. Cette proposition vise à permettre aux conseillers d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille de siéger au sein des conseils de communautés urbaines. La loi du 12 juillet 1999, en créant les communautés d'agglomération, a renforcé la coopération intercommunale. Une cinquantaine de communautés d'agglomération ont vu le jour et deux communautés urbaines se sont constituées -celles de Nantes et de Marseille. La question de l'élection des membres de leurs organes délibérants s'est posée lors de l'élaboration de la loi : l'importance de ces structures justifie que les citoyens disposent d'un droit de regard. Néanmoins, leur élection au suffrage universel direct soulève des difficultés. Un compromis, proposé par les sénateurs, aux termes des articles L. 5211-6 et L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales prévoit que l'organe délibérant est composé de délégués élus par les conseils municipaux parmi leurs membres. Les communes ne peuvent donc plus, comme la loi les y autorisait, à désigner tout citoyen réunissant les conditions requises pour faire partie d'un conseil municipal.

L'objet de cette proposition est très simple. Les conseillers d'arrondissements sont des élus, qui interviennent dans des domaines intéressant les citoyens au quotidien sur une partie du territoire de la commune et qui participent pleinement à sa gestion et à son développement. Leur permettre de siéger au conseil d'une communauté urbaine se justifie d'abord par la nature particulière de ces communautés qui sont dotées de compétences nombreuses et importantes pour un large territoire. Les communautés urbaines sont le stade ultime de la coopération intercommunale. Regroupant des ensembles de plus de 500 000 habitants, elles prennent place parmi les grandes agglomérations européennes.

Ensuite, les conseillers d'arrondissement bénéficient d'une expérience appréciable. Au sein des communautés urbaines, Lyon et Marseille ont un statut particulier. Paris, elle, ne fait encore partie d'aucune structure intercommunale, même si une telle évolution fait partie des souhaits de tous les candidats à la mairie. La loi du 31 décembre 1975 et celle du 31 décembre 1982 « PLM » ont donné un statut particulier à ces trois communes, créant des conseils d'arrondissement dont les membres sont élus lors des élections municipales. Leur légitimité est donc indéniable, renforcée par leur action toujours très proche des citoyens. M. Muselier, qui a exercé ces fonctions, me faisait récemment part de la richesse de cette expérience.

Enfin, cette proposition règle une difficulté pratique. L'effectif complet d'un conseil municipal peut être inférieur au nombre des représentants de la commune dans la communauté urbaine. Le cas n'est pas loin de se poser à Marseille, qui compte 101 conseillers municipaux et serait amenée à désigner 107 délégués si la communauté s'élargissait à l'ensemble du bassin de population.

Ce texte a été rejeté hier en commission. Cela m'a d'autant plus surpris qu'il a fait l'unanimité autant au Sénat que sur le terrain.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - Quel terrain ?

M. le Rapporteur - Député du Vaucluse, je puis vous assurer que la plupart des élus des Bouches-du-Rhône, de quelque parti qu'ils soient, y sont favorables.

M. Queyranne, s'il a voulu présenter quelques arguments contre cette proposition au Sénat, a d'abord dû reconnaître que la loi du 12 juillet 1999 avait omis de traiter le cas particulier de Paris, Lyon et Marseille. Il a aussi dû reconnaître la légitimité des conseillers d'arrondissement. Il est difficile de soutenir l'inverse quand ils sont élus le même jour que les conseillers municipaux en vertu du même suffrage universel direct... Et si le groupe socialiste leur dénie cette légitimité, je lui en laisse la responsabilité. Il est vrai que Paris ne fait pas partie d'une communauté d'agglomération, mais tous les candidats l'envisagent. Par ailleurs, on pourrait, pour répondre à la difficulté que constitue le nombre insuffisant des conseillers municipaux, diminuer le nombre des délégués de chaque commune, mais cela reviendrait à réduire encore le poids des petites communes dans la communauté... Enfin, à l'heure où l'on fustige le cumul de mandats, cette proposition a le mérite de répondre aux attentes des Français et de répartir un peu mieux les responsabilités.

M. le Président de la commission - Vive le non-cumul !

M. le Rapporteur - Exactement.

Malgré l'opposition de la commission à ce texte, je vous demande donc, à titre personnel, de suivre les sénateurs de gauche et de droite et de le voter pour rendre l'exercice de la démocratie meilleur et les citoyens plus proches de leurs représentants à Paris, Lyon et Marseille (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Paris, Marseille et Lyon ne sont pas des communes comme les autres. Elles sont dotées d'une organisation à deux niveaux : celui d'une gestion proche des citoyens -le conseil d'arrondissement- et celui de la gestion globale communale -le conseil municipal. A Paris, il faut y ajouter la dimension départementale. Les trois villes sont pourtant soumises aux règles communes en matière de coopération intercommunale. Ainsi, seuls les conseillers municipaux, en vertu de la loi du 12 juillet 1999, pourront siéger, à partir du prochain renouvellement général, dans les conseils communautaires -qui n'existent, en l'occurrence, qu'à Marseille et à Lyon, Paris n'étant membre d'aucun groupement à fiscalité propre. On peut donc penser que la récente réforme de l'intercommunalité a omis de tenir compte du statut particulier des trois plus grandes communes de France et qu'il convient de réparer cet oubli. Leur permettre de choisir leurs délégués parmi les conseillers d'arrondissement présente des avantages, notamment du point de vue de la gestion municipale, et de la motivation et de la reconnaissance du travail des conseillers d'arrondissement.

Cependant, quelques objections existent.

Tout d'abord, les arrondissements ne représentent qu'une partie du territoire communal et les conseillers d'arrondissement n'ont pas vocation première à s'occuper des affaires communales globales.

Ensuite, cette proposition soulève des difficultés pour la représentation des communes dans les groupements de communes, puisque certaines communes seraient représentées par des conseillers municipaux élus et d'autres par des candidats qui ne figureraient pas en assez bonne place sur la liste électorale pour accéder à cette fonction.

S'agissant de la cohérence de cette proposition avec les lois récentes, il est vrai que la loi du 12 juillet 1999 sur l'intercommunalité a réservé l'exercice des pouvoirs d'agglomération à fiscalité propre à des délégués membres des conseils municipaux, afin que leur élection au suffrage universel leur confère la légitimité nécessaire.

La commission pour l'avenir de la décentralisation présidée par Pierre Mauroy, et le Premier ministre réfléchissent d'ailleurs à une élection au suffrage universel direct des représentants des communes.

D'autre part, les dispositions proposées pourraient, si elles sont mal utilisées, aller à l'encontre de l'objectif de la loi relative à la parité entre les hommes et les femmes et en atténuer les effets.

Je ne méconnais donc pas les arguments qui peuvent être opposés à cette proposition.

Je pense cependant qu'elle va dans le bon sens (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) pour plusieurs raisons.

Il est en effet nécessaire de tenir compte de la situation particulière des grandes communes où ont été institués des arrondissements et qui connaissent, de ce fait, depuis le 31 décembre 1982, un régime spécifique. Il paraît donc normal de prévoir pour Marseille et Lyon une représentation spécifique au conseil de leur communauté urbaine. Il n'y a donc pas rupture du principe d'égalité entre les communes.

Les conseillers d'arrondissement sont tout à fait à même de siéger au conseil des communautés urbaines. Ils sont élus au suffrage universel sur les mêmes listes que les conseillers municipaux, dans les mêmes conditions, et le même jour. Leur donner la possibilité d'exercer les fonctions de conseiller communautaire ne me paraît donc pas contraire aux principes posés par la loi du 12 juillet 1999.

Ensuite, le travail des conseillers d'arrondissement, trop souvent méconnu, concerne la vie quotidienne des citoyens sur une partie du territoire national. Ils sont à la base de la démocratie de proximité que la commission pour l'avenir de la décentralisation et le Gouvernement souhaitent approfondir.

Les conseillers d'arrondissement participent pleinement à la gestion et au développement de leur territoire et apporteraient leur connaissance du terrain aux conseils communautaires.

Par ailleurs, le cumul de charges qui pèse lourdement sur les conseillers municipaux délégués de leur commune au conseil de communauté urbaine pourrait être allégé par cette proposition de loi, d'autant qu'il s'agit d'une possibilité offerte aux communes et non imposée.

Enfin, l'application de ce texte ne serait pas contraire à l'objectif de parité entre les hommes et les femmes. Si des conseillers d'arrondissement sont choisis comme délégués, ils peuvent l'être parmi les conseillères comme parmi les conseillers.

Pour toutes ces raisons et parce qu'il souhaite une plus grande proximité entre les élus et les citoyens et l'accès du plus grand nombre aux responsabilités électives, le Gouvernement est favorable à l'adoption de cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Renaud Muselier - Tout d'abord, je voudrais saluer l'unanimité qui a prévalu au Sénat lors de l'examen de cette proposition de loi. J'espère que nos débats ce matin à l'Assemblée aboutiront à une telle convergence de vues.

Le but de ce texte est de combler un vide juridique apparu après l'adoption de la loi du 12 juillet 1999 sur la coopération intercommunale, qui oblige à choisir les délégués à l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au sein des conseils municipaux et qui a écarté toute forme d'élection des délégués intercommunaux au suffrage universel direct.

La présente proposition vise à prendre en compte la situation spécifique de Paris, Marseille et Lyon, soumises au régime de la loi du 31 décembre 1982 qui avait prévu dans ces communes la création de conseils d'arrondissement, qui devaient rapprocher les élus des citoyens pour la gestion des problèmes de la vie quotidienne.

Le conseil d'arrondissement sera donc composé de conseillers municipaux élus dans l'arrondissement et de conseillers d'arrondissement élus dans les mêmes conditions que les conseillers municipaux. Leur légitimité au regard du suffrage universel ne peut être mise en doute.

Le conseil d'arrondissement joue un rôle significatif dans le règlement des affaires de la commune pour l'attribution de subventions, pour la révision ou la modification du POS ou la gestion des équipements. C'est pourquoi il paraît opportun que les conseillers d'arrondissement puissent siéger au sein du conseil de la communauté urbaine.

La loi Chevènement ayant abrogé l'article L. 5215-9 du code général des collectivités territoriales, il n'existe pas de solution dans le cas où le nombre de conseillers municipaux d'une commune est inférieur au nombre de sièges qui lui est attribué dans le conseil de communauté du fait de sa population. C'est une omission qu'il faut réparer. Vous vous en étiez ému à l'époque, Monsieur le ministre, ainsi que M. Queyranne.

Si l'on prend l'exemple de Marseille, le conseil municipal est composé de 101 membres, ce qui, pour le moment, ne poserait pas de difficultés majeures pour sa représentation au sein du conseil de la communauté, d'autant que nous avons conclu un accord amiable afin d'obtenir une représentation plus juste de toutes les communes. Ainsi, pour le moment, sur 157 membres, 82 sont issus du conseil municipal de la ville de Marseille, bien que cette ville concentre 810 000 habitants sur un total de 980 000.

En l'absence de cet accord amiable, le conseil de communauté serait composé, aux termes de la loi Chevènement, de 90 membres dont 70 pour la seule ville de Marseille.

Si le périmètre de la communauté urbaine de Marseille s'agrandit et si comme il est prévu, les cinq communes de l'aire aubagnaise la rejoignent, nous arriverons à un ensemble de vingt-trois communes, représentant plus d'un million d'habitants. Dans ce cas, en l'absence d'accord amiable le nouvel organe délibérant serait composé de 140 membres, dont 107 délégués de la seule ville de Marseille ! Cette fois, les 101 conseillers municipaux de Marseille n'y suffiront plus.

Et si l'on diminuait le nombre de délégués représentant Marseille au sein de la communauté urbaine, on serait contraint de réduire également la représentation des plus petites communes, solution qui ne serait pas satisfaisante.

Il est dans l'air du temps de parler de limitation du cumul des mandats. Cette proposition permet de répondre à cet objectif et de faire ainsi accéder à de nouvelles responsabilités des élus déjà bien impliqués dans la gestion de la cité.

Leur participation au fonctionnement des conseils des communautés urbaines ne peut être que bénéfique car elle permettrait une meilleure prise en compte des préoccupations des habitants de ces arrondissements.

Pour toutes ces raisons, il me semble important que ce dispositif soit adopté. Le rapporteur a parfaitement démontré son sens de l'intérêt général et compte tenu de votre position, Monsieur le ministre, je suis sûr que la proposition sera votée. Elle répondra aux objectifs de décentralisation, de limitation de cumul des mandats et de proximité entre les élus et les citoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Michel Vaxès - Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat, vise à élargir aux élus d'arrondissement la possibilité de siéger au sein des conseils de communauté urbaine de Paris, Lyon et Marseille.

C'est, après la loi du 12 juillet 1999, un assouplissement attendu, nécessaire et difficilement critiquable au plan juridique.

Nécessaire, parce que les conseils de communauté urbaine sont composés d'un nombre élevé de membres, 90 pour la communauté urbaine de Marseille, dont 70 pour cette ville.

Compte tenu de la complexité des problèmes de gestion des villes centre, il est bon que tous les adjoints et la majorité des conseillers municipaux ne soient pas obligés de siéger dans l'établissement public de coopération intercommunal.

L'ouverture aux conseillers d'arrondissement favorise de fait, le non-cumul des charges. Comme les femmes seront plus nombreuses dans les conseils municipaux et d'arrondissement élus en mars prochain, la parité sera aussi mieux assurée dans les communautés urbaines.

La désignation des conseillers se fera au scrutin de liste avec répartition des sièges à la proportionnelle, ce qui contribuera au pluralisme.

Cette amélioration est aussi légitime. Les conseillers d'arrondissement ont déjà la légitimité et la capacité légale pour siéger dans un conseil qui a le pouvoir de lever l'impôt, puisqu'ils sont élus directement au suffrage universel en même temps que les conseillers municipaux.

Les arrondissements ont depuis près de vingt ans des responsabilités réelles dans l'aménagement et la gestion, notamment en ce qui concerne les POS, les crèches, les équipements sportifs, les espaces verts. Les conseillers d'arrondissement ont donc bien et la représentativité et la connaissance des dossiers nécessaires pour participer efficacement aux délibérations des conseils de communauté urbaine.

Leur élection au suffrage universel lève les éventuelles critiques juridiques. L'institution de divisions administratives à l'intérieur des communes est tout à fait constitutionnelle. Ce principe a déjà été reconnu par le Conseil constitutionnel, qui d'ailleurs n'a jamais critiqué que des citoyens non élus puissent être appelés à siéger, notamment en raison de leurs compétences professionnelles, dans des syndicats communaux sans fiscalité propre.

Chacun en convient, les élus doivent travailler au plus près des habitants. Or dans les grandes agglomérations l'actuelle démocratie représentative à deux niveaux ne favorise pas toujours cette proximité.

Dans le Midi, la prochaine communauté urbaine de près d'un million d'habitants sera dominée par Marseille, qui regroupe les huit dixièmes de la population. Si la cohésion de la politique de la commune doit se décider au conseil municipal, la démographie comme la complexité des questions posées rendent nécessaire la réévaluation du rôle des conseils d'arrondissement, seuls capables d'assurer les gestions de proximité.

Certains arrondissements ont d'ailleurs plus d'habitants que beaucoup de villes moyennes de la même région. Ils sont sous-représentés, leurs moyens sont trop limités et les possibilités pour les habitants de faire entendre leur voix bien trop restreintes.

S'agissant de Paris, Lyon, Marseille, il serait souhaitable que le Gouvernement réfléchisse à une révision de la loi de 1982 et à des moyens accrus pour les conseils d'arrondissement. Il ne faut plus que la notion d'unité communale serve longtemps encore de prétexte pour ne pas répondre aux problèmes quotidiens des habitants des arrondissements.

Donner des pouvoirs accrus aux mairies d'arrondissement permettrait de mieux répondre et dans de meilleurs délais aux besoins des citoyens. L'impact des politiques publiques s'en trouverait renforcé. C'est le sens de la proposition de loi que notre groupe a déposée en février 1999 à l'initiative de mon ami Guy Hermier.

Nous savons tous la personnalisation qui entoure certaines élections. C'est particulièrement vrai s'agissant des trois plus grandes villes de France, et cela ne sert pas la démocratie ; en effet, le choix des hommes occulte alors le débat sur les programmes qui font figure de pensum alors qu'ils sont en fait l'essentiel. Les habitants doivent pouvoir se prononcer sur des choix précis.

La principale originalité de la loi PLM est sans doute d'avoir ouvert dans ces trois villes un champ nouveau à la citoyenneté. L'expérience a montré qu'entre la mairie centrale et les quartiers, les mairies d'arrondissement représentaient un échelon essentiel de la vie locale. Des dispositions nouvelles s'imposent donc pour leur permettre de jouer un rôle accru.

C'est pourquoi les députés communistes voteront cette proposition de loi, en souhaitant qu'elle prélude à une réflexion pour de nouvelles avancées démocratiques dans nos plus grandes villes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur les bancs du groupe du RPR).

M. François Loos - J'avais entamé au début de l'année une réflexion sur la loi PLM en me disant que d'autres villes pourraient éventuellement être intéressées par un statut du même type, mais je m'étais tout de suite rendu compte de la difficulté...

M. le Président de la commission - Les battus d'une liste pourraient être membres d'une structure intercommunale ?

M. Renaud Muselier - A Lille, par exemple.

M. François Loos - J'avais aussi constaté que si la ville de Paris rentrait dans une intercommunalité, les crédits DGE que celle-ci implique exploseraient.

M. Robert Pandraud - Mais Paris n'en veut pas.

M. François Loos - Cela simplifie les choses.

Quoi qu'il en soit, la charge de travail d'un conseiller municipal est souvent très lourde. Il semblait donc intéressant que les conseillers d'arrondissement puissent en prendre une part en siégeant dans les communautés de communes et d'agglomération. C'est ce qui m'a amené à déposer une proposition de loi le 28 mars 2000. Je précise que, n'étant pas élu de Paris, Lyon ou Marseille et n'ambitionnant pas de l'être, je n'ai été guidé dans cette affaire que par l'intérêt général.

M. Renaud Muselier - Bravo !

M. François Loos - J'ai été très heureux de constater que cette proposition de loi suscitait un grand intérêt, au point d'être votée à l'unanimité par le Sénat. De même suis-je heureux qu'elle arrive aujourd'hui en discussion devant notre assemblée. Bien entendu, le groupe UDF la votera.

Il fallait de toute façon régler le cas de Marseille : si 107 conseillers de communauté devaient être désignés parmi les 101 membres du conseil municipal, cela poserait forcément un problème. Mieux vaut le résoudre en se tournant vers les conseillers d'arrondissement que vers des personnes non élues. C'est donc avec grande satisfaction que j'ai entendu le ministre exposer sa position et j'espère que cette affaire pourra être réglée rapidement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jacky Darne - Je vais tenter de vous convaincre qu'il faut repousser ce texte. Pour ce faire, je m'appuierai sur mon expérience de membre de l'exécutif de la communauté urbaine de Lyon. Je note que les signataires de la proposition de Lyon n'ont pas cette expérience -M. Michel Mercier y prétend mais ne peut encore s'en prévaloir. Je parlerai aussi à la lumière des travaux que M. Roman, M. Gouzes et moi avons menés sur la loi relative à l'intercommunalité, au cours desquels la question des conseillers d'arrondissement avait déjà été longuement débattue.

Je ne reprendrai pas les arguments juridiques se rapportant à l'éventuelle inconstitutionnalité du texte d'aujourd'hui et à la rupture d'égalité entre les communes. Non, c'est le fond qui m'importe, à savoir : comment gère-t-on une communauté urbaine ?

Les communautés urbaines ont un peu plus de trente ans d'âge. Je n'ai jamais entendu personne souhaiter revenir sur le mode de désignation des délégués. Personne n'a jamais dit qu'il fallait que ces délégués soient autre chose que des conseillers municipaux. Dans d'autres structures intercommunales, il y a eu désignation de personnes qui n'étaient pas des conseillers municipaux. Mais dans les communautés urbaines, jamais. Pourquoi vouloir changer ce qui marche ? Surtout vous, Messieurs, qui vous plaignez souvent que l'on légifère trop !

M. Renaud Muselier - Nous voulons améliorer les choses.

M. Jacky Darne - Lors de la discussion de la loi sur l'intercommunalité, nous avons posé le principe d'une désignation par des conseillers municipaux et nous avons écarté l'idée du suffrage universel direct. J'avais cependant fait une proposition qui a été acceptée en première lecture mais repoussée par le Sénat puis éliminée en deuxième lecture ici : il s'agissait d'indiquer sur les listes, au moment des élections, les candidats qui pourraient être amenés à siéger au conseil de la communauté urbaine.

M. Renaud Muselier - A ce moment-là, pourquoi ne pas désigner d'emblée les adjoints !

M. Jacky Darne - Nous aurions eu alors un suffrage universel partiel direct. On m'a objecté alors que ce n'était pas possible car l'on risquait d'indiquer des gens qui ne seraient pas conseillers municipaux mais seulement conseillers d'arrondissement -et qui donc n'auraient pas le droit de siéger au conseil de la communauté urbaine. J'aimerais comprendre pourquoi vous avez changé d'avis en un an. Est-ce parce qu'approche le moment de constituer les listes électorales ?

Dès lors que les membres du conseil de la communauté urbaine ne sont pas élus au suffrage universel direct, nous sommes dans l'intercommunalité, pas dans la supracommunalité. Cela signifie que la communauté urbaine gère à la fois des projets d'agglomération et des services de proximité communaux -pour lesquels il y a eu transfert de compétence. Imaginez-vous un quart de seconde que des élus d'arrondissement, qui n'ont pas étudié les dossiers au niveau du conseil municipal, puissent faire le poids face aux services de la communauté urbaine ? Si vous ne voulez pas être écrasé par la bureaucratie, par les technostructures, il faut être élu au conseil municipal.

Et je ne connais aucun maire, d'arrondissement ou de commune, qui ne souhaite siéger au sein de la communauté urbaine, laquelle est un lieu de pouvoir essentiel. Y faire siéger des conseillers d'arrondissement ne renforcerait pas la gestion de proximité mais au contraire les technostructures communautaires. Cela créerait aussi une opposition entre les conseillers d'arrondissement et les conseillers municipaux qui, eux, auraient étudié les dossiers puisqu'il leur revient de les porter au conseil municipal...

M. le Rapporteur - Les conseillers d'arrondissement peuvent aussi étudier les dossiers !

M. Jacky Darne - La proposition d'aujourd'hui créerait donc de considérables difficultés de fonctionnement.

Evidemment, le système permet d'attribuer des postes : pouvoir dire qu'untel sera adjoint et untel délégué à la communauté facilite le marchandage sur les listes municipales (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ce que je dis n'a rien de péjoratif, c'est une réalité.

Vous dites que ce système freinerait les cumuls. En vérité, tous les responsables de commune, et au premier chef le maire de la ville principale, souhaitent cumuler leurs fonctions avec celles de président de la communauté urbaine. Peut-être M. Gaudin permettra-t-il à un responsable de petite commune périphérique de gérer la communauté urbaine de Marseille, mais je n'en suis pas sûr. Pour l'instant, il me semble qu'on cherche essentiellement une cohérence entre la politique de la ville centre et celle de la communauté urbaine. Evitez les faux arguments...

M. le Président de la commission - Très bien !

M. Jean-François Mattei - Je voudrais remercier le ministre de l'analyse très objective qu'il a faite. Il y manquait cependant un élément majeur, à savoir le fait qu'à Marseille nous avons à nous accommoder de deux particularités.

La première est que nous sommes, avec Paris et Lyon, soumis sans l'avoir souhaité à un régime particulier -qui est d'ailleurs doublement particulier puisqu'à Marseille nous n'avons pas une mairie par arrondissement mais une mairie pour deux arrondissements.

La deuxième est que nous avons dû récemment créer une communauté urbaine, parce que nous avions dans le passé fait d'autres choix qu'à Lyon, où la communauté urbaine, Monsieur Darne, marche bien parce qu'elle est ancienne. En quelque sorte, vous aviez devancé la loi PLM. A Marseille, le maire précédent avait tenté une timide avancée en créant une communauté de communes ; pour qu'elle puisse prendre corps, il avait naturellement négocié avec les petites municipalités une représentation convenable. Cette représentation a été maintenue dans la communauté urbaine.

Le texte qui nous est proposé est bon. Son adoption favorisera le non-cumul des mandats et le renouvellement du personnel politique. Elle réparera une anomalie, à charge pour nous ensuite d'examiner s'il convient de revenir sur la loi de décentralisation. Le groupe DL votera donc cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

La discussion générale est close.

M. le Président de la commission - En essayant de régler un problème qui, certes, se pose à Marseille, nous prenons de lourdes responsabilités pour l'avenir.

Je prends un exemple qui est purement virtuel. Supposons qu'à Paris, il y ait une intercommunalité. Si nous faisons en sorte que des élus d'arrondissement puissent siéger au conseil de la communauté urbaine, qu'est-ce qui empêcherait qu'un candidat -virtuel-, placé dans une position inéligible dans un arrondissement, par exemple en quatrième position dans un arrondissement où il n'y aurait que trois élus, puisse, alors qu'il n'aurait pas été élu conseiller de Paris, être désigné délégué et devienne, alors qu'il a été battu au suffrage universel dans son arrondissement, le président de la communauté urbaine de Paris ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) Est-ce là votre conception de la légitimité ? Considérez-vous légitime qu'un élu d'arrondissement qui ne siège pas au conseil de la commune représente les intérêts de la commune dans les instances intercommunales ?

Dans la loi sur l'intercommunalité, nous avons exclu la possibilité, pour ceux qui n'ont pas de légitimité municipale, et siéger dans les instances intercommunales. Le texte d'opportunité dont nous débattons aujourd'hui enfreint ce principe essentiel, d'autant plus essentiel que s'ouvre le chantier de l'élection au suffrage universel des instances intercommunales -peut-être en 2007. Va-t-on faire de l'intercommunalité une simple organisation fédérale des 36 000 communes françaises ou va-t-on construire de véritables entités intercommunales ? Avec ce texte, on répond déjà à cette question.

Telles sont les observations que je voulais formuler sur cette proposition de loi à laquelle la commission des lois s'est opposée.

M. le Président - J'appelle maintenant dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9, du Règlement, l'article unique de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

L'article unique de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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