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Session ordinaire de 2000-2001 - 45ème jour de séance, 105ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 21 DÉCEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

          FONDS PUBLICS ACCORDÉS AUX ENTREPRISES
          (lecture définitive) 2

          SANTÉ DES ANIMAUX (troisième lecture) 4

La séance est ouverte à quinze heures.

M. le Président - Me sentant un peu seul (Sourires), je suspends la séance, à la demande du Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 5, est reprise à 16 heures.

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FONDS PUBLICS ACCORDÉS AUX ENTREPRISES (lecture définitive)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre demandant à l'Assemblée de statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur la proposition de loi relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de cette proposition de loi en lecture définitive.

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Je suis heureux d'exprimer à nouveau le soutien du Gouvernement à la proposition de loi de M. Robert Hue et de ses collègues du groupe communiste. Hier, la majorité sénatoriale a pour la troisième fois adopté une question préalable. Je regrette d'autant plus cette attitude partisane que je nous sais toutes et tous, quelles que soient nos divergences politiques, attachés au bon usage des fonds publics.

La diversité des aides publiques aux entreprises et la pluralité de leurs gestionnaires ne permettent que très imparfaitement d'en contrôler les modalités d'attribution et surtout d'en évaluer les effets sur l'emploi et sur le développement économique ; le rapport de MM. Fabre-Pujol et Paul sur « les pratiques des grands groupes et leurs conséquences sur l'emploi et les territoires » l'a bien montré. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de nous doter des moyens d'accroître la transparence, l'équité et l'efficacité de ces aides. C'est une exigence démocratique, politique au sens le plus noble du terme et à laquelle la proposition de loi de M. Robert Hue répond pleinement. En tant que ministre chargé des relations avec le Parlement, je me réjouis que les parlementaires se saisissent ainsi des capacités d'initiative que leur offre notre Constitution.

La commission nationale sera dotée de moyens d'information puissants et, surtout, pourra s'appuyer sur des relais régionaux efficaces. Sa composition diversifiée, la facilité de sa saisine, notamment au bénéfice des salariés, et son champ d'intervention permettront d'enrichir la vision du Gouvernement, du Parlement et des collectivités locales sur la mise en _uvre des aides, l'utilité des divers dispositifs, voire la nécessité de certaines sanctions. Cette organisation permettra de faire cesser des abus, mais également, et c'est important, de signaler les bonnes pratiques.

Parce que cette proposition de loi tend à améliorer le contrôle de l'usage des fonds publics, en donnant aux élus les moyens de mieux apprécier l'efficacité des politiques menées en faveur de l'emploi et du développement de l'économie, le Gouvernement vous demande de l'adopter.

M. Augustin Bonrepaux, suppléant M. Jean Vila, rapporteur de la commission des finances - Je vous prie d'excuser notre collègue Jean Vila, qui a été obligé de rejoindre son département. Pour la troisième fois consécutive, le Sénat a opposé la question préalable à la proposition de notre collègue Robert Hue, créant une commission nationale et des commissions régionales chargées de contrôler l'utilisation des aides publiques accordées aux entreprises. Il est regrettable qu'il s'acharne ainsi à refuser le débat sur un texte qui vise à renforcer la transparence dans l'utilisation de l'argent public et qui découle du rapport de la commission d'enquête sur les pratiques des grands groupes.

A ce stade du débat, je ne peux que vous proposer de reprendre le texte que notre Assemblée a adopté en nouvelle lecture le 11 octobre dernier. Ainsi, il aura fallu près d'une année entière pour mener à bien la discussion de cette proposition de loi, qui sera l'un des derniers textes définitivement adoptés avant la fin de l'année 2000 et qui sera de nature à aider le Parlement, et non à le déposséder, dans le contrôle de l'utilisation des fonds publics.

Mme Janine Jambu - Un peu moins d'un an après son adoption par notre Assemblée, cette proposition de loi de Robert Hue et des députés de notre groupe revient devant nous en lecture définitive, après que la majorité de droite sénatoriale a une nouvelle fois considéré qu'il n'y a pas lieu de légiférer.

Comment ne pas reconnaître la nécessité d'une plus grande transparence et d'une meilleure efficacité de la dépense publique ? Il y va de la légitimité de l'action publique, contestée aujourd'hui, dans son principe même, par les chantres du libéralisme économique.

Une évaluation de l'efficacité globale des aides diverses apportées par l'Etat, les collectivités territoriales et l'Union européenne et de leur impact sur l'emploi et l'aménagement du territoire est indispensable. Elle est un préalable au réaménagement des politiques d'aide.

Ce texte affirme aussi que la transparence passe par la démocratie dans l'entreprise. La réaffirmation du droit pour les représentants du personnel de disposer de toutes les informations relatives aux aides publiques accordées à l'entreprise, la capacité donnée au comité d'entreprise de saisir les organismes gestionnaires ou les instances compétentes lorsqu'il estime que l'employeur ne respecte pas ses engagements souscrits sont très importantes. Le droit pour les salariés de voir pris en compte leur point de vue sur les choix de l'entreprise est affirmé.

La capacité d'agir donnée au comité d'entreprise est pleinement complémentaire de la mission confiée à la commission nationale et aux commissions régionales. La commission nationale aura compétence pour formuler des propositions visant à améliorer le contrôle des aides publiques et l'efficacité des politiques suivies. Son rapport sera transmis au Parlement et rendu public ; contrairement aux allégations de la droite, le Parlement disposera donc de moyens supplémentaires pour exercer ses prérogatives.

La finalité même des aides publiques aux entreprises est aujourd'hui en débat. Nous sommes convaincus -et le rapport de la commission d'enquête n'a fait que conforter cette appréciation- de l'urgente nécessité de passer d'une logique de subsides à une logique d'incitation favorisant non pas les placements financiers mais l'investissement productif, l'emploi et les dépenses de formation. Cette logique nouvelle, au-delà de ses aspects fiscaux, appelle des modalités de financement de l'économie alternative aux marchés financiers, caractérisés par leur appétit féroce de rentabilité financière. La référence explicite à l'emploi comme critère de l'efficacité des aides publiques est pour nous tout à fait fondamentale, l'objet premier d'une activité économique ne pouvant pas être la création de valeur pour l'actionnaire. La rédaction du texte n'exclut bien évidemment pas le suivi des aides moins immédiatement liées à l'emploi, comme celles qui concernent les programmes de recherche-développement ou les transferts de technologies.

Ce texte confirme -et l'on comprend à cet égard les réactions de la droite- que les entreprises ont une responsabilité sociale en matière d'emploi, et d'autant plus importante qu'elles bénéficient d'aides publiques. Comme tout texte législatif, il sera pour une part ce que les acteurs de terrain en feront, mais ses dispositions peuvent permettre une implication citoyenne, indispensable pour améliorer l'efficacité de l'action publique. Il est emblématique des réformes que la gauche plurielle, dans la diversité de ses sensibilités, est déterminée à engager.

En nous félicitant de la qualité du travail réalisé ici et en ne doutant pas que les décrets d'application seront très rapidement signés, nous vous remercions de bien vouloir adopter définitivement cette proposition de loi.

M. Gilbert Gantier - A l'occasion de l'examen de cette proposition de loi du groupe communiste, le Gouvernement a encore une fois préféré s'assurer l'adhésion de sa majorité plurielle plutôt que de se soucier de l'intérêt général. La gauche retrouve ainsi l'occasion de reprendre la vieille antienne des bienfaits de l'économie administrée. On montre du doigt les entreprises au lieu de reconnaître que ce sont elles qui créent les emplois : les vieux fantasmes de la gauche sont toujours bien vivants, mais il ne reste plus en Europe que votre majorité pour présenter des textes aussi archaïques !

Comme nous l'avions souligné et comme le Sénat l'a rappelé, la commission qu'on nous propose de créer remettrait en cause les prérogatives du Parlement. Si nous reconnaissons la nécessité d'un contrôle des fonds versés par l'Etat, il revient à la représentation nationale d'exercer cette mission, et non à une commission administrative supplémentaire.

L'ordonnance du 2 janvier 1959 charge les rapporteurs spéciaux des commissions de contrôler les fonds publics accordés aux entreprises. Au demeurant, l'accent devrait être mis sur les modalités d'octroi de ces aides, afin d'éviter le gaspillage : plus de 170 milliards sont distribués chaque année, pour une efficacité qui reste à démontrer ; plutôt que d'accorder des subventions, mieux vaudrait alléger les impôts qui frappent les entreprises.

Le groupe DL auquel s'associe le groupe RPR votera donc contre ce texte.

M. François Brottes - Je rappellerai à nos collègues de l'opposition que le soutien public aux entreprises existe dans bon nombre de pays, y compris aux Etats-Unis, sous des formes souvent moins transparentes que chez nous. Les chefs d'entreprise que je rencontre y sont favorables sans être collectivistes pour autant.

Le groupe socialiste est satisfait de soutenir ce texte proposé par nos collègues communistes pour poursuivre la moralisation de l'usage des fonds publics versés au service de l'économie et de l'emploi. Je rappelle que l'intervention publique est souvent nécessaire pour encourager l'innovation, donner une nouvelle chance aux secteurs en difficultés et contribuer à l'aménagement du territoire. Ce texte renforce la crédibilité de ces aides par le contrôle qu'il instaure.

M. le Président - La discussion générale est close. La CMP n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

L'ensemble de la proposition de loi dans le texte voté par l'Assemblée en deuxième lecture, mis aux voix, est adopté.

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    SANTÉ DES ANIMAUX (troisième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion en troisième lecture du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural.

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Ce projet de loi renforce sur plusieurs points importants l'arsenal législatif visant à assurer la santé des animaux et la qualité des denrées alimentaires.

La sécurité de la chaîne alimentaire s'appuie en France sur une approche intégrée dite « de la fourche à la fourchette ».

Les dispositions prises pour transposer divers textes communautaires portent d'abord sur l'alimentation animale, dont l'actualité a montré l'importance pour la sécurité des produits et la perception des consommateurs. Il s'agit notamment des mesures de police sanitaire applicables aux élevages ayant consommé un aliment contaminé. Elles visent aussi à une meilleure traçabilité des animaux, notamment par une procédure d'agrément des procédés d'identification, et à la mise en place de réseaux de surveillance sanitaire sous l'autorité de l'Etat. La généralisation du registre d'élevage permettra un meilleur suivi de l'utilisation du médicament vétérinaire et une responsabilisation des praticiens. Enfin la fiabilité des analyses sera accrue par l'agrément des laboratoires.

Ce texte répond à une demande forte de la société et à une priorité gouvernementale. Je me félicite de la qualité du travail des deux assemblées, qui a permis d'aboutir, sans CMP, à un texte de consensus.

M. Alain Gouriou, suppléant M. Joseph Parrenin, rapporteur de la commission de la production - Ce projet de loi a été examiné hier en deuxième lecture par le Sénat, qui a adopté conformes les modifications introduites par l'Assemblée : elles concernent l'article premier sur l'extension des pouvoirs de police administrative, l'article 11 sur les fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles, l'article 17 bis relatif à la prorogation du mandat des assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux, l'article 19 relatif aux organismes certificateurs agréés en agriculture biologique et l'article 20 prévoyant le dépôt d'un rapport du Gouvernement sur les effets de certains insecticides sur les populations d'abeilles.

Seul reste ainsi en discussion l'article 10, relatif au contenu du code de déontologie des vétérinaires. Le Sénat a maintenu sa rédaction et charge ce code « d'établir notamment les principes à suivre en matière de prescription de médicaments à usage vétérinaire ».

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission des lois a adopté le projet de loi sans modification.

M. le Président - Je donne la parole à M. Gantier, spécialiste des abeilles ...(Sourires)

M. Gilbert Gantier - Monsieur le Président, qu'on ne s'étonne pas qu'un député de Paris intervienne dans ce domaine, d'autant que j'ai été décoré, il y a trente-cinq ans, de l'ordre du mérite agricole par le Président Edgar Faure et que ceci me donne une certaine autorité en la matière !

M. le Président - Que ne portez-vous le poireau à la boutonnière !

M. Gilbert Gantier - Je vous promets de l'arborer la prochaine fois pour honorer l'Assemblée nationale ! Ce texte prend toute son importance à un moment où la population française est de plus en plus sensible à la sécurité sanitaire et où un climat de psychose s'est installé suite à la nouvelle crise de l'ESB. Au cours des précédentes lectures, l'Assemblée nationale et le Sénat ont complété le projet de loi initial, qui est ainsi passé de 9 à 25 articles, dont la plupart ont fait rapidement l'objet d'une adoption conforme.

Nous nous félicitons de ce large consensus.

Je tiens à rappeler la contribution apportée par mon collègue, Claude Gatignol, lors de la première lecture, qui a permis d'améliorer les mesures ayant trait à la profession de vétérinaire, profession qui joue un rôle essentiel en matière de contrôle sanitaire.

Je ne reviendrai pas sur le détail de ces dispositions, déjà largement discutées. Mais je profite de l'occasion pour rappeler que la législation française en la matière est l'une des plus avancées et que l'état sanitaire de notre cheptel est le meilleur en Europe. Espérons que les nouvelles mesures contribueront à rassurer l'opinion publique et à mettre fin à un paradoxe certain : c'est au moment où la qualité des aliments est de mieux en mieux garantie que la confiance des Français semble diminuer.

Le groupe DL votera ce texte.

M. le Président - Ce texte n'ayant pas été inscrit au moment de la Conférence des présidents, nous n'avons pas organisé le débat. Madame Jambu, vous avez la parole même si vous n'avez pas le poireau, et vous pouvez même parler une heure trente ! (Rires sur tous les bancs)

Mme Janine Jambu - Ce projet de loi a été adopté hier en deuxième lecture par le Sénat, qui n'a modifié que l'article 10, seul donc soumis à notre examen. Cet article précisait que le code de déontologie devait établir « les principes à suivre pour appliquer de bonnes pratiques vétérinaires ». Le Sénat a préféré parler « des principes à suivre en matière de prescription de médicaments à usage vétérinaire. »

Le groupe communiste est favorable à l'adoption de cet article et de l'ensemble du texte pour en permettre une application rapide.

Je regrette que le changement de l'ordre du jour ait empêché notre collègue et spécialiste de la question, M. Félix Leyzour, d'être notre orateur pour cette dernière lecture. Lors de la lecture précédente, il a souligné que la sécurité alimentaire était un droit fondamental et que tous nos concitoyens devaient pouvoir consommer des produits garantis à cet égard.

Il est vrai que des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années et globalement les produits que nous consommons aujourd'hui sont de meilleure qualité sanitaire que par le passé. Les efforts conjugués de l'ensemble des acteurs ont contribué à ce que la France dispose d'un système de veille et de contrôle qui supporte la comparaison avec les autres pays.

Il reste cependant encore beaucoup à faire. Il faut toujours mieux informer et responsabiliser tous les acteurs de la filière.

C'est pourquoi il faudrait mettre en place sur les lieux de travail, dans les entreprises de l'agroalimentaire qui subissent une pression constante sur les coûts de fabrication, une cellule de veille sanitaire permettant aux salariés d'actionner lorsqu'il le faut l'alarme de la sécurité sans encourir aucun risque de sanction.

L'agence française de sécurité sanitaire des aliments, indépendante des pouvoirs publics, représente la traduction concrète de la volonté du Gouvernement de conduire une politique de transparence et de sécurité.

En outre, les problèmes auxquels nous sommes confrontés résultent aussi de la différence entre les normes qui existent en Europe et dans les autres pays du monde. L'un des objectifs que nous devons nous fixer est précisément de combattre ce qui tendrait à tirer vers le bas notre propre système de sécurité alors qu'il convient d'améliorer l'ensemble du dispositif, européen et mondial.

Parce que le texte qui nous est soumis aujourd'hui nous donne les moyens d'exercer toute la vigilance requise, tant pour ce qui concerne ce qui est introduit sur notre territoire que pour ce que nous produisons nous-mêmes, nous sommes favorables à son adoption.

M. François Brottes - Responsabilité, transparence, sécurité : il me plaît de voir une symbolique forte dans l'adoption définitive de ce texte en cette fin de siècle. Enrichie au fur et à mesure du débat, cette loi constituera une base solide pour rassurer les consommateurs et l'ensemble de nos concitoyens dont les exigences dans le domaine de la sécurité alimentaire ne cessent de croître. C'est donc, avec le groupe socialiste, une Assemblée unanime qui devrait l'adopter (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, l'article du projet de loi sur lequel les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

M. le Président - Le Sénat doit examiner en nouvelle lecture le projet de loi de finances rectificative pour 2000 en fin d'après-midi et éventuellement demain. En conséquence, notre Assemblée procédera ce soir à la lecture définitive du projet de loi de finances rectificative pour 2000, à l'heure que la célérité des travaux de la Haute assemblée autorisera.

Prochaine séance ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 16 heures 35.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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