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Session ordinaire de 2000-2001 - 50ème jour de séance, 119ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 17 JANVIER 2001

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

Sommaire

            DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT

            SUR LA DÉCENTRALISATION (suite) 2

            ORDRE DU JOUR DU JEUDI 18 JANVIER 2001 29

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

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DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT SUR LA DÉCENTRALISATION (suite)

L'ordre du jour appelle la suite du débat sur la déclaration du Gouvernement sur la décentralisation.

M. Jean Vila - Vingt ans après les lois de décentralisation, il nous est proposé de réfléchir aux mesures propres à donner à la décentralisation un souffle nouveau, et à en corriger les faiblesses ou les contradictions. Ce ne sont pas les députés communistes, farouches défenseurs des lois de 1982-1983, qui contesteront cette démarche. Personne, au reste, n'a contesté ici l'intérêt de ces lois, tant elles ont permis de développer les initiatives locales, de rapprocher l'élu et le citoyen et d'améliorer l'activité publique.

Rien de tout cela n'aurait été possible sans l'intervention des habitants de nos communes, qui ont su faire grandir une réalité ancrée dans l'histoire, depuis les paroisses et les villes franches jusqu'aux communes de la République. De fait l'échelon communal est assurément le plus démocratique de notre organisation politique et administrative.

La commission Mauroy s'est appuyée pour son travail sur le bilan de deux décennies de décentralisation, et c'est à partir de ses conclusions que nous débattons aujourd'hui. Souhaitons que les orientations positives qui se sont exprimées débouchent sur des textes législatifs. Jacqueline Fraysse, qui a participé activement aux travaux de la commission, a présenté nos analyses dans leur ensemble.

J'insisterai pour ma part sur la démocratie locale, raison d'être de la décentralisation, car faire évoluer cette dernière sans le citoyen reviendrait à le faire contre lui.

En dépit des exigences exprimées par la commission Mauroy sur la participation des citoyens ou le statut de l'élu, les propositions formulées restent en deçà de nos attentes, comme l'a souligné Robert Hue dans le débat sur les institutions, car elles demeurent marquées par la crainte de voir les citoyens s'emparer de la chose publique.

Pourtant la multiplication actuelle des coups tordus donne une bien piètre image de la vie politique, qu'il est donc urgent de revivifier. Nos concitoyens souhaitent à la fois débattre, être informés et contribuer aux choix qui orientent la vie de la cité. Ils ne sont pas dupes de ce qui se passe. Ainsi, au référendum du 24 septembre dernier, 70 % des Français ont refusé de voter, estimant sans doute que le débat était un faux-semblant et la réforme a minima. De même l'interversion du calendrier électoral est ressenti comme une tractation politicienne susceptible d'entraîner une large abstention.

Une décentralisation moderne et effective doit permettre de prendre les décisions au plus près des citoyens concernés. Le renouvellement de centaines de milliers de conseillers municipaux et de la moitié des conseillers généraux offre l'occasion de réduire le fossé séparant les Français de la politique.

Une démocratisation réelle des processus de décision requiert des moyens importants, car les revendications de toute nature exprimées par les populations au plan local mettent en jeu les moyens financiers de la nation dans son ensemble. C'est dire que l'intervention de nos concitoyens s'impose aussi dans les sphères financières et économiques.

Nous soutenons donc avec la commission Mauroy la nécessité de maintenir l'échelon communal, à condition que la commune et le département, loin de se refermer sur eux-mêmes, s'ouvrent sur les enjeux nationaux et internationaux tout autant que locaux, au service de la solidarité et du progrès social.

C'est dans cet esprit que les élus communistes entendent développer la démocratie participative pour régénérer la démocratie représentative. C'est ainsi aussi que doit être conçue l'intercommunalité. Sur ce point, les propositions de la commission Mauroy nous préoccupent.

Pour que l'élu anime du mieux possible la démocratie locale, nous sommes attachés à l'élaboration d'un statut de l'élu, gage d'égalité en politique. Tout citoyen doit pouvoir être élu, et le nouveau statut doit s'appliquer à l'ensemble des élus locaux et non pas seulement aux membres des exécutifs. Nous venons d'en discuter à l'occasion de la première lecture de notre proposition relative à l'accès aux fonctions électives locales. Nous souhaitons que cette discussion aboutisse au plus vite, d'autant que la commission Mauroy a formulé sur ce statut des propositions positives. Nous attendons maintenant des actes concrets engageant l'avenir de la décentralisation.

Je tiens à exprimer l'inquiétude suscitée parmi nous par l'intervention de M. Roman, qui propose l'effacement de la commune et du département et la réduction du nombre des régions. Ce discours n'est pas nouveau, il avait couru tout au long du débat sur la loi Chevènement, développé en particulier par M. Perben.

M. François Baroin - J'espère, par mon intervention, ramener un peu de sérénité dans cet hémicycle très agité (Sourires) et, plus sérieusement, prendre part à ce débat pour donner du sens à ce qui en a perdu. C'est que la déclaration du Gouvernement est bien davantage qu'un exposé de principes. C'est le prélude à une série de projets qui auront d'importantes conséquences sur nos institutions. Ce débat nous invite donc à présenter à nos concitoyens une vision cohérente de la France de demain.

Le moins que l'on puisse dire est que cette pause était nécessaire. Pour le Gouvernement, sans aucun doute. N'a-t-il pas montré par ses projets de réformes désordonnés et contradictoires que s'il ne sait pas où il va, cela ne l'empêche pas d'y conduire notre pays rapidement ? Recentralisation fiscale et recentralisation du logement social, d'une part et, d'autre part, élaboration d'un statut tellement dérogatoire pour la Corse que l'on peut légitimement douter que l'Ile de Beauté ait vocation à demeurer dans la République... Comprenne qui pourra.

Pause bénéfique pour l'opposition également, et notamment pour mes collègues du groupe RPR et pour moi-même, car nous pourrons ainsi présenter à nos concitoyens une vision cohérente de la France que nous appelons de nos v_ux et que nous esquissons depuis plusieurs mois.

Pour nous, un débat sur la décentralisation, c'est avant tout un débat sur la République, car la décentralisation n'est pas une fin en soi mais un outil mis au service de trois objectifs : la cohésion nationale, la cohésion sociale et la modernisation de notre pays. Si, donc, nous croyons que la modernisation de la France impose la participation des collectivités territoriales, nous n'en pensons pas moins que l'Etat reste le garant de la cohésion nationale. Il est donc pour le moins paradoxal que le grand absent de ce débat soit l'Etat. Sa faiblesse, en effet, peut être responsable du dérapage de la décentralisation vers ce délitement de la République, dans un vertige communautariste. C'est, au contraire, si l'Etat est fort et légitime que l'on peut concilier décentralisation et maintien de l'identité nationale au c_ur d'une Europe en construction. Mais peut-être les échecs répétés du Gouvernement à réformer l'Etat, à l'instar de la mission 2001, l'ont-ils échaudé...

La France a besoin d'un Etat régulateur, pilote et garant de la cohésion nationale.

Le repli, parfois exacerbé de certains de nos concitoyens, est la conséquence de l'impuissance des pouvoirs publics, pourtant omniprésents, à répondre à leurs attentes. Cette omniprésence, inversement proportionnelle à l'efficacité de l'action, ne cesse de se renforcer depuis trois ans et demi : l'immixtion de l'Etat dans les négociations entre partenaires sociaux en est le dernier exemple, dénoncé d'ailleurs par un ancien responsable syndical, comme « étouffant la société civile ». Le mot est fort !

L'Etat-providence, moteur de la modernisation de notre pays pendant de nombreuses années, est à bout de souffle. Incapable de se réformer et de se moderniser, il décourage aujourd'hui les énergies et peut même contredire le progrès accompli par des initiatives locales ; la mise en place de la couverture maladie universelle s'est ainsi traduite par une régression pour certains de nos concitoyens. Un comble !

Mon intention n'est pas de plaider pour le retrait de l'Etat, ni en faveur d'un « Etat minimum » caricatural qui ne serait qu'un Etat gendarme. Je l'ai dit, le souhait du RPR est de voir l'Etat réinvestir ses missions essentielles, celles qui font de lui le garant de la cohésion nationale. Ces missions d'intérêt national ont été trop longtemps négligées et sont mal assurées. On n'a, me semble-t-il, que ce que l'on mérite. Sait-on assez qu'en 1810 la France comptait autant de magistrat que de professeurs ? Favoriser l'éducation nationale ne doit pas conduire à sacrifier d'autres domaines !

L'Etat doit surtout répondre à la demande de sécurité exprimée par nos concitoyens. Il doit, pour cela, se doter des capacités de prévision, de conception, de stratégie, d'évaluation et de contrôle nécessaires.

Le portrait de cet Etat nouveau, au c_ur d'une nouvelle République et d'un nouveau contrat social, est celui de l'Etat régulateur. Or régulation et décentralisation vont de pair. L'Etat que nous appelons de nos v_ux doit être réformé. Il s'agit d'abord qu'il délègue la plupart de ses missions opérationnelles et accroisse ses capacités de régulation par la création d'agences.

La réforme souhaitable de l'Etat est, en conséquence, contraire à la vision caricaturale dans laquelle les socialistes veulent l'enfermer. Elle n'a pas pour objet de frustrer ou de brimer les agents publics mais doit permettre de répondre à leurs attentes par l'amélioration de leur niveau de formation, par une plus grande mobilité, l'utilisation plus importante des congés formation-conversion, et, en bref, une plus grande responsabilisation. Le départ à la retraite de 45 % des agents publics d'ici à 2012 doit être préparé pour permettre la modernisation de l'organisation et de la gestion de l'administration.

La décentralisation est donc à la fois le pendant et le moteur de la réforme de l'Etat.

J'insiste sur le fait que le lien entre les fonctions de prospective de l'Etat et le transfert des compétences est dynamique. Au fur et à mesure qu'il maîtrisera les nouvelles missions dont il se sera saisi, l'Etat pourra en expérimenter la délégation à des collectivités locales ou à un acteur privé, puis, éventuellement en généraliser le principe. Plus que jamais, l'Etat doit être pilote et déceler les nouveaux défis auxquels notre société va être confrontée. Leur gestion peut, ensuite, être décentralisée. Simplement, les choses doivent se faire dans l'ordre, sans que l'on se croie obligé de maintenir des coquilles vides. Malheureusement, la duplication des services est tellement fréquente dans notre pays que nous consacrons 4 à 5 points de PIB de plus que l'Allemagne à leur financement.

L'organisation administrative française doit donc rompre avec ses réflexes d'uniformité. L'enjeu est ici bien différent de celui posé par le statut de la Corse. Nulle crainte, en effet, d'une atteinte à l'unité ou à l'indivisibilité de la République, puisqu'il s'agit de l'organisation interne de l'Etat, sous la responsabilité des préfets de région.

On l'aura compris : il est plus que temps de passer de l'âge de la suspicion à celui de la responsabilité et donc de la confiance. Responsabilité de l'Etat, nécessaire pour qu'il assume ses nouvelles missions ; responsabilité au sein de l'Etat aussi, car un Etat moderne a besoin de fonctionnaires motivés. A un Etat rénové, sûr de lui car sûr de ses missions, ne pourra que correspondre une décentralisation dans la confiance. Celle que nous voulons et dont la France a besoin pour rester compétitive et fraternelle (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Alain Le Vern - Le débat qui nous rassemble est fondamental pour notre démocratie et pour l'avenir de la République.

Les parlementaires que nous sommes doivent mettre un terme à la vaine polémique du « trop d'Etat » ou du « trop peu d'Etat ». Notre réflexion doit nous amener à construire les bases citoyennes d'un Etat-nation à la française qui sans renier son histoire, sache évoluer vers plus de démocratie et plus d'efficacité, donc de respect du citoyen, vers un Etat moderne qui fasse de la solidarité entre ses territoires un objectif premier.

Président de la région Haute-Normandie, c'est au nom de nombreux collègues présidents que j'avancerai quelques propositions.

Clarifier les compétences et clarifier les ressources des collectivités, tel est l'enjeu majeur de l'acte II de la décentralisation.

Notre démocratie a besoin d'être plus compréhensible pour que nos concitoyens s'y intéressent. C'est une attente des Français ; c'est donc une exigence pour nous, élus de la nation. C'est pourquoi je plaiderai en faveur de la clarification des compétences confiées à chacune de nos collectivités. Mettons un terme au chevauchement ou au croisement des financements et donc des responsabilités ! Commune, communautés de communes, d'agglomérations, pays, départements, régions, Etat, Union européenne : le mille-feuille institutionnel est devenu complètement indigeste !

Comme l'a dit le Premier ministre, il est grand temps de clarifier les métiers de chacun et de répondre ainsi à la question que chacun se pose : qui est responsable de quoi ? C'est le moyen le plus sûr de rapprocher les élus des citoyens.

Ainsi la région doit se recentrer sur les compétences premières qui constituent son socle : l'action économique, l'aménagement du territoire, la formation professionnelle et continue, la formation initiale et, demain, les transports collectifs régionaux.

Je prendrais pour exemple celui de la formation professionnelle. Cette compétence, régionale pour l'essentiel, est aussi exercée par l'Etat en fonction du public concerné : chômeur de longue durée ou non, âge de l'intéressé, type de stage... Et, selon le cas, la personne en formation sera indemnisée par les ASSEDIC ou la région, et les frais de structures seront assurés par la région le plus souvent, mais parfois par d'autres collectivités, dont l'Etat, et même par le fonds social européen... D'évidence, une réforme s'impose.

Et qui mieux que la région peut assurer la formation professionnelle ? Confions-lui cette responsabilité en totalité, l'Etat assurant uniquement l'indemnisation des publics en formation. C'est simple, et ce sera efficace.

J'irai plus loin encore : comme cela a été fait pour les lycées, confiés en 1986 aux régions dans un triste état et aujourd'hui lieu d'excellence, donnons aux régions des responsabilités en matière universitaire. La formation jusqu'à la qualification et l'entrée dans la vie active ainsi que la formation continue seront alors de la seule responsabilité des régions, les programmes, les diplômes, le recrutement et la rémunération des enseignants restant à la charge de l'Etat.

Début 2002, les régions seront également l'autorité organisatrice des transports express régionaux. Je ne doute pas que la qualité et le dialogue prévaudront. Mais attention ! Nous serons aussi responsables des retards, de l'inconfort éventuel... Je pourrai prendre d'autres exemples. Nous avons a dresser la liste des compétences qui peuvent être regroupées et assurées en totalité par une collectivité. Ce sont les « métiers de la région » : de l'avis de tous, elles les exercent bien.

Plutôt que de nous quereller, retenons donc le principe de subsidiarité, selon lequel la collectivité la plus proche rend le service attendu par le citoyen. C'est cela l'autonomie locale, qui lie proximité, efficacité et responsabilité. La démocratie y gagnera.

L'échelle régionale est avec l'intercommunalité, la dimension adaptée à l'aménagement du territoire. Ce fait n'est pas contesté. Il s'agit désormais d'adapter la fiscalité aux compétences des collectivités. Il est paradoxal qu'elles soient les premières privées de ressources propres, les unes par la réforme de la taxe professionnelle, les autres par celle de la taxe d'habitation, réformes excellentes par ailleurs.

Mais je n'entrerai pas dans un faux débat, sur l'autonomie financière des collectivités territoriales : contrairement à ce qui est souvent affirmé, elle est plus grande en France que dans les autres pays. En outre, les dotations de l'Etat aux collectivités locales ont progressé de 5,1 % par an de 1997 à 2000... Ce n'est pas ce que l'on entend !

Mais laisser entendre que les régions seraient aujourd'hui libres de fixer leurs recettes serait également excessif. Leur autonomie est encore réduite quand le discours général est à la baisse des impôts.

La vraie question n'est plus autonomie fiscale ou non... si la situation n'évolue pas très vite, il vaudra mieux se ranger à un mécanisme de recettes assuré par l'Etat, ce qui aura au moins le mérite de la franchise.

Deux principes doivent guider la relance de la décentralisation : la péréquation et la libre administration.

Les dotations de péréquation ne représentent aujourd'hui que 10 % des ressources locales. Elles doivent être renforcées, tant les inégalités perdurent. L'Etat doit assurer cette péréquation tout en garantissant l'évolution des dotations annuelles. Restera alors à définir quels impôts doivent revenir aux régions.

Je crois qu'il faut trancher. De même qu'il est vital de clarifier les compétences, il faut spécialiser les impôts, de façon à ce que les citoyens puissent identifier clairement qui prélève quoi, après avoir enfin compris qui fait quoi !

La territorialisation d'un impôt national -part de TVA, de TIPP par exemple- serait également une piste à explorer, mais les recettes peuvent être sans rapport avec les charges dans les zones de grand passage, ou de grande fréquentation touristique... En outre, cette solution serait contraire à la réglementation communautaire.

Pourquoi ne pas étudier la possibilité d'un impôt direct spécifique à chaque collectivité, reposant sur l'assiette la plus large possible ?

Si cette question des recettes se pose avec tant d'acuité, c'est aussi que la confiance que nous accordons à l'Etat doit être restaurée. L'évolution des dotations n'est pas toujours aussi bien garantie que ces dernières années. Le transfert des compétences s'accompagne rarement des ressources nécessaires. Enfin l'Etat n'honore pas toujours ses engagements : on l'a vu lors des précédents contrats de plan signés par les régions pour cinq ans en 1994 et prolongés d'un an par le précédent gouvernement...

Aujourd'hui, à peine l'encre de la signature du contrat de plan 2000/2006 est-elle sèche que l'Etat semble renâcler à honorer ses engagements annuels, dans le domaine sensible des routes par exemple, ce qui est inacceptable (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF).

En tout état de cause, il faut désormais aller vite. Les régions françaises vont en effet être de plus en plus en relation directe, pour ne pas dire en concurrence, avec les autres régions d'Europe et devront s'affirmer pour exister économiquement et culturellement.

Il n'est pas ici question de soutenir une Europe des régions qui ne correspond ni à l'histoire de notre pays, ni à celle de la construction européenne. La nation reste le seul échelon politique raisonnable pour préserver notre démocratie et notre modèle républicain. Mais de par ses compétences et son champ géographique, la région est le bon échelon du développement économique durable du continent européen.

Le débat d'aujourd'hui doit donc jeter les bases d'une nouvelle avancée pour la décentralisation, pour plus de démocratie, plus d'efficacité, de responsabilité et de confiance. Je remercie le Gouvernement d'avoir permis que se poursuive le mouvement engagé par les socialistes dès 1981 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Meylan - Le Gouvernement nous propose aujourd'hui « un deuxième souffle pour la décentralisation ». Mais tout le monde l'a bien compris ici, ce n'est pas le Premier ministre, mais le candidat Jospin qui se sert de la tribune du Parlement pour essayer de pallier une lacune majeure de son action depuis 1997.

Force est de constater que vous n'avez rien fait pour favoriser la décentralisation dans notre pays, au contraire.

La décentralisation, telle qu'elle existe dans d'autres pays européens, comme l'Espagne, n'est pas réellement appliquée en France. Elu local depuis 1982, j'ai suivi de près la mise en _uvre des lois de décentralisation : à ce jour, rien n'a fondamentalement changé.

Notre organisation est toujours axée autour du rôle des maires, des préfets et du Président de la République. Les Français ne connaissent pas le nom de leur président de conseil général ou de conseil régional, ni, a fortiori, leurs domaines de compétence.

La France est restée un pays centralisé.

Quand je vous vois vous approprier le centième anniversaire de la loi 1901 sur les associations, je souris, car la gauche a longtemps été contre tous les corps intermédiaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

La politique que vous menez depuis 1997 n'a fait qu'aggraver cette tendance. Elle vise à faire de nos collectivités les simples courroies de transmission de la politique du Gouvernement.

Hier, certains ici ont déploré que l'autonomie financière et l'autonomie d'action des collectivités locales se réduisent comme peau de chagrin.

Mais qui parle d'autonomie ? L'autonomie, c'est la capacité pour une collectivité d'édicter ses propres règles. Nous en sommes loin !

D'autant que le Gouvernement a délesté les collectivités locales des quelques leviers d'action dont elles disposaient : vous avez successivement supprimé la part régionale de la taxe d'habitation, la part salariale de la taxe professionnelle, enfin la vignette (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Cela veut dire que les collectivités locales ont perdu leur capacité de lever l'impôt, et que nous, élus, n'avons plus la possibilité d'assumer politiquement nos choix devant la population qui nous a mandatés.

Vous avez mis à contribution les collectivités locales comme relais des politiques de l'Etat, en leur imposant de nouveaux transferts de charges sans leur donner les moyens correspondants : les contrats de plan Etat-régions sont ainsi de véritables contrats léonins.

Vous avez reconcentré les pouvoirs de décision au profit des préfets dans plusieurs textes récents, comme ceux sur l'archéologie préventive ou sur l'accueil des gens du voyage. La suppression du contingent communal d'aide sociale privera les maires et les conseillers généraux de la possibilité de mener une politique sociale de proximité.

Tout cela dénote votre manque de confiance dans les élus locaux et révèle votre deuxième objectif : faire main basse sur le pouvoir local.

En 1981, François Mitterrand a été élu mais, pendant deux septennats, la gauche n'a jamais pu avoir la majorité dans les régions, les départements et les communes, qui font l'assise électorale de la droite.

Depuis 1997, vous n'avez eu de cesse d'essayer de nous couper de cette assise électorale, en vous attaquant, notamment, au mode de scrutin. Le scrutin de liste pour les régionales va affaiblir les exécutifs régionaux. L'introduction d'une plus grande dose de proportionnelle pour les élections sénatoriales révèle votre volonté d'affaiblir la majorité de la Haute assemblée. Nous ne sommes pas dupes, Monsieur le ministre : le but de la man_uvre est de vous procurer ainsi cette légitimité qui fait tant défaut à votre majorité.

Le véritable enjeu, ce devrait être d'aboutir à une réelle décentralisation des pouvoirs et cela implique un changement des mentalités.

Si nous voulons libérer la société de ses carcans, encourager la créativité, rendre les Français plus autonomes, il faut inverser le sens de la pyramide : la base devrait en être le citoyen, la famille, l'entreprise, l'école, la commune ; au sommet, les pouvoirs publics n'interviendraient que quand cela s'avère nécessaire.

Je suis pour un Etat subsidiaire, c'est à dire un Etat fort qui se concentrerait sur ses missions -la justice, la sécurité, la défense du pays, les affaires étrangères ou la santé.

Ce dont la France a besoin, c'est d'être mieux gouvernée et moins administrée.

Votre gouvernement ne parvient pas à résoudre les dysfonctionnements de notre système judiciaire, ni à endiguer la violence et la délinquance.

Vous entendez imposer un système étatique de santé dont les Français ne veulent pas plus que les professionnels.

Pour pallier les carences de l'Etat dans ces domaines, vous sollicitez de plus en plus les élus locaux : maisons de l'emploi, maisons de la justice, contrats locaux de sécurité, etc. Pourquoi pas ? Je n'ai jamais pensé qu'il y avait deux camps opposés, l'Etat contre les élus locaux. D'autant moins que les ministres de la semaine sont les maires du dimanche ! Encore faut-il que le Gouvernement joue le jeu, ce qui n'est pas le cas.

Depuis 1997, vous nous privez des leviers d'actions financiers et humains. Le Gouvernement fait des effets d'annonce, mais pour le citoyen, le maire reste toujours en première ligne. Il est le bouc émissaire de tout ce qui fonctionne mal au sein de vos services publics.

Je comprends pourquoi de nombreux maires, lassés, n'ont plus envie de demander un nouveau mandat. Plutôt que de les culpabiliser, instaurons un statut de l'élu qui permette à celui-ci d'être le véritable animateur du développement local. Cela fait vingt ans que nous le demandons !

Inscrivons le principe de subsidiarité dans la Constitution. Le droit à l'expérimentation est une bonne chose, mais heureusement que nous ne vous avons pas attendu pour le mettre en pratique.

Inspirons-nous des exemples de décentralisation réussis chez nos voisins européens, redéfinissons les objectifs, les compétences, mettons en place les moyens financiers adéquats pour une décentralisation concrète, au plus proche de la vie des Français : non pas, comme vous le faites avec les lois Voynet et Chevènement, en considérant les collectivités locales comme de simples entités administratives, en jouant les régions contre les départements, ou l'agglomération contre le canton, mais en considérant les communes comme le creuset de la République.

Pour toutes ces raisons je considère que votre démarche n'est pas bonne (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jacques Barrot - Une simple actualisation de la décentralisation ne suffit pas. Aujourd'hui la société de communication et d'information impose des modifications beaucoup plus profondes si nous voulons une démocratie vivante et participative. Les citoyens de l'an 2000 ont besoin de se réapproprier une vie publique trop éloignée de leur quotidien.

Certes le mérite revient à Gaston Defferre d'avoir désengorgé l'Etat national et, en transférant certaines compétences, d'avoir rendu le service public plus efficace -je pense en particulier aux constructions scolaires.

M. Jean-Pierre Balligand - Très bien !

M. Jacques Barrot - Mais aujourd'hui il faut aller bien au-delà et je voudrais lancer quelques idées novatrices.

D'abord, la décentralisation est restée à mi-chemin car on a cru que son corollaire était une déconcentration réussie à chaque échelon correspondant. C'est ce qui se passe aujourd'hui dès qu'on transfère une compétence au département ou à la région. Ainsi le conseil général finance la politique sociale mais la DDASS tire argument des quelques fonds dont elle dispose pour garder un droit de regard. Il en va de même pour la formation au niveau régional. On gagnerait à avoir sinon un seul maître d'ouvrage, du moins un seul maître d'_uvre.

Pour autant nous ne voulons pas priver l'Etat de ses prérogatives dans les domaines comme le logement social ou la lutte contre l'exclusion où il assure la cohérence et fixe des priorités.

Mais à la déconcentration il faudrait substituer la délégation de compétences.

M. Jean-Pierre Balligand - Très bien !

M. Jacques Barrot - Déjà le maire, officier d'état civil, exerce des compétences d'Etat, encadré par la loi. S'agissant de la lutte contre l'exclusion ou l'insécurité urbaine on pourrait confier le pilotage aux élus locaux. Ainsi, on surmonterait le dilemme de la simple déconcentration de forces de police ou de la création systématique de polices municipales. Le maire deviendrait une sorte d'officier de sécurité publique. Régions, départements, communautés d'agglomération pourraient aussi exercer, outre leurs compétences propres, celles que l'Etat leur conférait dans le cadre de ressources qu'il a lui-même définies. Je crois beaucoup à cette voie nouvelle, qui consiste à confier un bloc de compétences à celui qui est reconnu comme chef de file pour les exercer.

En second lieu, les systèmes éducatif et sanitaire sans pouvoir être délégués, devraient être gérés au plus près des citoyens. Des établissements publics régionaux pourraient regrouper dans leur conseil d'administration usagers, représentants de l'Etat, élus locaux et représentants des personnels. Ils contrôleraient la gestion du recteur ou du directeur de l'agence régionale de santé, toujours nommés par l'Etat. On s'adapterait aux besoins des usagers en préservant l'unité de ces grands services et donc l'égalité républicaine.

En troisième lieu, il faut articuler de façon pragmatique les collectivités. Il ne sert à rien d'opposer région et département. Mieux vaudrait faire travailler ensemble élus départementaux et élus régionaux en les faisant élire ensemble.

Pour réussir cette synergie, il faut que chaque élu ait une responsabilité territoriale. Des districts électoraux pourraient élire à la fois un délégué régional et un délégué départemental.

Faut-il conserver enfin cette cascade de tutelles sur l'action des élus ? Aux contrôles a priori, préférons une logique de responsabilité. Pour assurer quand même le contrôle imposons à la collectivité de recourir à des audits qui seront publiés et de faire certifier ses comptes par des mandataires agréés et indépendants. Bien entendu il faut une éthique des élus locaux libérés de la tutelle, pour bâtir une démocratie de confiance.

Aujourd'hui nous pouvons procéder à une réorganisation ou profondeur des pouvoirs locaux. Mais il faut avoir l'audace de sortir des sentiers battus, nos territoires resteront trop administrés pour être bien gouvernés (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Balligand - Applaudissez, Messieurs du RPR, des propos diamétralement opposés aux vôtres !

M. Didier Quentin - Selon le contrat national rénové que propose le RPR pour une décentralisation au service d'une République moderne, il convient aussi de démocratiser la décentralisation. J'avancerai donc un certain nombre de propositions pour rapprocher les élus des citoyens.

Il s'agit en premier lieu de la réforme des modes de scrutin et de l'élection des membres des structures intercommunales.

L'univers politique semble clos et opaque, on doute de la capacité des élus à peser sur le cours des choses, beaucoup d'actifs hésitent à s'engager dans la vie de la cité. Dès lors, comment construire un espace public plus ouvert, plus transparent, et en définitive plus démocratique. On le fera plus aisément à l'échelon local.

En recentrant l'Etat sur ses missions essentielles en clarifiant l'articulation des pouvoirs locaux, en privilégiant l'autonomie et la spécialisation de la fiscalité locale, nous contribuerons à revivifier la démocratie.

En complément il faut renforcer le lien qui unit une population, un territoire, un élu et légitimer celui-ci. C'est pourquoi nous sommes attachés au scrutin uninominal, s'appuyant sur une circonscription territoriale, pour toutes les élections au suffrage universel direct, y compris les européennes, mais avec une exception pour les municipales où le scrutin de liste s'impose.

La gauche plurielle continue de vanter les mérites de la proportionnelle, qui donne trop d'importance aux appareils et aux combinaisons partisanes, qui éloigne l'élu de ses électeurs et rend difficile l'émergence de majorités claires.

Au contraire, le scrutin uninominal majoritaire de circonscription rapproche l'élu des citoyens, l'ancre dans les réalités du terrain et l'oblige à une explication et à une pédagogie permanentes. L'élu au scrutin uninominal est connu, et même reconnu par ses électeurs, avec lesquels il peut entretenir un dialogue républicain constant et confiant, et auxquels il devra rendre des comptes en fin de mandat.

Nous voulons aussi institutionnaliser l'articulation entre « région et départements », entre « communes et structures intercommunales », le scrutin uninominal à deux tours serait instauré pour chacun de ces couples de collectivités et les scrutins seraient regroupés.

Pour les élections régionales, les fonctions de conseiller général et régional, étant regroupées, l'élection au scrutin uninominal aurait lieu dans le cadre de circonscriptions « cantorégionales ». Ce système nécessiterait de regrouper plusieurs cantons actuels, en tenant compte des structures intercommunales. La définition de ces nouvelles circonscriptions serait confiée, comme en Grande-Bretagne, à une commission indépendante composée de géographes, de démographes et de politologues de manière à assurer une représentation plus équilibrée de la population mais aussi des territoires, notamment ruraux. Le mandat serait fixé à cinq ans.

M. Bernard Roman - Très bien !

M. Didier Quentin - La même inspiration doit prévaloir pour l'intercommunalité. Plus de 21 000 communes appartiennent à des groupements et 37 millions d'habitants sont concernés. L'intercommunalité ne doit plus relever du suffrage indirect.

Au nom du principe républicain qui rend comptable de ses actes celui qui lève l'impôt, les délégués intercommunaux doivent être élus au suffrage universel sur la même liste et le même jour que les élus municipaux et dans le cadre de la circonscription communale, pour ne pas dénaturer la légitimité politique des communes. Ce dispositif pourrait entrer en vigueur pour les élections suivant celles de mars 2001.

Afin de lutter contre l'abstention, il faudrait également envisager un regroupement des scrutins, au moins pour les élections locales. Cela favoriserait aussi la mise en place de la limitation des cumuls, en faisant apparaître en même temps l'ensemble des candidats aux différentes élections.

D'autres pistes pourraient être explorées, comme l'harmonisation de la durée des mandats, cinq ans par exemple, qui permettrait le regroupement des élections et donc la réalisation d'économies et sans doute une amélioration de la participation.

Par ailleurs, afin de consolider le fait majoritaire et de tendre vers la bipolarisation, qui présente à l'électorat des choix clairs et alternatifs, on pourrait envisager, à défaut de recourir au scrutin uninominal à un tour, de limiter au second tour la compétition aux deux candidats arrivés en tête.

Deuxième grande réforme : l'élargissement du recours au référendum.

Le référendum s'inscrit dans la tradition gaulliste, qui n'a jamais eu peur de donner la parole au peuple. Utilisé à bon escient, il permet d'ouvrir le débat à l'ensemble de la société civile, qui souhaite davantage participer aux choix engageant la collectivité. Actuellement, la consultation est possible au niveau communal pour les questions relevant de la gestion municipale, mais pas aux niveaux départemental et régional, sauf loi spécifique à cet effet.

Il convient donc d'élargir le référendum local aux départements et aux régions et d'examiner la possibilité d'abaisser le seuil de déclenchement de la procédure par les électeurs. Cela constituerait par ailleurs une expérimentation intéressante dans l'esprit de la proposition de loi de Pierre Méhaignerie qui a été votée hier.

Troisième grande réforme : élaborer un véritable statut de l'élu qui conduise un plus grande nombre d'actifs, d'origines socioprofessionnelles plus diverses, à s'engager dans la vie publique.

Chacun connaît les doutes et les angoisses qui pèsent sur les élus locaux, notamment des petites communes : indemnités faibles, équipes réduites, moyens logistiques et d'expertises limités, contrôles tatillons, difficultés de réinsertion.... C'est pourquoi beaucoup de nos concitoyens renoncent à se présenter à des élections. Il faut rappeler que la démocratie a un coût et instaurer une « charte » de l'élu attractive et protectrice.

Renforcer la formation, améliorer l'indemnisation, concilier véritablement mandat électif et activité professionnelle et assurer la réinsertion permettront d'enrayer ce que Jean-Paul Delevoye appelle la « paupérisation de la représentation politique locale ».

Il est également souhaitable que l'Etat déconcentré mette en place des centres d'informations à l'usage des élus. Depuis sa publication en 1996, la partie législative du code général des collectivités territoriales a été modifiée par 42 lois, qui ont eu un impact sur 390 articles ! Le conseil juridique aux élus comme l'interprétation des textes législatifs et réglementaires constituent, au regard de cette instabilité, une mission de service public.

Dans le même esprit, il convient de reconnaître à l'ensemble des élus locaux le droit de percevoir de façon automatique leurs indemnités de fonction et de bénéficier de façon obligatoire d'une formation. Les problèmes de retraite, de couverture sociale et de reconversion devront également être pris en compte dans le statut de l'élu. Celui-ci devra bien sûr s'accompagner d'une refondation de la morale publique qui répond à une attente profonde de nos compatriotes et pour laquelle le groupe RPR aura aussi des propositions à faire.

M. René Dosière - A Paris également ?

M. Didier Quentin - Voilà comment pourrait s'organiser une décentralisation véritablement démocratique pour laquelle, comme pour d'autres réformes, il est urgent d'agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Bernard Derosier - Comme chacun, je me réjouis de la tenue de ce débat. Mais celui-ci n'aurait pas eu de sens s'il n'était suivi d'avancées législatives -qui viennent d'être annoncées. Ce débat marque le terme d'une année de réflexion engagée par la commission sur la décentralisation. Il s'appuie sur un travail dense et riche. Surtout, il arrive au bon moment : il est temps de vérifier les bases sur lesquelles repose la quasi-unanimité autour de la deuxième étape de la décentralisation.

Fort de l'expérience de vingt années de décentralisation, mon souci, en tant qu'acteur du développement local, est de corriger et de faire avancer la décentralisation. Je m'attarderai sur le département, qui suscite des opinions bien diverses. La commission Mauroy le définit comme une collectivité irremplaçable en matière d'action de proximité et dont la suppression comporterait plus de risques que de bénéfices. Sa justification à mes yeux est le lien de solidarité qu'il établit sur un territoire défini.

Dans cet esprit, je souscris à la volonté de renforcer la vocation principale de chaque collectivité. Mais il faut au préalable remanier la carte administrative pour prendre en compte les bassins de vie actuels, forcément différents de ceux de 1792, ainsi que pour ajuster les territoires de référence à l'Europe. Je ne suis pas hostile au transfert de compétences entre collectivités, mais fermement opposé à toute organisation qui ne garantirait pas la mission de solidarité et de péréquation du département. Le service public doit rendre à tous les mêmes services, à la campagne comme en ville. Le département joue ce rôle essentiel de péréquation entre habitants mais aussi entre territoires. Les maires de grandes villes ou agglomérations laissent bien entendre qu'ils sont tout prêts à assurer ces missions, mais comment garantiront-ils l'accès des plus petites communes aux services ?

Le département fait montre d'un savoir-faire irremplaçable dans le domaine social, pour les espaces naturels sensibles, pour les collèges. Il dispose aussi d'une assise financière suffisante. Le département n'est pas une collection de cités séparées par des zones sous-peuplées : c'est un projet d'aménagement qui veut satisfaire à la fois l'habitant de la périphérie d'une métropole et celui d'un chef-lieu de canton rural. C'est la collectivité qui leur permet, avec les routes, de communiquer et de s'ouvrir sur l'extérieur. Pourtant, le département ne doit pas se défier de l'intercommunalité. Il doit au contraire inciter à son développement, l'aider de façon financière et technique. Il ne doit pas non plus considérer qu'il est immuable, mais aller vers toujours plus d'efficacité. Aussi ai-je particulièrement apprécié l'alternance de vision globale et de propositions immédiates que contient le rapport Mauroy. Je citerai le fait de confier la gestion du personnel des collèges au département, la création d'un centre unique d'information pour les personnes handicapées, l'aménagement du réseau routier national : ces propositions concernent la vie quotidienne et visent aussi à rationaliser l'usage des deniers publics.

Il reste à lever certaines hypothèques qui pèsent encore, après vingt ans de décentralisation, sur le bon développement des collectivités locales, en rendant leur action plus visible et plus lisible et en les dotant de nouvelles règles de financement. Les responsabilités des collectivités, et notamment du département, doivent être rendues plus lisibles pour les citoyens et surtout pour les usagers des services publics locaux et pour les agents publics.

Les agents publics territoriaux sont, avec les élus, les acteurs de l'exercice quotidien des compétences des collectivités. Nous avons créé, en 1985, la fonction publique territoriale, afin de donner à ces dernières les ressources humaines nécessaires, dont le savoir-faire est désormais reconnu ainsi que les missions. Il nous faut maintenant, grâce à la résorption de la précarité et à l'adaptation des conditions de recrutement, accroître leur mobilité vers les autres fonctions publiques, celle d'Etat en particulier.

Collectivité de proximité, le département doit maintenir le lien entre élus et citoyens, et c'est pourquoi la proportionnelle intégrale n'est pas souhaitable, l'exemple des régions le prouve. Un territoire, un élu : telle doit être la règle, même si le cadre territorial peut être adapté (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

L'objectif premier qui doit nous guider est le service rendu au citoyen. Aussi nous faut-il aller plus loin que le gouvernement et le législateur de 1982 dans la répartition des responsabilités et des compétences, et ne pas rééditer l'erreur qui consiste à ne pas les accompagner des moyens financiers adéquats. La fiscalité locale, chacun le répète depuis des années, est inadaptée, anarchique et injuste, et la loi de 1996 sur les SDIS illustre ce qui se passe lorsque le décideur n'est pas le payeur. Nous devons instaurer un système respectueux des libertés locales, et conciliant l'autonomie financière avec le rôle régulateur de l'Etat.

Il y a peu, tout débat sur la décentralisation tournait encore à la querelle des anciens et des modernes, mais puisque les frileux d'hier ont choisi de rallier la bannière de la décentralisation, je leurs dis : tant mieux, et bienvenue ! Il nous appartient, vingt ans après les premières lois de décentralisation, de poursuivre l'_uvre de réforme ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Eric Doligé - Très bien !

M. Pierre Hériaud - Je m'en tiendrai à l'analyse des liens financiers, dégradés au fil des ans, entre l'Etat et les collectivités territoriales. Nous considérons, à l'UDF, que le décideur doit répondre de ses actions, sans que se créent des écrans déresponsabilisants qui déroutent le citoyen. Le bon fonctionnement d'une structure démocratique requiert liberté d'action, responsabilité et contrôle citoyen.

Or, nous assistons à une recentralisation continue. Au « pacte de stabilité » pour 1996-1998 a succédé un « contrat de croissance et de solidarité » pour 1999-2001, dont la loi de finances qui vient d'être votée constitue la dernière traduction budgétaire. Je m'y arrêterai quelques instants. Si la dotation sous enveloppe, qui vise à associer les collectivités aux fruits de la croissance, est indexée sur l'inflation et le tiers de la croissance, soit 2,3 % au total cette année, la dotation hors enveloppe, dont l'objet est de compenser les modifications législatives et fiscales successives, l'est sur le niveau des recettes fiscales de l'Etat, soit le double. En revanche, les dotations d'équipement des communes sont indexées, elles, sur la formation brute de capital fixe des administrations publiques, retombée à 1,6 % au lieu de 3,6 % l'an dernier ; comment pourront-elles gérer leurs propres investissements dans ces conditions ? En outre, l'évolution contrastée des différentes composantes de l'enveloppe normée et la montée en charge des incitations à l'intercommunalité conduisent à tailler dans certaines dotations, telle la DCTP, réduite de 5,4 % en moyenne cette année.

Plus que tout autre phénomène, le poids croissant des compensations illustre la dépendance accrue des collectivités locales vis-à-vis de l'Etat, tels des vassaux face à leur suzerain. Les exemples se multiplient d'abattements et d'exemptions qui ne sont compensés qu'imparfaitement : taxe professionnelle, taxe d'habitation, vignette... Que devient la libre administration des collectivités territoriales, prévue par l'article 34 de la Constitution ?

Les collectivités seraient-elles donc si mal gérées, qu'il faille les maintenir sous tutelle ? Non : leurs comptes sont nécessairement équilibrés, sans quoi le préfet les rééquilibrerait d'office, lui qui représente pourtant un Etat en perpétuel déficit ! Non, car elles réalisent plus des deux tiers des investissements du pays ! Non, car leur endettement est passé, en un quart de siècle, de 10 % du PIB à 7,7 %, tandis que celui de l'Etat passait de 25 % à plus de 46 % ! Non, car elles ont toujours dégagé une capacité d'autofinancement, ce qui a permis au passage à notre pays de satisfaire aux critères de Maastricht au 1er janvier 1998 !

Il est de bon ton de répéter, dans tous les rapports et documents sur la fiscalité locale, que l'Etat est le premier contribuable local. C'est exact, mais cela ne doit pas donner à penser qu'il est une victime : c'est le résultat de ses propres décisions ! Au total, il prend en charge, cette année, quelque 147 milliards, dont 120 au titre des quatre taxes de base, et l'impact des mesures nouvelles ne cesse de s'accroître : 19,4 milliards en 1999, 32,6 milliards en 2000, 59,2 milliards en 2001.

Notre débat d'aujourd'hui n'aura d'utilité que si l'Etat se résout sérieusement à modifier sa politique actuelle vis-à-vis des collectivités locales, et ne se contente pas de tenir des discours sur la fiabilité, la sincérité et la transparence des comptes. Nos exigences à nous ont nom équité, autonomie fiscale, équilibre entre charges transférées et moyens financiers (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. André Vallini - Une nouvelle étape de la décentralisation s'impose, qui doit se garder d'un écueil : oublier le citoyen. De fait le volet de la démocratie locale, qui se trouvait au centre du premier mouvement de décentralisation dans les années 1970, fut le grand oublié des réformes de 1982-1983. En dépit de certaines avancées ultérieures comme le référendum communal rendu possible par la loi de 1992, le fonctionnement de nos institutions locales demeure insuffisamment démocratique.

D'abord la représentativité des assemblées locales n'est pas satisfaisante. Si les lois sur la parité et sur le cumul des mandats vont élargir la représentation politique, les conditions d'exercice des mandats locaux ne favorisent pas la diversification sociologique : un quart des maires sont des retraités, moins d'un élu local sur cinq est un salarié.

En second lieu, la montée en puissance des structures intercommunales, qui lèvent l'impôt et exercent des compétences très importantes, sans disposer de la légitimité du suffrage universel directe. Le déficit démocratique local est également lié à la culture de l'exécutif, propre à la Vème République, qui a imprégné aussi le fonctionnement des collectivités locales. L'absence de contre-pouvoirs est trop fréquente dans les assemblées, ce qui nuit à une véritable capacité délibérative.

M. René Dosière - Très juste !

M. André Vallini - Enfin, l'absence des citoyens dans le débat public local est flagrante, alors que leur investissement dans des domaines comme le cadre de vie témoigne de leur intérêt pour les affaires de la cité.

Pour faire de la nouvelle décentralisation qui s'annonce une décentralisation citoyenne, il convient d'assurer un égal accès aux fonctions électives. Un projet est en préparation. Tant mieux. Un autre progrès serait d'organiser l'élection au suffrage universel direct des délégués des structures intercommunales à fiscalité propre. M. Roman avait eu, sur ce sujet, raison trop tôt. L'idée devrait maintenant aboutir, mais ne pourra entrer en application qu'en 2007.

Il faut aussi renforcer les droits des minorités dans les assemblées locales, et mettre en place des conseils municipaux de la jeunesse ou des étrangers, ainsi que des conseils consultatifs de quartier. Songeons aussi à la possibilité offerte aux citoyens par la participation électronique de fournir leur avis sur le fonctionnement de la vie locale.

Pourquoi enfin ne pas créer un médiateur communal chargé de traiter dès l'origine des litiges dus à une incompréhension entre la collectivité et les administrés ?

Voilà quelques propositions de nature à ce que dans le nouveau mouvement de décentralisation, les citoyens ne soient pas oubliés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Estrosi - Notre débat devrait contribuer à corriger les effets pervers du désistement de l'Etat, à améliorer la décentralisation et surtout à rendre la politique plus proche des citoyens.

La question essentielle est celle-ci : quelle est la collectivité la plus efficace pour rendre le meilleur service à l'ensemble de nos concitoyens ? Le transfert de compétence des transports ferroviaires aux conseils généraux fournit une bonne réponse, et conduit à suggérer que les régions constituent la colonne vertébrale de l'intermodalité, qu'il s'agisse des infrastructures de transports ou de la voirie, dont le caractère national n'a plus de sens. Comme l'a relevé la commission Mauroy, les départements et les communes ont délégué l'entretien de leur voirie aux DDE, alors même que le Gouvernement réduit progressivement les effectifs de ces dernières, ce qui rend cet entretien de plus en plus difficile. Aussi conviendrait-il de transférer cette compétence à la région. Les élus locaux sont en effet les mieux placés pour apprécier la réalité des besoins.

Dans le domaine de la sécurité, une grande partie de la population est saisie d'une vraie détresse, tant elle constate que l'organisation actuelle de la police nationale ne permet plus de faire face aux délits qui empoisonnent la vie quotidienne. Les élus locaux devraient pouvoir, en collaboration avec le préfet et le procureur de la République, décider de la gestion de la sécurité au quotidien, de façon bien plus efficace que ne le permet la police de proximité, dirigée à l'échelon national. Départements et régions ont reçu la responsabilité des collèges et des lycées. Or les services de l'Etat qui avaient précédemment ces établissements en charge ont été maintenus. C'est inacceptable. Alors que le rapport Mauroy envisage de transférer les universités aux régions, cette organisation ancienne doit disparaître. De même faudrait-il dissoudre les directions départementales de la jeunesse et des sports, qui ne sont plus pour les associations et les clubs des interlocuteurs reconnus.

Puisque les collectivités locales ont reçu des compétences dans le domaine éducatif, elles devraient pouvoir intervenir sur les filières de formation elles-mêmes, comme elles le font déjà pour la formation continue ou en alternance. La décentralisation ne doit pas cantonner les collectivités dans un rôle de payeur (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Michel Vauzelle - Il était temps, comme l'a dit le Premier ministre, que la gauche, qui a conduit la première étape de la décentralisation avec François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre, fasse en sorte de ne pas recevoir de leçons de la droite qui cherche, à la présidence de la République, à la présidence du Sénat et à celles des régions et des maires, à accaparer une réforme qui appartient à chaque Français et à chaque élu local.

Président de région depuis bientôt trois ans, j'ai pu apprécier, en la parcourant inlassablement, que nos compatriotes de Provence-Alpes-Côte d'Azur ont une véritable soif de région, et nos élus aussi.

Dans le même temps, l'Etat s'en remet à nous chaque jour un peu plus de la charge de ses responsabilités. Hormis l'armée et la justice, nous devons désormais nous occuper de tout, ce que nous acceptons volontiers car, plus près de terrain que nos amis parisiens, nous pouvons mieux comprendre les aspirations locales. Ainsi, il faut vivre dans la région PACA pour se rendre compte de son enclavement entre les Alpes et une vallée du Rhône saturée.

Pour mieux gérer le territoire et, d'abord mieux respecter les personnes, il faut un cadre adéquat. Le plus pertinent, de par sa taille, qui permet précisément l'aménagement, et de par sa proximité avec les habitants, c'est la région. Encore faut-il, toutefois, accepter une véritable révolution.

La Corse, en effet, n'est pas un cas à part. C'est une région très particulière, certes, qui a donc besoin d'institutions particulières. Mais elle doit rester française, et au sein de la République une et indivisible. Eh bien, à l'image de ce qui a été fait pour la Corse, celles de nos régions qui en ont la volonté, celles qui, comme la Provence, la Bretagne ou l'Alsace, ont une forte identité culturelle doivent pouvoir, elles aussi, bénéficier d'un statut particulier.

Pour cela, des expérimentations sont nécessaires, dont je suis certain qu'elles seront autant de succès. Selon le principe de subsidiarité soutenu par M. le Premier ministre, chaque région doit voir reconnus ses spécificités, ses langues, ses coutumes, son art de vivre, sa philosophie de la vie. Cette décentralisation à la carte doit accorder aux régions une fiscalité qui responsabilise les citoyens et leur donne les moyens correspondant aux ambitions que la nation peut nourrir à travers elles.

De même, une partie, déterminée par la loi, du pouvoir réglementaire doit être confiée aux régions qui le souhaitent. Elle sera confiée au président de chacune d'elles, élu au suffrage universel. La Corse est française, et demeure dans le cadre de la République. Cependant, le Premier ministre et le Gouvernement ont eu le courage et l'intelligence de choisir, pour cette région, le chemin souhaitable. La Provence, sans demander autant que la Corse, souhaite que son identité propre soit reconnue. Cela ne remet nullement en cause le service identique que doit recevoir chaque citoyen sur l'ensemble du territoire ; la décentralisation à la carte ne donne pas davantage de moyens à une région riche qu'à une région pauvre, elle prend en cause des données politiques, humaines et culturelles.

Evidemment, la République doit rester une et indivisible, et seuls les représentants de la nation peuvent voter la loi. Evidemment la langue de la République est le français -et ce sur l'ensemble du son territoire. Evidemment, la République conserve tous ses pouvoirs régaliens, garantit le respect des droits de l'homme et des droits sociaux et veille au respect de la solidarité nationale en donnant aux régions pauvres ce qui leur est nécessaire, par péréquation.

Dès lors qu'est ainsi assurée l'unicité et l'indivisibilité de la République, et garantie la souveraineté nationale, pourquoi refuserait-on de reconnaître la diversité de nos régions ? Pourquoi ce que l'Andalousie ou la Toscane assument parfaitement serait impossible en Provence ? Où est le risque, évoqué par certains, d'un retour au régime féodal, puisque le pouvoir législatif demeurera aux seules mains de la représentation nationale ?

Mais, si l'on souhaite une régionalisation sincère, il faut reconnaître aux régions de très larges compétences et, ce faisant, admettre, en leur faisant confiance qu'elles peuvent gérer leurs affaires, dans le cadre de la République, en s'administrant selon le principe de subsidiarité reconnu par le Premier ministre.

M. Jospin a invité ceux d'entre nous qui ont trouvé bien timides les propositions du rapport Mauroy à présenter les mesures qui, selon nous, devraient fonder une décentralisation rénovant en profondeur le paysage institutionnel français. Je m'y suis attaché, et mes propositions visent à renforcer la démocratie française et, par là même, la nation, en instituant une démocratie de proximité dans des régions où s'épanouiront à nouveau librement, avec les moyens nécessaires -je n'ai pu, faute de temps, traiter de la fiscalité- des identités culturelles, des langues, des arts de vivre divers, dans une République vivante, forte et unie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Léonce Deprez - Comment faire épouser le XXIème siècle par notre République, et comment faire en sorte que les citoyens, au sein de la République, se sentent détenteurs du pouvoir ?

C'est à partir de la base qu'il nous faut rénover notre démocratie, c'est-à-dire le pouvoir du peuple, du cadre le plus restreint au cadre le plus large, de la commune à l'Union européenne.

Si les Français expriment une certaine désaffection à l'égard de la politique, c'est parce qu'ils ont souvent le sentiment de ne plus exercer le pouvoir. Il nous faut donc organiser la République de telle sorte qu'elle soit une démocratie vécue et non une démocratie fictive.

La recherche du progrès économique a entraîné l'élargissement des marchés aux dimensions du globe, que l'on appelle la mondialisation, et qui concerne aussi le développement économique, la santé, la sécurité, la lutte contre les pollutions. Cet élargissement des perspectives à l'échelle de la planète fait que les citoyens ont le sentiment que le pouvoir leur échappe. Il s'agit donc de réorganiser notre République et, au-delà, le cadre de nations, pour faire vivre la démocratie partout où le pouvoir politique s'exerce, de la commune à l'Organisation des Nations unies.

La décentralisation du pouvoir politique répond à la volonté de le rapprocher le plus possible des citoyens. C'est pourquoi la commune, première expression de la démocratie, doit être sauvegardée. Mais, c'est une nouvelle organisation territoriale qu'il nous faut continuer de mettre en place.

Les communautés de communes apporteront désormais les solutions aux problèmes de l'activité économique, de l'emploi, du logement, que l'échelle trop restreinte de la commune ne permet plus de satisfaire.

Ces communautés de communes sont elles-mêmes appelées à s'associer pour constituer des « pays », porteurs de projets économiques et culturels et, si le besoin s'en fait sentir, des communautés d'agglomérations ou des communautés urbaines

Les citoyens ont compris la nécessité de ces adaptations législatives. Encore faut-il maintenir le pouvoir du peuple dans ces nouvelles formes d'organisation territoriale. Pour cela nous proposons que les populations élisent au scrutin uninominal, le conseiller territorial appelé à les représenter au niveau régional et au niveau départemental. Elu d'une circonscription territoriale nouvelle, plus large que le canton d'aujourd'hui, il siégera à la fois au Conseil régional et au Conseil départemental, qui se trouverait désormais intégré dans l'institution régionale.

Il est donc possible de régler le problème de la concurrence entre conseillers généraux et conseillers régionaux en unifiant les fonctions d'élu régional et d'élu départemental, personnifié par un seul : le « conseiller territorial ».

Ces conseillers territoriaux, réunis au sein du Conseil régional, détermineraient les compétences qui devraient être assumées au niveau du conseil départemental, où ils siégeraient également, avec la même autorité d'élus du peuple.

Le scrutin de l'élection à la communauté d'agglomération devrait se faire aussi au suffrage universel, mais à la proportionnelle, par listes représentatives des différents secteurs de l'agglomération. Il en irait de même pour les communautés urbaines. Ces conseillers territoriaux siégeraient ainsi, selon les domaines de compétences, en Conseil régional ou en Conseil départemental, tout comme les élus représentatifs des circonscriptions couvertes par les communautés de communes.

L'organisation territoriale se trouverait donc couverte par trois niveaux d'élus, et l'on aboutirait ainsi à une simplification et à une clarification de l'organisation démocratique territoriale de la République. Avantage non négligeable, cette réforme entraînerait une économie importante de dépenses publiques.

Cette organisation territoriale nouvelle faciliterait la préparation et le suivi par ces conseillers territoriaux des contrats de pays et des contrats d'agglomération. Par le canal de ces élus, les citoyens auraient le sentiment de participer de manière beaucoup plus directe à la vie de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. René Dosière - Pour faire une réforme de la fiscalité locale, il faut et il suffit d'une volonté politique affirmée du Gouvernement. C'est la principale leçon que je tire de la seule véritable réforme imposée en 1990-1992 par le groupe socialiste de l'Assemblée et annulée sous la pression insistante du ministre des finances en juillet 1992.

Seule une telle volonté politique peut surmonter les conservatismes, qui se camouflent souvent sous la revendication d'une réforme globale et cohérente, dont on sait bien qu'elle n'a aucune chance de voir le jour.

Pourquoi en 1982 la gauche a-t-elle réussi la décentralisation que la droite n'avait pas pu faire aboutir en 1980 ? Parce que Gaston Defferre, fort de son expérience parlementaire, a choisi une stratégie de rupture sur un point précis, le transfert aux exécutifs locaux de pouvoirs exercés par les préfets. Cette rupture a enclenché les réformes complémentaires.

Pour réformer la fiscalité locale, il faut engager la même stratégie de rupture dans un domaine limité. Je suggère de l'appliquer à la taxe d'habitation. C'est en effet l'impôt local le plus injuste, le plus surréaliste et le plus archaïque et faute de cette réforme, il disparaîtra.

Il faudrait modifier l'assiette de cette taxe en y incluant l'ensemble des revenus, tout en conservant une partie de l'actuelle valeur locative pour tenir compte de certaines situations. Ensuite le produit de cette contribution locale proportionnelle devrait être réservé au niveau communal et intercommunal ; la suppression de la part départementale permettrait une généralisation progressive de la taxe. Enfin il faudrait mettre en place une péréquation forte de cette nouvelle taxe d'habitation afin de fournir aux communes défavorisées les ressources nécessaires.

Une telle réforme nécessite des simulations approfondies. Utilisons la période actuelle pour les effectuer, avec pour objectif de mettre en place la nouvelle contribution locale dès janvier 2003.

La substitution des dotations d'Etat à la fiscalité locale préserve, dans l'immédiat, les ressources des collectivités. Mais elle supprime le lien entre électeur et contribuable, ce qui va à l'encontre de la démarche citoyenne évoquée par le Premier ministre. Aujourd'hui près de la moitié des habitants -les deux tiers dans certaines villes généralement méridionales- ne paient plus la taxe au taux normal. Son remplacement par une contribution locale généralisée permettrait d'enclencher la réforme de la fiscalité locale tout en développant la citoyenneté locale.

Dans le grand livre de la décentralisation ouvert par Pierre Mauroy, je souhaite que Lionel Jospin soit l'homme qui aura réalisé la réforme de la fiscalité locale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Eric Doligé - Monsieur le ministre, dites-moi quel élu vous voulez et je vous dirai à quelle décentralisation vous rêvez...

Pour vous, l'élu a un profil bien défini : un ou une fonctionnaire, si possible moulé à l'ENA, et dont la carrière continue de progresser pendant la durée de ses mandats, disponible seulement 35 heures par semaine, du lundi au jeudi après-midi, et doublé systématiquement d'une structure associative de contrôle ; une personne qui, lorsqu'elle sera, pour un temps, exclue de la vie politique pantouflera ici ou là ; une personne qui, au premier jour de son entrée dans la fonction publique, connaît déjà le montant de sa retraite ; une personne élue sur une liste à la proportionnelle, et donc la plus éloignée possible du citoyen ; une personne qui cherchera à contourner les règles de cumul édictées par son Premier ministre...

Pour moi, l'élu doit être le contraire de tout cela : un homme ou une femme responsable, issu du secteur public ou du secteur privé, disponible, ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs que le citoyen et proche de lui.

A l'évidence, nous ne pouvons pas avoir la même vision de la décentralisation tant nos conceptions respectives des acteurs de cette décentralisation sont différentes.

Du reste, comment pouvez-vous parler de décentralisation en occultant totalement l'idée de réformer l'Etat ? Il est vrai que cette réforme indispensable est difficile à envisager quand 32 ministres sur 33 relèvent de la fonction publique... Cela reviendrait à scier la branche sur laquelle vous êtes confortablement assis...

La seule décentralisation qu'il vous est possible de concevoir est prisonnière de votre culture, où tout risque est éliminé.

A ce stade, je crois indispensable de rappeler que notre pays n'a pas plus de niveaux de collectivités que ses partenaires européens. Et si le nombre des collectivités est plus important, cela est dû à une organisation différente de la vie démocratique : nous sommes le pays européen où il y a le moins de salariés syndiqués, le moins d'adhérents aux partis politiques et le plus de fonctionnaires.

En conséquence, les lieux de vie de notre démocratie sont principalement situés dans nos collectivités : nos 500 000 élus sont les véritables acteurs du débat démocratique.

Quels devraient être les fondements d'une nouvelle décentralisation ?

En premier lieu, il faut réformer l'Etat. Au niveau local, tout service déconcentré qui n'apporte aucun moyen significatif pour mener une politique doit être supprimé ou réduit à sa plus simple expression : les DDE, les directions régionales du commerce et de l'artisanat, les directions régionales de l'architecture et de la culture n'ont plus de véritables raisons d'être car leurs moyens sont dérisoires. Il suffirait que le préfet soit entouré de quelques chargés de mission.

En second lieu, il faut supprimer les doublons entre collectivités et Etat et redéployer les moyens là où ils sont indispensables -santé, justice, sécurité ou éducation.

Troisièmement, l'intercommunalité doit être librement consentie. Il n'est pas admissible que le préfet puisse imposer à une commune de faire partie d'un EPCI, sans consultation des administrés.

Quatrièmement, la fiscalité doit être choisie et non imposée. François Fillon a rappelé les récents exemples de mise sous tutelle de nos finances par votre gouvernement.

Cinquièmement, il faut clarifier les compétences des échelons territoriaux. Comment justifier, par exemple, que des établissements pour adultes handicapés pratiquent une double tarification, selon que l'intéressé est pris en charge par l'assurance maladie ou l'aide sociale départementale ?

Sixièmement, il faut mettre en place un véritable statut de l'élu local pour réaliser enfin une égalité réelle des citoyens devant le suffrage universel, qu'ils relèvent du secteur public ou du privé.

Septièmement, l'autonomie des élus locaux pour le recrutement de leurs collaborateurs doit être préservée. Un décret en préparation prévoit la nomination par le préfet du directeur du SDIS, fonctionnaire de collectivité : c'est un précédent qui traduit bien votre état d'esprit !

Monsieur le ministre, écoutez davantage vos amis élus locaux, leurs analyses sont souvent plus proches de mes réflexions que des propositions du Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. René Mangin - Il était temps. Depuis plus de dix ans, la nécessité d'un acte II de la décentralisation est sans cesse réaffirmée ; les projets ne manquent pas, mais ne voient pas le jour. Et le législateur doit bien prendre en compte les difficultés des élus à faire correctement fonctionner les collectivités. Aussi, à défaut de grande loi, il modernise ici les intercommunalités, il limite là le cumul des mandats, vote rapidement des hausses d'indemnités...

Cette approche a ses bienfaits, mais entraîne des incohérences. Le citoyen ne se retrouve plus dans ce lacis institutionnel, parce qu'aucun principe ne vient appuyer les réformes, et il ne peut plus exercer correctement son pouvoir de contrôle.

Voulue par Lionel Jospin, la relance du débat sur la décentralisation arrive à point nommé. Il aurait été peu souhaitable qu'une nouvelle réforme des conditions d'exercice des mandats intervienne hors de ce cadre. Enfin une chance historique qu'un véritable statut de l'élu soit mis en place !

La grande loi de 1982 avait annoncé une loi sur le sujet. Celle-ci n'a jamais vu le jour.

La nature même de la décentralisation doit conditionner le statut de l'élu. Les collectivités locales, même si elles « s'administrent librement », ne sont pas, comme le voudrait le Sénat et les libéraux, un Etat local dans l'Etat national. Elles sont l'administration décentralisée de l'Etat.

L'élu local n'est pas seulement le représentant de ceux qui l'ont désigné. Il appartient à l'autorité légale de la collectivité et devrait avoir le statut d'agent public de l'Etat. C'est à partir de cette position de principe que tout devrait être remis à plat : rémunérations, responsabilités, désignation, formation, retraites, incompatibilités...

Concernant l'indemnisation des élus, peu de gens, notamment dans les campagnes, acceptent de reconnaître que la fonction d'élu local ne fait plus partie des « honneurs » comme au siècle passé. Il est hypocrite et illusoire d'envisager la gratuité de cette fonction.

Ou la gratuité est rétabli -au prix du retour à une démocratie censitaire-, ou l'on reconnaît enfin la nécessité de rétribuer l'ensemble des élus locaux.

Il faudrait établir un critère clair d'indemnisation en fonction du travail réellement accompli. Ceci n'aura pas pour effet de fonctionnariser l'élu mais d'en faire un administrateur plus responsable encore.

Aujourd'hui, chaque collectivité fixe une indemnité. Pour une même fonction, la rémunération ne devrait-elle pas être identique ? Est-il normal qu'un conseiller régional soit souvent mieux rémunéré qu'un maire ?

En contrepartie de sa rémunération, l'élu sera responsable devant l'Etat de l'exercice effectif de ses fonctions.

Il ne faut pas confondre responsabilité politique devant les électeurs et responsabilité administrative devant l'Etat. L'abstention persistante à participer aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales ne devrait-elle pas constituer une cause de révocation par le préfet ? Les assemblées délibérantes, puisqu'elles les désignent, ne devraient-elles pas pouvoir révoquer les maires, adjoints, présidents et vice-présidents de collectivités territoriales ?

D'autre part, la fonction de l'élu étant reconnue comme un travail, un avenant temporaire au contrat du « salarié-élu local » devrait être prévu pour aménager une réduction du temps de travail correspondant à la période passée à l'exercice du mandat.

S'agissant de la protection sociale et des retraites, il apparaît juste que tous les élus qui, ayant abandonné leur emploi, assument leur fonction dans le temps de travail prévu pour accéder au régime général, y accèdent effectivement.

Il faudrait allonger la durée de formation des élus, en moraliser la pratique, l'ouvrir aux élus de petites communes grâce à la prise en charge par l'Etat. Les associations agréées de formation devraient être amenées à collaborer avec les organismes préfectoraux.

Ayant eu bien peu de temps pour intervenir, je me permettrai simplement de vous renvoyer à une réflexion intitulée De la décentralisation au statut de l'élu sous la signature de votre serviteur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilles Carrez - J'évoquerai le contexte financier de la décentralisation en trois points. D'abord il ne saurait y avoir de véritable décentralisation sans autonomie fiscale des collectivités locales. Malheureusement, depuis 1997, le Gouvernement a procédé à une recentralisation financière massive. Le RPR propose de moderniser la fiscalité locale en respectant son lien à l'impôt local, en la rendant plus simple, plus compréhensible et plus juste.

Dans une société de liberté et de responsabilité, il faut appliquer le principe de subsidiarité, dans le cadre des lois de la République. Or la citoyenneté, la cohésion sociale ont d'abord des fondements locaux. L'impôt local a un rôle majeur : chacun doit contribuer, même modestement, au service public local. Ce serait donc une erreur de traiter la taxe d'habitation comme l'impôt sur le revenu. Cette contribution locale doit peut-être mieux tenir compte des capacités contributives, mais elle ne doit pas disparaître.

M. René Dosière - Elle doit être généralisée.

M. Gilles Carrez - Le remplacement de l'impôt local par des dotations d'Etat décourage l'effort. Les contraintes de budget de l'Etat, liées à l'Europe, ne reflètent pas celles des collectivités. Si l'on suit la pensée unique de Bercy, l'autonomie de la dépense garantit celle des finances locales. En Allemagne, en Grande-Bretagne les dotations de l'Etat seraient très importantes sans que la décentralisation en souffre. Mais ne comparons pas des pays à structure fédérale ou régionale avec la France centralisée. C'est pourtant au nom de cette théorie qu'on a imposé la réforme de la part salariale de la taxe professionnelle avec une compensation par dotation d'Etat et non par dégrèvement.

M. Marcel Rogemont - Les entreprises sont contentes.

M. Gilles Carrez - Selon les lois de 1982, les transferts de compétence étaient compensés par un transfert de ressources sous forme d'impôt. Mais progressivement on a supprimé ces impôts et l'Etat s'y est substitué. En 1997 il était le premier contribuable local. Mais depuis deux ans, en cinq réformes il a recentralisé les finances locales à hauteur de 85 milliards : 54 milliards de suppression de la part salariale de la TP, 6 milliards pour celle de la part régionale de la taxe d'habitation, 5 milliards pour la réforme des dégrèvements, 8 milliards pour le plafonnement des droits de mutation, 12 milliards pour la suppression partielle de la vignette.

Pourquoi avoir concentré la réforme fiscale sur des impôts locaux (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) sinon pour recentraliser. Avant nos réformes, 53 % des recettes des collectivités provenaient des contribuables locaux ; depuis leur part est tombée à 41 %.

M. Marcel Rogemont - Les gens sont contents.

M. Gilles Carrez - Dans les budgets locaux, le contribuable local apporte 280 milliards, le contribuable national 300 milliards. Ces dotations constituent désormais le deuxième poste du budget de l'Etat. Mais les collectivités n'ont presque plus de marge de man_uvre. Le président de la région Ile-de-France doit, pour accroître de 5 % les recettes de fonctionnement, augmenter de 30 % les taux sur la petite assiette fiscale dont il conserve la maîtrise. Cette recentralisation met en cause la libre administration des collectivités locales. Le Conseil constitutionnel n'a pas rejeté ces réformes ou fixé de seuil de ressources propres garantissant la libre administration. Mais il n'a pas évalué l'accumulation de ces réformes en 2003 (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste). L'impôt baisse, dit le Premier ministre. Mais c'est un trompe l'_il. Le contribuable local ou le contribuable national est le même !

J'en viens à nos propositions pour relancer la décentralisation financière.

D'abord il faut proscrire la substitution de dotations d'Etat à l'impôt local. L'impôt doit remplacer l'impôt.

Ensuite la modernisation de la fiscalité locale doit s'articuler avec la réforme institutionnelle de la décentralisation autour des couples communes-structure intercommunale et régions-départements.

Ensuite les disparités de ressources doivent être compensées par des dotations d'Etat au niveau régional.

La fiscalité locale serait donc constituée au niveau communal par un impôt sur les ménages -taxe d'habitation et taxe sur le foncier bâti, avec une nécessaire révision des bases, au niveau intercommunal pour la taxe professionnelle unique. A cet échelon cependant, je suis partisan d'une fiscalité mixte plutôt que strictement spécialisée.

A l'échelon départemental et régional, il faut développer une fiscalité moderne, soit par le partage d'impôts d'Etat -impôt sur les sociétés, CSG, TVA si la réglementation européenne le permettait, soit par l'émergence de taxes liées à des préoccupations nouvelles comme l'environnement ou les nouvelles techniques de communication. Il n'y a aucune raison que les 35 heures accaparent la fiscalité sur l'environnement.

Enfin, il faut renforcer l'action de l'Etat pour la réduction des disparités de ressources entre collectivités locales. Le Premier ministre a tout à l'heure esquissé un faux procès en feignant d'identifier autonomie fiscale locale et libéralisme débridé qui accentue les inégalités. Il oublie que c'est nous qui avons encadré les disparités de ressources régionales dans une fourchette de 80 % à 120 % -qu'il faudrait encore réduire. Il oublie aussi que les dotations d'Etat aux 36 000 communes sont tellement opaques qu'elles ne font plus aujourd'hui que consolider des avantages acquis. Aussi, nous proposons, avec les dotations actuelles, de rapprocher les ressources par habitant entre les régions et, à l'intérieur de chaque région, d'assurer une péréquation beaucoup plus adaptée aux réalités qu'actuellement.

La relance de la décentralisation suppose d'être ambitieux, y compris dans les domaines financier et fiscal. Le Premier ministre s'est montré très frileux. Le RPR présente au contraire une démarche cohérente et réaliste, qui veut favoriser le goût des citoyens pour l'initiative et les responsabilités tout en restant dans le cadre des lois de la République qui garantissent l'égalité et la solidarité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Michel Boucheron - Permettez-moi tout d'abord de saluer la décision du Gouvernement d'ouvrir ce débat.

La nouvelle phase de la décentralisation, bien différente dans son contenu et dans son déroulement de la réforme de 1982, montre la volonté continue de la gauche d'agir pour des libertés réelles, adaptées à la démocratie moderne.

De nombreuses propositions devraient rencontrer un large consensus : généralisation du principe de subsidiarité, blocs de compétences, lisibilité des financements, autonomie fiscale, régulation des inégalités, processus de déconcentration pour accompagner la décentralisation.

Mais le débat ne saurait être complet sans aborder la question du rapport de la région à l'Etat et de l'adaptation des règles communes aux diversités territoriales, économiques et culturelles.

Je suis clairement favorable à une capacité de proposition législative au profit des régions.

Le débat sur la Corse a illustré cette question. Je ne m'étendrai pas sur le point de savoir si le caractère insulaire de la Corse est suffisamment déterminant pour mériter un traitement particulier, ou si toutes les régions doivent disposer de moyens égaux, quitte à ce que celles qui ont les plus forts particularismes les utilisent plus que les autres. L'essentiel est qu'on ne peut pas faire abstraction de la diversité.

Jamais la question des identités n'a été aussi capitale qu'aujourd'hui. Il ne s'agit pas simplement de les respecter ou de les défendre, il s'agit de les promouvoir. A l'heure de la mondialisation, la promotion des identités est constituante de la dignité humaine.

Si elles ne sont pas préservées, d'autres surgiront, obscures et irrationnelles. Dans de nombreux pays, la recherche éperdue de l'appartenance sectaire trouve sa source dans cette dérive.

Dès lors, l'adaptation régionale de certaines lois doit être possible.

Je me sens aujourd'hui tout aussi Français que Breton et si la République ou la langue française sont aujourd'hui en danger, cela ne vient certainement pas des particularismes régionaux mais au contraire de la massification d'un modèle mondial matérialiste.

Plusieurs députés socialistes - Très bien !

M. Jean-Michel Boucheron - Centralisation et décentralisation sont deux outils nécessaires. Ils ne sont pas contradictoires. Il suffit de trier les questions à traiter au niveau central et celles qui doivent être réglées au plus près du citoyen.

Le centralisme a été facteur de progrès et de justice. La décentralisation pour sa part permet l'éclosion des richesses locales et l'épanouissement de la personne humaine.

Je ne suis évidemment pas partisan d'un pouvoir législatif direct des conseils régionaux. Ils ne sont pas faits pour cela et les élections régionales seraient vite récupérées par les archaïsmes extrêmes, les forces centrifuges d'une part, aveuglées par leur xénophobie, et les centralistes d'autre part, qui utilisent le discours républicain pour masquer un conservatisme fondamental.

Débarrassés de notre nationalisme traditionnel, nous ne sommes pas prêts à le troquer contre de nouveaux nationalismes micro-régionaux ou européens.

On peut donc imaginer un système selon lequel un conseil régional pourrait faire une proposition législative dès lors qu'elle aurait rencontre 60 % des suffrages en son sein. Cette proposition serait transmise à l'Assemblée nationale, où elle pourrait prendre la forme juridique d'une proposition de loi à l'initiative de notre président par exemple. Notre règlement intérieur peut très bien organiser ce processus.

Le Gouvernement s'engagerait alors à mettre ces propositions à l'ordre du jour dans un délai convenable. Ce dispositif ne demande aucune modification constitutionnelle et laisse le Parlement totalement maître du processus législatif. Le Conseil constitutionnel jouerait normalement son rôle.

Le Parlement pourrait d'ailleurs réserver certains articles de ses propres lois aux propositions d'adaptation régionales, ce qui, quand on se remémore certaines lois votées ici, aurait simplifié grandement nos travaux.

Les régions pourraient ainsi proposer des variantes aux lois générales. Il n'y a là aucun drame constitutionnel. La République et la démocratie doivent respirer pour ne pas dépérir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Espilondo - A la lumière d'une expérience qui me paraît importante, je voudrais exposer ici quelques réflexions de principe.

Je me félicite que le Gouvernement ait pris l'initiative de ce débat. Une clarification s'impose au moment où certains, sous couvert de fédéralisme, veulent porter le processus de décentralisation dans des voies contraires au pacte républicain.

La tradition française, comme le remarquait récemment l'historien Jacques Juliard, n'a pas à rougir de son bilan : « au total, elle a plus créé que détruit ». Le mérite des gouvernements de gauche est d'avoir compris qu'elle ne répondait plus aux besoins d'une société en mutation et d'avoir engagé les réformes nécessaires.

Les lois de 1982 ont ouvert le chantier. Deux lois récentes ont encadré les nouvelles dynamiques territoriales. La commission Mauroy a présenté des propositions qui peuvent servir de base à une réorganisation « tranquille » de la France. Pierre Mauroy a souligné les écueils à éviter, le particularisme et la rivalité identitaire, et ce qu'il faut préserver : le « pouvoir tutélaire de l'Etat républicain ».

Je représente une région concernée au premier chef par la politique de décentralisation. Région frontière qui ressent le contrecoup des violences nationalistes de sa voisine, dont elle n'est nullement à l'abri. Région duale qui juxtapose une frange côtière très urbanisée et un arrière pays rural. Région fière de sa diversité culturelle, qu'elle soit gasconne ou basque, qu'il nous faut non seulement préserver mais enrichir.

Comment gérer une situation aussi complexe ? La pire des solutions serait l'isolement et le repli sur soi. Il faut au contraire expérimenter les deux instruments que la loi met à notre disposition : l'intercommunalité et la politique des pays. Rappelons que les modalités administratives ne sauraient être figées. Demandons au ministre de l'éducation nationale de poursuivre les efforts sur l'enseignement des langues régionales. Déjà plus de 20 % des élèves reçoivent un enseignement en basque, ce qui est très appréciable mais pas suffisant, et c'est au service public de répondre à cette demande.

En effet, la décentralisation ne peut être menée à bien que si elle s'appuie sur les services publics qui, n'en déplaise aux libéraux, peuvent seuls assurer la cohésion sociale et la solidarité interrégionale et intrarégionale.

On peut aller plus loin dans la décentralisation, tout en préservant l'égalité de tous les citoyens devant la loi et l'unité de la République. Car comme l'enseignait Jaurès : « la République est un principe de progrès » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Drian - Le Premier ministre a ouvert les voies d'une nouvelle étape de la décentralisation. Nous avons apprécié sa détermination d'engager rapidement les réformes mais aussi son pragmatisme et son ouverture à propos d'un sujet essentiel : la clarification et le transfert de certaines compétences.

Trois domaines des relations entre l'Etat et les régions pourraient faire l'objet d'un transfert définitif ou au moins d'une expérimentation.

Ce sont trois sujets qui concernent, certes, toutes les régions françaises, mais la Bretagne en particulier.

Le premier est la gestion des eaux, dont l'actualité récente a montré toute l'importance. Il n'est évidemment pas question de remettre en cause les fonctions régaliennes de l'Etat, mais bien d'appliquer la loi avec plus de rigueur encore, compte tenu de l'enjeu stratégique majeur que constitue, en Bretagne plus qu'ailleurs, la dépollution des nappes phréatiques. Le Premier ministre a seulement proposé de transférer aux régions la gestion des cours d'eau domaniaux ; il faut aller plus loin, et leur confier, à titre expérimental, la gestion des bassins versants dans leur totalité, car les nécessités ne sont pas les mêmes d'un endroit à l'autre, mais varient selon la nature et l'inclinaison des sols, leur exploitation, le volume des nappes phréatiques, l'amplitude des marées à l'embouchure. Nous souhaitons que, dans l'immédiat, le Gouvernement établisse une méthode avec les régions candidates.

Deuxième sujet : la culture. Le Premier ministre y a fait référence, et cela paraît si évident qu'il avait même ressenti le besoin de créer un secrétariat d'Etat à la décentralisation culturelle (Sourires). Les régions foisonnent justement d'initiatives, tandis que l'action de l'Etat y est d'autant moins lisible que ses crédits sont surtout dépensés en région parisienne. Il conservera, naturellement, sa capacité de contrôle et d'expertise, ainsi que son rôle de référence, mais rien n'empêche, à mon sens, que les DRAC soient transférés aux régions, de même que l'enseignement et la promotion des langues minoritaires (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste). M. Duffour n'a-t-il pas signé de nombreux protocoles avec des régions, sur le patrimoine ou sur l'enseignement artistique ? Je crois qu'il envisage même la création d'établissements publics régionaux d'action culturelle. A cela devrait s'ajouter, me semble-t-il, la nécessaire régionalisation de France 3.

Dernier sujet, mais il y en aurait bien d'autres : la politique portuaire. Les régions ont reçu compétence en matière de développement économique et d'aménagement du territoire, mais les ports, aussi bien autonomes que d'intérêt national, restent des enclaves administratives, sous tutelle des ministères du budget et des transports. C'est une situation unique en Europe ! Je propose que tous les ports, y compris les ports autonomes, actuellement régis par une loi vieille de quarante ans, bien antérieure, donc, à la mondialisation du transport maritime, entrent dans le champ de l'expérimentation, l'Etat gardant, bien entendu, la maîtrise du domaine public maritime. Ainsi pourrait s'enclencher une nouvelle dynamique portuaire, à la faveur d'une interrégionalité favorisant l'interportuarité.

Telles sont mes suggestions pour traduire l'expérimentation dans les faits et donner un contenu concret à la nouvelle étape de la décentralisation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Notre discussion aura permis de riches échanges, et je m'en réjouis. J'ai entendu beaucoup d'orientations nouvelles, certaines très novatrices, quelques-unes aventureuses même, mais, de la part de l'opposition, peu qui soient d'application immédiate (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Cela conforte la démarche concrète et pragmatique engagée par le Premier ministre, afin de rapprocher les citoyens des élus, de démocratiser la vie locale et d'ouvrir les chantiers des réformes institutionnelles et financières - qui ne pourront intervenir que sous la prochaine législature.

Le Premier ministre vous a confirmé l'engagement du Gouvernement en faveur d'un approfondissement de la décentralisation, dans la droite ligne de ses inspirateurs de 1982, et en s'inspirant largement des propositions de la commission Mauroy, dont les travaux ont réuni, pendant près d'un an, des élus de tous bords et représentatifs de toutes les catégories de collectivités locales. Je m'étonne d'ailleurs que M. Madelin ait cru devoir mépriser si hâtivement son contenu, riche de quelque 154 recommandations, très concrètes pour la plupart. Mais il est vrai que ceux-là mêmes qui se montrent aujourd'hui si ardents avaient voté, jadis, contre la décentralisation...

M. Marcel Rogemont - Il fallait le rappeler !

M. le Ministre - Nous sommes pour la décentralisation parce que c'est un système plus efficace, plus démocratique, et qui fait davantage confiance aux élus. Nous savons que les meilleures décisions sont celles qui sont prises au plus près de nos concitoyens, au plus près des réalités locales. C'est une décentralisation citoyenne et solidaire que le Gouvernement entend promouvoir.

Son action envers les collectivités locales a été, depuis 1997, particulièrement importante, et je m'inscris en faux contre le reproche de recentralisation et d'immobilisme que certains ont formulé. Comment parler d'immobilisme, alors que chacun s'accorde à saluer la révolution tranquille de l'intercommunalité ?

M. Bernard Roman - Très bien !

M. le Ministre - Comment parler d'affaiblissement des ressources, quand le contrat de croissance et de solidarité se traduit par une progression continue et inégalée des dotations ? Comment parler d'immobilisme, alors que le Gouvernement a procédé à de nombreuses clarifications dans des domaines aussi importants que l'aide sociale, la lutte contre l'exclusion, le logement, l'urbanisme ou les transports, et amélioré la sécurité juridique des élus grâce à la loi sur les délits intentionnels -et, bientôt, à la réforme du code des marchés publics ?

Mais je ne veux pas reprendre en détail le bilan, très positif, que vous a présenté le Premier ministre ; j'entends plutôt répondre de façon plus circonstanciée à certaines interventions.

Je rappellerai, tout d'abord, que la France est un Etat unitaire, qui a développé, depuis 1982, un modèle original de décentralisation. L'ensemble des collectivités locales y a gagné une marge de man_uvre très grande, une liberté d'action bien supérieure, en fait et en droit, à celle dont jouissent leurs homologues allemandes. Comme l'a rappelé Jean-Pierre Chevènement, la décentralisation ne s'oppose pas à la République, et c'est bien dans le cadre unitaire de cette République que le Gouvernement entend inscrire la nouvelle étape de la décentralisation.

Vous avez adopté hier la proposition de loi de M. Méhaignerie, relative au droit des collectivités locales à l'expérimentation, et je m'en suis remis, au nom du Gouvernement, à la sagesse de l'Assemblée. J'ai fait valoir, en effet, que le Gouvernement était favorable à cette méthode, mais qu'il convenait de poursuivre la réflexion sur les modalités de l'évolution institutionnelle proposée, afin d'en prévenir les ambiguïtés. J'ai notamment exclu -fermement- que le champ de l'expérimentation puisse inclure des domaines relevant des pouvoirs régaliens de l'Etat, notamment en matière de sécurité. Il n'y a donc pas de contradiction avec la décentralisation voulue par le Gouvernement et l'intérêt porté à l'expérimentation.

Certains, notamment MM. Daubresse et Quentin, ont proposé une modification institutionnelle très importante pour les départements et les régions. Comme MM. Derosier et Vila qui ont rappelé l'importance de l'échelon départemental, je ne les rejoins pas. Le Gouvernement favorisera la coopération entre collectivités plutôt que des fusions institutionnelles hasardeuses.

Le Premier ministre vous a donné les grandes lignes du futur projet sur la démocratie citoyenne. Il s'agit d'abord d'améliorer et de diversifier l'accès aux fonctions électives comme l'on souhaité M. Mamère et Mme Fraysse, en particulier par la formation. Les assemblées délibérantes devraient jouer un rôle plus actif dans la meilleure utilisation de ces crédits.

Il convient de mieux concilier le temps du mandat local et le parcours professionnel du citoyen, grâce à la réinsertion professionnelle, à la prise en charge d'un revenu de remplacement transitoire à l'issue du mandat, à l'élargissement du droit aux crédits d'heures, enfin grâce à une revalorisation du régime indemnitaire.

Il faut aussi mieux concilier l'exercice du mandat avec la vie personnelle et familiale de l'élu, grâce à de meilleures garanties de couverture sociale, à l'amélioration de l'accès à certaines prestations sociales et au développement de moyens pour mettre en _uvre la parité dans les instances électives locales.

Le Gouvernement souhaite également améliorer et simplifier le régime des frais de déplacements et renforcer les moyens mis à la disposition des petites collectivités.

Pour autant le Gouvernement n'est pas favorable à la professionnalisation des mandats locaux. Les dispositions présentées permettront de répondre aux besoins des élus locaux et à la diversification de leur origine socioprofessionnelle.

J'indique à M. Mamère que les mesures intéressant directement les élus de proximité doivent être prioritairement à la charge des collectivités de proximité. Que serait la grande liberté locale qu'il souhaite si les élus étaient rémunérés par l'Etat ? A ce dernier appartient en revanche d'améliorer le dispositif de péréquation.

M. René Dosière - C'est qu'il perçoit l'impôt, tout de même !

M. le Ministre - Pour développer la démocratie de proximité, je vous renvoie aux propos du Premier ministre mais j'ai bien noté les intéressantes propositions de M. Vallini.

N'excluons pas de réfléchir à l'approfondissement du statut spécifique de Paris, Marseille et Lyon. La loi PML, malgré les oppositions de l'époque, fournit une référence dont on peut s'inspirer et qu'il convient d'améliorer.

Madame Fraysse, je vous confirme que le Gouvernement et la majorité plurielle souhaitent comme vous qu'aboutisse le vote des ressortissants non communautaires aux élections locales, que les conditions politiques et constitutionnelles n'ont pas permis de mettre en _uvre pendant cette législature.

La Corse a été évoquée à plusieurs reprises parfois pour critiquer le projet du Gouvernement, parfois pour en souhaiter la généralisation à l'ensemble des régions.

M. Bernard Roman - Parfois aussi pour menacer !

M. le Ministre - Attention au contresens !

Si la loi de 1982 pour la Corse a effectivement anticipé les lois de décentralisation, le statut de 1991 a consacré une spécificité qui distingue la Corse, collectivité territoriale au sens de l'article 72 de la Constitution, des régions du continent. Cela est vrai pour ses institutions et ses compétences.

La Corse n'est pas le laboratoire de la décentralisation. Le Gouvernement, en Corse, s'est saisi d'un problème spécifique de nature politique, avec le souci, partagé par les élus du suffrage universel, d'ancrer durablement la Corse dans la République.

Non, Monsieur Fillon, la violence ne paie pas en Corse. Ce qui caractérise l'action du Gouvernement en Corse, à la différence de celle des gouvernements que vous avez soutenus, c'est la clarté, la primauté du débat politique démocratique et non les rencontres clandestines pour des arrangements inavouables et dangereux. De plus, le nombre d'attentats par explosif a diminué des deux tiers depuis 1997.

Répondant à M. Méhaignerie sur les SDIS, il est paradoxal de parler d'un transfert de compétence au profit de l'Etat alors que l'on débat d'une nouvelle phase de décentralisation.

De plus, je rappelle que depuis 1984 le législateur a toujours confié aux collectivités locales la compétence de droit commun en matière de lutte contre l'incendie.

M. Bernard Roman - Sauf à Paris et Marseille !

M. le Ministre - C'est vrai !

M. Bernard Derosier - Le Gouvernement pourrait s'en inspirer !

M. le Ministre - S'agissant de la sécurité, la revendication de pouvoirs de police accrus pour le maire ne se justifie pas car elle se fonde sur la notion de proximité, qui constitue déjà l'axe majeur de l'intervention de l'Etat. En effet la police de proximité a été mise en place dans les conditions prévues et les premiers résultats sont encourageants.

Les contrats locaux de sécurité, dont 473 ont été signés, ont clairement amélioré la qualité du service rendu à la population et la loi du 15 avril 1999, qui définit le rôle des polices municipales dans le dispositif global de sécurité, précise les missions des policiers municipaux et aménage le partenariat avec les forces de sécurité de l'Etat. Il serait inutile et dangereux de remettre en cause cet équilibre.

La fiscalité locale et les dotations de l'Etat aux collectivités ont été critiquées ou invoquées à l'appui d'un principe qui serait menacé aujourd'hui, celui de l'autonomie fiscale ou de l'autonomie financière. Rappelons que les ressources des collectivités locales doivent d'abord permettre aux élus locaux de mener leur politique locale et de répondre par la solidarité nationale aux écarts de richesse entre les diverses collectivités.

Je suis très attaché au maintien d'une fiscalité locale plus juste et plus responsabilisante. M. Dosière a parfaitement raison : elle doit être modernisée. Mais, Monsieur Carrez, l'autonomie fiscale n'est pas menacée et les réformes intéressant ces dernières années les impôts locaux ne se sont pas traduites par une diminution des ressources des collectivités. Les citoyens, eux, ont pu apprécier cette suppression d'impôts peu lisibles et obsolètes. Peut-on raisonnablement regretter aujourd'hui la suppression de la vignette ?

M. Bernard Roman - Non !

M. le Ministre - Comme l'a rappelé M. Roman, les dotations de l'Etat aux collectivités locales augmentent depuis trois ans, dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité, que le Gouvernement vous proposera de prolonger d'une année en 2002, et qui a permis aux collectivités de bénéficier de 4 milliards supplémentaires en trois ans par rapport au « Pacte de stabilité » mis en place par le gouvernement précédent.

Les dotations de l'Etat doivent être simplifiées et clarifiées avec une péréquation accrue au bénéfice des collectivités les plus défavorisées. Il faut en effet éviter que l'autonomie fiscale que certains appellent de leurs v_ux serve de paravent à l'égoïsme des collectivités riches.

En tout état de cause, le Gouvernement remettra au Parlement, d'ici la fin de l'année, un premier rapport sur les voies et les moyens d'une réforme des ressources locales. Cette réflexion, menée en large concertation avec les associations d'élus, visera à définir des impôts dynamiques, à l'assiette équitable et dont le taux pourra être voté localement. Comme je viens de le dire, la réforme des dotations doit permettre de les simplifier et de renforcer leur caractère péréquateur. Toutes les propositions seront examinées : celles de M. Mauroy, mais les autres aussi, celles de M. Dosière par exemple.

Pour contribuer à la modernisation de l'action économique des collectivités locales, le Gouvernement réinscrira à l'ordre du jour prioritaire de votre Assemblée la proposition relative aux sociétés locales d'économie mixte déjà votée au Sénat, et proposera à la représentation nationale d'en compléter le contenu par des mesures permettant aux collectivités de mettre en _uvre des outils nouveaux, notamment dans le domaine de l'ingénierie financière, et leur garantissant une nécessaire sécurité juridique.

Nombre d'entre vous, MM. Barrot et Barouin notamment, ont rappelé l'importance d'une plus grande déconcentration de l'Etat et je les approuve. Je remercie M. Barrot de ses propositions, même si je ne peux, avant expertise, me déterminer sur la délégation fonctionnelle de compétences de l'Etat qu'il recommande.

L'approfondissement de la décentralisation rend d'autant plus nécessaire le renforcement de la déconcentration. Il faut, en effet, rendre plus efficace encore l'administration territoriale de l'Etat au service des usagers. Il s'agit en particulier, pour créer les conditions d'une nouvelle dynamique locale, de consolider les stratégies territoriales de l'Etat en s'appuyant sur les projets territoriaux élaborés sous la responsabilité des préfets, et sur une interministérialité renforcée. Les élus doivent en effet disposer d'un interlocuteur unique, parlant au nom des services de l'Etat et en mesure d'engager les actions et les moyens nécessaires. Comme l'a rappelé M. Espilondo, aux yeux de nos concitoyens, la qualité des services publics de proximité est essentielle.

D'autre part, dans le respect de l'unité de la fonction publique, il est proposé de poursuivre la réadaptation permanente des cadres d'emplois et des métiers et de préparer à la fois les départs en retraite programmés au cours des prochaines années et l'avenir des emplois jeunes de la fonction publique territoriale. M. Derosier en a parlé.

En conclusion de ce long débat, je suis heureux de constater un consensus sur le bilan positif de la décentralisation. Cela doit nous pousser à aller plus loin, sans précipitation, et sans négliger les objectifs qui ont fondé la décentralisation.

Dans certains domaines, la clarification des compétences s'impose. La réforme des finances locales répond à une exigence de justice et d'équité renforcées. Les lourdes fonctions assumées par les élus doivent être mieux prises en compte, et la réforme de l'Etat doit être poursuivie.

Dans ce contexte, le programme du Gouvernement peut se résumer en trois points : la mise en _uvre d'importants chantiers, l'élaboration d'un premier projet, et le lancement d'un grand débat public sur la décentralisation doit continuer. Le rapport de la commission présidée par M. Pierre Mauroy est la référence première des travaux du Gouvernement. La nouvelle phase de la décentralisation devra permettre de franchir trois étapes considérables. Il s'agira, en premier lieu, de définir de nouvelles compétences pour les collectivités territoriales et je m'attacherai à étudier les demandes exprimées par MM. Le Vern, Vauzelle, Espilondo, Le Drian et Boucheron.

Il faudra, aussi, fixer de nouveaux modes d'élections pour les départements et les intercommunalités, sans anticiper sur les débats à venir, et le Gouvernement, je l'ai dit, examinera sans parti pris les propositions qui seront faites. Il faudra aussi dessiner un nouveau cadre financier pour les relations entre l'Etat et les collectivités locales. Ainsi, le Gouvernement agit et, avec la majorité plurielle, il réforme pour faire progresser la démocratie.

Le travail ne manquera pas et je sais quelle part y prendra la représentation nationale.

M. Balligand a évoqué « les faiseux et les diseux ». Je ne doute pas que tous ceux qui sont favorables à une décentralisation démocratique feront davantage confiance au Gouvernement et à sa majorité qu'à une droite qui dissimule mal ses divisions, sinon, pour, comme en 1995, faire des promesses sans lendemain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Léonce Deprez - Quel sectarisme !

Le débat est clos.

Prochaine séance ce matin, jeudi 18 janvier, à 9 heures.

La séance est levée à 0 heure 40.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 18 JANVIER 2001

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat (n° 2688), relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.

      M. François ROCHEBLOINE, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 2855).

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique (n° 2685) modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel.

      M. Bernard DEROSIER, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration de la République (Rapport n° 2856).

2. Discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat (n° 2749), relatif au statut des magistrats.

      M. Jacques FLOCH, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration de la République (Rapport n° 2857).

3. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2174), autorisant l'adhésion du Gouvernement de la République française à la convention internationale de 1989 sur l'assistance.

      M. Paul DHAILLE, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport no 2761).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 106 du Règlement)

4. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2672), autorisant l'adhésion au protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (protocole I) (ensemble deux annexes).

      Mme Marie-Hélène AUBERT, rapporteure au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 2833).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 106 du Règlement)

5. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2489), autorisant la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam.

      Mme Bernadette ISAAC-SIBILLE, rapporteure au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 2759).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 107 du Règlement)

6. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2175), autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières (ensemble onze annexes).

      M. Pierre BRANA, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangère (Rapport n° 2760).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 107 du Règlement)

7. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1317), autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise.

      M. Jacques GODFRAIN, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 2758).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 107 du Règlement)

8. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2419), autorisant l'approbation des amendements à la convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution.

      M. Charles EHRMANN, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 2762).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 107 du Règlement)

9. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2420), autorisant l'approbation des amendements au protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d'origine tellurique.

      M. Charles EHRMANN, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 2762).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 107 du Règlement)

10. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2421), autorisant l'approbation du protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (ensemble trois annexes adoptées à Monaco le 24 novembre 1996).

      M. Charles EHRMANN, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 2762).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 107 du Règlement)

11. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2422), autorisant l'approbation des amendements au protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs.

      M. Charles EHRMANN, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 2762).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 107 du Règlement)

12. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2512), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole).

      M. Yves DAUGE, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport no 2830).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 107 du Règlement)

13. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2513), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole).

      M. Yves DAUGE, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport no 2830).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 107 du Règlement)

14. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2514), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole).

      M. Yves DAUGE, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport no 2830).

      (Procédure d'examen simplifiée - art. 107 du Règlement)

15. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2679), autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Ghana sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

      M. Pierre BRANA, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport no 2831).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 107 du Règlement)

16. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2515), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole).

      M. François ROCHEBLOINE, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (Rapport n° 2832).

(Procédure d'examen simplifiée - art. 107 du Règlement)

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.


Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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