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Session ordinaire de 2000-2001 - 57ème jour de séance, 133ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 6 FÉVRIER 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

DÉCÈS D'UNE DÉPUTÉE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

APPLICATION DU PROTOCOLE D'ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT ET LES AGENTS DE LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE 2

LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE 3

POUVOIR D'ACHAT 3

EXAMEN DU PERMIS DE CONDUIRE 4

AVIATION ET ENVIRONNEMENT 5

AFFAIRES SIRVEN ET ERIGNAC 5

ACCUEIL DE LA PETITE ENFANCE 6

SITUATION DES HÔPITAUX 7

DRAME DE SAINT-DENIS
ET LOGEMENTS INSALUBRES 8

AIDES AU LOGEMENT 9

SÉCURITÉ 10

SITUATION DES RAPATRIÉS 10

LUTTE CONTRE L'EFFET DE SERRE 11

ARTICLE PREMIER 26

SÉCURITÉ SANITAIRE ET ENVIRONNEMENTALE
(nouvelle lecture) 27

AVANT L'ART. 2 38

ART. 2 38

ART. 2 BIS A 39

ART. 4 A 39

ART. 5 41

TITRE 41

La séance est ouverte à quinze heures.

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DÉCÈS D'UNE DÉPUTÉE

M. le Président - Nous avons appris avec tristesse le décès de notre collègue Louise Moreau, députée de la 8e circonscription des Alpes-Maritimes. Je prononcerai son éloge funèbre lors d'une prochaine séance (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence).

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    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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APPLICATION DU PROTOCOLE D'ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT
ET LES AGENTS DE LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE

M. Jacky Jaulneau - La réunion organisée aujourd'hui à votre initiative, Madame la ministre de l'emploi, permettra de dresser un premier bilan du protocole signé le 14 mars 2000 et qui concerne 725 000 agents de la fonction publique hospitalière. Aujourd'hui, aussi, de nombreuses organisations syndicales appellent à la grève l'ensemble des personnels hospitaliers, toutes catégories confondues. Ils ont trois forts sujets d'inquiétude : la pénurie de main-d'_uvre dans les hôpitaux ; les conditions d'application de la réduction du temps de travail ; l'évolution des carrières, des rémunérations et de la grille indiciaire. Tous les agents hospitaliers attendent avec impatience le texte annoncé et promis par Mme Aubry lors de la signature de l'accord, qui prévoyait la création de 8 000 postes de soins infirmiers, des dispositions précises relatives à l'évolution de l'emploi et la création de postes, en relation avec l'application de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux.

Alors que la démographie des professions médicales traverse une passe particulièrement défavorable, comment comptez-vous rassurer le personnel hospitalier, pivot de notre système de santé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le personnel hospitalier joue d'évidence un rôle crucial pour assurer la qualité et la sécurité des soins. En signant, en mars dernier, le protocole d'accord auquel vous avez fait référence, le Gouvernement a ouvert de très vastes chantiers et s'est obligé à un effort considérable -il s'agit de 10 milliards de francs sur trois ans, je vous le rappelle. 2 milliards ont déjà été consacrés au remplacement des personnels absents et 300 millions à l'amélioration des services d'urgence. Un appel d'offres a été lancé, visant à mettre en _uvre des mesures de lutte contre la violence et 100 millions ont été réservés à cet effet. Enfin 400 millions abonderont le Fonds d'accompagnement social de la modernisation des hôpitaux. On se gardera d'oublier, en présentant ce bilan, que la rémunération la plus basse de la grille de la fonction publique hospitalière a été supprimée.

Il est vrai que la démographie des professions hospitalières, et tout particulièrement des infirmières, est préoccupante. Cette situation tient à ce que, pendant plusieurs années, les départs en retraite massifs n'ont pas été anticipés -le gouvernement d'avant 1997 allant jusqu'à réduire les quotas d'admission au concours (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Heureusement, nous avons inversé cette tendance, en augmentant de 2 000 les recrutements en 1999 et de 8 000 en l'an 2000. La soudure est toutefois difficile, puisque trois années sont nécessaires pour former une élève-infirmière.

Pour donner suite aux dispositions de l'accord, des négociations se sont engagées dès octobre 2000. Aujourd'hui même, les organisations syndicales sont reçues au ministère et la réunion donnera l'occasion d'un tour d'horizon complet. Des mesures spécifiques seront annoncées cet après-midi, en faveur des infirmières anesthésistes et des infirmières de bloc opératoire ; elles feront l'objet d'un décret. Enfin, les négociations qui se sont engagées le 17 janvier sur les modalités de la réduction du temps de travail donneront l'occasion d'améliorer l'organisation du travail dans les hôpitaux, notamment par la création de postes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE

M. Bernard Accoyer - Les conclusions d'une enquête récente révèlent l'augmentation massive de la consommation de cannabis en France : il apparaît qu'un jeune sur six en consommerait quotidiennement. Or, la concentration du principe actif de cette drogue ne cesse de croître. Neurobiologistes et psychiatres savent les effets de cette intoxication sur les comportements et la santé mentale. Ils savent, notamment, la relation qui existe entre l'imprégnation au cannabinol et les comportements violents ou suicidaires qui, comme nul ne l'ignore, se multiplient.

Tels sont les faits. Dans ce contexte, quelle est l'attitude du Gouvernement ? La mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie se répand en publications qui banalisent l'usage du cannabis et sa présidente n'hésite pas à dire que la France est dans la même situation que la Belgique -laquelle vient, comme on le sait, de dépénaliser l'usage du cannabis- brouillant ainsi les repères de notre jeunesse de manière déplorable. Quelles sont les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - Le Gouvernement se préoccupe au plus haut point de la santé mentale de la jeunesse. C'est bien pourquoi il a lancé des campagnes de prévention des comportements violents et du suicide, ce dernier sujet me tenant particulièrement à c_ur. La consommation régulière de certains produits toxiques -ou leur manque- pourrait être à l'origine de ces comportements, nous le savons, et nous nous sommes mobilisés pour sensibiliser les jeunes gens à cet aspect des choses.

La position de la France n'est pas celle qu'a choisie la Belgique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Pour notre part, nous considérons qu'il faut modifier les comportements, quels que soient les produits qui les suscitent : drogues, certes, mais aussi tabac, alcool ou médicaments. Tel est le sens de la politique définie par la MILDT. Sachez-le : la France n'est pas entrée dans un processus où la tolérance le disputerait à la permissivité à l'égard des substances qui entravent la responsabilisation de notre jeunesse (Applaudissements sur de nombreux bancs).

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POUVOIR D'ACHAT

M. Alain Clary - Les mouvements revendicatifs se multiplient. Tous portent, légitimement, sur les salaires et le pouvoir d'achat. Après le salutaire sursaut en faveur du régime de retraite complémentaire par répartition, après la grève massivement suivie par les agents de la RATP, de nombreux agents du secteur public et du secteur privé manifestent pour voir enfin reconnue leur participation à la croissance retrouvée. De ce fait, la liste des conflits s'allonge : après Renault, Casino, Thales, la grève touche maintenant la Caisse d'épargne d'Ile-de-France Nord, et Aventis.

Aujourd'hui même, tous les syndicats de la fonction publique hospitalière réclament de nouvelles grilles de salaires et une amélioration du statut des personnels.

Hélas, ces revendications, comprises et soutenues par l'opinion, se heurtent aux murs de l'austérité budgétaire et de la rigueur sociale chère au MEDEF.

Les salariés, l'opinion, attendent du Gouvernement de la gauche plurielle des mesures de revalorisation du SMIC et des minima sociaux afin de consolider la croissance, en combinant efficacité économique et justice sociale.

Nous appelons à la tenue d'une conférence nationale sur les revenus, dont le principe avait été arrêté lors du sommet de la gauche plurielle du 7 novembre dernier.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre rapidement en faveur du pouvoir d'achat de millions de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je viens de répondre sur la fonction publique hospitalière.

Il est vrai que la bonne santé de l'économie et les bons résultats des entreprises renforcent les revendications salariales. Mais il faut en la matière faire confiance à la négociation entre partenaires sociaux pour trouver un point d'équilibre. Une étude récente montre que cette question est traitée normalement dans ce cadre et que l'on débouche le plus souvent sur des compromis positifs.

Pendant cette brève période, les prix ont progressé plus vite que les salaires, mais cela était dû à la hausse brutale des prix des produits pétroliers. Désormais, la progression du pouvoir d'achat a repris. L'observation du taux de salaire horaire montre en outre l'existence d'une « prime-temps » liée aux 35 heures.

Entre la mi-1997 et juillet 2000, le salaire minimum a progressé de 11 % tandis que les prix augmentaient de 3 %, l'écart est significatif. Pendant cette période, le salaire minimum a augmenté deux fois plus qu'entre 1995 et 1997.... Bien évidemment, son évolution continuera à être supérieure à celle des prix.

Au plus tard début avril, la Commission nationale de la négociation collective fera le bilan de dix ans de négociations de branches, certains salaires conventionnels demeurant inférieurs au SMIC. A partir de cette analyse, les pouvoirs publics pourraient envisager d'autres mesures (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

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EXAMEN DU PERMIS DE CONDUIRE

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Le rapport de la Cour des comptes a mis en évidence une fois de plus de nombreux dysfonctionnements de l'Etat. Pour ma part, je veux dénoncer une grave anomalie du service public qui obligea un million de Français à attendre plusieurs mois entre la fin de leurs cours et l'examen du permis de conduire.

Si la sécurité routière reste l'objectif principal, le permis est devenu une nécessité de la vie moderne, en particulier pour l'accès à l'emploi. Or voilà plus de deux ans que le groupe UDF se demande qui coordonne l'action de l'Etat en la matière et qu'il réclame des solutions.

Le conseil général d'Ille-et-Vilaine est allé jusqu'à proposer de payer les heures supplémentaires des inspecteurs ; vos services, Monsieur le ministre des transports, ne lui ont jamais répondu...

Certes, 77 nouveaux inspecteurs ont été recrutés mais cela ne suffira absolument pas, d'autant que la situation devrait s'aggraver avec l'application des 35 heures et l'allongement de l'examen.

Combien d'années devrons-nous encore attendre pour que l'Etat prenne les mesures qui s'imposent afin de mettre un terme à une situation qui empoisonne la vie d'un million de Français, de leurs familles et des auto-écoles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Les critiques formulées par la Cour des comptes portent surtout sur la période 1988-1997...

Pour les examens du permis de conduire, il est exact que la situation a été difficile l'an dernier avec une augmentation de 12 % des candidats au permis poids lourds et de 10 % au permis moto. Nous avons donc pris des dispositions pour concentrer l'activité des inspecteurs sur ces épreuves. Nous avons aussi cherché à améliorer leurs conditions de passage ainsi qu'à renforcer le contrôle pédagogique des auto-écoles.

Le Gouvernement a décidé d'importantes créations de postes d'inspecteurs et de délégués au permis de conduire et à la sécurité routière, rompant ainsi avec les périodes précédentes. Alors qu'il n'y avait eu aucune création entre 1993 et 1997, il y en a eu 30 en 2000, il y en aura 77 en 2001, et ce mouvement se poursuivra en 2001 et 2003, le comité interministériel du 25 octobre dernier ayant décidé la création de 230 postes entre 2001 et 2003, ce qui devrait répondre à votre attente (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Plusieurs députés UDF - Non !

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AVIATION ET ENVIRONNEMENT

M. Noël Mamère - Monsieur le ministre des transports, j'ai cru à une mauvaise plaisanterie en apprenant que vous auriez décidé de consacrer en urgence un milliard pour mettre les routes départementales entre Bordeaux et Toulouse à un gabarit suffisant pour le transport des pièces de l'A3XX. Je m'étonne que l'on ait décidé de construire cet avion sans prévoir le transport des pièces. Ce milliard sera-t-il intégré au coût de l'avion ?

Les élus d'Aquitaine réclament depuis des années la mise à deux fois deux voies de la liaison Bordeaux-Pau et l'Etat, qui leur répond sans cesse qu'il n'a pas l'argent nécessaire, est capable aujourd'hui de trouver un milliard pour un autre projet...

Par ailleurs, à la fin de la semaine dernière, 15 000 personnes, qui ne sont en rien des bourgeois défendant leur pré carré mais de simples habitants de la banlieue, ont manifesté à Orly pour défendre leur cadre de vie, pour dire qu'ils en ont assez des nuisances, qu'ils ne veulent pas d'un nouveau couloir aérien. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? Allez-vous céder à cette logique du profit et de la dérégulation que vous dénoncez en dehors du Gouvernement ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV et du groupe UDF)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Votre propos est un peu excessif...

Les schémas des services collectifs de transports en préparation dans les régions sont fondés sur une stratégie multimodale, avec un doublement du fret ferroviaire prévu en dix ans. A l'avenir dix fois plus de moyens au transport ferroviaire et quatre fois plus au transport fluvial : telle est la démarche du Gouvernement, en rupture avec la politique précédente, et sans même faire état des décisions en faveur du ferroutage annoncées par le Premier ministre à Chambéry.

Mais il est vrai qu'il y a autour de Toulouse un pôle industriel aéronautique et spatial d'importance mondiale, qui devrait être encore conforté par les décisions prises ces derniers mois, lesquelles pourraient favoriser la création de 40 000 emplois, dans tout le pays (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). C'est aussi une bonne nouvelle pour l'environnement puisque ces gros porteurs vont diminuer le nombre des mouvements aériens, donc les nuisances sonores (Mêmes mouvements).

Ce sont ces décisions qui nous conduisent à développer les capacités de transport entre Bordeaux et Toulouse en utilisant les routes parce qu'il n'est pas possible d'utiliser d'autres modes de transport. Bien évidemment, cela se fait en concertation et dans le souci de respecter les objectifs de sécurité et de défense de l'environnement. Les différents itinéraires qui ont été proposés aux élus font l'objet d'un examen détaillé. C'est à l'issue de cette concertation que le Gouvernement prendra sa décision.

Pour l'autre volet de votre question, rien n'a non plus été décidé. La concertation est en cours ; j'ai rencontré les élus de la majorité comme de l'opposition. Un organisme indépendant a été chargé de faire des propositions. La négociation fera toute leur place aux questions d'environnement et de nuisances sonores (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

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AFFAIRES SIRVEN ET ERIGNAC

M. Alain Moyne-Bressand - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et je la pose au nom des trois groupes de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF ; rires sur les bancs du groupe socialiste). Après quelques péripéties diplomatiques et judiciaires, on annonce l'arrivée, menottes aux poignets, d'un des hommes les plus recherchés de France : Alfred Sirven. Cette arrestation tant attendue marque la fin d'un feuilleton qui dure depuis six ans. Mais cet épilogue ravive les plaies de l'affaire Erignac.

Comment ne pas faire le parallèle ? Mme Erignac elle-même n'a pu s'empêcher de le faire ce matin dans un quotidien, s'inquiétant en outre d'une éventuelle amnistie. Comment ne pas faire le rapprochement entre un fugitif en cavale aux Philippines et l'assassin présumé d'un préfet de la République, en fuite depuis trois ans et toujours introuvable ? Retrouver ce dernier, comme l'a dit Mme Erignac, devrait être une cause sacrée. Tout ce qui touche à l'assassinat d'un grand serviteur de la République, qui a donné son sang pour la Corse, devrait être une priorité pour l'Etat. Or, à ce jour, rien... Yvon Colonna continue à passer au travers d'un filet aux mailles apparemment bien larges... Ce n'est pourtant pas faute de donner signe de vie : nous avons tous en mémoire sa lettre à la presse, où il se déclarait innocent. S'il veut parler, il peut se présenter devant la justice.

Par conséquent ma question s'impose. Alors que M. Sirven a été arrêté à l'autre bout de la planète, n'est-on pas capable d'en faire autant pour M. Colonna ? Vous vouliez arrêter M. Sirven : vous l'avez fait, parce que vous y avez mis les moyens nécessaires. Je m'interroge donc sur les raisons de votre incapacité à arrêter M. Colonna. Déployez-vous tous les moyens possibles pour ce faire ? Dans le cas contraire, pourquoi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Puisque vous avez choisi de faire un parallèle, je m'y inscrirai, tout d'abord pour me réjouir que les polémiques relatives au retour de M. Sirven en France -qui est proche, du moins je le pense- semblent s'être éteintes. J'ai été conduit en effet -sur la base des propositions des juges, de l'analyse de la Chancellerie et des conseils de notre diplomatie- à prendre moi-même la décision, en tant que représentant du pouvoir exécutif.

J'ai été appelé dans mon canton, vendredi matin, et placé devant le choix suivant. Il était impossible, faute de certains documents de mettre M. Sirven dans l'avion d'Air France. Fallait-il dès lors lui faire prendre l'avion de la Lufthansa ? Ou attendre quarante-huit heures un autre avion d'Air France, ou au moins vingt-quatre heures pour un avion spécial que nous avions affrété ? J'ai dû choisir entre le risque maximal de voir M. Sirven disparaître aux Philippines, et le risque minimal de voir les autorités judiciaires allemandes, dans le plein respect de leurs lois, le retenir quelques jours : oui, j'assume la décision que j'ai prise (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Quand j'entends certains commentaires extravagants... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) je ne pense pas particulièrement à l'opposition, et la façon dont M. Debré s'est exprimé, dans le respect du droit et des règles de l'espace judiciaire européen, sur ce qui n'est après tout qu'une péripétie, m'a convenu. Mais certains commentaires extravagants ont été faits. Que se serait-il passé si M. Sirven avait disparu aux Philippines ? J'assume donc ma décision ; je remercie les autorités philippines d'avoir arrêté M. Sirven ; je respecte les formes qu'observent les autorités allemandes pour nous le renvoyer. La conclusion qu'on peut en tirer est la suivante : M. Sirven était parti depuis six ans à l'étranger ; nous l'avons recherché ; nous avons mis en _uvre tous les moyens de la police et de la justice, et il sera traduit devant ses juges (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Je comprends, trois ans jour pour jour après l'assassinat du préfet Erignac, qu'on se pose certaines questions. Ce matin même, aux côtés de Mme Erignac et de ses enfants, Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur, comme l'avait fait son prédécesseur, a exprimé à nouveau son témoignage de solidarité. Je confirme ce que j'ai toujours dit : retrouver tous les assassins présumés du préfet Erignac est un objectif central pour l'Etat. Je rappelle que six d'entre eux ont déjà été arrêtés. Et puisque vous faites un parallèle, je le pousserai jusqu'au bout : la République a montré que son bras était long et qu'elle pouvait retrouver quiconque mérite d'être traduit devant la justice. A la lumière du cas de M. Sirven, pourquoi douteriez-vous de notre volonté et de notre capacité, le moment venu, de faire que M. Colonna puisse être traduit devant la justice ? C'est notre objectif, et nous l'atteindrons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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ACCUEIL DE LA PETITE ENFANCE

Mme Hélène Mignon - Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée de la famille et de l'enfance.

Lors de la Conférence de la famille, en juin dernier, le Premier ministre a annoncé des mesures concrètes, incluant la création d'un congé et d'une allocation pour enfant malade, qui était un geste fort de solidarité. Ces mesures comportaient aussi la mise en place d'un fonds spécial destiné à améliorer l'accueil de la petite enfance. Ce dispositif a été intégré dans la réflexion des responsables des collectivités locales, dont la plupart ont la volonté de satisfaire les besoins des familles. J'appelle toutefois l'attention sur les difficultés que rencontrent les petites communes pour bâtir rapidement un projet alors que les services techniques leur font défaut. Elles se demandent si les dossiers seront pris en compte en fonction de leur intérêt, ou de leur date de dépôt. Les communes rurales et semi-rurales ne veulent pas être oubliées dans ce dispositif. En ce qui concerne d'autre part la mise en place de structures-passerelles, quels sont les accords conclus entre votre ministère et celui de l'éducation nationale, pour permettre que la démarche s'engage sur le terrain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance - La mise en place du fonds d'investissement pour la petite enfance est une vraie réussite, puisqu'en six mois plus de 22 000 places ont été engagées. Les collectivités locales ont déjà consommé la moitié du fonds, ce qui signifie qu'en six mois nous avons fait autant que pendant les sept années précédentes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Le nombre des places de crèches créées était en effet tombé en dessous de 3 000 par an. Je remercie les collectivités locales de toutes sensibilités qui se sont engagées dans cette action.

Quant aux communes rurales, un effort supplémentaire a été consenti, sous la forme d'une aide additionnelle lorsque les communautés de communes prennent en charge les projets. Les CAF, avec leurs services techniques, interviennent -et je rends hommage à leur travail- pour aider les petites communes. Les échéances municipales ont peut-être concouru à ce dynamisme, mais je m'en réjouis. Après les élections, je compte sur la parité dans les conseils municipaux pour maintenir l'effort, et faire que nous puissions assurer pleinement la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Vous le voyez : le Gouvernement agit avec efficacité pour résoudre les problèmes concrets. Mais il le fait parce que la majorité plurielle -et non la droite- a voté la loi de financement de la sécurité sociale. C'est grâce à ces votes que le Gouvernement peut mener une politique familiale efficace, solidaire et féministe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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SITUATION DES HÔPITAUX

M. Patrick Delnatte - Ma question, que je pose au nom des trois groupes de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV), s'adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne la situation critique de l'hôpital. La réponse de Mme la ministre à ce sujet était en décalage complet avec la réalité vécue sur le terrain. Je procéderai d'ailleurs à une rectification : en 1998, le Gouvernement a aussi réduit le numerus clausus à l'entrée dans les écoles de soins infirmiers.

C'est désormais la pérennité du système hospitalier qui est menacée. C'est pourquoi aujourd'hui les personnels sont de nouveau en grève. En mars Mme Aubry avait consenti en catastrophe une rallonge de dix milliards sur trois ans pour l'hôpital public. Le groupe RPR vous avait alors mis en garde contre cette méthode qui ne traite pas les problèmes structurels. A peine onze mois plus tard, les personnels sont à nouveau dans la rue, pour souligner la situation intenable de nombreux services et établissements. La qualité des soins est menacée, les conditions de travail sont insupportables : nous sommes près du point de rupture. Alors que l'application annoncée des 35 heures va encore aggraver la situation, comment comptez-vous entreprendre enfin les réformes nécessaires ? Les talents médiatiques du futur ministre de la santé, que nous annonce la presse, suffiront-ils pour surmonter cette crise sans précédent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Nous prenons des mesures concrètes et je les ai détaillées il y a un instant, pour résoudre les problèmes de nos hôpitaux. Il est vrai que la situation est tendue, car l'hôpital se voit adresser des demandes sans cesse accrues, et il y a une aspiration à être mieux soigné. Et je crois que, collectivement, nous n'avons pas appréhendé à temps les questions de la démographie médicale et paramédicale. Mais nous n'avons pas réduit les quotas d'infirmières : c'est vous qui l'avez fait en 1996 et en 1997 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Ne nous satisfaisant pas des effets d'annonce, nous avons pris des mesures concrètes, avec un protocole de 10 milliards sur trois ans. Nous sommes en discussion avec les personnels hospitaliers sur l'ensemble des problèmes : grilles indiciaires, carrières, formation, coordination des soins, place des personnels dans l'hôpital, définition de leurs missions. Nous avançons sur ces questions. Ainsi nous avons mis au point le décret d'actes infirmiers pour les infirmières spécialisées. Il sera transmis le 23 février à la commission consultative compétente, puis à l'Académie de médecine et au Conseil d'Etat et sera publié avant juin. Voilà un pas concret, qui était attendu depuis longtemps. Sur le difficile problème des filières, le Gouvernement fera des propositions.

Les personnels hospitaliers ont une grande compétence et nous avons le devoir de dire que nous reconnaissons le travail qu'ils font et de rechercher les moyens d'améliorer leur situation. Quant à moi, je maintiens le dialogue et m'y implique personnellement, car je suis décidée à faire reconnaître le rôle pivot des personnels infirmiers (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DRAME DE SAINT-DENIS ET LOGEMENTS INSALUBRES

M. le Président - La parole est à M. Braouezec, pour une question brève.

M. Patrick Braouezec - Pour une question normale, si vous permettez, Monsieur le Président.

Je voudrais d'abord dire l'émotion et la colère de Saint-Denis devant la mort de sept de ses habitants, dont cinq enfants, dans l'incendie de leur immeuble dans la nuit de jeudi à vendredi. Ces sept Dionysiens ne sont pas morts en prenant la route ou l'avion, mais chez eux, dans leur sommeil. C'étaient des gens modestes, mais leur mort mérite la même considération que toute autre mort.

Je veux aussi saluer le courage des sapeurs-pompiers et des services de police, qui ont payé un lourd tribut en venant au secours des victimes, sept d'entre eux ayant été blessés. Saluer aussi la solidarité spontanée des Dionysiens et la mobilisation immédiate des services de la ville et de l'Education nationale, ainsi que l'action des associations humanitaires et le travail entrepris depuis hier avec les services de l'Etat. Remercier, enfin, Louis Besson et Ségolène Royal pour leur message personnel.

Cette tragédie est un rappel horrible des conditions de vie d'une partie de la population dans la France de 2001. Elle met au grand jour l'existence d'un patrimoine immobilier privé lourdement dégradé, parfois laissé à l'abandon. Pour ce type d'immeuble, s'il y a des propriétaires responsables et honnêtes, il y a aussi des marchands de sommeil qui spéculent sur la misère des gens. Le droit de propriété, quand il bafoue la dignité et la vie, n'a pas lieu d'être. Certes la loi « solidarité et renouvellement urbain » a introduit des mesures contre ces marchands de sommeil, mais il manque un bras financier à la loi : cet outil, ce serait une Agence nationale de l'amélioration de l'habitat renforcée et aux interventions simplifiées. Il faut une volonté politique forte pour la rédaction des décrets et l'ouverture de moyens budgétaires suffisants.

Cela m'amène à cinq questions précises (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Un peu de respect, je vous prie ! (Même mouvement) D'abord, je vous demande de confirmer votre intention de faire bénéficier les communes des subventions auxquelles auraient eu droit les propriétaires défaillants. Ensuite, il est indispensable de préfinancer pour les collectivités locales ces travaux de substitution. Le Gouvernement est-il prêt à engager la Caisse des dépôts et consignations afin de garantir les prêts à taux zéro nécessaires comme relais à l'ANAH ?

Troisièmement, on recense 800 procédures liées à l'insalubrité et au péril en Seine-Saint-Denis. Comment faciliter leur reprise rapide avec la nouvelle loi et éviter de tout reprendre à zéro ?

Quatrièmement, la distinction entre travaux d'amélioration de l'habitat, travaux de sortie d'insalubrité, voire de restructuration partielle, se révèle inutilement complexe et inefficace : comment unifier vers le haut les taux de subvention pour sortie d'insalubrité et réhabilitation ?

Enfin, pour être efficace dans les copropriétés dégradées, je vous demande de confirmer qu'il est juridiquement possible d'exproprier des parties d'immeubles afin de réorganiser des logements de taille et de confort décents.

Toutes ces mesures dégageraient les moyens qui empêcheraient qu'un tel drame puisse se reproduire et seraient le meilleur hommage à la mémoire des victimes de Saint-Denis (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. le Président - Cette question est très grave, mais je suis tout de même obligé d'appeler M. le ministre à une réponse brève.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - C'est un sujet grave en effet et nous partageons votre colère, Monsieur le député, contre les marchands de sommeil qui s'enrichissent de la misère des autres.

Pour le relogement des familles concernées, plusieurs initiatives ont été prises, et je salue le travail accompli, par vous-même en particulier.

La loi donne aujourd'hui davantage de moyens pour éradiquer le fléau des marchands de sommeil : une prime à l'amélioration de l'habitat a été instituée en février 2000 pour subventionner jusqu'à 60 % du coût des travaux portant sur les parties communes des immeubles ayant plus de dix ans -et le décret d'application de la loi SRU étendra le champ des travaux aidés, en accordant les aides directement aux communes lors d'une exécution d'office des travaux prescrits. Nous avons demandé à l'ANAH de simplifier les dispositifs et les prêts de la Caisse des dépôts sont d'ores et déjà mobilisables pour les communes dans le cadre du plan de sauvegarde. Enfin, l'article 21-1 du code de l'expropriation, tel que modifié par l'article 184 de la loi SRU, permet des expropriations partielles.

Tous ces moyens nous permettent de lutter mieux contre le fléau des logements indécents et des marchands de sommeil (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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AIDES AU LOGEMENT

M. Pierre Cohen - Monsieur le secrétaire d'Etat au logement, si l'on veux mieux partager les fruits de la croissance, la réforme des aides personnalisées au logement n'est-elle pas l'un des vecteurs les plus efficaces ? Nous nous félicitons de la décision de l'Union des HLM de geler les loyers, mais je souhaiterais que vous nous confirmiez l'entrée en vigueur des mesures décidées le 15 juin par la Conférence de la famille en ce qui concerne l'actualisation des barèmes et la réforme des aides au logement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - La réforme des aides au logement entrera bien en vigueur le 1er janvier 2001 -et il y aurait des rappels si tel ou tel organisme payeur prenait du retard. La réforme, qui a été préparée avec M. Gayssot et Mme Royal, et représentait un élément important de la Conférence de la famille présidée par le Premier ministre, consiste à harmoniser les barèmes de l'allocation-logement et de l'APL entre le privé et les organismes HLM. On prendra les mêmes bases pour le revenu des ménages, que celui-ci provienne du travail ou du RMI. Personne n'y perdra et 4,8 millions de familles y gagneront en moyenne 1 300 F de plus. Un ménage avec deux enfants et un revenu égal à un SMIC et demi, logé dans le privé, gagnera 4 500 F par an. La mesure est donc significative, et elle illustre la volonté du Gouvernement d'orienter les fruits de la croissance, en priorité, vers les familles les plus modestes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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SÉCURITÉ

M. Christian Estrosi - Monsieur le Premier ministre, les statistiques de l'insécurité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) attestent un grave échec de votre gouvernement. Depuis des mois, pourtant, l'opposition vous alertait sur la hausse de la délinquance et l'implication croissante des mineurs ; mais vous n'avez cessé de dédramatiser et de faire de l'angélisme. Les chiffres révèlent aujourd'hui que nous avions raison : 5,7 % de hausse moyenne en 2000, 15 % pour les vols à main armée. Face à cette évolution dramatique, l'Etat doit réagir avec force. Vous nous annoncez certes 1 000 postes de policiers, mais vous en supprimiez 1 647 dans le budget 2001...

M. le Président - Posez votre question, je vous prie.

M. Christian Estrosi - Les mineurs commettent désormais la moitié des délits : n'est-il pas temps de réformer l'ordonnance de 1945, devenue inadaptée ? Etes-vous prêt, Monsieur le Premier ministre, à reconnaître enfin votre échec et à changer de cap ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Personne ne nie que les statistiques de la délinquance soient en hausse : plus 0,51 % sur la voie publique en zone de police ; plus 10,79 % en zone de gendarmerie. Néanmoins on observe une baisse de 0,9 % là où la police de proximité a été mise en place, et même un recul de près de 7 % à Paris. Par ailleurs, la hausse de la délinquance est liée pour beaucoup -20 %- aux nouvelles technologies, 9 % des infractions violentes étant des vols de portables (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

Oui, la délinquance des mineurs est en légère augmentation -de 2,86 %. Mais vous appelez mesurette la création de 1 000 postes de policiers, qui par votre faute manquaient cruellement ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Quant aux 5 000 postes d'adjoints de sécurité, qui s'ajoutent aux 15 000 existants, ils seront bien utiles pour remplacer les policiers auxiliaires qui vont faire défaut du fait de la suppression du service national.

Bien utiles aussi sont les contrats locaux de sécurité, mais Nice n'en a pas signé. Le fait que dans cette ville, qui dispose d'une police municipale armée, les statistiques de la délinquance augmentent, est bien la preuve que c'est sur la police nationale qu'il faut compter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

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SITUATION DES RAPATRIÉS

M. Robert Gaïa - Depuis 1997, le Gouvernement a consenti des efforts notables en faveur des rapatriés. Cependant leurs attentes sont encore fortes concernant les prélèvements opérés sur l'indemnisation et le désendettement des réinstallés. Nos compatriotes Harkis ont également de fortes attentes en matière d'insertion et de mémoire.

Alors que la France se réconcilie avec son passé, alors que l'Assemblée nationale a reconnu à l'unanimité l'état de guerre en Algérie, des problèmes subsistent, comme ceux des médecins retraités, du droit à la retraite des exilés, de la création d'un institut de la France d'outre-mer et de la francophonie, de la reconstitution de carrière pour les fonctionnaires d'Afrique du Nord mobilisés lors de la guerre de 1939-1945, de l'extension aux pupilles de la Nation de l'article 44 de la loi de 1986, ou de la prolongation de la recevabilité des dossiers de désendettement, nos compatriotes rapatriés n'ayant eu que 55 jours pour les déposer.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, quelles sont les mesures que vous comptez prendre ? Nos compatriotes comptent sur vous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je rappellerai d'abord le bilan de notre action. Depuis 1997, nous avons amplifié le plan qui existait précédemment pour les Harkis et leurs familles. Nous avons réalisé plus de 12 000 insertions professionnelles, soit 5 000 de plus que durant la période 1995-1997. Nous avons multiplié par dix les crédits affectés à l'accès à la propriété et à l'aide au logement, multipliant l'aide moyenne par trois. En matière de retraites, nous avons en 1999 créé une rente viagère pour les anciens supplétifs -9 000 F par an ; au 1er janvier, 4 553 rentes avaient été accordées. A la fin de l'année 2000, le bénéfice de cette rente viagère a été étendu au conjoint survivant.

Concernant l'aide au désendettement des rapatriés et pour répondre aux critiques sévères de la Cour des comptes sur le régime précédent, nous avons fait appel à une commission nationale impartiale. Le décret de juin 1999 a étendu le bénéfice de l'aide aux pupilles de la Nation et aux orphelins. Cependant la durée d'instruction des dossiers reste trop longue ; c'est pourquoi j'ai décidé de renforcer les moyens de la Délégation aux rapatriés. Depuis décembre 1997, nous avons fait en sorte que les poursuites à l'encontre des créanciers soient suspendues et que le paiement des dettes fiscales fasse l'objet d'un sursis. Le délai accordé aux rapatriés pour déposer leur dossier étant en effet trop court, nous trouverons le support législatif pour l'allonger.

D'autres questions restant à résoudre, j'ai décidé de constituer une commission consultative des rapatriés, que j'installerai personnellement à la fin de cette semaine et qui aura pour mission de formuler des propositions.

Nous devons aussi entretenir la mémoire : les Harkis déplorent que les raisons et les conséquences de leur engagement pour la France soient trop ignorées, les rapatriés souhaitent que ce qui a été fait par notre pays soit reconnu. C'est pourquoi je m'attacherai à accélérer le processus qui doit aboutir à la création d'un institut de la France d'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 16 heures 5 est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Claude Gaillard.

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

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    LUTTE CONTRE L'EFFET DE SERRE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Mois après mois, l'alerte donnée par la communauté internationale et les écologistes sur les risques d'un changement climatique se confirme. La température du globe a augmenté de 0,6 degré au XXe siècle ; les précipitations s'accroissent, la surface et l'épaisseur des glaces des pôles diminuent, les glaciers régressent.

Les scientifiques réunis au sein du groupe international d'experts sur l'évolution du climat ont, le mois dernier, confirmé que ces changements sont dus aux activités humaines et qu'ils vont s'accentuer dans les années à venir, ce qui se traduira par une plus forte fréquence et intensité des aléas climatiques. Selon le programme des Nations unies pour l'environnement, le coût annuel de ces dérèglements climatiques pourrait atteindre 2 000 milliards de francs par an en 2050.

Il est donc temps d'agir pour en réduire le risque et pour anticiper ses conséquences.

La France a joué un rôle de premier plan dans la négociation internationale sur les climats. La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été négociée sous l'égide d'un Français, Jean Ripert, qui nous a quittés il y a quelques mois et auquel je voudrais rendre hommage.

En décembre 1997, à Kyoto, la troisième conférence des parties à cette convention a permis d'aboutir à un protocole assignant pour la première fois aux pays industrialisés des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Son adoption, malgré les fortes réticences de certains de nos partenaires de l'OCDE, a constitué un succès indéniable pour l'Union européenne.

L'objectif de réduction des émissions des pays industrialisés de 5,2 % entre 1990 et 2010 peut paraître modeste face aux enjeux. Mais tenir ces engagements constitue la première étape d'un effort qui devra se poursuivre tout au long du XXIe siècle. Les pays développés doivent en effet parvenir à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et cesser d'offrir aux pays du sud le modèle d'un développement reposant sur une consommation d'énergie toujours plus importante.

L'échec de la conférence de la Haye en novembre dernier a de quoi inquiéter. Il est en effet largement dû au fait que certains pays ont souhaité profiter de cette conférence pour renégocier les engagements de réductions qu'ils avaient souscrits.

On peut craindre, maintenant, que le difficile progrès des négociations internationales ne conduise chaque pays à s'accoutumer à l'idée qu'il ne respectera pas la totalité de ses engagements et à arguer des difficultés rencontrées par les autres pour justifier ses propres manquements.

C'est pourquoi il me semble essentiel de maintenir l'objectif que nous nous sommes fixés : la ratification du protocole par un nombre suffisant de pays pour assurer son entrée en vigueur avant 2002.

La France est le premier pays industrialisé qui ait achevé la procédure d'autorisation de ratification. Le vote de la proposition qui vous est soumise aujourd'hui permettra en outre de déclarer solennellement que la lutte contre l'effet de serre est une priorité nationale. Chacun de nos partenaires de l'Union européenne et la Communauté elle-même doivent faire de même.

La France doit aussi prendre les mesures qui lui permettront de respecter ses engagements. A cet effet, le Gouvernement a adopté son programme national de lutte contre le changement climatique il y a un an et décidé d'un programme d'amélioration de l'efficacité énergétique en décembre.

M. Yves Cochet - Excellents programmes !

Mme la Ministre - Pour avoir la certitude que les mesures décidées seront bien mises en _uvre, j'ai décidé d'organiser avec la mission interministérielle de l'effet de serre une conférence nationale, en juin prochain.

A cet égard, la décision prise par le Conseil constitutionnel d'invalider l'extension de la TGAP aux consommations d'énergie des entreprises...

M. Bernard Deflesselles - Excellente décision !

Mme la Ministre - ...nous prive provisoirement d'une mesure importante du dispositif de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Mais le Gouvernement n'entend pas y renoncer et vous soumettra, dans les meilleurs délais, un nouveau dispositif.

Il est important, enfin, que nous nous organisions mieux, pour lutter contre l'impact du réchauffement climatique.

Pour cela, le Gouvernement a déjà considérablement renforcé la mission interministérielle de l'effet de serre. Mais, quels que soient nos efforts, la France n'échappera ni aux variations du climat ni à leurs conséquences, qui affecteront tous les secteurs de la société. La montée du niveau des mers concernera toutes les zones côtières, en métropole comme dans les départements et territoires d'outre-mer, particulièrement exposés aux risques du changement climatique.

L'observatoire national dont le sénateur Vergès a proposé la création aurait ainsi pour mission d'approfondir l'étude des conséquences du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer, en vue, notamment, d'offrir aux élus et aux collectivités les moyens d'élaborer une véritable politique de prévention, ce qui réduirait notre vulnérabilité.

Je suis convaincue de l'utilité de cette création, dans un domaine où notre capacité de recherche devrait être renforcée.

Elle permettra également de recueillir et de diffuser des informations actuellement éparses et, donc, de mener une politique d'information et de sensibilisation plus active.

Il ne s'agit donc pas de créer une structure qui travaillerait à côté des autres, mais de l'intégrer dans le réseau national et international existant.

Enfin, la mise en place de l'observatoire permettra à la France de coopérer avec les pays du sud, et notamment avec les petits Etats insulaires regroupés au sein de l'AOSIS, en contribuant à la diffusion des meilleures technologies et des bonnes pratiques.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable sans réserve à l'adoption de la proposition qui vous est soumise (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Elie Hoarau, rapporteur de la commission de la production - La proposition que nous examinons est le fruit d'une initiative sénatoriale qui a fait l'objet d'un large consensus, puisqu'elle a été co-signée par l'ensemble des groupes politiques du Sénat et, en particulier, par l'ensemble des sénateurs de l'outre-mer. Elle vise, d'une part, à conférer à la lutte contre l'effet de serre le caractère de priorité nationale et, d'autre part, à créer un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les DOM-TOM. Elle s'inscrit dans la logique des travaux parlementaires sur ce sujet et, notamment, du rapport du sénateur Lepeltier et de celui de notre collègue Yves Cochet.

A titre personnel, je me félicite que ce texte soit enfin inscrit à l'ordre du jour de notre Assemblée. Déjà, en 1992, j'avais eu l'honneur d'être membre de la délégation parlementaire française qui s'était rendue au Sommet de Rio. J'avais en outre déposé, en février 2000, une proposition, co-signée par les députés de l'outre-mer ; elle poursuivait un objet similaire à la présente proposition, mais elle était limitée aux seuls DOM-TOM. Les objectifs que je poursuivais alors seront donc atteints avec l'adoption de la présente proposition.

Si l'effet de serre est naturel, à l'origine, on constate aujourd'hui une intensification du phénomène, liée à la concentration croissante de dioxyde de carbone dans notre atmosphère. L'ensemble des scientifiques s'accorde à penser que cette tendance est largement due aux activités humaines et, notamment, à l'utilisation de combustibles fossiles.

Or, l'intensification de l'effet de serre pose un véritable problème environnemental, car elle devrait conduire à un réchauffement climatique dont les conséquences pourraient être dramatiques. D'après les derniers travaux du GIEC réalisés sous l'égide de l'ONU, ce réchauffement pourrait se traduire, d'ici l'année 2100, par une augmentation de la température moyenne de la terre de 1,4 à 5,8 degrés et par une élévation du niveau des océans de 9 à 88 centimètres. Ces chiffres sont d'autant plus inquiétants qu'en 1995, le même groupe concluait que l'amplitude de l'élévation de la température serait comprise entre 1 à 3,5 degrés...

Je ne souhaite pas être inutilement alarmiste mais nous subissons peut-être déjà les conséquences de ce phénomène puisque, en cent ans, la température moyenne de l'air a augmenté de 0,3 à 0,6 degré.

Le renforcement de cette tendance aurait des conséquences graves : risque accru de tempêtes et de cyclones, risque de submersion d'espaces côtiers densément peuplés et de pôles de développement économique, risque d'inondations importantes dans certaines zones et de sécheresse accrue dans d'autres, risque d'un déplacement des maladies tropicales vers des latitudes plus hautes, disparition de certains types de forêts, menaces pour la biodiversité, risques d'intensification du cycle hydrologique...

L'effet de serre n'est donc pas simplement un sujet d'études scientifiques ; c'est également un problème politique qui a des répercussions en termes de santé publique, d'aménagement du territoire, de transports et de choix énergétiques. Comment envisager d'urbaniser une zone qui, dans moins d'un siècle, pourrait être menacée par des tempêtes ou la submersion ?

Il est manifestement nécessaire que la population et les élus locaux soient mieux informés des risques encourus, afin de faire des choix pertinents à long terme. L'effet de serre est certes un phénomène planétaire, mais les mesures prises au niveau local peuvent avoir un impact non négligeable en termes de prévention.

On pourrait faire valoir que l'information n'est rien si, par ailleurs, des mesures coordonnées ne sont pas prises au niveau international. J'estime toutefois que la sensibilisation de nos concitoyens et des élus locaux à l'enjeu est indispensable.

Les rendez-vous internationaux se sont multipliés pour traiter du problème. Malgré les réticences de certains pays à respecter leurs engagements, le protocole de Kyoto constitue une réelle prise de conscience. Sur ce point, l'Union européenne, et, en son sein, la France ont été particulièrement volontaristes, puisque les Etats-membres ont souscrit un engagement commun de réduction de leurs émissions de 8 % entre 1990 et 2010. Je tiens en outre à rappeler que la France a été le premier Etat figurant sur l'Annexe I à engager la procédure de ratification.

Ce qu'il nous faut bien appeler « l'échec de la conférence de La Haye » ne doit pas nous faire baisser les bras, malgré les difficultés de la négociation avec les pays emmenés par les Etats-Unis.

Notre pays a déjà su faire la preuve qu'il pouvait prendre des mesures volontaristes allant au-delà des exigences internationales. La création de la mission interministérielle de l'effet de serre, dès 1992, en témoigne. Les décisions gouvernementales en faveur d'un plan global d'économies d'énergie et d'un programme national de lutte contre le changement climatique montrent bien qu'il n'est pas question de rester passifs.

Il est tout à l'honneur du Parlement de faire preuve de la même volonté, avec la présente proposition. Celle-ci dans son article premier, confère à la lutte contre l'effet de serre la qualité de priorité nationale. Certes, ce dispositif est essentiellement déclaratoire, mais il a un lourd poids symbolique et pourrait même avoir des conséquences pratiques, notamment en confortant les positions du Gouvernement dans de futures négociations internationales. La France, après avoir été la première à engager l'approbation du protocole de Kyoto serait également la première à déclarer l'effet de serre priorité nationale.

Les articles suivants créent un observatoire national du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les DOM-TOM, en définissent les missions et les prérogatives et renvoient à un décret le soin de fixer son siège, sa composition et ses règles de fonctionnement.

Lieu de concertation scientifique et pluridisciplinaire, l'observatoire devrait jouer un rôle essentiel de centralisation et de diffusion des études et recherches touchant à l'effet de serre, aujourd'hui très dispersées. L'observatoire informera à la fois les citoyens et les collectivités territoriales permettant à ces dernières d'élaborer, en connaissance de cause, des politiques d'adaptation et de prévention.

Il exercera cette mission en liaison avec les différents organismes et instituts de recherche existants et avec le GIEC, afin d'éviter les conflits de compétences et d'inscrire son action dans une perspective internationale. Il établira un rapport annuel public, transmis au Premier ministre et au Parlement, qui pourra comprendre certaines recommandations.

Sur ce dernier point, je me fais ici l'écho de François Brottes qui a souhaité, en commission, que ce rapport comporte des éléments d'information sur le rôle joué par la forêt dans la maîtrise de l'effet de serre. On ne peut d'ailleurs que regretter la véritable prise en otage de la forêt, devenue monnaie d'échange lors des négociations internationales de La Haye. Je souhaite que la ministre nous donne des assurances à ce propos. Le décret d'application pourrait être élaboré en concertation avec les organismes concernés, notamment l'Office national des forêts.

L'observatoire pourrait prendre la forme d'un groupement d'intérêt public, comme l'a proposé le sénateur Vergès. Cette formule souple lui assurerait la personnalité morale ainsi qu'une relative autonomie financière. La présence de représentants des collectivités territoriales en son sein permettrait de mieux les sensibiliser à la lutte contre le réchauffement climatique et les aiderait à prendre les mesures nécessaires.

Enfin, cette structure pourrait aider à conforter la coopération Nord-Sud, notamment en diffusant des données aux petits Etats insulaires membres de l'AOSIS, particulièrement vulnérables aux risques du réchauffement climatique, en particulier à la submersion.

Toutes ces précisions relèvent bien évidemment du domaine réglementaire. Nous espérons, Madame la ministre, que vous saurez entendre nos propositions.

Cette proposition a été adoptée à l'unanimité par le Sénat. Notre commission l'a adoptée sans modification ; j'espère que l'Assemblée fera de même.

Avec les mesures du Gouvernement en faveur de la lutte contre le changement climatique, avec le processus de ratification du protocole de Kyoto, ce vote confirme le rôle pionnier de la France dans la lutte contre l'effet de serre (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe du RPR).

M. Claude Hoarau - Cette proposition due à l'initiative du sénateur de la Réunion Paul Vergès, nous invite à réfléchir sur un enjeu de civilisation, sur les grandes forces qui vont agir au cours de ce nouveau siècle, sur ces mouvements de fond qui façonnent chaque jour le monde et qui mettent parfois en péril l'avenir de l'humanité.

Le réchauffement de la planète, comme la démographie, la sécurité alimentaire, la génétique du vivant, appellent une vision renouvelée des rapports entre l'homme et le monde, une redéfinition de la notion même de progrès, une autre manière de concevoir l'économie et la politique.

La Conférence de Rio a marqué un tournant de l'histoire de l'humanité : pour la première fois, l'homme a reconnu sa responsabilité dans la perturbation des processus naturels. Par un acte réel de civilisation, des chefs d'Etat du monde entier ont clairement reconnu la nécessité de protéger la planète contre la capacité humaine de destruction. Ce moment fondateur s'inspire du travail des experts aujourd'hui unanimes pour reconnaître que le rejet massif dans l'atmosphère des gaz à effet de serre, pour les besoins de l'industrialisation, induit des modifications climatiques porteuses de graves menaces dans toutes les régions du monde.

Depuis le début de l'ère industrielle, les rejets de carbone dans l'atmosphère n'ont cessé de croître. Ils hypothèquent chaque jour davantage la réussite d'une politique de prévention des risques du réchauffement. La plupart des pays industrialisés, principalement les Etats-Unis, sont encore très loin des promesses faites à Rio de réduire au niveau de 1990 les émissions de gaz carbonique. Quant au protocole de Kyoto, la France demeure un des rares pays industrialisés à avoir achevé la procédure de ratification. Comment dès lors demander aujourd'hui à des pays du tiers-monde, qui aspirent au développement, de réparer les crimes contre l'environnement sur lesquels les vieilles puissances industrielles ont assis leur puissance ?

Aujourd'hui 20 % de la planète consomment 80 % de l'énergie mondiale, qu'en sera-t-il vers 2050, quand il faudra répondre aux besoins en énergie de près de 10 milliards d'habitants et aux besoins liés au développement du Sud ?

Ce sont nos conceptions du développement et du progrès, érigées en modèle, qui sont aujourd'hui périmées. L'humanité saura-t-elle trouver, dans un sursaut collectif, la voie de la civilisation ou au contraire prolongera-t-elle « la marche des aveugles vers le précipice » ?

Comment allons-nous adapter les conquêtes techniques accumulées à un monde totalement bouleversé ? Il est urgent de donner l'exemple d'un développement réussi et respectueux de l'environnement, et d'adopter des alternatives crédibles aux combustibles fossiles.

Elu de la Réunion, je crois que les îles de l'outre-mer français réparties dans les Caraïbes, le Pacifique et l'Océan Indien peuvent être des terrains d'application privilégiés pour l'utilisation des énergies renouvelables. La région Réunion a fait du développement des énergies renouvelables une priorité : des études lourdes ont été lancées pour l'exploitation de l'énergie éolienne et de l'énergie géothermique ; l'aide au recours à l'énergie solaire a été amplifiée. Au-delà des effets internes, il s'agit d'offrir à nos voisins des solutions crédibles, éprouvées et durables aux problèmes majeurs de politique énergétique auxquels ils sont confrontés.

S'agissant des transports, très liés à l'effet de serre, la région a rééquilibré sa stratégie en opposant au tout-automobile un réseau de transport en commun en site propre, aussi performant que le chemin de fer au siècle dernier.

Sans revenir en détail sur les conséquences du réchauffement climatique, rappelées par le rapporteur, je souhaite insister sur la situation particulière des îles, particulièrement exposées aux effets du réchauffement du climat. Certaines risquent en grande partie d'être noyées sous les eaux, mais toutes seront touchées par la montée du niveau des océans, qui risque de submerger des espaces côtiers où se concentre l'activité économique. Ainsi la menace sérieuse qui pèse, à Mayotte, sur les bancs de coraux et la disparition annoncée de certains lagons, ne seront pas sans conséquences graves sur une économie fondée sur la pêche côtière et le tourisme.

Surtout, comment nos îles réussiront-elles leur développement si, dans le même temps, elles sont soumises à la violence des catastrophes naturelles et des cyclones tropicaux, plus intenses et plus fréquents ?

Cette proposition permettra à nos îles une meilleure connaissance des risques et par conséquent une politique de prévention. Elle permettra également aux îles de l'outre-mer français d'engager une véritable coopération avec les petits Etats-îles regroupés au sein de l'AOSIS. Cet observatoire s'appuiera sur les territoires et départements d'outre-mer français, pôles avancés de l'observation des phénomènes climatiques. Il assurera la présence scientifique de la France au-delà du continent.

En outre, en faisant de la lutte contre l'effet de serre une priorité nationale, notre Assemblée inscrira l'éthique au c_ur de l'action politique. Elle contribuera aussi à l'effort de sensibilisation sur un enjeu qui dominera l'existence commune des hommes pendant les siècles prochains. Par son vote, le Parlement français honorera sa mission fondamentale : éclairer l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Claude Birraux - Cette proposition, adoptée en avril 2000, à l'unanimité, par le Sénat, nous revient dix mois plus tard. Certes, le calendrier était chargé mais, comme d'habitude avec ce Gouvernement, les réflexions de fond qui engagent le long terme sont sacrifiées au profit du court terme, des échéances électorales.

L'effet de serre est, à l'origine, un phénomène naturel bénéfique, qui permet de maintenir la température moyenne du globe terrestre à une température moyenne de 15 degré. Le développement des activités humains a considérablement augmenté la présence de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Le CO2, en particulier, est piégé par les plantes, par la photosynthèse. Aujourd'hui, l'équilibre naturel est rompu, il y a accumulation. L'augmentation de la population mondiale et des activités humaines conduisent à une augmentation corrélative des émissions de gaz à effet de serre qui, selon l'OCDE, pourraient tripler d'ici 2050. L'impact de cette accumulation sur le réchauffement climatique semble aujourd'hui admis par la plupart des scientifiques, avec des conséquences écologiques -inondations d'espaces côtiers, fonte de glaciers, phénomènes climatiques extrêmes-, économiques -effets sur le tourisme, sur les cultures, les systèmes agricoles-, sanitaires -maladies respiratoires ou infectieuses.

Les enjeux environnementaux colossaux nécessitent, au-delà des études scientifiques, une coopération entre les Etats et l'adoption de mesures politiques. Or les intérêts sont divergents et, si les Etats s'accordent sur l'analyse, les objectifs quantitatifs restent modestes.

Le grand show médiatique de Rio, en 1992, a permis de ratifier la convention cadre de l'ONU sur le changement climatique, avec pour objectif la stabilisation des émissions en l'an 2000 au même niveau qu'en 1990. En 1997, au sommet de Kyoto, ces engagements ont été prolongés pour la période 2008-2012, les pays industriels s'engageant à réduire en moyenne de 5,2 % leurs émissions et l'Union européenne de 8 %. En novembre 2000, la conférence de La Haye, qui devait définir les modalités d'application du protocole de Kyoto, a abouti à un échec. C'est d'autant plus préoccupant qu'un accord international est indispensable et que la nouvelle administration américaine ne semble pas convaincue.

Par ailleurs, le volume mondial des émissions de gaz à effet de serre s'est accru de 8,2 % entre 1990 et 1997. L'évolution régionale est plus inquiétante encore : l'accroissement est d'un tiers pour la Chine, de 56 % pour l'Asie, de 15 à 20 % pour l'Afrique. Les pays en développement apparaissent comme les principaux responsables de l'accroissement des émissions. Or ces pays ne se sont pas engagés à participer à l'effort général de réduction. Il serait tentant, mais immoral, de crier haro sur eux. Ce serait leur interdire tout développement, sans que les pays industrialisés fassent leur part de l'effort. L'idée d'un marché international des permis d'émission, outre les difficultés de contrôle et de sanction qu'elle comporte, n'est pas rassurante quant au respect de la finalité poursuivie, à savoir la réduction des émissions. Quant aux puits de carbone, la chose n'est pas si simple qu'il y paraît.

La proposition de loi du Sénat est bien venue, car elle fait de la lutte contre l'effet de serre une priorité nationale.

D'autre part elle crée un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique. La centralisation et la diffusion des études, l'information des populations et des décideurs politiques permettront d'élaborer des politiques éclairées.

Comment se situe la France dans la lutte contre l'effet de serre ? Le chiffre de ses émissions par habitant est de 1,8 tonne d'équivalent CO2 par habitant : nous faisons mieux que l'ensemble de l'Union européenne, sans parler des Etats-Unis. La position de la France parmi les principales puissances économiques est excellente. Ce résultat est essentiellement dû à la part de l'électricité nucléaire dans notre bilan énergétique. Si la France, comme la Finlande, s'est engagée à stabiliser ses émissions de gaz à effet de serre, l'Allemagne devra les réduire de 20 % ; or je n'ai vu nulle part les moyens qu'elle allait mettre en _uvre pour respecter les engagements de Kyoto tout en arrêtant à terme ses centrales nucléaires. De son côté la Suède a obtenu, pour la période 2008-2012, d'accroître ses émissions de 4 % par rapport à 1990, en arguant qu'elle avait fermé des centrales nucléaires.

Le résultat est qu'elle importe de l'électricité de Pologne, produite dans des centrales thermiques au lignite, et du Danemark ; ce dernier pays doit réduire ses émissions de 21 %, et le kilowatt-heure danois émet dix-sept fois plus de CO2 que le kilowatt-heure français ! Pourtant, en matière d'environnement, la Suède et le Danemark ne sont pas avares de leçons... Pour des pays développés, le refus de prendre en compte l'apport du nucléaire à la lutte contre l'effet de serre relève au mieux d'une cécité, au pire d'une malhonnêteté intellectuelle (M. Yves Cochet proteste). Il est vrai que le sentiment antinucléaire sera bientôt le seul ciment des partis Verts...

Si l'on ajoute à cela l'incohérence de certaines mesures, l'affichage volontariste de la politique du Gouvernement se trouve passablement écorné. Le programme de lutte contre l'effet de serre joue dans un registre classique -économies d'énergie, énergies renouvelables- sur un mode un brin incantatoire. La fiscalité aurait pu être le levier de cette politique, mais la TGAP a été dévoyée pour financer les 35 heures. En revanche vous ne proposez pas grand chose pour améliorer l'efficacité énergétique dans les transports et la réduction des émissions de CO2 et de particules fines, ni pour promouvoir les véhicules propres.

Surtout le problème de l'effet de serre exige une approche globale du développement économique et énergétique mondial, le recensement de tous les outils disponibles. Cette approche est plus vaste et plus complexe qu'une attitude antinucléaire. Le nucléaire n'est pas la réponse, mais il fait partie de la réponse, comme le renouvellement du parc actuel.

Les pays en développement devront accéder à des technologies énergétiques plus sobres, adaptées à leur situation. Il faudra faire preuve d'imagination et de pragmatisme, développer la recherche, par exemple sur les technologies de piégeage du CO2. Même en France, l'évolution est préoccupante : de 1990 à 1999, les émissions ont augmenté de 4 %. La plus grande vigilance s'impose : souhaitons que cette proposition de loi soit un rappel salutaire, et que l'Observatoire qu'elle créera soit un stimulant pour tous les décideurs politiques. J'aurais souhaité que le rapport que remettra chaque année cet observatoire soit présenté sinon en séance plénière au moins devant l'Office parlementaire. Mais, considérant le souhait général de voir adoptée conforme la proposition du Sénat, je ne présenterai pas d'amendement, et le groupe UDF votera ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Bernard Outin - Chacun s'accorde à reconnaître les effets néfastes du réchauffement climatique, et à faire de la lutte contre l'effet de serre une véritable priorité. Ainsi, la semaine dernière, le directeur de l'Agence européenne pour l'environnement déclarait y voir le problème actuel le plus grave. Et de fait une prise de conscience de la gravité de ces enjeux est en train de s'opérer de par le monde. Le sommet de Rio en juin 1992 en a été le point de départ ; 171 Etats ont ratifié la convention finale, dont l'objectif ultime est la « stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique du système climatique ». En décembre 1997, la conférence de Kyoto a constitué une nouvelle étape, aboutissant à un protocole signé par 159 Etats. Ce protocole, généralement considéré comme un succès en raison de l'individualisation des engagements de réduction d'émissions de gaz qu'il institue, est conforme au principe de précaution. Pourtant, le 10 juillet dernier, notre groupe n'avait pas voté sa ratification. En effet, elle porte en elle le risque d'une institution des droits à polluer, ce qui relève du cynisme. Le protocole apparaît comme le résultat d'une logique de domination. Les Etats-Unis ont en effet réussi à faire accepter l'inacceptable : l'institution d'un marché de droits d'émissions qui consacre l'existence d'un « droit de polluer » tout en sachant que la répartition des droits d'émissions entre les pays ne résulte pas de critères objectifs, mais d'un rapport de force, voire d'un marchandage. Il semble, hélas, que nos inquiétudes étaient effectivement fondées.

De même, on attendait beaucoup de la conférence de La Haye, qui devait mettre en oeuvre pratiquement les mesures évoquées par le protocole de Kyoto. Or elle s'est soldée par un échec, les États-Unis et l'Europe n'ayant pas réussi à se mettre d'accord. Les Etats-Unis ont voulu imposer le recours à l'utilisation internationale des « permis de polluer », afin de compenser les efforts qu'ils devraient réaliser pour diminuer leurs émissions. C'est ce que nous craignions, et qui justifie a posteriori notre vote négatif sur la ratification du protocole de Kyoto. Je tiens cependant à saluer, Madame la ministre, la façon dont vous avez mené les débats et, au nom de notre groupe, à vous remercier pour votre détermination. La France, présidant alors l'Union européenne, ne pouvait accepter le compromis proposé par les Américains, d'autant que, comme vous l'avez souvent souligné, les pays en voie de développement n'y avaient pas été associés. Or une répartition juste des efforts entre les différents Etats doit rester l'objectif principal : j'espère que la France saura maintenir et accréditer cette position lors de la reprise des négociations.

Ce rappel était utile dans l'examen d'un texte qui, en son article premier, déclare la lutte contre l'effet de serre et la prévention des risques liés au réchauffement climatique comme priorité nationale. Nous souscrivons pleinement à cet objectif. Même si des controverses subsistent dans le monde scientifique, les risques d'une croissance de la concentration des gaz à effets de serre sont suffisamment préoccupants pour décider la priorité nationale. En cent ans, la température à la surface du globe s'est accrue d'un degré, soit plus qu'au cours des dix mille dernières années.

Je ne reviens pas sur les effets physiques de ce phénomène, qui ont été largement évoqués. Mais ses conséquences économiques ne sont pas moindres. La réduction des superficies cultivables créerait des risques de pénurie alimentaire. Le santé humaine serait également en jeu, avec une augmentation des affections dues à l'élévation des températures, mais aussi des maladies infectieuses à transmission par vecteurs, comme le paludisme. Il ne s'agit pas là d'un scénario catastrophe, mais d'estimations alarmantes pour les générations futures. Nous n'avons pas droit à la légèreté ; ériger en priorité nationale la lutte contre l'effet de serre relève du pur bon sens, et même de l'instinct de survie.

L'amplification de l'effet de serre est essentiellement due aux activités humaines : la déforestation et la consommation de grandes quantités de combustibles fossiles portent également une grande part de responsabilité.

Les pays industrialisés sont à l'origine de la quasi-totalité des émissions, les trois quarts selon certaines estimations. Pourtant ce sont les pays en développement qui seront les principales victimes du changement climatique, leurs économies étant plus fragiles et plus dépendantes des milieux naturels. Il faut donc tirer le signal d'alarme.

Les articles suivants de la proposition instituent un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer. Pour poursuivre sa politique volontariste de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, la France doit renforcer ses capacités de recherche.

La création de l'observatoire va dans ce sens. Même s'il existe aujourd'hui nombre d'organismes contribuant à la connaissance de l'effet de serre et du réchauffement climatique, ils mériteraient une meilleure coordination. Ce sont des structures très diverses, et la recherche gagnerait en efficacité si les travaux étaient coordonnés. Or c'est la vocation de l'Observatoire qu'il est proposé de créer.

Chargé de rassembler et diffuser les informations et les recherches sur les risques liés au réchauffement climatique et aux phénomènes climatiques extrêmes, que ce soit en métropole ou dans les DOM-TOM, cet observatoire sera également compétent pour informer le public et les collectivités territoriales. C'est pourquoi il devra élaborer chaque année un rapport d'information à l'intention du Premier ministre et du Parlement.

Convaincu que ce texte pourra contribuer efficacement à la lutte contre l'effet de serre et le réchauffement climatique, le groupe communiste le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Néanmoins, je veux conclure sur la nécessité de mettre enfin en place une véritable politique de coopération avec les pays en voie de développement, constamment menacés par la domination sans scrupule des principaux pays responsables des émissions à effet de serre. Cette coopération doit également bénéficier aux pays menacés par la diminution de la couche d'ozone. Les habitants du sud du Chili vivent déjà un véritable cauchemar et les responsables chiliens ont fait appel à l'aide de la communauté internationale pour financer la recherche concernant les conséquences de la diminution de la couche d'ozone sur les écosystèmes et la santé. Des territoires immenses sont menacés. Chacun comprendra, en tout cas, l'importance de cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Bernard Deflesselles - Le réchauffement climatique de notre planète est aujourd'hui certain, et toutes les études scientifiques s'accordent sur la nécessité de maîtriser au plus vite les émissions de gaz à effet de serre.

En 1992, le Sommet de la Terre à Rio avait fait naître de grands espoirs, les pays développés promettant de stabiliser leurs émissions et les pays en développement s'engageant à explorer de nouvelles stratégies de croissance. Neuf ans après le bilan est décevant.

Le groupement intergouvernemental sur l'évolution du climat vient de rendre un rapport alarmant qui annonce la mort des bancs de coraux, l'engloutissement des Maldives et du Bangladesh, la fonte des glaces, la recrudescence des maladies tropicales, la disparition de l'ours polaire. La Camargue serait touchée, ainsi qu'une partie des côtes du Languedoc, d'Aquitaine, du Cotentin, et certains territoires d'outre-mer. En outre, 95 % des glaciers alpins seraient menacés de disparition avant 2100.

Certes, ces prévisions apocalyptiques n'emportent pas l'adhésion de tous les experts, mais elles justifient que l'on place la lutte contre l'effet de serre au c_ur des politiques étatiques. Or jusqu'à présent, les multiples rencontres internationales n'ont pas été à la hauteur de l'enjeu.

Le compromis trouvé à Kyoto en 1997 est loin d'avoir porté ses fruits, la conférence de Buenos Aires de 1998 s'est soldée par un échec, et celle de La Haye, au mois de novembre dernier, s'est terminée en véritable fiasco. Le protocole de Kyoto, par lequel les pays développés s'étaient engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, n'a qu'une valeur contraignante très relative. Les Etats-Unis qui produisent à eux seuls un quart des émissions mondiales, tardent à le ratifier et le nouveau président semble opposé à son application.

M. Yves Cochet - Evidemment, il est soutenu par les pétroliers !

M. Bernard Deflesselles - Or celui-ci ne pourra entrer en vigueur que lorsque 55 pays, représentant 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, l'auront ratifié. Autant dire que sans les Etats-Unis, qui émettent 36 % du CO2 du monde industrialisé, le protocole de Kyoto n'entrera jamais en vigueur.

Néanmoins, depuis trente ans, la France a engagé une politique volontariste de l'énergie et ses rejets de gaz à effet de serre sont très inférieurs à ceux des autres grands pays industrialisés. L'objectif de maintenir le niveau d'émission de 1990 reste donc réaliste. Parmi les principales puissances économiques, la France est celle qui émet le moins de CO2 par habitant. Cela est dû à la part de l'électricité d'origine nucléaire. Ne faut-il pas reconnaître, Madame la ministre, que le nucléaire présente quelques avantages ?

Cette proposition est une bonne initiative, car la création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique permettrait une augmentation des moyens et une meilleure coordination de la recherche scientifique. Elle permettrait aussi à la France de mieux faire valoir ses positions dans les négociations internationales.

Lors de la conférence de La Haye, les dissensions portaient principalement sur la question des « puits de carbone », c'est-à-dire les forêts et les terres agricoles susceptibles de piéger le gaz carbonique. Or, la France ne disposait pas d'une expertise capable de démonter les positions américaines, pourtant connues depuis le mois d'août. La création d'un observatoire national pourrait éviter une telle situation à l'avenir.

Le renforcement de nos capacités de recherche permettrait également d'intensifier notre politique de coopération avec les pays en voie de développement. Car si la volonté d'agir manque trop souvent au Nord, la capacité d'agir fait défaut au Sud. Aujourd'hui, les pays développés émettent les deux tiers des gaz à effet de serre mais demain les pays du Sud seront les premiers responsables de ces émissions. Aussi est-il de notre devoir de leur conférer les moyens de s'engager dans des modes de développement plus respectueux de l'environnement.

Aujourd'hui, il ne s'agit plus de se donner bonne conscience avec des programmes élaborés à la va-vite. Celui que vous avez annoncé au mois de janvier dernier est déjà retombé comme un soufflé : il multiplie les incohérences et passe complètement sous silence certains moyens d'action pourtant indispensables.

En outre, nous déplorons que le Gouvernement n'ait pas su profiter de la présidence française de l'Union européenne pour élaborer un programme ambitieux et concret. A défaut de mettre en place un véritable dispositif de lutte contre l'effet de serre, vous taxez l'industrie française. Or, les émissions du secteur industriel représentent moins de 20 % du total et, en l'absence de mesures nouvelles, la croissance des émissions de CO2 ne dépasserait pas 6 millions de tonnes de carbone entre 1990 et 2010.

L'acharnement dont vous avez fait preuve contre l'industrie, avec l'extension de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie, s'est heureusement heurté à la censure du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Pierre Brard - Vous renoncez aux pouvoirs du Parlement !

M. Bernard Deflesselles - Vous, en tout cas, vous ne renoncez pas à votre idéologie !

Taxer la consommation d'électricité des entreprises pour lutter contre les gaz à effet de serre, alors qu'elle n'en produit quasiment pas, relève d'une logique qui nous échappe. Surtout que le produit de cette taxe, au lieu d'être affecté à l'environnement servira à financer la réduction du temps de travail !

Je veux dénoncer aussi les modalités de calcul de la TGAP, puisque, dans le même secteur d'activité, une entreprise moins polluante peut être plus taxée qu'une autre plus polluante. Tout cela démontre votre impuissance et votre impréparation.

D'autre part, vous avez oublié le secteur des transports, à l'origine pourtant du quart des émissions de gaz à effet de serre.

De même, votre programme ne comporte aucun encouragement à la recherche, en particulier sur des technologies réduisant les émissions de gaz, ni la moindre sensibilisation de nos concitoyens.

Mme la Ministre - Il faudrait le lire !

M. Bernard Deflesselles - Je l'ai lu ! Il faut une prise de conscience collective, et un effort de tous nos concitoyens.

Dans ce contexte, il faut saluer l'initiative du Sénat proposant la création d'un observatoire national. Celui-ci permettra d'informer l'ensemble de nos concitoyens, ainsi que les collectivités territoriales, sur les mesures de prévention et d'adaptation susceptibles de limiter les changements climatiques.

Ce texte constitue une avancée certaine, même s'il n'est pas question de s'en contenter. De nombreuses pistes restent, à explorer, et il faut s'attaquer aux émissions venant du transport, du bâtiment, du logement.

Il faut réfléchir aussi à des économies de matière première, à la diversification des sources d'approvisionnement, au recyclage des déchets, à de nouveaux matériaux, à plus d'efficacité énergétique et au développement des énergies renouvelables.

La lutte contre l'effet de serre est une _uvre de longue haleine, qui devra concilier progressivité de la méthode et fermeté sur les objectifs à atteindre. A l'heure actuelle, le phénomène est encore maîtrisable, sachons agir avant qu'il ne le soit plus. Nous voterons cette proposition de loi, en pensant aux générations futures -car Saint-Exupéry a raison « nous n'héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants » (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et sur divers bancs).

Mme Annette Peulvast-Bergeal - Cette proposition de loi suscite l'adhésion, et je salue nos collègues, de l'outre-mer en particulier, qui l'ont fait avancer. Le phénomène de l'effet de serre n'est pas national, il est planétaire, mais je me félicite de voir la France à la pointe de la réflexion sur cet enjeu. Voici un siècle que la température de la planète augmente, et si le rythme actuel se poursuit, elle aura doublé en 2070. Il est donc urgent de maîtriser le phénomène, qui entraînera des conséquences catastrophiques. On ne sait pas, en revanche, si les phénomènes brutaux constatés ces derniers temps résultent déjà de cette évolution, ou expriment seulement une variabilité naturelle déjà constatée dans le passé.

L'observatoire permettra de mieux connaître les risques, et donc de mieux les gérer.

Nous souscrivons à cette proposition, qui devrait inciter les Etats à s'impliquer davantage, mais aussi tous les acteurs à devenir plus responsables.

Je terminerai par une citation de quatre grands scientifiques, Jean-Claude André, Daniel Cariolle, Gérard Mégie et Jean-François Maister : « Il n'est pas démontré que les événements météorologiques récents soient le signe d'un changement climatique ; mais quand ce changement climatique sera pleinement perceptible, il est très vraisemblable qu'il puisse s'accompagner d'une augmentation d'événements extrêmes ». Cet observatoire, qui vient compléter le dispositif français, répondra aux inquiétudes et permettra à la France de continuer à jouer un rôle moteur dans les négociations internationales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Robert Galley - Dans le rapport qu'avec mon ami Christian Bataille, il y a deux ans, nous avons fait pour l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, nous avons consacré quarante pages à l'effet de serre. Plutôt que d'entrer dans le détail de ce qu'il faudrait faire, je voudrais donc ce soir rappeler les bases scientifiques de cette affaire.

Le réchauffement du climat de la planète est une donnée universellement admise. S'il reste à pondérer l'influence des différents facteurs, dont certains sont naturels et les autres résultent des activités humaines, il en est un qui n'est pas contestable : la modification de la composition de l'atmosphère.

L'augmentation de la concentration en gaz carbonique joue un rôle majeur dans l'effet de serre, qui est lui-même la principale cause de l'augmentation de la température. Au dernier maximum de l'ère glaciaire, cette concentration était de 200 parties par million ; en 1750, de 280 ; en 1958, de 315 ; en 1998, de 360. Actuellement, elle augmente chaque année de 1,5 partie par million. Les émissions annuelles de gaz carbonique à l'échelle du globe ont été estimées à 25 milliards de tonnes en 1998. L'atmosphère contient actuellement 750 milliards de tonnes de carbone sous forme de gaz carbonique ; en outre, une quantité très importante de ce gaz est dissoute dans les océans ; et l'élévation de la température des océans pourrait conduire à une moindre dissolution de gaz carbonique.

Ce volume impressionnant -j'allais dire catastrophique- des émissions de gaz carbonique résulte essentiellement de l'utilisation des combustibles fossiles dans le résidentiel, les transports et la production d'électricité. Les pays industrialisés sont les principaux responsables : en 1996, les Etats-Unis ont émis à eux seuls 5 milliards de tonnes de carbone, soit 23 % des émissions mondiales.

Dans ce pays, depuis 1990, la consommation d'énergie a augmenté en moyenne de 1,7 % par an et la consommation d'électricité de 2 %. Sur cette base, compte tenu des prévisions démographiques, la consommation mondiale d'énergie devrait croître à l'avenir à un rythme moyen de 2 à 3 % par an. Nous ne pouvons qu'être effrayés à l'idée des conséquences sur l'effet de serre, et donc sur la température du globe.

Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat -GIEC-, créé en 1988, a publié un premier rapport en 1990 et un deuxième en 1995. Il conduit désormais une expertise continue. Il estime que la température moyenne à la surface de la terre pourrait s'accroître de 2 degrés d'ici à 2100, ce qui entraînerait une élévation du niveau de la mer de 50 cm, voire dans certaines hypothèses de 1 mètre -ce qui, mesurez la gravité de la situation, amputerait la superficie émergée du si peuplé Bangladesh de 17 %. Moi qui suis très vieux, j'ai constaté que certains phénomènes étaient perceptibles à l'échelle d'une vie d'homme : en soixante ans, j'ai observé le recul de plusieurs centaines de mètres du front du Glacier blanc, dans la vallée d'Ailefroide en Oisans. En Amérique latine, les études montrent que les petits glaciers des Andes auront vraisemblablement disparu dans dix ans, ce qui compromet gravement l'alimentation en eau potable. Enfin, les bilans d'énergie réalisés laissent penser que l'intensification et la plus grande fréquence des événement « El Niño » depuis vingt ans sont liés à l'évolution du climat.

Tout cela montre bien qu'il est nécessaire de reconnaître la lutte contre l'intensification de l'effet de serre et la prévention des risques liés au réchauffement climatique comme une priorité nationale. La création d'un observatoire national est une excellente initiative. Bien sûr, il faudra lui donner les moyens de remplir sa mission en liaison avec le groupe d'experts intergouvernemental ; mais compte tenu de la passion dont vous faites preuve, Madame la ministre, nous sommes sans inquiétude !

M. Jean-Pierre Brard - Voilà un honnête homme !

M. Robert Galley - Le groupe RPR, particulièrement sensibilisé par le rapport remarquable du sénateur Serge Lepeltier, et qui en septembre dernier a consacré ses journées parlementaires à ces questions, votera unanimement cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL, du groupe UDF et du groupe socialiste).

M. Yves Cochet - Je suis ému et impressionné par l'unanimité qui se manifeste tant sur la reconnaissance du phénomène que sur les moyens qu'il faut se donner, s'agissant, voudrais-je préciser, non de lutter contre l'effet de serre lui-même mais contre sa dérive.

En 1974, candidat à la Présidence de la République, René Dumont parlait déjà, mais sans beaucoup d'audience, de « l'altération des climats due notamment à l'accumulation du gaz carbonique et à l'attaque de la précieuse couche d'ozone ». Il a fallu attendre 1992 pour que certains se réveillent à Rio, et pour d'autres 1997...

Je partage votre constat scientifique, Monsieur Galley, mais des mesures d'urgence s'imposent. Je me félicite bien sûr de cette proposition de loi, que les députés Verts voteront, mais je reste pessimiste car tous les instituts décrivent année après année la dégradation de l'environnement, notamment la dérive de l'effet de serre.

Je m'en tiendrai à quelques questions.

Madame la ministre, quelle sera à votre avis la position de l'administration américaine vis-à-vis du protocole de Kyoto ?

Monsieur le rapporteur, je me félicite de cette initiative parlementaire du sénateur Vergès, mais celui-ci est également président de la région Réunion. Concrètement, pour lutter contre la dérive de l'effet de serre, il faut principalement lutter contre l'augmentation des transports par véhicules à moteur thermique.

Dans les années 70 et 80, quand, nous les Verts, disions qu'il ne fallait pas adapter la ville à la voiture, comme le voulait le Président Pompidou, mais développer le rail, les transports en commun etc, nous étions tournés en ridicule. Et maintenant on s'affole... Encore faudrait-il être cohérent. On ne peut pas à la fois se féliciter des productions records de Renault et de CSA et se lamenter contre la dérive de l'effet de serre ! Nous, nous sommes cohérents depuis toujours. mais souvenez-vous du mini-choc pétrolier de septembre 2000, et de la réaction laxiste : « Il faut que chacun puisse prendre sa voiture ou son camion avec un carburant à prix bas »...

Pour en revenir à la Réunion, il y a actuellement un projet d'autoroute dite des Tamarins qui coûterait 4 ou 5 milliards. Pourquoi ne pas plutôt financer le développement du rail ou des transports en commun ?

M. Claude Hoarau - C'est fait, cher collègue ! Nous avons des projets concomitants.

M. Yves Cochet - Je ne sais pas si sur le plan budgétaire les deux seront possible !

Il y a également à la Réunion un projet de construction de turbine alimentée au pétrole. Ne serait-il pas préférable d'utiliser des énergies renouvelables (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

Mme Odette Trupin - Je me félicite de cette proposition de loi. La population est très sensibilisée à ces phénomènes que l'homme, apprenti-sorcier, ne pourra peut-être plus maîtriser à terme.

Il existe un consensus dans la communauté scientifique sur le fait que la pollution de l'air résultant des activités humaines risque d'entraîner un réchauffement des climats, avec pour conséquences l'élévation du niveau des mers, une accentuation des sécheresses, des cyclones, des inondations, des menaces sur les ressources en eau douce, la désertification des zones fragiles, l'extension des maladies tropicales, etc.

L'effet de serre est un phénomène naturel : l'atmosphère, en laissant passer les rayons solaires mais en retenant la chaleur émise par la terre, y maintient une température plus élevée. Cette capacité est due à la présence dans l'atmosphère de vapeur d'eau, de dioxyde de carbone et de méthane en très faibles proportions. Or ce sont ces proportions que les activités humaines modifient. Les orateurs précédents ont souligné les effets catastrophiques que cela pourrait avoir sur la planète. Je n'y reviendrai pas.

Avec des émissions totales nettes de CO2 inférieures à 6 tonnes par habitant et par an, la France est l'un des pays industrialisés qui contribue le moins au changement climatique -il y contribue encore, hélas ! La politique énergétique menée depuis le premier choc pétrolier l'a conduite à réduire ses émissions de façon importante. Elle comporte quatre volets : la définition de réglementations strictes favorisant les économies d'énergie ; l'utilisation de la fiscalité ; un important programme d'économies d'énergie, avec la mise en place dès 1974 d'une Agence pour les économies d'énergies, aujourd'hui l'ADEME ; enfin, le développement d'un parc nucléaire important, qui réduit les émissions de CO2 en France et dans les Etats voisins.

Les Etats portent en effet la responsabilité première des politiques mises en _uvre. En Europe, un grand nombre d'actions doivent désormais être engagées par l'Union européenne. D'autres relèvent des exécutifs régionaux locaux, comme les décisions concernant la consommation d'énergie des bâtiments publics ou l'organisation des transports urbains et régionaux. La loi sur l'air du 30 décembre 1996 fait du reste obligation aux autorités locales de revoir les plans de déplacements urbains pour faciliter le recours aux transports collectifs, à la bicyclette, à la marche à pied.

Les entreprises sont également concernées, tant au niveau de leurs conditions de production que par les qualités de leurs produits. Bien que l'opinion internationale soutienne, dans sa grande majorité, les actions contre l'effet de serre, les accords internationaux en ce domaine sont souvent décevants.

Le protocole de Kyoto, adopté il y a trois ans, est le seul traité international existant qui impose à 38 pays industrialisés de réduire « légèrement » leurs émissions de gaz à effet de serre. Il ne s'agit là que d'un petit pas vers la protection de notre climat. Pourtant certains pays continuent à s'acharner à en réduire la maigre portée, à inventer des échappatoires de toute sorte.

La récente rencontre de La Haye a relancé le débat mondial, débat qui apparaît encore loin de faire l'objet d'un consensus.

La maîtrise des émissions de gaz à effet de serre suppose une démarche globale à l'échelle internationale, combinant d'un côté une volonté politique forte, des choix publics cohérents, une utilisation pragmatique des instruments économiques les plus efficients, des subventions ciblées et des réglementations bien appliquées, de l'autre côté l'information et la mobilisation de l'ensemble des citoyens.

Quelle terre laisserons-nous aux générations futures ? L'enjeu est considérable : il s'agit de préserver le patrimoine commun de l'humanité. Des millénaires durant, les hommes ont en effet agi sur la nature, sans bouleverser les grands équilibres de la planète. Ce n'est qu'au XXe siècle et surtout au cours des cinquante dernières années que sont apparues les premières ruptures dangereuses dues à l'accélération de la croissance démographique et à celle du changement technique.

Aujourd'hui, qu'il s'agisse de l'explosion démographique, de la sécurité alimentaire, de la répartition des richesses, des enjeux climatiques ou de l'avenir de la civilisation, seule une prise de conscience planétaire rendra possible un développement durable.

Alors, Madame la ministre, je m'interroge : comment la France peut-elle intervenir pour enrayer ces risques hallucinants ? Espérons que cette proposition de loi aura un effet incitatif sur les nombreux Etats qui restent encore à l'écoute de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Je voudrais répondre à M. Cochet. Il semble déceler une contradiction entre le dépôt de cette proposition par M. Vergès et le fait que celui-ci, en tant que président de région, projette la construction d'une autoroute et d'une turbine de production d'électricité. Quand M. Vergès est devenu président de la région, il y a deux ans, il s'est trouvé confronté aux effets de l'imprévision de ses prédécesseurs, et à la nécessité de prendre des mesures d'urgence. Il faut savoir que la consommation d'électricité augmente de 7 % par an à la Réunion. Mais en même temps qu'EDF prévoit la construction de cette turbine, la région lance, pour la première fois, un programme de recherche sur l'énergie éolienne, l'énergie géothermique et l'énergie solaire. Dans quelques années nous en verrons les effets.

C'est le même dilemme pour les transports collectifs. Les carences antérieures ont imposé la dictature du tout-automobile. C'est la première fois qu'une étude sérieuse est menée pour une organisation des transports collectifs sur l'ensemble du territoire. En ce moment même, le président Vergès est en mission dans l'est de la France pour s'informer sur les expériences de liaisons tram-train. Là encore il faut à la fois faire face à l'urgence et prévoir le long terme. Il n'y a aucune contradiction entre la proposition du sénateur Vergès et sa politique à la Réunion.

Mme la Ministre - Vous ayant écoutés avec beaucoup d'attention, je voudrais tirer quelques conclusions de vos interventions.

Vous avez tous repris à votre compte les signaux d'alerte des scientifiques et j'ai été impressionnée par l'érudition et la conviction de vos analyses. Je mesure le chemin parcouru depuis dix ans, quand la quasi-totalité de la classe politique communiait dans un déni parfois péremptoire, parfois hilare. Aujourd'hui nous sommes tous d'accord et je m'en réjouis.

Mais maintenant il s'agit de passer à l'acte. Monsieur Deflesselles, je suis d'accord avec vous pour dire que le bilan est décevant. La déforestation se poursuit ; on incinère toujours la plus grande partie des ordures ménagères et demain les farines animales s'y ajouteront ; la quasi-totalité des fonds alloués aux transports vont aux autoroutes et aux aéroports.

En bref, nous éprouvons toujours les plus grandes difficultés à rendre nos discours et nos actes cohérents.

M. Yves Cochet - Eh oui !

Mme la Ministre - J'écoute les discours, je les apprécie à leur plus juste valeur, je trouve certains d'entre eux émouvants... mais cela ne suffit pas ! Nous devons agir ! C'est à quoi s'attache le Gouvernement qui s'efforce de surmonter, je l'ai dit, certaines incohérences, mais aussi quelque immobilisme chez certains décideurs publics. Ainsi, où en est la relance du transport ferroviaire, celle des transports publics dans les villes ? De timides efforts ont certes été faits mais même si l'on trouve désormais quelques alouettes dans le pâté, la viande de cheval prédomine toujours nettement !

Et comment le Gouvernement pourrait-il négliger le signal « prix », Monsieur Deflesselles ? Il serait étonnant que cet argument qui porte partout ailleurs, demeure sans conséquence en France -même si beaucoup reste à faire, j'en conviens, pour rendre la TGAP conforme à son objet.

A M. Birraux, je souhaite rappeler que l'étude menée par M. Charpin et ses co-auteurs a démontré que, quel que soit le combustible utilisé, c'est la maîtrise de la demande qui fait diminuer l'effet de serre. Pourquoi, alors, cette caricature ? Il faut relancer la politique de maîtrise de la surconsommation d'énergie et de diversification des sources énergétiques. A cet égard, les efforts déployés dans les DOM et les TOM, et rappelés ici, pourraient inspirer bien des petits Etats insulaires. Plutôt que de cultiver la malhonnêteté intellectuelle, plutôt que de choisir la cécité, reconnaissons que l'explosion des transports a pour conséquence l'intensification de l'effet de serre, et prenons les mesures qui s'imposent !

S'agissant, enfin, de l'observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, votre assemblée a la sagesse de ne pas préjuger de la réflexion du Gouvernement sur son statut. Soyez sûrs que cette création se fera en concertation avec vous, avec le double objectif d'éviter tout double emploi et de servir la coopération avec les Etats-îles membres de l'AOSIS (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - J'appelle, dans les conditions prévues par notre Règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

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ARTICLE PREMIER

M. Christian Martin - J'ai participé, le 1er février, à un colloque organisé par l'Institut français du pétrole, au cours duquel ont été évoqués l'effet de serre, le réchauffement de la planète et, évidemment, le problème du CO2.

M. Jean-Pierre Brard - C'est du lobbying à l'état brut !

M. Christian Martin - On va vous couler dans le CO!

M. Jean-Pierre Brard - Je préfère cela à être plongé dans le pétrole !

M. Christian Martin - Il est ressorti de ce colloque que la séquestration du CO2 est l'une des voies à privilégier. Elle peut se réaliser de différentes manières et l'on peut choisir soit la solution thermodynamique, qui consiste à comprimer le CO2 et à l'injecter dans le sous-sol ou en mer profonde, soit la solution chimique, en piégeant le CO2 dans une roche sous forme solide, soit la séquestration biochimique. A cet égard, une reforestation importante permettrait de piéger le CO2 dispersé. Certes, lorsque meurt un arbre, la décomposition du bois libère le carbone, mais une grande partie demeure emmagasinée dans le système radiculaire. Les Etats-Unis étudient d'ailleurs des végétaux génétiquement modifiés pour accroître leurs capacité de stockage de carbone (Exclamations sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

Les Américains tiennent en effet la séquestration du carbone pour un axe stratégique et ils sont prêts à procéder, à cette fin, à des investissements massifs. Ainsi pourraient-ils ne rien modifier à leurs habitudes de consommation.

En réduisant, comme ils s'y emploient, le coût de la séquestration d'une tonne de carbone à moins de 10 dollars en 2015, les Etats-Unis poursuivent deux objectifs : mettre au point une technologie qu'ils pourront revendre, à l'Europe en particulier, et devenir de grands vendeurs de droits à polluer.

Que devrions-nous faire ? Lancer une recherche et un développement de telles techniques fortement soutenus par les fonds publics (Mêmes mouvements). Encore faudrait-il pour cela que la protection de l'environnement ne soit pas considérée par les industriels comme une contrainte pesante, mais comme un ensemble d'opportunités qui s'offrent aux plus dynamiques. C'est ce que font aujourd'hui les Américains ; l'Union européenne, et particulièrement la France, doit faire de même.

M. Jean-Pierre Brard - Toute la vertu pédagogique de l'exemple est dans l'intervention de notre collègue. Nous savons sa bonne foi et nous savons comment les lobbies frappent : en organisant des colloques, qu'ils financent. Le collègue qui vient de s'adresser à nous n'est pas, lui, l'agent d'un quelconque lobby, car ceux-là agissent dans la discrétion. Il nous a exposé des thèses d'un grand intérêt, sur lesquelles je n'aurai pas la cruauté de l'interroger davantage, malgré mon désir éperdu d'en savoir davantage sur le système radiculaire, car je ne souhaite pas l'embarrasser. Mais comment peut-on à la fois parler des « contraintes pesantes » de la protection de l'environnement et demander l'aide de fonds publics, au nom de la défense des intérêts nationaux qui -comme par hasard !- correspondent à ceux de la CFP ?

M. Christian Martin - Je vous signale que ce colloque a été organisé par un organisme public !

M. Jean-Pierre Brard - Et financé par qui ?

L'article premier, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 2, 3, 4 et 5.

L'ensemble de la proposition, mise aux voix, est adoptée.

M. le Président - La proposition a été adoptée à l'unanimité.

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SÉCURITÉ SANITAIRE ET ENVIRONNEMENTALE (nouvelle lecture)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre par laquelle il m'informe que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à la création d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale, il demande à l'Assemblée de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de cette proposition de loi.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Nous voici à nouveau réunis pour traiter de la création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale.

A partir de trois propositions présentées par chacun des groupes de la majorité, deux lectures dans votre Assemblée et deux lectures au Sénat ont permis à chacun de faire entendre son point de vue.

Tout le monde s'accorde sur les principes qui doivent guider notre action, et sur les objectifs que nous poursuivons : qualité et indépendance de l'expertise ; séparation nette entre évaluation et gestion des risques ; transparence des décisions ; priorité donnée à la protection de l'environnement et de la santé, le but étant de combler rapidement ce qui apparaît comme une lacune du dispositif mis en place en 1998. La création de l'Agence doit permettre à la fois de rendre indépendante l'évaluation des risques dans ce domaine, de mieux la structurer et de donner une vraie priorité à la recherche et à l'expertise sur ces sujets.

A la suite des discussions engagées par le Sénat sur la place de la radioprotection dans le futur dispositif, vous avez proposé en deuxième lecture, Monsieur le rapporteur, un amendement relatif à la création de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Cet amendement permettra également de clarifier l'organisation de l'expertise et de la recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. La création de l'IRSN, qui conduira en particulier à dégager de la tutelle du Commissariat à l'énergie atomique les activités d'expertise et de recherche en matière de sûreté nucléaire, répond en effet aux mêmes exigences de transparence et d'indépendance.

Le texte que vous aviez adopté en deuxième lecture prenait en compte les débats que nous avons eus ici et au Sénat. Il doit beaucoup à la réflexion conduite depuis 1998 sur ce sujet, notamment dans le cadre de la mission confiée par le Premier ministre à Odette Grzegrzulka et André Aschieri. Le souci que nous avons tous de renforcer la sécurité sanitaire dans le domaine de l'environnement me laissait espérer un accord unanime. Je regrette donc que le Sénat n'ait pu, ni en deuxième lecture, ni en commission mixte paritaire, se rallier aux grandes lignes que vous aviez adoptées.

Tout a déjà été dit sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à se prononcer contre certains amendements du Sénat, notamment ceux relatifs à l'intégration dans l'AFSSE de l'INERIS. Le premier constat qu'il faut dresser, c'est un constat de carence : nous ne disposons pas en France des équipes et des laboratoires nécessaires. Le second, c'est celui de la dispersion et du manque de cohérence. Pour y remédier, nous devons créer des moyens qui n'existent pas, un cadre qui accueille de nouvelles équipes et qui s'appuie sur les efforts de nombreux organismes pour prendre en compte les impacts environnementaux sur la santé.

La question de l'intégration de tel ou tel organisme pourra à nouveau être envisagée sur la base du rapport prévu à l'article 3. Mais il est temps, après un an de débats parlementaires, de rassembler nos volontés pour combler les lacunes que nous avons tous constatées. Il faut créer l'agence sans délai, la doter des moyens nécessaires, procéder à des recrutements de qualité. Le Gouvernement a souhaité doter l'AFSSE, de 37 millions, dès cette année, et créer une quarantaine d'emplois nouveaux. Ces moyens devront croître rapidement. Mais inscrire les crédits permettant de créer l'agence avant même la fin du débat parlementaire témoigne de la volonté commune de l'exécutif et des parlementaires de faire les progrès nécessaires. Je souligne en outre qu'il s'agit vraiment de moyens nouveaux, qui n'ont pas été obtenus au détriment d'autres organismes, en particulier de l'INERIS dont le budget augmentera en 2001 comme chaque année depuis 1998.

J'ai demandé à mes services de travailler dès maintenant à l'élaboration des décrets qui permettront, je l'espère, de mettre en place l'agence avant l'été et d'autoriser les recrutements prévus dès cette année.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Très bien !

Mme la Ministre - Cela sera possible, sur les bases du texte que vous aviez voté en deuxième lecture et que votre commission vous propose de rétablir aujourd'hui.

En ce qui concerne la radioprotection et la sûreté nucléaire, vous avez à l'initiative de votre rapporteur et avec le plein accord du Gouvernement, proposé en deuxième lecture de fusionner l'OPRI et l'IPSN dans le cadre d'un établissement public autonome. Cette solution, suggérée par le rapport de Jean-Yves Le Déaut a été retenue après un long travail de concertation au terme duquel il est apparu qu'une séparation institutionnelle entre sûreté nucléaire et radioprotection n'avait pas de justification. Ce regroupement des compétences d'expertise et de recherche marquera un progrès important.

Le Gouvernement a décidé que la tutelle du futur IRSN sera assurée par les ministères chargés de la recherche et de l'industrie et, bien sûr, de la santé et de l'environnement. Ces tutelles seront précisées par décret. Nous avons également décidé de maintenir en dehors du futur IRSN les activités de contrôle réglementaire qui sont actuellement exercées par l'IPSN et l'OPRI. Il s'agit là de ne pas confier au même organisme les fonctions d'exploitation, d'évaluation et de contrôle. Le Gouvernement a enfin décidé que l'ensemble des activités actuelles de l'IPSN dans les domaines relatifs à la défense et au contrôle du désarmement chimique seront transférées au CEA et ne seront donc pas intégrées au futur IRSN.

Pour toutes ces raisons, je vous invite donc à adopter à nouveau le texte que vous aviez adopté en deuxième lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. André Aschieri, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Nous voici une nouvelle fois penchés sur le berceau de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale. La commission mixte paritaire n'est pas parvenue à un texte commun, le Sénat ayant adopté un texte qui divergeait sur deux points de celui que nous avions nous-mêmes voté en deuxième lecture.

Le texte de la proposition de loi des Verts qui a reçu le soutien du Gouvernement a été approuvé dans ses principes essentiels par tous les groupes de la majorité comme de l'opposition, le souci de se doter d'un outil d'excellence animant les deux assemblées.

« Notre société se définit comme exposée à des risques et à des mouvements incontrôlables et imprévisibles » a écrit Alain Touraine. Ces expositions aux risques ont pour origine les activités humaines.

Or l'Assemblée a constaté le retard de notre pays en matière d'expertise dans le domaine des liens entre la santé et l'environnement, ainsi que le caractère hétérogène d'organismes qui interviennent en ordre dispersé. Aussi, avons-nous souhaité donner à l'AFSSE les moyens de coordonner tous ces organismes et d'organiser un pôle de compétences spécifique en matière de sécurité environnementale. Cette première étape est jugée indispensable avant d'envisager l'intégration de structures ou de laboratoires intervenant dans son champ de compétences. Elle-même pourra proposer cette restructuration générale dans un rapport remis avant deux ans au Gouvernement.

Le Sénat a préféré proposer l'intégration immédiate dans l'AFSSE de l'Institut national de l'environnement et des risques industriels, établissement public à caractère industriel et commercial, créé en 1990, placé sous la tutelle du ministère de l'environnement et chargé de réaliser des études et des recherches permettant de prévoir les risques que les activités économiques font peser sur la santé et la sécurité des personnes et des biens ainsi que sur l'environnement.

L'intégration immédiate de l'INERIS dans l'AFSSE est une idée séduisante, que j'ai personnellement été tenté de partager au moins en partie. Mais les débats qui se sont poursuivis jusqu'à la CMP m'ont incité à la juger prématurée. Il apparaît préférable de faire en sorte que la nouvelle agence puisse obtenir que l'ensemble des organismes d'expertise et de recherche mettent en _uvre les moyens et compétences dont ils disposent de façon coordonnée, de lui affecter les moyens nécessaires dans ce domaine et de préparer sereinement les regroupements à venir. Nous vous proposerons donc de revenir au texte de la deuxième lecture pour l'article 2.

Le second point sur lequel l'appréciation des deux assemblées diverge concerne un domaine particulier du champ de la fusion entre l'Office de protection contre les rayonnements ionisants et l'Institut de protection et de sûreté nucléaire.

Je me félicite que le principe de cette fusion, qui donnera naissance à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, soit acquis. Le développement des applications techniques et scientifiques produisant des rayonnements ionisants nécessitait que nous nous dotions d'un organisme performant, efficace et indépendant, notamment par rapport au CEA, pour assurer la protection de la santé des populations et contrôler la sûreté des installations.

Les activités de recherche en sûreté sur les réacteurs doivent faire partie du champ de compétence de l'IRSN. Cette précaution est une assurance supplémentaire pour les citoyens et pour la sûreté des centrales.

Au cours des débats, le Gouvernement a pris des engagements en ce qui concerne le transfert de l'OPRI et de l'IPSN vers l'IRSN. Il nous a donné également les précisions souhaitées sur la tutelle du futur institut. Pour ces raisons, il est également souhaitable de revenir au texte adopté par notre assemblée le 12 décembre.

Au total, notre travail a bien progressé et nous pouvons nous féliciter des nombreux rapprochements intervenus entre les deux assemblées. L'efficacité et l'urgence nous commandent de créer rapidement la future agence.

A l'aube de ce siècle, gardons à l'esprit le jugement de Nietzsche : « Il est possible que sa passion de connaître finisse par entraîner la mort de l'humanité »... Nous avons le devoir de construire nous-mêmes les dispositifs qui nous préserveront de nos propres insuffisances, de nos propres excès.

La création de l'AFSSE et de l'IRSN apportera une nouvelle contribution, dont nos concitoyens nous sauront gré, au renforcement de la conscience de la science (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Pierre Brard - Nous voici à nouveau saisis de ce texte, après l'échec de la commission mixte paritaire le 17 janvier. Après un an de débats parlementaires, il faut maintenant aboutir rapidement, car les problèmes à traiter prennent chaque jour de l'ampleur et nos concitoyens y sont de plus en plus sensibles. Il existe une attente de l'opinion, et l'exemple de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments démontre amplement l'intérêt et l'utilité de ce type de structure -j'entends d'une structure capable de produire des analyses, sans nécessairement toujours entrer dans le champ des préconisations, où parfois les analyses s'altèrent...

Nous devons donc créer une institution cohérente, efficace, dotée des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses nombreuses missions dans des domaines fort divers. Face à des problèmes et à des risques complexes, à des intérêts économiques puissants -on l'a vu dans le débat précédent-, à des mentalités figées, nous devons doter notre pays des moyens de préserver la santé publique et de répondre rapidement et efficacement aux crises de sécurité environnementale. Nous devons particulièrement éviter, comme l'a dit Madame la ministre, la confusion entre contrôleur et contrôlé, qui est source d'incohérence et qui choque nos concitoyens. Ainsi l'Institut de radioprotection et de sécurité nucléaire doit être compétent pour les recherches en sûreté sur les réacteurs nucléaires.

Les structures que nous allons créer doivent avoir immédiatement les moyens de remplir leurs missions. Il est clair que nous allons bousculer des habitudes et heurter les intérêts de lobbies puissants, qui souvent se manifestent dans cet hémicycle, parfois habilement, et de telle façon qu'on ne les identifie pas immédiatement -contrairement à ce qui s'est passé dans le précédent débat ...

Nos concitoyens n'accepteraient pas que nous nous cantonnions dans des demi-mesures quand la santé publique est en jeu. Celle-ci doit être pour nous la priorité absolue. Les expériences récentes, de la vache folle à l'amiante, le montrent clairement, cette priorité est désormais incontournable. De plus en plus souvent, l'inertie ou les erreurs des pouvoirs publics donneront lieu à des sanctions, non seulement politiques, mais aussi pénales. Les plaintes et les instructions se multiplient. Il faut donc que les décisions politiques et l'action administrative soient éclairées et guidées par le travail indépendant de structures spécialisées, efficaces et transparentes.

A cet égard, l'idée de faire de l'Agence une tête de réseau mérite quelques précisions, en particulier sur l'ampleur, la composition et la cohérence du réseau qu'il s'agit de constituer. Ce réseau doit en effet pouvoir répondre à la diversité des problèmes environnementaux susceptibles d'affecter la santé humaine. La participation de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques est donc une nécessité. Ce réseau doit en outre être conçu de manière évolutive. Ce qui nécessitera que soient évalués d'ici à deux ans le fonctionnement de l'Agence, afin de vérifier que les objectifs du législateur ont été atteints. Les propositions de notre rapporteur vont dans ce sens, et il faut les retenir, voire les renforcer. Ainsi le texte marquera une réelle avancée et permettra les développements nécessaires (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Bernard Deflesselles - Je veux rassurer M. Brard : je n'appartiens à aucun lobby ... Nous voici réunis pour une troisième lecture, mais il s'agit d'un troisième texte, car la proposition initiale s'est largement transformée. Elle comporte aujourd'hui des enjeux touchant à la sécurité sanitaire, mais aussi à la sécurité nucléaire, et il ne s'agit plus de créer une agence, mais deux. Je ne reprendrai pas les étapes de la longue réflexion qui a abouti à ce texte, même si je salue le travail de mes collègues et du rapporteur. Les attentes des Français sont fortes en matière de sécurité environnementale. Les crises récentes le confirment.

Nos divergences sur ce texte, Madame la ministre, concernent deux points : le devenir de l'AFSSE -développement à partir d'un noyau dur ou transformation en tête de réseau-, et la méthode du Gouvernement dans la création de l'IRSN, ainsi que les imprécisions qui l'entourent.

Sur le premier point, la première lecture avait conduit à une solution médiane, qui confiait à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les modalités de l'intégration éventuelle à l'agence de certains organismes, comme l'INERIS. Mais il nous faut revenir aujourd'hui sur certaines questions. Faut-il intégrer l'INERIS ? On vous sait favorable, Madame la ministre, à la constitution de l'agence en tête de réseau, dotée de moyens significatifs. Estimez-vous qu'un budget de 37 millions de francs et 35 personnes constituent des moyens à la hauteur des enjeux ? Je ne le crois pas. La comparaison avec l'AFSSA et l'AFSSAPS est à cet égard sans appel. Est-il cohérent de constituer un triptyque à ce point déséquilibré ? Avec la création de l'IRSN l'incohérence devient encore plus criante. Cet institut devrait avoir un budget de 1,5 milliard et employer plus de 1 200 personnes. Avec l'INERIS, l'agence aurait environ 300 millions et 485 personnes. Il ne s'agit certes pas de se donner bonne conscience en faisant croire ainsi que l'agence a des moyens importants... Mais la construction de l'AFSSE à partir de l'INERIS aurait un double avantage : lui donner une assise à partir de ce noyau dur, et créer un certain équilibre avec les deux autres agences.

Cela se justifie plus clairement encore si l'on considère les missions. Celles de l'INERIS concernent les risques que les activités économiques font peser sur la santé et l'environnement. Celles de la nouvelle agence concernent les risques biologiques, chimiques et physiques liés à l'environnement, qu'il soit naturel ou produit par l'activité humaine. Qui ne voit que ces deux champs sont en étroite interaction ? Il serait incohérent d'en charger deux organismes distincts.

Ce n'est d'ailleurs pas ce qu'ont fait nos voisins, comme les Pays-Bas ou l'Allemagne. Je reste donc favorable à l'intégration de l'INERIS. La refuser serait se priver de 265 millions de budget. En ce cas, certes, la raison voudrait qu'on se tourne vers une autre source de financement : la TGAP. Mais celle-ci a été détournée de son but pour financer les 35 heures. Ce qui est incompréhensible non seulement pour les Français, mais pour les autres gouvernements européens, qui affectent de telles taxes à la lutte contre l'effet de serre. En 2001, la TGAP rapportera 6 milliards et on prête au Gouvernement l'intention de doubler ce chiffre d'ici deux ou trois ans. Ne peut-on envisager l'octroi à l'Agence d'une petite fraction de cette ressource ?

Notre seconde divergence concerne l'IRSN. Je partage l'option, défendue par M. Aschieri en deuxième lecture, qui consiste à rassembler l'IPSN et l'OPRI. Mais je regrette la méthode retenue et l'imprécision qui entoure cette quatrième agence. Comme l'a dit le sénateur Claude Huriet, les commissions parlementaires compétentes sur les textes relatifs à l'industrie nucléaire se trouvent écartées de la création de cette agence ; l'article 4A pourrait même être considéré comme un cavalier. D'autre part, de nombreux points sont renvoyés à des décrets, ce qui nous pose problème : ainsi la nature des tutelles, les attributions de l'IRSN, ses pouvoirs de contrôle, son financement, son organisation, les conditions de sa saisine... Un autre problème délicat tient à ce que l'IPSN a des attributions concernant la recherche en sûreté sur les réacteurs nucléaires. Dès lors que cet institut sort du CEA, il est logique qu'il n'emporte avec lui que ses activités d'expertise, le CEA conservant la responsabilité de la recherche en sûreté. Nous sommes donc favorables sur ce point à l'amendement du Sénat. L'IRSN résulte certes de la fusion de deux autres organismes ; mais on ne peut renvoyer tant de questions au pouvoir réglementaire, alors qu'on n'en use pas ainsi pour l'AFSSE : sur ce point votre méthode est contestable.

Vous venez, Madame la ministre, de lever quelques doutes sur l'IRSN, notamment quant à ses tutelles : vous avez confirmé qu'il y aurait l'industrie, l'environnement, la santé et la recherche, non la défense.

Le groupe DL et son président Jean-François Mattei ont porté ce texte depuis sa naissance. Il serait regrettable que nous ne parvenions pas à nous entendre sur le devenir et le financement de l'AFSSE, ainsi que sur la quatrième agence. Cette proposition, porteuse de nombreuses espérances, a été adoptée à l'unanimité en première lecture. En deuxième lecture et au Sénat, quelques modifications et interrogations se sont fait jour. Ne gâchons pas le travail accompli jusqu'ici et donnons à ces deux agences les moyens de fonctionner et de répondre à l'attente des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Claude Daniel - J'interviendrai au nom du groupe socialiste, mais aussi, en particulier, au nom de notre collègue Odette Grzegrzulka, dont vous savez tout l'intérêt qu'elle a porté à cette question, mais qui est retenue aujourd'hui par une rencontre avec les dirigeants de Danone, les projets de cette entreprise risquant de se traduire dans son département par des milliers de licenciements.

Après deux lectures de ce texte dans chacune des assemblées, un accord général s'est fait sur la mise en place d'une agence de sécurité sanitaire et environnementale, mais le désaccord persiste sur la forme à lui donner. A l'origine André Aschieri proposait la création d'une agence d'objectifs qui soit la « tête de réseau » et le coordonnateur de tous les organismes publics intervenant dans ce domaine. Dès la première lecture, l'Assemblée nationale avait soulevé la question de l'intégration de certains établissements publics, comme l'INERIS, et jugé celle-ci prématurée en raison de la diversité des statuts et des champs de compétence. La seconde lecture à l'Assemblée a permis de préciser la nature des relations entre l'AFSSE et les établissements publics intervenant dans son champ de compétence, qui se feront dans un premier temps sous la forme de « conventions de mise à disposition des compétences et moyens d'action ».

La pollution de l'air, des sols et des nappes phréatiques par les nitrates, les produits phytosanitaires, les dioxines, et l'augmentation de l'incidence des cancers, tout nous démontre qu'il y a urgence. La création de la nouvelle agence repose sur cinq principes : l'Etat est le garant de la sécurité sanitaire ; les règles de droit doivent définir de manière rigoureuse les conditions de la sécurité sanitaire environnementale ; le contrôle de l'application de ces règles doit être effectué par une administration dont la mission soit bien identifiable ; le dispositif de veille sanitaire doit rassembler toutes les informations pertinentes et compléter les lacunes ; le principe de précaution doit s'appliquer, conformément à la loi du 2 février 1995 relative à la protection de l'environnement.

Sous l'impulsion de son rapporteur Claude Huriet, le Sénat a privilégié la constitution d'une agence par intégration de l'INERIS et de l'OPRI, au nom de la nécessité d'une masse critique, selon le modèle de la loi de 1998 qui avait intégré le CNEVA dans l'AFSSA. Mais comparaison n'est pas raison.

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Très juste !

M. Jean-Claude Daniel - Tenant compte, en seconde lecture, d'un amendement de l'Assemblée nationale portant création de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, par fusion de l'OPRI et de l'IPSN, ainsi que des remarques du Gouvernement sur le champ de compétence de l'INERIS qui va bien au-delà de la sécurité sanitaire environnementale, le Sénat se bornait alors à intégrer l'INERIS dans la future AFSSE, transformée en « Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et de prévention des risques industriels et chimiques ».

Le champ de la sécurité sanitaire environnementale est vaste. Les risques sanitaires liés à l'environnement du travail relèvent plutôt de l'INRS, ceux liés à l'habitat du CSTB. Des équipes appartenant à de nombreux organismes de recherche s'intéressent à l'évaluation des risques sanitaires liés à l'environnement, qu'il s'agisse de l'IFREMER pour le milieu marin ou du BRGM pour les sols. Mais tous ces organismes ont une part importante de leur activité qui n'est pas liée directement à la problématique santé-environnement, alors que la qualité de l'expertise souffrirait sans doute d'une division des équipes qui étudient les effets d'un polluant sur l'être humain, sur la faune ou sur la flore. C'est pourquoi nous souhaitons qu'on revienne au texte initial.

Quant à l'INERIS, c'est avant tout un organisme d'expertise dans la prévention des risques de toutes sortes -ceux du sol ou du sous-sol, comme les explosions et incendies, ou les risques des pollutions à long terme pour l'environnement ou pour la santé. C'est ce dernier aspect qui est inclus dans les missions de l'Agence, soit 10 à 20 % des activités de l'INERIS. Mais l'INERIS n'est pas le seul organisme à avoir des compétences dans ce domaine. Le CSTB, l'IFREMER, l'INRS, le BRGM en ont aussi et l'Agence devra recourir à tous ces organismes mais surtout assurer les missions qu'aucun d'entre eux ne peut assurer aujourd'hui, car il s'agit de la vision globale des risques et de leur hiérarchisation. C'est pourquoi notre texte paraît préférable et plus facile à mettre en _uvre.

Une autre difficulté réside dans la transformation d'un EPIC en EPA. Cela ne s'est pas fait depuis 40 ans en France et risque d'être long et difficile à réaliser. La comparaison avec l'AFSSA ne tient pas car le CNEVA était déjà un EPA. En outre, l'INERIS s'est engagé dans une politique de coopération européenne, à laquelle la transformation en EPA risque de porter un coup d'arrêt.

L'INERIS se dit prêt à collaborer avec l'Agence, collaboration qui sera plus rapidement fructueuse que la transformation envisagée par le Sénat.

Bref, intégrer l'INERIS dans l'Agence entraîne de fait la disparition rapide de compétences indispensables pour les pouvoirs publics, s'agissant du risque accident, sans accélérer la mise en _uvre de la nouvelle agence dans le domaine sanitaire.

Par ailleurs, l'Assemblée a adopté en deuxième lecture un amendement créant l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Au Sénat, Mme la ministre précisait cependant que l'ensemble des activités de l'IPSN dans le domaine relatif à la défense et au contrôle du désarmement chimique resteraient de la compétence du CEA.

Un des principes essentiels qui président à la création de l'IRSN est de séparer clairement la fonction d'expertise technique, au service des pouvoirs publics, de celle d'exploitant nucléaire. Le Gouvernement l'avait dit clairement le 9 décembre 1998 : « Il sera mis fin aux chevauchements des rôles en matière de sûreté : l'exploitation d'installations nucléaires d'une part, le contrôle des exploitants d'autre part, l'expertise technique enfin doivent être en des mains totalement distinctes ».

En deuxième lecture, Jean-Yves Le Déaut et Christian Bataille ayant souhaité que l'industrie ne soit pas laissée à l'écart du projet et posé la question de la sanctuarisation de l'expertise au sujet de la sûreté des réacteurs, l'article 4A a omis de parler des tutelles, le sujet étant renvoyé au décret, et exclu la « sanctuarisation » de la recherche en sûreté des réacteurs.

Alors que la commission des affaires sociales a rétabli le 31 janvier le texte de l'Assemblée du 13 décembre qui convient au Gouvernement, Jean-Yves Le Déaut a souhaité voir préciser de quelle manière le travail de l'IPSN sera « dichotomisé », car il y a risque à « démarier » le civil et le militaire. Tout cela sera bien précisé par les décrets.

Le retour au texte de l'Assemblée nous permettra donc d'acter les nombreux sujets d'accord avec le Sénat et, pour le reste, de revenir au choix fondamental qui était le nôtre en seconde lecture. L'IRSN sera un lieu d'excellence pour une expertise partagée entre plusieurs organismes, ainsi que le berceau des expertises nouvelles indispensables.

Nous attendons avec impatience les textes réglementaires sur les sujets que j'ai dits, mais aussi des réponses sur la position de la France à l'échelle européenne sur des sujets relatifs à la pollution et à la santé environnementale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. André Angot - Il existe un lien incontestable entre la santé et l'environnement, comme l'a démontré l'Institut de veille sanitaire mis en place naguère par M. Juppé et M. Gaymard. L'asthme et les bronchiolites sont liées à la qualité de l'air, d'autres maladies à la pollution de l'eau, et l'incidence aux Etats-Unis de certains cancers hormono-dépendants, est sans doute liée à l'utilisation d'hormones de croissance pour la production de viande bovine. A cet égard, on peut craindre certains effets, à moyen terme, de l'utilisation des OGM.

On met souvent l'accent sur le risque alimentaire, mais quand le risque d'intoxication alimentaire est à 0,3, le risque allergique est à 2,7, le risque lié aux accidents de la circulation à 25 et celui lié à la consommation de tabac à 164.

Les réseaux d'épidémio-surveillance qui ont été mis en place permettent de mieux connaître les causes de mortalité. Il est néanmoins nécessaire de créer une agence sanitaire environnementale pour examiner tous les risques encourus par nos concitoyens, à condition qu'il ne s'agisse pas d'une nouvelle structure administrative qui se superposerait à ce qui existe déjà : ce que nous souhaitons, c'est le regroupement des organismes de recherche et administrations qui travaillent isolément.

J'approuve la rédaction de l'article premier, qui donne au comité national de la sécurité sanitaire le pouvoir de gérer la communication dans les crises sanitaires. Je me réjouis que cet article reprenne en partie la proposition que j'avais faite lors de la discussion de la loi relative au renforcement de la veille sanitaire.

Il faudra aussi que la France agisse au niveau européen pour que les mêmes structures se créent dans d'autres pays, les produits toxiques ne s'arrêtant pas aux frontières. Il serait également indispensable de s'assurer que les produits importés répondent aux mêmes normes que les produits français (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jacques Desallangre - Nul ne doute de la nécessité de créer en matière de santé et d'environnement une nouvelle structure dotée directement ou par convention d'une capacité d'expertise répondant aux attentes de nos concitoyens : la transparence est un impératif pour rétablir la confiance.

Cette proposition de loi aurait probablement recueilli l'assentiment d'une très large majorité si notre rapporteur n'avait pas inséré en deuxième lecture une disposition bouleversant en profondeur la recherche en sûreté nucléaire. Les députés MDC regrettent ce cavalier législatif qu'avait dénoncé ici Odette Grzegrzulka, et les nombreuses incertitudes qui demeurent sur le projet de fusion de l'OPRI et l'IPSN pour créer un nouvel établissement, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

Nous souhaitons, conformément aux engagements du Premier ministre et du secrétaire d'Etat à l'industrie, que la place de l'énergie nucléaire fasse l'objet d'un débat scientifique et démocratique. Pour être acceptée par les Français, la politique énergétique doit être exposée objectivement et clairement. Seule une grande loi sur le nucléaire, traitant de la recherche, de la sécurité, de la production et des déchets peut répondre à l'impératif de transparence.

L'utilisation d'un cavalier législatif a non seulement privé les Français du débat auquel ils ont droit, mais hypothéqué la qualité de notre travail parlementaire : ne trouvez-vous pas, mes chers collègues, qu'il aurait été souhaitable que nous bénéficiions de l'éclairage de la commission de la production ? En nous affranchissant de l'esprit du Règlement de l'Assemblée nationale, nous prenons le risque de voter une loi inadaptée. Une motion de renvoi en commission se justifierait.

Lorsque nous créons de nouvelles structures, nous ne pouvons pas nous désintéresser de leur mode de fonctionnement. La jurisprudence concernant l'article 34 de la Constitution, selon lequel le législateur fixe les règles concernant la création de catégories d'établissements publics, est d'ailleurs particulièrement claire : tant le Conseil d'Etat que le Conseil constitutionnel considèrent que l'exigence de dispositions législatives s'étend à la détermination des règles essentielles appelées à régir la catégorie créée. Or notre rapporteur souhaiterait que nous ne tranchions pas la question des autorités chargées de la tutelle de l'IRSN : cela paraît contraire à la Constitution et au choix qui a été fait lors de la création de l'ANDRA, de l'ADEME et de l'agence sur la sécurité alimentaire.

L'argument selon lequel nous devrions faire confiance au Gouvernement n'est pas recevable car il méconnaît la séparation des pouvoirs. En outre, l'expérience a montré que les engagements pris devant la représentation nationale n'étaient pas toujours très strictement respectés. Les représentants du MDC souhaitent donc que le futur IRSN soit placé par la loi sous les tutelles des ministres de l'industrie, de la recherche, de l'environnement et de la santé.

Enfin, la commission des affaires culturelles souhaite transférer la totalité des activités de l'IPSN au nouvel établissement, en incluant notamment les activités de recherche sur la sûreté nucléaire actuellement menées au CEA. J'avais, lors de la précédente lecture, déposé, pour exclure ce transfert de compétence, un amendement que notre assemblée avait eu la sagesse d'adopter considérant que le CEA est par définition un organisme de recherche nucléaire civile et militaire. Une dissociation des activités de recherche pourrait être dangereuse pour la sécurité des installations futures dépendant du CEA. Comment assurer la sécurité de nos réacteurs si ce n'est en effectuant en amont des recherches sur la sûreté nucléaire ? (Applaudissements sur divers bancs).

M. Claude Birraux - Monsieur le rapporteur, que reste-t-il de votre agence de sécurité sanitaire et environnementale, que reste-t-il du consensus sur la nécessité de disposer d'un instrument d'expertise reconnu et efficace ?

Mon collègue Jean-Pierre Foucher, en deuxième lecture avait appelé de ses v_ux la mise en place de l'agence dans les meilleurs délais. Mais nous sommes loin du compte, tant sur les objectifs que sur les moyens, et le Gouvernement porte la responsabilité de cet enlisement.

Remarquons d'abord que la création d'agences répondant à un besoin exprimé par les populations résulte de l'incapacité de l'administration centrale à se réformer pour demeurer performante. Mais Jean-Pierre Foucher avait appelé l'attention sur deux écueils majeurs : l'imprécision des missions de la nouvelle agence et son financement.

Le Gouvernement et la majorité ont choisi de réviser leurs ambitions à la baisse. Les agences de sécurité sanitaire des produits de santé et de sécurité sanitaire des aliments ont des budgets conséquents -500 et 400 millions, selon le rapport de la CMP. Que pèsent vos 30 millions, Madame la ministre ? En refusant un financement pérenne par la TGAP, le Gouvernement montre une fois encore son incohérence. Je crains qu'en fin de compte cette agence ne soit qu'un alibi.

A cela s'ajoute la création parallèle d'une autre agence, l'IRSN, qui « pèse » lui 1,5 milliard et plus de 1200 personnes !

Après avoir annoncé bruyamment un texte de loi sur la transparence nucléaire, le Gouvernement, en catimini, a suggéré un amendement au rapporteur en deuxième lecture, car il n'avait pas le courage de le déposer lui-même ! Il est vrai que depuis sa déconvenue de juin 1999 devant le Conseil d'Etat, le Gouvernement a recouvert ses travaux du manteau noir de la nuit... Faute de connaître les objectifs précis du Gouvernement pour l'IRNS, un débat confus s'est engagé autour du périmètre du nouvel organisme.

Je rappelle que j'ai déposé en juin 1999 une proposition de loi organisant le nouvel institut en EPIC, incluant l'IPSN actuel.

Deux problèmes majeurs demeurent concernant l'IRSN : la tutelle et le périmètre.

Vous avez dit au Sénat que la tutelle serait assurée par les ministères de la recherche, de l'industrie, de la santé et de l'environnement. Il conviendrait d'y ajouter la défense pour les activités qui relèvent de ce ministère.

Pourquoi refuser d'inscrire dans ce texte de loi la tutelle qui est inscrite dans tous les textes créant des agences ?

Quelles arrière-pensées électoralistes, quels marchandages cela cache-t-il en matière de tutelle de la sûreté nucléaire ? Quelle hypocrisie dans cette attitude gouvernementale ! Vous me direz que votre promesse à la tribune du Sénat fait foi. Mais les promesses n'engagent que ceux à qui elles sont destinées. M. Desallangre l'a d'ailleurs dit sous une autre forme. Je suis prêt à retirer ces propos si vous acceptez d'inscrire la tutelle dans le texte de loi, seule garantie contre les marchandages ultérieurs -un décret c'est si vite changé, surtout entre le 1er et le 15 août !

Mme la Ministre - Vous en êtes spécialistes !

M. Claude Birraux - Tous les gouvernements, on le sait bien, sortent certains décrets entre le 1er et le 15 août...

En ce qui concerne le périmètre de l'IRSN, vous avez déclaré au Sénat que toutes les activités que mène actuellement l'IPSN concernant la défense et le contrôle du désarmement chimique resteront de la compétence du CEA.

Je ne ferai pas de commentaire sur le manque de confiance que semble vous témoigner votre collègue de la Défense, mais cette position du Gouvernement est en contradiction avec le rapport Le Déaut, qui préconisait la création d'une agence de radioprotection et de sûreté nucléaire reprenant l'ensemble de l'IPSN. « La sûreté ne se divise pas, les mêmes risques doivent générer les mêmes règles », ajoutait Jean-Yves Le Déaut.

J'avais moi-même proposé, dans un rapport pour l'office parlementaire, que pour les rejets dans l'environnement, les mêmes procédures soient applicables aux installations civiles et militaires, sauf quand le secret militaire est en jeu.

Dans sa communication du 9 décembre 1998, le Gouvernement lui-même se déclarait pour des règles aussi proches que possible entre nucléaire civil et militaire.

Le Gouvernement a donc changé d'avis sans qu'on en sache les raisons. Pourquoi les missions anciennes de l'IPSN devraient-elles être modifiées ? L'expliquer serait de la transparence. Mais cette vérité fut révélée du haut d'une tribune : circulez il n'y a rien à voir, rien à comprendre !

Le personnel de l'IPSN s'est ému et a écrit au Premier ministre et à sept autres ministres pour exposer les avantages pratiques de la situation actuelle : « une organisation constituée d'autorités de contrôle séparées et d'un organisme d'expertise unique permet de prendre en compte les enjeux spécifiques à la défense nationale, tout en favorisant un traitement homogène des risques, reposant sur une base technique commune ». La lettre relève que les installations civiles et militaires sont étroitement imbriquées et sont souvent localisées sur les mêmes sites du CEA et COGEMA. Par exemple, à Marcoule, les effluents et déchets sortant des installations civiles sont traités dans les installations des INBS.

Et la lettre du personnel conclut qu'un découpage de ces équipes entraînerait un affaiblissement global de l'expertise.

J'attends avec impatience la réponse du Gouvernement.

Jean-Pierre Foucher avait souhaité, dans son intervention du 12 décembre, que l'Agence voie le jour le plus rapidement possible. Nous sommes prêts à nous rallier à ce texte, malgré les critiques qu'il appelle, si le Gouvernement accepte d'y inscrire les tutelles de l'IRSN et cesse de se réfugier dans la non-transparence et le dogmatisme (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Robert Galley - Au risque de répéter les propos de mes collègues, je ferai quelques remarques.

L'IPSN est actuellement une direction du CEA dotée d'une large autonomie et à la suite du rapport de M. Le Déaut, vous avez décidé de le transformer en EPIC.

Ce changement ne fait pas que des heureux. Le personnel, qui se félicitait d'appartenir à un organisme prestigieux, le CEA, s'interroge sur les risques de la fusion avec l'OPRI. Pour le personnel de l'OPRI, en revanche, qui était jusque-là sous statut précaire, c'est certainement une bonne chose.

En fin de compte, je suis, pour ma part, favorable à la création d'un Institut de recherche et de sûreté nucléaire, mais à la condition de tout regrouper et de ne pas faire de charcutage avec le CEA. Je rejoins notre rapporteur sur ce point : à quoi correspondrait un IRSN si les réacteurs de recherche étaient confiés à un autre organisme ?

En revanche, il faut accepter que le ministère de la défense fasse partie des autorités de tutelle. Nous sommes plusieurs à sourire devant les développements de l'affaire de l'uranium appauvri au Kosovo. Ayant moi-même travaillé dans ce domaine, je puis vous dire que je n'ai jamais entendu parler de leucémies, même chez les personnels travaillant sur les carrières à ciel ouvert. Quoi qu'il en soit, il est clair que face à un tel problème, l'IRSN devrait être saisi, on ne peut concevoir que les problèmes de l'armée soient exclus de sa compétence.

Donc, oui à l'IRSN, avec une mission complète et sous tutelle conjointe de l'environnement, de la santé, de l'industrie et de la défense (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL).

Mme Marie-Hélène Aubert - Lorsque les perturbations du climat sont, elles aussi, d'origine humaine, il reste de moins en moins à mettre sur le dos de la nature et ce sont alors les institutions du monde moderne qui sont en cause -la science, l'industrie, l'Etat. Nous voici donc entrés dans l'ère de la société du risque qui reflète l'échec de la technoscience à maîtriser les risques qu'elle a produits. Dans l'affaire de la vache folle, c'est bien une science de la nutrition animale contaminée par le productivisme qui est en cause et cette épizootie n'a rien de naturel.

La méfiance vis-à-vis des manipulations transgéniques tient, elle aussi, à l'interpénétration étroite et confuse entre industrie, évolution scientifique et intérêts commerciaux. Les craintes populaires sont donc bien légitimes : elles traduisent une prise de conscience collective de risques qui ne sont ni fortuits, ni naturels, mais qui peuvent avoir des conséquences à grande échelle. Elles traduisent aussi le besoin d'identifier les interlocuteurs et les responsables au sein de telle ou telle chaîne de risques. Elles traduisent, enfin, une méfiance vis-à-vis du discours de l'infaillibilité tenu par les grands corps de l'Etat et de l'industrie depuis les trente glorieuses.

Les systèmes d'expertise actuels se révèlent insuffisants face à la diffusion des risques dits « environnementaux ». D'où l'importance de cette proposition de loi. L'AFSSE répond en effet à cette demande d'expertise, expertise qui ne pourra qu'être polyvalente, compte tenu de la complexité des interactions et des disséminations des risques sanitaires dans l'air, dans les sols, dans l'eau. C'est donc un pas important pour sortir d'un certain aveuglement de la technoscience. Nous allons désormais pouvoir aborder ces questions non plus au coup par coup, mais dans leur globalité.

Evaluation, indépendance, transparence, précaution sont les quatre principes fondamentaux sur lesquels reposera le travail de l'Agence.

L'évaluation doit couvrir l'ensemble des produits dangereux pour la population et rester indépendante des pouvoirs, tant politiques qu'économiques. Je ne doute pas que l'Agence sera progressivement dotée des moyens nécessaires pour remplir ses missions.

Les organismes qui travailleront en son sein auront plus d'indépendance qu'actuellement, notamment dans le domaine du nucléaire, où il paraît judicieux de rompre le cordon qui relie les organismes de production à ceux de contrôle de sûreté. D'autre part, il paraît opportun de réunir l'OPRI et tout l'IPSN, y compris sa branche militaire, dans une structure commune. La transparence, c'est la publication rapide et accessible des résultats des expertises, c'est la publicité des débats, c'est la mise en cohérence de la décision politique avec les attentes de la société civile. Actuellement le pouvoir politique est souvent pris en étau entre les groupes de pression liés à telle ou telle filière de production et les revendications des consommateurs. Le fait d'asseoir la décision sur les besoins de l'ensemble de la population plutôt que sur les intérêts à court terme de telle ou telle filière marquerait une avancée dans la gestion politique des risques, gestion qui serait désormais ouverte. En outre, si psychose il y a, elle est due à l'ignorance. La transparence de l'information dissipera la part subjective de ces craintes et, même, rétablira la confiance.

Quant au principe de précaution, il exige la modération, voire le renoncement à recourir à des technologies lorsque les conséquences de leur application sont incertaines. L'exemple type est celui des OGM, actuellement soumis à un moratoire européen. A ce propos, il serait bon que l'étude de l'impact des OGM sur la santé et l'environnement soit conduite sous l'autorité de l'Agence et que ni la production et ni l'utilisation de ces organismes ne puissent être autorisées sans avis favorable de sa part.

La charge de la preuve, lorsqu'elle incombe aux pouvoirs publics, doit reposer sur des expertises telles que celle de l'Agence de sécurité sanitaire environnementale. Nous savons aujourd'hui qu'une précaution de sécurité sanitaire s'impose et que le coût de cette précaution sera, à terme, bien plus acceptable que le coût du laisser-faire. Le cas des farines animales le prouve amplement, puisque même le budget communautaire ne suffit pas à payer la facture. Or, nous allons être confrontés à des risques « inassurables ».

La création de l'Agence de sécurité sanitaire et environnementale tient donc du pari, tant sont vastes les défis auxquels elle devra répondre, à l'ère de la « société du risque ». Sa vocation sera de devenir un modèle pour l'Europe. Nous, députés Verts, sommes fiers d'être les initiateurs de ce grand projet et c'est avec détermination que nous voterons aujourd'hui cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

La discussion générale est close.

M. le Président - En application de notre Règlement, j'appelle les articles sur lesquels les deux assemblées ne sont pas parvenues à un accord.

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AVANT L'ART. 2

M. le Rapporteur - L'amendement 1 rétablit le titre de la future agence, modifié par le Sénat.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

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ART. 2

M. le Rapporteur - Il s'agit, avec l'amendement 2, de rétablir le texte, plus général que celui du Sénat, qu'avait adopté l'Assemblée en deuxième lecture. Ainsi évitera-t-on tout risque d'oubli.

Mme la Ministre - J'avais estimé la liste dressée par le sénateur Autain exhaustive. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 3 est de conséquence. Il rétablit le texte adopté par l'Assemblée en seconde lecture.

Mme la Ministre - Sagesse.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Il s'agit, par l'amendement 4, de rétablir le texte adopté en deuxième lecture par l'Assemblée en supprimant le dispositif prévu par le Sénat pour intégrer immédiatement l'Institut national de l'environnement et des risques industriels dans la future Agence de sécurité sanitaire environnementale.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 2, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

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ART. 2 BIS A

M. le Rapporteur - L'amendement 5 est de suppression. La disposition introduite par le Sénat n'a pas lieu d'être, l'intégration de l'INERIS dans l'agence étant, pour l'heure, inopportune.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. L'article 2 bis A est donc supprimé.

L'article 3 est adopté.

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ART. 4 A

M. Robert Galley - En matière de sûreté nucléaire, la question des réacteurs est cruciale. Etant donné l'amplification constante de l'effet de serre, le recours à l'énergie nucléaire ne pourra que se développer. Dans un tel contexte, il convient de donner à l'IRSN des compétences totales, en liaison avec le CEA. Je suis donc favorable à l'amendement de la commission.

M. Claude Billard - Je tiens à réaffirmer ici les principes sur lesquels s'est fondée la position que j'avais défendue le 12 décembre et que le texte qui nous revient du Sénat satisfait en partie.

Au nom de la nécessaire transparence de l'information et des décisions prises en matière nucléaire, on crée un nouvel organisme. Pour garantir son indépendance, on sépare clairement l'expertise de l'exploitation, le contrôleur du contrôlé.

C'est acceptable et cohérent, mais cela ne doit pas aboutir à un excès inverse.

C'est pourquoi j'avais proposé en deuxième lecture -ce qui a été repris dans le texte du Sénat- de séparer clairement l'IRSN, expert assistant les autorités de sûreté, des activités de recherche en sûreté sur les réacteurs et de radioprotection, qui resteraient partie intégrante du CEA. C'est en effet courir le risque d'appauvrir la recherche que de séparer ce qui a trait à la sûreté nucléaire et à la radioprotection d'une part, et la recherche en matière de système nucléaire, qui fait partie des missions du CEA, d'autre part.

Retirer au CEA la recherche en sûreté et radioprotection affaiblirait gravement cet organisme, ce qui n'est pas, j'en suis persuadé, le but recherché par la création de l'IRSN.

Quels seront, par ailleurs, les périmètres de compétences du CEA et de l'IRSN ? Les discussions qui ont eu lieu à ce sujet dans notre assemblée et au Sénat ne nous ont guère éclairés et je souhaite que le Gouvernement nous apporte des précisions. Il serait inconcevable que la représentation nationale s'en remette aveuglément au pouvoir réglementaire pour créer un établissement public de cette importance, sans avoir pu en définir ni les enjeux, ni les missions, ni les moyens.

Voilà qui m'amène tout naturellement à la question de la tutelle, qui doit être précisée dans la loi. Nous n'avons aucune raison de nous en remettre à la concertation intragouvernementale, d'autant moins que dans tous les autres textes concernant ce type d'organismes, les tutelles sont précisées.

J'estime donc nécessaire, au nom de la cohérence dans l'élaboration de la politique électronucléaire du pays, de retrouver, au nombre des tutelles de l'IRSN, les tutelles budgétaires et administratives des organismes qui la mettent en _uvre.

Je terminerai en déplorant, à nouveau, qu'une restructuration aussi importante de ce domaine décisif pour l'avenir énergétique et environnemental de notre pays ne fasse pas l'objet d'une discussion spécifique.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 tend à rétablir le texte adopté par l'Assemblée en deuxième lecture, pour éviter d'affaiblir l'IRSN.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Claude Birraux - La question de la tutelle préoccupe nombre d'entre nous, sur tous les bancs. Plusieurs orateurs se sont déjà exprimés et, lors de la deuxième lecture, notre collègue Bataille et plusieurs membres du groupe socialiste avaient déposé un amendement à ce sujet. Rien d'étonnant à cela : personne ne peut comprendre la raison pour laquelle ce qui est exigé pour l'Agence est refusé pour l'IRSN. Pourquoi ne serait-il pas nécessaire d'inscrire dans la loi qui aura la tutelle de cet organisme ? Parce que, nous dit-on, cela sera spécifié par décret. Mais qui ne sait que les décrets changent selon l'atmosphère politique du moment ?

M. le Rapporteur - Le problème existe, mais il sera tranché ultérieurement (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme la Ministre - Nous devons traiter de manière cohérente deux problèmes distincts, dont le premier est le périmètre exact de l'INRS. Je ne suis d'ailleurs pas insensible aux arguments de M. Galley à ce sujet, qui est vivement discuté au sein de l'IPSN.

Le Gouvernement a souhaité mettre fin au chevauchement des rôles en matière de sûreté sans qu'il y ait de confusion possible entre l'exploitation des installations nucléaires et l'exercice du contrôle et sans dépeçage institutionnel.

Cela dit, je ne verrais que des avantages à ce que la discussion reprenne avec les personnels et avec les professionnels concernés.

Sur la tutelle, je ne suis pas loin de penser qu'en prévoir un trop grand nombre équivaut pratiquement à n'en avoir aucune, tant la dilution des responsabilités m'apparaît néfaste.

J'avais cru comprendre que la préoccupation première des parlementaires était d'éviter que la tutelle ne soit exercée que par l'environnement et par la santé. Je crois vous avoir apporté toutes les garanties : il y aura bien aussi l'industrie et la sûreté nucléaire française ne sera pas livrée aux hordes écologistes...

Je suis toute prête à réengager la concertation pour parvenir à un système qui offre les meilleures garanties mais, pour l'heure, le Gouvernement souhaite s'en tenir à la diversité des tutelles que j'ai présentée.

M. Bernard Deflesselles - C'est un point de blocage. Je ne comprends vraiment pas pourquoi les tutelles de l'AFSSE figureraient dans la loi et pas celles de l'IRSN. Puisque vous apportez les garanties, Madame la ministre, allez donc jusqu'au bout et acceptez que nous l'inscrivions dans la loi !

M. Robert Galley - Vous souhaitez, Madame la ministre, que la mission de l'IRSN soit universelle, mais reconnaissez que les problèmes de défense sont spécifiques et acceptez donc aussi la tutelle du ministère compétent.

Je rejoins M. Billard : il est inimaginable que l'on ne précise pas dans la loi les tutelles dans un domaine aussi important (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

L'amendement 7, mis aux voix, est adopté.

L'article 4A, modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 5

M. le Rapporteur - Il y a là un petit problème. En effet, dans sa rédaction issue du Sénat, l'article 5 fait référence aux articles 3, 4 et 11 de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie du 30 décembre 1996. Or, ce texte ayant été codifié, il conviendrait de remplacer ces références par celles aux articles L. 221-1, L. 221-6 et L. 222-7 du code de l'environnement.

Mme la Ministre - J'en suis d'accord.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

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TITRE

M. le Rapporteur - Le Sénat avait modifié le titre pour tenir compte de l'intégration de l'INERIS. Par l'amendement 8, je propose logiquement d'en revenir à « Proposition de loi créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale ».

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble de la proposition, mise aux voix, est adoptée.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 50.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.


Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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