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Session ordinaire de 2000-2001 - 69ème jour de séance, 157ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 24 AVRIL 2001

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

Sommaire

          GRATUITÉ DES FORMULES DE CHÈQUES 2

          APRÈS L'ARTICLE UNIQUE 13

          DÉCOLLAGE ET ATTERRISSAGE DE NUIT 14

          FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 32

          A N N E X E ORDRE DU JOUR 33

La séance est ouverte à neuf heures.

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    GRATUITÉ DES FORMULES DE CHÈQUES

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Georges Sarre et plusieurs de ses collègues tendant à inscrire dans la loi le principe de la gratuité des formules de chèques.

M. Georges Sarre, rapporteur de la commission des finances - La présente proposition de loi, déposée par les députés du Mouvement des citoyens, auxquels se sont associés ceux du groupe RCV, a aussi été appuyée par les groupes socialiste, communiste et RPR en commission des finances.

Elle comporte des mesures simples et propres à faciliter la vie quotidienne de nos compatriotes. Elle affirme en effet le droit au chéquier pour tous les titulaires d'un compte sous réserve qu'ils ne soient pas interdits bancaires, et la gratuité de la délivrance des chéquiers. Elle inscrit dans la loi le principe de la gratuité de l'émission et du traitement des chèques.

Malgré une légère baisse, le chèque demeure l'instrument de paiement le plus utilisé dans notre pays. En 1999, il s'en est échangé près de 3,7 milliards. Les Français sont les plus importants utilisateurs de chèques de la zone euro, loin devant les Irlandais, les Portugais et les Italiens. Dans le monde, seuls les Etats-Unis y recourent plus que nous.

La sensibilité de nos compatriotes sur cette question est donc grande et cette proposition de loi entend mettre un point final à un débat qui n'a que trop duré. Après une première tentative avortée en 1986, la question a, en effet, pris une nouvelle vigueur dans la perspective de la mise en place de la monnaie unique européenne.

Après l'échec de la concertation engagée au sein du « groupe Jolivet », il est temps que le législateur prenne ses responsabilités. Ce faisant, il ne ferait que concrétiser la position du Gouvernement, exprimée notamment par le ministre de l'économie et des finances ici-même ou par le secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat dans un entretien à La Tribune.

Pour les banques, la gratuité des chèques serait contraire à la transparence et à l'efficacité économiques. De plus, leur traitement serait particulièrement coûteux.

En ce qui concerne la transparence, les associations de consommateurs apprécieront certainement la conversion pour le moins tardive et opportuniste des banques à ce principe éminent. Je ne saurais trop les inciter de l'appliquer à d'autres aspects de leurs relations avec leurs clients !

Pour ce qui est de la logique et de l'efficacité économiques, les banques ne comprennent pas pourquoi le chèque serait le seul service gratuit offert aux consommateurs. Un de nos collègues n'hésite pas à comparer le chèque à la baguette de pain. Les audaces sont permises, mais pas à ce point !

Dans le passé, les mesures prises en faveur des personnes les plus démunies ne sont pas allées jusqu'à la gratuité.

Toutefois, en l'occurrence, chacun sait que les clients les plus fortunés continueraient à bénéficier de la gratuité des chèques, pendant que les autres supporteraient leur tarification.

Quant au coût du traitement des chèques, outre qu'il n'empêche pas les banques d'afficher des bénéfices importants, on ne peut que s'interroger sur les estimations produites. Le montant de 3 à 5 F par chèque est en effet vivement contesté par de bons connaisseurs du dossier, qui évaluent le traitement à moins de 1 F par chèque. Voilà qui confirmerait que la transparence n'est pas la vertu cardinale des banques.

Surtout, les estimations n'ont pas varié depuis une quinzaine d'années. Comment croire que le traitement du chèque serait la seule opération bancaire qui n'ait pas bénéficié au fil des années de gains de productivité ou du simple amortissement des équipements utilisés ? Ce serait une exception vraiment curieuse ! La mise en place de l'euro a été présentée comme précédent inéluctablement la remise en cause du « ni-ni », comme s'il fallait traquer toutes les spécificités de notre pays, surtout quand elles sont bonnes.

Or l'interdiction de la rémunération des dépôts à vue, condamnée au 1er janvier prochain, et la tarification des chèques sont deux questions juridiquement distinctes.

Par ailleurs, il n'est pas évident que le droit communautaire s'oppose au maintien de la gratuité des chèques.

Des dérogations au principe de la libre prestation de services sont en effet possibles si elles sont fondées sur des « dispositions légales d'intérêt général », non discriminatoires, légitimes et proportionnées à l'objectif poursuivi. La Cour de justice des communautés européennes a déjà admis des justifications tirées de la protection des consommateurs. De plus, le chèque n'étant pas un moyen de paiement internationalement accepté, la Commission européenne a toujours affirmé que la question de sa gratuité relevait des législations nationales.

La campagne tendant à accréditer l'idée qu'un projet de directive serait à l'étude n'a aucun fondement. Il ne s'agit que d'un moyen de pression sur la représentation nationale et le Gouvernement.

Sur un plan économique, il est difficile de prévoir les conséquences de la sortie du « ni-ni ». Les consommateurs seront-ils vraiment demandeurs d'une rémunération des dépôts à vue en contrepartie du paiement des chèques ? La rémunération sera trop faible pour que la plupart d'entre eux y gagnent plus de quelques dizaines de francs par an. Les banques sont-elles vraiment toutes prêtes à prendre le risque de mécontenter leur clientèle ?

Il n'est nul besoin d'invoquer l'offre commerciale d'une grande banque britannique : le Crédit mutuel de Bretagne a récemment présenté un produit fondé sur la gratuité totale de gestion et sur l'absence de rémunération.

Tous ces arguments militent pour que notre Assemblée adopte la proposition de loi telle qu'adoptée par la commission des finances.

Monsieur le ministre, le Gouvernement doit nous dire s'il est pour ou s'il est contre !

M. Jean-Jacques Jégou - Des menaces !

M. le Rapporteur - Nous ne pouvons rester dans l'expectative. Le Gouvernement doit nous garantir qu'il est disposé à inscrire sans plus tarder cette proposition à l'ordre du jour du Sénat. Du reste, la tâche ne devrait pas être trop ardue pour le ministre des relations avec le Parlement puisque un nombre important de sénateurs se sont prononcés en faveur de la gratuité des chèques et seraient prêts, si d'aventure la présente initiative n'aboutissait pas -ce que je n'ose imaginer- à déposer une proposition analogue. Le Gouvernement doit préciser sa position de manière très claire. D'autres moyens existent pour atteindre notre objectif qui est de maintenir la gratuité des formules de chèques.

M. Jean-Jacques Jégou - Quelle pression !

L'inscription à l'ordre du jour de notre Assemblée de cette proposition de loi a de quoi surprendre car la question traitée a déjà été abordée par plusieurs biais : dans la loi sur les nouvelles régulations économiques -textes à tiroirs qui n'a toujours pas trouvé son épilogue bien qu'il ait abouti au décret du 17 janvier 2001 sur le service bancaire de base, dans le projet portant diverses mesures urgentes à caractère économique et financier -texte hybride dont on nous promet quelques articles dans les prochains jours- ou dans celui sur la sécurité quotidienne qui traite de la carte bancaire, sans parler de diverses instances de concertation et commission. Pourquoi le Gouvernement et ses chevau-légers de la majorité plurielle s'acharnent-ils à délayer le traitement de ce sujet sur autant de textes ? En effet, dans le décret du 17 janvier 2001, pris en urgence avant que la majorité ne se ressaisisse du problème du droit au compte, le Gouvernement a résolument écarté le droit au chèque, l'article premier ne faisant allusion qu'aux chèques de banque.

Dès lors, la question du service bancaire de base semblait tranchée. Avec l'assentiment de tous, un service bancaire de base était proposé aux catégories les moins favorisées de la population, et notamment sur proposition du groupe UDF, à tous les bénéficiaires de minima sociaux.

Nous remettons donc une nouvelle fois l'ouvrage sur le métier mais en abordant le problème par le petit bout de la lorgnette ! Et notre débat semble d'ailleurs étrange à nos partenaires européens qui le trouvent, associations de consommateurs comprises, purement théorique.

Il est certes généreux de vouloir permettre à tous d'accéder aux moyens de paiement les plus faciles et nous voyons là un nouvel exemple de la générosité qui frôle parfois l'utopie, de notre collègue Georges Sarre. Mais regardons aussi le revers de la médaille ! Ce n'est pas aux maires que nous sommes que l'on apprendra que certains de nos concitoyens affrontent des difficultés quotidiennes kafkaïennes pour gérer leur budget Mais les trois quarts des personnes défavorisées sont d'abord des gens raisonnables et ce n'est pas leur rendre service que de leur délivrer à profusion des chèques dont ils n'ont que faire et qui risquent de leur causer plus d'ennuis que d'avantages. Ne les leurrons pas en adoptant, par démagogie, une mesure qui les incite à l'irresponsabilité ! Pour autant, il ne saurait évidemment être question de remettre en cause le droit au compte.

S'agissant de la gratuité des formules, n'oublions pas que les banques sont des établissements privés et que les services qu'elles rendent doivent être rémunérés au juste prix. Et ne nous berçons pas d'illusions : le coût de la gratuité des chèques est reporté sur la tarification des autres services. Du reste, n'est-ce pas la majorité plurielle qui a soutenu l'option tendant à faire des banques des entreprises privées ?

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - Y êtes-vous opposé ?

M. Jean-Jacques Jégou - Certes pas, d'autant que vous y avez été forcés pour mettre fin aux errements du Crédit lyonnais ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Ce service que rendent les banques ne s'apparente pas à un service public gratuit. Dès lors, si à l'instar des exploitants publics -EDF et France Télécom-, les banques accordaient des facilités particulières aux personnes les plus démunies, l'Etat devrait compenser les coûts induits.

M. Jean-Louis Idiart - C'est cela : on va payer les banques.

M. Jean-Jacques Jégou - Les banques ne peuvent, sans porter atteinte à la liberté du commerce, être tenues de rendre un service gratuit, fût-il d'intérêt général. La décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000 le confirme. En outre, la France est l'un des pays européens où les titulaires de comptes émettent le plus de chèques : 82 par an en moyenne contre 50 au Royaume-Uni, 9 en Allemagne et moins encore en Espagne. Dès lors, puisque 90 % des Français sont satisfaits de leurs services bancaires, ne chargeons pas la barque et gardons-nous de jeter de la poudre aux yeux à nos concitoyens par des mesures peu responsables.

Il convient en effet d'aider chaque ménage à se sentir pleinement responsable de la gestion de son budget et je laisserai M. Heriaud, en tant que professionnel du secteur, exposer nos positions sur les mesures qui devraient être privilégiées en ce sens.

Sur le fond, nous ne pouvons ignorer que M. Sarre est avant tout motivé dans sa démarche par sa contestation de l'Europe et qu'il entend porter ici un nouveau mauvais coup à la construction européenne. Dès lors, le groupe UDF votera contre l'adoption de cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL).

M. Jean-Louis Idiart - La présente proposition de loi vise à inscrire le principe de la gratuité des chèques dans le code monétaire et financier. Les titulaires de comptes bancaires disposeront ainsi d'un nombre illimité de formules de chèques et la gratuité s'appliquera aussi bien à l'émission des chèques qu'à leur traitement. Par la voix du ministre de l'économie et des finances, le Gouvernement a constamment réaffirmé sa volonté de voir les chèques demeurer gratuits. L'harmonisation de la législation communautaire afférente rend aujourd'hui la question plus aiguë, du fait notamment de l'intensification de la concurrence. Observons cependant que les banques disposaient en théorie de la faculté de faire payer les chèques depuis 1935. Le principal danger d'une telle évolution serait d'établir un lien -rompant en cela avec l'équilibre atteint par la règle du « ni-ni »- entre la tarification des chèques et la rémunération des dépôts, en vue de faire supporter à certaines catégories de clients les surcoûts induits. Face à ce risque, les Français sont inquiets, d'autant qu'à l'évidence, ce sont les ménages les moins aisés -qui sont déjà proportionnellement plus enclins que les autres à avoir recours aux chèques- qui seraient les plus pénalisés : les ménages les plus aisés, qui disposent de capacités d'épargne plus conséquentes, verraient en effet le coût du service compensée par la rémunération à due proportion de leurs dépôts. L'introduction du service payant tendrait aussi à mettre fin à la péréquation implicite qu'opèrent les établissements entre les charges liées à la gratuité des chèques et le coût de l'ensemble de leurs services payants. Elle représente donc un piège pour ceux qui sont contraints d'utiliser des chèques. Nul doute en effet que les banques, soucieuses de conserver la clientèle la plus aisée, ne manqueront pas de leur proposer en compensation des offres de services desquelles les plus modestes seront nécessairement exclus.

Le Gouvernement a lancé une réflexion sur cette question : la mission Jolivet, chargée de travailler à cette réforme de la tarification bancaire et regroupant des représentants des banques, du Gouvernement et des associations de consommateurs, n'a hélas pu aboutir à un compromis acceptable par toutes ces parties et il nous revient donc aujourd'hui d'intervenir pour protéger notamment les droits des plus modestes.

Comme il s'y était engagé, le Gouvernement a publié le 17 janvier dernier le décret sur le droit au compte pour les plus démunis, décret précisant à quels services gratuits peut prétendre toute personne déclarant sur l'honneur ne disposer d'aucun compte bancaire. En outre, en cas de refus de la part de l'établissement choisi par l'intéressé, celui-ci peut saisir la Banque de France pour qu'elle lui en désigne un autre -éventuellement la Poste.

Parallèlement, dans le projet portant mesures d'urgence à caractère économique et financier -que nous examinerons au début de mai-, le Gouvernement nous soumettra des propositions visant à rendre plus transparentes les relations commerciales entre la banque et son client et à les rééquilibrer en faveur de ce dernier, grâce à une contractualisation claire et à une interdiction ou, à tout le moins, à un encadrement de la vente forcée et de la vente à prime, ainsi qu'à un recours plus facile à la médiation. Complément évident de la proposition Sarre, ce texte aménagera de plus le régime des pénalités libératoires perçues en cas d'émission de chèque sans provision, mettant fin à l'absurdité qui consistait à faire payer un forfait souvent bien supérieur aux sommes dues par des ménages généralement en difficulté. Sans compromettre la nécessaire dissuasion, cette loi autorisera aussi le règlement de ces sommes dans les deux mois suivant l'incident, sans pénalité.

Enfin, un amendement au projet sur les nouvelles régulations économiques tendra à ramener de dix à cinq ans la durée de la période d'interdiction bancaire.

C'est sur cette lancée que nous entendons poursuivre aujourd'hui. Le chèque demeure un moyen de paiement répandu : avec près de 5 millions d'utilisateurs, les Français y recourent plus souvent que tous les autres Européens. Par ailleurs, quelles raisons les banques ont-elles d'insister si fort sur la tarification de ce moyen de paiement alors que la plupart des prestations qu'elles rendent sont déjà payantes ? En votant cette proposition, nous éviterons que les ménages les plus modestes ne payent pour des services qui ne sont intéressants que pour les plus aisés. Le groupe socialiste approuvera donc cette proposition, inscrivant dans la loi le principe de la gratuité des chèques (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Gilles Carrez - Le dépôt et l'examen de cette proposition mettent en lumière un échec : celui du Gouvernement, dans la gestion du dossier des relations entre les banques et leurs clients.

Compte tenu du caractère « sensible » du sujet, ce gouvernement avait choisi de ne pas le traiter directement lui-même et, à l'automne de 1998, il avait confié à la mission Jolivet le soin de faire le bilan des pratiques actuelles et de réfléchir aux « voies d'évolution de la relation bancaire et aux nouvelles règles qui pourraient s'appliquer sur la base d'un partenariat équilibré et mutuellement profitable tout en garantissant la protection des clients les plus fragiles ». Or, très vite, des points de tension sont apparus entre les différents participants aux travaux de cette mission : ils portaient essentiellement sur le service de base bancaire prévu par la loi contre les exclusions, sur l'application du droit de la consommation aux banques et sur la tarification des services bancaires dans leur ensemble, tarification jusqu'ici soumise à la doctrine du « ni-ni ». Cependant, plus que ces désaccords, ce qui frappe, c'est l'incapacité du Gouvernement à trancher. La question des relations banques-clients illustre ainsi, une nouvelle fois, l'échec de la méthode Jospin qui, de négociation en concertation, conduit à l'indécision et à la déception des intéressés.

S'agissant du service de base, certaines associations de consommateurs souhaitaient le voir étendu à tous les clients des banques, les autres voulant le limiter aux clients les plus défavorisés. Au total, il aura fallu plus de deux ans et demi pour que le Gouvernement publie le décret d'application de la loi de 1998 instituant ce service -et encore, en le réservant aux seuls bénéficiaires de la procédure de droit au compte, soit environ 6 000 personnes. Que ne s'est-il inspiré de l'amendement adopté par le Sénat, lors de la première lecture du projet sur les nouvelles régulations économiques, et qui retenait une définition beaucoup plus large de la notion de « personnes défavorisées ». ? M. Sarre lui-même reconnaît implicitement que ce décret de janvier devra être revu...

Pour ce qui est de l'assujettissement au droit de la consommation, les associations de consommateurs demandaient que soient étendues aux banques l'obligation d'information préalable ainsi que la législation sur la vente subordonnée et sur le refus de vente. Après trois mois de négociation, M. Sautter a donné son accord à une évolution sur les deux premiers points. Pour autant, aucun amendement en ce sens n'a été déposé lors de l'examen en première lecture du projet sur les nouvelles régulations économiques. La question reste donc en suspens, jusqu'à la discussion du projet sur les « mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier » prévu pour la semaine prochaine !

Enfin, en ce qui concerne la tarification des services bancaires dans leur ensemble et la doctrine du « ni-ni », le Gouvernement se réfugie une fois encore dans l'attentisme, se bornant à expliquer qu'il s'oppose à la tarification des chèques. D'où la proposition de M. Sarre... Il apparaît donc clairement que c'est l'indécision même du Gouvernement et sa volonté de ménager tout le monde qui sont à l'origine de la situation actuelle. Le Gouvernement s'est tendu un piège dont il ne sait plus comment se sortir et, à son grand regret, semble-t-il, c'est la majorité qui a dû prendre l'initiative.

Si délicate que soit la question de la tarification des services bancaires, et plus particulièrement des chèques, il paraît bien réducteur de n'aborder la relation banque-client que sous cet angle.

La doctrine « ni-ni » est elle-même dépassée puisque l'interdiction de la rémunération des dépôts sera de fait levée au 1er janvier prochain avec le passage à l'euro. La proposition de M. Sarre risque ainsi de cristalliser la négociation sur ce point et, de ce fait, de la durcir. Les banques auront tout loisir de contourner l'obligation de gratuité des chèques par un relèvement des tarifs des autres services.

La présente proposition de loi s'apparente donc à un leurre, et relève d'une approche démagogique.

Certes, elle s'appuie sur une spécificité française qui veut que les Français recourent plus aux chèques que leurs voisins européens -près de dix fois plus que les Allemands, par exemple. Mais elle méconnaît les évolutions récentes : alors que le nombre de paiements par chèque reste stable, celui des paiements par carte bancaire augmente rapidement et tend à le rejoindre, devenant le mode de paiement d'avenir, notamment chez les jeunes.

En outre, les travaux préparatoires de la mission Jolivet ont montré que la gratuité des chèques n'avantage pas particulièrement les ménages à revenus modestes, l'utilisation du chèque dépendant strictement du niveau d'alimentation du compte. Ainsi près de la moitié des comptes pour lesquels les flux n'excèdent pas 80 000 F par an, n'enregistre qu'un à cinq chèques par mois.

Enfin, la proposition ignore le principe fondamental d'économie selon lequel chaque service rendu a un coût.

L'initiative de M. Sarre doit donc être considérée comme un appel au Gouvernement, lui demandant d'assumer ses responsabilités. C'est à la lumière de cette considération que le groupe RPR ne s'y opposera pas !

M. Marc Laffineur - Cette proposition en dit long sur les relations actuelles entre le Gouvernement et sa majorité plurielle. Tout d'abord, ce texte est anti-européen, ce qui ne saurait d'ailleurs étonner, venant de M. Sarre.

Ce texte est destiné à mettre en difficulté le Gouvernement, puisque ce dernier a accepté le passage à l'euro et l'ouverture du secteur bancaire à la concurrence à partir du 1er janvier prochain.

Ce texte témoigne des difficultés de la majorité plurielle, en ce qu'il a pour fonction de mettre en avant le champion du MDC dans la perspective des élections présidentielles.

Enfin, ce texte démagogique va pénaliser les banques françaises par rapport à leurs concurrents à compter du 1er janvier 2002.

La France est aujourd'hui le seul pays à interdire la rémunération des comptes courants. Dans ces conditions, il était possible soit de laisser jouer la concurrence, ce qui aurait conduit l'ensemble des banques à réduire le coût de leurs services, soit d'adapter une attitude de fermeture, en refusant en fait que l'Europe progresse.

Mme Véronique Neiertz - Si c'est cela l'Europe, on comprend que les Français soient contre !

M. Marc Laffineur - La construction européenne nous a apporté beaucoup de richesses et d'emploi !

Mme Véronique Neiertz - Et les licenciements ?

M. Marc Laffineur - Cela n'a rien à voir avec l'Europe ! Il y aura toujours et partout des licenciements ! Vous tenez un discours arriéré !

Avec ce qu'on nous propose ce matin, les banques françaises devront faire payer plus cher leurs autres services, qu'il s'agisse des paiements par carte bancaire, des virements, des découverts. Or ce sont les foyers les plus modestes qui ont le plus souvent des découverts. De même pour les frais d'emprunt pour se loger. En revanche les clients les plus riches pourront se tourner vers des banques étrangères ou négocier une réduction des coûts avec leur banque habituelle.

Les salariés seront également pénalisés puisque les établissements où ils travaillent auront des difficultés à se développer. Vous allez ainsi porter tort à l'emploi.

Aussi le groupe DL votera-t-il contre un texte préjudiciable aux banques françaises, à leurs salariés et à leurs clients, et hostile à la construction européenne.

M. Pierre Hériaud - La proposition de notre collègue Sarre peut s'analyser surtout comme un refus de l'harmonisation européenne en matière monétaire et financière et comme une anticipation partielle sur les décisions plus générales qui font l'objet du titre II du prochain MURCEF en ce qui concerne l'amélioration des relations entre les banques et leurs clients.

De plus, le projet relatif à la sécurité quotidienne comporte à son article 8 la disposition suivante : « La Banque de France s'assure de la sécurité des moyens de paiement autres que la monnaie fiduciaire (...). Si elle estime qu'un de ces moyens de paiement présente des garanties de sécurité insuffisantes, elle peut recommander à son émetteur de prendre toutes mesures destinées à y remédier. Si ces recommandations n'ont pas été suivies d'effet, elle peut décider de formuler un avis négatif et de le rendre public ».

Voilà qui confirme que l'ouverture, le fonctionnement d'un compte bancaire et la mise à disposition des moyens de paiement sont de nature contractuelle entre la banque et son client et que, comme tels, les moyens de paiement sont des moyens à risque.

Le décret du 17 janvier 2001 définit dans son article premier tous les éléments compris dans le service bancaire de base, à l'exclusion de la mise à disposition de formules de chèques. Dans son article 2, il précise que le bénéfice de ce service de base n'emporte aucune partie contributive de la part du bénéficiaire, mais il ne fait pas le lien direct entre droit au compte et délivrance de formules de chèques.

C'est donc un régime contractuel qui fonctionne depuis longtemps entre la banque et son client, avec des taux de fidélisation assez élevés.

Aujourd'hui le chèque comme moyen de paiement est gratuit, et la délivrance d'un chéquier est de la responsabilité du banquier dans son appréciation du risque.

Alors pourquoi légiférer sur un acquis ? La proposition de Georges Sarre comporte en fait plus de risques que d'avantages.

En conclusion, le chèque bancaire est un moyen de paiement à risque, qui ne doit pas être associé au droit au compte. La formule de chèques est délivrée par le teneur de compte, sous sa responsabilité. Adopter la proposition de M. Sarre ne pourrait qu'aggraver les difficultés des clients risquant l'interdiction bancaire et les lourdes pénalités libératoires qui en résultent. L'amélioration de la relation banque-client pour plus de transparence dans les opérations bancaires est un enjeu d'une toute autre importance que la gratuité du chèque. C'est sur ce point qu'il conviendrait d'agir, afin de conforter la sécurité et la confiance entre la banque et son client. Au reste, le client a beaucoup plus confiance dans sa banque que ne semblent en avoir certains élus, trop enclins à sacrifier un nouveau bouc émissaire sur l'autel de leur électorat et de leur différenciation idéologique. Nous sommes tous désireux de protéger le consommateur, mais cela ne va pas sans une éducation à la responsabilité de chacun qui est absente de ce texte.

Mme Véronique Neiertz - Et la responsabilité des banques ?

M. Pierre Hériaud - La gratuité peut se décréter mais la confiance se gagne. Or, pourquoi enfoncer une porte ouverte en voulant rendre obligatoire ce qui existe déjà dans les faits ?

Le groupe UDF, devant l'inconsistance de cette proposition, votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe DL).

M. Jean Rigal - Le chèque reste le mode de paiement le plus utilisé, en particulier par les ménages modestes. Les Français sont très attachés à sa gratuité comme au livret A.

La proposition qui émane du groupe RCV est simple et concrète. En effet, elle ne comporte qu'un seul article, qui ne nécessite pas de décret d'application et elle touche à la vie quotidienne de nos concitoyens.

Depuis 1935, la gratuité des chèques est un fait constant.

C'est en 1986 que certains établissements bancaires ont cherché à instituer une tarification des chèques. Ils ont échoué en raison de l'opposition des associations de consommateurs et de nombre de nos concitoyens.

Avec l'entrée en vigueur de la monnaie unique, la tentation et la tentative sont revenues. Les discussions menées entre représentants des consommateurs et des banques de 1998 à 2000 dans le cadre de la commission Jolivet ont échoué du fait notamment des exigences des banques.

Pour tenter de justifier la tarification des chèques, les banques invoquent le coût économique de leur traitement. Cet argument ne paraît pas recevable compte tenu du manque de transparence sur l'estimation du coût et des excellents résultats financiers des banques. Ces dernières mettent aussi en avant la rémunération des comptes courants en contrepartie de la tarification des chèques.

Outre que cette rémunération serait très faible, entre 0,5 % et 1 %, et qu'elle ne couvrirait vraisemblablement pas le coût des chèques imputé au client, elle ne profiterait, dans le meilleur des cas, qu'aux ménages qui disposent d'une trésorerie importante, et rien ne garantirait dans l'avenir qu'il n'y aurait pas de décrochage entre la rémunération du compte et la tarification des chèques.

M. Jacques Desallangre - Très juste !

M. Jean Rigal - Comme l'a indiqué Georges Sarre, le droit communautaire ne semble pas s'opposer à ce que la France maintienne la gratuité des chèques et l'impose aux banques étrangères qui exercent chez elle.

Les députés radicaux de gauche sont favorables à l'inscription du principe de gratuité dans la loi pour clore le débat. Ils voteront donc cette proposition de loi qui, dans son article unique modifié et adopté par notre commission des finances, affirme le droit pour tout titulaire d'un compte de se faire délivrer des chèques sous réserve de sa non-interdiction bancaire et pose le principe de la gratuité à tous les stades de l'utilisation d'un chèque.

Je profite de ce débat pour demander au Gouvernement les raisons pour lesquelles le Trésor public cessera définitivement le 31 décembre 2001 son activité bancaire au bénéfice des particulier, qui est très appréciée par près de 700 000 déposants.

Bien entendu, cette proposition de loi, soucieuse de protéger les consommateurs ne règle pas toutes les questions touchant aux relations entre les banques et leurs clients. Je pense en particulier au service bancaire de base pour les plus démunis, qui résulte de la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions et de son décret d'application du 17 janvier 2001. Le projet de loi portant mesures urgentes à caractère économique et financier qui sera discuté prochainement à l'Assemblée nationale permettra, en soumettant les banques au droit de la consommation, de compléter le dispositif.

Nous souhaitons donc que l'Assemblée nationale adopte cette proposition de loi et que le Gouvernement, qui s'est déclaré favorable à la gratuité des chèques, l'inscrive à l'ordre du jour du Sénat dans les meilleurs délais (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

M. Maxime Gremetz - Nous ne pouvons que nous féliciter d'avoir à examiner cette proposition de loi du groupe RCV. Enfin un texte inscrit dans la niche parlementaire dont l'examen ira jusqu'au bout...

D'une extrême simplicité, cette proposition n'en est pas moins d'une très grande portée. Elle concerne la vie quotidienne de nos concitoyens et affirme le point de vue républicain selon lequel il revient aux élus de la nation de fixer des règles du jeu et d'afficher le primat du politique sur la froide logique du marché.

En adoptant ce texte, qui a recueilli un large soutien de notre commission, bien au-delà des rangs de la majorité plurielle, notre assemblée donnera une suite politique à l'action persévérante des associations de consommateurs, des syndicalistes et des forces politiques de progrès contre le chèque payant et pour un service de base bancaire réellement universel. Les dispositions proposées participent de la lutte contre l'exclusion et confirment que les banques et institutions de crédit ont des obligations de service public.

L'instauration du chèque payant aurait pour effet de ponctionner la trésorerie des ménages modestes ou moyens et de segmenter la clientèle des banques entre « bons clients » et clients de deuxième classe. Elle ne se justifie par aucun argument valable.

Le coût de la fabrication et du traitement des chèques seraient devenus économiquement insupportables, particulièrement dans une conjoncture marquée par la mise en place de l'euro et l'exacerbation de la concurrence à l'échelle de l'Europe : les profits des banques prouvent le contraire ; en outre, le coût du traitement des chèques devrait encore se réduire du fait du progrès technique, avec l'échange d'images de chèques.

Selon les responsables bancaires, le service rendu par les banques, comme toute marchandise, devrait être facturé au client à son coût réel : c'est là une logique libérale de sélection de la clientèle par l'argent.

En vérité, il serait urgent d'identifier les coûts réels supportés par les banques, en distinguant les opérations concernant la circulation et la gestion des moyens de paiement, les opérations relatives à la gestion patrimoniale et les services périphériques. Faire jouer la péréquation tarifaire sur chaque catégorie éviterait de pénaliser les familles modestes. Une telle démarche permettra d'évaluer le coût réel d'un service de base universel, de mieux réglementer les coûts et les procédures de rejet des chèques et d'assurer l'insaisissabilité des minima sociaux.

Des dispositions visant à rééquilibrer les relations entre les banques et leurs clients sont proposées dans le projet de loi portant mesures économiques et financières urgentes que nous allons prochainement examiner ; mais l'institution d'un véritable service de base universel demandera d'aller beaucoup plus loin que le mini-service minimal défini par les décrets d'application de la loi sur l'exclusion de 1998, qui ne concernent aujourd'hui que 6 500 personnes.

La proposition que nous examinons confirme qu'il est nécessaire de légiférer. Le Gouvernement ne saurait en effet céder au chantage des banques, qui mènent un combat d'arrière-garde. Comme le rapport le démontre très clairement, la rémunération des comptes, alibi de la facturation des chèques, n'a rien d'obligatoire. Une telle évolution représenterait un véritable marché de dupes.

Nous sommes au c_ur d'un débat fondamental, portant sur la politique monétaire et de crédit à conduire à l'échelon national et européen si l'on veut que priorité soit donnée à l'emploi. Le financement de l'économie pose la question du rôle d'un pôle public financier, qui ne saurait se limiter à accompagner la libéralisation financière ; et conforter le principe de la gratuité des chèques, c'est définir, en alternative aux dogmes économiques libéraux, une autre conception du rôle des établissements de crédits et des banques, dont la mission de service public doit être affirmée.

Bien évidemment, notre groupe votera cette proposition de loi, en souhaitant qu'elle reçoive l'appui de l'Assemblée et du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

La discussion générale est close.

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - Non, Monsieur Jégou, le Gouvernement n'est pas en difficulté, mais il considère qu'il faut bien mesurer les conséquences de cette proposition de loi.

Le Gouvernement est favorable à la gratuité des chèques ; M. Fabius l'a dit l'année dernière ici-même, je l'ai moi-même dit à diverses occasions, en précisant que le problème ne se poserait pas avant la fin de 2002, le passage à l'euro s'accompagnant inévitablement d'un développement de la monétique et des cartes bancaires.

M. Marc Laffineur - Après les élections, n'est-ce pas !

M. le Secrétaire d'Etat - Je ne suis pas comme vous, Monsieur Laffineur, je n'y pense pas tout le temps !

Puisque les Français sont, dans la pratique, obligés d'ouvrir un compte pour recevoir leurs revenus, ils veulent y accéder de façon libre, avec un moyen de paiement gratuit : nous le comprenons.

En outre, ce sont surtout les ménages modestes qui utilisent des chèques. Garantir la gratuité de ce moyen de paiement est donc une tâche éminemment sociale. C'est pourquoi, depuis un an, le Gouvernement a agi dans ce sens. Nombreux sont ceux qui pensaient que la facturation des chèques était regrettable mais inéluctable. Nous avons montré, par la persuasion, qu'elle pouvait être évitée. A ma connaissance, aucune banque n'a annoncé le projet de facturer ses chèques (Interruptions sur les bancs du groupe RCV). Certains établissements étrangers songent même à rémunérer les dépôts sans faire payer les chèques.

M. Jean-Jacques Jégou - C'est cela, la concurrence !

M. le Secrétaire d'Etat - Faudrait-il inscrire dans la loi l'interdiction d'une pratique qui n'est pas à l'ordre du jour ?

Mme Véronique Neiertz - Pas pour longtemps !

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable à la gratuité des chèques, le Gouvernement souhaite toutefois tenir compte de la manière dont évoluent les relations entre le secteur bancaire et ses clients. Il s'agit moins de légiférer que de veiller à ce que le changement profite à tous. La question n'est pas le paiement des chèques, mais la tarification des services bancaires dans leur ensemble.

Mme Nicole Bricq - Très bien !

MM. Pierre Hériaud et Jean-Jacques Jégou - Nous sommes d'accord.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement a donc inscrit, dans son projet portant diverses mesures d'urgence à caractère économique et financier que vous examinerez la semaine prochaine, des mesures relatives aux interdits de chéquier. Il souhaite surtout étendre le droit de la consommation au secteur bancaire, afin d'encadrer les ventes groupées, par lesquelles les banques auraient tôt fait de contourner votre proposition.

Dès demain, avec le projet sur la sécurité au quotidien, vous examinerez des dispositions relatives aux cartes bancaires et au remboursement des sommes dérobées. Le Gouvernement sera attentif aux propositions des députés.

Nous devons aussi tenir compte du contexte communautaire. Interdire la facturation des chèques serait contraire au principe de libre prestation de service.

M. le Rapporteur - Monsieur le secrétaire d'Etat, m'autorisez-vous une interruption ?

M. le Secrétaire d'Etat - Votre argumentation sur ce point m'a paru faible, mais je ne vois pas d'inconvénient à vous laisser parler.

M. le Rapporteur - Sur quels textes, sur quels documents vous fondez-vous pour affirmer que le texte ne serait pas accepté par la Commission européenne ? Une directive serait-elle en préparation ? Il n'en est rien, j'ai vérifié.

M. Jacques Myard - Il a raison !

M. le Rapporteur - Du reste, le paiement par chèque n'est pas reconnu internationalement. La Commission ne pourrait rien imposer à la France dans ce domaine. On ne peut utiliser des arguments contraires à la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

M. le Secrétaire d'Etat - Je pense que vous faites erreur. Les banquiers pourront saisir la Commission, qui leur donnera gain de cause. La Commission, c'est certain, n'interdira pas la facturation des chèques. Inscrire une telle interdiction dans la loi risquerait d'aboutir aux résultats inverses de ceux que vous recherchez.

Monsieur Jégou, vous vous êtes interrogé sur la multiplication des projets de loi relatifs à la régulation du secteur bancaire. Certes, les banques sont des entreprises privées et les relations qu'elles entretiennent avec leurs clients doivent ressortir en priorité de la liberté commerciale. Mais il est nécessaire de légiférer sur des sujets aussi sensibles que les services de base ou la protection des personnes les plus défavorisées.

Monsieur Idiart, je partage votre analyse, mais je ne suis pas sûr que le passage à l'euro, en 2002, rende inéluctable la facturation des chèques. La rémunération des dépôts est autorisée depuis le 1er janvier 1999 mais bien peu de banques la proposent. Quant aux chèques, ils sont toujours gratuits. Evitons donc le piège des faux rendez-vous, régulièrement annoncés et repoussés depuis vingt ans.

Monsieur Laffineur, contrairement à ce que vous avez affirmé, le Gouvernement n'est pas hostile à la rémunération des comptes bancaires. Je ne partage pas votre vision ultra-libérale de l'Europe. En outre, la façon dont vous présentez les difficultés que rencontrerait le Gouvernement me paraît simpliste, pour ne pas dire démagogique.

Monsieur Carrez, vous voulez donner des leçons de science économique à ce Gouvernement, qui a obtenu en quatre ans bien plus de résultats que ceux que vous avez soutenus. Par ailleurs, la contractualisation et la concertation fonctionnent bien aujourd'hui, dans le secteur bancaire en particulier. Enfin, le Gouvernement ne regrette pas les initiatives de sa majorité, qui enrichissent sa réflexion. Je constate d'ailleurs que vous vous apprêtez à voter une proposition déposée par des députés de la majorité : j'y vois un nouveau succès de la méthode Jospin.

Monsieur Hériaud, comme vous je considère que la gratuité des chèques est un acquis et qu'elle doit le rester.

Monsieur Rigal, je suis d'accord avec vous, garantir la gratuité des chèques serait une mesure simple. Mais quelle est la solution la plus simple ? S'en tenir au dispositif contractuel, ou prendre le risque de recourir à la loi, avec tous les effets pervers qu'elle peut avoir ?

M. Jacques Myard - Ah bon ? La loi est perverse ?

M. le Rapporteur - C'est intéressant !

M. le Secrétaire d'Etat - Par ailleurs, la fin de l'activité bancaire du Trésor public a fait l'objet d'une large concertation. Elle se passe sans heurts, chaque client se voyant proposer une solution de substitution. Client moi-même du Trésor public, je me suis entretenu avec le comptable du Trésor de mon département.

Monsieur Gremetz, comme vous je souhaite lutter contre l'exclusion bancaire. Sur la question des sommes insaisissables, le Gouvernement travaille activement avec les représentants des consommateurs et des banques.

S'il partage vos objectifs, il pense qu'il est risqué d'emprunter la voie législative. La voie contractuelle sera plus profitable...

Mme Véronique Neiertz - Elle a échoué !

M. le Secrétaire d'Etat - ...à la condition que les parties respectent leurs engagements. Si tel n'était pas le cas, le Gouvernement pourrait revoir sa position (Interruptions sur les bancs du groupe RCV). Aujourd'hui, il s'en remet à votre sagesse (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - J'appelle maintenant dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9, de notre Règlement, l'article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.

L'article unique, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ARTICLE UNIQUE

M. Michel Inchauspé - Peut-être estimerez-vous, avec le rapporteur, que mon amendement 1 n'a rien à voir avec cette proposition. Une précision s'impose. Un équilibre avait été trouvé : la fin de la gratuité des chèques contre la rémunération des comptes à vue. Or cet équilibre est rompu. M. Rigal l'a dit, la rémunération proposée par les banques est de 0,5 % par an. En fait, elle est déjà de 5 à 6 %. Jusqu'en 1998, en effet, la rémunération des livrets d'épargne fiscalisés était fixée à parité avec celle du livret A défiscalisé. A partir de 1998, la libéralisation des taux a permis aux établissements, et tout particulièrement aux banques en ligne, d'utiliser les livrets d'épargne comme produits d'appel.

Aujourd'hui, n'importe quel livret d'épargne peut rapporter, impôts déduits, 1 % de plus que le livret A, et jusqu'à 10 millions de dépôts au lieu de 100 000 F. Or les caisses d'épargne ne peuvent pas relever leur taux, lié à celui des prêts pour logements sociaux. Il faut donc rétablir la parité : certes pas pour conforter les bénéfices des banques, mais pour sauvegarder la collecte des fonds pour le logement social. Les caisses d'épargne ne sont pas encore touchées, mais très inquiètes. Une large publicité est faite aux livrets d'épargne. Non seulement il n'y a pas de droits d'entrée, mais de nombreux établissements offrent 200 F pour l'ouverture d'un livret. Et certains vont jusqu'à conseiller à leurs clients de ne pas quitter leur banque habituelle et de mettre en place un virement...

On me dira que cet amendement est bien loin du texte, mais les deux questions sont liées et je tenais à signaler un problème qui va devenir très grave.

M. le Rapporteur - Votre préoccupation est louable. Toutefois, il faut rappeler à ceux qui n'ont que l'Europe à la bouche que cette disposition serait à tout coup sanctionnée par la Cour de justice des Communautés européennes si elle venait à en connaître. Par ailleurs, notre légitimité à réglementer les taux de rémunération d'une épargne qui n'est assortie d'aucun avantage fiscal reste incertaine. Je suis donc défavorable à un amendement important mais très éloigné du texte. S'il est possible un jour de le voter dans de meilleures conditions, j'y souscrirai.

M. le Secrétaire d'Etat - Il s'agit d'un sujet très sensible. Il y eut une époque où le taux du livret A n'était pas intéressant, compte tenu de l'inflation. Les gouvernements successifs et surtout cette majorité l'ont rendu de nouveau avantageux. Mais il doit toujours tenir compte à la fois de la nécessité d'une juste rémunération et du prix du financement du logement social. L'équilibre que nous avons trouvé est satisfaisant. Par ailleurs, nous ne pouvons nous abstraire d'un environnement européen qui parfois, merci au rapporteur de l'avoir reconnu, nous impose des contraintes ! Le Gouvernement ne peut donc être favorable à cet amendement dans ce texte.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe RCV d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 38 voix contre 4 sur 43 votants et 42 suffrages exprimés, l'ensemble de la proposition de loi est adopté.

La séance, suspendue à 10 heures 40, est reprise à 10 heures 45.

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    DÉCOLLAGE ET ATTERRISSAGE DE NUIT

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Yves Cochet et plusieurs de ses collègues tendant à interdire aux aéronefs de décoller et d'atterrir la nuit dans tous les aéroports français.

M. le Président - Je rappelle que le rapport de la commission de la production porte également sur les propositions de loi de MM. Jacquat et Colombier visant à lutter contre les nuisances aéroportuaires et à interdire les vols de nuit et de M. Delattre tendant à la fermeture de l'ensemble des aéroports français pendant une partie de la nuit.

M. Yves Cochet, rapporteur de la commission de la production - Nos concitoyens attachent de plus en plus d'importance à la qualité de leur environnement et à leur santé et ils n'ont pas manqué de le manifester à l'occasion des dernières élections municipales et cantonales. Mais ils attendent aujourd'hui des mesures concrètes tendant à démontrer que ces questions sont prises en considération plutôt que de nouveaux discours ! Le Gouvernement a du reste entendu ce message puisqu'à l'issue du dernier séminaire gouvernemental, le Premier ministre a indiqué que l'amélioration de la qualité de la vie constituait l'une de ses trois première priorités, qu'il entendait renforcer en particulier la lutte contre le bruit. A ce titre, la présente proposition tend à réduire les nuisances sonores aéroportuaires nocturnes.

Chaque nuit, des centaines de milliers de nos concitoyens subissent le bruit des décollages et des atterrissages d'avions. Cette situation, Monsieur le ministre, n'est plus tolérable. L'exposition nocturne au bruit des avions constitue en effet un enjeu de santé publique qui n'est pas sérieusement contestable. Une avancée significative de notre législation s'impose donc. Elle est du reste vivement souhaitée par de nombreuses associations d'élus et de riverains des aéroports.

Ce constat est aujourd'hui partagé par de très nombreux élus de toutes sensibilités. En atteste le dépôt récent à l'Assemblée nationale de trois propositions de loi tendant à interdire les décollages et les atterrissages nocturnes, l'une par votre rapporteur et les deux autres par M. Jacquat et M. Delattre qui appartiennent à des groupes de l'opposition.

A l'initiative des députés Verts et dans le cadre de l'ordre du jour fixé par les groupes, notre Assemblée est aujourd'hui saisie de cet enjeu majeur de santé publique.

Notre proposition se fonde sur trois constats incontestables : des nuisances accrues du fait de l'explosion du trafic aérien, un défi majeur de santé publique, une législation nationale en retard dans la lutte contre les nuisances sonores.

Ainsi, selon les données provisoires de l'Organisation de l'aviation civile internationale -OACI- le trafic régulier a crû dans le monde en 2000 de plus de 8 % par rapport à l'année précédente tant pour le fret que pour le transport de passagers, et de 10 % pour ce qui concerne le trafic international. Orly et Roissy confondus, les mouvements commerciaux ont progressé de 6,7 % entre 1998 et 1999 et de 7 % entre 1999 et 2000, Roissy pris isolément enregistrant même une croissance de 8,8 %. La tendance est du reste identique dans tous les grands aéroports français. En outre, à Roissy -où à la différence d'Orly il n'existe malheureusement pas de couvre-feu- nombre de mouvements ont lieu la nuit. Ainsi, selon la DGAC, entre 23 heures et 6 heures du matin en 1999, 36 346 mouvements ont été enregistrés et 40 305 en 2000, soit une progression de 10,9 %. Sur la même plage horaire à l'échelle nationale, 87 541 mouvements ont été enregistrés en 2000, soit plus de 5 % de l'ensemble du trafic.

Dès lors, des millions de riverains des aéroports, dans le Val d'Oise notamment, sont victimes chaque jour et chaque nuit des nuisances afférentes. De nombreuses associations, telles que l'Union française contre les nuisances aériennes, les Amis de la Terre ou la fédération nationale des associations d'usagers des transports, ne cessent de protester contre la gêne sonore nocturne et d'alerter les pouvoirs publics afin que des mesures de réduction soient enfin prises. Pour résumer d'un cri d'alerte leur position : « Sous les avions la nuit nous dormons mal, au point d'en devenir parfois malades ».

D'où notre deuxième constat que partage d'ailleurs l'OMS, qui indique que « la croissance des nuisances sonores est insupportable en ce qu'elle a des effets négatifs pour la santé, à la fois directs et cumulés ». En effet, si les effets auditifs du bruit peuvent être directs et entraîner des lésions de l'oreille interne -et je parle sous le contrôle du spécialiste qu'est M. Jacquat en tant qu'oto-rhino-laryngologiste-, les nuisances aéroportuaires nocturnes sont d'abord responsables du phénomène connu sous le nom de « gêne sonore », mis en évidence notamment à Orly et à Roissy par l'INRETS. Ces effets non auditifs du bruit sont d'abord cardio-vasculaires, comme le relève M. Alain Muzet, membre de l'ACNUSA et directeur de recherches au CNRS, qui rapporte notamment dans son ouvrage intitulé Le bruit que les effets physiologiques du bruit doivent être appréhendés à partir de la notion de stress et qu'ils sont marqués tout à la fois par leur nocivité et par leur chronicité.

Le bruit peut également avoir des effets négatifs sur la santé mentale en ce qu'il affecte gravement la qualité du sommeil. La perturbation régulière du sommeil, outre ses effets évidents sur l'état général, peut entraîner des états dépressifs et une forte démotivation au travail. Chacun sait bien que faute de sommeil réparateur, la santé peut se dégrader gravement !

Dernier constat, la France est en retrait dans la lutte contre les nuisances sonores aéroportuaires nocturnes. Il y a lieu tout d'abord de s'interroger sur la pertinence des normes acoustiques internationales fixées par l'OACI, qui répartissent les aéronefs en trois « chapitres ». Il conviendrait donc de retenir une classification reposant sur des critères plus objectifs et je me permets de vous renvoyer à ce sujet à mon rapport écrit qui démontre que nombre d'aéroports étrangers appliquent à cet égard des normes sensiblement plus sévères que les nôtres.

Je salue cependant la création de l'ACNUSA, au terme d'une longue discussion au Parlement, par la loi du 12 juillet 1999. Sa première recommandation date de la semaine dernière et porte sur le bruit nocturne des aéronefs. S'en inspirant, notre commission de la production et des échanges a adopté ce matin même une proposition de loi amendée sur ces bases. Je vous propose à présent de l'adopter, en insistant sur le fait qu'il ne peut s'agir que d'une première étape, qu'il conviendra d'enrichir continûment. Je vous propose donc de reprendre cette recommandation sous la forme législative...

M. Jean-Pierre Blazy - Cela n'était pas nécessaire !

M. le Rapporteur - ...dans le texte adopté par notre commission, afin que les millions de nos concitoyens qui vivent aux abords des aéroports retrouvent un sommeil apaisé (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

M. Noël Mamère - La proposition de loi présentée par les Verts dont nous débattons aujourd'hui va faire nombre d'heureux parmi nos concitoyens qui subissent chaque nuit des nuisances sonores de plus en plus insupportables. Souhaitons que son adoption intervienne rapidement car il s'agit comme l'a indiqué fort justement notre rapporteur d'un problème de santé publique qui touche, selon les estimations, de 500 000 à 6 millions de personnes.

Les avions génèrent des bruits isolés et répétitifs dont l'influence est avérée. Ainsi, les modifications du sommeil induites sur le plan encéphalique et cardiaque surviennent à partir de niveaux de crêtes différents selon l'âge du sujet : 50 décibels pour un enfant, 55 décibels pour une personne âgée et 60 décibels pour un jeune adulte. De plus, toutes les études disponibles montrent qu'il n'y a pas d'accoutumance aux bruits répétitifs durant le sommeil et qu'une adaptation apparente indique seulement que les troubles subis au cours de la nuit ont été oubliés.

La Commission européenne, pour sa part, estime que le bruit, pour ne pas déranger le sommeil d'un sujet normal, ne doit pas excéder 30 à 35 décibels, avec des pointes limitées à 45 décibels. Quant à l'OMS, elle retient le chiffre moyen de 35 décibels. Comment ces valeurs pourraient-elles être respectées, en l'absence de couvre-feu nocturne et lorsque les législations nationales posent comme limites, pour le bruit enregistré sur les façades des maisons, 65 décibels de 8 heures à 20 heures et 55 pendant la nuit ? Le sommeil ne peut évidemment être préservé dans ces conditions, surtout là où la chaleur empêche de tenir les fenêtres fermées.

Ce problème de santé publique a été souligné par les professionnels de la santé. Nombre d'études et de messages d'alerte ont aussi été publiés par l'UECNA, par l'Observatoire de l'économie et des institutions locales, par l'Institut universitaire de médecine du travail de Rennes, par le Ministère de l'emploi et de la solidarité, ainsi que par quantité de médecins, scientifiques et spécialistes. Le 3 décembre 1999, un collectif « santé et nuisances aériennes » a publié un appel, réclamant notamment l'interdiction des vols de nuit. En 1998 déjà, les ministres des transports et de l'environnement avaient commandé une enquête sur les gênes sonores réalisée auprès de 1 483 personnes vivant dans trente-six communes autour d'Orly et de Roissy : le bruit de ces aéroports en gênait fortement 18 % et assez fortement 30 %. La réduction du bruit des avions était une priorité pour 28 % !

Pour ceux qui ont répondu à ce questionnaire, il n'y a qu'entre 7 heures et 9 heures le matin et 18 heures et 20 heures, en soirée, que le bruit des avions se fond avec celui d'autres sources, notamment le bruit routier, et c'est l'importance de l'émergence du bruit qui est gênante, c'est-à-dire le nombre de décibels au-delà du bruit ambiant.

La gêne, qui ne varie guère, en fonction du sexe, de l'âge ou de la catégorie socioprofessionnelle, induit des perturbations du comportement : 51 % des personnes interrogées évoquent une difficulté pour suivre une conversation, 49 % pour écouter la radio ou la télévision et 30 % disent que le bruit des avions les empêche d'ouvrir la fenêtre durant la nuit. Sur 44 % qui envisage de déménager, 10,5 % le feraient en raison de ce même bruit. Enfin, sur les 16 % qui témoignent dormir mal, environ la moitié déclare que c'est en raison de cette nuisance précise.

Toutes ces réponses sont très cohérentes entre elles, le niveau moyen de gêne augmentant effectivement avec les représentations négatives liées au bruit des avions, à ses effets sur la santé ou à la dépréciation subjective des biens immobiliers.

Au moment où des milliers de riverains se mobilisent dans toute l'Europe et où d'autres refusent la réalisation de projets comme celui du troisième aéroport international, il nous faut choisir entre la fuite en avant ou le développement maîtrisé du trafic aérien. La fuite en avant consisterait à réfléchir aux nouveaux aéroports qu'exige le seul développement de la concurrence sauvage entre les compagnies aériennes et à réduire les contraintes de celles-ci au strict minimum. Elle serait évidemment contre-productive et le moment est donc venu de rompre avec la logique du primat de l'économie, c'est-à-dire de penser le trafic et le développement des aéroports en fonction de l'environnement humain. La production de nuisances sonores n'est pas inéluctable.

Bien sûr, j'entends les entreprises dire que nous voulons leur mort, qu'elles seront obligées de partir à l'étranger, que nous serons responsables de la perte de nombreux emplois : en bref, que les écologistes sont irréalistes et jusqu'au-boutistes. Mais de quelle économie parlons-nous ? De celle des grandes sociétés qui pensent que la croissance de leur activité et de leurs gains interdit d'entraver si peu que ce soit leur stratégie, ou de celle qui viserait au développement durable cher aux Verts ? Il me semble que les irréalistes sont plutôt les décideurs qui refusent de tenir compte des personnes, qu'il s'agisse d'aéroports ou de Danone et Marks & Spencer !

Vous allez me répondre qu'en créant des emplois, les entreprises pensent à elles, que la taxe professionnelle permet aux communes de s'équiper... Mais doit-on créer des emplois au détriment de la santé des riverains ? Le coût social induit par le bruit des transports doit-il encore être supporté par la collectivité ? Doit-on servir aveuglément la croissance du transport aérien, qui entraîne la multiplication des mouvements et la construction de nouveaux aéroports ?

Et puis il y a la « demande sociale », cette tarte à la crème du marketing qui essaie de nous faire croire que ce sont les consommateurs qui réclament de partir de plus en plus souvent par avion ou qui exigent un acheminement rapide des lettres et colis. Je ne nie pas ces besoins nouveaux, mais ils sont pour beaucoup créés par une bonne publicité des compagnies et des agences de voyage et se développent au détriment des besoins élémentaires que sont le sommeil et le repos.

Toutes ces résistances ne sont pas nouvelles, au reste. C'est seulement en 1972, lors de la conférence des Nations unies sur l'environnement, que la position et le rôle de l'Organisation de l'aviation civile internationale ont été définis dans une résolution prenant acte des effets néfastes que l'activité aérienne peut exercer sur l'environnement. Quant aux premières conclusions du Comité sur le bruit des aéronefs relatives à la certification acoustique des avions à réaction subsonique, elles ne remontent qu'au 6 décembre 1972 et sont entrées en application le 16 août 1973. Or les riverains des aéroports avaient réagi vivement dès l'apparition des Boeing 707 et des DC 8, en 1958. Il aura donc fallu plus de dix ans pour que l'ONU convoque en 1969 des experts pour examiner ces problèmes et 23 ans pour que soient publiées les normes sur la pollution de l'atmosphère par les émissions toxiques des réacteurs !

Aujourd'hui, nous nous devons de mettre en _uvre la logique du développement durable à laquelle la France a adhéré lors du Sommet de Rio et qui est celle de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. La maîtrise du transport aérien nécessite une réflexion sur l'ensemble de la politique des transports, tous modes confondus, sur le modèle des schémas des services collectifs des transports de voyageurs et de fret.

La législation actuelle et l'innovation technique sont en effet insuffisantes pour satisfaire à la légitime demande d'une véritable qualité de vie et, surtout, ne répondent pas aux exigences d'un développement durable, c'est-à-dire d'un développement qui intègre la nécessité du développement économique sans négliger pour autant les aspects sociaux et environnementaux. Ce développement nous impose une véritable solidarité entre les différentes populations, celles qui utilisent les avions et celles pour lesquelles le ciel est le plus bel endroit de la terre. Il se préoccupe également d'une solidarité avec les futurs héritiers de notre patrimoine national et planétaire.

La limitation, en fonction du bruit émis, des décollages et atterrissages des aéronefs la nuit est d'autant plus justifiée que nous voyons se développer des trafics spécifiques, comme celui de fret, assurés par des compagnies comme FEDEX à Roissy, TNT à Liège-Bierset ou DHL à Strasbourg. Elle est non seulement la condition d'un développement durable et soutenable pour tous, mais elle est aussi de l'intérêt des compagnies aériennes et des exploitants d'infrastructures aéroportuaires, qui doivent comprendre que le rejet par les populations serait encore plus pénalisant pour leur développement que les nouvelles contraintes.

Mais c'est aussi par une politique globale qu'il est possible de réduire le trafic aérien : il faut que ce mode de transport s'achète à son juste prix, ce qui suppose de couvrir ses coûts environnementaux par une taxe sur le kérosène et de l'assujettir à la TVA, diminuant ainsi sa compétitivité au profit d'autres moyens de transports. Il faut développer les liaisons ferroviaires à grande vitesse et interconnecter les réseaux TGV d'Europe ; remettre en question une orientation ultra-libérale et dérégulatrice, qui induit une explosion anarchique des transports ; répartir le trafic sur l'ensemble des plates-formes françaises ; exploiter les progrès technologiques susceptibles de réduire le niveau du bruit émis et sa propagation, ainsi que l'émission des polluants. L'effort doit également porter sur les procédures opérationnelles : adoption de pentes d'atterrissage et de décollage différentes, sortie plus tardive des volets, des trains, modification des trajectoires... Enfin, il faut re-réguler le trafic en exploitant les aéroports en fonction de la gêne supportable par les riverains : limitation du nombre de créneaux horaires, réduction du trafic en pleine journée et les week-ends, réduction des vols de nuit en fonction du bruit des avions.

J'espère donc que l'Assemblée votera à l'unanimité la proposition soumise par les Verts, ouvrant la voie à une amélioration de la situation des riverains et à une re-régulation d'un trafic livré aujourd'hui aux seules lois du profit !

M. Jean Ueberschlag - Pour mesurer l'importance de la proposition qui nous est soumise, il faut habiter près d'un aéroport, subir cet incessant ballet de décollages, qui s'apparente à un supplice chinois et devient, la nuit, proprement insupportable, d'autant que s'y ajoute souvent le bruit des essais moteurs. C'est pourquoi je suis surpris que les responsables des aéroports et de la navigation aérienne habitent toujours ailleurs que dans les zones exposées au bruit, tandis que les riverains, eux, sont traités comme quantité négligeable. Sans doute a-t-on élaboré des chartes de protection de l'environnement, mais il s'agit là le plus souvent de dispositifs servant d'alibi pour calmer les esprits.

Les aéroports bénéficient d'une situation d'exception. Ainsi, la définition des couloirs aériens ne fait pas l'objet d'une enquête publique. Sur ce point, la proposition de Didier Julia est la bienvenue. Rien non plus ne justifie l'exception fiscale dont jouissent les aéroports. Ces derniers sont exemptés de TLE, la loi d'orientation foncière de 1967 risquant de les soumettre à une double imposition. Mais ce risque a depuis longtemps disparu et il est scandaleux que les aéroports continuent d'être exonérés de TLE. De même, les aéroports bénéficient d'une réduction d'un tiers des valeurs locatives dans le calcul de l'assiette des impôts locaux. Pourquoi ? J'ai déposé deux fois des amendements au projet de loi de finances, que les gouvernements Juppé puis Jospin ont successivement repoussés. Enfin, les permis de construire des aéroports sont délivrés par l'Etat et non par les communes d'assise.

Aussi la proposition défendue par M. Cochet vient-elle, à point, et a-t-elle le mérite d'ouvrir le débat, même si nous regrettons de ne disposer du rapport qu'en toute dernière minute. Il est bon d'avoir l'occasion d'affirmer que la légitimité appartient non pas à la DGAC mais à la représentation nationale. La notion de développement acceptable doit s'appliquer aussi aux aéroports, pour lesquels tout ne doit plus être permis.

Pour que les aéroports se fassent accepter, des concessions sont nécessaires surtout pour le trafic de nuit. Sans doute des restrictions ont-elles été édictées, mais des tricheries ont permis de les contourner, par exemple la « hushkittation » de certains appareils. Là aussi un effort s'impose.

Le vote de cette proposition, objecte-t-on, entraînerait une distorsion de concurrence au détriment de nos aéroports. Or beaucoup de pays, je le sais, aimeraient aller dans le même sens que nous, mais n'osent pas, encore que la ville de Zurich ait décidé pour l'an prochain un couvre-feu total pour le trafic aérien.

Quant à la législation communautaire qui pourrait faire difficulté, l'Union européenne a bien légiféré sur le bruit des tondeuses à gazon ! Elle pourrait donc bien le faire sur celui des avions ! (Sourires)

Oui, cette proposition vient à point, sous bénéfice de quelques aménagements. Par exemple, les restrictions devraient frapper davantage les décollages que les atterrissages car lorsqu'un avion a décollé peu avant 23 heures, il faut bien qu'il se pose quelque part un peu plus tard !

Contrairement à certaines affirmations, le texte proposé aidera l'ACNUSA bien plus qu'il ne la gênera. De même, il n'est pas du tout sûr que pénaliser le trafic aérien favorisera des modes de transport polluants comme la route, pas plus qu'il n'est évident que le développement du rail allégera le trafic aérien. En revanche, il existe un autre mode de transport particulièrement écologique, la voie fluviale. Je regrette que M. Cochet et la ministre issue du même groupe aient, par un coup de poignard assassin, supprimé la liaison Rhin-Rhône !

M. Jacques Myard - C'est vrai !

M. Jean Ueberschlag - Il faudra m'expliquer une telle incohérence ! Mais ce n'est pas le jour. La proposition que nous examinons tendant à soulager les riverains des aéroports, je la voterai personnellement (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Claude Billard - Vouloir réduire les nuisances sonores provoquées pour le trafic aérien nocturne répond aux préoccupations légitimes des riverains, de leurs associations et de leurs élus. Dans un contexte de libéralisation et de mondialisation, le trafic aérien explose littéralement sur de nombreux aéroports, et les nuisances sonores y augmentent dans la même proportion.

Ce problème, sensible le jour, devient la nuit une véritable question de santé publique. Le système auditif peut être atteint, les troubles du sommeil ont parfois de graves conséquences, tant cardiaques que psychologiques. Les gênes ainsi provoquées par le trafic aérien de nuit toucheraient environ 500 000 riverains, auxquels il faut répondre. Certaines normes existent déjà, fixées en tenant compte à la fois des préoccupations environnementales et des enjeux économiques. Ainsi l'aéropostale fournit la majorité des vols nocturnes, et les aéroports doivent aussi pouvoir accueillir les vols transcontinentaux assujettis aux longues distances et aux décalages horaires.

Cependant les progrès techniques ont permis de réduire les nuisances sonores des avions et, en particulier sous l'impulsion du ministre Jean-Claude Gayssot, le Gouvernement a pris des mesures substantielles, y compris la création en 1999 d'une autorité indépendante de contrôle, dotée de pouvoirs de recommandation et de sanction.

Toutefois, face à l'ampleur du problème, le dispositif existant ne suffit plus. Faut-il interdire totalement les vols de nuit ? Cette décision serait difficile à appliquer si elle était uniforme pour tout le territoire et prise unilatéralement au sein de l'Union européenne. Il s'ensuivrait une distorsion de concurrence entre aéroports européens et un risque de transfert d'activités vers la route, source de nouvelles nuisances.

En revanche l'ACNUSA, en recommandant de sanctionner entre 22 heures et 6 heures tout survol engendrant un niveau sonore supérieur à 85 décibels en dehors des zones A et B, fournit une bonne base pour améliorer la législation.

La grande sagesse du président Lajoinie, les discussions qui ont eu lieu au sein de la commission de la production et avec le Gouvernement nous permettent d'aboutir à un texte équilibré, prenant en considération les exigences environnementales et de santé publique en même temps que les réalités économiques.

M. Alain Moyne-Bressand - L'accroissement très rapide du trafic aérien a provoqué la multiplication des associations d'élus et de riverains dénonçant la dégradation des conditions de vie à proximité des aéroports. Les décollages et les atterrissages de nuit engendrent de graves troubles du sommeil, susceptibles d'entraîner problèmes cardiaques, stress, dépression.

Faire de la politique n'a de sens qu'en restant à l'écoute des citoyens ; en l'espèce, ils lancent des appels de détresse auxquels le groupe DL, loin de justifier l'image du « profit à tout prix » dont certains l'affublent volontiers, entend répondre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs textes législatifs et réglementaires existent déjà. Ne faudrait-il pas commencer par les faire respecter ?

Les normes de bruit arrêtées par l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires sont violées. De nombreux pilotes ne respectent pas l'impératif de gagner au plus vite l'altitude de 3 000 pieds au-dessus de l'aéroport et quittent prématurément la zone de navigation obligatoire. De même, pour accélérer leur descente, ils n'hésitent pas à raccourcir leur trajectoire. Par ailleurs, trop d'appareils anciens, classés comme particulièrement bruyants, continuent à voler. Toutes ces infractions devraient être plus systématiquement sanctionnées ; 1 000 amendes seulement ont été prononcées l'année dernière.

Par ailleurs, dans l'étude d'impact prévue par le code de l'aviation civile en cas de création ou d'extension d'un aérodrome, il convient de faire figurer une étude sur le bruit. Déplorant que la protection de la santé humaine soit insuffisamment prise en considération, Jean-François Mattei, dans son rapport sur les liens entre la santé et l'environnement, avait suggéré que le ministère chargé de la santé soit saisi ou se saisisse de toute étude d'impact pour donner un avis.

Ne pourrait-on envisager de demander aux entreprises de fret d'embaucher en priorité des personnes résidant dans les communes les plus exposées au bruit ? Les nuisances subies seraient alors accompagnées d'une juste contrepartie, de la même façon que l'installation d'une centrale nucléaire ou d'un barrage fait bénéficier les communes environnantes de retombées économiques.

En conclusion, le débat de ce jour montre bien qu'il est désormais impossible de ne pas prendre en considération les aspirations légitimes de la population en termes de qualité de vie. Je rejoins les conclusions de l'ACNUSA quant à la nécessité de définir un nouvel indice de bruit ; outre les spécifications techniques des appareils, il devra prendre en compte la gêne ressentie par les populations.

Le groupe démocratie libérale ne votera donc pas cette proposition de loi : sa position sera l'abstention constructive.

M. Jean-Pierre Blazy - Je pensais pouvoir me féliciter de l'initiative de notre collègue Yves Cochet qui avait le mérite, après l'adoption de la loi portant création de l'ACNUSA dont j'ai été le rapporteur, d'aborder à nouveau la question des nuisances aéronautiques. A cet égard, si je me réjouis de voir l'ACNUSA travailler, je déplore que les CCE ne soient pas encore mises en place et que le décret sur la zone D ne soit pas publié.

Les vols de nuit sont un problème essentiel en France et en Europe. Partout des riverains en colère manifestent, en Belgique et en Italie les gouvernements se mobilisent, en Allemagne la voie de la négociation a été choisie concernant l'extension de l'aéroport de Francfort et la suppression des vols de nuit. Chez nous, un groupe d'études vient d'être constitué sous la présidence de Martine David et plusieurs propositions de loi ont été déposées.

La situation est très inégale selon les aéroports. En ce qui concerne les aéroports parisiens, si Orly bénéficie d'un couvre-feu total, Roissy subit un accroissement des nuisances la nuit, du fait même de l'explosion du trafic -le nombre de mouvements d'avions entre 22 heures et 6 heures étant passé de 41 908 en 1997 à 57 731 en 2000, soit une augmentation d'environ un tiers. Les mesures prises par le Gouvernement en 1997 et 1998 s'avèrent insuffisantes et les objectifs de la charte de qualité de l'environnement sonore ne sont pas tenus. Je crains vivement que la refonte des couloirs aériens en Ile-de-France et les retards pris pour la réalisation du troisième aéroport parisien ne viennent aggraver la situation.

J'ai toujours été et je reste favorable à une interdiction totale du trafic commercial entre 23 heures et 6 heures, à laquelle M. Cochet accepte de renoncer.

M. Cochet semble désormais vouloir s'inspirer de la proposition rendue publique la semaine dernière par l'ACNUSA, qui retient un indice de 85 dbA, appelé à être « progressivement abaissé dans les années futures pour tendre vers une nuisance zéro, voire vers l'interdiction totale » -ce qui suppose qu'il ne soit pas gravé dans le marbre de la loi.

Cet indice ne concernera qu'un nombre insuffisant d'appareils, alors qu'un indice de 80 dbA aurait un impact réel.

Par ailleurs, l'ACNUSA préconise d'agir par arrêtés ministériels et ne tient pas compte de la mise en place des nouveaux PEB et PGS. Or, fondées sur l'indice LDEN et non plus sur l'indice psophique, les nouvelles courbes de PEB mesureront mieux la gêne réellement ressentie. D'après les mesures prises durant 65 jours à la station de mesure de bruit de Gonesse qui devrait être située dans la future limite entre zone B et C du nouveau PEB, un indice de 85 dbA ne concernerait que 1 % des avions, alors qu'un indice de 80 dbA concernerait 44 % des avions, dont les B747-200, qui ont plus de 25 ans.

On sait en effet qu'une émergence sonore supérieure à 50 dbA déclenche le réveil. Le seuil de 80 dbA, qui correspond à un niveau de 50 dbA fenêtres fermées dans un logement non insonorisé, permettrait de garantir la qualité du sommeil des riverains et doit donc être l'objectif à atteindre au plus vite.

Je souhaiterais que M. Cochet clarifie sa position et celle de son groupe sur la question du troisième aéroport parisien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). On ne peut demander l'interdiction des vols de nuit sur tous les aéroports et refuser la création du troisième aéroport parisien en dehors de l'Ile-de-France, alors même que le plafond de 55 millions de passagers sera bientôt atteint. Le rapporteur a-t-il conscience que sa proposition est susceptible de remettre en question le couvre-feu à Orly et la situation d'autres aéroports français ?

Monsieur le ministre, indépendamment de l'étrange épisode législatif auquel nous assistons, serez-vous en mesure, dans les mois qui viennent, de mettre en _uvre concrètement les recommandations de l'ACNUSA ? L'exigence est aujourd'hui d'autant plus grande qu'un espoir est né. Figer un degré de nuisance dans la loi paraîtra insuffisant à tous les riverains. Je souhaite que notre discussion ne soit pas un simple exercice de style, un simulacre. Qu'on ne compte pas sur moi pour cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe UDF, du groupe RPR et du groupe DL)

M. Yves Bur - Comme tous les pays, la France a connu, durant les deux dernières décennies, un développement sans précédent du transport aérien. Cette évolution a été accélérée par la mondialisation des échanges et soutenue par les progrès technologiques de l'industrie aéronautique.

Cette révolution du transport aérien reste un facteur de croissance dont notre pays a su profiter : elle a suscité, autour des plateformes aéroportuaires, une intense activité économique. Les aéroports constituent toujours des bassins d'emplois très dynamiques.

Mais le transport aérien est aussi cause d'un certain nombre de nuisances, dont la plus importante est le bruit, de moins en moins bien supporté par la population. Selon une enquête de l'INSEE réalisée en 1996, 43 % des ménages vivant en milieu urbain se plaignent du bruit. Les conséquences sur la santé commencent à être étudiées. Les répercussions du bruit sur l'organisme sont aussi bien somatiques que psycho-somatiques et peuvent constituer une véritable souffrance. Le docteur Alain Muzet, directeur de la recherche au CNRS et membre de l'ACNUSA, indique que plusieurs études, bien qu'imprécises, donnent à penser qu'il y a surconsommation de médicaments à proximité des grandes sources de bruit. Ainsi, une étude conduite autour de l'aéroport d'Amsterdam, révèle que les taux de consultation et de prescription médicale étaient de 9,5 % dans les zones exposées au bruit et de seulement de 5,7 % dans les zones les plus calmes. Alain Muzet en conclut que ce surcroît de consultation médicale et de surconsommation médicamenteuse ne s'accompagne pas forcément d'une augmentation parallèle de pathologie, mais traduit, au moins, une qualité de vie dégradée et la recherche d'un soutien.

Les populations riveraines des aéroports ont manifesté leur ras-le-bol, parfois à l'occasion de projets de développement, comme ce fut le cas à Strasbourg, en 1996, avec l'affaire DHL. Les pouvoirs publics, comme souvent, n'ont pas su anticiper cette exaspération et la France est en retard dans la lutte contre les nuisances. Nos grands aéroports ne se dotent de commission consultative pour l'environnement que depuis quelques années. Ils restent notoirement sous-équipés, alors que des systèmes de mesure des nuisances sonores permettraient de mesurer de manière objective l'importance de celles-ci et les comportements fautifs de certaines compagnies ou de certains pilotes. L'aéroport de Strasbourg ne disposera d'un système opérationnel, couplé avec un radar, que vers la fin de cette année.

Concernant le fonctionnement des aéroports, il n'existe que peu de règles. La plupart des plateformes aéroportuaires sont opérationnelles 24 heures sur 24, ce qui autorise toutes les dérives et tous les excès. Enfin, ce n'est que par la loi du 12 juillet 1999 qu'a été créée la première autorité indépendante, au moment de l'extension de Roissy en 1997. Cette autorité, compétente pour tous les aéroports, a un pouvoir de recommandation, un pouvoir d'alerte et d'information. De plus, pour les neuf principaux aéroports, l'ACNUSA dispose d'un pouvoir de prescription et de consultation, notamment pour les plans de gêne sonore ou d'exposition au bruit. Elle a enfin un pouvoir de sanction.

La création de l'ACNUSA a constitué une avancée considérable. Son premier rapport d'activité et le compte rendu qu'elle en a fait lors de sa conférence de presse du 18 avril dernier montrent sa volonté d'assumer ses responsabilités avec rigueur. Les collègues qui ont participé au débat de 1999 peuvent être satisfaits.

Il est étonnant que ce soit au moment où cette nouvelle autorité de contrôle émet ses premières recommandations -qui semble satisfaire les riverains, leurs élus et les associations- que nous devions débattre d'une proposition qui, à l'origine, visait à interdire tout mouvement nocturne sur l'ensemble des aéroports nationaux.

Si à titre personnel et en tant que riverain d'un aéroport, je ne peux être que favorable à tout texte tendant à préserver la qualité de sommeil des riverains des aéroports, je m'interroge sur les motivations politiques d'une telle proposition déposée le 27 mars 2001, que notre collègue Cochet aurait aussi bien pu défendre pendant le débat de 1999. Les explications sont peut être à chercher dans sa circonscription ou dans la volonté de ses amis de gêner le Gouvernement.

Il faut s'interroger aussi sur l'impact d'une telle décision, prise isolément, dans un espace européen unique. Personne ne peut nier l'importance du transport aérien dans la dynamique de croissance. Si le nombre des plateformes s'est multiplié, c'est bien parce que chaque territoire ressent le besoin d'être desservi et d'avoir accès au réseau national, européen et mondial.

Aujourd'hui, et demain bien davantage avec l'extension des réseaux par Internet, les entreprises et leurs clients feront appel aux facilités du transport aérien et des services complémentaires de messagerie, que bien souvent les communes riveraines s'arrachent pour profiter des retombées économiques de ce secteur en pleine expansion.

Personne, cependant, ne peut ignorer l'aspiration des populations riveraines à la préservation de leur qualité de vie, elles n'ont pas à subir sans restriction les nuisances causées par l'activité économique.

Notre responsabilité est bien de trouver un point d'équilibre, de concilier les impératifs de l'économie et ceux de la qualité de vie. Il faut trouver les conditions d'un développement durable, seule façon de ne pas susciter de réactions extrêmes. C'est bien parce que l'on a trop tardé à entendre les riverains que nous devons aujourd'hui débattre d'une proposition radicale. Nous proposons de sortir de ce débat par des engagements qui permettront de satisfaire les riverains.

Les amendements adoptés ce matin en commission reprennent des propositions de l'ACNUSA particulièrement intéressantes. En effet, « considérant que l'arrêt des vols de nuit n'est pas plausible à l'heure actuelle de façon unique au sein de la Communauté européenne et uniforme sur tout le territoire national », elle a défini un indice maximal de 85 dbA à l'intérieur des zones A et B, qui sera progressivement abaissé dans les années futures, pour tendre vers une nuisance zéro, voire vers l'interdiction totale. Cependant, cette mesure de limitation de la nuisance n'est pas du même niveau qu'une interdiction de vol pendant certaines plages horaires nocturnes, que nous avons négociée à Strasbourg.

De plus l'ACNUSA propose un indice de planification plus adapté à la gêne ressentie, le « Lden ». Elle recommande aussi de renforcer les règles d'urbanisme autour des aéroports. Elle préconise notamment un fort élargissement de la zone B, pour en empêcher l'urbanisation et un moindre élargissement de la zone C, pour limiter toute augmentation significative des populations soumises aux nuisances sonores. En outre, la limite extérieure de la zone C ne doit plus être modulable, afin d'assurer une protection identique autour de tous les aéroports. Enfin, l'ACNUSA recommande que des arrêtés ministériels fixent les conditions d'utilisation des plates-formes et des trajectoires pour rendre applicables les sanctions. Elle demande que les objectifs de protection des riverains soient précisés.

Monsieur le ministre, l'Etat est devant ses responsabilités. Le groupe UDF demande que ces recommandations nuancées trouvent une application rapide.

Encadrer le fonctionnement des aéroports, loin d'arrêter leur croissance, permet d'éviter des manifestations de rejet préjudiciables au développement des plates-formes. La mobilisation des élus et des riverains de l'aéroport de Strasbourg a empêché DHL d'y installer un pôle européen.

Aujourd'hui nous avons trouvé un équilibre qui pourrait servir d'exemple. L'aéroport est fermé de 23 heures 30 à 6 heures, sans qu'un arrêté ministériel l'impose. Une commission de voisinage, qui réunit à parité acteurs du transport aérien et élus des communes riveraines et que je copréside, a permis de rétablir le dialogue et de préparer l'installation d'un système de sonométrie ainsi que le futur plan d'exposition au bruit.

Avec le groupe UDF, je voterai la proposition modifiée en commission, en exigeant que le Gouvernement s'engage à concrétiser dans les meilleurs délais les recommandations de l'ACNUSA. A défaut, vous prendriez le risque que la mobilisation des riverains s'accentue au point de compromettre le développement aéroportuaire. L'interdiction des vols nocturnes serait alors la seule réponse.

Il importe que l'ensemble des mesures soient débattues au niveau européen, afin qu'une réglementation unique traduise sur l'ensemble de l'espace européen la prise en compte des aspirations des riverains. Cela contraindra les compagnies aériennes à préserver la qualité de vie de ceux qui subissent leur activité.

Cette pédagogie sera alors exemplaire en Europe : elle conduira dans un délai raisonnable à l'objectif zéro vol de nuit. Un objectif qui reste aussi celui de l'ACNUSA (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Blazy - Très bien !

Mme Martine David - C'est avec satisfaction que j'accueille la tenue de ce débat. Plusieurs propositions de loi ont déjà témoigné de la nécessité de répondre aux attentes des populations exposées aux nuisances sonores des plates-formes aéroportuaires.

Une pure et simple interdiction des vols nocturnes se serait révélée inapplicable. Elle aurait représenté un véritable séisme dans les conditions actuelles d'activité aéronautique alors que nous devons faire face à une augmentation inéluctable du trafic aérien, qu'il s'agisse du fret, notre pays étant classé quatrième exportateur mondial, ou du trafic de voyageurs.

Cela n'en rend pas moins intolérable la situation des riverains des plates-formes aéroportuaires, et je pense en particulier à Lyon Saint-Exupéry. Exposés à des nuisances sonores qui perturbent gravement leur sommeil, ils ne supportent plus leurs conditions de vie et n'entendent pas, c'est bien légitime, être sacrifiés sur l'autel du bien-être collectif.

Je crois donc nécessaire d'étudier tous les moyens d'action envisageables. Je me réjouis à cet égard que l'Assemblée ait créé, à l'initiative de M. Jean-Pierre Blazy et à la mienne, un groupe d'études sur les vols de nuit et les nuisances aéroportuaires, dont vous m'avez fait l'honneur de me confier la présidence.

Ce groupe d'études, qui rassemble déjà une cinquantaine de députés, a tenu sa première réunion la semaine dernière. Il entend travailler en partenariat avec les pays voisins, dont certains ont déjà mis en _uvre des dispositions intéressantes. Il auditionnera tous les acteurs concernés.

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui ne constitue en effet qu'une première avancée dès lors qu'il n'aborde pas le problème à l'échelle internationale. Les propositions de notre groupe d'études donneront matière, je l'espère, à de nouvelles étapes législatives, par exemple qui réduiront progressivement les seuils de décibels admis ou interdiront totalement, pourquoi pas, le trafic de nuit.

Malgré les insuffisances de ce texte, je me félicite qu'un dialogue se soit instauré, sans doute pour la première fois, entre les différents partenaires. Les mesures proposées aboutiront à quelques avancées concrètes dans la lutte contre le bruit. La plafond de 85 décibels préconisé par l'ACNUSA garantit que les pouvoirs publics ne s'en tiendront pas à un catalogue d'intentions. Bien consciente que ce texte ne correspond pas aux attentes des riverains, j'espère du moins qu'il connaîtra une application rapide puisqu'il peut nous revenir du Sénat dans quelques semaines, et qu'il sera complété par d'autres lois. Si le ministre prend des engagements à ce sujet, je le voterai.

M. Jean Bardet - Il était temps, Monsieur Cochet ! Cette mandature est dans sa dernière année et, enfin, vous commencez à tenter d'appliquer votre programme électoral : « Avec moi, les nuisances de Roissy diminueront » ! Il faut dire que vous avez besoin de redorer votre blason dans votre septième circonscription du Val d'Oise. Après votre désertion à la manifestation du 20 mai 2000 à l'aéroport, où votre nom a été conspué...

M. le Rapporteur - J'y étais !

M. Jean Bardet - ...après votre pas de clerc dans le 14ème arrondissement de Paris, vous êtes bien obligé de revenir dans ce Val d'Oise que vous connaissez si peu. Mais je ne crois pas que cette tentative changera quoi que ce soit s'agissant de votre réélection, surtout si les amendements adoptés ce matin en commission sont votés.

Enfin, vous l'avez fait. Enfin vous proposez d'interdire les vols de nuit. Je ne ferai pas la fine bouche et je voterai ce texte, dans son état initial, car, comme dit le proverbe chinois, il faut savoir boire quand il pleut.

Le bruit des vols de nuit est une atteinte fondamentale au droit à la santé des riverains des aéroports.

Le bruit nuit gravement à la santé. Il agit de façons très diverses sur l'audition mais aboutit toujours à une perte d'audition. Un bruit temporaire supérieur à 85 décibels entraîne une diminution de la perception de la voix normale. Le bruit d'un Airbus 330 au décollage est de 80 à 84 décibels soit guère plus élevé que celui d'une arrivée, mais la perception acoustique étant logarithmique, il peut être en fait dix fois supérieur. Une détonation ou le bruit d'une baffle de 20 000 watts peuvent être responsables d'un traumatisme définitif de l'oreille interne.

Le bruit est aussi responsable de stress. Des études épidémiologiques ont montré que la consommation médicale des populations exposées au bruit était supérieure à celles des autres, notamment pour les tranquillisants, les consultations psychiatriques, les internements. A l'heure où les dépenses de sécurité sociale explosent à nouveau et où l'on stigmatise l'utilisation des calmants, ceux qui défendent les vols de nuit pour des raisons économiques devraient prendre cet aspect des choses en considération.

Le bruit perturbe aussi gravement le sommeil. L'homme a un rythme circadien basé sur le nycthemere. Les personnes qui, pour des raisons diverses, doivent dormir le jour peuvent avoir des pathologies propres à l'inversion de ce rythme.

Le sommeil lui-même est cyclique et divisé en cinq stades. Le cinquième est celui du sommeil paradoxal, celui pendant lequel se fait la maturation du système nerveux chez le jeune enfant, la mémorisation, le rêve, et la récupération psychique chez l'adulte.

Lorsqu'un bruit réveille le dormeur, le succession des stades est interrompue, le repos psychique est moins bon et l'équilibre nerveux et psychologique est perturbé. Il a été démontré qu'un bruit de 40 décibels altère le sommeil paradoxal et un bruit supérieur à 45 décibels le sommeil profond. On est loin du bruit d'un Airbus au décollage.

Le bruit agit enfin sur le système cardio-vasculaire, et pas seulement par l'intermédiaire du stress. Certaines études épidémiologiques suggèrent une relation entre l'exposition aux bruits aériens et l'hypertension artérielle.

Tous ces faits ont d'ailleurs été reconnus par le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale au Sénat le 16 mars 2000.

En conclusion, le bruit n'est pas la première cause de maladie professionnelle mais celle qui coûte le plus cher. Une étude déjà ancienne car ce sujet n'intéresse pas grand monde, évaluait son coût à 25 milliards. Il représente en particulier 11 % des arrêts de travail, 15 % des arrêts maladie et 20 % des internements psychiatriques.

Et ces chiffres ne tiennent pas compte des retards scolaires, du manque de production, de l'agressivité, voire de la violence. Ils ne sont pas liés aux seuls vols de nuit, mais aussi à l'automobile, aux transports ferroviaires, à l'industrie ou aux agglomérations urbaines.

Ce texte n'épuise donc pas le problème de la lutte contre le bruit et ceux qui sont opposés à cette proposition de loi pour des raisons économiques feraient bien d'intégrer toutes les données.

Cette proposition va dans le sens des conclusions de l'Autorité de contrôle des nuisances aérienne aéroportuaires du 17 avril 2001.

Soyons plus audacieux qu'elle : c'est au Parlement de faire la loi et non à telle ou telle autorité, si compétente soit-elle (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Dominique Bussereau - Je vais exprimer ici un point de vue différent. Je suis hostile à cette proposition de loi comme à l'ensemble de la politique du ministre dans le domaine aérien.

Premier exemple : l'affaire AOM-Air Littoral-Air Liberté, dans laquelle on ne vous entend guère, sauf pour invectiver le président du MEDEF (Approbations sur les bancs du groupe socialiste).

Air France affrète à ce jour 28 compagnies étrangères. Il serait séant, en tant qu'actionnaire majoritaire, que vous lui demandiez d'avoir recours à ces trois compagnies, avant de vouloir donner des leçons à Danone et à Marks & Spencer.

Deuxième exemple : la construction d'un troisième aéroport en région parisienne. Je voudrais rappeler les conséquences funestes, pour les finances publiques et pour l'aménagement du territoire, de la décision du ministre. La proximité du troisième aéroport a donné lieu, dans chaque département où elle a été envisagée, à une levée de boucliers...

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - C'est faux !

M. Dominique Bussereau - ...dont nombre de membres de la majorité plurielle ont été victimes lors des dernières élections.

En décidant de plafonner Roissy à 55 millions de mouvements, alors que sa capacité est bien supérieure...

M. le Ministre - Elle est de combien ?

M. Dominique Bussereau - De 80 millions, vous le savez. En prenant donc cette décision, vous avez dû bloquer la mise en service de la quatrième piste de Roissy, qui est déjà construite. Vous avez menti à la représentation nationale : vous saviez que la limite serait atteinte l'année prochaine. Que ferez-vous alors ? Il ne s'agira plus de limiter, mais d'interdire l'accroissement du trafic. Et comme le troisième aéroport ne sera pas actif avant quinze ans, que ferons-nous d'ici là ? Que se passera-t-il entre 2002 et 2020 ? Je serais heureux que vous puissiez nous l'expliquer.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est une vraie question !

M. Dominique Bussereau - Je vous rappelle également que l'aéroport d'Orly est actuellement sous-utilisé, et notamment l'aérogare d'Orly-Sud, dont vous avez autorisé la rénovation. Est-ce une bonne utilisation des deniers publics ?

Notre opposition à la troisième implantation se fonde donc sur l'idée que les infrastructures existantes -et en particulier les plates-formes spécialisées- pourraient être mieux utilisées de même que les aéroports régionaux. Il n'y a pas de fatalité à ce que tout le trafic passe par Paris...

M. Jean-Pierre Blazy - Il y a aussi la Charente-Maritime !

M. Dominique Bussereau - ...en désengorgeant l'Ile-de-France on porterait remède pour partie aux difficultés réelles soulevées par notre rapporteur.

Du reste, avant de crier haro sur le baudet et de dénoncer les aéroports pour les nuisances qu'ils génèrent, n'oublions pas que ces infrastructures créent de l'emploi et de la richesse. Enfin, il est paradoxal d'entendre des représentants de la majorité plurielle dénoncer le trafic aérien nocturne cependant qu'ils prônent à l'envi le ferroutage : chacun sait en effet que l'essentiel du fret ferroviaire s'opère la nuit et que le renforcer conduirait à accentuer la nuisance sonore pour les millions de nos concitoyens qui vivent aux abords des voies !

Je ne conteste pas l'incidence médicale de l'accroissement du trafic aérien nocturne, excellemment mise en évidence par mon prédécesseur, mais elle ne doit pas masquer l'impact économique qu'aurait l'adoption de la présente proposition : abandon par Air France d'une part non négligeable de son activité, quasi-disparition de l'Aéropostale -avec des effets considérables sur la distribution du courrier sur le territoire et la suppression de plus de mille emplois-, réduction de moitié de l'activité de Fedex, perturbation dans la distribution des journaux en province, notamment du Figaro, mais cela ne vous concerne guère (Sourires).

Toutes ces raisons, qui tiennent à l'idée d'ensemble que je me fais de l'aménagement du territoire, me conduisent à considérer que cette proposition n'est qu'un leurre et qu'il serait souhaitable de privilégier, sur ces questions, une approche plus globale. Du reste, je suis curieux du sort qui lui sera réservé au terme des navettes et de voir si elle sera adoptée.

M. le Rapporteur - Mais je l'espère bien !

M. Francis Delattre - Ayant présenté il y a quelques mois une proposition comparable à celle-ci, je ne puis que partager ses motivations qui sont liées à notre bonne connaissance des problèmes des riverains des aéroports. Mon attention sur ces nuisances a en effet été appelée par le médecin responsable de l'unité psychiatrique de l'hôpital d'Eaubonne, qui m'a alerté, avec l'ensemble de ses collègues réunis en collectif, sur la surconsommation médicamenteuse en découlant dans l'ensemble du secteur de Roissy, y compris dans les « plans de zones » les plus éloignés des pistes.

Si la présente proposition vise tous les aéroports français, sa genèse est donc à rechercher dans la situation particulièrement défavorable de Roissy-Charles de Gaulle. J'avais alors proposé que soit instauré un couvre-feu car je ne voyais pas de raison de réserver ce système à l'aéroport d'Orly. Depuis lors, l'urgence qui s'attache à une telle évolution a d'autant moins failli que les restrictions de circulation décidées dans plusieurs aéroports européens, et notamment à Zurich, ont entraîné une intensification du trafic de Roissy -qui a progressé de plus d'un tiers en deux ans. Il serait donc logique que les populations exposées aux mêmes nuisances bénéficient des mêmes protections, qu'elles habitent aux abords de Roissy, d'Orly ou de Zurich !

Cela étant, M. Bussereau est fondé à relever l'impact économique de ces évolutions. Dois-je cependant rappeler que nous risquons d'enregistrer à Roissy dans les tous prochains mois plus de 500 000 mouvements par an ! 

M. Jean-Pierre Blazy - Ce chiffre est déjà atteint et dépassé !

M. Francis Delattre - Avec plus de cent mouvements par heure, de nouveaux couloirs aériens doivent être créés à l'Est et au Sud. Survolant l'Essonne et le Val-de-Marne, dans des zones à forte densité de population, ils génèrent des nuisances qui ont d'ores et déjà entraîné la mobilisation des riverains. Les pouvoirs publics devraient donc redoubler de précautions et fixer des limites au développement de Roissy. Si rien n'est fait, le cap des 800 000 mouvements annuels sera allègrement franchi et Roissy entrera dans la catégorie des aéroports invivables pour la population.

Monsieur le rapporteur, il est urgent d'inciter le Gouvernement à rendre ses arbitrages sur la troisième implantation, d'autant que, contrairement à ce qui se dit, nos collègues de province sont loin d'y être systématiquement opposés. Ainsi, les présidents des conseils généraux de la région Centre se sont déclarés prêts à accueillir le troisième aéroport !

M. Eric Doligé - Tout à fait !

M. Francis Delattre - L'explosion du trafic aérien est devant nous et il convient de s'y adapter sans plus attendre, en développant les aéroports de province et en se gardant des fausses solutions. La croissance du fret ferroviaire est ainsi directement liée aux possibilités d'interconnexion qu'offrent des plates-formes aussi actives que celles de Roissy. Il n'y a donc pas de possibilité de substitution puisque c'est l'intensité du trafic de Roissy qui favorise le recours au fret ferroviaire.

Il est urgent, Monsieur le ministre, de prendre des mesures et nous ne sommes pas par principe opposés à la présente proposition, si d'aventure elle échappe au piège des navettes ! Encore faudrait-il aussi qu'elle instaure expressément l'interdiction de tout trafic entre 23 heures et cinq ou six heures du matin, sans recourir à l'artifice du déclassement des appareils de chapitre 2 et chapitre 3 ou à quelque autre possibilité de dérogation que ce soit.

S'agissant ensuite du seuil de nuisance, je souscris aux arguments de M. Blazy tendant à le ramener à 80 décibels dans tous les cas. Un bruit évalué à 85 décibels n'est supportable que s'il est ponctuel et nous savons bien que cela ne s'applique pas aux nuisances aéroportuaires, dont le caractère répétitif est avéré.

M. Jean-Pierre Blazy - Très bien !

M. Francis Delattre - Il nous apparaît donc que ce texte peut être voté, sous réserve que des engagements clairs soient également pris en faveur d'une troisième plateforme visant à remédier enfin à l'engorgement excessif de Roissy et d'Orly (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR et quelques bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Rimbert - Le bruit constitue de nos jours la nuisance la moins bien tolérée par la population. Qu'il soit lié au volume excessif d'un poste de télévision, au mauvais réglage d'un vélomoteur ou à la présence d'un aéroport, le bruit doit donc être strictement réglementé, afin que les nuisances qui en découlent n'affectent plus notre bien-être. Du reste, nous disposons déjà de plusieurs textes tendant à en atténuer les effets, sur la santé comme sur l'environnement, de jour comme de nuit.

Après la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit, celle du 12 juillet 1999 avait créé l'ACNUSA, première autorité environnementale indépendante, témoignant ainsi de la détermination de ce gouvernement et de sa majorité. L'ACNUSA vient précisément de rendre un premier rapport, recommandant l'adoption de nouveaux indicateurs, la révision de la cartographie et des réglementations encadrant l'exploitation des aéroports, ainsi qu'un renforcement des règles d'urbanisme à proximité des aéroports. Or, à ce dernier propos, je note que, si 190 plans d'exposition au bruit des avions ont été élaborés depuis 1974 -mais surtout dans les années quatre-vingt, 16 seulement ont fait l'objet d'une révision : on peut donc s'interroger sur la situation actuelle, sachant que le trafic a augmenté très régulièrement. Des permis de construire ont été accordés et les plus modestes ont trouvé près des aéroports des prix attractifs pour réaliser leur rêve de logement, mais quelle est leur qualité de vie ? Vous avez réagi, Monsieur le ministre, en nous soumettant la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains : je souhaite que les schémas de cohérence territoriale qu'elle institue prennent en compte comme il convient les activités aéroportuaires. Mais les recommandations de l'ACNUSA vont en ce sens et je suis certain que vous en ferez bon usage, soucieux que vous êtes de concilier qualité de vie et développement économique, dans une perspective de développement durable.

Fallait-il une loi comme celle que propose M. Cochet, une loi pour faire appliquer la loi ? Nous partageons son souci de réduire les nuisances infligées aux riverains sans court-circuiter l'ACNUSA. Député d'un département où les nuisances aéroportuaires sont de plus en plus mal supportées et où l'on s'inquiète de la construction d'un nouvel aéroport, je suis personnellement sensible, en outre, à la nécessité de rassurer les populations. Cette proposition vient donc à point nommé. Elle rappelle ce que la majorité plurielle a déjà fait et ce à quoi elle s'est engagée. De plus, après discussion en commission, elle prend en compte les recommandations de l'ACNUSA, gagnant ainsi en crédibilité tant auprès des riverains, qui ne croient plus aux miracles, que des salariés des aéroports, que leur avenir préoccupe. Le groupe socialiste la votera donc. Il insistera simplement sur la nécessité de la concertation, de l'implication de ceux pour qui cette loi est conçue, ainsi que sur la nécessité de travailler à l'échelle de l'Europe : n'ajoutons pas à la concurrence fiscale entre pays de l'Union une concurrence sociale ! Le développement soutenable ne saurait être réservé aux seuls Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Besson - Je commencerai par vous livrer un scoop : les avions font du bruit !

Je reconnais que les nuisances sonores sont particulièrement gênantes, pour ne pas dire insupportables, aux abords des aéroports, et je sais que les riverains réclament légitimement une meilleure qualité de vie. Je partage aussi le souci de santé publique de nos collègues médecins, mais depuis quand la meilleure thérapie contre la migraine consiste-t-elle à couper la tête du patient ? Or c'est ce que vous vous apprêtez à faire ! Puisque les avions font du bruit, supprimons-les ! Ce n'est pas là une mesure responsable, ce n'est que du clientélisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) Oubliez-vous qu'à côté des 500 000 à 3 millions de riverains malmenés, il existe des dizaines de millions de Français qui ont besoin du trafic aérien de nuit ? N'est-ce pas en effet grâce à ce dernier que huit lettres sur dix sont distribuées le lendemain, y compris dans les régions les plus éloignées de Paris ? Et je ne parle pas de la Corse, Monsieur le ministre, mais interrogez seulement M. Zuccarelli à ce sujet...

En dépend aussi le droit à l'information : dans certaines régions, seul le transport aérien de nuit permet de distribuer la presse quotidienne nationale en temps voulu. N'ajoutons pas aux handicaps territoriaux existants : la France ne se résume pas à l'Ile-de-France ! (Murmures sur plusieurs bancs)

Ce trafic est aussi déterminant pour la compétitivité de nos entreprises, à qui la concurrence de pays où la main-d'_uvre est bon marché impose de compenser par des délais de livraison très brefs. L'absence de transport aérien de nuit réduirait leurs efforts en ce domaine à néant... et on ne peut la pallier par une intensification du trafic diurne, qui supposerait des rotations plus fréquentes : les aéroports existants sont saturés, avez-vous dit...

Enfin, ce transport est essentiel, non seulement pour les « intégrateurs » dont il vient d'être question, mais aussi pour « Europe-Air-Poste », compagnie aérienne de la Poste, fille de l'Aérospatiale, tout comme pour Chronopost, où l'Etat a des intérêts et qui fournit 4 500 emplois -soit plus que Marks & Spencer...

Vous êtes en outre en train de mettre un doigt dans un engrenage où tout risque de passer. Qu'est-ce qui empêchera demain les riverains des voies ferrées d'exiger l'interdiction des trains de nuit, les citadins celle des voitures et camions et les habitants des ports celle des ferries ? Puis viendra le tour des « mobs » dans les quartiers sensibles...

M. Didier Boulaud - Ou des voitures de police !

M. Jean Besson - Enfin, Monsieur le rapporteur, imaginez que vous soyez venu plus tôt : avec votre proposition, Antoine de Saint-Exupéry n'aurait jamais pu écrire Vol de Nuit ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Blazy - Remplissage !

M. Jean Besson - Si ce texte est adopté, que de dégâts ! Je vous en conjure, renoncez à cette notion de couvre-feu de sinistre mémoire ! Sans aller jusqu'à l'homéopathie, recherchez des remèdes préservant mieux l'équilibre entre activités sur l'ensemble du territoire et plus respectueux de l'égalité républicaine ! Quant à moi, je ne saurais voter ce texte en l'état ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du RPR)

M. Denis Jacquat - Cette proposition se justifie par le nombre des plaintes émises par les riverains, contre les nuisances sonores nocturnes qui leur sont imposées. Il est vrai que les réglementations internationales élaborées à l'initiative de l'OACI, que les directives européennes et les interventions des pouvoirs publics français ont contribué à maîtriser l'aggravation de ces dernières, avec l'appoint des taxes et redevances auxquelles on a assujetti les transporteurs aériens. Dans le même temps, les constructions nouvelles aux abords des aérodromes ont été limitées grâce aux zonages et aux plans d'exposition au bruit. Mais les seules mesures efficaces restent la limitation du nombre de mouvements autorisés et l'aménagement des horaires d'atterrissage et de décollage. Le dispositif actuel est à cet égard insuffisant et il faut donc des mesures complémentaires, visant à mieux utiliser et à réduire les créneaux horaires.

Nous ne pouvons cependant oublier que les activités aéroportuaires contribuent au développement des zones où elles sont implantées et créent des emplois. Nous sommes donc devant un conflit entre intérêts également légitimes, qu'il faut chercher à concilier au mieux. C'est dans cet esprit que j'avais déposé la proposition de loi à laquelle M. Cochet a fait allusion.

D'autre part, l'interdiction des vols de nuit ne saurait être limitée en territoire national. Elle doit être étendue à l'ensemble de l'Union européenne. Or, seules l'Italie, l'Allemagne et la Belgique ont adopté la mesure...Veillons donc à ce que notre décision ne conduise pas à un détournement du trafic aérien français vers les aéroports des autres Etats membres.

C'est sous ces deux conditions que, cohérent avec moi-même et conscient de la gêne subie par les riverains, je voterai cette proposition, susceptible d'améliorer le bien-être des populations concernées.

M. Jean-Jacques Filleul - Sans doute fallait-il ouvrir ce débat : pour vivre dans le périmètre d'un aéroport militaire sur lequel les apprentis pilotes de chasse s'entraînent de nuit, je mesure moi-même combien les nuisances sonores -sans parler de l'évacuation de particules de kérosène au décollage- peuvent perturber la vie quotidienne.

Ce débat est d'autant plus utile qu'à un parti-pris extrême d'interdiction, le rapporteur a préféré finalement un plafonnement du bruit émis à l'atterrissage et au décollage.

Nous parvenons ainsi à un texte de compromis, à la fois exigeant et ouvert.

Qui pourrait en effet se satisfaire d'une tentative de radicalisation par l'interdiction ? Cette facilité n'était pas conforme à l'intérêt général, même si elle pouvait paraître satisfaire les riverains. Plutôt donc que de supprimer toute activité aérienne de nuit, il fallait réguler et réglementer. C'est à quoi tend la proposition.

Il ne faut pas non plus renvoyer nos nuisances chez nos voisins. Nous avons à assumer l'arrivée des transports internationaux, les transports postaux, le fret dont Roissy est une plate-forme majeure, avec à la clé des activités multiples et des milliers d'emplois.

Le texte, qui renforce la maîtrise des nuisances, s'engage aussi sur un calendrier précis de mesures réglementaires applicables aux avions les plus bruyants, le tout conçu avec l'aide des services du ministère et avec celle de l'ACNUSA. Notre débat est d'une grande utilisé dans la perspective de la future plate-forme aéroportuaire en région parisienne. Vous prendrez, je crois, votre décision d'ici l'été. Je vous rappelle donc l'intérêt du site de Beauvilliers dans la région Centre.

M. Eric Doligé - Très bien !

M. Jean-Jacques Filleul - Il faudra dans tous les cas éviter la construction d'habitats sédentaires proches du site, sous peine de retomber dans le cycle infernal des erreurs passées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - La quasi totalité des propos tenus ici exprime la volonté de mieux lutter contre les nuisances aérienne nocturnes. Je ne répondrai pas à M. Bussereau qui a critiqué globalement la politique aéronautique du Gouvernement pour défendre M. Seillière, ce qui est parfaitement son droit.

Depuis 1997, le Gouvernement et moi nous sommes efforcés de traiter à égalité l'ensemble des enjeux, y compris la préservation de la qualité de la vie. Il a fallu pour cela nouer les fils du dialogue entre toutes les parties concernées afin d'examiner ensemble comment développer le transport aérien tout en maîtrisant les nuisances sonores, ce qui est, Monsieur Besson, la seule voie possible.

J'ai ainsi en mémoire la table ronde organisée au ministère, qui a débouché sur les vingt engagements accompagnant la décision de construire deux pistes supplémentaires à Roissy. Jamais tous les acteurs concernés n'avaient ainsi été réunis pour confronter leurs points de vue. Je me réjouis que tous ces engagements soient tenus, depuis la limitation des vols des avions les plus bruyants jusqu'à la révision des plans d'exposition au bruit.

Non, Monsieur le rapporteur, la France n'est pas en retrait sur les restrictions nocturnes. Le couvre-feu existe à Orly depuis 1968, depuis 1997 les avions du chapitre 2 sont interdits à Roissy, au Bourget, à Toulouse, Nice et Lyon. De plus, l'ACNUSA est la seule autorité indépendante en Europe.

Aujourd'hui, le trafic s'est développé, des milliers d'emplois ont été créés à Roissy et en même temps le volume global d'énergie sonore a diminué, ce qui montre le bien-fondé des décisions de 1997.

Ce combat doit être poursuivi, et c'est à quoi tend la proposition de M. Cochet, dont je salue l'esprit constructif. Félicitons également l'ACNUSA de ses apports, tout en regrettant que la contrainte des délais ait interdit une véritable étude d'impact.

Face aux profondes évolutions du transport aérien, l'aspiration des riverains à préserver leur cadre de vie reste une donnée majeure. Depuis 1997, le Gouvernement s'est attaché à concilier les exigences d'un aménagement plus équitable du territoire, du développement économique et du respect de l'environnement. En votant la loi du 12 juillet 1999, vous avez accru les moyens de lutte contre les nuisances sonores, avec la création de l'ACNUSA qui dispose, Monsieur Moyne-Bressand, d'une compétence générale y compris en matière de sanction, le renforcement du rôle des commissions consultatives de l'environnement et l'amélioration du dispositif des plans d'exposition au bruit.

Sur les obligations supplémentaires ainsi imposées aux plus grands aéroports, M. Rimbert a justement rappelé les dispositions de la loi SRU.

Oui, Monsieur Moyne-Bressand, nous appliquons strictement les sanctions prévues. Reste que nos compagnies et nos aéroports sont soumis à la concurrence et ne doivent pas être défavorisés. C'est pourquoi il est nécessaire d'agir le plus possible à l'échelle de l'Europe. De fait, la France joue un rôle apprécié dans l'établissement de règlements communautaires aux avions les plus bruyants. Ainsi le chapitre 2, dont on a beaucoup parlé ici, cesse d'exister à partir de 2003. Au sein de l'OACI, l'Europe a voté l'interdiction des avions « hushkittés » et l'organisation internationale travaille à l'élaboration d'un chapitre 4 comportant des critères et des qualifications plus élevées. Ainsi l'exigence de lutte contre les nuisances ne s'oppose pas aux progrès économiques et techniques, bien au contraire.

M. Billard, et d'autres avec lui, ont éclairé les conditions d'un équilibre entre le développement de l'activité aérienne et la maîtrise de nuisances sonores aux conséquences parfois lourdes. Cette question est au centre des débats des commissions consultatives de l'environnement, qu'il faut écouter comme il faut prêter attention aux recommandations de l'ACNUSA.

Alors oui, il faut aller plus loin ! (Applaudissements sur de nombreux bancs) L'essentiel est d'apprécier le problème des nuisances phoniques en fonction de la gêne ressentie par les riverains : c'est la clé de tout.

Je respecterai tous les engagements pris par le Gouvernement. Ainsi, au-delà du retrait des avions du chapitre 2, il a été convenu que seraient retirés progressivement de Roissy tous les appareils « hushkittés ».

Sans attendre les dispositions à prendre au plan international, le Gouvernement ira au bout de son engagement et prendra d'ici la fin du printemps une mesure ambitieuse de restriction nocturne pour les avions les plus bruyants du chapitre 3. Elle concernera dans un premier temps l'aéroport de Paris Charles-de-Gaulle mais sera adaptée, si besoin est, aux aéroports régionaux.

L'ACNUSA, jouant pleinement son rôle, a formulé des propositions complémentaires dont j'ai pris connaissance tout récemment, portant à la fois sur l'urbanisation et sur les conditions d'exploitation des aéroports. Le Gouvernement souscrit à leurs principes. Il met à l'étude dès maintenant la traduction juridique et opérationnelle d'un nouvel indice de planification, le « Lden », et la refonte des plans d'exposition au bruit et des plans de gêne sonores.

Concernant la limitation du bruit en période nocturne, objet de notre débat, l'ACNUSA propose l'utilisation d'un indice événementiel de nuit. Je me réjouis que M. Cochet ait renoncé à une position trop radicale, contrairement à M. Bardet qui persiste dans une vision unilatérale.

Je voudrais dire à M. Cochet qu'en matière de sécurité et de sûreté, mais aussi en matière environnementale, le transport aérien fait l'objet de réglementations plus précises que les autres modes de transport, même s'il convient de les renforcer.

Le Gouvernement est favorable à la fixation d'une valeur maximale de bruit autour des aéroports durant la nuit. Mais la logique des textes existants et le souci de proportionner les mesures aux objectifs recherchés conduisent à s'en tenir aux aéroports auxquels la loi du 31 décembre 1992 impose un plan de gêne sonore et pour lesquels la loi du 12 juillet 1999 donne à l'ACNUSA des compétences renforcées : Paris Charles-de-Gaulle, Orly, Nice, Marseille, Lyon, Toulouse, Bâle-Mulhouse, Bordeaux et Strasbourg. L'aéroport de Nantes, dont le trafic répond depuis aux critères fixés par ces textes, sera concerné dès la publication d'un décret en cours d'instruction.

S'agissant de l'extension du plafonnement à d'autres plates-formes, les commissions consultatives de l'environnement et l'ACNUSA devront jouer leur rôle de proposition. Il n'apparaît pas raisonnable d'étendre la mesure aux quelque 190 plates-formes disposant d'un plan d'exposition au bruit visé par le code de l'urbanisme, où le trafic nocturne est souvent très épisodique et où l'installation de dispositifs de mesure serait très coûteuse.

En matière de plages horaires, les pratiques sont très diverses : le couvre-feu s'applique à Paris-Orly de 23 heures 30 à 6 heures, l'interdiction pour les mouvements des avions du chapitre 2 s'applique également de 23 heures 30 à 6 heures sur les principaux aéroports français mais de 22 heures à 6 heures à Bâle-Mulhouse... Sur les plateformes étrangères, la plage horaire protégée est souvent 0 heure-5 heures, et 23 heures-6 heures pour les avions les plus bruyants.

Plutôt que de fixer une plage horaire uniforme, vous proposez de définir une amplitude de sept heures pendant laquelle la mesure serait applicable, afin de permettre les adaptations locales. Cette solution me paraît la plus réaliste.

S'agissant enfin de la valeur maximale de bruit, 85 décibels est une proposition très ambitieuse ; on est en-dessous des valeurs fixées par les autorités aéroportuaires qui ont déjà pris des mesures.

Si, comme le souhaite la commission, le dépassement de la valeur maximale doit entraîner une sanction administrative, il faut tout faire pour éviter des contentieux. Une formulation précise de la méthode de mesure, tenant compte de tous les paramètres, est donc indispensable. C'est l'objet du décret prévu dans la proposition de loi.

Quant au troisième aéroport, Monsieur Blazy, je suis de ceux qui pensent que nous en avons besoin, mais il faut laisser la commission du débat public aller jusqu'au bout de son travail.

Voilà dans quel esprit le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi.

La suite de la discussion est renvoyée une séance ultérieure.

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FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 24 avril au vendredi 18 mai 2001 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents. Il sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, il a été convenu que la séance de questions au Gouvernement du mercredi 20 juin serait consacrée à des thèmes européens.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 24 avril au vendredi 18 mai 2001 inclus, a été ainsi fixé en Conférence des présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

      _ Lecture définitive de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale ;

à 21 heures :

      _ Lecture définitive de la proposition créant une agence française de sécurité sanitaire environnementale ;

      _ Lecture définitive de la proposition relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

      _ Nouvelle lecture du projet portant création d'un crédit d'impôt en faveur de l'activité.

MERCREDI 25 AVRIL, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ Éloge funèbre de Louise MOREAU ;

      _ Communication du Médiateur de la République ;

      _ Projet relatif à la sécurité quotidienne.

JEUDI 26 AVRIL, à 9 heures :

      _ Eventuellement, suite de l'ordre du jour du mardi 24 avril, matin ;

      _ Proposition de M. Jacques REBILLARD portant amélioration de la couverture des non salariés agricoles contre les accidents du travail, de la vie privée et les maladies professionnelles ;

(Ordre du jour complémentaire).

À 15 heures et à 21 heures :

      _ Suite du projet relatif à la sécurité quotidienne.

MERCREDI 2 MAI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ Lecture définitive du projet relatif aux nouvelles régulations économiques ;

      _ Projet portant diverses mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.

JEUDI 3 MAI, à 9 heures :

      _ Eventuellement, suite de la proposition de M. Jacques REBILLARD portant amélioration de la couverture des non salariés agricoles contre les accidents du travail, de la vie privée et les maladies professionnelles ;

      _ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole additionnel au protocole de Sangatte entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relative à la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire reliant la France au Royaume-Uni ;

(Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée).

À 15 heures et, éventuellement, à 21 heures :

      _ Suite du projet portant diverses mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.

MERCREDI 9 MAI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ Sous réserve de son dépôt, projet portant diverses mesures d'ordre social, éducatif et culturel.

JEUDI 10 MAI, à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

      _ Suite du projet portant diverses mesures d'ordre social, éducatif et culturel ;

      _ Projet relatif aux musées de France.

MARDI 15 MAI, à 9 heures :

      _ Proposition de Mme Roselyne BACHELOT-NARQUIN visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux familles ayant un enfant handicapé à leur charge ;

        (Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution).

À 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ Lecture définitive du projet portant création d'une prime pour l'emploi ;

      _ Projet relatif à la Corse.

MERCREDI 16 MAI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ Suite du projet relatif à la Corse.

JEUDI 17 MAI, à 9 heures :

      _ Proposition de résolution de MM. Jean-Louis DEBRÉ, Jean-François MATTEI et Philippe DOUSTE-BLAZY tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes notamment climatiques, environnementales et urbanistiques des inondations exceptionnelles afin d'établir les responsabilités, d'évaluer les coûts et de prévenir les crues à répétition ;

(Ordre du jour complémentaire).

À 15 heures et à 21 heures :

      _ Suite du projet relatif à la Corse.

      _ EVENTUELLEMENT, VENDREDI 18 MAI à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

      _ Suite du projet relatif à la Corse.


© Assemblée nationale