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Session ordinaire de 2000-2001 - 94ème jour de séance, 218ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 26 JUIN 2001

PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES

vice-présidente

Sommaire

          SÉCURITÉ QUOTIDIENNE (nouvelle lecture) 2

          EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 7

          QUESTION PRÉALABLE 16

          ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 27 JUIN 2001 28

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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    SÉCURITÉ QUOTIDIENNE (nouvelle lecture)

Mme la Présidente - La commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Après l'adoption la nuit dernière du projet de loi consacré à la démocratie de proximité, j'ai l'honneur de venir à nouveau devant vous pour présenter, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.

Ce texte a été fortement amendé, et même dénaturé lors de son passage au Sénat.

Je voudrais en rappeler la genèse : pour répondre à des situations bien précises, qui nécessitent une évolution de notre législation, le Conseil de sécurité intérieure, présidé par le Premier ministre, a pris le 30 janvier dernier la décision de présenter un texte de loi. Ce projet est donc un texte aux effets immédiats, et non la loi d'orientation que d'aucuns réclament alors qu'ils n'ont pas cru devoir donner à celle de 1995 les moyens de son application.

Dans sa version initiale, ce texte contenait des dispositions sur l'encadrement du commerce des armes, l'extension des compétences de police judiciaire des personnels de la police nationale, la lutte contre la fraude aux moyens de paiement, les animaux dangereux et le contrôle de la liaison ferroviaire transmanche.

Votre assemblée l'a enrichi par exemple en matière de sécurité des transports, de sécurité routière ou de tranquillité des habitants d'immeubles.

L'amendement que tout le monde a en tête, qui vise à encadrer les rave et les free parties, participait de cet ensemble.

Nous devons chercher des réponses à des problèmes concrets de notre société. Nos concitoyens ont un fort besoin de sécurité et de tranquillité publique. Nous devons, et votre assemblée y contribue par la qualité de ses réflexions, concilier dans tous les domaines ce droit à la sécurité avec la liberté individuelle.

Votre commission a travaillé avec efficacité et sans précipitation. Elle a sur bien des points rétabli l'économie générale du texte ébranlée par le Sénat.

Le Gouvernement avait souhaité que la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales ne soit pas modifiée.

Tout ce qui contribue à une meilleure implication des élus locaux, à une meilleure coordination entre les acteurs et à un meilleur échange des informations est bon pour la sécurité, parce que celle-ci résulte, je le dis une fois encore, d'une coproduction et qu'elle ne peut être la seule affaire de la police ou de la justice.

Tout ce qui modifie l'équilibre des compétences, tout ce qui fait de la police nationale ou de la justice un enjeu de pouvoir, au travers d'une municipalisation de la police, ne fait qu'augmenter la confusion et nous éloigne d'un partenariat équilibré et efficace.

M. Jean-Luc Warsmann - Ce n'est pas la question !

M. le Ministre - Or la majorité sénatoriale, sur les deux questions de la municipalisation de la police et de la modification de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs, a adopté des dispositions, dont certaines posent d'ailleurs des problèmes juridiques majeurs, qui remettent en cause cet équilibre, alors que les débats n'ont pas, semble-t-il, révélé une très forte unité de points de vue.

M. Jean-Luc Warsmann - Débattons-en !

M. le Ministre - Votre commission propose de rétablir les dispositions sur l'association des maires à la politique de sécurité que vous aviez votées. Je lui en sais gré.

Même si la sécurité est, dans notre République, un devoir de l'Etat, ainsi que le rappelle l'article premier de la loi du 21 janvier 1995, les maires ont d'importantes attributions qui concourent à assurer la sécurité de nos concitoyens.

M. Thierry Mariani - Pas assez !

M. le Ministre - Depuis la loi de 1884, qui a consacré la place des communes dans notre dispositif institutionnel, les maires disposent d'un pouvoir étendu en matière de police administrative.

Les communes peuvent également créer une police municipale, dans des conditions qui ont été clarifiées en 1999, après de nombreuses mais vaines tentatives : désormais, les polices municipales peuvent agir en coordination avec la police nationale ou la gendarmerie, et les dérives que l'on avait pu connaître dans certaines communes ne peuvent plus se produire. Sachez que 1 300 conventions ont été signées à cet effet ces derniers mois. J'ai signé la dernière il y a quelques jours à Dijon.

M. Jean-Luc Warsmann - Ce sont des mots !

M. Jean-Pierre Blazy - Ce sont des faits !

M. le Ministre - Enfin, grâce aux lois de décentralisation de 1982 et 1983, les communes peuvent agir très directement en matière d'urbanisme, de voirie, de logement, d'équipements publics et bien entendu de prévention de la délinquance sous toutes ses formes. Ce sont là des faits pas des mots.

Pour faire reculer l'insécurité, l'implication des collectivités locales est indispensable.

Il faut établir des relations étroites entre le maire, le commissaire de police, le responsable local de la gendarmerie, le procureur et le préfet pour coordonner leurs actions. Car le droit à la sécurité que revendiquent nos concitoyens veut des mesures locales concrètes, qui sont souvent de la compétence des communes.

M. Jean-Luc Warsmann - Ce sont des mots !

M. le Ministre - Ainsi, informer régulièrement les maires des objectifs poursuivis et des résultats obtenus par les services de police et de gendarmerie, recueillir leurs attentes, engager des actions communes sont autant de modes de travail qu'il faut désormais généraliser.

J'ai adressé une instruction précise aux préfets le 3 mai dernier, afin que les services de l'Etat associent de façon très concrète les maires à toutes les politiques touchant à la sécurité de proximité.

Le maire doit également participer aux actions ciblées visant à identifier les réseaux de délinquance et à mettre un terme aux trafics qui alimentent l'économie souterraine.

Des instructions ministérielles -je l'ai dit hier encore aux rencontres nationales des contrats locaux de sécurité- seront signées dans les jours à venir par des ministres concernés : il incombera ainsi aux préfets et aux procureurs de conduire des actions communes sur les sites difficiles, où la cohésion sociale est fragilisée.

De telles opérations doivent associer l'ensemble des services répressifs et s'appuyer sur la demande de sécurité, exprimée par les habitants comme par les élus.

En revanche, les propositions sénatoriales qui tendent à « municipaliser » l'action de la police me semblent aussi dangereuses que contre-productives. Elles constitueraient à l'évidence un facteur de régression dans l'organisation des services de la police nationale, dont la constitution a été la grande réforme de l'après-guerre. Depuis un siècle, en effet, tout a été fait pour organiser, à côté de la gendarmerie, une police nationale plus efficace et tout démembrement de ce dispositif serait préjudiciable à la qualité du service rendu au public.

Les propositions du Sénat sont aussi porteuses d'un risque : les moyens que chaque commune pourrait mobiliser seraient en effet fonction de leur richesse fiscale, alors que dans le système actuel la répartition des moyens repose sur des critères objectifs.

Enfin, j'insiste sur le fait que ces propositions tendent à rendre l'action de la police totalement inefficace car la délinquance ne s'arrête pas aux limites de la commune ! Chacun sait que les délinquants sont de plus en plus mobiles.

Dès lors, une police placée sous la responsabilité des maires ne pourrait répondre au besoin de coordination géographique et opérationnelle qui s'exprime même dans la lutte contre les faits de petite délinquance. L'action de ces services serait inefficace en ce qu'ils ne pourraient poursuivre leurs investigations pour des faits commis dans d'autres communes. Si l'on vise l'efficacité, il faut se prémunir des partages de compétences factices ou mal adaptés à la réalité des problèmes à traiter.

Dans un domaine qui ne peut relever, à titre principal, que de la responsabilité de l'Etat, l'enjeu n'est pas d'organiser une pseudo-décentralisation mais de tout faire pour permettre une véritable coproduction de la sécurité par tous ceux qui peuvent et doivent y concourir, au premier rang desquels les maires.

La coproduction repose sur un travail en partenariat dans un cadre organisé : c'est tout l'enjeu des contrats locaux de sécurité, que le présent texte entend consacrer dans la loi en modifiant l'article 1er de la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité du 21 janvier 1995.

Elle passe aussi par une meilleure association des maires à la détermination des objectifs assignés aux services de police. Tel est l'objet des dispositions adoptées par votre Assemblée qui visent à associer les maires aux actions de prévention et à la lutte contre la délinquance.

Le Gouvernement souhaite également que la modification de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante, brandie à l'envi comme un slogan, ne soit pas présentée comme la formule magique par laquelle toutes les questions d'insécurité seraient soudainement résolues !

Le Gouvernement est attaché à la primauté des réponses éducatives car il fait sienne la belle formule de Robert Badinter selon laquelle l'enfant n'est pas « un adulte en réduction ». Affirmer cela, ce n'est pas refuser la sanction, c'est vouloir qu'elle soit adaptée.

Or la majorité sénatoriale a décidé de faire de l'ordonnance du 2 février 1945 la clé de voûte de son programme électoral, sans attendre les conclusions de la commission d'enquête qu'elle a elle-même proposée ! Permettez-moi de dire que j'ai trouvé tout cela bien incohérent !

Abaisser les seuils d'âge, rendre possible la condamnation pénale des mineurs de plus de dix ans, permettre de nouveau la détention provisoire des mineurs de plus de treize ans, empêcher les mineurs de moins de treize ans de certains quartiers de circuler sur la voie publique après minuit : les Français apprécieront l'effort fait en faveur des libertés publiques par l'opposition ! (Murmures sur les bancs du groupe UDF) Sur ce dernier point, les tentatives de couvre-feu de certains maires nouvellement élus permettent de mesurer l'étendue des risques !

Punir les parents de mineurs délinquants, les considérer comme des corrupteurs ou comme des délinquants eux-mêmes, aggraver les peines et aller plus vite dans les condamnations pénales des mineurs : toutes ces dispositions témoignent d'une seule approche, celle de la répression. Elles marquent bien l'incapacité de la droite à appréhender les causes qui peuvent concourir à la transgression et aux passages à l'acte des mineurs : crise sociale -qui n'est pas seulement celle de la société française, mais qui est intimement liée à la crise des valeurs qui fondent nos démocraties, lesquelles ne peuvent reposer seulement sur l'argent et sur les mécanismes non maîtrisés de la mondialisation-, crise de l'autorité parentale, éclatement des familles, échec scolaire, urbanisation outrancière, atomisation des rapports sociaux.... autant de thèmes qui doivent nous porter à agir et à réfléchir.

L'ordonnance de 1945, je l'ai dit, a déjà été modifiée à de nombreuses reprises et ce qui est aujourd'hui essentiel n'est pas d'abaisser les seuils d'âge ou de réformer telle ou telle partie du texte, mais de faire en sorte que les décisions du procureur et du juge des enfants soient effectives, comprises des familles, des jeunes et de l'opinion publique. Trop de décisions restent inexécutées, faute de structures nécessaires ou parce que ceux qui doivent les appliquer ne sont pas assez nombreux.

Il faut donc construire puis faire fonctionner les structures créées, développer les possibilités de placer les jeunes délinquants dans des centres dotés d'une structure éducative très forte. Et les collectivités locales peuvent en ce domaine jouer un rôle déterminant ! A ce jour, 40 centres de placement immédiat et 42 centres d'éducation renforcée existent déjà et d'ici à la fin de l'année, il y aura 50 centres de placement immédiat et 100 centres d'éducation renforcée.

Convenez, Messieurs les députés de l'opposition, que ce ne sont pas les gouvernements précédents qui ont fait pareil effort...

M. Jean-Pierre Blazy - C'est vrai !

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Deux septennats !

M. le Ministre - Entre 1993 et 1997, vous étiez aux responsabilités et les éléments de délinquance que je décris ce soir étaient déjà là !

S'agissant du chapitre 1er du projet de loi initial, les articles relatifs aux commerce de détail des armes ont également été par trop dénaturés par les amendements du Sénat. Il y a lieu d'exercer un contrôle plus strict sur les projets d'ouverture de locaux destinés au commerce de détail des armes, en créant un régime d'autorisation fondé moins sur les qualités de l'exploitant que sur des éléments objectifs tels que la localisation. J'approuve donc la proposition de votre commission de revenir pour l'essentiel au texte adopté en première lecture par votre Assemblée.

En revanche, la réflexion a permis d'assouplir le dispositif relatif à la vente par correspondance de certaines armes, comme les fusils de chasse (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Le deuxième chapitre vise à renforcer les capacités d'action de la police nationale et il ne doit pas se trouver altéré par des ajouts ou des considérants sans rapport avec cet objet ou qui semble inspirés par la défiance.

La police nationale paie un lourd tribut en hommes et elle mérite la reconnaissance de la nation tout entière, car elle assure sans défaillance et avec un professionnalisme remarquable l'ensemble de ses missions. Du reste, s'il y a des défaillances -et je tiens à souligner qu'elles sont peu nombreuses-, elles sont immédiatement sanctionnées. Elle a donc toute ma confiance car je sais pouvoir compter sur toutes ses composantes.

C'est pourquoi, pour rendre hommage au courage et au dévouement des adjoints de sécurité, j'ai proposé au Sénat une mesure permettant de titulariser ceux qui seraient tués ou grièvement blessés en service, de façon à ce que leurs familles puissent bénéficier d'une prise en charge et d'un accompagnement adaptés. N'ajoutons pas au drame familial un drame social et soyons respectueux de l'engagement déterminé des hommes et des femmes qui composent notre police.

Votre Assemblée examinera avec toute la vigilance nécessaire les autres dépositions visant à améliorer la sécurité routière, à procéder à l'enlèvement des épaves sous la seule responsabilité des OPJ et APJ ; à cet égard, je fais miennes les observations pertinentes de votre commission. De même, elle saura veiller à retrouver l'économie générale des articles relatifs au volet financier et bancaire du projet et de ceux qui concernent les parties communes des immeubles collectifs et les transports...

S'agissant de la question des rave parties, j'aurai l'occasion de m'exprimer sur ce sujet lorsque la discussion viendra sur l'article les concernant.

Le Gouvernement de Lionel Jospin a pris et prendra toutes ses responsabilités.

La sécurité est un droit qui exige l'effort de toute la Nation. En cette matière, chacun doit être à égalité de droits et de devoirs. Ne nous épuisons pas en discussions stériles ou les arrière-pensées prennent le pas sur l'intérêt général. Il y va de la liberté, qui ne peut s'épanouir là où règne la loi du plus fort, ce qui suppose nécessairement garde-fous et contraintes.

C'est la confiance des citoyens dans leurs institutions et dans la capacité de leurs responsables politiques à apporter de telles solutions concrètes qu'il nous faut, par nos travaux et nos actions, inspirer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des lois - La sécurité est un droit. Elle est une attente légitime de nos concitoyens. De plus, elle participe à la lutte contre les inégalités.

C'est cette conviction qui a conduit le Premier ministre à annoncer dès son discours de politique générale, le 17 juin 1997, l'ambition d'une nouvelle politique de sécurité, fondée sur la proximité et le partenariat.

M. Thierry Mariani - On en voit les résultats !

M. le Rapporteur - Depuis, le Gouvernement et sa majorité ont relevé ce défi, en se gardant des solutions simplistes, Monsieur Mariani. Réorganisation de la sécurité publique, éducation et prévention, contrats locaux et partenariat, proportionnalité des sanctions, prise en charge des mineurs en grande difficulté, responsabilisation des parents : tels ont été les grands axes d'une politique qui n'a en effet rien à voir avec celle que vous nous proposez. Aujourd'hui c'est le même souci d'éviter le simplisme qui préside à la réflexion sur la mise en place d'un nouvel indicateur de la sécurité, demandé par tous ici depuis de nombreuses années, les chiffres fournis aujourd'hui ne reflétant qu'imparfaitement la réalité multiforme de l'insécurité.

Mais la sécurité est aussi, malheureusement, un objet de surenchère électoraliste : l'opposition a montré une fois encore à l'occasion de l'examen de ce projet qu'elle ne craignait pas, à l'approche des échéances électorales, d'exacerber les peurs et les passions.

Ce projet comportait initialement 16 articles, portant sur des questions concrètes et importantes pour nos concitoyens : réglementation des armes à feu, pouvoirs judiciaires de la police nationale, sécurité des cartes de paiement, lutte contre les animaux dangereux, contrôles sur la liaison ferroviaire transmanche.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale le 26 avril dernier comptait 46 articles, du fait d'un renforcement des dispositions proposées et de l'introduction de nombreuses dispositions nouvelles, concernant notamment la sécurité routière, les halls d'immeubles et les fichiers des empreintes.

Notre Assemblée a également consacré les nouveaux fondements de la politique de sécurité conduite depuis 1997, en particulier le concept de « coproduction », fondement des contrats locaux de sécurité. Elle a renforcé l'association des maires aux actions menées.

Le Sénat a manifesté un certain mépris pour le travail ainsi accompli, en prétendant que l'Assemblée nationale n'aurait fait « qu'accentuer le caractère disparate » du projet à travers des dispositions nouvelles que son rapporteur a qualifié, à plusieurs reprises, d'absurdes. Le ton employé est surprenant...

En fait, le Sénat n'a pas hésité à occulter l'enjeu que représente la sécurité des Français, pour flatter -maladroitement- certaines franges de l'électorat, en particulier sur le volet des armes à feu. Il a supprimé le retrait immédiat du permis de conduire en cas de grand excès de vitesse, de même que l'immatriculation des véhicules à moteur à deux roues, mesures pourtant nécessaires.

M. Jean-Pierre Blazy - Scandaleux !

M. le Rapporteur - Surtout, il a inséré en tête du projet de loi 27 articles tendant à renforcer les pouvoirs des maires en matière de sécurité et le dispositif répressif à l'encontre des mineurs délinquants. Les modalités de l'information et de l'association des maires méritent d'être formalisées, mais dans le respect des prérogatives de l'Etat ; concernant la délinquance des mineurs, il faut concilier éducation et répression et mener une action en direction des familles.

Au total, le Sénat a supprimé neuf articles adoptés par l'Assemblée nationale, il en a modifié 24 et il a inséré 44 articles additionnels. Seuls 14 articles ont été adoptés conformes. Il était donc évidemment impossible à la CMP d'aboutir.

La plupart des articles additionnels adoptés par le Sénat n'étaient d'ailleurs que des reprises d'amendements présentés par des députés de l'opposition ou des extraits des « ateliers de l'alternance 2002 » qui ne font pas encore référence ici.

Je m'en tiendrai à une position de principe sur les deux sujets sur lesquels les désaccords insurmontables des deux assemblées traduisent des approches opposées de la politique de sécurité.

S'agissant des pouvoirs des maires, nous ne souhaitons pas aller vers la municipalisation rampante des forces de sécurité. Cela serait grave pour notre démocratie, pour les libertés publiques et pour l'égalité de nos concitoyens. Non que les maires ne doivent pas participer à la production de sécurité, mais nous préférons un maire médiateur travaillant en association avec un professionnel de la sécurité publique à un maire seul, « shérifisé » (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF), soumis à toutes les pressions.

M. Thierry Mariani - Le maire est un homme élu démocratiquement !

M. le Rapporteur - S'agissant de l'enfance délinquante, nombreux sont ceux qui appellent à durcir la répression. « Trop simple et très contre-productif », rappelait Robert Badinter dans son intervention du 22 mai dernier au Sénat.

Pour le reste, nous ne négligeons pas les quelques avancées proposées par le Sénat, notamment en ce qui concerne la procédure de « protection de témoins ».

Sur la question des rave parties, je voudrais d'abord faire trois constatations : cette question ne figurait pas dans le texte initial ; elle y est entrée par un amendement de notre collègue Mariani auquel le ministre s'était opposé, tout comme le rapporteur ; le Gouvernement avait engagé un travail sur ce sujet depuis plusieurs mois. Trois observations, maintenant : rien n'a marché en matière de contrôle et de sécurisation de ces rassemblements ; la discussion et la concertation doivent précéder la loi et le règlement ; toutes les conditions sont réunies pour que ce gouvernement soit le premier à établir un lien fort avec ce mouvement et à assurer plus de sécurité dans les rassemblements.

En ce qui concerne les armes à feu, la commission a cherché à concilier la sécurité et le souci de ne pas gêner ceux qui ont une pratique régulière. Nous y reviendrons dans la suite du débat.

Au total, c'est un texte complet et pragmatique qui devrait sortir de nos débats. Montrons que nous savons répondre sans démagogie aux attentes de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Thierry Mariani - De sécurité, ce texte n'a malheureusement que le titre, au moment où l'insécurité est devenue la préoccupation numéro un des Français.

Les statistiques montrent l'aggravation catastrophique de la délinquance dans notre pays : elle a augmenté de 5,72 % en un an. On a ainsi recensé, en 2000, 204 000 faits délictueux supplémentaires, 30 000 incidents classés sous la rubrique « violences urbaines » et 15 000 voitures brûlées ! Dans le Vaucluse, entre le deuxième trimestre 1999 et le deuxième trimestre 2000, le nombre des faits constatés a augmenté de 30,8 %.

Au niveau national, des chiffres émanant du ministère de l'intérieur montrent une aggravation sans précédent du phénomène. Ainsi pour les cinq premiers mois de 2001, les crimes et délits ont augmenté de 9 % en zone urbaine et de 20 % en zone rurale avec des pics bien plus importants dans certaines agglomérations. On prévoit qu'à la fin de l'année 2001, les infractions constatées dépasseront 4 millions et certains n'ont pas hésité à dire que, pour la première fois, la France dépasse les Etats-Unis en termes d'insécurité : de fait, le taux de criminalité, chez nous, est désormais supérieur à celui enregistré outre-Atlantique ! Triste record !

Le secrétaire général d'un important syndicat de commissaires de police déclare que ces chiffres reflètent une réalité qu'on ne peut contester. « Il y a un retour à la violence », nous explique-t-il.

Une telle situation ne peut durer sans mettre en péril l'équilibre de notre société, d'autant que les actes commis sont de plus en plus violents et qu'ils concernent désormais l'ensemble du territoire, petites villes et zones rurales comprises.

On constate deux phénomènes nouveaux : le développement des bandes et la proportion croissante des mineurs, impliqués de plus en plus jeunes dans des faits délictueux. Ils ont commis 21 % des délits constatés aujourd'hui, contre 12 % en 1989.

Quant aux « rave parties » phénomène mineur et symbolique, certes, elles ne se développent pas moins partout en France en l'absence de tout encadrement juridique et se soldent régulièrement par des blessés, voire des morts, comme cela a été récemment le cas dans une commune de ma circonscription. Ce sera un autre témoignage de votre laxisme et de votre laisser-aller que de refuser de légiférer.

Même les établissements scolaires ne sont plus épargnés : les actes de délinquance y gagnent en agressivité, ce qui démontre l'inefficacité du plan « anti-violence » qui avait été mis en place par le précédent ministre de l'éducation nationale. Quant au nouveau ministre, il préfère revoir les programmes de philosophie -contre l'avis quasi-unanime des professeurs- plutôt que de s'interroger sur la violence à l'école ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Pourtant, l'insécurité inquiète fortement les élèves, leurs parents et le corps enseignant : en 1995, 7 % des personnels de l'éducation nationale déclaraient ne pas se sentir en sécurité ; ils sont aujourd'hui 47 % ! De plus en plus d'établissements scolaires deviennent des lieux de violence et non plus des lieux de savoir.

Face à ce qui n'est pas différent d'une guérilla urbaine (Mêmes mouvements), les Français ne sont pas seulement inquiets devant la régression effective du droit à la sécurité, sujet qui les préoccupe au premier chef ; ils sont également outrés par l'absence de réponse efficace du Gouvernement et par l'impunité dont jouissent les mineurs délinquants.

En effet, les chiffres montrent clairement le lien entre l'augmentation de la délinquance et la gestion des affaires par la gauche (Vives protestations sur les mêmes bancs).

C'est que le Gouvernement n'a pas voulu mesurer la gravité du problème. Si l'on fait un rapide retour en arrière, on se rend compte que les socialistes, qui ont gouverné la France pendant quatorze ans, ont totalement échoué dans ce domaine. Alors que, de 1993 à 1997, la criminalité et la délinquance ont baissé en France elle n'a cessé d'augmenter depuis 1997, et dans des proportions plus qu'inquiétantes, je n'y reviendrai pas.

En 1993, vous avez ainsi laissé derrière vous une police désorganisée, démotivée et sans moyen, (Mêmes mouvements) et vous avez renoncé à poursuivre des réformes importantes qui avaient été engagés à partir de 1993 : la réforme des cycles de travail, des corps et carrières, ou création du programme Acropol.

Depuis 1997, plus rien de concret n'a été prévu pour répondre aux préoccupations des forces de l'ordre, qui commencent à manifester ouvertement leur mécontentement comme en attestent de nombreux courriers. Ainsi, très récemment, le Syndicat national des policiers en tenue a appelé l'attention de tous les députés sur les vives préoccupations de la police nationale, dénonçant l'insuffisance caractérisée des moyens humains et financiers dont elle dispose et la dévalorisation de la profession. Il a également souligné que les engagements financiers pris par le Gouvernement en faveur des forces de l'ordre n'ont pas été respectés, rendant impossible le déploiement optimal de la police de proximité.

La situation difficile que vit actuellement la police nationale est le résultat de votre politique velléitaire et irresponsable (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Vous avez ainsi totalement abandonné la poursuite des objectifs définis par la loi d'orientation et de programmation de 1995, qui prévoyait pourtant le recrutement de 5 000 agents administratifs et techniques, ce qui aurait permis aux policiers de se concentrer sur les tâches de sécurité. Alors que de 1995 à 1997 ont été recrutés 1 640 emplois d'agents administratifs, on ne comptait au début de 2001, que 1 800 recrutements sur les 5 000 programmés. Vous n'avez donc pas poursuivi l'effort important qui avait été mené par le précédent gouvernement.

M. le Ministre - Que ne faut-il pas entendre !

M. Thierry Mariani - L'examen de la loi de finances pour 2001 a montré, une nouvelle fois, qu'au-delà des discours, la sécurité n'est pas votre priorité : ne compte-t-on pas 1 428 fonctionnaires de police en moins dans le budget de l'intérieur pour 2001 ? Vous avez donc opté pour une réduction des effectifs (Mêmes mouvements) alors que les chiffres de l'insécurité s'emballent et que dans la police, comme d'autres services de l'Etat, les difficultés d'application des 35 heures ne sont toujours pas résolues.

Vous avez bien, ces derniers mois, multiplié les effets d'annonces, mais derrière les mots, on ne décèle rien de concret et les mesures que vous préconisez ne sont pas, loin s'en faut, à la hauteur de la situation.

A force de mettre l'accent sur la prévention au lieu de sanctionner, à force de colloques et de réunions stériles ou de rapports multiples qui servent exclusivement à se donner bonne conscience, à force, aussi, de refuser d'admettre l'inadaptation de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs, vous oubliez que les « sauvageons » sont parfois des assassins en puissance et vous laissez se développer, dans notre pays, un climat intolérable d'insécurité.

M. Christian Estrosi - Eh oui !

M. Thierry Mariani - De même, encourager la signature de contrats locaux de sécurité n'est pas la solution appropriée : instruments, utiles mais insuffisants de concertation les CLS ne permettent malheureusement pas d'endiguer l'augmentation des violences urbaines. En tant que maire de Valréas, l'une des premières communes à avoir signer un CLS, j'ai malheureusement pu le constater.

Un député socialiste - C'est le maire qui n'est pas à la hauteur !

M. Thierry Mariani - Vous vous vantez également d'avoir créé plusieurs milliers de postes d'adjoints de sécurité. Mais personne n'est dupe : on sait bien que, malgré leur bonne volonté, ces jeunes ne rendent pas les mêmes services que les fonctionnaires de police. Leurs conditions de recrutement sont peu rigoureuses et ils ne reçoivent qu'une formation sommaire. De plus, leur encadrement est insuffisant. En revanche, les policiers municipaux qui, eux, reçoivent une solide formation...

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - C'est ça !

M. Thierry Mariani - ...dans la plupart des cas, oui. Mais eux ont subi les foudres de votre Gouvernement. La loi relative aux polices municipales a, en effet, créé de véritables obstacles à l'exercice de leurs prérogatives.

Quant à la police de proximité, après une installation plus longue que prévue, elle suscite les premières déceptions, et la presse s'est largement fait l'écho des conclusions négatives d'un rapport émanant de vos propres services.

M. le Rapporteur - Et où est l'irrecevabilité dans tout ça ?

M. Thierry Mariani - Elle sera démontrée à la fin de mon exposé.

Ce rapport, qui a porté sur une douzaine de sites, est très critique. Il souligne le sous-encadrement et l'insécurité ressentis par ces fonctionnaires, qui disent se sentir seuls et sont convaincus de ne pouvoir compter sur une protection judiciaire dissuasive.

La mission d'évaluation regrette également la sur-représentation des adjoints de sécurité, dont le manque d'expérience aboutit à créer des obstacles au travail de la police de proximité.

Elle estime également que la police de proximité ne parvient pas à faire face à l'augmentation des outrages subis par les forces de l'ordre dans les quartiers, outrages qui ont augmenté de manière exponentielle depuis 1991. Le résultat de tout cela est que les jeunes gardiens de la paix, pour citer le rapport, n'aspirent qu'à une « mutation rapide pour fuir la région parisienne ».

Alors que la généralisation de la police de proximité n'est pas encore achevée, les premières évaluations montrent malheureusement de graves dysfonctionnements et la faillite de la lutte contre l'insécurité.

Comme d'habitude, Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu clairement aux questions qui vous ont été posées à ce sujet par l'opposition parlementaire. Ce refus de prendre conscience de la réalité et d'en tirer les enseignements nécessaires est inqualifiable et dangereux.

Il prouve aussi que la lutte contre l'insécurité est loin d'être la priorité du Gouvernement. Pourtant, le temps des colloques et de l'autosatisfaction doit prendre fin.

Avec ce projet, vous aviez l'occasion de prendre les mesures qui s'imposent pour que la délinquance régresse. Malheureusement, vous n'avez pas su tirer parti de cette opportunité et votre texte n'est rien de plus qu'un catalogue de dispositions éculées, inadaptées à la gravité de la situation. Derrière les mots et l'affichage politique, le néant ! Votre projet est vraiment celui des occasions perdues.

En effet, vos propositions ne répondent pas aux objectifs que vous dites poursuivre. Dans certains cas, elles sont même contre-productives, et illustrent vos continuels atermoiements.

Que nous proposez-vous, en effet ? D'abord, le renforcement du contrôle des ventes d'armes. Même si vous êtes revenu sur l'une de vos dispositions initiales, il n'en demeure pas moins que votre dispositif pénalisera davantage les collectionneurs d'armes à feu et les chasseurs que les voyous !

Au lieu de traiter l'insécurité, vous menez une nouvelle campagne anti-chasse, sous le fallacieux argument de la sécurité publique. Vous faites preuve d'une défiance insensée à l'égard de personnes qui ne sont en rien responsables de l'insécurité et ne cherchent qu'à exercer leur passion. Personne n'ignore que les armes servant à des activités illégales n'ont pas été achetées officiellement ! Elles sont dérobées, ou achetées dans des circuits parallèles. Par cet amalgame choquant, vous prouvez non seulement votre mauvaise foi mais aussi votre incapacité à lutter efficacement contre le fléau de l'insécurité.

Par ailleurs, vous attribuez la qualité d'agent de police judiciaire à des adjoints de sécurité, certes pleins de bonne volonté, mais insuffisamment expérimentés. Vous n'avez, semble-t-il, toujours pas mesuré la nécessité de mettre l'accent sur leur formation. Cette mesure pose aussi avec acuité la question de l'insuffisance des effectifs de police, à laquelle vous n'avez pas répondu.

Croyez-vous, d'autre part, que les Français vivront plus en sécurité si l'on confisque leur permis de conduire en cas de dépassement de 40 km/h de la vitesse autorisée ? Ne confondons pas tout !

A propos du code de la route, la seule amélioration apportée fait suite à l'adoption de l'un de mes amendements qui instituait le dépistage de psychotropes pour tout conducteur impliqué dans un accident de la circulation. Cet amendement reprend une proposition de loi du groupe RPR, que vous aviez été jusqu'à refuser d'examiner.

Vous renforcez utilement la répression à la fraude aux cartes bancaires, mais cela ne résoudra pas les agressions dans les transports en commun !

Vous adoptez un énième dispositif sur les chiens dangereux qui n'a rien de révolutionnaire.

Vous renforcez le contrôle frontalier des liaisons ferroviaires transmanche pour lutter contre les filières d'immigration clandestine. Le seul intérêt de ce dispositif est qu'il laisse entendre que vous reconnaissez implicitement qu'il peut y avoir un lien entre immigration clandestine et insécurité. Quel virage idéologique ! Pendant quatre ans, il nous a été impossible de même suggérer cela...

M. Christian Estrosi - ...sans nous faire traiter de maurrassiens !

M. Thierry Mariani - Vous avez étendu le fichier national automatisé des empreintes génétiques, mis en place à l'initiative du groupe RPR, à d'autres crimes que les crimes et délits de nature sexuelle. Toute personne reconnue coupable d'atteintes à la vie d'autrui, de tortures, d'actes de barbarie... pourra désormais être fichée.

Néanmoins, il aurait été souhaitable d'étendre encore le champ d'application de cette mesure.

Ces dispositifs, s'ils vont dans le bon sens, sont sans rapport avec les propos tenus en conseil des ministres par le Président de la République, qui a rappelé « la nécessité d'une mobilisation nationale qui soit pleinement à la hauteur des enjeux en mettant l'accent sur le principe de responsabilité, en assurant l'effectivité des sanctions, et en veillant à l'application de la loi républicaine sur tout le territoire ».

A l'origine de l'insécurité se trouvent l'inadaptation de l'ordonnance de 1945, l'insuffisance des moyens de la justice et l'absence de prise en compte de la récidive, tous points sur lesquels votre projet est totalement silencieux.

Les solutions sont connues mais vous les avez rejetées quand le Sénat les a adoptées.

Il s'agit d'accepter la réponse répressive en ouvrant des structures vraiment adaptées aux jeunes délinquants, et de doter les maires de véritables prérogatives de police, en les plaçant au c_ur du disposition de lutte contre la petite délinquance. Pourquoi vous méfiez-vous systématiquement des maires ?

Il s'agit aussi de responsabiliser les parents en usant de dispositifs tels que les allocations familiales « à point », de renforcer l'éducation civique à l'école et d'instaurer dans les établissements scolaires une véritable culture collective de la sécurité, en créant une agence française pour la sécurité dans les établissements scolaires et universitaires.

Or, au risque de réduire à néant les droits du Parlement, vous avez systématiquement rejeté les amendements déposés par les députés de droite, en dépit de notre attitude constructive. La lutte contre l'insécurité est en effet la première préoccupation des Français.

En matière de délinquance juvénile, nous avions proposé de réformer l'ordonnance de 1945 en abaissant à dix ans l'âge à partir duquel une sanction pénale peut être prononcée, en ouvrant des centres de rééducation pour les mineurs dans chaque cour d'appel, et en étendant la comparution immédiate aux mineurs de plus de seize ans.

Pour lutter contre la récidive et responsabiliser les familles, nous souhaitions instaurer une suspension des prestations familiales pour six mois au plus.

Nous souhaitions en outre permettre aux maires d'interdire la circulation des mineurs dans les communes entre minuit et 6 heures du matin. En quoi est-ce attentatoire aux libertés publiques ?

Les maires, enfin, devraient être mieux informés des faits de délinquance commis dans leurs communes, par le biais d'un conseil de sécurité municipale ou intercommunal.

Vous avez pourtant rejeté ces propositions concrètes et cohérentes, tout comme la commission a réduit à néant le travail des sénateurs. Ceux-ci ont pourtant bien compris qu'il était vital de lier la lutte contre l'insécurité à un élargissement des prérogatives des maires et à une modification de l'ordonnance de 1945.

Les dispositions adoptées par les sénateurs sont le reflet des travaux très complets menés par les ateliers parlementaires de l'alternance et correspondent aux dispositions retenues par l'ensemble de l'opposition parlementaire, que nous mettrons en place dès l'an prochain.

M. le Rapporteur - Vous en riez vous-même !

M. Thierry Mariani - Ainsi le Sénat a fait obligation au procureur de la République d'informer le maire des crimes et délits commis sur le territoire de la commune et des suites données aux plaintes déposées.

Le Sénat a autorisé le maire à se constituer partie civile en cas d'infraction commise sur la voie publique, et lui a rendu sa compétence en matière de tranquillité publique dans les communes où il y a une police d'Etat. Le maire pourra, a décidé aussi le Sénat, faire appel à la police d'Etat dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs de police municipale et prendre un arrêté interdisant la circulation sur la voie publique des mineurs de moins de treize ans non accompagnés entre minuit et six heures.

Enfin les policiers municipaux pourront obtenir la qualité d'agent de police judiciaire et un conseil départemental de sécurité réunissant au moins une fois par an les procureurs de la République, le président du conseil général et des représentants des maires, sera créé. Qu'y a-t-il là de scandaleux ?

Le Sénat s'est attaché à mieux lutter contre la délinquance des mineurs, en aggravant les peines encourues par un majeur lorsqu'il utilise un mineur pour commettre l'infraction et en donnant au juge des enfants la possibilité de prononcer une amende civile à l'encontre des parents qui ne répondent pas à une convocation, d'ordonner le versement des prestations familiales à un tuteur lorsque l'enfant méconnaît à plusieurs reprises un arrêté interdisant la circulation sur la voie publique et de prononcer une peine, à l'exception de l'emprisonnement, à l'encontre des mineurs de dix à treize ans.

De même, le Sénat a autorisé le placement en détention provisoire des mineurs de treize à seize ans en matière correctionnelle en cas de non-respect du contrôle judiciaire ou lorsque l'enfant a déjà été condamné deux fois et encourt au moins cinq ans d'emprisonnement, et a créé une procédure de rendez-vous judiciaire permettant au procureur d'inviter un mineur à comparaître devant le tribunal des enfants, la victime figurant parmi les personnes admises à assister aux débats du tribunal des mineurs. Enfin il sera possible de placer sous contrôle judiciaire spécifique les mineurs de treize à seize ans lorsque le mineur encourt trois ans d'emprisonnement ne comportant pas certaines obligations telles que le cautionnement.

Au regard de cet ensemble de mesures, incompétence et tergiversations caractérisent votre attitude face à l'insécurité. En témoigne le débat très vif qui se poursuit actuellement au sujet des rave-parties au sein de votre majorité et vous a conduits à repousser l'examen du projet en commission.

La principale victime de vos hésitations est le fonctionnement démocratique de nos institutions, le droit du Parlement étant malmené. Nous n'avons même pas disposé d'un après-midi pour examiner le rapport de la commission qui a achevé ses travaux aujourd'hui en fin de matinée !

Pour les rave-parties, tout a commencé avec mon amendement de première lecture qui a été adopté à la grande majorité des députés présents. Il tendait à combler un vide juridique en assurant un meilleur contrôle des rave-parties que, loin d'interdire, il visait à rendre plus sûres pour les intéressés et plus respectueuses du droit des riverains.

Les rave-parties sont trop souvent, chacun le sait, le théâtre de comportements violents engendrés par la consommation de stupéfiants.

La présidente de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie a elle-même précisé que 10 % des participants à une free-party « ont fait l'expérience de l'ecstasy ». Il est intolérable que certaines de ces manifestations se terminent avec des victimes comme cela a été le cas à Caderousse, dans le Vaucluse.

Les partisans de rave parties n'ont pas cherché à comprendre les objectifs de cet amendement, immédiatement cloué au pilori des mesures prétendument liberticides ! Mais ce sont les mêmes qui ont violemment manifesté à Toulouse où un policier s'est retrouvé dans le coma ! Pourquoi votre silence éloquent sur de telles violences ?

Une fois de plus, le Gouvernement semble faire marche arrière. Mais je suis toujours prêt à le soutenir dans son intention initiale.

Comment s'associer à un dispositif « anti jeunes », ai-je maintes fois entendu ? Votre majorité a éclaté sur ce sujet. Si vous comptez calmer les esprits en maintenant l'autorisation mais sans la saisie du matériel, vous faites une double erreur.

Face aux Français qui revendiquent légitimement le droit de vivre en sécurité, qu'attendez-vous pour remplacer les discours et les réunions gouvernementales stériles par des mesures répressives susceptibles de mettre fin à cette intolérable impunité ? Reportez-vous aux excellentes propositions émanant de la convention sécurité qui s'est tenue au Sénat le 31 janvier sous l'égide des ateliers parlementaires de l'alternance, dont Christian Estrosi reparlera !

Votre projet, qui ne répond pas aux enjeux ni aux attentes des Français, ne comporte, sous le titre trompeur de « sécurité quotidienne », que des mesures ponctuelles et disparates. De plus, il va à l'encontre du droit de propriété et de la liberté d'entreprise, avec ses mesures restrictives dans le domaine des armes à feu, qui portent préjudice aux chasseurs, aux collectionneurs d'armes et aussi aux commerçants.

C'est pourquoi je vous demande, au nom du groupe RPR et de l'ensemble de l'opposition, de voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - Vous n'êtes pas convaincant !

Mme la Présidente - Nous en venons aux explications de vote.

M. Jean-Pierre Blazy - Nous avons entendu une logorrhée stérile et hors sujet. Où est l'irrecevabilité, après que le Sénat a examiné et modifié le texte ? La question est de savoir comment élaborer un dispositif législatif comportant des mesures très concrètes. Vous avez mis en avant des statistiques pour affirmer que la délinquance s'aggrave. Nous ne nions pas la réalité. Nous savons que la sécurité est devenue la préoccupations majeure des Français. Mais ces derniers n'ignorent pas non plus que la gauche a fait à Villepinte son aggiornamento et s'est engagée dans une nouvelle politique progressive et durable, destinée à faire reculer l'insécurité réelle et le sentiment d'insécurité.

Ne nous donnez pas de leçons : quand vous étiez aux responsabilités, vous n'avez même pas su prévoir les départs à la retraite des policiers, ni vous donner les moyens d'appliquer la loi d'orientation et de programmation que vous avez votée ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Thierry Mariani - Arrêtez de répéter toujours la même chose ! Cela fait quatre ans que vous êtes au pouvoir !

M. Jean-Pierre Blazy - Votre critique de notre politique se fonde sur une vision idéologique stérile, sur une absence de propositions. Nous sommes en nouvelle lecture et les Français, et les policiers avec eux, attendent que nous prenions des mesures concrètes sur des questions qui les préoccupent, comme le régime des armes, les chiens dangereux, la sécurité routière, l'enlèvement des épaves, la sécurité des halls d'immeubles. Voilà pourquoi il faut repousser l'exception d'irrecevabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Ce qui est irrecevable, c'est votre absence de politique face à une priorité nationale. M. Blazy, dans un début de repentance, a dit que la gauche commençait à appréhender la réalité du terrain (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais Thierry Mariani, dans son exposé brillant et passionné, a démontré la nécessité d'une vraie politique d'ensemble, pour faire face à une délinquance qui prend des formes nouvelles et dangereuses. L'UDF votera l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Christian Estrosi - Thierry Mariani a excellemment défendu l'exception d'irrecevabilité, qui répond parfaitement à la situation. A en croire M. Blazy, si l'insécurité monte, c'est la faute des gouvernements d'avant 1997 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Blazy - Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Christian Estrosi - Or, il ressort d'un récent colloque organisé par la dernière promotion de l'ENA que les seules années, depuis onze ans, où les chiffres de la délinquance ont baissé, ce sont 1994, 1995, 1996 et 1997 ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président de la commission - C'est grâce à ceux qui étaient là avant 1993 ! (Sourires)

M. Christian Estrosi - Depuis 1997, en revanche, vous avez été incapables de trouver la moindre réponse à la montée de la violence et le résultat, c'est que les statistiques de l'année 2000 font apparaître une forte progression des vols à main armée ou avec violence, et lorsque celles du premier trimestre 2001, publiées par des syndicats de policiers, confirment le phénomène, cela signifie que vous n'avez pas été capables de tirer les leçons de ce qui s'est passé l'année dernière ! On pourrait croire, à lire l'intitulé du texte que vous nous présentez, que vous vous sentiez alertés, mais il suffit de voir son contenu pour constater qu'il n'en est rien !

Vous dites aux Français : nous avons compris vos détresses, vos angoisses, vos inquiétudes, nous allons légiférer sur la sécurité quotidienne, c'est-à-dire sur les fraudes à la carte bancaire, sur les chiens errants, sur le délit de grande vitesse, sur les ventes d'armes par correspondance, tant il est vrai, bien sûr, que pour vous, les plus grands délinquants, dans notre pays, ce sont les chasseurs ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR) Si les cités sont à feu et à sang, c'est à cause des chasseurs, n'est-ce pas, qui viennent brûler des voitures, empêcher les autobus de passer, racketter, vendre de la drogue, élever des pitbulls ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Nous avions besoin, en vérité, d'une grande loi. Vous dites que l'opposition n'a pas de proposition : qu'est-ce qu'il vous faut ! Après avoir fait reculer la délinquance en 1994-1995 grâce à une réforme organisationnelle, nous avons le courage de proposer une réforme des textes législatifs dont disposent les magistrats pour combattre la délinquance des mineurs, et vous nous dites que cela ne sert à rien ! Comme si cinquante-six ans n'avaient pas passé depuis 1945, comme si notre société n'avait pas changé, comme si les délinquants n'étaient pas de plus en plus précoces ! Nous, nous disons qu'il faut adapter nos lois, et qu'aucun délit ne doit rester impuni, quel que soit l'âge de celui qui le commet (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Dufau - « Aucun délit ne doit rester impuni » : voilà une phrase dangereuse !

M. Christian Estrosi - Quand un gamin de dix ans insulte une vieille dame sur le trottoir, il y a fort à parier, s'il ne reçoit pas une punition adaptée, comme par exemple aller repeindre la cour de son école (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qu'à onze ans il ira jusqu'à lui arracher son sac à main ! Il y a quinze jours, le préfet des Alpes-Maritimes a réuni une cellule de crise à la suite de graves incidents à la cité de l'Ariane, et le procureur de la République, le célèbre M. de Montgolfier, s'est tourné vers moi pour me dire : « Tant que vous n'aurez pas réformé notre arsenal législatif, nous ne pourrons pas punir les délinquants de moins de seize ans ». Ce n'est pas moi qui le dis : c'est un magistrat placé sous l'autorité du garde des Sceaux ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Pour toutes ces raisons, et pour bien d'autres, j'invite l'Assemblée à adopter l'exception d'irrecevabilité, excellemment défendue par notre collègue Thierry Mariani (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Laurent Dominati - La question est de savoir si le texte est irrecevable ou non. Les avis peuvent être partagés, car le texte qui nous revient du Sénat mérite discussion, et l'on ne peut prétendre, en le lisant, que l'opposition n'a rien à proposer ! En revanche, dès lors que le Gouvernement et la majorité ont annoncé leur souhait d'en revenir purement et simplement au texte voté par l'Assemblée en première lecture, on peut considérer qu'il y a tromperie, mensonge, dévoiement des mots, à baptiser ce texte « projet relatif à la sécurité quotidienne des Français », car il n'y a rien, dans le texte du Gouvernement, qui corresponde au constat que font les Français de leur insécurité quotidienne, et l'on ne peut à la fois prétendre que l'opposition ne propose rien et crier à la démagogie sitôt qu'elle propose quelque chose !

Je vais vous lire quelques phrases prononcées par des gens qui ne font pas partie de l'opposition : ce sont des responsables de divers syndicats de policiers. Pour l'un d'entre eux, « ce n'est pas un projet de loi-gadget qui résoudra les problèmes d'insécurité, de délinquance et de violence urbaine » (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Je constate que l'on veut nous faire taire à chaque fois que nous parlons de l'insécurité (Mêmes mouvements). Madame la Présidente, ai-je le droit de parler ?

Mme la Présidente - Oui, si vous en venez à l'explication de votre vote (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Laurent Dominati - Si je n'ai pas le droit de dire ce que j'ai à dire, à quoi sert-il que je prenne la parole ? Faites, s'il vous plaît, que je puisse poursuivre dans le calme.

Un autre syndicaliste n'hésite pas à dénoncer, dans ce projet, « les thèmes choisis pour séduire la ménagère de moins de cinquante ans »... (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Véronique Neiertz - Il n'y en a plus ! Elles travaillent toutes !

M. le Président de la commission - Respectez au moins la parité ! (Sourires)

M. Laurent Dominati - Si vous ne voulez pas écouter l'opposition, écoutez au moins les syndicats !

Plusieurs députés socialistes - Quels syndicats ?

M. Laurent Dominati - L'UNSA, par exemple, qui dénonce la stagnation relative du budget de la police nationale malgré la bonne tenue de la croissance, ou encore Alliance, qui juge sévèrement « l'état de santé de la police nationale aujourd'hui ».

Votre texte est irrecevable parce qu'il est mensonger. Vous ne pouvez pas intituler comme vous l'avez fait ce texte qui n'a aucune implication sur la sécurité quotidienne des Français, ceci étant dit non pas par l'opposition mais par les policiers, en tenue ou non, par les commissaires de police et par les juges. Voilà pourquoi ce texte est irrecevable (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. le Président de la commission - Affligeant !

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

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QUESTION PRÉALABLE

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Christian Estrosi - Cette question préalable s'inscrit dans un contexte très particulier, marqué par la refonte complète du projet de loi par le Sénat et par la publication des chiffres de la délinquance au premier trimestre 2001. Ces chiffres sont catastrophiques et appellent à une mobilisation générale. Les sénateurs ont donc accompli un travail remarquable. Le Sénat a eu le courage de réformer l'ordonnance de 1945, d'abaisser la majorité pénale, de permettre aux maires de se constituer partie civile, d'instaurer un couvre-feu pour les mineurs et d'affirmer la responsabilité des parents. Le texte qui nous revient est donc loin du chiffon que nous avions en première lecture.

M. Jean-Pierre Blazy - Un chiffon !

M. Christian Estrosi - Vous légiférez sur du vide, le Sénat a bâti le socle d'une vraie réforme. Malheureusement, vous n'avez, Monsieur le ministre, toujours rien compris aux angoisses des Français. La commission des lois, sous la pression de vos amis, a systématiquement défait le travail du Sénat et cette nouvelle lecture ne servira qu'à rétablir le texte initial. Celui-ci étant toujours aussi inconsistant, il n'y a toujours pas lieu à débattre. J'avais déjà dit pourquoi il ne résoudrait en rien les problèmes de la délinquance. Mais depuis, les chiffres sont tombés, qui résonnent comme autant d'échecs de votre politique. Les chiffres ne mentent pas, surtout lorsqu'ils émanent de vos propres services, et les rapports qui se multiplient non plus.

La semaine dernière donc, le couperet est tombé : 12 % d'augmentation de la délinquance au premier semestre 2001.

M. le Ministre - C'est faux ! Vous dites des inexactitudes, et cela me gêne de la part d'un parlementaire.

M. Christian Estrosi - Ce sont vos propres syndicats qui disent des inexactitudes.

M. le Ministre - C'est la lecture du Figaro qui vous a induit en erreur.

M. Christian Estrosi - J'ai reçu les représentants des syndicats et ils confirment les chiffres. Vous contestez les affirmations de vos propres syndicats.

M. le Ministre - Ce ne sont pas mes syndicats et ils parlent de trimestre, pas de semestre.

M. Christian Estrosi - Quoi qu'il en soit, la contradiction est de plus en plus forte entre le ministère et les syndicats de la police. C'est une évidence de plus ce soir.

M. le Ministre - Je vous laisse à vos délires.

M. Christian Estrosi - Je fais, moi, confiance à ces syndicats car ce sont eux qui font les frais de cette augmentation de 12 % sur le terrain. La hausse dépasse même les 20 % dans certaines grandes villes ou dans des zones qui relèvent de la gendarmerie.

Je relève au passage, Monsieur le ministre, que vous annoncez un observatoire de la délinquance pour après 2002, de manière à ce que les statistiques ne soient plus contestées... mais seulement après 2002.

L'année 2000 avait déjà vu les crimes et délits augmenter de 5,72 %. Aucun parlementaire ne sera surpris de ces chiffres, car les problèmes d'insécurité occupent partout une part cruciale dans les préoccupations des Français. Hier encore, dans ma circonscription, un gardien d'école a été sauvagement agressé et une marche silencieuse a dénoncé cet après-midi le mépris avec lequel vous traitez la montée de la violence. Et les experts estiment le nombre réel de faits de délinquance quatre fois supérieur aux statistiques. Quelles raisons ont conduit à cette croissance brutale, alors que la délinquance et la criminalité avaient baissé chaque année entre 1994 et 1997 ? Quelles causes ont permis à Alain Bauer de démontrer que la France était désormais plus criminogène que les Etats-Unis, faisant ainsi tomber un tabou ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Bien sûr, vous contestez son étude, comme le reste, mais la réalité de la délinquance est malheureusement incontestable !

Le contexte actuel est aussi marqué par la mise en _uvre de la loi sur la présomption d'innocence. Celle-ci a conduit à une diminution de 10 % du nombre des gardes à vue. Le syndicat des commissaires de police a dénoncé les entraves que ce texte démagogique constitue pour leurs enquêtes. En quelques semaines, cette nouvelle loi a fait la preuve de sa nocivité. Il faut se hâter d'en supprimer les dispositions les plus pernicieuses. Autre élément à charge : le rapport de la commission d'évaluation de la police de proximité rejoint notre opinion sur le caractère artificiel de ce concept et il compte 200 policiers titulaires de moins, remplacés par des emplois-jeunes et des adjoints de sécurité.

M. le Ministre - Ce n'est pas ce que dit Rudy Salles.

M. Christian Estrosi - Ce sont les chiffres des syndicats de commissaires de police.

M. le Ministre - Vous dites n'importe quoi. Vous n'êtes pas crédible !

M. Christian Estrosi - Vous accusez les commissaires de dire n'importe quoi ?

M. le Ministre - Ça leur arrive, rarement.

M. Christian Estrosi - Le rapport de la commission parle de sous-encadrement, d'inexpérience et d'insécurité pour les fonctionnaires. L'inspection générale de la police nationale et celle de l'administration évoquent la faible adhésion des policiers. Le concept de police de proximité n'a servi en fait qu'à dissimuler la diminution massive du nombre des fonctionnaires de police, remplacés par des gens dont les critères de sélection et la formation ne peuvent répondre aux exigences de ce métier.

Dégradation de la sécurité, échec de la police de proximité, nocivité de la loi sur la présomption d'innocence... Il n'y a plus de temps en perdre en conjectures inutiles. Votre texte n'est pas à la mesure de l'enjeu, et vous le reconnaissez à demi-mot.

Il était temps, après cinq ans de pouvoir, de vous rendre compte que la logique des faits prime sur l'idéologie. Il faut une réflexion d'ensemble sur l'avenir de la police. Or vous ne nous proposiez, au départ, que des mesures sur le contrôle des armes, les pouvoirs de police judiciaire, la lutte contre les fraudes aux cartes bancaires et contre les animaux dangereux ! On ne peut qu'être frappé par l'indigence de ces dispositions face aux fléaux qu'il faut combattre.

Croyez-vous sérieusement faire progresser la sécurité en prévoyant l'euthanasie des chiens dangereux, à laquelle je suis favorable, et le contrôle des fusils de chasse, montrant du doigt 1 400 000 personnes qui respectent scrupuleusement la loi ?

M. Jean Auclair - Très bien !

M. Christian Estrosi - Ce ne sont d'ailleurs pas tant les dispositions contenues dans le texte qui sont critiquables (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) que celles qui n'y sont pas. Les décisions nécessaires au rétablissement de l'Etat de droit brillent par leur absence : quid du pouvoir des maires, de la réforme de l'ordonnance de 1945 ou du fichier d'empreintes génétiques ? En première lecture, nous avons tenté de les introduire, sans grand succès à l'exception du fichier d'empreintes génétiques et de la réglementation des rave parties, qui d'ailleurs cause des tiraillements avec la gauche libertaire. Vous n'avez pas cru devoir nous entendre et répondre ainsi aux attentes légitimes des Français. La démocratie, c'est le pouvoir du peuple par le peuple. C'est lui qui doit être au c_ur de toute politique. Parce que nous savons que vous allez vous soumettre à la suppression massive organisée par la commission des lois, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de débattre d'un texte qui ne manifeste en définitive que votre autisme, votre surdité et vos préjugés idéologiques, et qui est bien incapable d'assurer le respect de notre devise républicaine : liberté, égalité, fraternité.

M. Thierry Mariani - Très bien !

Mme la Présidente - Je suis saisie de plusieurs demandes d'explications de vote.

M. Jean-Yves Caullet - La sécurité est une préoccupation essentielle des Français et comment pourrait-il en être autrement ? Raison de plus, lorsque nous en débattons, pour éviter la caricature ! Pour avoir dirigé des services dans ce domaine, je puis vous dire que l'exégèse des statistiques est d'autant plus délicate que l'on entend plaquer sur elles des conclusions préétablies et pour répondre aux arguments de MM. Estrosi et Mariani -qui nous ont donné le spectacle d'un duo bien rodé-, personne ne peut croire qu'un grand soir législatif serait à lui seul de nature à régler un problème de société aussi vaste que celui de l'insécurité et de l'évolution -effectivement préoccupante- de certains de nos jeunes vers des comportements de plus en plus violents. Personne ne peut croire non plus à la sincérité des larmes de crocodile versées sur des effectifs de police, de gendarmerie ou de la justice par ceux-là même qui, chaque jour, professent la réduction des moyens budgétaires de l'Etat dans tous les domaines ! Et personne ne peut être dupe d'une stratégie purement politique, qui, à l'approche de certaines échéances électorales, s'appuie alternativement sur des discours extrêmes -à destination d'un électorat bien ciblé- et sur des propos plus mesurés, certes prononcés sur un ton patelin mais qui peinent à faire oublier les premiers !

La seule question qui se pose à nous aujourd'hui, c'est de savoir si le texte qui nous revient du Sénat est utile en ce qu'il serait de nature à apporter des solutions concrètes à des problèmes précis. L'insécurité ne pouvant, je l'ai dit, faire l'objet d'un seul texte qui résoudrait tout, il faut examiner les difficultés concrètes qui y concourent et qui peuvent paraître, j'en conviens, un peu terre-à-terre aux grands esprits qui m'ont précédé à la tribune.

Les textes, nous en avons déjà beaucoup ! Et s'il faut parfois les perfectionner, évitons de les multiplier à loisir. Veillons plutôt à leur bonne application (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Oui, ce texte est utile et nous allons adopter des mesures qui vont faciliter l'action des services, qui, du reste, méritent mieux qu'une exploitation quelque peu systématique des difficultés qu'ils rencontrent parfois. Il nous revient à présent de débattre au fond des dispositions de ce texte et partant, de rejeter résolument la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Laurent Dominati - M. Estrosi a très bien posé le problème. S'il s'agissait réellement de débattre de la sécurité quotidienne des Français et si notre République avait accédé à un stade de maturité suffisant pour que majorité et opposition se mettent d'accord sur un constat qui ne fait aucun doute, nous serions partants. Hélas, il n'en est rien. Vous persistez à refuser d'admettre que la délinquance est en constante augmentation et plutôt que d'aborder les problèmes les uns après les autres et tels qu'ils se posent à nos concitoyens, vous privilégiez des positions de principe qui sont en parfait décalage avec la réalité.

Or, l'occasion nous était donnée de débattre d'un texte intéressant puisque celui qui nous revient de la Haute assemblée s'efforce d'apporter des réponses concrètes. Dès lors, si nous nous en étions saisis en responsables politiques soucieux d'aboutir à un texte important, la discussion eût pu être fructueuse. Du reste, je ne mets pas en cause, Monsieur le ministre, votre résolution personnelle à proposer des solutions et vos positions -si controversées dans votre camp- sur l'amendement Mariani témoignent de la bonne volonté qui vous anime.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Il va très loin !

Un député socialiste - Trop loin !

M. Laurent Dominati - Las, retenu par votre majorité, vous vous en êtes, en matière de sécurité quotidienne, tenu au titre !

Je ne puis donc que réitérer la proposition que je fais chaque année à l'occasion de l'examen des crédits de votre ministère que soit constitué une commission interparlementaire -qui pourrait du reste travailler à huis clos- pour aborder les problèmes de sécurité au fond avec l'ensemble des interlocuteurs qualifiés pour le faire. Vous n'avez jamais donné suite à cette proposition constructive et je le regrette.

Alors, si j'ai bien compris, dès lors que l'opposition se saisit de ces questions, vous la taxez de poujadisme, de populisme et de démagogie ! Mais vous admettrez qu'il faut bien que quelqu'un le fasse puisque vous vous contentez de balayer nos propositions d'un revers de main et de les caricaturer. Face à cette attitude inconséquente, l'agacement grandit et les Français, qui ont en la matière de vraies attentes, ne sont pas dupes. Je vous donne acte d'avoir enfin admis, à Villepinte que l'insécurité ne relevait pas seulement d'un sentiment mais qu'elle s'inscrivait bien dans la réalité vécue de nombre de nos concitoyens. Hélas, malgré cette lucidité nouvelle, vous ne proposez rien ou vos initiatives témoignent de votre difficulté à appréhender la réalité.

Considérant qu'il ne lui est pas proposé de débattre utilement du texte du Sénat, le groupe DL soutient sans réserve la question préalable de M. Estrosi (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Thierry Mariani - Bien entendu, le groupe RPR votera la question préalable défendue avec talent par M. Estrosi.

Malgré les statistiques pitoyables qui marquent son bilan, la majorité s'obstine à prétendre qu'il n'y a pas, dans ce pays, de problème d'insécurité ! Et malgré les colloques qui se succèdent -comme si la sécurité était affaire de tables rondes et de prises de positions théoriques- rien n'a changé dans votre attitude. Du reste, n'est-il pas significatif que ce texte soit le premier et le dernier de la législature à prétendre aborder le problème de la sécurité des Français ?

Il semblait donc qu'une certaine prise de conscience était intervenue et le texte du Sénat nous donnant l'occasion d'aborder la quasi totalité des problèmes qui préoccupent nos concitoyens.

Certes, vous avez, Monsieur le ministre, donné suite à quelques propositions qui vous tiennent à c_ur -s'agissant notamment des armes- mais les problèmes qui tiennent à c_ur aux Français sont d'une toute autre ampleur. Je pense en particulier à la délinquance des mineurs à propos de laquelle votre obstination à ne pas légiférer reste stupéfiante. Dès lors, la question préalable est parfaitement justifiée et permettez-moi de vous dire, Monsieur le ministre, que les leçons de morale que nous assène en permanence votre majorité nous deviennent franchement insupportables. Il est inadmissible de nous traiter de poujadiste ou de suppôt des tenants d'extrême droite alors que notre seul but est d'apporter des solutions concrètes à des problèmes dont vous avez été vous-même forcés de reconnaître l'existence. J'observe d'ailleurs que vous n'y avez été conduit qu'à partir du moment où le corps enseignant, qui constitue la base de votre électorat, a lui-même été confronté à des situations de violence sans précédent ! Épargnez-nous donc, Messieurs les députés de la majorité, votre condescendance. Un seul chiffre devrait suffire à la décourager : je rappelle que les faits constatés de délinquance imputables à des mineurs ont augmenté de 21 %. Peut-on tirer un trait sur cette réalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme la Présidente - Nous en venons à la discussion générale du projet de loi.

M. Jean-Pierre Blazy - Après l'échec de la commission mixte paritaire, le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui entend, loin des polémiques stériles entretenues par nos collègues de l'opposition, apporter des réponses concrètes aux questions soulevées par le conseil de sécurité intérieure du 30 janvier dernier.

Son objectif est de légiférer sur des questions précises : régime des armes, élargissement des prérogatives juridiques de la police nationale, sécurisation des cartes bancaires, chiens dangereux, liaison ferroviaire transmanche. Tels sont les sujets que le projet de loi aborde en se détournant résolument des querelles idéologiques stériles dans lesquelles se complaît l'opposition.

Nous ne discutons pas, comme la droite feint de le croire, d'une loi d'orientation ou de programmation, mais d'un texte susceptible de répondre aux problèmes concrets de nos concitoyens. Cela dit, je comprends qu'à un an des élections, nos collègues de l'opposition, en panne d'idées et de projet, s'agitent sur ce thème qui est passé, depuis que nous avons fait reculer le chômage, au premier rang des préoccupations des Français.

Pourquoi entretenir des polémiques stériles autour des chiffres de la délinquance ? Le Premier ministre et le Ministre de l'intérieur viennent d'annoncer la création d'un observatoire de la délinquance, afin que nous dispositions à l'avenir, après 2002 (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR), d'un outil statistique incontesté mesurant non seulement l'insécurité réelle, mais aussi le sentiment d'insécurité. De fait, avec le développement de la police de proximité, le nombre de plaintes a logiquement augmenté. Il faut se réjouir que le temps des ministres de l'intérieur conseillant aux commissaires de ne pas enregistrer les plaintes soit désormais révolu !

Selon l'enquête de la SOFRES sur l'état de l'opinion, 40 % des Français estiment que ni la gauche ni la droite ne sont capables de combattre l'insécurité. Ce chiffre démontre que le problème de la sécurité ne doit pas faire l'objet de querelles idéologiques et, surtout, témoigne de l'attente de nos concitoyens.

En première lecture à l'Assemblée nationale, le projet du Gouvernement a été enrichi sur de nombreux sujets touchant à la sécurité quotidienne : enlèvement des épaves, renforcement des sanctions pour les délits de grande vitesse, définition des missions des services de sécurité internes à la SNCF et à la RATP, fichier national des empreintes génétiques. L'immatriculation des deux-roues est également un point essentiel. Croyez bien que le président du Conseil national du bruit que je suis est favorable à cette disposition. Je souhaite, Monsieur le ministre, que le décret d'application précise que cette immatriculation s'étend aux deux roues à moteur de cylindrée inférieure à 50 cm3.

Enfin, notre texte traduit dans la loi le principe de coproduction de la sécurité, en reconnaissant aux maires un rôle éminent en la matière.

Le Sénat a bouleversé le texte. Tout y est passé : la réforme de l'ordonnance de 1945 sur les mineurs, la mise en place d'une police territoriale placée sous l'autorité du maire, la légalisation des arrêtés « couvre-feu ». La droite a fait au Sénat ce qu'elle n'a pu faire à l'Assemblée. Avec le rapporteur et le ministre, le groupe socialiste propose de revenir au texte initial.

Néanmoins, quatorze articles ont été votés conformes par le Sénat, notamment celui concernant les épaves. Nos collègues sénateurs, qui sont aussi élus locaux, ont donc su parfois faire preuve de responsabilité !

Sur proposition socialiste, le Sénat a également adopté un amendement jetant les bases juridiques de l'intervention de la force publique dans les parties communes des immeubles. Le principe de la coproduction entre maire, police nationale, gendarmerie nationale et bailleurs a été retenu.

Le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, c'est tout cela avant d'être un texte sur les rave parties. Cette question a fait débat, non seulement à gauche, mais aussi à droite, d'après les déclarations récentes de Mme Alliot-Marie.

Le groupe socialiste, dans sa majorité, considère qu'il faut poursuivre les discussions avec les organisateurs de rave et de free parties, afin d'élaborer une charte entre associations et ministères concernés. Il est néanmoins souhaitable de continuer à réfléchir sur la nécessité de légiférer. En effet, après l'adoption de la loi du 19 mars 1999, la circulaire du 29 novembre 1998 est devenue caduque. Le débat que nous aurons sur l'article 21 montrera les choix de notre Assemblée.

En conclusion, ce projet constituant une avancée nouvelle dans la politique de sécurité, le groupe socialiste lui apporte son entier soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Présidente - La parole est à M. Thierry Mariani, en remplacement de M. Jean-Luc Warsmann.

M. Thierry Mariani - Le groupe RPR s'étant déjà largement exprimé en défendant l'exception d'irrecevabilité et la question préalable, nous reprendrons la parole dans la discussion des articles. Une simple remarque, Monsieur Blazy : trouvez-vous normal qu'il soit plus difficile pour un chasseur d'acheter un fusil, pour un collectionneur de détenir une baïonnette ou pour un membre du club de tir de pratiquer son sport, que pour un organisateur de rave party de se livrer à ses activités ? Nous en reparlerons tout à l'heure...

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Dans un an, les élections présidentielles et législatives auront eu lieu. Vous êtes, nous sommes, donc, en campagne électorale.

Nous, dans l'opposition, nous avons élaboré un projet ; vous, vous affichez des intentions, vous lancez des slogans, vous prenez des mesures que vous dites modestes mais qui le sont vraiment trop...

Vous niez les réalités, les formes nouvelles de la violence, l'âge auquel sont commis les délits et les crimes. Vous faites de l'idéologie alors que sur ces questions nous devrions, entre Républicains, trouver un terrain d'accord. Vous caricaturez l'opposition et, ce faisant, vous caricaturez les Français dont nous sommes les porte-parole.

Vous découvrez maintenant le droit aux chiffres vrais... Il y aura des statistiques, dites-vous, mais après 2002. Pourquoi le déclarer aujourd'hui ? Parce que les fonctionnaires exposés que sont les policiers et les gendarmes, comme les enseignants, brisent le mur du silence.

Vous parlez de coproduction, mais qui, aujourd'hui, est le responsable de la sécurité et de la tranquillité publiques ? Le maire. Si vous ne voulez pas qu'il assume cette responsabilité, dites-le et écrivons-le clairement !

Oui, les policiers et les gendarmes lancent un signal d'alarme. Ils ont besoin d'être défendus et reconnus, car leur travail est de plus en plus difficile. La priorité des priorités, c'est de donner plus de moyens aux services de l'Etat. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il faut pour chaque fonction régalienne de l'Etat une programmation pluriannuelle.

Monsieur le ministre, je vous fais une proposition. Je souhaite que les membres de la commission des lois aient un mois de juillet utile, et que par équipe de trois, deux parlementaires de la majorité et un de l'opposition, nous nous rendions sur le terrain, dans ces commissariats de police, dans ces brigades de gendarmerie, auprès de ces adjoints de sécurité qui, tous, travaillent confrontés au danger.

Puisque vous avez confiance dans la police que vous menez, et puisque nous ne souhaitons pas davantage la polémique que lorsque nous avons, ensemble, enquêté sur la situation dans les prisons, cette demande devrait aboutir. Nous pourrions ainsi nouer un dialogue fructueux, et nous faire les porte-parole de nos concitoyens, certes, mais aussi des fonctionnaires placés sous votre autorité. Loin de moi l'idée de les livrer à la vindicte populaire ; là n'est pas mon propos, bien au contraire. Il s'agit de les défendre, comme doivent l'être, dans un autre domaine, les enseignants. Si nous procédions de la sorte, nous aborderions l'examen de la prochaine loi de finances suffisamment éclairés pour juger en conscience du bien-fondé des moyens alloués à la sécurité.

Mais, au-delà des moyens, il faut un projet d'ensemble, incluant tous les acteurs de la sécurité. A cet égard, la première cellule de sécurité, c'est la famille. Il n'est donc pas choquant de rappeler dans la loi sa responsabilité éminente en cette matière.

Mais l'action en faveur de la sécurité quotidienne, c'est aussi le soutien aux gardiens d'immeuble, aux animateurs sportifs, aux enseignants, aux médiateurs, tous confrontés à une jeunesse dont il n'est pas question de méconnaître la qualité, mais dont il faut aussi reconnaître qu'elle a parfois des réactions d'une violence incompréhensible.

Dans un tel contexte, en quoi serait-ce se montrer sectaire et américanisant que de dire que le maire, élu au suffrage universel, doit être placé au c_ur du dispositif opérationnel de sécurité ? Que l'idéologie vient-elle faire là dedans ? Vouloir la sécurité au quotidien, c'est affirmer qu'une politique nouvelle est nécessaire, qui suppose que de plus larges responsabilités soient accordés aux maires.

Nous sommes tous confrontés à une crise de l'autorité, qui reflète cette crise de la politique qui dit le manque de repères. On le sent bien : le débat, ce soir, porte aussi sur les principes fondamentaux qui régissent la vie dans la cité. Or les mesures que vous nous proposez sont des mesures ponctuelles. Le refus de la novation est patent et ce projet est teinté d'archaïsme. Quand l'impuissance est manifeste, point n'est besoin de s'étonner de la hausse continue de l'abstention ! Qui parmi nous ne s'est entendu dire, assez rudement : « Vous parlez beaucoup, mais vous ne servez à rien » ? Ce constat d'impuissance devrait nous réunir, et nous inciter à redéfinir le périmètre de la justice.

Il faut, c'est vrai, savoir remettre le pied à l'étrier, tous les magistrats le disent. Mais ils se disent aussi débordés. Il faut donc fixer une nouvelle répartition des responsabilités. A ces demandes pressantes, vous opposez pourtant un refus idéologique. J'en donnerai deux exemples : en matière de délinquance des mineurs, vous agitez le chiffon rouge des libertés publiques. Mais nous ne voulons pas le « tout carcéral » ! Les conclusions de la commission d'enquête sur les prisons l'ont montré clairement : nous ne sommes pas favorables au « tout -répressif » ; nous savons bien que la prison ne règle pas tout et que ce n'est pas toujours la réponse appropriée. Il convient donc de proposer des mesures alternatives, telles que la généralisation des maisons de justice, des médiations, et de dispositions en faveur du sport, de la culture et, naturellement, de l'emploi.

Mon autre exemple portera sur les « rave-parties ». Dans ce domaine, Messieurs de la majorité, évitez la caricature ! En première lecture, nous avons su vous convaincre d'adopter des dispositions de bon sens. Mais maintenant, vous avez peur et, parce que vous avez peur, vous prétendez que la droite serait hostile à la création et à la fête. Eh bien, non, nous ne sommes pas de futurs censeurs ! Mais pourquoi y aurait-il une sorte de « haute couture politique » pour la techno ? En quoi les responsabilités d'un organisateur de fêtes techno seraient-elles différentes de celles d'un organisateur de grandes rencontres sportives, culturelles ou politiques ?

Ce n'est vraiment pas faire _uvre utile que d'opposer libertés publiques et contraintes de la vie collective, et cela vous éloignera de nos concitoyens.

Nous ne doutons pas que vous allez défaire le travail du Sénat. Ne subsisteront donc que quelques mesures ponctuelles, dont certaines sont nécessaires. Mais il manquera la vision d'ensemble novatrice qui aurait permis d'assurer à tous ceux qui vivent en France qu'ils peuvent le faire libres et en sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jean Vila - En première lecture, nous vous avions rappelé le manque d'ambition de ce texte, qui ne répond pas pleinement à l'attente de nos concitoyens. Si certaines dispositions vont dans le bon sens, le plus important reste à faire.

Les députés communistes auraient préféré que, sur un sujet aussi important, une réforme de fond ait été envisagée. De fait, un grand nombre de nos concitoyens subissent de plein fouet l'augmentation, sans cesse croissante, du nombre de délits et de crimes, au point qu'ils considèrent que leur sécurité n'est plus convenablement assurée. Ils sont pourtant en droit d'attendre du Gouvernement des mesures fortes et innovantes s'accompagnant des moyens suffisants pour en assurer le plein succès.

Nous ne remettons pas en cause votre texte, Monsieur le ministre, puisqu'il contient certaines améliorations, mais nous nous inquiétons de votre frilosité ; ainsi, pourquoi ne pas avoir décidé de vous attaquer vraiment à la délinquance des mineurs ?

L'Etat ne s'acquittant pas de ses obligations, la population, victime d'un véritable déni de sécurité, se détourne des urnes : à déni de sécurité, déni de citoyenneté.

De plus, l'insécurité est l'une des formes les plus criantes de l'injustice sociale, puisque c'est dans les quartiers populaires que se concentre la délinquance. Cette situation scandaleuse ne peut plus durer, qui fait des classes sociales les plus défavorisées de doubles victimes : victimes d'injustices sociales et économiques inhumaines, leurs droits sacrifiés sur l'autel d'un capitalisme sauvage qui n'obéit qu'à la recherche effrénée du profit, victimes, aussi, d'une misère « sécuritaire » due à une délinquance de mieux en mieux organisée, et jouissant d'un réel sentiment d'impunité qui lui fait exercer en certains points du territoire un contrôle qui va jusqu'à remettre en cause le pacte républicain.

Face à cette hausse des délits, les populations qui vivent dans ces zones de forte délinquance, sont en droit d'attendre des pouvoirs publics une réponse ferme et efficace propre à leur garantir le droit à la sécurité dont ils devraient normalement jouir.

Je ne peux donc que m'étonner de lire que ce projet « ne prétend pas tout résoudre », mais qu'il « aborde des questions concrètes ».

Quel manque d'ambition ! Vous admettez donc que ce texte n'a d'autre vertu que d'aborder des questions concrètes : mais les victimes de cette violence quotidienne attendent de vous des réponses concrètes à leurs problèmes !

Ne nous y trompons pas : ce projet touche à un véritable enjeu de société. Serrons-nous capables d'assurer la sécurité des générations futures ? Nous nous trouvons aujourd'hui à la limite d'une véritable explosion sociale. Une partie de notre jeunesse paraît ne plus disposer des repères permettant de vivre en communauté.

Or, face à la nécessité d'une volonté réelle de changement, votre attitude, Monsieur le ministre, me laisse perplexe, d'autant plus que vous avez exercé des fonctions électives locales dans un quartier représentatif de la situation dans laquelle se trouvent certains quartiers en difficulté.

Vous vous devez de déclencher un mouvement de fond pour garantir la paix à tous nos concitoyens, et d'abord à ceux qui vivent dans ces quartiers.

Or, avec ce texte, vous procédez à un saupoudrage, éludant les véritables problèmes.

Nos interrogations ne visent nullement à nuire à l'efficacité de votre réforme, dont vous-même avez reconnu le manque d'ambition. La question porte sur les motivations réelles du Gouvernement : veut-on s'attaquer en profondeur à ce fléau qu'est l'insécurité ? Si la réponse est oui, les députés communistes sont à votre disposition pour vous faire part de leurs propositions et de leur expérience. Le texte qui nous revient du Sénat a subi un sort peu enviable : la majorité sénatoriale l'a transformé et durci, revenant à une conception que l'on croyait oubliée. Le tout répressif n'est pas une solution durable face à l'insécurité, et surtout à une délinquance de plus en plus jeune. Il nous paraît dangereux qu'un sujet si sensible soit instrumentalisé à des fins politiciennes. En effet une politique publique de traitement de la délinquance ne peut réussir que si elle conjugue, avec subtilité, prévention et répression. Mieux que des dispositions disparates, le problème de la délinquance juvénile appelle un projet spécifique, élaboré en concertation avec les ministères et les acteurs concernés.

Nous voterons ce texte, si limité soit-il, en indiquant qu'un sujet aussi important que la sécurité mérite une réforme de fond associant les ministères de la justice, de l'éducation nationale et de la jeunesse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Laurent Dominati - Essayons d'avoir un débat utile, en cherchant à nous mettre d'accord sur le constat, les objectifs et les moyens.

Sur le constat, les chiffres nous mettront aisément d'accord. La délinquance a augmenté, puisque le nombre de crimes et délits est passé de 3,744 millions en 1991 à 3,919 millions en 1994, 3,493 millions en 1997, 3,771 millions en 2000, et on s'attend cette année à une hausse d'au moins 8 %. Ne cherchons pas les responsabilités : les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Constatons aussi ensemble que la délinquance augmente en violence. En dix ans, les atteintes aux personnes et aux biens se sont accru de 130 % à 150 % ; en 2000 le nombre de crimes avec violence a augmenté de 15 %. Nous savons tous que la délinquance juvénile s'accroît : en 1993, 92 000 mineurs étaient en cause ; ils étaient l'an dernier 175 000.

Au total, nous pouvons convenir que la nouvelle délinquance est plus massive, plus jeune et plus violente. Nous mesurons bien la difficulté de la tâche à laquelle un gouvernement, quel qu'il soit, doit faire face.

L'accord sur les objectifs est également possible, à commencer par la transparence. Ainsi le Premier ministre a proposé de créer un observatoire de la délinquance.

M. Jean-Pierre Blazy - Excellente idée !

M. Laurent Dominati - On sait aussi que la délinquance diminue aux Etats-Unis alors qu'elle augmente chez nous. Une étude que vous avez vous-même commandée montre que les Français se considèrent de plus en plus comme des victimes.

Je souhaite donc, comme vous, en finir avec le débat des chiffres. Encore faudrait-il que les Français soient exactement informés. A ce sujet, la proposition du Sénat relative à l'information obligatoire des maires me paraît souhaitable par tout le monde. Nous sommes tous d'accord aussi pour réaffirmer le rôle de l'Etat dans ses missions régaliennes. Ici encore, cessons les caricatures et les faux procès : lorsque nous parlons du rôle du maire en matière de sécurité, nous pensions à une action locale et complémentaire de celle de l'Etat. Vous avez d'ailleurs admis ce principe en faisant voter une loi sur la police municipale.

Reconnaître le rôle de tous les acteurs concernés, donner une réponse pénale à chaque acte délictueux, lutter centre la délinquance financière, la délinquance des mineurs, l'exploitation des femmes par des réseaux internationaux, le phénomène des enfants mendiants, voilà qui peut nous réunir.

Ensuite, commencent les divergences entre nous. Sans doute le Gouvernement a-t-il opéré une certaine conversion, marquée par le discours de Villepinte. Vous avez mis en place la police de proximité et les contrats locaux de sécurité.

La mission d'évaluation de la police de proximité, dans son quatrième rapport, s'est montrée extrêmement sévère.

M. le Ministre - Mais non !

M. Laurent Dominati - Je vous ai demandé de communiquer ce rapport aux parlementaires. Si vous ne l'avez pas fait, c'est, je suppose, qu'il n'est pas si favorable, et que les extraits parus sont significatifs. A notre sens, les institutions républicaines chargées de lutter contre l'insécurité, c'est-à-dire la police et la justice sont en crise. Les moyens du budget de la sécurité publique représentent 5 % du budget de l'Etat.

M. le Président de la commission - De votre temps, c'était encore bien moins !

M. Laurent Dominati - L'augmentation du budget de votre ministère concernant la sécurité est inférieure à l'inflation. Les moyens de la police ne sont donc pas à la hauteur de votre réforme. J'ai cité tout à l'heure un document de l'UNSA. En voici un autre, émanant du syndicat « Alliance » qui parle d'un bilan désastreux de la police de proximité. Le syndicat des commissaires de police a cette formule : « La police de proximité, dilution-démission de police et pénurie de moyens ».

Voilà qui fait beaucoup. Ce qui est en cause, en fait, c'est la politique pénale du Gouvernement. Si quelqu'un a le sentiment de l'impunité, il sera davantage tenté de commettre un délit. Or le taux d'élucidation qui atteignait 65 % en 1965, est tombé à 52 % en 1972 et à 26 % en 1999.

La réforme relative à la présomption d'innocence a entraîné une baisse des gardes à vue et des mises en détention provisoire de 12 % et 15 %.

Voici ce que dit un magistrat : 40 % des peines de prison de plus d'un an ferme ne sont pas exécutées ; si seulement 16 % des faits délictueux dénoncés donnent lieu à une identification, si 25 % font l'objet d'une poursuite et si 50 % font l'objet d'une exécution, ce sont seulement 3 % des auteurs de délits qui sont sanctionnés effectivement. Telle est l'inefficacité de notre système de sécurité.

Vous comprendrez donc aisément que nous ne soyons pas d'accord avec vous !

Notre système judiciaire marche sur la tête : on décide de faire passer quelqu'un en jugement ou non, de l'incarcérer ou non, selon que les tribunaux sont plus ou moins engorgées, selon que les prisons sont plus ou moins surpeuplées, au lieu de partir du principe simple que tout délit doit recevoir une réponse !

Quant à la mise en place de la police de proximité, nous sommes très réservés devant une politique qui consiste à mettre des adjoints de sécurité à la place des policiers (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), des policiers à la place des brigadiers, des brigadiers à la place des commissaires !

M. le Ministre - C'est faux : il y a plus de policiers titulaires qu'il n'y en a jamais eu de votre temps !

M. Laurent Dominati - Il faut peut-être moins de policiers, mais mieux formés et mieux payés, quitte à confier certaines tâches de police aux maires ou à d'autres institutions.

Sur la délinquance des mineurs, le Sénat a le mérite de poser les vraies questions, de ne pas vouloir laisser des mineurs en danger se faire exploiter par des gangs. Récemment, dans le centre de Paris, des mineurs ont été interpellés en train de piller des horodateurs, pour être relâchés une heure après et reprendre leurs agissements à l'endroit même où ils avaient été interrompus ! Ce n'est pas acceptable !

M. Raymond Forni - Donnez-nous plutôt quelques conseils sur l'utilisation des hélicoptères ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Laurent Dominati - Vous voulez parler, je suppose, de la prison de Borgo ?

M. le Président de la commission - Non : de l'hélicoptère que vous avez envoyé dans l'Himalaya pour arrêter le cours de la justice !

M. Laurent Dominati - Oui, c'était une erreur, dont vous avez d'ailleurs bien profité, alors que vous avez utilisé des procédés qui ne valaient guère mieux ! J'observe que vous en revenez toujours à ces affaires lorsque l'on aborde le fond des choses ! Et le président de l'Assemblée lui-même se met à interrompre les orateurs de l'opposition ! (Rires)

Mme la Présidente - Votre temps de parole est presque écoulé. Je vous prie de revenir à votre propos et de conclure (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Laurent Dominati - J'ai le défaut, en effet, de céder facilement à la provocation... (Sourires)

M. Marcel Rogemont - Séguin en sait quelque chose !

M. Laurent Dominati - Je vous fais une proposition : êtes-vous prêts à constituer une commission qui réunirait des parlementaires de la majorité et de l'opposition, qui procéderait à des auditions et qui, afin que soit écarté tout risque de démagogie, débattrait à huis clos, sur un ton normal, celui que nous employons en dehors de l'hémicycle ? Il serait temps que nous travaillions ensemble à rechercher des solutions à ces problèmes sérieux, sans nous invectiver ni caricaturer nos positions respectives : je ne doute pas que vous en soyez capables, en tout cas pour la meilleure part d'entre vous... Je n'ai fait ce soir que reprendre des critiques qui n'émanent pas de l'opposition, mais de magistrats et de policiers et de leurs syndicats. Si vous considérez que j'ai dit quelque chose de faux, vous me corrigerez, et je veux croire qu'à cette occasion vous nous communiquerez le rapport que je vous demande depuis un mois... (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Marcel Rogemont - Je consacrerai mon bref temps de parole à l'imbroglio qui s'est installé autour d'un amendement concernant les « rave parties » et les « free parties » et qui, si l'on n'y prenait garde, risquerait de masquer l'intérêt des dispositions concrètes que nous nous proposons d'adopter pour améliorer la sécurité quotidienne de nos concitoyens.

Le vote en séance, pour ne pas dire séance tenante, de cet amendement par les députés socialistes présents signifiait que le problème posé ne pouvait, à leurs yeux, rester sans recherche de solution. Le Gouvernement y était, quant à lui, défavorable, mais il fut voté ; au Sénat, il a proposé un dispositif différent, qui lui paraissait plus approprié, et dont l'adoption a eu deux effets bénéfiques : éviter le vote conforme, et donc définitif, d'un amendement à la fois strictement répressif et inapplicable ; ouvrir la voie à une solution plus constructive.

C'est dans cet esprit que le groupe socialiste s'est mis au travail, et a abouti à la conclusion que toute solution devait reposer sur un emploi rigoureux du vocabulaire et une analyse précise de la genèse de ce phénomène de société. Le terme « rave party » doit être réservé aux fêtes techno organisées dans le cadre de la loi régissant les spectacles payants. Les « free parties », en revanche, sont des manifestations spontanées et gratuites, en marge de la loi. Pourquoi sont-elles plus nombreuses en France que dans d'autres pays d'Europe ? Une partie importante de la réponse se trouve dans la vague de répression déclenchée par la circulaire Pasqua de 1995, qui, considérant la musique techno comme un risque en soi (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), a abouti à l'interdiction de fait des « rave parties » organisées, les maires opposant des refus systématiques.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Alors, autorisez-les !

M. Marcel Rogemont - Qu'en est-il aujourd'hui ? Une nouvelle fois, à partir d'un problème réel que nul ne nie, on entretient un amalgame entre les « rave parties », organisées dans le respect de la loi, et les « free parties », on rejette en bloc la culture « techno » (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Ce que nous souhaitons, c'est d'abord ne pas porter préjudice aux organisateurs de spectacles qui respectent la loi.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Nous aussi !

M. Marcel Rogemont - C'est ensuite essayer de relier à la loi ce qui se déroule en dehors d'elle. Chacun sait qu'il existe un espace de « respiration » de la loi aux marges de celle-ci (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) : la jurisprudence en tient compte, et le principe d'appréciation de l'opportunité des poursuites en est la traduction. C'est cet espace que les organisateurs des « free parties » utilisent, mais ils ne peuvent pour autant prétendre ne pas répondre des troubles qui peuvent s'ensuivre. Nous leur disons : gérons ensemble cet espace dans la responsabilité, rejoignez la loi et ne vous en écartez pas au-delà de l'acceptable (Mêmes mouvements), élaborons une charte pour mieux garantir la sécurité des personnes et des biens, recherchons, réservons éventuellement quelques sites pour les manifestations les plus importantes.

Bref, il y a un chemin à parcourir : par eux, par nous, par les pouvoirs publics, et c'est pourquoi nous souhaitons donner une chance à la concertation avant de devoir légiférer. Nous serons présents à vos côtés, Monsieur le Ministre, pour explorer cette voie et en tirer, le cas échéant, les conséquences (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Thierry Mariani - Courage, fuyons !

La discussion générale est close.

La discussion des articles est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, mercredi 27 juin, à 9 heures.

La séance est levée à minuit.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 27 JUIN 2001

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

      1. Discussion de la proposition de résolution (n° 3001) de M. Didier BOULAUD sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des Etats membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable (COM (00) 7 final du 26 juillet 2000 / E 1587).

        M. Jean-Pierre BALDUYCK, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (Rapport n° 3095).

      2. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur la forêt.

        M. François BROTTES, rapporteur (Rapport n° 3169).

      3. Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi (n° 3102) relatif à la sécurité quotidienne.

        M. Bruno LE ROUX, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (Rapport n° 3177).

      4. Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat (n° 2736), tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales.

        M. Jacky DARNE, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (Rapport n° 3137).

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Allocution de M. le Président.

3. Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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