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Session ordinaire de 2001-2002 - 2ème jour de séance, 3ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 2 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

HOMMAGE AUX VICTIMES DE LA CATASTROPHE DE TOULOUSE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CATASTROPHE DE TOULOUSE 2

MESURES CONTRE L'INSÉCURITÉ 3

CATASTROPHE DE TOULOUSE 4

CATASTROPHE DE TOULOUSE 4

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE 6

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
(suite) 6

SITUATION DE LA JUSTICE À LA MARTINIQUE 6

TERRORISME 6

MESURES DE SOUTIEN DE L'EMPLOI 7

LUTTE CONTRE LE FINANCEMENT DU TERRORISME 7

MOULINEX 8

ÉLOGE FUNÈBRE DE GUY HERMIER 9

DROITS DES MALADES 12

QUESTION PRÉALABLE 22

La séance est ouverte à quinze heures.

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HOMMAGE AUX VICTIMES DE LA CATASTROPHE DE TOULOUSE

M. le Président - (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent) Septembre fut un mois cruel pour les Etats-Unis, il le fut aussi pour les Toulousains. L'explosion survenue sur un site industriel a causé de nombreuses victimes et des dégâts d'une ampleur considérable : elle a aussi suscité de nombreuses interrogations. De ces événements, les hommes et femmes politiques que nous sommes, chargés de veiller à la sécurité de nos concitoyens, devrons tirer les enseignements.

Dès que j'ai eu connaissance de cette catastrophe, j'ai fait part, en notre nom à tous, de ma tristesse et de ma compassion à notre collègue Philippe Douste-Blazy, j'ai salué la compétence et le dévouement des sauveteurs, et rendu hommage à la solidarité immédiate qu'ont manifesté aux victimes et à leurs familles la population toulousaine et la France entière. Je compte sur nos collègues de la région pour qu'ils se fassent l'écho, auprès de nos concitoyens durement touchés, de l'émotion de la représentation nationale, de sa peine et de sa solidarité.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence)

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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CATASTROPHE DE TOULOUSE

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et j'y associe mes collègues Hélène Mignon et Pierre Cohen. La ville de Toulouse a subi, le 21 septembre, la catastrophe industrielle la plus meurtrière que la France ait connue au cours des vingt dernières années. On a dénombré 29 morts et plus de 2 000 blessés, des quartiers entiers sont dévastés, des milliers de familles sont dans le désarroi, les sans-abri se comptent par centaines : le choc psychologique est très fort. Les représentants des institutions et les bénévoles se sont organisés pour faire face, dans des conditions parfois très difficiles, à l'urgence : qu'ils soient remerciés, ici, de leur admirable travail.

Dans les heures qui ont suivi l'explosion, vous avez tenu, Monsieur le Premier ministre, à témoigner votre solidarité aux Toulousains éprouvés. Vous avez défini les axes et les moyens de la solidarité nationale, qui est déjà à l'_uvre. Cependant, les questions persistent sur l'origine de ce drame.

Pouvez-vous, Monsieur le Premier ministre, nous éclairer sur les mesures prises par le Gouvernement pour faire face aux conséquences, sur tous les plans, de cette catastrophe ? Pouvez-vous, d'autre part, nous indiquer ce que sera la politique du Gouvernement s'agissant des risques industriels et chimiques, à Toulouse en particulier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - A l'invitation de votre Président, vous venez d'exprimer la part que la représentation nationale prend au deuil qui frappe les Toulousains. Depuis 4 ans et demi, le Gouvernement et moi-même avons souvent été confrontés à des catastrophes qui ont eu pour conséquence des drames humains qui, tous, nous ont profondément émus. Celle qui a frappé Toulouse m'a touché plus directement, car certains de mes amis en ont été les victimes.

Je ne pourrai répondre, en quelques instants, à toutes les questions que vous abordez, et je ne doute pas que, comme il est normal, votre collègue Philippe Douste-Blazy, député-maire de Toulouse, m'en posera lui aussi.

Après que, le jour du drame, je me suis rendu à Toulouse, après que le Président de la République s'y fut rendu, après que les Présidents de votre Assemblée et du Sénat ainsi que les membres du Gouvernement eurent fait connaître leur émotion, le Gouvernement a tenu à apporter aux toulousains les preuves concrètes de la solidarité nationale. C'est pourquoi j'ai annoncé, huit jours après le drame, devant tous les élus concernés, un train de mesures dont je ne vous rappellerai pas le détail, puisque vous le connaissez. Il s'agit d'apporter une aide immédiate d'urgence, ce qui suppose, en particulier, des allégements fiscaux auxquels le ministère des finances veillera. Il s'agit aussi de reloger ceux qui ont tout perdu, et Mme la secrétaire d'Etat au logement y travaille d'arrache-pied. Il s'agit encore de reconstruire dans les meilleurs délais les écoles, les collèges et les lycées, dont certains ont été très gravement endommagés. Je tiens à rendre hommage au très important travail réalisé par le personnel du rectorat, qui a permis que la très grande majorité des élèves ont pu reprendre les cours ce lundi. Je tiens à saluer, aussi, le dévouement exemplaire des sauveteurs, agents de l'Etat et des collectivités locales ou bénévoles, et j'ai apprécié l'hommage que leur a rendu M. Douste-Blazy.

La ville de Toulouse et la Région assumeront leur part des reconstructions, mais la solidarité nationale ne faillira pas, et le Gouvernement a déjà prévu d'allouer des fonds très importants à la reconstruction de l'Université du Mirail, à la renaissance de laquelle j'avais participé (Murmures réprobateurs sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Un député RPR - C'est indécent ! Un peu de retenue !

M. le Premier ministre - Il faut avoir été là-bas pour comprendre l'émotion ressentie !

L'action du Gouvernement consistera aussi à reconstruire les hôpitaux et institutions de santé détruits ou endommagés, et à soutenir les entreprises qui ont subi des dévastations. Ainsi, l'aide cumulée de l'Etat aux Toulousains s'élèvera à 1,5 milliard, dans un effort continu. C'est en effet la mission des élus, mais aussi celle du Gouvernement de manifester durablement la solidarité nationale à nos concitoyens durement éprouvés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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MESURES CONTRE L'INSÉCURITÉ

M. Jacques Godfrain - Partout, en France, agressions et vols se multiplient (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Vous finissez par vous en rendre compte, et vous annoncez des mesures de bon sens pour lutter contre le banditisme, telles que la fouille des coffres de voitures. Mais dans quel cadre juridique comptez-vous la mettre en _uvre, Monsieur le ministre de l'intérieur, vous qui êtes de ceux qui, en 1995, l'avez fait invalider par le Conseil constitutionnel ? Décidément, vous auriez tout intérêt à écouter ce que l'opposition peut vous conseiller en matière de sécurité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Je ne doute pas que le débat sur la sécurité se poursuivra. Sachez que je considère de mon devoir d'assurer la sécurité de mes concitoyens, droit fondamental. Je l'ai montré, déjà, en renforçant les effectifs de la police de proximité, et vous constaterez, en examinant le projet de budget, une forte augmentation des fonds destinés à la police nationale, ce qui permettra de nouveaux recrutements, et le déploiement d'une police mieux formée et polyvalente.

S'agissant des bandes, j'ai pris en janvier dernier l'initiative d'actions de répression ciblées qui ont porté leurs fruits, notamment dans les zones que l'on disait de « non-droit ». Le 6 septembre, Mme Lebranchu et moi-même avons réuni à la Sorbonne préfets et procureurs pour que les services poursuivent ensemble dans cette voie. Ce sont là des actions que vous devriez soutenir.

Certains prétendent nous donner des leçons. Mais la sécurité est un bien trop précieux pour faire l'objet de polémiques (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). La sécurité n'est ni de droite ni de gauche, c'est une valeur républicaine, et le Gouvernement poursuivra son action concrète et sans démagogie pour l'assurer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV).

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CATASTROPHE DE TOULOUSE

M. Claude Billard - La semaine dernière à Toulouse, avec une délégation de parlementaires communistes, j'ai pu mesurer l'ampleur de la catastrophe, comme le désarroi, la souffrance et la colère de la population.

Je salue à nouveau la mémoire des 29 victimes de cet accident majeur, j'exprime notre solidarité aux 3 200 blessés, à tous ceux dont le logement est détruit ou endommagé, à tous les salariés gravement frappés, à tous ceux qui leur ont porté secours avec dévouement et efficacité.

Aujourd'hui, nous demandons une commission d'enquête.

Que veut la population ? Connaître la vérité sur l'origine de l'explosion, obtenir rapidement et équitablement réparation, et que toutes les dispositions soient prises pour qu'un nouveau « Toulouse » ne soit plus possible.

Certes, tout ne dépend pas du Gouvernement ; en particulier, Total-Fina-Elf en premier lieu et les compagnies d'assurances devront contribuer aux réparations des dommages causés (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

Au-delà de la solidarité, quelles sont les mesures d'ampleur que vous envisagez de prendre sur l'ensemble des sites classés Seveso, pour mieux protéger les salariés et la population ?

Je pense en particulier à l'extension des droits des salariés ainsi qu'à l'augmentation des moyens consacrés par l'Etat au contrôle des sites industriels à haut risque (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Tous nous avons été bouleversés par ce qui est la plus grande catastrophe industrielle en Europe depuis 50 ans : désormais, il y aura un « avant » et un « après » Toulouse. Le Gouvernement a pris les mesures de gestion immédiate et de solidarité nécessaires. Il s'agit aussi de préparer l'avenir.

Dans cette optique, vous souhaitez un renforcement des moyens de l'Etat. Le « plan Jospin » présenté vendredi comporte 100 nouveaux postes d'inspecteurs des installations classées, en plus des 50 qui existent. L'INERIS sera doté de moyens supplémentaires pour renforcer les capacités d'expertise du Gouvernement.

D'autre part, quatre enquêtes sont en cours : l'enquête judiciaire, qui prendra quelques mois ; celle de l'inspection générale de l'environnement que j'ai diligentée immédiatement et qui rendra de premières conclusions fin octobre ; une enquête interne de Total-Fina ; selon le v_u du Premier ministre, celle d'un expert indépendant.

Enfin, avec Marie-Noëlle Lienemann et Christian Pierret, nous allons ouvrir un grand débat, au niveau régional puis national, sur le risque industriel. Tous, élus, riverains, associations, industriels, syndicats pourront y participer, de même que les syndicats car les personnels sont les plus concernés et, on l'a vu, les plus directement touchés. Des comités locaux du risque industriel seront aussi constitués comme c'est le cas dans d'autres secteurs et, par voie législative, seront institués des plans de prévention des risques industriels (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste, et sur certains bancs du groupe communiste).

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CATASTROPHE DE TOULOUSE

M. Philippe Douste-Blazy - Depuis le 21 septembre, Toulouse est une ville meurtrie. L'explosion d'une violence inouïe a ravagé une ville, disloqué des familles, traumatisé pour longtemps les habitants.

Monsieur le Premier ministre, avec le Président de la République, les Présidents des assemblées, de nombreux parlementaires de tous les groupes, auxquels je dis ma gratitude, vous avez vécu notre effroi, partagé notre émotion, assisté à notre recueillement. Je remercie M. le Président de l'Assemblée nationale pour l'hommage qui vient d'être rendu aux victimes.

Monsieur le Premier ministre, les Toulousains ont trop de dignité pour vous interpeller, trop de pudeur pour vous solliciter. Mais constatons ensemble ce qu'est la situation sur le plan national. La directive Seveso II adoptée en 1996 devait être appliquée en 1998. La France ne l'a transposée en droit interne qu'en mai 2000, donnant jusqu'à février 2001 aux industriels pour rendre les études de danger aux services de l'Etat.

Mais après le drame, deux questions se posent. D'abord, l'Etat ne doit-il pas faire ces études sous sa responsabilité propre ? Si oui, en a-t-il les moyens ? Ensuite, ces études ne doivent-elles pas être l'occasion d'un grand débat public avec tous les responsables, les scientifiques, les citoyens ? En répondant à ces deux questions, nous commencerons à tirer les leçons du drame de Toulouse (Applaudissements soutenus sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR et sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Depuis dix jours, je me suis efforcé d'être à vos côtés dans l'épreuve, aux côté des Toulousains. Au-delà des mesures de solidarité importantes que j'ai rappelées, j'ai dégagé une approche permettant de tirer les leçons de cette catastrophe pour Toulouse, et pour la France entière. Elle nous oblige à revoir complètement la gestion du risque industriel, la surveillance et le contrôle des installations, l'urbanisation autour des sites.

A mes yeux, la priorité reste la maîtrise du risque industriel lui-même. En effet, 22 des 29 personnes décédées étaient à l'intérieur de l'usine. A supposer qu'on le puisse, ce n'est pas en déplaçant des usines à la campagne qu'on garantirait la sécurité des 500 000 salariés de l'industrie chimique. Il faut donc des modes de contrôle qui leur assurent le risque minimum (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

Nous n'allons ni renoncer à avoir une industrie chimique ni déplacer 500 000 personnes à la campagne. Tout en tirant les leçons de la catastrophe, en discutant de façon raisonnée avec les élus, les experts, les techniciens, et en décidant certainement de déplacer des usines, il faudra pour assurer la sécurité maximum des installations, renforcer les moyens de contrôle et consolider une expertise indépendante. Yves Cochet a évoqué les moyens nouveaux en ce sens.

La maîtrise du risque dépend aussi de l'implication des acteurs concernés. La démocratie est une garantie de la sécurité, et l'information sur les risques un droit à garantir. J'ai donc demandé la constitution de comités locaux d'information et de prévention des risques qui joueront un rôle d'alerte. Les représentants des personnels, notamment les représentants syndicaux, doivent y être associés. Pour ne pas répéter les erreurs du passé, il faut aussi éviter de laisser absorber les implantations industrielles par la croissance urbaine.

Nous allons créer par la loi un plan de prévention des risques technologiques qui s'imposera aux moins à toutes les constructions neuves.

Il n'est pas question de reconstruire aujourd'hui une usine chimique à Toulouse. Quant aux autres villes, il faut prendre le temps d'en débattre de façon responsable, et veiller bien sûr, dans l'immédiat, à garantir la sécurité maximale. Je suis d'accord pour que l'on organise un débat national afin de réfléchir aux problèmes que posent les grands sites industriels à risque : ce sera l'objet de la table ronde nationale qui pourrait se tenir au début 2002, et en vue de laquelle les ministres de l'environnement et de l'industrie ont proposé une mission de réflexion à M. Philippe Essig, ancien président de la SNCF.

Pour les décisions anciennes, les responsabilités sont partagées entre les industriels, les élus locaux, l'Etat même. Pour l'avenir, nous aurons à travailler tous en commun, et le Gouvernement est disposé à vous y associer pleinement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Mohamed Bekkali, président du groupe d'amitié Maroc-France de la Chambre des représentants du royaume du Maroc (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent)

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

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SITUATION DE LA JUSTICE À LA MARTINIQUE

M. Alfred Marie-Jeanne - Le fonctionnement de la justice pose certains problèmes à la Martinique, où l'on observe trop souvent des « dérapages » tels que le défaut de poursuites, de faux constats d'huissier - constatés par huissier ! (rires) -, l'abus des vices de procédure (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), l'escamotage de pièces à conviction, les fausses dépositions, les spoliations d'héritage - et j'en passe.

Quelles mesures envisagez-vous, Madame la Garde des Sceaux, pour remédier à cette situation ?

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice - A ce jour, je n'ai été saisie d'aucun fait précis, mais je suis prête à vous rencontrer pour recueillir votre témoignage. Si votre liste s'appuie sur des faits constatés, il y a lieu de saisir l'inspection générale des services judiciaires - même si certains des faits que vous citez ne relèvent pas directement des magistrats -. Quoi qu'il en soit, si les magistrat sont indépendants, l'institution judiciaire, fonction régalienne, ne l'est pas, et si elle présente des dysfonctionnements, je veillerai à y remédier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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TERRORISME

M. Pierre Cardo - Les attentats du 11 septembre ont révélé une nouvelle forme de terrorisme, dont certaines racines poussent à l'ombre de nos quartiers difficiles. Le lien entre terrorisme, trafic d'armes, drogue, blanchiment d'argent, n'est plus à démontrer, et l'on sait que certains jeunes des quartiers se sont entraînés en Afghanistan. Comment, dans ce contexte, tolérer plus longtemps des zones de non-droit ? Peut-on se contenter de répondre avec une police de proximité désarmée, ou en faisant accompagner les médecins la nuit et le week-end ? Faudra-t-il bientôt faire accompagner la police par des médiateurs ? (Quelques exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Quels moyens supplémentaires pensez-vous donner à la DST et aux RG ? Comment lutterez-vous efficacement contre la violence ? Comment pensez-vous gérer les conséquences de la loi Chevènement qui exonère de poursuites ceux qui abritent des clandestins ? Et jugez-vous bien opportun que votre ministre des cultes discute avec des Islamistes ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Face au terrorisme, nous devons tous nous mobiliser. L'Etat, pour sa part, a mis en _uvre sans tarder le plan Vigipirate renforcé, et nos concitoyens approuvent cette politique. D'autre part, nos services de renseignement se sont mobilisés, dans un excellent esprit de coopération avec leurs homologues des Etats-Unis et d'Europe - les résultats sont là pour l'attester. La prévention se définit enfin lors des réunions régulières du comité interministériel de lutte contre le terrorisme. Il nous restera à renforcer la coopération européenne dans le cadre d'Europol notamment, à créer des mécanismes d'évaluation dans chaque pays, à renforcer les contrôles aux frontières et à systématiser les rencontres entre les responsables de services de renseignement.

De 1997 à 2001, le budget du renseignement s'est accru de 13 % - et de 40 % pour la seule DST. Diverses dispositions ont été prises qui ont permis de démanteler des réseaux, y compris dans les quartiers. Les procureurs et les préfets ont été mobilisés, à l'image de la réunion du 6 septembre.

Mais croyez-vous raisonnable de stigmatiser certains quartiers et de faire l'amalgame ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Il faut une politique de la ville digne de ce nom, comme l'ont annoncé hier le Premier ministre et le ministre de la ville. Quant au ministre des cultes que je suis, il continuera d'agir pour que l'Islam ait en France un conseil représentatif avec lequel nous puissions discuter. Cela vaut mieux que de jeter l'anathème comme vous le faites.

Les Français n'attendent pas de leurs représentants au Parlement qu'ils se livrent à la polémique ; ils attendent d'eux des propos rassurants (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), et ceux que vous avez tenus ne l'étaient pas ! Ce n'est pas en stigmatisant et en attaquant les jeunes des « quartiers » que vous ferez progresser la lutte contre le terrorisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

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MESURES DE SOUTIEN DE L'EMPLOI

M. Jean Le Garrec - Le recul du chômage engagé sans discontinuer depuis 1997 (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) a été entravé ces derniers mois par des résultats décevants, qui rendent plus nécessaire que jamais l'affirmation d'une politique tendant au plein emploi. Il s'agit, d'une part, de soutenir une croissance plus riche en emplois, tant au niveau national qu'européen, et d'autre part de mener une politique plus ciblée encore de soutien de l'activité. Le Premier ministre a annoncé de nouvelles mesures avant la fin de l'année ; pouvons-nous connaître d'ores et déjà celles qui seront prises dans le cadre du budget 2002, à l'heure où il nous faut mobiliser les énergies de tous : entreprises, service public de l'emploi, collectivités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Il est vrai que la situation de l'emploi est devenue, depuis mai dernier, moins favorable. Au ralentissement de la conjoncture s'ajoute l'inquiétude née des événements tragiques que nous venons de vivre, et c'est pourquoi le Gouvernement a décidé de mobiliser l'ensemble de nos forces et de prendre des mesures exceptionnelles (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Dès les premiers signes de ralentissement économique, c'est-à-dire en juillet, 50 000 CES supplémentaires, destinés aux personnes les plus vulnérables - jeunes sans qualification, chômeurs de longue durée, titulaires d'emplois précaires - avaient été annoncés ; nous venons de décider d'en financer encore 30 000 de plus, ainsi que 20 000 stages de formation, et qu'une allocation de fin de formation, permettant de rémunérer des chômeurs dont l'indemnisation vient à échéance. Nous avons également décidé d'aider davantage les PME en autorisant un recours accru aux heures supplémentaires (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Quant aux emplois-jeunes, 9000 contrats supplémentaires seront signés en 2002, et le nombre de bénéficiaires du programme TRACE sera doublé ; il sera créé, en outre, une bourse d'accès à l'emploi, grâce à laquelle une rémunération pourra être versée lors de la période intermédiaire entre le stage et le CES. Telles sont les mesures que je vous demanderai d'approuver dans le cadre de la loi de finances pour 2002, et dont la mise en _uvre requiert la mobilisation de toutes les administrations impliquées dans la lutte contre le chômage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV).

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LUTTE CONTRE LE FINANCEMENT DU TERRORISME

M. Michel Hunault - Les événements du 11 septembre soulèvent le problème du financement des réseaux terroristes. Il convient d'intensifier la surveillance des circuits financiers susceptibles de les alimenter, d'identifier et de bloquer tous les flux financiers suspects. La France, qui est à l'origine de la création du GAFI, s'est dotée en 1996 d'une loi, votée à l'unanimité, contre le blanchiment, et l'a récemment améliorée. Une nouvelle étape peut être franchie aujourd'hui ; le Gouvernement est-il favorable à la création d'un organe financier spécialisé dans la surveillance des circuits financiers ? Ce serait un signal fort adressé à nos partenaires (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - C'est un souci qui est présent, je le sais, sur tous les bancs. Le Gouvernement a pris des mesures au niveau national, européen et international.

Au niveau national, notre pays a été le premier à geler, dès le 25 septembre, les avoirs des 27 groupes et personnes identifiés par l'Executive order pris la veille par le président des Etats-Unis. Il a également confirmé le gel, décidé peu auparavant, des fonds des talibans, sur la base d'un règlement communautaire et d'une résolution du Conseil de sécurité. Le total des montants ainsi gelés s'élève à 30 millions de francs. Le projet de loi visant à ratifier la convention des Nations unies contre le financement du terrorisme sera discuté la semaine prochaine au Sénat, puis transmis à l'Assemblée. Mme Parly et moi-même avons en outre créé, au sein du ministère des finances, une cellule spécialisée, associant des membres de tous les services concernés par cette question.

Au niveau européen, nous avons obtenu que le mandat donné par le Conseil européen aux conseils Ecofin et Justice et affaires intérieures, qui tiendront une réunion conjointe le 16 octobre, comporte en particulier toutes les mesures nécessaires à la lutte contre le financement des activités terroristes. J'ai demandé, de plus, que le mandat du GAFI porte prioritairement sur ce point, Une occasion dramatique nous est donnée, par ailleurs, de faire aboutir le projet de directive européenne à l'origine duquel se trouve notre pays, et j'ai bon espoir d'un vote favorable au Parlement européen.

Enfin, au niveau mondial, les ministres des finances du G7 se réuniront samedi prochain à Washington, et le représentant de la France, c'est-à-dire votre serviteur, a été chargé de faire des propositions concrètes pour combattre le financement du terrorisme. Il faut agir vite et fort, et je sais pouvoir compter sur toute la représentation nationale pour que notre pays prenne toute sa part de cette bataille (Applaudissements).

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MOULINEX

Mme Laurence Dumont - J'interroge le ministre de l'industrie au nom de tous les députés du Calvados. Depuis dix ans, les salariés de Moulinex avaient tout fait pour sauver leur entreprise, sans être payés de retour. Rien ne leur avait été épargné : ils avaient accepté de sacrifier leur pouvoir d'achat, fait face à de multiples plans sociaux, subi les erreurs de gestion répétées des directions successives. Le mois dernier, le groupe Moulinex-France a déposé son bilan, créant un traumatisme profond et faisant planer une menace sur des milliers d'emplois.

Alors que s'ouvrait une période d'observation de six mois, les administrateurs judiciaires ont réduit le délai à deux semaines, avant de le prolonger de quelques jours pour permettre le dépôt d'offres de reprise supplémentaires. Parmi les treize offres de reprises, celle de SEB, qui semble avoir leurs faveurs, prévoit la disparition pure et simple des quatre sites du Calvados et la suppression de 2900 emplois dans le département, sans compter les emplois dans les entreprises sous-traitantes. Ce plan n'est évidemment pas acceptable en l'état : si des reconversions semblent inévitables, la méthode de travail adoptée par le tribunal de commerce paraît pour le moins légère et expéditive. Qui comprendrait que soit fermée l'usine de Bayeux, moderne et désormais rentable ? D'autres offres sont attendues dans les jours qui viennent, et celles qui ont déjà été déposées peuvent être encore enrichies. A quoi servirait-il de prendre des mesures de soutien à la sous-traitance si celle-ci devait, dès la semaine prochaine, être privée de son principal client ? Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre ? Quelle appréciation porte-t-il sur les différentes offres existantes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - M. Pierret, actuellement à l'étranger, m'a demandé de vous répondre en son nom, ce que je fais volontiers.

Moulinex subit une crise nouvelle et grave, après beaucoup d'autres ces dix dernières années. Les actionnaires du groupe Moulinex-Brandt ont décidé de se retirer alors que d'autres choix étaient encore envisageables, qui auraient préservé l'avenir de l'entreprise et de ses salariés. Nous regrettons vivement cette attitude, qui a conduit au dépôt de bilan, qui a obligé à élaborer des solutions rapides pour éviter la liquidation, et qui a plongé les salariés dans le chagrin et le désespoir.

La procédure de reprise a été enclenchée immédiatement et le Gouvernement s'est mobilisé, car tel était son devoir, afin de solliciter tous les repreneurs éventuels. Compte tenu de la situation financière dramatique, les administrateurs judiciaires n'avaient pas d'autre choix que de lancer l'appel d'offres de reprise, sauf à procéder à la liquidation immédiate.

Pour Moulinex, tous les groupes industriels français et internationaux ont été contactés. Plusieurs offres ont été remises et le tribunal de commerce de Nanterre devrait statuer la semaine prochaine. A ce stade et quoiqu'on ait pu lire dans la presse, le détail des offres n'est donc connu que des seuls administrateurs judiciaires. En ce moment même, le comité central d'entreprise auditionne les repreneurs éventuels et la position des salariés sera connue lundi, à l'issue d'une nouvelle réunion.

La procédure relative à Brandt a fait l'objet d'un traitement différent. Le travail mené par le CIRI a permis de dégager les moyens de la poursuite de l'activité et les usines devraient redémarrer rapidement.

Le Gouvernement suit bien sûr avec une grande attention l'évolution des garanties offertes pour la reconversion des salariés licenciés. Un plan sera arrêté avec les partenaires sociaux et les collectivités locales, dès que le tribunal de commerce aura fait son choix. Le Premier ministre a d'ores et déjà annoncé un effort comparable à celui accompli pour les chantiers navals.

Enfin, la situation des sous-traitants fera l'objet d'un examen particulier et des mesures spécifiques, notamment fiscales, les aideront à faire face à leurs difficultés.

Nous souhaitons, comme vous Madame la députée, que soit retenu la meilleure - ou plutôt la moins mauvaise - solution pour la pérennité d'une marque à laquelle les Français sont attachés et pour la reprise du plus grand nombre possible d'emplois (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

M. le Président - Compte tenu du déroulement de cette séance, en particulier de la longueur des questions et des réponses sur la catastrophe de Toulouse, nous allons nous en tenir là. Nous avons donc terminé avec les questions au Gouvernement.

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ÉLOGE FUNÈBRE DE GUY HERMIER

M. le Président - (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent)

Au c_ur de l'été, le 28 juillet dernier, Guy Hermier nous a quittés. L'émotion fut vive du côté de Marseille et de ses environs, comme elle l'est aujourd'hui, au sein de cet hémicycle. Une ombre s'est posée sur cette région habituellement gorgée de soleil. Elle ne pouvait manquer d'atteindre notre Assemblée. Au-delà des partis, des clivages et des courants, nous partageons la douleur de sa famille, de ses proches, mais aussi la peine des habitants des quartiers nord de la cité phocéenne, dont il fut un élu estimé et respecté. Nous perdons un collègue, beaucoup perdent un ami. Nous voyons surtout disparaître une personnalité noble et généreuse, qui avait su faire de l'élégance, du c_ur et de l'esprit, une inestimable règle de vie.

Guy Hermier représentait un mélange rare et subtil de passion, d'action et de réflexion. Avec ardeur, il s'engagea très tôt en faveur des idéaux de la gauche communiste. Il en fut toute sa vie un défenseur passionné. Même s'il dut parfois lutter pour faire exister sa différence, la fidélité à ses convictions fut son honneur et sa force. Son intégrité ne fut jamais discutée. Elle suscitait depuis longtemps le respect de ses adversaires. Elle continue aujourd'hui à faire la fierté de ses compagnons.

A leurs côtés, Guy Hermier avait choisi de militer, pour donner à ses idées une réalité sociale et politique. C'était un homme d'action, qui voulait transformer le monde, pour le mettre en accord avec ses convictions. Ce fut le sens de son engagement au sein des structures dirigeantes du parti communiste, dont il devint rapidement un membre influent et écouté.

Il fut aussi un homme de réflexion, amoureux des belles lettres et des choses de l'esprit, un penseur éclairé, soucieux de défendre avec rigueur et pragmatisme la modernité de l'idée communiste.

Cette intelligence vive et profonde accompagna toute sa vie ce fils de maçon devenu agrégé de lettres. Dès l'Ecole normale, à Nîmes puis à Montpellier, il prit la décision de la mettre au service du progrès et de la justice sociale. En 1965, il devint responsable de l'Union des étudiants communistes. A la veille des événements de mai 1968, il défendit avec courage, mais aussi avec fermeté, la ligne qui lui semblait la plus juste, celle du Parti, face à la contestation révolutionnaire de quelques-uns.

Sa clairvoyance et son autorité ne pouvaient passer inaperçues. Il fut rapidement remarqué par Roland Leroy, puis par Georges Marchais. Il entra au comité central à l'âge de 27 ans, puis rejoignit dès 1972 le prestigieux bureau politique. Il devint alors l'un des principaux rouages de la vie du Parti communiste, employant son influence et ses responsabilités à donner corps au modèle démocratique, juste et fraternel, en lequel il avait foi. Homme d'idées autant que d'idéal, il accepta la mission, à la fin des années soixante-dix, de faire vivre le débat et la réflexion au sein de l'appareil communiste.

Pendant de nombreuses années, il contribua à assurer le dynamisme intellectuel du Parti de la classe ouvrière. Il lança une revue inspirée et stimulante, baptisée Révolution, qui sut devenir au-delà des oppositions, un espace de dialogue et d'ouverture pour tous les communistes. Son influence fut décisive, rappelant et défendant, au fil des pages, l'actualité des valeurs du PCF.

Guy Hermier s'était définitivement convaincu de cette modernité, en confrontant très tôt ses idées à la réalité du terrain. Il ne doutait pas que le communisme eût un rôle à jouer dans la vie démocratique de notre pays, qu'il fût, non une utopie, mais un faisceau d'idées fortes et de convictions, notamment, une certaine conception de la solidarité, qui devaient trouver à s'incarner politiquement, à l'échelon national, comme à l'échelon local. En 1978, pour défendre une terre communiste depuis 1936, il prit donc la succession de François Billoux et se présenta dans la quatrième circonscription des Bouches-du-Rhône. Il fut depuis sans cesse réélu. En 1983, il devint l'un des plus énergiques conseillers municipaux de Marseille, puis de 1986 à 1998, un conseiller régional de très grande qualité. Depuis 1995, il était maire du 8ème secteur de cette belle cité méditerranéenne, terre de mélange et de partage, de diversité et de tradition. Chaque jour, avec passion, il s'efforçait de faire vivre et de valoriser les quartiers nord de la ville. Leurs habitants partagent aujourd'hui notre émotion et notre tristesse. Pour eux, pour nous, sa générosité et son engagement laisseront un impérissable souvenir.

Guy Hermier fut un collègue ardent, enthousiaste et travailleur. Ses qualités rendaient hommage à notre Assemblée. En 1978 et en 1979, il occupa la charge de vice-président avec talent et fermeté. Depuis quelques années, il était devenu, au sein de cet hémicycle, l'un des plus fervents animateurs de la gauche plurielle. Lui, le « refondateur », faisait valoir avec c_ur l'identité des communistes et la force de leurs convictions. L'unité autour des valeurs de la gauche, l'humanisme, le progrès et la justice, ne devait pas faire taire le droit à la différence. Il fut un parlementaire écouté et apprécié, dont l'influence s'avéra déterminante. Je pense notamment à son rôle de vice-président au sein de la commission d'enquête sur la mafia en France, première du genre. Je pense aussi à la façon dont il assuma, en 1998 et 1999, ses responsabilités de président de la commission d'enquête sur le service d'ordre du Front national. Je souhaite saluer sa rigueur et sa détermination, car elles furent alors exceptionnelles, comme le furent son courage et sa ténacité face à la maladie.

Mesdames et messieurs, chers amis, en pensant avec affection à ses proches, à sa famille à son épouse Simone et à ses enfants, Anne et Jean-Paul, à qui j'adresse les condoléances émues de notre Assemblée, je vous demande de bien vouloir vous recueillir à la mémoire de Guy Hermier. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent quelques instants de recueillement)

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Le Gouvernement s'associe à la tristesse et à l'émotion dans cet hommage que rend aujourd'hui l'Assemblée à Guy Hermier, député des Bouches-du-Rhône, qui nous a quittés cet été. L'ensemble du Gouvernement salue avec respect la mémoire de ce responsable politique, de cet homme de culture. A sa famille, à ses proches, j'exprime toute notre sympathie et notre émotion.

Vice-président de l'Assemblée en 1978 et 1979, Guy Hermier a été une figure marquante du groupe communiste. Mais, par son autorité naturelle et sa rigueur intellectuelle, sa personnalité débordait largement des rangs de sa famille politique de toujours.

Dans cette Assemblée, où il a siégé sans interruption pendant vingt-trois ans, sa sincérité, sa conviction, sa grande intelligence, son intégrité et son amour de la langue française faisaient de lui un parlementaire remarquable. Sa parole chaleureuse était écoutée sur tous les bancs. Guy Hermier n'était pas né à Marseille, mais cette ville façonnée par de multiples cultures l'avait adopté et resta fidèle, jusqu'au bout, à l'homme de dialogue et de convictions qu'il était. Cette confiance s'affirma en particulier lors des combats sans concession qu'il livra contre l'extrême-droite dans les quartiers nord de Marseille. Face aux discours d'exclusion, il fut un inlassable avocat de l'accès à la citoyenneté, de l'égalité des droits et de l'intégration républicaine.

Les liens très forts qu'il avait tissés avec Marseille amenèrent cet authentique fils du peuple à défendre avec ferveur dans cet hémicycle les intérêts économiques et sociaux de la ville et de sa région, en particulier dans le domaine de la construction navale. Son souci de la justice le conduisit aussi à épouser la cause de ceux qui, pendant des années, à Marseille et ailleurs, plaidèrent en faveur de la reconnaissance du génocide arménien - il déposa dès 1988 une proposition de loi en ce sens - et ce combat a abouti au début de cette année.

Agrégé de lettres, Guy Hermier était amoureux de la langue française, de sa poésie et de sa littérature. Cette passion le conduisit à être membre, en 1981, d'une commission d'enquête constituée par votre Assemblée pour étudier la situation de notre langue. Cet attachement identitaire et esthétique aux mots de notre langue ne le détournait cependant pas des autres expressions linguistiques en usage dans notre pays, bien au contraire, comme en témoigne la proposition de loi relative aux langues de France et aux cultures régionales qu'il déposa en 1986 sur le bureau de cette Assemblée. Guy Hermier fut ainsi un incontestable éclaireur.

Dans une époque de questionnements, de remises en cause et de profondes mutations, il a voulu privilégier la réflexion, à partir de l'expérience historique de l'idéal communiste, des espérances déçues, mais aussi de réalités sociales et économiques souvent inacceptables. A travers une riche activité éditoriale, il s'essaya à refonder une perspective de transformation du monde dans le sens de la justice et de la solidarité.

Guy Hermier laisse dans nos mémoires le souvenir d'un homme d'idées, de réflexion et de convictions. Au nom du Gouvernement, je rends hommage au parlementaire exemplaire qu'il a été. A sa famille, je renouvelle mes sentiments de profonde sympathie.

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 35, sous la présidence de Mme Lazerges.

PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES

vice-présidente

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DROITS DES MALADES

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - C'est pour moi un honneur, mais aussi, je ne vous le cacherai pas, un plaisir, de vous présenter un texte fondateur, dont l'objet est de reconnaître les droits des malades tout en améliorant la qualité de notre système de santé et, ainsi, de poser les bases de la démocratie sanitaire.

Depuis qu'en 1902 la République triomphante de Waldeck Rousseau s'est penchée pour la première fois sur le système sanitaire, de grandes lois de santé ont été écrites, par MM. Debré, Boulin, Neuwirth, Evin et par Mme Veil. Elles sont restées célèbres, parce que leurs objets étaient essentiels - mais particuliers. Le texte qui est soumis à votre examen vise à adapter le système de soins français au monde moderne, en privilégiant les relations contractuelles. Ce sont donc de nouvelles perspectives de santé publique qui vous sont proposées, l'objectif étant de donner à la politique des soins la place qu'elle aurait toujours dû avoir.

Comment prétendre ignorer plus longtemps les révolutions de la médecine, l'anxiété des soignants, l'aspiration à de nouvelles relations entre les médecins et les malades ?

La médecine et la chirurgie ont déjà connu des progrès spectaculaires, et d'autres sont à venir qui le seront davantage encore : thérapie cellulaire, médecine géronique, greffes, traitements du sida, c_ur artificiel, nouvelles molécules, onéreuses mais efficaces, pour traiter le cancer ou le rhumatisme...

Dans le même temps, médecins hospitaliers et médecins libéraux exprimaient avec force leur lassitude. De ce malaise, nous devions prendre la mesure, le moindre des paradoxes n'étant pas que le reste du monde voit dans notre système de soins le meilleur, et que nombreux sont les malades qui voudraient être pris en charge chez nous.

Il y a eu, aussi, le drame du sang contaminé, qui nous a montré que la médecine a ses limites et que, dans certains cas, l'aveuglement et la persistance dans l'erreur peuvent être à l'origine de dommages en chaîne, au point que l'on pourrait parler d'épidémie iatrogène. Face à de tels drames, la réaction ne pouvait être que collective. Quant à la pandémie du sida, elle a suscité un militantisme sanitaire dont nous avons beaucoup à apprendre et qui, déjà, a modifié certaines pratiques et bousculé bien des certitudes.

Rares sont ceux qui se rappellent l'existence, dès 1831, du Bureau sanitaire, et de ses avatars. C'est en 1920 seulement que fut créé l'ancêtre du ministère de la santé, lequel n'a toujours pas trouvé sa géographie définitive. Comment le pourrait-il, au moment où des problèmes sectoriels deviennent des problèmes de santé publique ? Le poulet à la dioxine est un exemple parmi beaucoup d'autres, et il faudra, un jour, parvenir à déterminer comment les vaches ont été contaminées par l'ESB.

Kessel, déjà, disait que la santé ne relevait pas que de la médecine, mais que c'était « l'état du monde » ; plus qu'hier encore, cela est vrai aujourd'hui. Dans ces conditions, comment soigner ? Comment prévenir ? L'usage des antibiotiques, les progrès de la chirurgie font que nous savons intervenir plus vite, et tout converge vers les professionnels. De ce fait, notait Michel Foucault - pour le déplorer - « nous ne sommes que les clients de la médecine ». C'est ce qui doit changer et qui, de par les évolutions signalées, a déjà commencé de changer. Il convient donc de redéfinir les priorités, et de démocratiser le système de soins en plaçant le malade en son centre. De ce rééquilibrage, le projet pose les bases.

Notre première ambition est d'inscrire les droits des malades dans la loi ; jusqu'à présent, quand ils existaient, ils relevaient d'une obligation déontologique du personnel médical. Passer d'un système centré sur le professionnel à un système orienté vers l'individu est un changement profond. Il faut le faire en améliorant les résultats, donc avec des personnels médicaux mieux formés, rassérénés, disponibles, plus performants.

M. Marc Laffineur - Plus nombreux.

M. le Ministre délégué - Plus nombreux. Nous nous y employons.

Ce texte traite donc aussi bien de la relation du malade et de son médecin que de celle de l'usager avec le système de santé publique. Revenir à la personne, c'est bien la leçon qu'il faut tirer des Etats généraux de la santé qui ont connu un formidable succès. Au cours de plus de mille réunions dans 180 villes de l'automne 1998 à juin 1999, 200 000 participants des plus divers ont exprimé la même attente, celle d'une médecine plus humaine et d'une politique de santé plus globale. Parlez-nous, écoutez-nous, disaient-ils Nous voulons participer, comprendre. « Gloire aux pays où l'on parle », disait Clemenceau, « honte aux pays où l'on se tait ! » Pensons aussi au mot de Sacha Guitry : il y a des médecins pour soigner le c_ur, les dents, le foie, mais qui soigne le malade ?

Cette exigence de démocratie, d'une amélioration des relations avec le médecin et le système de soins, il nous fallait l'entendre, et la traduire dans la loi.

La qualité devient la pierre angulaire, et elle n'existe que dans une confiance réciproque. Le projet a pour objectif de rétablir cette confiance en rééquilibrant la relation entre médecin et malade, désormais à égalité.

Mme Odette Grzegrzulka - Très bien !

M. le Ministre délégué - Les Etats généraux ont exprimé ce besoin de sortir d'une relation paternaliste, d'être reconnus par les médecins comme des adultes, des partenaires, fragilisés peut-être, mais qu'il faut justement aider à retrouver leur autonomie de décision. Un malade informé, qui participe au traitement, hâte sa guérison, transforme parfois un pronostic pessimiste.

S'agissant du droit des malades, la disposition la plus symbolique est l'accès direct au dossier médical. Elle a fait l'objet d'intenses concertations et même d'un colloque organisé à l'Assemblée par Jean-Jacques Denis, que je remercie de son initiative. Pour nous, consacrer les droits des patients ne signifie en rien prendre parti contre les soignants. L'objectif n'est pas de combattre un pouvoir médical, mais de le dépoussiérer, de le rendre plus proche.

La seconde grande avancée est la prise en charge de toutes les victimes des accidents médicaux, y compris les accidents sans faute, les aléas thérapeutiques.

M. Marc Laffineur - Sauf l'hépatite C.

M. le Ministre délégué - Cette innovation, essentielle pour les victimes, l'est aussi pour les médecins qui s'inquiètent d'une judiciarisation excessive. Nous ne sommes peut-être pas menacés de cette dérive à l'américaine, mais nous en percevons les prodromes. Il faut absolument y mettre fin sauf à voir la médecine devenir frileuse. Quel médecin continuera à prendre des risques, s'il est menacé de procès ou si le coût des assurances devient exorbitant ? Il nous faut pratiquer une pédagogie du risque éclairé. Le risque zéro n'existe pas. Le fantasme d'une société sans risque qui traversa nos sociétés nanties me semble en recul - je ne pense pas seulement au monstrueux attentat du World Trade Center. On a pris conscience que le risque est inhérent à la vie. Il n'y a donc pas de thérapie innocente et même, les progrès de la médecine augmentent le risque d'aléas thérapeutiques. Il faut l'admettre et le gérer au mieux. C'est ce que propose cette loi.

Elle comporte bien d'autres avancées qui toutes visent à renforcer la confiance dans le système. Tel est le fil rouge du projet que je vais maintenant examiner plus en détail. Ses trois titres, relatifs aux droits et responsabilités des malades et des professionnels, à l'amélioration du système, à la réparation des risques sanitaires, sont indissociables.

Le titre premier consacre non seulement les droits individuels du malade, mais les droits collectifs des usagers et de leurs associations, et ceux liés à l'élaboration de la politique de santé au niveau régional et national. Nous proposons donc les conditions d'une démocratie sanitaire. Il existe déjà les droits de l'homme, nous ont objecté certains, pourquoi distinguer ceux du malade ? C'est qu'il ne suffit pas de proclamer le principe de la dignité humaine pour qu'elle soit reconnue automatiquement au malade atteint d'un cancer ou en fin de vie. J'ai été hospitalisé. Passer du rôle de sorcier en blouse blanche à celui de malade anxieux, dénudé, souffrant, humilié, change votre vision du monde. « Un homme n'est pas malade, il devient la maladie », ces mots d'Edouard Zarifian dans La force de guérir sont simples mais profonds. Le malade est quelqu'un d'autre.

C'est pourquoi l'article premier réaffirme le droit de toute personne malade au respect de sa dignité. De même que le législateur a fait le code du travail pour préciser les droits de la personne, du citoyen, tels qu'ils s'exercent dans l'entreprise, de même que nous l'avons fait pour les droits des enfants, il faut désormais affirmer l'émancipation civique des malades et des usagers du système de santé. La démocratie sanitaire complètera ainsi la démocratie politique comme l'a fait la démocratie sociale.

C'est ainsi l'ensemble du système de santé qu'il nous faut réexaminer du point de vue du malade. Regardons la réalité hospitalière avec les lunettes de la personne souffrante et parfois abandonnée, non à travers les jumelles du médecin. Le malade avait déjà certains droits, mais à travers des textes dispersés et de portée inégale. Ce projet les complète et les rassemble.

Il met en particulier la déontologie des praticiens au service de ces droits, et rappelle d'abord que le système de santé doit, en toutes circonstances respecter les droits de la personne, en particulier le droit à la confidentialité et au respect de la vie privée, mais aussi le droit à la protection contre toute discrimination. Le projet affirme nettement que les caractéristiques génétiques ne peuvent fonder aucune hiérarchie entre les hommes : l'enjeu est d'importance, et il le sera de plus en plus avec les progrès de la génétique prédictive.

Le texte consacre ensuite des droits individuels spécifiques au système de santé. D'abord le droit de chacun à prendre les grandes décisions qui touchent sa propre santé, c'est-à-dire bien sûr le droit à un consentement libre et éclairé, mais aussi le droit d'accès direct au dossier médical. Comme le notait déjà au Ve siècle avant notre ère, le traité de l'école de Cos, Epidémies, « le médecin est le serviteur de l'art ; le malade doit s'opposer à la maladie avec le médecin ».

Le consentement ne doit plus être une acceptation passive, mais devenir l'expression d'une participation active du malade aux décisions qui le concernent. La « rencontre singulière » dont parle Paul Ricoeur est un temps de responsabilité pour le praticien comme pour le malade.

Je précise que le droit d'accès du patient aux informations qui le concernent a un corollaire, le droit de ne pas savoir. Le droit d'accès direct au dossier médical fut l'une des revendications les plus fortes des malades au cours des dernières années. La passion des controverses qu'elle a suscitées témoigne de la profondeur des changements culturels qui s'opèrent. Donner droit à l'accès direct, c'est faire le pari de la confiance, c'est rendre adulte la relation du médecin et du malade.

Certains craignent que l'accès direct multiplie les procès, car les dossiers médicaux contiennent des documents imparfaits, des interrogations. Mais bien des problèmes naissent d'abord d'un déficit d'information et l'accès direct devrait supprimer des contentieux.

Certes, l'accès brutal à la vérité peut être douloureux et les malades présument parfois de leur capacité à connaître leur état. Mais la personne malade est d'abord une personne. C'est à elle d'apprécier ce qu'elle souhaite. L'accès direct, n'oblige personne à affronter la vérité s'il ne le désire pas ; il ne décharge pas non plus le médecin de sa mission d'information et d'accompagnement, bien au contraire.

Devant ces interrogations, mes prédécesseurs, Dominique Gillot et Martine Aubry ont choisi la concertation, elle a été longue et intense. Chaque terme de ce projet a été pesé et je remercie tous nos interlocuteurs de leur contribution.

Désormais, toute personne malade pourra, à sa demande accéder aux informations médicales formalisées qui la concernent, sans avoir à passer par un médecin. Jean Verdier n'affirmait-il pas en 1762, dans sa Jurisprudence de la médecine que « les secrets qui sont confiés aux médecins sont des dépôts sacrés qui ne leur appartiennent point »? Mais afin de limiter les risques de traumatisme ou interprétation erronée, le médecin pourra recommander au malade de se faire accompagner par une tierce personne.

Autre progrès des droits individuels, la disposition qui encadre de manière plus stricte les modalités de l'hospitalisation sans consentement pour troubles mentaux. Pour les hospitalisations d'office, le critère de « la nécessité de soins » sera indispensable et prioritaire. Les critères ressortant de la sécurité publique seront restreints aux atteintes graves à l'ordre public. Et la refonte de notre système de soins psychiatriques est pour bientôt.

Après avoir consacré les droits individuels des personnes malades, le texte leur ouvre des droits collectifs. Il institue notamment un statut nouveau pour les associations de malades ou d'usagers.

Enfin, le texte tente de répondre à une question souvent soulevée dans cette enceinte lors des débats sur les lois de financement de la sécurité sociale, celle de la participation de tous à l'élaboration de la politique de santé. Comment évaluer les besoins au plus près du terrain, comment faire vivre une démocratie sanitaire, complément de la démocratie sociale et de la démocratie politique ?

Le projet donne une place éminente aux régions, comme l'avait souhaité le rapport de votre commission : il institue un Conseil régional de la santé qui se substituera aux instances consultatives actuelles.

Le texte prévoit ensuite que le Gouvernement élaborera un projet de politique de santé pluriannuelle, révisé chaque année, et donnant lieu à un débat annuel au Parlement.

Voilà les axes nouveaux de la politique de santé que je vous propose. Il s'agit bien d'inverser les priorités, de déduire la politique d'assurance maladie de la politique de santé, et non de faire de celle-ci un codicille de la première, comme y conduisaient les ordonnances de 1996.

Mme Odette Grzegrzulka - Très bien.

M. le Ministre délégué - Le deuxième titre du projet comporte de nombreuses mesures qui visent à améliorer la qualité du système de santé. Le droit à la protection de la santé passe par la compétence des professionnels, leur formation, leur travail en réseau, le développement de la prévention. Notre relecture, centrée sur le malade, ses demandes et ses besoins, mène à une nouvelle organisation du système.

Les dispositions contenues dans le titre II tendent d'abord à garantir les compétences des professionnels. Le texte permettra aux préfets de suspendre un praticien dangereux ou d'encadrer les activités de chirurgie esthétique qui se déroulent hors de tout contrôle sanitaire.

Dans le même esprit, l'ANAES se voit confier une mission nouvelle d'évaluation de la qualité de la prise en charge sanitaire, et notamment des pratiques professionnelles en médecine de ville.

Le texte affirme, par ailleurs, l'obligation de formation médicale continue. Il réforme le dispositif actuel, qui était inapplicable, et étend ses dispositions à l'ensemble des médecins, qu'ils soient libéraux, hospitaliers ou salariés d'autres organismes que l'hôpital.

Le projet crée des chambres disciplinaires indépendantes des structures administratives, et présidées par un magistrat. Il permet ainsi au patient d'être partie dans les procédures disciplinaires. Il garantit les droits des plaignants en assurant un fonctionnement transparent des juridictions disciplinaires. Il crée aussi un office interprofessionnel des professions paramédicales, conformément aux conclusions du rapport Nauche. Pour les infirmiers, kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes et pédicures-podologues, l'office remplit des fonctions disciplinaires, administratives et professionnelles - étant entendu qu'il ne concerne que le cadre libéral, les salariés étant soumis à des procédures propres.

Le texte pose, pour la première fois, les bases d'une politique de prévention globale et cohérente, attendue depuis des dizaines d'années. Le projet de loi prévoit l'organisation et le financement de la prévention. Tous les actes qui y concourent, de l'éducation pour la santé aux différents types de dépistage, seront désormais développés de façon coordonnée. Un comité technique national de la prévention réunira tous les acteurs nationaux de la prévention, et surtout les programmes prioritaires de prévention seront financés sur le « risque maladie », comme les soins. La prévention est en effet une partie intégrante de la santé. Combien de fois avons-nous dit ici, « 13 000 francs pour les soins, 20 francs pour la prévention ! » Cela doit changer.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Très bien.

M. le Ministre délégué - Nous souhaitons transformer le Comité français d'éducation pour la santé en un Institut national de prévention et de promotion de la santé, lieu d'expertise et opérateur des programmes prioritaires définis par le ministère de la santé.

Enfin le temps n'est plus aux seules « pratiques solitaires » : le texte donne une base légale pour les réseaux de santé et favorise leur développement.La prise en charge doit être continue et coordonnée : entre la ville et l'hôpital, entre le système de soins et le secteur médico-social, en alliant prévention, éducation à la santé et accès aux soins, et en articulant les contributions des différents acteurs. Des expériences intéressantes se déroulent déjà hors de tout cadre juridique ; il s'agit aujourd'hui de leur en fournir un et de pérenniser leur financement.

Le titre III comporte deux dispositions capitales. La première est la consolidation du dispositif conventionnel facilitant l'accès à l'assurance de toute personne présentant un risque de santé aggravé : rien ne justifie en effet le refus d'un prêt ordinaire à la consommation ou à l'acquisition du logement pour seule raison de santé. Deux années de discussions ont été nécessaires pour aboutir à la conclusion d'une convention entre les banques, les assureurs et les associations de malades et de consommateurs ; il vous est proposé aujourd'hui d'encadrer et de garantir ce dispositif.

Quant au système que nous proposons pour indemniser les victimes d'accident médical, il est à ce jour sans équivalent dans le monde, les dispositifs danois et suédois, qui sont sans doute les plus complets, ne couvrant pas complètement l'aléa thérapeutique ni les accidents dus à des produits de santé. Pour la première fois, une loi va s'appliquer quel que soit le risque, qu'il soit dû à un médicament, un produit de santé, un acte chirurgical ou un acte d'investigation ou de prévention, que l'accident se produise dans un hôpital, une clinique ou un cabinet libéral, et qu'il y ait faute ou non. Nous répondons ainsi à une demande populaire extrêmement profonde, car le risque médical, vu par le médecin, est un risque statistique et peu fréquent ; vu par le patient, en revanche, c'est un risque vital.

Notre vision du risque se transforme : elle est liée à l'évolution de la société, qui a progressivement pris en charge les risques les plus évidents, de l'accident du travail à la dépendance, mais aussi, et peut-être surtout, à l'évolution récente de la jurisprudence. Le 9 décembre 1988, le Conseil d'Etat affirmait la présomption d'imputabilité pour les infections nosocomiales, rendant ainsi bien plus facile l'indemnisation de la victime ; le 10 avril 1992, il ouvrait l'accès à l'indemnisation pour faute médicale simple, puis, par l'historique arrêt Bianchi du 9 avril 1993, pour l'accident sans faute : M. Bianchi, entré à l'hôpital pour une artérioscopie de routine, en étant ressorti tétraplégique, la haute juridiction a considéré, compte tenu de l'extrême gravité du préjudice, que celui-ci devait être indemnisé au nom de la nécessaire solidarité devant les dommages non fautifs résultant du fonctionnement du service public. La Cour de cassation a suivi une tendance semblable : elle a conclu à une obligation de sécurité en matière d'infection nosocomiale le 29 juin 1999, puis, le 9 novembre de la même année, en ce qui concerne le matériel utilisé pour l'exécution d'un acte médical ; elle a jugé, le 7 octobre 1998, que tout défaut d'information à l'égard du patient était indemnisable en cas de préjudice, et inversé, qui plus est, la charge de la preuve ; elle a toutefois rappelé, le 8 novembre 2000, que l'aléa thérapeutique ne pouvait être indemnisé en l'absence de base législative.

Cette évolution de la jurisprudence, si elle tend à protéger davantage les personnes et à mieux assurer leur indemnisation, devient cependant si mouvante qu'elle finit par déstabiliser le système de santé : les médecins s'inquiètent, les usagers eux-mêmes s'interrogent sur leurs droits, de sorte que la crainte d'une dérive à l'américaine a fini par s'installer, même si nous en restons fort loin. Pour toutes ces raisons, il était devenu indispensable que le législateur intervienne. Le dispositif retenu, j'y insiste, protège les médecins, et non pas seulement les malades ; il rend les uns et les autres solidaires face à l'aléa, et propose un nouvel équilibre entre les droits des uns et les responsabilités des autres. La procédure mise en place est une procédure amiable de règlement des litiges : toute personne s'estimant victime d'un accident médical, quels que soit l'origine et le lieu de celui-ci, pourra s'adresser à une commission régionale, dont l'avis permettra à la victime comme aux praticiens de connaître les causes et la portée du dommage. Il est essentiel que la décision d'indemnisation se prenne dans la clarté, et que chacun puisse la comprendre. Il ne s'agit pas seulement de soulager les attentes financières des victimes, mais de favoriser le retour à la confiance, en ne recourant au juge que si l'offre d'indemnisation n'est pas acceptée par le plaignant. Il sera créé un Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, financé par l'assurance maladie, et qui versera les indemnités en cas d'aléa thérapeutique, qu'elles résultent d'une transaction après avis de la commission régionale ou d'une décision juridictionnelle.

« Croyons-nous que l'on puisse briser la longue chaîne des souffrances humaines ? » demandait, avant sa mort tragique, le professeur Jonathan Mann, artisan de la lutte contre le sida. Il répondait lui-même : « Pionniers de la santé publique à la lisière de l'histoire humaine, nous affirmons que le passé ne détermine pas inexorablement l'avenir. » Cela signifie que les droits de l'homme influent pour une large part sur le bien-être physique, mental et social, et ont aussi des conséquences, directes et indirectes, sur la santé. La protection et la promotion des droits de la personne ne sont pas dissociables de la protection et de la promotion de la santé publique. Nous ne progresserons plus sans l'engagement de tous, soignants, patients et usagers, dans le traitement des maladies comme dans l'effort de prévention.

Voilà pourquoi le texte que je vous présente aujourd'hui peut se résumer en trois grands principes solidaires : transparence, responsabilité, confiance.

Au mot transparence je préfère celui de clarté tant le premier a été galvaudé, jusqu'à couvrir quelques turpitudes. Imposons cette clarté dans le fonctionnement même du système de santé : il n'y aura pas de démocratie sanitaire dans la confusion, ou le silence. Les choix de la politique de santé doivent être expliqués, débattus, assumés.

Établissons cette clarté pour les soins, par l'accès au dossier médical et par l'obligation d'informer. Allons vers une pédagogie du risque assumé par le patient en toute connaissance de cause. Le personnel de santé verra clairement, pour sa part, les règles nouvelles et anciennes qui encadrent et qui soutiennent son action.

Établissons aussi cette clarté dans les procédures d'indemnisation. Savoir ce qui s'est passé, telle est la légitime demande des victimes. Les écouter, leur répondre, telle est l'ambition de ce projet. Ainsi pourrons-nous prévenir les contentieux, apaiser les relations entre malade et médecin, distinguer la faute de l'aléa.

Deuxième principe, la responsabilité : il ne saurait y avoir de médecine responsable qui ne s'interroge régulièrement sur ses pratiques, sur ses prises en charge et, parfois douloureusement, sur leur poursuite.

« L'acte médical est par nature un acte de responsabilité », disait Didier Sicard. Il l'est pour le professionnel, comme l'affirme le serment d'Hippocrate. Il doit l'être aussi pour le malade, qui prendra sa décision en toute connaissance de cause.

Responsabilité enfin de la personne bien portante, qui choisit son mode de vie, ses risques, ses efforts de prévention.

Dernier principe, la confiance, bien malmenée ces dernières années : nous avons pour tâche urgente de la rétablir. Grâce à la clarté du fonctionnement, les malades et les usagers abandonneront leurs suspicions et leurs craintes. La confiance du personnel médical est tout aussi indispensable : nous ne la trouverons là encore qu'à travers l'information, le dialogue avec les patients comme avec les pouvoirs publics, les efforts financiers de la collectivité nationale.

C'est dans cet esprit que ce projet veut ouvrir la voie d'une démocratie sanitaire. C'est dans cet esprit que je vous propose d'engager ce débat longtemps espéré.

Il y a un siècle en 1902, malgré le vote de la première grande loi sanitaire dans notre pays, et malgré un fort courant hygiéniste, la politique de santé se heurta à l'indifférence des élus et de l'opinion. Il n'en sera pas de même aujourd'hui, je le sais. Mon maître, Paul Milliez, me disait : « Rien de plus puissant que le progrès thérapeutique, rien de plus engagé que cette neutralité médicale. Au fond, rien de plus politique que la médecine » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'ensemble du projet et les titres III et IV - Les droits des personnes malades se sont progressivement affirmés ces dernières années et j'ajouterai aux rappels faits par le ministre celui du rapport du Conseil économique et social de 1996, auquel ce texte donne aujourd'hui satisfaction, et celui du rapport sur les droits des usagers du système de santé rédigé par Etienne Caniard à la suite des Etats généraux du système de santé. Je rends aussi hommage à l'action des associations d'usagers et de malades, devenues les interlocuteurs des pouvoirs publics.

Le premier droit des malades est sans aucun doute celui de se faire soigner, d'accéder aux soins. C'est pourquoi nous sommes attachés au maintien d'un système fondé sur la solidarité.

Le deuxième droit est l'accès à des soins de qualité. A cet égard, ce projet s'inscrit dans l'_uvre engagée par ce Gouvernement avec les textes sur l'accréditation des établissements, l'évaluation des pratiques libérales, la création des agences de sécurité sanitaire.

Aujourd'hui, nous nous apprêtons à consacrer les droits des malades dans notre système de santé, à rééquilibrer les relations entre malades et professionnels. Il est désormais loin, le temps où le Président de l'Académie de médecine parlait du malade comme d'un enfant dénué de tout discernement. Le rééquilibrage nécessaire passe par le droit à l'information, au consentement, à être soigné dans la dignité.

Il nous faut aussi traiter, bien sûr, la question pendante depuis plus de trente ans malgré cinq rapports et quinze propositions de lois de l'indemnisation des accidents médicaux. Il arrive en effet qu'à l'occasion d'une intervention ou d'un traitement la situation d'un patient s'aggrave sans lien avec l'évolution naturelle de sa maladie. L'accident est le revers d'une médecine plus efficace. Or le droit ne permet pas aux victimes d'accéder à une indemnisation de ce drame supplémentaire. En outre, en raison des évolutions divergentes des jurisprudences administratives et civiles, on en est arrivé au point où la victime ne sera pas traitée de la même façon selon que l'accident est survenu dans un hôpital public ou dans une clinique privée. Et même la jurisprudence administrative est loin de répondre, avec l'arrêt Bianchi, à l'ensemble des problèmes des usagers. Quant aux victimes dans les cliniques privées, la Cour de cassation a définitivement conclu, en novembre dernier, à l'impossibilité en droit contractuel d'indemniser les aléas thérapeutiques.

Le législateur devait donc intervenir, pour les victimes mais aussi pour les professionnels, les tribunaux étant jusqu'ici contraints de trouver la faute pour justifier l'indemnisation. Ce projet est novateur en ce qu'il définit clairement responsabilité pour faute et responsabilité sans faute, en permettant aux victimes d'accéder aux procédures de droit commun, donc à la réparation.

Nous mettrons ainsi en place, à l'issue d'une législature déjà féconde en ce domaine, un dispositif attendu depuis de nombreuses années (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Jacques Denis, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour le titre premier - Ce projet de loi fait suite, à la satisfaction générale si l'on en croit les auditions que nous avons menées, à de nombreux colloques et rapports et aux Etats généraux de la santé, que vous avez organisés avec succès. Je voudrais saluer ici Mme Gillot qui, en poursuivant le travail commencé, nous a permis de débattre aujourd'hui de ce projet. Si celui-ci arrive bien tard, moins dans le calendrier de la législature qu'au regard des grandes attentes des malades, les considérables avancées qu'il apporte suffisent à le justifier : ce sont les droits des malades, la lutte contre la discrimination dans l'accès aux soins - notamment génétiques -, l'intervention des usagers dans l'élaboration de la politique de santé et l'indemnisation des accidents médicaux. Ce texte équilibré vient ainsi regrouper et renforcer des droits jusqu'alors dispersés dans différents textes et décisions de jurisprudence.

Les droits fondamentaux des personnes malades comprennent le droit à l'information, le droit au secret des informations - le secret médical, renforcé, demeure le fondement intangible de la relation entre le malade et le médecin -, les droits au consentement, au respect de la dignité et à l'accès à des soins adaptés et de qualité. Le titre I du projet de loi les conforte et les précise, en les regroupant de manière cohérente dans le code de la santé publique. N'oublions pas, enfin, que les droits des malades sont aussi promus par l'univeralité de la protection sociale. A cet égard, la CMU constitue une remarquable avancée.

Pour prendre la mesure de ces droits, il faut aussi les confronter à la pratique, tant il est vrai que leur exercice se heurte parfois, à l'hôpital et dans les cabinets médicaux, à des incompréhensions. La question de l'accès direct du malade à son dossier, sujet délicat, a ainsi cristallisé les débats. La garantie de ce droit suppose d'abord familiarisation des professionnels à cette gestion. J'ai donc déposé un amendement que la commission a accepté, qui vise à contribuer à la diffusion d'une culture démocratique chez les personnels soignants. Si des instances comme l'ARH, l'ANAES ou le comité consultatif national d'éthique ont pour mission de conseiller, d'encadrer et d'évaluer les pratiques, il me paraît judicieux de consentir un effort pédagogique pour renforcer la responsabilité des professionnels. La diversité des situations exige une qualité de discernement dont la valeur dépendra de la concertation des équipes qui sont en relation avec les malades et avec leurs proches. L'hôpital doit donc affirmer une exigence éthique significative : il en va de sa mission, mais aussi de sa légitimité alors que de nouvelles formes de médiation prennent leur essor. C'est pourquoi mon amendement encourage le développement dans les établissements d'instances de réflexion sur les questions d'éthique liées à l'accueil et à la prise en charge des malades.

Les patients ont aussi, il faut le rappeler, des devoirs, notamment ceux d'assurer au médecin une information complète sur leurs antécédents, d'éviter l'errance médicale ou les comportements inconscients lorsqu'ils se savent porteurs d'une maladie grave. La loi ne supprime donc pas les droits des médecins.

J'ai également proposé un amendement relatif à la scolarisation des enfants hospitalisés. Si le dossier médical est la mesure la plus attendue de ce titre I, celui-ci concerne aussi le devoir d'informer et d'obtenir un consentement libre et éclairé du patient. La majorité des litiges naissent d'incompréhensions entre le malade et le praticien. C'est la judiciarisation que l'on veut ici éviter ; le titre III a cet objet. D'après la plupart des auditions, c'est le manque d'informations qui est souvent à l'origine de dysfonctionnements. Selon un rapport récent de l'IGAS, la difficulté d'accès au dossier médical tient à la multiplication des pratiques et au contenu très variable du dossier selon les établissements, voire selon les services. Le droit à l'accès direct incitera cependant, semble-t-il, à améliorer la qualité de ces dossiers. De nombreux établissements ont constitué un groupe de travail pour étudier le contenu à leur donner. Un amendement propose d'abaisser le délai de consultation à huit jours, et d'établir la gratuité de celle-ci. Selon un sondage IPSOS, 70 % des personnes interrogées considèrent l'accès à l'information comme primordial. La réticence des personnels de santé qui invoquent la brutalité d'éventuelles révélations et la technicité des termes, ne fait que montrer à quel point il est nécessaire de replacer le malade au centre du système de santé. Il faudra cependant l'éclairer sur sa responsabilité propre, afin de le protéger contre d'éventuelles pressions. L'article relatif au droit à l'information organise donc l'accès à celle-ci, en recommandant un accompagnement médical, en établissant le principe de la non-commmunication des informations aux tiers et en encadrant l'accès des ayants droit. Renforcer la place de l'usager dans le système de santé est indispensable si l'on veut garantir ses droits. D'après le rapport Caniard l'entrée dans ce système sera un levier qui aidera à améliorer la qualité des soins.

Le projet de loi vise donc à asseoir la participation de l'usager ès qualités. Des associations représentatives sont reconnues, et il est heureux de conclure ainsi ce siècle qui a débuté par la loi de 1901 sur les associations. L'apparition du sida et le développement des connaissances médicales ont fait des associations de malades, multiformes, des acteurs à part entière. L'agrément sera délivré, au niveau national ou régional, à partir de critères de représentativité. Et ces associations auront le droit d'ester en justice aux côtés des victimes.

L'effectivité des droits passe aussi par la définition d'un statut des usagers. Le projet de loi y concourt, notamment en asseyant la légitimité des associations. Les nouvelles commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge constitueront un lieu de dialogue au sein des établissements et un outil d'amélioration de la qualité des soins. C'est aussi dans la définition des politiques de santé, à travers les conseils régionaux de santé, que la qualité progressera. Une procédure plus cohérente de définition des politiques de santé au niveau régional et au niveau national, sera établie, contribuant ainsi à l'émergence d'une véritable démocratie sanitaire. Transparence et confiance, participation et modernisation sont bien les termes emblématiques de ce projet de loi dont nous nous félicitons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Charles, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour le titre II - Le souci de la qualité est l'impératif d'une politique de santé cohérente. Il faut donc s'attacher à protéger le patient en le faisant profiter en toute sécurité des techniques les plus récentes. Dans le même temps, il s'agit de réduire les gaspillages pour mieux maîtriser les dépenses de santé, et de promouvoir l'excellence de la régulation de la médecine française.

On l'aura compris, cette politique s'appuie sur la garantie des compétences, ce qui explique les mesures visant à dynamiser l'action de l'ANAES, à mieux réglementer la chirurgie esthétique, et l'autorisation donnée aux préfets de suspendre immédiatement l'activité d'un médecin dont la pratique exposerait ses patients à un danger grave. Le projet institue par ailleurs l'obligation de la formation médicale continue, qui s'impose aux médecins libéraux et hospitaliers.

Ce texte modernise les ordres professionnels en créant des instances disciplinaires - distinctes des instances administratives -, présidées par un magistrat. Il crée un office des professions paramédicales. Enfin, le comité français d'éducation pour la santé est remplacé par un établissement public. Pour la première fois, les bases d'une politique sanitaire de prévention globale sont donc posées, et cette politique est financée comme les soins. Les analyses du Haut comité de santé publique et les recommandations des conférences nationales de la santé et des Etats généraux de la santé ont été prises en considération : la politique de prévention et de promotion de la santé concourant à atténuer les disparités sociales et géographiques, il convenait, en effet, de doter l'Etat des outils adéquats ; on se félicitera encore de la gratuité, pour les usagers, de tous les actes de dépistage et de privation, dont les vaccinations.

La réforme porte aussi sur les réseaux de santé publique, avec l'objectif de renforcer leur rôle dans le système de santé, en établissant de nouvelles coordinations. Le texte proposé fixe un cadre juridique suffisamment souple pour permettre une prise en charge coordonnée, continue et interdisciplinaire des patients. Ce nouveau cadre autorise la prise en charge de certaines activités encore jugées « expérimentales », en psychologie notamment.

Les réseaux répondant à des critères de qualité bénéficieront de subventions de l'Etat ou de la caisse d'assurance-maladie et d'un financement au titre de la commission Soubie.

Enfin, de nombreuses réflexions menées au cours des derniers mois sur l'extension au secteur sanitaire des principes du droit coopératif pourraient aboutir lors de la discussion de ce texte.

M. le Président de la commission - Très bien !...

M. Bernard Charles, rapporteur - La commission a encore enrichi le texte, et en particulier le volet consacré aux réseaux de santé publique, auquel M. Evin a beaucoup travaillé, mais aussi en sauvegardant la spécialité de gynécologie médicale. En ma qualité de président de la mission de réflexion sur la révision des lois de bioéthique, je suis particulièrement heureux de l'adoption d'un amendement relatif à la non-discrimination génétique en matière d'assurance et d'emploi.

Ce projet trace les contours d'une nouvelle citoyenneté : on ne peut que s'en féliciter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Qui a entendu MM. Kouchner, Evin, Denis et Charles, l'a compris : ce texte est exceptionnel.

Exceptionnel, en premier lieu, par la durée de sa gestation, puisque huit années se sont écoulées depuis que M. Kouchner l'a présenté au Conseil des ministres juste avant les élections de 1993. Après quoi, malheureusement, rien n'a été fait pendant plusieurs années.

Exceptionnel aussi par la qualité de la concertation qui a précédé son élaboration. Les orateurs ont rappelé, à juste titre, l'importance des Etats Généraux de la santé, engagés par Mme Aubry et M. Kouchner, poursuivis par Mme Gillot, dont je salue le travail...

M. le Président de la commission - Très bien !

Mme la Ministre - ...et clos par le Premier ministre. C'est une forme de dialogue inconnue auparavant qui a été instaurée.

Exceptionnel encore par l'ampleur du champ qu'il embrasse. C'est la première fois que les questions de santé font l'objet d'un texte global. S'agissant des droits des malades, le progrès est immense. Le texte dispose - enfin ! - que rien ne justifie que des malades n'aient pas le droit de participer aux décisions qui les concernent. Mais il marque, plus largement, une approche nouvelle des services publics qui, chacun en conviendra, sont d'abord faits pour les usagers.

Si les services publics fonctionnent bien - et notre système de santé fonctionne excellemment (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) - c'est grâce au dévouement des personnels, médecins et non-médecins confondus, comme on a pu le constater une nouvelle fois lors de la tragédie qui a frappé Toulouse. Le projet donne un exemple abouti de ce que peut être la réforme de l'Etat, et l'importance de la chose n'échappera à personne, puisque c'est près d'un million de personnes qui est concerné par la réforme de ce service public-là. L'amélioration de la qualité du service est l'objet d'une préoccupation constante, comme en atteste la multiplicité des dispositifs de formation et d'évaluation, encore étendus par votre commission, ce qui est une bonne chose.

C'est un autre progrès capital que l'indemnisation de l'aléa thérapeutique. Le système actuel ne satisfaisant ni les victimes, ni les professionnels, il fallait légiférer : c'est fait.

Enfin, ce texte modifiera nos habitudes de travail.

Au vu des rapports transmis par les conseils régionaux institués par le projet, et après avis de la conférence nationale de santé, le Gouvernement fera un rapport dont le Parlement débattra avant le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale. C'est ce que vous demandiez : la représentation nationale décidera donc chaque année de la politique de santé à partir des besoins définis au niveau régional et national. En outre les missions de la conférence nationale de santé sont élargies puisqu'elle donnera aussi son avis sur toute question que le Gouvernement lui soumettra. Il est bon que la fixation des objectifs financiers soit précédée d'un dialogue démocratique, qui lui-même suit le dialogue avec les professionnels de santé, que nous menons actuellement dans le cadre de ce qu'on a appelé, peut-être de façon impropre, « le Grenelle de la santé ».

Les propositions que nous retenons de la réunion du 12 juillet dernier seront bientôt rendues publiques. J'ai évoqué devant la commission des Affaires sociales ce qui semblait devoir être fait rapidement comme la création d'un Haut conseil de santé qui confortera l'expertise dont dispose le Gouvernement pour définir des priorités. Elle fera l'objet d'un amendement.

Le grand texte qui vous est proposé aujourd'hui consacre des évolutions fondamentales de notre société, accorde de nouveaux droits aux individus et élargit le champ de la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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QUESTION PRÉALABLE

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean Bardet - Attendu désespérément depuis plus de deux ans par les associations de malades, ce projet vient enfin devant l'Assemblée. Il suscitait de nombreux espoirs ; on ne peut que regretter son manque d'envergure, ses lacunes, et même son caractère illégal puisque le Conseil d'Etat a condamné la création de l'ordre des masseurs kinésithérapeutes et des podologues, mais que le Gouvernement a préféré passer outre et payer 290 000 francs de dommages et intérêts. J'y reviendrai.

Y a-t-il matière à délibérer sur ce texte ? Pour cela il faut savoir s'il pose les bonnes questions, puis définit les bons moyens pour appliquer les bonnes solutions.

En préambule à cet exercice, je tiens à affirmer tout d'abord, que certains de ses principes ne sont contestés par personne, et qu'il comporte aussi quelques avancées, avant tout le droit reconnu à chacun d'avoir accès à des soins de qualité, avec, pour corollaire, le droit à l'information, à la liberté de décision, au respect de sa dignité. Qui s'opposerait au droit de chacun à comprendre sa maladie, à refuser l'acharnement thérapeutique, à demander un deuxième avis, à la confidentialité, à l'indemnisation ? Mais pour la plupart de ces dispositions, un simple DMOS, voire un décret aurait suffi. Ce n'est pas votre style, les effets d'annonce et gadgets en tout genre ayant toujours votre préférence. Reste que le fait d'assurer les risques aggravés, d'indemniser les risques thérapeutiques, et même le recentrage de la politique de santé sur les régions me paraissent des mesures positives.

En second lieu, l'exposé des motifs nous apprend que le projet conforte des réformes récentes, comme le renforcement de la veille et des contrôles sanitaires, la lutte contre les exclusions, la CMU, le droit aux soins palliatifs. Mais sur les problèmes sanitaires, quel déficit de communication, que d'atermoiements dans la gestions des crises, de difficultés pour la mission parlementaire sur les farines animales ! L'exclusion ? 3,3 millions de personnes sont en dessous du seuil de pauvreté fixé, selon la définition qu'en donne la France, à 3 500 francs par mois. Quant à la CMU, Mme Grzegrzulka demande, dans son rapport, que les titulaires de l'allocation d'adulte handicapé et de l'allocation vieillesse en bénéficient, faute de quoi ce sera une prestation à deux vitesses. La demande est d'autant plus justifiée qu'on n'a dépensé en 2000 que 5,7 milliards sur les 8,3 milliards prévus et que des inégalités géographiques persistent. Enfin, la loi sur les soins palliatifs s'inspire d'une proposition de loi sénatoriale du RPR, mais comporte de nombreuses insuffisances que le présent projet ne pallie pas, s'agissant du congé d'accompagnement, de la délégation parlementaire, de la fermeture d'un lit d'hôpital pour passer à l'hospitalisation à domicile.

J'en viens aux mesures de ce texte qu'on nous présente comme importantes.

Le titre premier recentre le système de santé sur le malade, grâce notamment à l'accès direct à son dossier médical, à l'obligation pour les médecins de l'informer sur les risques et à la participation des associations de malades à l'élaboration de la politique de santé. Est-ce que ce sont là les bons moyens d'instaurer plus de transparence, de calmer les angoisses des malades et des familles, de mieux faire participer les citoyens à la démocratie sanitaire ? Il faudrait d'abord savoir si on a posé les bonnes questions. S'agissant de l'accès direct du malade à son dossier, je ne le pense pas, en raison de mon expérience personnelle et parce que, depuis 1992, le malade peut accéder à son dossier avec un médecin de son choix. Cet accompagnement est indispensable. Certes les dispositions étaient insuffisantes en ce qui concerne les délais d'accès et les sanctions en cas de refus. Mais une disposition réglementaire pouvait résoudre le problème.

Ce que vous prévoyez ne renforcera pas la confiance, au contraire. Selon l'ANAES elle-même, l'information orale, l'échange face à face sont primordiaux pour éviter au malade une mauvaise interprétation, à laquelle vous ouvrez la porte d'autant que le contenu du dossier est mal défini. Les notes des médecins, des internes, des étudiants y figureront-elles ? Comment consultera-t-on les dossiers sur support informatique ? Devant une hypothèse qu'il prendra pour un diagnostic, le malade sera plongé dans une angoisse injustifiée. On est loin du bénéfice escompté. Et comment enlèvera-t-on du dossier les renseignements obtenus auprès d'un tiers et qui ont pu être déterminants ?

Par exemple, un patient fait une chute et arrive aux urgences avec un traumatisme crânien. Il nie - c'est fréquent - toute intoxication alcoolique, mais selon un tiers qui l'accompagnait, il a trop bu. Cela oriente toute la démarche diagnostique et thérapeutique. Mais en vertu de l'information que vous prévoyez, faudra-t-il dire à ce malade qu'on lui fait un dosage d'alcoolémie alors qu'il affirme ne pas avoir bu et, s'il refuse, fera-t-on une série d'examens longs et coûteux ? Enfin, s'il demande son dossier, comment comprendra-t-il un diagnostic d'alcoolisme aigu, qu'il nie, alors que le renseignement provenant d'un tiers aura été extrait du dossier ? (Monsieur le ministre rit)

Ce n'est pas ridicule, Monsieur le ministre !

M. le Ministre - Si, ce l'est assez.

M. Jean Bardet - On voit que vous n'avez plus depuis longtemps l'habitude des malades.

M. le Ministre - J'ai l'habitude de trouver ridicule ce qui est ridicule.

M. Jean Bardet - Chaque individu est différent et réagit différemment face à la maladie. Toute vérité est-elle effectivement bonne à dire, et sous quelle forme ? Le rôle du médecin n'est-il pas de rassurer avant d'inquiéter ? L'énumération d'une liste de complications possibles est-elle la meilleure préparation psychologique pour amener un patient à une intervention ?

Permettez-moi de citer quelques propos de malades recueillis par la LNCLC. « Savoir qu'on est victime d'une rechute, c'est très éprouvant, mais le découvrir par écrit, c'est totalement déconnectant ». Un autre : « Est-ce que le malade veut savoir ? Souvent il ne veut pas savoir. Paradoxalement, il peut désirer les deux... »

Les réponses ne sont donc pas univoques, et c'est bien aux médecins de déterminer au mieux, dans le colloque singulier, quelles informations délivrer. Le vrai problème est celui du consentement libre et éclairé, non celui de l'accès au dossier. Face à la maladie, les uns voudront savoir à tout prix, les autres ne le voudront pas. Et souvent, ceux qui veulent savoir, attendent surtout la vérité qu'ils espèrent. Qu'on leur annonce une vérité cruelle, c'est l'effondrement.

Méfiez-vous aussi, Monsieur le ministre, des sondages faits sur des gens bien portants. Quand on est en bonne santé, on peut déclarer sincèrement qu'on préférera mourir que vieillir, ou que si on avait une maladie incurable, on préférerait en finir très vite. Mais, croyez-en mon expérience, rares sont les vieillards et les grands malades qui veulent mourir. Ce qu'ils veulent, c'est ne pas souffrir. Et si d'aventure ils passent à l'acte, c'est à cause d'une détresse morale, à laquelle votre projet de loi n'apporte aucune solution.

A qui fera-t-on croire qu'un chirurgien hautement spécialisé, pratiquant des opérations pouvant durer plusieurs heures, a le temps d'informer paisiblement et d'assurer le suivi psychologique d'un malade ?

Et croyez-vous que la course à la « durée moyenne de séjour » va leur donner plus de temps ?

Un médecin généraliste, dont la consultation dure en moyenne 15 à 20 minutes, peut-il assurer une prise en charge globale ? Améliorera-t-on les relations entre les soignants et les soignés quand la pénurie de médecins, d'infirmiers, de professionnels paramédicaux est éclatante ?

Ce n'est pas le projet de statut des praticiens hospitaliers présenté le 13 septembre 2001 qui va favoriser le recrutement de médecins dans les hôpitaux, leur temps de travail sera limité à 48 heures, y compris le temps de garde, au lieu de 60 à 70 heures. Cette garde ne sera plus payée, non plus que la prime de service public exclusif, ce qui entraînera au 6ème échelon une perte sèche de 10 000 F par mois, avec il est vrai l'octroi de dix jours de vacances supplémentaires.

M. le Ministre délégué - Tout cela est faux !

M. Jean Bardet - Si on voulait dissuader les jeunes médecins de suivre la carrière hospitalière on ne s'y prendrait pas autrement !

A qui fera-t-on croire que l'on améliorera la prise en charge globale du patient tant qu'on ne permettra pas aux différents acteurs de santé d'avoir le temps de dialoguer, tant que l'on ne recrutera pas les infirmières qui manquent, tant que l'on manquera de psychologues ?

M. le Ministre délégué - Quand vous dites que les gardes ne sont pas prises en compte au-delà de 48 heures et que la prime de service public à plein temps est supprimée, vous êtes dans l'erreur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Michel Dubernard - C'est pourtant ce que tout le monde va répétant.

M. Jean Bardet - Malgré les effets d'annonce, les services de soins palliatifs sont toujours aussi peu nombreux. Quant aux psychologues, dans l'hôpital où je travaille, il y en a trois !

A qui fera-t-on croire qu'il suffit d'écrire que « l'information est délivrée au cours d'un entretien individuel » pour préserver l'intimité des personnes alors qu'il existe encore dans les hôpitaux, y compris en réanimation, de nombreuses chambres à deux lits ?

A qui fera-t-on croire cela tant que la législation restera incantatoire ? Je comprends la détresse de parents d'enfants hospitalisés ne parvenant pas à voir le docteur plus de dix minutes entre deux portes, ou celle d'un malade à qui on explique qu'on ne le changera pas d'alèse parce que cette dernière est prévue pour « durer » 8 heures.

Savez-vous qu'un texte réglementaire, autorise un accompagnant à rester la nuit auprès d'un malade hospitalisé ? Oui, mais la plupart des hôpitaux n'ont pas de lit à mettre à la disposition des accompagnants. Qu'apporte ce projet pour remédier à ce problème ?

La confiance ne se décrète pas. La médecine n'est pas une science exacte, mais un art dans lequel les rapports entre médecins et malades sont complexes et parfois irrationnels. Qui doit annoncer au malade qui va être opéré les risques qu'il court, n'importe quel interne ou le spécialiste qui ne pourra le faire qu'en 10 minutes la veille de l'opération, mais en qui le malade a placé sa confiance ?

Et puis, croyez-vous vraiment que le malade attende d'être informé de toutes les complications, même exceptionnelles, relatives au geste qui lui est proposé ? Le rôle du médecin n'est-il pas plutôt de rassurer son malade, de lui expliquer que ce qui lui est proposé est de toute façon moins risqué que de laisser évoluer sa maladie ?

La prise en charge globale et la participation des familles ne seront possibles que le jour où les soignants seront assez nombreux, mieux rémunérés et leur action revalorisée.

Ce dont ont besoin les soignés comme les soignants, ce n'est pas l'accès direct pour les uns, ni l'obligation tatillonne d'information pour les autres, mais bien une réforme de structure, permettant d'accroître la qualité des soins dispensés, ainsi que des moyens financiers pour remédier à la pénurie de personnel.

Si un article de ce titre 1er évoque le respect de la dignité du malade et son droit aux soins palliatifs, il est muet sur la fin de vie. Auriez-vous décidé de faire un pas de souris en évitant de poser clairement le problème, que vous n'auriez pu mieux faire ! Le développement des services de soins palliatifs est naturellement une nécessité absolue, mais encore faut-il que ces derniers ne soient pas considérés comme des mouroirs. C'est pourquoi il faut, dès l'annonce de la maladie et lorsque le pronostic vital est en jeu, que tous les malades bénéficient d'une prise en charge adaptée et continue, y compris sur le plan psychologique. Cela nécessite des moyens, lesquels font hélas défaut.

Je terminerai, s'agissant du titre 1er, par la régionalisation de notre système de santé, qui semble aujourd'hui faire l'unanimité.

M. Jean-Michel Dubernard - Merci Juppé !

M. Jean Bardet - Des forums régionaux avaient été organisés dès 1995, et ce sont les ordonnances de 1996 qui ont créé les ARH. Celles-ci ont permis de rationaliser davantage les soins et d'améliorer l'équilibre entre les régions...

Mme Muguette Jacquaint - Tu parles !

M. Jean Bardet - ... mais elles ne peuvent distribuer que ce qu'elles ont, et bien souvent elles n'ont fait que déshabiller Pierre pour habiller Paul. Si des moyens supplémentaires ne leur sont pas accordés, ce n'est pas la création des conseils régionaux de santé qui changera grand-chose.

Le titre II vise, quant à lui, à améliorer la qualité du système de santé. La nouvelle tâche confiée à l'ANAES ne fait que confirmer le rôle essentiel dévolu à cette dernière dans la transparence de nos structures hospitalières. Le Quotidien du Médecin relevait, le 27 septembre dernier, que les dysfonctionnements montrés du doigt par cette agence concernaient surtout les droits et l'information du patient, ainsi que l'organisation de la prise en charge. Autrement dit, l'élargissement dont il est question dans ce projet de loi est déjà réalisé. Le même article évoque les « visites ciblées » qu'elle effectue au bout de quelques mois pour vérifier que ses recommandations ont été suivies d'effet ; tel fut bien le cas dans les 5 établissements, sur 3700, où elles ont eu lieu, mais le système d'accréditation suppose que les pouvoirs publics donnent aux services hospitaliers les moyens de se mettre à niveau.

Refuser l'accréditation à un service de chirurgie parce que ses salles d'opération ne sont pas conformes aux normes de sécurité en vigueur est normal, mais à condition que l'administration fasse rapidement le nécessaire pour engager les travaux utiles. Je citerai le cas d'un surveillant de l'AP-HP qui a signalé par lettre au directeur des services techniques de son établissement de nombreux dysfonctionnements, en lui demandant d'y remédier, et qui n'a pas même obtenu de réponse. Qui sera responsable si, dans son service, se déclarent des cas de légionellose ? Et faut-il que les médecins révèlent à leurs patients que la salle où ils sont opérés n'est pas aux normes ? De même, ne pas autoriser tel service à pratiquer tel acte au motif que son « débit » est insuffisant tout en lui refusant les crédits nécessaires pour pratiquer le nombre d'actes requis constitue un abus de pouvoir. Je prendrai un exemple qui me tient à c_ur : celui de l'hôpital Saint-Antoine, où la consultation de cardiologie a été intégrée au service, ce qui est très bien, mais pour cela il a fallu supprimer une chambre réservée à l'hôpital de jour, et donc renoncer à l'accréditation de celui-ci ! Or, que nous dit votre projet sur des situations comme celle-ci ? Rien !

M. le Ministre délégué - Ce n'est pas son objet ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du RPR)

M. Jean Bardet - Si, car il prétend contribuer à l'amélioration des soins aux malades, et ne le fait pas là où il faudrait le faire, mais se limite à quelques mesures démagogiques (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Connaissez-vous beaucoup d'hôpitaux où des ascenseurs différents soient effectivement réservés aux malades, aux visiteurs, aux repas, au linge sale, comme le prévoient les règlements !

M. le Ministre délégué - Dieu merci, oui ! Il y a tout de même des hôpitaux qui fonctionnent !

M. Jean Bardet - J'en viens à la création de l'Office des professions paramédicales. La loi du 4 février 1995 prévoyait la mise en place d'un ordre des podologues et d'un ordre des masseurs-kinésithérapeutes, mais les praticiens concernés se sont battus en vain pendant plus de cinq ans pour en obtenir l'application, refusée par le Gouvernement au motif qu'il avait dans ses cartons la mesure présentée aujourd'hui - et dont ils ne veulent pas, craignant à juste titre pour l'indépendance et la spécificité de leur profession, ainsi que pour la protection même de la santé publique et le contrôle de la qualité des soins. Le Conseil d'Etat leur a d'ailleurs donné raison, mais le Gouvernement n'a tenu aucun compte de son injonction ! Curieuse conception du respect de la loi comme du désir affiché de transparence et de démocratie...

L'un des buts assignés au titre II est la mise en _uvre d'une politique de prévention globale et cohérente. Mais suffit-il d'écrire que les actes de prévention et de dépistage sont considérés comme essentiels et de créer des instances chargées de veiller à cette priorité, si les moyens qu'on lui consacre sont sans commune mesure avec les besoins ? L'exemple de la vaccination contre la grippe, qui n'est remboursée que dans des cas très limités, est suffisamment parlant, et le retard pris par notre pays est dénoncé année après année par Bruxelles, qui nous reproche de ne pas disposer d'un dispositif de veille sanitaire épidémiologique vraiment opérationnel. Ce ne sont pas les quelques dispositions figurant dans le projet de loi de modernisation sociale qui amélioreront la situation : alors que plusieurs de nos partenaires mettent en place des services animés par des équipes pluridisciplinaires, nous nous contentons de résorber notre déficit de médecins du travail en régularisant des praticiens n'ayant pas de diplômes dans cette spécialité...

Quant aux réseaux de santé, inscrits dans les ordonnances de 1996, et qui devraient favoriser le décloisonnement entre hôpital public, hôpital privé et médecine de ville, leur développement se heurte au fait que nombre de praticiens et de directeurs d'hôpitaux n'y voient guère plus qu'une structure supplémentaire, venant s'ajouter aux structures complexes déjà existantes, ainsi qu'à l'imprécision de leur financement - imprécision à laquelle le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ne remédie guère. L'un de mes collègues a demandé, en commission, si l'on ne pouvait prévoir un sous-chapitre dédié aux réseaux de santé ; vous avez lapidairement répondu que « les services du ministère y travaillaient », ce qui ne correspond en rien au souci de transparence affiché par ailleurs.

M. le Président de la commission - L'échange ne s'est pas arrêté là !

M. Jean Bardet - Le titre III, relatif à la réparation des risques sanitaires, comporte quelques mesures positives mais aussi de nombreuses lacunes.

L'un des points positifs est sans aucun doute l'assurance des risques aggravés, qui permettra à toute personne de moins de 45 ans de contracter des crédits à la consommation sans remplir de questionnaire médical.

Si cette mesure contribue à rendre moins pénible la situation de handicap et de maladie, elle ne comble cependant pas d'autres vides juridiques tout aussi importants pour la santé psychologique des personnes concernées.

Je prendrai l'exemple de l'éventuel reclassement professionnel justifié par l'état de santé d'une personne atteinte de graves problèmes de dos et qui exerçait un travail physique. Après avis de son médecin traitant, il prend contact avec le médecin du travail afin qu'il corrobore l'avis médical et qu'il fasse des propositions de reclassement. Ce médecin consulte alors l'employeur dont il dépend. En l'absence de possibilités de reclassement, le malade n'a d'autre alternative que le licenciement, certes assorti de propositions de formation, ou la multiplication des arrêts de travail, afin de continuer à percevoir ses indemnités.

Certes, faciliter les démarches financières est une bonne chose, mais rendre sa dignité au malade me paraît tout aussi important.

Autre point positif, les dispositions relatives à l'aléa thérapeutique et à son indemnisation. Ainsi, la distinction entre faute et aléa, permettra de mettre la réparation à la charge soit des assureurs soit du fonds d'indemnisation. Telle était aussi la finalité de la proposition de loi que nous avions déposée en 1998, au motif qu'« il faut considérer le risque médical comme un risque social qui doit être indemnisé ».

On comprend mal, en revanche les lacunes de votre texte, qui ignore les petits risques et qui ne règle pas le problème de l'hépatite C, lorsqu'elle a été contractée lors d'une transfusion sanguine, et qu'elle résulte donc de l'application d'une thérapeutique. Pourtant, la loi de 1992 prévoit l'indemnisation des transfusés contaminés par le sida. Cette injustice inacceptable ne s'explique malheureusement que par le coût d'une indemnisation. Après la CMU à deux vitesses, voici l'indemnisation à deux vitesses !

On le voit, les avancées de ces trois titres sont largement annihilées par leurs lacunes. Elles ne seront effectives que si les moyens financiers suivent. Elles ne permettent d'établir ni un climat de confiance ni la transparence dans les relations entre soignés et soignants. Elles posent la question de la participation des usagers et de leurs associations à l'organisation des soins.

Mais en fait, en voulant que les usagers prennent une place dans le système de santé et qu'ils participent aux décisions, ne veut-on pas les amener à faire bientôt eux-mêmes des choix douloureux, qu'aucun responsable politique ne se résout à faire ? De même, vos rappels incessants de la place de l'élu ressemblent fort à des incantations. Certes, le projet prévoit des débats régionaux et un débat ici même pour préparer le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais à quoi bon si c'est finalement pour voter chaque année un objectif de dépenses de santé toujours dépassé et dont personne ne connaît l'affectation précise ?

M. Jean-Pierre Foucher - C'est vrai !

M. Jean Bardet - L'objectif 2000 a été dépassé de 17,3 milliards ; celui fixé pour 2001 devrait l'être de 15,8 milliards.

M. Jean-Luc Préel - Où est la qualité ?

M. Jean Bardet - Depuis quatre ans, nous votons une enveloppe de dépenses en décalage complet avec la réalité. Le Président de la conférence nationale de santé déclarait lui-même : « il n'y a finalement aucune relation entre les besoins de santé et l'allocation de ressources ». En effet, cette conférence, après six mois de débats, n'a fait que dresser la liste des priorités sans préciser ni leur coût ni les moyens nécessaires. Ainsi, dire que la mortalité néonatale est trop forte en France et qu'il faut la baisser est une évidence. Mais, il faut aussi dire comment, combien cela coûte et combien on peut y consacrer.

Pourtant, chaque année, le Gouvernement décrète a priori l'enveloppe des dépenses et il fait croire que les objectifs définis par la Conférence nationale entreront dans cette enveloppe et que l'équilibre des comptes sera obtenu. Néanmoins, depuis quatre ans, les dépenses de santé n'ont cessé de croître, en raison de l'augmentation de l'espérance de vie, des progrès de la médecine - comment nier que la médecine coûtera de plus en plus cher ? - des abus de prescription, des erreurs de gestion, des dividendes de l'industrie pharmaceutique. Ne pouvant jouer sur les deux premiers facteurs, on suppose que les coûts inutiles dus aux abus sont par définition égaux au déficit. C'est un raisonnement bien simpliste !

Si la réduction des coûts inutiles est une nécessité, notre débat restera stérile, tant que nous n'aurons pas évalué précisément les besoins sanitaires. Il appartiendra ensuite au Parlement de faire les choix nécessaires, en garantissant la transparence et l'égalité d'accès aux soins qui est loin d'être effective puisque vous-même vous êtes engagé à mener « une démarche pour repérer les zones dans lesquelles un accès aisé n'est plus assuré ».

Un article récent des Echos sur « les limites de la politique de santé soulignées par le rationnement d'un médicament miracle contre la polyarthrite », montre que, faute de budget suffisant, on ne pourra traiter que 1 500 malades sur 4 500. Autres exemples de restrictions : l'usage de la toxine botulique utilisée dans le traitement de certaines séquelles spastiques de maladies neurologiques, mais aussi toutes les chimiothérapies anticancéreuses.

Rappelons aussi que, sans aucun débat, vous avez décidé de ne pas rembourser un nouveau médicament contre la grippe, non plus que le Xenical, médicament contre l'obésité, que votre Gouvernement a été le premier à autoriser la mise sur le marché de médicaments efficaces ne pouvant être délivrés que sur prescription médicale et qui ne sont pas remboursés par la sécurité sociale sous prétexte qu'ils sont trop chers. Où sont la transparence, la confiance, la responsabilité ? Le premier droit du malade n'est-il pas de se faire soigner ? Faire participer les usagers à des débats truqués d'avance, c'est ne pas les respecter. C'est pourquoi je vous demande de voter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Ministre délégué - Je remercie Claude Evin qui a rappelé le rôle des associations dans la préparation de ce projet et la large concertation qui a eu lieu depuis les rapports du Conseil économique et social, de M. Nauche, de M. Caniard, et depuis les États généraux de la santé. Nous avons écouté les associations, les professionnels, les médecins et travaillé avec eux.

M. Pierre Hellier - Bref, tout va bien !

M. le Ministre délégué - En tout cas, tout va mieux qu'hier, malgré les lacunes, malgré les inégalités. Nos professionnels sont meilleurs, l'accès aux soins est meilleur, grâce à la CMU, et nous pourrons faire mieux encore avec ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

J'ai apprécié également les commentaires de M. Denis. Ses amendements seront les bienvenus, notamment sur les services éthiques hospitaliers.

Malgré son extinction de voix, M. Bernard Charles a été exceptionnel ! (Sourires) Merci d'avoir évoqué les améliorations, en particulier pour les ostéopathes, profession que l'Europe nous demandait depuis longtemps de consacrer. Quant au travail sur la base juridique des réseaux, nous en reparlerons.

J'en viens aux propos de M. Bardet à qui je ferai une réponse sommaire. Je ne prétends pas que tout ce qu'il a dit est faux, mais tout est pratiquement hors du champ du projet. Merci d'avoir attiré mon attention sur les manques dont souffrent les hôpitaux, les dysfonctionnements de certains services, les défauts du service de cardiologie de Saint-Antoine, une panne d'ascenseur ici ou là... Je suis au courant. Mais nous parlons aujourd'hui des droits des malades.

Sur le fond, vous nous avez accusés de jeter de la poudre aux yeux... Parlons tout d'abord de la sécurité sociale, même si ce n'est pas le sujet. Elle financera la prévention. Pardonnez-moi donc d'avoir ainsi cédé à la pression de certains élus qui siègent sur vos bancs !... Laissez-moi vous rappeler que le régime général de la sécurité sociale a enregistré un déficit de 70 milliards de francs - le vôtre ! - en 1995, de 50 milliards - le vôtre ! - en 1996, et de 30 milliards - au moins partiellement le vôtre en 1997. Limité à 15 milliards en 1998, il s'est établi à zéro en 1999. Ne prétendez pas que les choses vont de mal en pis alors que l'amélioration est manifeste : les chiffres que je cite sont ceux de la sécurité sociale !Vous les connaissez ! L'excédent s'est élevé à 6 milliards en 2000 et devrait atteindre 5 milliards en 2001.

Vous avez également dit, Monsieur Bardet, que la majorité des cinq professions représentées à l'Office y étaient opposées. Vous vous trompez : seuls les pédicures se prononcent contre. Mais la majorité des kinésithérapeutes, tous les infirmiers, les orthophonistes et les orthoptistes sont d'accord.

En ce qui concerne les réseaux, il faut que le financement soit assuré, et la base juridique qui le permet sera intégrée au projet. Nous allons déposer un amendement permettant aux collectivités locales et à l'assurance-maladie de les financer. Nous disposerons ainsi d'un financement pérenne.

Vous avez évoqué la nécessité de prise en charge des malades par des psychologues. C'est ce que nous proposons pour la première fois dans les réseaux. Ce sera fait au forfait immédiatement et sans attendre la nouvelle nomenclature.

En ce qui concerne les soins palliatifs, vous exagérez ! Dès 1998, il y avait 84 unités mobiles et 74 unités fixes, alors qu'il n'y en avait pas la moitié un an auparavant. Nous disposons aujourd'hui de 265 unités mobiles et de 92 unités fixes. Le premier plan lancé en 1999 portait sur 150 millions, qui ont été suivis de 75 millions en 2000 et de 155 millions en 2001. En 2002, 150 millions sont prévus pour lancer le deuxième plan. Vous n'êtes jamais contents ! Il fallait le faire vous-mêmes !

Plusieurs députés RPR , UDF - Tout va bien !

M. le Ministre délégué - Si vous aviez agi, je n'aurais pas à le faire aujourd'hui ! Au fond de vous-mêmes, vous savez bien que nous avons raison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme la Présidente - Nous en venons aux explications de vote.

M. Jean-Luc Préel - M. Bardet a défendu la question préalable avec toutes les nuances et l'objectivité nécessaires (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

L'UDF apprécie plusieurs chapitres du projet de loi, sous réserve d'amendements. Mais nous attendions, depuis deux ans, une grande loi de modernisation de la santé. Certes notre système de santé est l'un des plus performants au monde. Il n'en est pas moins en crise, voire au bord de l'explosion. Remédiez-vous à cette situation ? Je n'en ai pas l'impression. Alors que le paritarisme est remis en cause par le départ du MEDEF et le financement par la CSG, avez-vous clarifié les rôles entre l'Etat, les caisses et les professionnels ? Hélas, non. Certes, un rapport sera remis au Parlement en mai. Mais donnera-t-il lieu à un débat ?

M. le Président de la commission - Oui !

M. Jean-Luc Préel - Ce débat sera-t-il suivi d'un vote assorti d'une possibilité d'amendement ? Je n'en ai pas l'impression. C'est pourtant essentiel.

Les médecins libéraux, les infirmiers, les kinésithérapeutes sont aujourd'hui désabusés et las de jouer le rôle de boucs émissaires. Vous ne leur proposez aucune revalorisation des actes ! La rentabilité des cliniques est pratiquement nulle. Nombre d'entre elles déposent leur bilan. Toutes manquent de personnel. Que leur proposez-vous ? Les hôpitaux dont l'activité augmente connaissent une situation difficile - en particulier des retards d'investissement - que l'application des 35 heures ne fera qu'aggraver. Tout cela fait partie de la qualité des soins !

Bien d'autres problèmes ne sont pas résolus, qu'il s'agisse de la démographie médicale, des urgences, ou de la réforme des études médicales - dont vous regretterez l'absence, Monsieur le ministre...

La situation est grave et des grèves dures se préparent. La grande loi de modernisation de la santé a hélas fait place à une loi sur les droits des malades et la qualité du système de santé. Je propose de rendre à ce texte son titre et son vrai nom, celui de loi Kouchner...

Nous allons, certes, discuter de sujets importants, mais ce projet n'est pas à la hauteur des enjeux. C'est pourquoi le groupe UDF votera la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Philippe Nauche - L'intervention de M. Bardet a montré qu'on pouvait être un peu de mauvaise foi, mais la longueur de son propos prouve à l'évidence l'utilité du débat, auquel l'adoption de la question préalable ferait obstacle ! M. Bardet a énuméré tous les problèmes posés par la CMU, les soins palliatifs et la sécurité sanitaire, ainsi que les droits nouveaux contenus dans le projet de loi. Ensuite, cela s'est gâté. Votre conception des droits des malades, teintée de paternalisme, est aujourd'hui dépassée.

L'exposé du protocole que vous appliqueriez dans un service d'urgences me fait espérer que vous n'êtes pas spécialisé en médecine d'urgence !

Non seulement vous nous exposez une conception simpliste de la psychologie des malades (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) mais l'utilisation que vous faites de quelques passages tirés du Livre blanc de la ligue nationale contre le cancer me semble d'autant plus tirée par les cheveux que la ligue a déclaré approuver les propositions du Gouvernement. Vous ne dédaignez pas, non plus, d'énoncer quelques contrevérités à propos du statut du praticien hospitalier, ni quelques lieux communs sur le fonctionnement de votre service. A cela s'ajoutent diverses incantations sur la prise en otage de la détresse humaine...

M. Jean Bardet - Allons ! Allons ! Je n'ai jamais dit cela !

M. Philippe Nauche - ...et des approximations sur l'information des futurs opérés. Que ne demandez-vous aux anesthésistes de votre service comment ils procèdent ! Tout cela ne démontre que trop bien que vous êtes pris dans vos contradictions, vous qui voulez à la fois de moindres prélèvements et davantage de moyens !

M. Jean Bardet - Mon seul souhait est que les services hospitaliers fonctionnent correctement !

M. Philippe Nauche - C'est le mien aussi. Pour finir, je tiens à votre disposition une lettre, datée du 17 février 2000, dans laquelle les fédérations nationales des masseurs-kinésithérapeutes, des infirmières, des orthophonistes et des orthoptistes tenaient à nous faire part du consensus qui s'était dégagé, en leur sein, en faveur des propositions du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Et voilà pour les professions dont vous nous dites qu'elles sont absolument opposées à la création d'un office !

En bref, vous avez exprimé la nostalgie d'un pouvoir médical d'un autre siècle, la nostalgie du mandarinat (M. Jean Bardet proteste). Ce faisant, vous refusez de prendre en considération les aspirations des malades, qui sont aussi des citoyens. Vraiment, il n'existe aucune raison de voter cette question préalable, car le débat est nécessaire avant le vote d'un texte qui sera, à n'en pas douter, historique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe communiste ne votera pas la question préalable. Je ne suis ni professeur de médecine, ni médecin, ni infirmière. Mais, en tant qu'usager et en tant qu'élue, j'ai autant que vous le souci du respect des droits des malades, de la qualité des soins et de l'intérêt des professions de santé. Pour moi, ces trois volets forment un tout, et je ne partage pas votre opinion sur le financement de la sécurité sociale.

« A qui allez-vous faire croire ? » nous avez-vous demandé. Je ne compte rien « faire croire », mais je me rappelle fort bien ce que j'ai entendu, et pendant des années : « Il y a trop d'infirmières ! Il y a trop de médecins ! Les dépenses publiques sont trop élevées ! » Et je me rappelle, aussi, les ordonnances Juppé !

Les usagers et les personnels hospitaliers se font entendre en ce moment, et ils ont raison de le faire. Mais que s'est-il donc passé en 1995 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste) Je ne pense pas que tout aille pour le mieux, et je remercie M. Kouchner d'en convenir, et de dire que des mesures doivent être prises pour améliorer et la prévention et les soins. Mais quand même ! Je sais bien que nous sommes à quelques mois d'élections importantes, mais lorsque l'on n'a pas su faire, les critiques ne sont pas crédibles ! Et puisque vous déplorez, comme moi, le manque de moyens, je souhaite que, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale, votre groupe approuve nos propositions visant à apporter de nouvelles recettes à notre système de santé (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Marc Laffineur - La qualité de notre système de santé est un sujet suffisamment important pour que l'on parle, aussi, de ce qui ne va pas ! Or, ce texte ne va pas au fond des choses, car il ne dit rien de ce qu'il faut améliorer. Il est vrai que notre système de soins fonctionne encore - mais c'est grâce à des personnels particulièrement dévoués. Vous savez bien, Monsieur le ministre, que nous sommes au bord de l'explosion, et que les difficultés sont devant nous ! Vous savez bien que les 45 000 infirmières que vous nous dites vouloir recruter n'existent pas, et pour cause : alors que l'on sait depuis quatre ans que la réduction du temps de travail va être appliquée à l'hôpital, les places nécessaires n'ont pas été mises au concours ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Le sujet sera traité avec passion, et cela se comprend. Mais Jean Bardet a eu parfaitement raison de souligner les insuffisances d'un système qui fonctionne bien - pour l'instant. Les raisons de s'inquiéter pour l'avenir sont patentes. C'est pourquoi le groupe DL votera la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Michel Dubernard - J'espère que le débat sera serein, car nous avons beaucoup à dire. Déjà, je m'oppose au procès d'intention qu'a été fait à mon collègue Bardet, alors même qu'il a souligné l'aspect positif de certains chapitres du texte, qu'il s'agisse des droits de la personne ou des droits des usagers, tout en exprimant des nuances. Il a, de plus, décrit ce qui se passe actuellement dans les hôpitaux publics, mais que vous ignorez car les stratifications administratives font que les informations ne remontent pas jusqu'à la Direction des hôpitaux ni au ministre ! En élargissant le débat, Jean Bardet a pointé les lacunes du texte, qui ne dit rien de ce qui est pourtant le premier droit des malades : l'accès égal à des soins de qualité, en tous points du territoire. M. Kouchner n'avait-il pas lui-même, pour cette raison, intitulé son texte « Droits des malades et modernisation du système de santé » ? Que vous dire, sinon que la spécialité pâtissière que l'on nous sert est une cerise sans gâteau ?

Le groupe RPR votera la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 40.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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