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Session ordinaire de 2001-2002 - 2ème jour de séance, 4ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 2 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

Sommaire

            DROITS DES MALADES (suite) 2

            ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 3 OCTOBRE 2001 25

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

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        DROITS DES MALADES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Avant de m'exprimer sur ce texte important, je souhaite m'incliner avec l'ensemble de la représentation nationale devant les vingt-neuf morts de l'usine AZF de Toulouse et témoigner de toute mon affection aux 441 blessés, dont 34, toujours hospitalisés, ont été gravement touchés. Je rends hommage à la population, remarquable de dignité dans cette épreuve où elle a su se montrer stoïque. Je salue les médecins et le personnel médical et paramédical de nos hôpitaux, qui tous ont fait montre d'une humanité exceptionnelle.

Je n'oublie pas l'ensemble des professionnels de santé privés et publics dont vous avez pu, Monsieur le ministre constater sur place dès le vendredi le professionnalisme (Assentiment de M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé)

Présenté au Conseil des ministres le 5 septembre dernier, ce projet de loi tend à rendre le monde médical plus humain tout en le modernisant. Il s'agit d'un texte politiquement fondamental qui, n'en déplaise à M. Bardet, vient concrétiser l'espoir soulevé par Lionel Jospin aux Etats généraux de la santé de 1999, lorsqu'il en avait annoncé les principales motivations.

Au cours des nombreuses auditions préalables à son élaboration, l'ensemble des ordres, fédérations, syndicats, associations de malades ou d'usagers l'ont salué. Des perspectives thérapeutiques nouvelles se sont en effet ouvertes, qu'il s'agisse notamment des thérapies cellulaires ou de la médecine génétique. Mais dans le même temps, le malaise hospitalier, la crise d'identité des professionnels libéraux, la revendication d'un rôle nouveau pour les associations se sont exprimés avec force. Enfin, le drame du sang a mis en lumière les conséquences tragiques des possibles dérives de la médecine et la nécessité d'une politique déterminée de sécurité sanitaire.

Ce projet de loi vise à prendre en compte ces aspirations, ces doutes, ces remises en cause. Il propose une réforme d'ensemble du fonctionnement du système de santé, afin de le démocratiser et de le moderniser. Le texte repose sur un triptyque essentiel : droits des malades, obligations des professionnels, réparation des risques sanitaires en cas d'accident médical.

Le titre Ier premier pose les conditions d'avènement d'une véritable démocratie sanitaire et l'article premier énonce les droits fondamentaux de la personne malade : respect de la dignité - notamment en fin de vie ou en cas de traitement particulièrement lourd -, non-discrimination en matière d'accès à la prévention ou aux soins, respect du secret médical, accès aux soins les plus appropriés à l'état général, sécurité sanitaire, continuité des soins. Le respect de ces droits sera pris en compte dans l'évaluation et l'accréditation des établissements. Dans certains cas, les mineurs qui ne souhaitent pas informer leurs parents de leur état de santé, pourront accéder aux soins dont ils ont besoin en toute confidentialité. Conséquence logique de ces droits, le malade aura droit à l'information la plus complète possible et sera ainsi à même de prendre les décisions qui concernent sa santé. Sur proposition des professionnels, il lui sera ainsi reconnu le droit d'être ou de ne pas être informé de son état, sauf si celui-ci expose des tiers à un risque de transmission infectieuse ou génétique.

Répondant à une demande fortement exprimée lors des Etats généraux de la santé, le texte prévoit que tout malade pourra accéder directement à son dossier médical et se voir ainsi communiquer comptes rendus, résultats d'examens, feuilles de surveillance et toute correspondance le concernant entre des professionnels de santé.

La dévolution d'un statut aux associations de malades et d'usagers constitue, comme vous l'avez dit vous-même, Monsieur le ministre, le pivot sur lequel se fonde leur reconnaissance. Celles d'entre elles qui seront agréées seront reconnues comme des acteurs à part entière et pourront exercer les droits de la partie civile. Des commissions de relation seront mises en place dans les établissements : elles suivront l'exercice des droits des malades et tendront à faciliter l'expression des droits des usagers.

Visant à la transparence, certaines dispositions viennent compléter les obligations déontologiques des professionnels de santé. Très attendu, l'article 25 tend à réformer la procédure d'élaboration de la politique de santé. Jusqu'à présent, celle-ci n'était discutée au Parlement que dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dorénavant, le Gouvernement préparera un rapport annuel au Parlement qui donnera lieu à un débat préalable au vote de la LFSS.

Le titre II du texte vise à améliorer la qualité du système de santé et à garantir la sécurité des patients. A ce titre, le préfet pourra suspendre un praticien considéré comme dangereux ; de même, la chirurgie esthétique sera mieux contrôlée. La procédure de rappel des patients en cas de risque découvert après les soins sera également renforcée. Enfin, la formation des professionnels de santé est mieux encadrée : elle devient obligatoire pour tous les médecins, quel que soit leur mode d'exercice et un office regroupant l'ensemble des professions para-médicales sera institué.

Le titre III tend à garantir une meilleure séparation des risques sanitaires. L'accès à l'assurance des personnes présentant des risques aggravés sera facilité. Pour répondre à l'une des principales demandes des associations de malades, les dispositions du titre III tendent également à poser dans la loi le principe de l'existence d'une convention qui concernera notamment les personnes séropositives, les cancéreux en phase de rémission et les diabétiques. Ce dispositif se substituera au précédent, purement conventionnel et non reconnu dans la loi, qui n'avait pas donné satisfaction.

S'agissant de l'indemnisation des victimes, le texte clarifie les règles de la responsabilité médicale. Des commissions régionales de conciliation d'indemnisation, présidées par un magistrat, seront instituées en vue de faciliter le règlement amiable des conflits.

Pour ce qui concerne l'aléa thérapeutique, le projet de loi pose le principe d'un droit à indemnisation des victimes d'accidents médicaux graves sans faute des médecins. L'indemnisation sera obtenue au terme d'une procédure amiable devant les commissions régionales de conciliation.

J'en viens aux principaux amendements présentés par le groupe socialiste, et retenus par notre commission des affaires sociales.

Un premier amendement, de portée essentiellement symbolique, vise à modifier les dénomination des ordres des professions médicales : on ne parlera plus d' « ordre » mais de « collège professionnel ». Cette évolution nous a été réclamée par les ordres eux-mêmes.

Un autre amendement, relatif aux ostéopathes et aux chiropracteurs, témoigne de l'évolution des pratiques médicales car, que l'on s'en félicite ou qu'on le déplore, de plus en plus de nos concitoyens se tournent vers ces méthodes peu conventionnelles. Le législateur est tenu de prendre en compte ces évolutions, ne serait-ce que pour protéger la population contre d'éventuels charlatans. L'amendement vise donc à reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur aux seuls professionnels qui auront suivi un cursus validé.

Un troisième amendement tend à garantir la reconnaissance de la gynécologie médicale en tant que spécialité.

Enfin, un amendement vise à demander au Gouvernement de produire un rapport sur la situation des techniciens de laboratoire et des ambulanciers, en vue de reconnaître le classement de ces professions en service actif du fait de leur pénibilité et des risques encourus. Il y a lieu, sur ce sujet, de poursuivre la réflexion engagée à l'occasion de la discussion du projet de loi de modernisation sociale. Comme vous l'avez dit vous-même, Monsieur le ministre, la philosophie de ce projet de loi tient en trois mots : transparence, responsabilité, confiance. Son adoption permettra que notre système de santé - le premier au monde - progresse encore, au bénéfice de tous les malades, actuels et à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Michel Dubernard - Enfin ! Enfin un texte sur les droits des malades incluant le droit à l'indemnisation des victimes du risque médical ! Enfin ce texte tant attendu par les associations de victimes, qui aurait pu rendre plus sereine la relation médecin-malade, alors que le nombre de plaintes, justifiées ou non, va croissant, enfin un projet de loi concrétisant de nombreuses propositions de loi déposées par des parlementaires siégeant souvent à droite de l'hémicycle.

M. Jean-Luc Préel - Dont M. Dubernard !

M. Jean-Michel Dubernard - Enfin vous avez réussi à faire inscrire ce texte, Monsieur le ministre, à quelques mois des échéances électorales.

Il apparaît pourtant, comme une cerise sans gâteau... Il avait suscité beaucoup d'espoir tant parmi les patients, notamment les malades chroniques, que parmi les professionnels qui vivent la dégradation de notre système de santé - lequel, mes chers collègues, j'en suis désolé, n'est pas le premier du monde !

Mme Yvette Benayoun-Nakache - A Toulouse, il a fait ses preuves !

M. Jean-Michel Dubernard - Tous attendaient une réforme de même ampleur que celle de 1959. Mais le titre du projet a changé : de « modernisation du système de santé », on est passé à « qualité du système de santé » ... D'où leur grande déception, la mienne, et peut-être aussi la vôtre, Monsieur le ministre. Les mesures proposées ressemblent à s'y méprendre à un DMOS - ou DDOS.

Oui, notre système de santé doit se moderniser ! Les bonnes paroles ne suffisent à masquer ni les insuffisances criantes de l'hospitalisation publique et privée, ni les difficultés de la médecine de ville, ni le décalage tragique entre théorie et pratique dans le domaine de la prévention et de la santé publique en général - je pense à la PMI, à la médecine scolaire, à la médecine du travail.

Ce n'est pas faire du misérabilisme que de témoigner des conditions d'accueil dans les services d'urgences. La presse s'en est chargée pendant tout l'été.

Ce n'est pas faire du misérabilisme que de dénoncer la pénurie criante de moyens et d'équipements, le délabrement des locaux, les déplorables conditions d'accueil dans un très grand nombre de services hospitaliers. Résultat : les chefs de service démissionnent, partent à l'étranger, ou vers le privé. A Lyon, cette année, il y a eu six départs. Les internes et chefs de cliniques se détournent de la carrière hospitalière.

Ce n'est pas faire du misérabilisme que de dénoncer les conditions d'exercice toujours plus astreignantes dans les cliniques privées, notamment celles appartenant aux grands groupes à logique capitaliste.

Ce n'est pas faire du misérabilisme que de qualifier d'anormales pour la santé du pays les conditions de travail des professionnels de ville : 115 F la consultation du généraliste, 17,50 F l'injection intra-musculaire... Comment voulez-vous que ces professionnels prennent le temps d'être humains ?

En commission, Monsieur le ministre, vous m'aviez suggéré de ne pas établir de martyrologe des malades... Je ne le ferai pas, mais demandez leur avis à ces patients qui ont attendu des heures sur un chariot dans le couloir des urgences, à ceux qui se retrouvent dans un service de chirurgie pour traiter un paludisme aigu ou dans un service de médecine pour surveiller un anévrisme qui menace de se rompre ! Le droit premier des malades à « un accès égal à des soins de qualité égale pour tous » n'est pas respecté.

M. Bernard Accoyer - Bravo !

M. Jean-Michel Dubernard - Les inégalités sociales vont en s'aggravant, en attendant l'effet CMU s'il arrive, les inégalités géographiques persistent malgré les agences régionales d'hospitalisation. Mieux vaut si l'on est victime d'un infarctus du myocarde, être à proximité d'un CHU ou d'un gros CHG. Une autre inégalité est d'ordre relationnelle : on est, ou on n'est pas, orienté vers le praticien le meilleur. Il reste bien du travail à l'ANAES !

Une véritable modernisation de notre système de santé aurait mis en valeur les droits dont il est question dans notre projet, qu'il s'agisse des droits de la personne ou de ceux des usagers. S'agissant du droit à l'information, des précisions sont encore nécessaires - dans la loi, et non dans le décret - notamment pour que les notes personnelles des médecins ou des étudiants ne soient pas transmises. Je veux ici souligner l'affligeant manque de moyens des services d'information médicale dans les hôpitaux.

Rassurer le patient est une bonne chose, mais il faut aussi tranquilliser un corps médical qui craint la dérive vers la judiciarisation, qui s'indigne de voir le Premier ministre et vous-même, Monsieur le ministre, parler de « révolution culturelle », comme si le colloque singulier médecin-malade n'existait pas depuis toujours.

L'indemnisation des victimes d'accident médical est certainement la partie la plus attendue et la plus importante du projet. Il s'agit de supprimer la grande injustice que constituait la distinction entre faute médicale et accident médical, la première ouvrant seule un droit à indemnisation par l'assurance du médecin ou de l'établissement.

Vous avez choisi de faire financer l'office national d'indemnisation par une dotation des régimes d'assurance maladie. La notion de solidarité aurait mieux été exprimée, selon nous, par une dotation de l'Etat. L'injuste, dans ce texte, est la non-indemnisation des victimes du virus de l'hépatite C, même si l'article 61 instaure une présomption d'imputabilité.

A propos du Titre II, deux points méritent d'être soulignés.

Dans le cadre de la « démocratie sanitaire », un bien grand mot qui sonne un peu faux, la représentativité des usagers a été évoquée. Peut-on la limiter aux seules associations de patients ? La réponse est non, même si je salue le rôle qu'elles ont joué pour promouvoir cette loi et l'aide qu'elles apportent aux malades atteints du sida, de myopathie, d'insuffisance rénale, de diabète, d'asthme ou de bien d'autres maladies chroniques. Elles ne représentent pas les centaines de milliers de personnes atteintes d'appendicite aiguë ou de fracture du col du fémur... Au Canada, en Suisse, les représentants des usagers sont élus. En France, ce rôle devrait logiquement revenir aux élus, à condition qu'ils soient formés, à condition aussi qu'ils représentent les citoyens qui les ont élus plutôt que les collectivités locales...

Le chapitre II concerne la formation médicale continue, mais la grande absente de ce texte est la formation initiale, avec l'indispensable réforme du premier cycle des études médicales.

Quel gâchis humain que cette première année de médecine, qui ramène 85 % des étudiants après deux années de dur labeur, au niveau du baccalauréat. On connaît aussi le problème des amphithéâtres bondés, celui de la difficulté d'accès pour les titulaires d'un bac L ou ES. Nous sommes nombreux à prôner une formation commune, d'un an au moins, à toutes les professions de santé. Qu'est devenue la réforme si bien engagée par le prédécesseur de l'actuel ministre de l'enseignement supérieur ?

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - On est en train d'en faire une autre.

M. Jean-Michel Dubernard - Il y aura beaucoup à dire sur bien d'autres sujets, mais vous comprendrez, Monsieur le ministre, que ces deux lacunes majeures du projet que sont l'absence d'une véritable modernisation du système de santé et celle d'une réforme de la formation médicale initiale pèseront lourd dans notre décision de vote (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Muguette Jacquaint - Il n'est pas anodin que le premier texte inscrit à notre ordre du jour porte sur des questions de santé et de protection sociale. C'est une préoccupation essentielle de la population, et on ne saurait ignorer les manifestations des personnels à propos des 35 heures ni la mobilisation de différentes professions. Il faut y répondre.

Ce texte s'inscrit dans une réflexion déjà ancienne. En particulier, les Etats généraux de la santé, réunis de l'automne 1998 à juin 1999 ont exprimé des exigences très fortes, que le groupe communiste a relayées à différentes reprises. Nous le ferons de nouveau avec force sur ce texte.

Il comporte trois grands axes, la démocratie sanitaire, l'amélioration du système de soins, la réparation du risque sanitaire, et le rappel, à l'article premier, du principe fondamental selon lequel il ne doit y avoir aucune discrimination dans l'accès aux soins et à la prévention n'est pas superflu. A l'énumération figurant dans le texte initial, nous voulions, par amendement, ajouter la non-discrimination en raison de la situation économique et sociale. Dans ce domaine, les disparités demeurent, malgré la CMU et il faudrait par exemple améliorer les taux de remboursement. La suppression de cette énumération par la commission des affaires sociales est regrettable et vide en partie l'article de son sens.

Le droit des malades fut longtemps un domaine ignoré. Dans la pratique, le savoir médical ne se partageait pas, et nombreux sont ceux qui ont eu des difficultés à obtenir des renseignements sur leur propre état. Codifier le droit du patient à l'information est une avancée importante. Il ne s'agit nullement de remettre en cause la compétence des médecins ; au contraire, la confiance entre eux et le patient en sera certainement renforcée. Cependant, il est nécessaire de réaffirmer avec force le respect de la vie privée et du secret de ces informations ; employeurs et sociétés d'assurances ne doivent pas pouvoir faire pression sur les assurés pour y avoir accès.

Nous approuvons d'autres dispositions favorisant la démocratie, comme la création dans chaque établissement d'une commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge. Mais on renvoie sa composition à des décrets. On sait qu'il paraissent avec lenteur, voire jamais, tel celui devant arrêter la liste des organisations représentatives nécessaire à la mise en place des dispositions relatives aux centres de santé prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale de 1999. En tout état de cause, une telle commission ne saurait remplacer des élections démocratiques à la CNAM et à la CNAV.

D'autre part, la possibilité pour des organisations agréées au niveau national de représenter la partie civile, avec accord de celle-ci, sera d'un grand soutien pour des malades souvent confrontés à des démarches parfois insurmontables. D'autres dispositions renforcent aussi la transparence en assurant l'indépendance des membres des diverses instances et en limitant certaines pratiques, notamment en ce qui concerne la politique du médicament.

Le projet établit une nouvelle procédure d'élaboration des orientations de la politique de santé. Nous la voulons plus démocratique. En effet, le Gouvernement disposera de toutes les prérogatives, déterminera les priorités et rédigera un rapport annuel avec le soutien d'un Haut comité pour la santé présidé par le ministre.

M. Maxime Gremetz - C'est l'étatisme absolu !

Mme Muguette Jacquaint - Pour rendre son rôle au Parlement, nous préconisons qu'il débatte chaque année de la politique de santé avant le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur la base des conclusions de la conférence nationale de santé.

M. Maxime Gremetz - Très bien.

Mme Muguette Jacquaint - La création des conseils régionaux de santé est intéressante, mais nous formulons quelques réserves sur leur composition. Etant donné les grandes inégalités entre départements d'une même région - je pense bien sûr à la Seine-Saint-Denis - tous doivent y être représentés. Les centres de santé doivent aussi participer à ce conseil. Son rapport devra être transmis à une instance élue, ce qui n'est pas prévu pour l'instant. Enfin, plutôt que de laisser le préfet déterminer seul les priorités des programmes pluriannuels de santé, mieux vaudrait confier cette tâche au conseil régional de santé, le représentant de l'Etat en assurant la mise en _uvre.

Le titre intitulé « qualité du système de santé » traite longuement de l'organisation des professionnels. Ils examineront eux-mêmes les mesures relatives aux ordres.

La question à laquelle nous sommes le plus attachés est celle de la prévention, qui paraît actuellement secondaire. Or les retards sont immenses, en particulier dans l'entreprise, comme l'a révélé le scandale de l'amiante. Il faut encore améliorer la situation de ceux qui y ont été exposés, et se soucier d'autres produits comme l'éther de glycol. Médecine scolaire et médecine du travail doivent jouer tout leur rôle, et donc bénéficier d'un renforcement substantiel de leurs moyens.

Le groupe communiste défend aussi avec force les centres de santé dont la structure est gage d'efficacité, quelle que soit leur forme, associative, mutualiste ou municipale. Des propositions précises ont été faites pour en améliorer le fonctionnement. Les intégrer en réseaux sera un moyen de les développer. L'Etat aide à la création de ces structures par une subvention, en imposant en contrepartie des obligations comme la pratique du tiers payant.

Le projet met aussi en place un système équilibré de formation continue des professionnels de santé. Elle ne sera réellement efficace que si la formation initiale répond aux besoins. Or le numerus clausus empêche de former des médecins en nombre suffisant, malgré un relèvement ces dernières années. Les zones rurales, les quartiers difficiles sont sous-équipés et dans le nord de la Seine-Saint-Denis il faut plusieurs semaines pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue. Le diplôme de gynécologie médicale a disparu, mais la mobilisation massive des femmes et des professionnels a permis quelques avancées.

En Commission, nous avons déposé un amendement visant à rétablir un diplôme spécifique de gynécologie médicale et l'accès direct à cette spécialité, sans passer par le médecin référent. La commission a adopté un autre dispositif, mais le groupe communiste défendra son propre amendement.

Le projet ouvre un droit à indemnisation en cas d'aléa thérapeutique. Cette disposition est indispensable mais elle ouvre la voie à des longs parcours judiciaires. Il aurait mieux valu créer un fonds d'indemnisation des victimes contaminées par le virus de l'hépatite C, selon un système comparable à celui mis en place par la loi du 31 décembre 1991.

Ce projet portant portant en somme diverses mesures d'ordre sanitaire était fort attendu par les associations, et il répond à des besoins bien réels des assurés sociaux et des professionnels de la santé. C'est pourquoi, en dépit de ses points faibles, le groupe communiste le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - Ce projet de loi était très attendu, en particulier pour les dispositions relatives aux droits des malades et à l'aléa thérapeutique. Sans votre pugnacité, Monsieur le ministre, le projet ne serait pas venu en discussion, je proposerai donc un amendement pour rajouter votre nom au texte officiel (Sourires). Mais le texte ira-t-il au bout de la navette d'ici la fin de la législature ? Il est permis d'en douter.

Notre système de soins passe pour le meilleur du monde, et cependant il est en crise. Mais vous n'apportez pas le traitement nécessaire. La loi pèche en effet d'abord par omission. Depuis deux ou trois ans, on nous annonçait une loi de « modernisation de la santé » pour traiter des problèmes comme les relations entre l'Etat et les caisses, la maîtrise des dépenses et la prise en compte des besoins, la régionalisation, la démographie médicale et paramédicale, les urgences, la réforme des études. Or, aucun de ces problèmes n'est réglé dans ce projet.

Les quelques modifications que vous proposez vont plutôt dans le sens de l'étatisation que vers la régionalisation - et M. Evin doit être bien déçu !

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Nullement.

M. Jean-Luc Préel - Nous demandons un véritable débat au Parlement pour définir les priorités de santé. Le projet prévoit bien qu'un rapport sera transmis au Parlement, mais donnera-t-il lieu à un débat, avec amendements et vote ? Je crains que non.

M. le Ministre délégué - Mais si ! Ce sera un vrai débat.

M. Jean-Luc Préel - Un vrai débat, avec amendement et vote ?

M. Jean-Michel Dubernard - Dans l'esprit de la loi Juppé !

M. Jean-Luc Préel - Les conférences régionales de santé changent de nom, mais elles restent des organes consultatifs, avec des sous-commissions spécialisées, la séparation du sanitaire et du social. L'UDF demande des conseils régionaux élus par collèges et un conseil national émanant des conseils régionaux. Ces derniers devraient définir les besoins et contrôler les exécutifs régionaux.

La prévention et l'éducation sont le parent pauvre de notre système de santé, faute de moyens financiers. Le projet prévoit de transformer le CFES en Institut, mais il n'instaure ni coordination nationale ni enveloppe dédiée. L'UDF demande une agence nationale régionalisée et le vote, à côté de l'ONDAM, d'une enveloppe spécifique pour la prévention.

Nous pouvons être en gros d'accord sur la FMC obligatoire, à condition qu'elle devienne effective ; et sur la réforme des ordres de médecins et de pharmacie. Mais pas sur la création d'un office des professions paramédicales. Nous demandons la création d'un ordre des masseurs kinésithérapeutes.

S'agissant des droits des malades, nous sommes d'accord sur le principe, mais un problème se pose pour la représentation des usagers, qui ne se limitent pas aux malades, puisque la santé inclut la prévention et l'éducation. Or qui peut mieux représenter les citoyens que les élus ? Nous voyons aussi quelques difficultés pour l'accès au dossier.

Le volet du projet relatif à l'aléa thérapeutique répond à une attente incontestable. Vous distinguez la faute et la non-faute et rendez l'assurance obligatoire. Mais les petits risques ne sont pas pris en compte, ce qui obligera le patient à recourir à la justice ordinaire, beaucoup plus longue. Pour l'hépatite C, vous excluez tous les porteurs du virus en fixant un délai de six mois avant la promulgation de la loi : mieux vaudrait un fonds spécifique, car à terme, après condamnation par les tribunaux, c'est l'Etat ou l'assurance maladie qui paiera.

M. le Ministre délégué - De toute façon, ce sera l'assurance maladie, que l'indemnisation passe par l'EFS ou par l'aléa.

M. Jean-Luc Préel - L'obligation d'assurance était indispensable, et vous avez raison de l'instituer. Mais il faudrait laisser les assureurs libres de fixer le montant de la prime. Et ne devrait-on pas séparer les fonctions de conciliation et d'indemnisation, au lieu de les confier à une seule et même commission ?

Nous attendons que le débat permette d'améliorer le texte, pour que nous puissions ne pas voter contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL).

M. Georges Sarre - Nous abordons enfin le projet de loi sur les droits des malades et la qualité du système de soins, qui avait été épromis au lendemain des Etats généraux de la santé en réponse aux préoccupations que les citoyens et les professionnels avaient alors exprimées.

Plusieurs réformes récentes ont eu déjà des conséquences directes ou indirectes sur la place des malades au sein du système de santé, notamment le plan de lutte contre la douleur lancé en 1998, ou la rénovation des soins palliatifs, mais aussi et surtout la loi et le programme de lutte contre les exlusions et la loi sur la couverture maladie universelle.

Il s'agit aujourd'hui d'opérer une réforme d'ensemble du fonctionnement du système de santé afin de poursuivre sa modernisation. Les questions de santé ne sont plus réduites à leurs aspects financiers et professionnels : ce texte aborde pour la première fois la démocratie sanitaire, gage d'un système de santé plus efficace.

Ce projet prend aussi acte des évolutions juridiques récentes en matière de droits des malades. Au-delà de la représentation des usagers dans le système de soins, différents aspects du droit des malades sont abordés : l'information et le consentement du malade, le secret médical, la qualité des soins, l'assurabilité des personnes présentant des risques aggravés, l'indemnisation de l'aléa thérapeutique.

Je me félicite avant tout du renforcement des droits fondamentaux de la personne et de la lutte contre toute forme de discriminations. Les députés du mouvement des citoyens avaient déposé dès 1998 une proposition en ce sens. Ils espèrent obtenir cette fois de nouvelles garanties, notamment pour en finir avec les pratiques sélectives des assureurs.

L'accès au dossier médical constitue, avec l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, l'un des axes majeurs de cette réforme. Il faut donner aujourd'hui au malade les moyens d'exprimer sa volonté, poser le principe du consentement libre et éclairé et, pour se faire, garantir le droit à l'information. Après des décennies de débats, ce texte peut apporter des avancées opportunes. Restons toutefois vigilants et encadrons l'accès au dossier médical. Le corps médical demeure réservé, pour des motifs qui vont de la protection du malade à la propriété intellectuelle du médecin et d'aucuns craignent une judiciarisation de la relation médecin-malade. Cette réforme ne doit pas conduire à faire du dossier médical une arme judiciaire. Se posent également les problèmes de l'effet négatif de certaines révélations pour le patient et de la compréhension des termes médicaux.

Un mot sur l'amélioration de la qualité du système de santé. Les réseaux sont nés autour de la prise en charge des personnes âgées. La réponse au problème de la dépendance et du maintien à domicile s'est rapidement heurtée à la stricte séparation des responsabilités entre le sanitaire et le social et au cloisonnement entre prise en charge en ville et à l'hôpital. La toxicomanie, la précarité, la santé des jeunes ont été par la suite au coeur des préoccupations. La thématique du réseau est aujourd'hui présente dans toutes les réflexions en cours.

Pour autant, l'accompagnement politique des réseaux a été quasi inexistant depuis les ordonnances Juppé. Aucune mesure concrète n'a été prise. Aujourd'hui, nous est proposé un cadre juridique général relativement souple avec une prise en charge explicite des réseaux par la loi de financement de la sécurité sociale, mais sans enveloppe spécifique. Se donne-t-on vraiment les moyens de développer les réseaux ?

Un droit général à indemnisation en cas d'aléa thérapeutique est enfin ouvert.

Après des années de controverses, le Gouvernement nous propose une procédure amiable de règlement des litiges en cas d'accident médical grave non fautif.

Malheureusement, les arbitrages concernant les personnes contaminées par le virus de l'hépatite C lors d'une transfusion ou à la suite d'injection de produits dérivés du sang risquent, à juste titre, de soulever beaucoup de mécontentement. Alors que, dans le cas de l'infection par le virus du sida, un fonds d'indemnisation a été constitué, les autres victimes de l'affaire du sang contaminé n'ont eu jusqu'ici comme voie de recours que l'introduction d'actions en recherche de responsabilité médicale et la pratique juridictionnelle ne s'est pas révélée à la hauteur de leurs espérances. Je crains que la présomption d'imputabilité proposée aujourd'hui ne parvienne toujours pas à étancher leur soif de justice.

Monsieur le ministre, vous vous étiez prononcé en 1997 en faveur de la création d'un fonds d'indemnisation. Cette idée est jusqu'à présent restée aux oubliettes, pour des raisons strictement financières. Or nous devons indemniser les victimes quoi qu'il nous en coûte ! J'ai déposé, avec les députés du Mouvement des citoyens, un amendement en ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Marc Laffineur - Ce projet était attendu depuis longtemps par les malades, mais aussi par les professionnels de santé. Toutefois, le texte qui nous est proposé est loin d'être à la hauteur des espérances et des enjeux.

Il ne répond qu'imparfaitement à l'attente de certaines associations ; il risque même d'entraîner une dégradation des rapports entre les professionnels de santé et les patients. De nombreuses questions restent en outre sans réponse car le droit des malades est, avant tout, celui d'être soigné dans des conditions correctes, avec du matériel moderne, avec du personnel médical et paramédical en nombre suffisant.

Sur le titre I et la « démocratie sanitaire », le Gouvernement, partant de bonnes intentions, oublie que le mieux est parfois l'ennemi du bien. Bien sûr, tout le monde est favorable à une meilleure information du patient. Mais des progrès immenses ont déjà été faits en la matière par les praticiens. Par ailleurs, donner toutes les informations n'est pas toujours sans risque de déstabilisation de personnes déjà affaiblies par la maladie. Il faut donc que le praticien ait la possibilité de dire les choses de façon moins explicite.

Pour les mêmes raisons, l'accès direct au dossier médical n'est pas toujours la bonne solution, le médecin pouvant vouloir garder pour lui les informations qu'il jugera trop personnelles.

En matière d'information médicale, à trop charger les praticiens on risque de casser l'indispensable lien de confiance.

Vous prétendez, dans votre titre II, améliorer la qualité du système de santé. Il y avait là un immense espoir car, si la qualité des soins est encore bonne, cela tient surtout au dévouement des professionnels de santé qui travaillent souvent jusqu'à 60 heures par semaine dans des conditions intenables. Si on est encore bien soigné en France le corps médical est lui bien malade, découragé et démotivé !

Pour maintenir la qualité des soins il faudrait donc d'abord lutter contre la pénurie en moyens humains.

Le manque de médecins se fait sentir dans le secteur hospitalier comme dans le secteur libéral : 3 000 postes sont vacants et la RTT obligera à en créer 4 000 de plus. Pourtant, le numerus clausus n'a pas augmenté en conséquence.

L'hôpital compte déjà 9 000 étrangers sur un total de 19 000 praticiens hospitaliers, alors que de nombreux étudiants français se voient refuser l'entrée en deuxième année avec des moyennes souvent supérieures à 12.

Cette crise démographique entraîne une véritable désertification de certaines spécialités comme la gynécologie, dont les effectifs auront chuté de 70 % en 2020, l'anesthésie, les urgences, l'ophtalmologie.

Dans le secteur libéral, les professionnels de santé, démotivés et systématiquement montrés du doigt ne prennent parfois plus de congés faute de remplaçant, et des cabinets ne trouvent pas de successeurs, même à titre gratuit.

La désertification médicale en milieu rural ne cesse de s'aggraver. « Les médecins n'arrivent pas à se faire remplacer, travaillent trop, les épouses ont du mal à adopter ce rythme, les enfants sont contraints d'aller en pension à partir de 10 ans ; le travail ne s'arrête jamais et au final on ne trouve pas de successeur » résume Michel Chassang, Président de l'Union nationale des omnipraticiens.

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Mais c'est Cosette !

M. Marc Laffineur - S'agissant des infirmières, les besoins sont tout aussi criants. Qu'apportera, dans l'immédiat, la création hypothétique, en en appelant à des infirmières espagnoles, de 40 000 postes...

M. le Ministre délégué - 45 000 !

M. Marc Laffineur - ...45 000, soit, alors que 20 000 postes sont déjà vacants ? Au lieu de vous contenter d'expédients...

M. le Ministre délégué - ...Permettez-moi une mise au point. Dès notre arrivée, en 1997, nous avons augmenté de 700 le nombre de postes mis au concours dans les écoles d'infirmières, de 800 en 1998, puis de 1 000, et de 8 000 ensuite, si bien que les élèves-infirmières sont maintenant 26 000. Dois-je vous rappeler que le gouvernement précédent avait réduit de 2 000 le nombre de places, et fermé des écoles ?

M. Bernard Accoyer - Votre chronologie me semble hasardeuse.

M. le Ministre délégué - Elle ne l'est pas.

M. Marc Laffineur - Il n'empêche que vous avez décidé la réduction du temps de travail en 1997, ce qui supposait la création de 40 000 postes supplémentaires pour 2002. Et rien n'a été fait à ce sujet, personne ne peut le nier.

M. le Ministre délégué - Les 45 000 postes que nous allons créer s'ajouteront aux 26 000 postes d'infirmières en formation si bien qu'en 2004 l'effectif devrait être au complet. J'espère ne pas me tromper.

M. Marc Laffineur - C'est dire, en tout cas, que les 35 heures ne pourront pas s'appliquer en janvier 2002 à l'hôpital !

M. Jean-Marie Le Guen - Peu importe : ne comptez-vous pas abolir les 35 heures ?

M. le Ministre délégué - Cette polémique est à présent dépassée, mais il me semble préférable de former des infirmières plutôt que de réduire leur nombre !

M. Bernard Accoyer - La seule question qui vaut est de savoir si cela va améliorer la qualité des soins. A chacun ses responsabilités !

M. le Ministre délégué - Et à chacun ses talents !

M. Marc Laffineur - Il est urgent, pour améliorer la qualité des soins, de traiter sérieusement de la démographie des professions médicales et paramédicales. Mais votre texte n'en dit rien.

M. le Ministre délégué - C'est vrai.

M. Marc Laffineur - Il ne tient aucun compte, non plus, de la grave situation des cliniques, premières victimes des 35 heures, qui leur coûtera une augmentation de 6 % de leurs dépenses alors que vous ne leur avez concédé, en 2000, que 3 % d'augmentation tarifaire...

M. le Ministre délégué - 3,3 % !

M. Marc Laffineur - Dans ma région, elles n'ont obtenu que 1 % ! Il est peu surprenant que les dépôts de bilan se multiplient. Encore doit-on ajouter que la rémunération des infirmières est inférieure de 20 à 30 %, dans les cliniques, à ce qu'elle est à l'hôpital public. Cette disparité fait déjà fuir bon nombre d'entre elles, et l'hémorragie n'est pas près de s'arrêter, puisque toute augmentation des rémunérations signifie l'aggravation du déficit. C'est la survie de l'hôpital privé qui est en jeu et, avec elles, la survie de la liberté de choix. À ce malaise, le Gouvernement semble indifférent.

En vérité, vous ne nous proposez pas une véritable réforme de la qualité du système de santé mais un ensemble de mesures hétéroclites dont certaines sont intéressantes, mais qui sont loin d'être à la hauteur des enjeux.

Que dire de l'extension de l'obligation de formation continue pour des médecins qui travaillent de 7 heures à 21 heures et sont de garde permanente, particulièrement dans le milieu rural ?

Quant au meilleur contrôle de la chirurgie esthétique, dont nul ne conteste l'utilité, est-ce la réponse du Gouvernement au malaise général et aux difficultés de notre système de santé ?

Que dire de la suppression des ordres professionnels pour les infirmières et les masseurs-kinésithérapeutes ? Est-ce le moyen qu'a trouvé le Gouvernement pour redonner confiance à des professions de santé qui n'ont pas démérité et qui se sentent de plus en plus mal aimées ? Si oui, ce n'est pas le bon.

Si je ne peux qu'approuver la réparation des risques sanitaires et l'indemnisation des victimes, je m'interroge sur son financement, qui ne semble absolument pas assuré. Surtout je suis très déçu que soient exclues de l'indemnisation 600 000 victimes de l'hépatite C alors que 20 % de ces pathologies ont une évolution fatale. Le texte est hypocrite : il prévoit l'indemnisation des seules personnes contaminées depuis 6 mois et non de celles qui l'ont été avant : autant dire que la totalité des victimes de l'hépatite C sont exclues du dispositif.

Monsieur le ministre, la situation médicale est grave. Les professionnels de santé ont consacré leur vie à soigner les autres. Pourtant, ils se sentent mal compris, déconsidérés, méprisés, voire suspectés de fraude à tout moment.

Surtout, ils se sentent désignés comme les responsables de l'augmentation des dépenses de santé alors que nos concitoyens veulent, légitimement, être toujours mieux soignés et mieux entourés et alors que l'allongement de la durée de vie entraîne des dépenses de plus en plus importantes. En accordant, à juste titre, des droits aux malades, sans doute aurait-il fallu songer aussi à les rappeler à leurs devoirs et à les responsabiliser.

Toutes les professions médicales et paramédicales sont démotivées par les entraves que vous leur avez imposées et par les diminutions d'honoraires auxquelles vous les avez contraintes.

En réponse à ce découragement, vous avez infligé des sanctions aux sages-femmes, aux médecins généralistes, aux masseurs kinésithérapeutes, aux orthoptistes, aux biologistes, aux infirmiers, aux radiologues et aux cardiologues !

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Que de malheurs !

M. Marc Laffineur - La réforme du système médical ne peut se faire contre les malades et contre les professionnels de santé. Pourtant, une fois de plus, vous donnez l'impression de rester insensibles à la demande croissante de notre population et de notre corps médical qui ne pense qu'à une chose : pouvoir soigner dignement ses malades (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Yvette Benayoun-Nakache - On croit rêver !

Mme Françoise Imbert - Grâce à ce projet, nous allons définir un droit fondamental : celui d'être informé, et permettre que s'établisse une relation plus étroite entre le soignant et le malade. Nous allons aussi préciser la notion de prévention et ainsi améliorer la qualité de notre système de santé.

La politique de prévention ainsi définie va permettre de rendre accessible à tous au même titre que les soins, l'éducation pour la santé.

Après la loi contre les exclusions, la mise en place de la couverture maladie universelle, ce projet permettra de renforcer encore la justice sociale.

Pour les femmes et pour les jeunes notamment, le développement de la prévention permettra un meilleur accès à l'information.

Lors des discussions des lois sur l'interruption volontaire de grossesse et la contraception, nous avons longuement évoqué l'importance de l'information dans la prévention des maladies sexuellement transmissibles. Profitons de l'examen de ce nouveau projet pour affirmer notre volonté de lutter contre ces maladies, pour informer sur le sida et pour développer l'éducation à la sexualité.

Un amendement soutenu par la Délégation aux droits des femmes va dans ce sens.

Depuis des mois, on nous alerte sur le devenir de la gynécologie médicale, spécialité qui n'est plus enseignée en France, depuis plus de 15 ans.

Le Gouvernement a entendu cet appel, relayé par le groupe socialiste à diverses reprises, et nous pourrons répondre à cette préoccupation par un amendement, adopté en commission, qui crée une qualification de gynécologie médicale.

Nous disons également aux femmes qu'elles pourront toujours consulter librement un gynécologue médical de leur choix et que cette consultation sera remboursée.

Monsieur le ministre, je vous demande de nous le confirmer.

Le texte qui nous est soumis précise et renforce le rôle des réseaux de soins dans notre système de santé.

A quelques mois de la mise en place de l'allocation de prestation d'autonomie, il est indispensable de coordonner l'action des professionnels de santé, des établissements de santé, des intervenants du secteur médical et du secteur social.

Nous vous remercions d'avoir décidé la mise en place de réseaux de santé permettant, en particulier, le suivi des enfants victimes de maltraitance et des adolescents à tendance suicidaire, par la voie d'un amendement du Gouvernement, retenu par notre commission. Encore faudrait-il que la présence des médecins et des infirmières scolaires, dont le rôle est essentiel, soit sensiblement renforcée, sachant que l'on ne compte aujourd'hui en moyenne qu'une infirmière pour 2 000 élèves. Il est temps d'engager sur ce point une concertation approfondie avec l'Education nationale.

M. Jean-Luc Préel - Vous avez eu cinq ans pour le faire !

Mme Françoise Imbert - Je ne puis quitter cette tribune sans revenir sur le dramatique accident chimique de Toulouse, dans lequel il faut déplorer la mort de plusieurs dizaines de personnes et cependant que trois mille étaient blessées. Dans l'urgence, un réseau de solidarité s'est immédiatement constitué et chaque spécialité a su y trouver sa place. Des cellules de soutien psychologique ont été créées et il y a tout lieu de penser que leur action est destinée à s'inscrire dans la durée. La coordination entre tous les intervenants, indispensable en pareille circonstance, doit aussi être recherchée dans des situations moins dramatiques car elle peut constituer une alternative valable à l'hospitalisation.

En soutenant ce projet de loi, nous confirmons l'orientation d'une politique de santé qui a su intégrer l'avancée des connaissances, tout en restant proche du malade et en développant la prévention (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - La parole est à M. Accoyer.

M. le Ministre délégué - Je suis sûr qu'il va nous surprendre ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Accoyer - Je ne manquerai pas de rendre hommage aux avancées que contient ce texte mais qu'il me soit tout d'abord permis de vous rendre hommage, Monsieur le ministre, car il y a quelque courage de votre part à défendre tout seul ce texte. Et je salue de même le talent et l'aplomb remarquable qui vous caractérisent : tous deux rendent au Gouvernement un immense service en tentant de jeter le voile sur l'état pitoyable dans laquelle il laisse le dossier « santé » ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - Je savais qu'il ne nous décevrait pas !

M. Bernard Accoyer - Il est tard. Bien tard en cette fin de législature pour débattre d'un texte de cette portée. Certes, l'on ne peut qu'approuver nombre de dispositions mais les déclarations de bonnes intentions que vous avez érigées en méthode de gouvernement peinent à masquer les insuffisances de notre système de santé. Nous ne pouvons être opposés à l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, à la régionalisation, à l'amélioration de l'information des malades ou à l'exercice d'un contrôle plus strict de la chirurgie esthétique. Mais les méthodes que vous retenez et les moyens que vous entendez mettre au service de vos objectifs ne peuvent susciter que les plus vives inquiétudes.

Ainsi, vous proposez de financer l'indemnisation de l'aléa thérapeutique par l'assurance-maladie alors que les dépenses induites relèvent à l'évidence de la solidarité nationale. S'agissant de la régionalisation, le système que vous proposez de retenir se caractérise par une complexité à tous égards préoccupante et vous n'avez pas manqué de rejeter notre amendement qui tendait à organiser chaque année un débat d'orientation au Parlement sur la politique de santé afin de donner une base chiffrée à l'ONDAM.

M. le Ministre délégué - Nous ne proposons rien de bien différent !

M. Bernard Accoyer - Mais la démocratie, que vous vous plaisez à invoquer au risque de galvauder le terme, n'y trouve pas son compte. Dans votre système, le Parlement ne sera pas valablement associé à la définition de la politique de santé.

Vous tendez ensuite à donner aux associations de malades une représentativité officielle. Connaissant leur rôle éminent, nous ne pouvons qu'en être d'accord mais quelle garantie donnez-vous que vous saurez reconnaître à chacune sa juste place, indépendamment de l'efficacité relative de son lobbying ?

J'en viens à notre système de soins proprement dit. Il ne suffit pas d'affirmer que l'on entend permettre à tous nos concitoyens d'accéder à des soins de qualité. Encore faudrait-il que les difficultés liées à l'évaluation de notre système soient surmontées car il existe sur notre territoire de préoccupantes distorsions dans l'offre de soins.

La crise que traverse l'hôpital est également manifeste. Il n'y a qu'à voir l'état de délabrement de nos locaux qui fait honte à notre pays !

Mme Catherine Génisson - N'importe quoi !

M. Bernard Accoyer - La dotation en équipements de haute technologie est également très inégale et globalement indigente. S'agissant des IRM, la France se situe au niveau de la Turquie ! Force est de constater qu'en matière d'équipement de pointe, notre pays est largué !

J'en viens à l'hospitalisation privée qui subit, je n'hésite pas à le dire, un véritable génocide (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Le Gouvernement doit se résoudre sans plus tarder à accorder une enveloppe supplémentaire de 6 milliards pour y revaloriser le salaire de l'ensemble des infirmières et du personnel soignant.

Mais au-delà de la question des moyens, les professions de santé sont en proie à une crise morale sans précédent. S'agissant par exemple du déficit démographique d'infirmières, il serait illusoire de croire que le recours aux infirmières espagnoles sera suffisant.

Mme Yvette Benayoun-Nakache - C'est cela l'Europe !

M. Bernard Accoyer - La crise morale des médecins n'est pas moins préoccupante pour notre société car elle traduit un malaise profond qui risque de gagner l'ensemble de la population. On ne peut abandonner des jeunes médecins et des étudiants à leur désespoir car si la situation ne s'améliore pas, elle sera vite intenable.

Quant à la crise financière de notre système de soins, ce n'est pas l'exposé confus de votre ministre de tutelle devant notre commission des affaires sociales qui nous aura rassurés ! Nous sommes, je le confesse, restés pantois devant l'imprécision du propos et devant le mensonge qui a conduit Mme la ministre à prétendre que les comptes de l'assurance maladie auraient été à l'équilibre l'année dernière, ce que la Cour des comptes dément catégoriquement ! Et je ne dis rien des conversions hasardeuses de francs en euros ou du flou des bases du raisonnement, sachant que l'évolution des recettes se fonde sur une prévision de croissance d'ores et déjà invalidée !

Vous tendez également à améliorer l'information des malades ; le souci de transparence dont témoignent ces dispositions n'est pas critiquable et il figure du reste déjà dans la loi. Prenez garde cependant de ne pas soumettre les médecins à de nouvelles pressions. Il se dit en effet qu'ils pourraient être amenés à communiquer leurs notes personnelles...

M. le Ministre délégué - Et pourquoi pas leurs carnets d'adresses ? Où êtes-vous allé chercher cela ?

M. Bernard Accoyer - Enfin, j'ai vu apparaître dans les amendements l'idée d'une légalisation de l'exercice de certaines professions, en particulier celle d'ostéopathe, chiropracteur et celle de psychothérapeute. Je voudrais être sûr qu'on ne va pas subrepticement changer radicalement la manière de dispenser les soins en France.

Vous l'aurez compris, Monsieur le ministre, votre texte devra être sérieusement amélioré, pour ne pas dire refondu, pour qu'au-delà de mon abstention, je puisse y porter un regard plus positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Ministre délégué - On devrait continuer toute la nuit, vous êtes de mieux en mieux !

M. Jean Pontier - « Ouf, enfin ! » aurais-je envie de dire... « Ouf », car le malade peut désormais espérer qu'on ne lui parlera plus comme à un enfant. « Enfin », car le combat pour les droits des malades est ancien.

Bien sûr, rien n'est simple. L'inspection générale des affaires sanitaires et sociales distingue trois types d'informations : les informations administratives, les informations médicales et les informations destinées à un public plus vaste que celui des malades.

En ce qui concerne l'information administrative, trop centrée sur l'institution, il y aurait lieu de développer dans les livrets d'accueil tout ce qui touche aux plaintes et réclamations, à la saisine d'une commission de conciliation et à la charte du malade.

S'agissant de l'information médicale, l'accès direct au dossier médical constitue une avancée du projet. Autre grand progrès, la couverture du risque thérapeutique, même en l'absence de faute du personnel médical.

Ayons bien à l'esprit, cependant, que les malades souhaitent un contact personnalisé bien plus que la multiplication des outils d'information. Un effort particulier devra notamment être réalisé en faveur des personnes les plus en difficulté.

Je vous sais gré, Monsieur le ministre, de vouloir faire naître une véritable démocratie sanitaire, qui suppose des responsabilités partagées entre hommes politiques, experts et, surtout, citoyens. Il faudra donc que les uns et les autres nous soyons pédagogues, dans un nouveau contexte culturel marqué par le développement de nouveaux droits, ceux des malades, au sein d'un système de santé que l'on espère toujours de qualité (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Foucher - Ce projet était attendu depuis longtemps. Son titre, qui évoquait initialement la « modernisation » du système de santé, met désormais en avant les droits des malades et la « qualité » du système de santé.

Le contenu est-il à la hauteur des espoirs ? Non, même si les avancées sont incontestables. Je regrette que, sur un projet qui est moins politique que pragmatique, les propositions de l'opposition n'aient eu que peu d'écho, du moins en commission.

Les avancées concernent en particulier les titres I et III au sujet desquels j'adhère aux observations faites par mon collègue Préel. J'insiste sur la nécessité de définir très précisément le contenu du dossier auquel le patient aura accès, afin de respecter le droit du médecin à noter ses propres réflexions et à les transmettre à un confrère. Par ailleurs, les comités régionaux doivent pouvoir jouer pleinement leur rôle auprès de la conférence nationale de santé, faute de quoi la décentralisation, à laquelle nous tenons beaucoup, restera lettre morte. Comme l'a souligné Jean-Luc Préel, il faut définir régionalement le besoin de santé.

S'agissant du titre II, relatif à la qualité du système de santé, il serait judicieux d'étendre à d'autres professions certaines des dispositions proposées pour les médecins, par exemple d'assurer la formation continue des pharmaciens, quel que soit leur mode d'exercice - pharmaciens d'officine, titulaires ou salariés, pharmaciens de l'industrie, grossistes-répartiteurs et pharmaciens hospitaliers.

En ce qui concerne la création d'un office rassemblant cinq professions paramédicales, j'exprime mon désaccord total sur l'inclusion des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues. Pour ces deux professions, des ordres spécifiques ont été créés par la loi du 4 février 1995 mais malgré des demandes réitérées, les élections aux ordres n'ont jamais été organisées, le Gouvernement invoquant l'inexistence d'un fichier des professionnels...

M. Bernard Accoyer - Le Conseil d'Etat a même condamné le Gouvernement à ce sujet !

M. Jean-Pierre Foucher - ...Et voilà qu'il s'appuie aujourd'hui sur un tel fichier pour organiser les élections au sein du nouvel office ! Il y a là une contradiction qui fait injure à ces deux professions. Je souhaite que la loi soit respectée et que les ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues soient créés en dehors de l'office, qui en revanche doit inclure les diététiciens, demandeurs depuis longtemps.

Autre sujet important : la création à l'ordre national des pharmaciens d'une section H, regroupant tous les pharmaciens hospitaliers. Les deux tiers des pharmaciens des établissements de santé membres des syndicats concernés ont fait connaître leur avis très favorable à cette disposition du projet de loi. Il serait inadmissible que quelques intérêts particuliers d'élus d'un syndicat minoritaire conduisent à refuser la création de cette section. L'idéal, bien sûr, serait une régionalisation pour l'ensemble des sections, mais cette solution ne peut être envisagée pour des raisons tant techniques que financières. La section H, telle que proposée par le Gouvernement, s'intègre particulièrement bien dans ce projet puisque le rôle de ces professionnels hospitaliers ou officinaux, est en rapport direct avec la prise en charge thérapeutique des malades ; la représentation devra être équilibrée entre secteur privé et secteur public. L'article 45 donne pleinement satisfaction à la grande majorité de la profession et je le soutiens vivement.

M. Jean-Luc Préel - La grande majorité, mais pas Bernard Charles !

M. Jean-Pierre Foucher - Le titre III traite d'un sujet auquel de nombreux spécialistes réfléchissent depuis longtemps, la réparation des risques sanitaires, et les propositions me paraissent aller dans le bon sens. Il faudra cependant bien définir ce qui relève de la faute ou de l'absence de faute, afin de suivre la procédure d'indemnisation appropriée. Les commissions régionales joueront à cet égard un rôle majeur.

Exclure ceux qui ont contracté une hépatite C suite à une intervention médicale est une injustice. Certes, en raison de leur nombre, le coût de l'indemnisation serait élevé. Ces victimes ne peuvent espérer être indemnisées que si elles ont été contaminées dans les six mois précédant la publication de cette loi. Que dira-t-on aux autres, qui se battent depuis des années ?

Ce projet peut être amélioré et nos propositions doivent être entendues. Chacun a le droit d'être bien soigné et informé, mais les professions médicales doivent pouvoir exercer dans la sérénité. Il faut parvenir à un équilibre, et nous présentons des amendements, afin que ce texte devienne, sous la cerise, le gâteau qui manquait à M. Dubernard (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Catherine Génisson - Si des événements internationaux graves nous bouleversent, nous avons aussi le devoir de nous préoccuper de la vie quotidienne de nos concitoyens et du respect de leur dignité. C'est l'objet de ce projet, qui pour la première fois, place le malade au c_ur de la loi.

La médecine est une science humaine, nous l'avons parfois oublié. Si nous nous félicitons des avancées scientifiques, le malade n'en perçoit pas toujours les bienfaits, car il ne les comprend pas. Et le progrès technique ne sert-il pas parfois d'écran protecteur face au malade, avec lequel il est si complexe d'établir une relation de confiance partagée ? Laisser parler, écouter, expliquer, discuter des solutions thérapeutiques, c'est l'objet du colloque singulier. Mais il est parfois bien difficile à mener.

Ce projet affirme le droit du malade face à des professionnels formés non seulement aux techniques, mais à la connaissance de tout l'être humain, qui n'est pas qu'une somme d'organes pouvant se dérégler, et je remercie Jean-Jacques Denis de présenter des amendements favorisant la formation.

Dans le travail déjà ancien sur ce texte, les Etats généraux de la santé ont joué un rôle déterminant. La démocratie sanitaire est au c_ur de votre projet.

Je m'attacherai à l'aspect que vous présentez vous-même comme symbolique, l'accès direct du malade à son dossier. Celui-ci, parfois volumineux, comporte un document central qui est l'observation. Etablie à partir du dialogue confiant entre malade et médecin, elle doit être claire et simple, bannir le jargon sans dénier sa valeur au terme médical exact. Mais le retrait de certaines notes personnelles et médicales doit pouvoir être étudié.

J'évoquerai enfin deux amendements. Le premier concerne la reconnaissance de la spécialité de gynécologie médicale, et l'accès direct pour celles qui y recourent, comme pour toute spécialité, avec remboursement. L'adopter serait prendre en compte la démarche citoyenne entreprise par les femmes.

Le second amendement vise à permettre aux personnels de laboratoire et chauffeurs ambulanciers qui connaissent les mêmes contraintes que les soignants, de bénéficier des mêmes avantages. Rendez-leur cette justice.

Merci, Monsieur le Ministre, de nous permettre de débattre de ce beau projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Bernard Perrut - Les États généraux, qui ont été l'objet d'une forte mobilisation, trouvent en quelque sorte un prolongement dans ce projet. Les malades ont des droits, qu'il importe de reconnaître : information, accès au dossier médical, réparation du préjudice, sans céder à une judiciarisation excessive. Nous y reviendrons.

Ce texte aurait pu engager une grande réforme de notre système de santé. Nous en sommes loin, et nous le déplorons. Bien sûr, nous sommes tous pour l'égalité d'accès aux soins, quel que soit le lieu où l'on habite. Paradoxalement, la France est l'un des pays où il y a le plus de médecins et pourtant certains patients ont du mal à se faire soigner, en raison des déséquilibres de répartition notamment. Le « meilleur système de soins du monde », comme vous le qualifiez, souffre donc quand 15 000 infirmières font défaut, quand 3 000 postes de praticiens hospitaliers sont vacants, quand des patients attendent des heures, voire toute la nuit aux urgences ; il souffre quand on rappelle infirmières et médecins en congé. Et bientôt nous mesurerons toutes les conséquences des 35 heures dans les établissements. Le malaise hospitalier est réel. Les cliniques privées n'y échappent pas, confrontées à des contraintes croissantes et au manque de personnel.

Très soucieux de la dignité du malade, je souhaite insister sur l'un des principaux thèmes des États généraux : la lutte contre la douleur. C'est une priorité urgente pour tous les malades, les personnes âgées comme les enfants, qu'on ne prend pas assez en compte puisque 40 % seulement de ceux dont la douleur pourrait être apaisée sont soulagés.

M. Philippe Nauche - Ce n'est pas un problème de moyens.

M. Bernard Perrut - Votre plan triennal de 1998 est loin d'avoir été appliqué totalement. Faute de budget propre, il devait l'être par les agences régionales d'hospitalisation ; elles manquaient de moyens et les résultats sont insuffisants. Il y a quelques mois, vous aviez indiqué qu'une évaluation serait disponible au quatrième trimestre 2001. Quelles mesures comptez-vous prendre pour que cette lutte contre la douleur ne soit plus le secteur sacrifié de la politique de santé ? Quels sont les objectifs du deuxième plan triennal ? Suffit-il de déclarer la lutte contre la douleur priorité nationale en 2002 ? Beaucoup reste à faire, les rapporteurs le reconnaissent, et d'abord gommer les disparités locales ou entre services.

Un droit tout aussi important est celui de bien vieillir et de mourir dignement. Certaines communes et associations privilégient le maintien à domicile, souhaité par beaucoup de personnes âgées. Le droit aux soins palliatifs est essentiel, et je rappelle le combat en ce sens de Lucien Neuwirth. La loi du 9 juin 1999 affirme la volonté d'intégrer les soins palliatifs à notre système de santé. Il faut poursuivre les efforts sur le terrain et mettre tout en _uvre pour développer différentes structures, unités fixes et équipes mobiles pluridisciplinaires, lits dans les services spécialisés, soins à domicile, réseaux de soins, encore peu nombreux en raison des difficultés de mise en synergie : c'est tout le problème de la fongibilité des crédits. Il faut des dispositions souples pour adapter ces réseaux aux problèmes de santé et réalités locales qu'ils auront à prendre en charge. Mais comment faire face quand les infirmières se heurtent à des quotas et que la nomenclature des actes n'est pas adaptée ? Ne pas développer un projet ambitieux de soins palliatifs ouvrirait la voie à l'euthanasie, ce serait très grave.

La loi ne peut tout faire, et nous devons poursuivre dans un esprit collectif, en associant les familles, les bénévoles et les personnels médicaux. Défendre les droits des malades ne suffit pas, il faut aussi rétablir la confiance, et cela passe par des moyens en quantité suffisante (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. André Aschieri - Ce projet renforce les droits des malades, et il insiste pour l'accès au dossier médical et l'indemnisation de l'idée thérapeutique. Il permettra aussi de réformer le conseil de l'ordre, les expertises médicales ou la formation continue des médecins. Nous saluons votre démarche, car ce projet résulte d'une longue concertation, et les députés Verts se réjouissent particulièrement des droits individuels accordés à la personne malade, tant pour l'accès à son dossier médical que pour l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux. La jurisprudence avait déjà progressé dans ce sens, notamment pour l'hépatite C, mais il est bon que la loi confirme cette évolution.

Nous nous félicitions aussi de la transparence accrue du système de santé, avec le rapport annuel remis au Parlement, l'association des régions à la politique nationale de santé, la participation des associations d'usagers. Nous approuvons enfin le début de réforme des ordres des professions médicales - en 1999, j'avais regretté le rejet de notre demande de commission d'enquête à ce sujet. La présente réforme sera une première étape. Le projet de loi comporte cependant quelques ambiguïtés quant à la défense des droits des usagers et des devoirs des professionnels. Ainsi le droit à l'information de l'usager est-il exprimé de façon passive, et on ne distingue par la situation des professionnels travaillant dans le public ou le privé. Nous proposons d'introduire la notion de contrat de soins.

D'autre part, le projet formule des droits sans envisager toujours les moyens de les mettre en _uvre. Quels recours seront possibles en cas de refus d'accès à un dossier ? Enfin, nous souhaitons la reconnaissance des médecines alternatives.

Reste que les réformes ne serviraient à rien en l'absence de moyens pour les appliquer - je vous ai signalé plusieurs fois les difficultés de l'hôpital de Grasse.

Ce projet marque une étape importante, et nous le voterons bien entendu, en souhaitant que vous répondiez à nos observations (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pascal Terrasse - Ce projet de loi est attendu par les professionnels mais surtout par l'usager, le malade, le citoyen, bref par tous les Français.

Nous voulons tous un système de santé conciliant prise en charge et soins performants, et nous dépensons pour cela plus de 900 milliards par an.

La situation s'améliore, grâce à la CMU, et la santé des Français se porte bien, même si des inégalités demeurent. L'OMS a d'ailleurs classé notre système de soins comme le premier du monde...

M. Jean-Michel Dubernard - Sur quels critères ?

M. Pascal Terrasse - Prenons garde cependant à ne pas nous endormir sur nos lauriers. Le meilleur système peut encore être amélioré, et les interrogations des professionnels manifestent que l'attente reste considérable.

Aujourd'hui, il convient de développer la prévention, et de mieux définir nos priorités. Prévention en particulier pour la santé des jeunes, des femmes, des personnes en situation précaire, des personnes âgées. Un programme spécifique doit prendre en compte les facteurs pouvant conduire à des maladies chroniques invalidantes. Ainsi la maladie d'Alzheimer touche environ 300 000 personnes, surtout après 60 ans, mais il ne faut pas oublier celles ayant moins de 60 ans. Je souhaite l'inscription de la maladie d'Alzheimer sur la liste des affections de longue durée.

Je me réjouis par ailleurs que le projet de loi institue des organes spécifiques à la prévention et à la promotion de la santé.

Le Gouvernement développe d'autre part les réseaux de santé. Pour la psychiatrie comme pour la prise en charge des personnes âgées ou en situation précaire, il faut une approche globale qui concilie soins et intervention sociale, associant le secteur sanitaire et le secteur médico-social. Ce projet dote les réseaux de santé d'une base législative, en attendant que l'on précise leur statut juridique.

Le cadre souple mis en place ici devrait favoriser les réflexions communes aux soignants, aux familles, aux usagers, aux services médicaux et sociaux, et permettre ainsi des initiatives innovantes. L'objectif principal est de fonder notre système sur la continuité et la qualité des soins, avec des passerelles qui permettent aux usagers de bénéficier par exemple d'éducations thérapeutiques ou de suivi psychologique. Nous devons mieux faire le lien entre l'hospitalisation et les centres de rééducation. Enfin, il faudra asseoir le financement de ces réseaux afin que leurs initiatives puissent se développer réellement.

La création des comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale ne va nullement à l'encontre de la constitution de réseaux. Les anciens CROSS comprenaient un secteur sanitaire qui a été intégré dans les conseils régionaux de santé. Il convenait donc de mettre en place une structure ad hoc qui regroupe toutes les instances du secteur sanitaire et social, comme cela a été fait pour la santé.

Ce projet de loi instaure une réforme d'ensemble du fonctionnement de notre système de santé, qu'il était nécessaire de moderniser mais aussi de démocratiser, comme l'ont demandé les États généraux de la santé en 1998 et 1999. Ce texte, élaboré dans le dialogue, devrait permettre de relever les défis sanitaires de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Bur - Ce projet est important, il répond à une attente diffuse des Français d'être enfin considérés comme des acteurs à part entière de la santé. L'affirmation solennelle des droits des malades, l'accès au dossier médical représenteront de ce point de vue une étape significative.

L'affirmation des droits du malade ne doit pas apparaître cependant comme un signe de méfiance à l'égard du corps médical, mais comme une chance supplémentaire.

On ne saurait néanmoins se contenter d'affirmations de principe ; il faut faire évoluer les mentalités, apaiser les inquiétudes du corps médical, l'aider à prendre conscience de son rôle notamment dans l'information des malades. C'est donc un long processus qui s'engage aujourd'hui, et il aura des répercussions sur les relations entre malades et professionnels ainsi que sur le fonctionnement de notre système de santé.

Nous devons aussi chercher à impliquer davantage les Français, à les responsabiliser, y compris dans la maîtrise médicalisée des dépenses, dont l'évolution n'incombe pas uniquement aux professionnels.

Nos concitoyens font largement confiance à leur médecin, prenons garde de ne pas substituer à cette relation un sentiment de suspicion. Bien sûr, une meilleure information est souhaitable mais il ne faudrait pas que l'inquiétude conduise les praticiens à s'enfermer dans le principe de précaution.

L'indemnisation de l'aléa thérapeutique marque une avancée réelle. Toutefois, aucune solution satisfaisante n'est proposée pour les petits accidents. Et pourquoi avoir exclu les assurances du dispositif en privilégiant une procédure administrative qui risque de peser sur les finances de l'assurance-maladie ? Comme beaucoup, enfin, je regrette que ce texte ignore les personnes atteintes de l'hépatite C.

L'avenir dira ce que ce texte aura apporté aux relations entre malades et acteurs de santé mais, à l'évidence, sur la modernisation du système de santé, vos propositions restent timides et parcellaires ; je le regrette (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean Rouger - Ce projet est attendu par les patients et surtout par les professionnels. Il est indispensable, tout d'abord pour affirmer clairement les droits des citoyens malades. Il établit les règles d'égalité d'accès à la connaissance des maladies et des risques et aux soins ; il détermine les droits et les devoirs des malades et des professionnels ; il offre une réelle égalité d'accès aux soins et introduit un peu plus de démocratie dans le domaine de la santé.

La notion de « droit des malades » a considérablement évolué. Au départ il s'agissait simplement de se faire soigner, éventuellement de choisir son médecin. Aujourd'hui, des chartes sont affichées dans les hôpitaux.

M. Jean-Michel Dubernard - Il a fallu 20 ans !

M. Jean Rouger - On dépasse la relation infantilisante entre un malade qui cherche compréhension et complicité auprès d'un professionnel et son médecin qui offre une écoute et un accompagnement à un frère désemparé par l'ignorance et les dérangements de son être.

Dans le domaine médical, pour jouir de la liberté, il faut avoir un minimum de connaissances.

Mais, désormais, les choses seront claires : si le patient désire savoir, il le pourra, sans que le médecin prétende qu'il ne pourra pas le supporter.

Le fait de savoir et d'expliquer favorise également l'éducation sanitaire, de même que la connaissance du dossier médical fera naître une relation adulte entre le patient et le soignant.

Pour que les patients aient accès à un dossier médical digne de ce nom, une méthodologie éprouvée sera nécessaire. Nous serons mieux soignés et le soignant aura accès à notre dossier médical complet, soit parce que nous en aurons connaissance, soit parce que tout sera centralisé, pourquoi pas sur la carte vitale. Le dossier ne pourra plus comporter d'appréciations intimes et subjectives. Le monde soignant sera obligé de faire une vraie observation, qui traduira, de façon ni byzantine, ni désinvolte, les perceptions et les observations. Cela me semble réaliste, utile et efficace.

L'accès au dossier médical implique un vrai accompagnement. Ce qui est écrit dans le dossier peut paraître obscur et susciter plus de craintes que d'apaisement. Le professionnel de santé devra y être attentif et le dialogue sera une obligation. La communication du dossier médical ne peut donc se faire qu'avec le consentement et la participation active de l'intéressé, mais aussi avec l'engagement des professionnels.

En outre, le dossier médical complet et accessible à tous les intervenants peut limiter les accidents ou en faciliter le traitement, voire la réparation.

Mais ce texte ne suffit pas : il est essentiel que les mentalités changent. Nous devons tous, soignants et soignés, nous comporter en adultes. Nous devons à notre santé une éducation, des connaissances et un comportement respectueux des règles essentielles de l'hygiène et de la sécurité. La transparence et la lisibilité des dossiers sont aussi indispensables à la qualité des métiers de la santé ; c'est un des prix de la liberté et de l'égalité.

Le dossier, jusqu'à présent exclusivement médical, gagnerait en indépendance et en qualité s'il devenait dossier de santé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Huit Français sur dix jugent urgente et nécessaire la réforme de notre système de santé d'autant que, chaque semaine, de nombreux professionnels - infirmières, anesthésistes, sages-femmes, et gynécologues - manifestent leur colère, dénonçant la crise d'hôpitaux victimes d'une cruelle pénurie d'effectifs que vont encore aggraver les effets de la réduction du temps de travail et que ne compensera pas la création annoncée de 45 000 emplois en trois ans.

La révolte des praticiens a encore été attisée par la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui fixe l'objectif de progression des dépenses médicales en fonction de règles comptables, sans tenir compte ni des besoins réels ni des propositions de maîtrise médicalisée.

Les professionnels dénoncent aussi la tourmente dans laquelle se trouvent les cliniques, qui ne peuvent aligner les salaires de leurs infirmières sur ceux des agents hospitaliers.

Une réforme s'impose donc mais un tel projet ne répond pas à cet objectif car il ne s'agit que d'un patchwork qui rassemble - proximité des élections oblige - les mesures les plus démagogiques. Ainsi, on parle des droits - à l'information, à des soins de qualité, à la confidentialité, à l'accès direct au dossier, à l'indemnisation de l'aléa -, ce à quoi nous aurions pu souscrire si cela ne nous était pas apparu bien opportuniste et si cela avait été précédé d'une concertation qui aille au-delà de l'audition de personnes déjà acquises aux idées du Gouvernement...

Plus grave encore, on devine en filigrane, une volonté délibérée d'atteindre tout ce qui est libéral dans le monde de la santé. Comment expliquer autrement les termes qui, ici et là, disent la suspicion, le doute, la contrainte, et cette attaque des organisations professionnelles ? L'exemple des ordres est significatif : il apparaît impératif d'en rayer jusqu'au nom. Et que l'on ne nous dise pas que les ordres eux-mêmes le demandent, c'est faux. J'ai moi-même entendu le secrétaire général du Conseil national de l'ordre des médecins expliquer qu'il accepterait volontiers le terme de « Conseil des médecins »... mais c'était encore trop, et vous avez décidé que ce serait « collège »... Et que dire de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, qui a gagné son procès contre le Gouvernement ?

Pourquoi bannir les conseils de praticiens expérimentés à de jeunes confrères ? Pourquoi mettre un terme à une organisation de la profession fondée sur une éthique et un code de déontologie qui visent à prendre en compte l'intérêt des malades et non ceux des médecins ?

Il serait grave de rompre le lien de confiance qui unit le malade et son médecin, un lien qu'aucune technique et aucune loi ne peuvent remplacer.

J'espère que quelques-uns des amendements défendus par l'opposition seront adoptés, qui atténueront certains aspects, inquiétants, de ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Philippe Nauche - Ce texte sera emblématique de la législature, car il consacre une rupture dans la conception qu'a notre société des relations entre soignants et malades. L'accent est donc mis sur la solidarité, la clarté, la responsabilité et la confiance entre les partenaires que sont professionnels et patients.

S'agissant des droits de la personne malade, l'accès au dossier est la mesure phare. L'objectif n'est pas d'alimenter un combat, mais, bien au contraire, de permettre l'exercice d'une responsabilité conjointe et d'un consentement éclairé. On pose ainsi les bases d'une véritable démocratie sanitaire, à l'opposé du paternalisme traditionnel dont Jean Bardet nous a donné une nouvelle démonstration...

M. Jean-Luc Préel - Mais non !

M. Philippe Nauche - S'agissant de la prise en charge de l'aléa thérapeutique, une pédagogie du risque va enfin commencer.

M. Jean-Luc Préel - Parce que, jusqu'à présent, les médecins n'écoutaient jamais les malades !

M. Philippe Nauche - Quant à l'amélioration du système de santé, elle passera par la reconnaissance du rôle des associations de malades et des représentants du mouvement mutualiste.

L'obligation de formation médicale continue constitue un autre grand progrès. Quant à l'institut national de prévention et de promotion de la santé, je souhaite qu'il soit doté de délégations régionales. S'agissant de la création d'un office des professions paramédicales, je maintiens qu'elle était attendue par les intéressés - le courrier que j'ai en ma possession en atteste, et je le tiens à la disposition de tous.

M. Jean-Luc Préel - Attendue faute de mieux !

M. Philippe Nauche - La question des instances professionnelles compétentes à leur égard se pose depuis de longues années sans que les solutions trouvées à ce jour soient satisfaisantes. Ainsi, les chambres de discipline instituées par la loi du 12 juillet 1980 pour les infirmiers n'ont jamais vu le jour.

M. Jean-Luc Préel - Parce que vous n'avez jamais voulu !

M. Philippe Nauche - Considérant ce que sont les grandes fonctions des ordres existants, il apparaît que la création d'un office interprofessionnel est l'approche à retenir. Il sera, notamment, le garant du respect de la déontologie...

M. Jean-Luc Préel - Pour les salariés comme pour les libéraux ?

M. Philippe Nauche - L'interprofessionnalité est un élément déterminant du dispositif. L'office permettra en outre d'éviter certaines dérives corporatistes parfois observées dans les structures nationales. Nul doute que l'interprofessionnalité s'élargira à l'avenir à d'autres professions de santé. Plus important encore : il nous faudra convaincre de la nécessité d'un socle commun dans la formation de l'ensemble des professions de santé, avec la création d'un « DEUG Santé » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Michel Dubernard - Il a raison !

La discussion générale est close.

M. le Ministre délégué - Je remercie tous les orateurs qui ont contribué à la compréhension du texte. Mais la droite et la gauche n'ont pas dit la même chose.

M. Jean-Michel Dubernard - Il me semble pourtant que M. Nauche vient de dire la même chose que moi !

M. le Ministre délégué - S'agissant de la formation initiale commune aux professions de santé, nous y parviendrons, j'en suis convaincu. Ce ne serait pas un « DEUG Santé », mais un premier cycle d'études dont la première année sera commune. Pour cela, il faut des professeurs, et des salles ! Mais nous le ferons.

Vous avez abondamment parlé du financement du service de santé, ou des conséquences d'un financement que vous estimez imparfait. C'est mon avis aussi - mais pas pour les mêmes raisons que les vôtres.

Cependant... sans refaire l'histoire des politiques de santé en France, je trouve qu'il y a une impudeur certaine de votre part à faire comme si M. Juppé n'était jamais venu, comme s'il n'avait jamais rien fait ! Vous faites un virage à 180°, et vous nous expliquez que parce que nous avons augmenté tout ce que vous aviez réduit, tout va mal ! Mais vous ne le croyez pas vous-même ! Qui donc croyez-vous tromper ?

Le problème n'est pas celui que vous décrivez ; il tient à l'adéquation des besoins aux moyens, adéquation qui est imparfaite. Vous observerez que personne, ici, et moi-même pas davantage, n'a utilisé le terme « maîtrise des dépenses de santé » - expression que je déteste. Cela dit, qui paye ? La caisse d'assurance maladie - et il est temps d'instituer un système un peu plus souple, qui permettra aux citoyens français de choisir ce qu'ils financent. Actuellement, la bizarrerie du système est telle que la même enveloppe budgétaire sert à payer hospitalisation publique et hospitalisation privée. Mais ce système de santé est le meilleur, je peux le dire pour en avoir connu beaucoup d'autres.

De même, vous me dites que les infirmières ne sont pas assez nombreuses. Encore une fois, qui les paie ? Il est tout à fait exact qu'il en faudrait davantage ! Pensez-vous que j'ignore les manifestations quotidiennes devant les fenêtres du ministère ? Mais qui a mis les médecins dans la rue ? Vous ! Et qui a été un peu battu aux élections par les médecins ? Vous !

Hors l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, estimée à 1,5 milliard, ce texte n'a pas vocation à régler les problèmes de financement. Cela relève du PLFSS, qui n'est certes pas sans rapport avec les questions que nous abordons ce soir mais qui doit être traité à part. Bien sûr, le jour où l'on aura un vrai ministère de la santé avec son propre budget... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Mais rassurez-vous, ce jour-là, je ne serai plus là ! (Sourires sur divers bancs)

Autre avancée fondamentale, nous avons introduit les associations de malades dans le système. Certes, le dispositif reste sans doute perfectible mais le coin est enfoncé : il est juste que les citoyens, qui financent le système, aient leur mot à dire. Quitte à le payer, autant être éclairé sur son fonctionnement ! Nous prenons les Français pour des adultes.

Du reste, le MEDEF étant parti, pourquoi ne pas tirer profit, le moment venu, de la présence des associations de malades pour les consulter sur les questions de financement et les faire ainsi contribuer à l'adéquation des moyens et des besoins ?

Je tiens à vous dire que j'ai apprécié le ton et l'ambiance de nos discussions de ce soir, qui tranchent agréablement avec l'acrimonie dont ont fait preuve certains cet après-midi et qui ne me semble pas de mise. Nous partageons tous le même objectif qui est d'améliorer le système au profit des personnes malades.

Je m'arrête un instant sur les difficultés qui s'attachent à la réforme de l'hôpital car il faut avoir à l'esprit certaines réalités : il n'y a jamais eu autant de médecins dans les hôpitaux qu'actuellement et il n'y a jamais eu autant d'établissements de santé. Il faut savoir qu'à population comparable, l'Italie compte 1 000 établissements cependant que la France en possède 4 000 ! Or, sur les 1 000 milliards de dépenses de santé enregistrés l'année dernière, 75 % étaient dévolus aux salaires. La marge d'ajustement est donc extrêmement réduite.

Le véritable échec, ce serait que notre pays ne dispose pas de molécules modernes. Dès lors, il faut bien harmoniser les dépenses, par exemple en fermant les services redondants. Mais si nous le faisons, que nous disent les élus ?

M. Jean-Michel Dubernard - De droite comme de gauche !

M. le Ministre délégué - J'en conviens ; de droite comme de gauche, ils nous disent que l'hôpital est le premier employeur local et qu'il ne faut pas compromettre l'emploi ! Mais je fais le pari qu'en associant les personnes malades par la voie de leurs représentants, nous arriverons à faire évoluer le système et à prendre les bonnes décisions.

Aussi, arrêtons les lamentos et le martyrologe ! La presse met l'accent sur les plaies du système. Je ne les nie pas mais comment expliquer, si tout allait si mal, que l'Europe entière veuille se faire soigner en France ?

M. Jean-Michel Dubernard - Pas les Allemands ni les Suédois !

M. le Ministre délégué - Mais si ! Et vous n'ignorez pas que nombre de vos collègues sont sollicités pour aller consulter en Italie ou ailleurs, ce qui me réjouit.

Certes, je ne conteste pas que nous manquions d'IRM ou d'autres équipements de pointe et que ceux qui existent sont mal répartis. Et je trouve moi aussi qu'il est un peu stalinien de décider depuis le sommet qui doit être doté de tel ou tel appareil. Mais il nous appartient de faire partager les choses.

Enfin, s'agissant de l'aléa thérapeutique, je n'ai pas manqué, en 1993, de transmettre le dossier à mes successeurs, Mme Veil, et M. Douste-Blazy. Simone Veil m'a dit, « on va le faire ». On connaît la suite...

M. Jean-Michel Dubernard - Et l'hépatite C ?

M. le Ministre délégué - Croyez-vous que la situation me convienne ? J'aurais été le premier à me réjouir que l'on puisse prévoir d'indemniser le « stock » théorique de 600 000 personnes contaminées mais cela aurait coûté plus de 25 milliards et on ne pouvait l'envisager. Du reste, environ la moitié des personnes susceptibles d'être concernées sont engagées dans des actions en justice qui doivent leur permettre d'être indemnisées. En cette matière comme en bien d'autres, il est toujours possible de faire mieux mais l'essentiel est de faire quelque chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi, mercredi 3 octobre, à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR

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DU MERCREDI 3 OCTOBRE 2001

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Déclaration du Gouvernement relative à la situation consécutive aux attentats perpétrés le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis d'Amérique, et débat sur cette déclaration.

2. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 3258) relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

    MM. Claude EVIN, Bernard CHARLES et Jean-Jacques DENIS, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

      (Titres I à IV du rapport n° 3263)

A VINGT ET UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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