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Session ordinaire de 2001-2002 - 8ème jour de séance, 17ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 16 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

POLITIQUE DU GOUVERNEMENT DEPUIS LE 11 SEPTEMBRE DERNIER 2

PUBLICATION D'UN OUVRAGE PAR LE DIRECTEUR
DE CABINET DU PREMIER MINISTRE 3

GRÈVES DANS LES TRANSPORTS PUBLICS 4

SITUATION INTERNATIONALE 4

SÉCURITÉ PUBLIQUE 5

POLITIQUE SOCIALE 6

PROTECTION CONTRE LES RISQUES
BACTÉRIOLOGIQUES ET CHIMIQUES 6

ÉVASION PAR HÉLICOPTÈRE DE DEUX DÉTENUS 7

RETRAITES DES MINEURS 8

POLITIQUE DES TRANSPORTS EN ILE-DE-FRANCE 8

SERVICE POSTAL 9

IMPORTATIONS DE VIANDE BOVINE 9

GRÈVES DANS LES TRANSPORTS PUBLICS 10


LOI DE FINANCES POUR 2002 10

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 26

La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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POLITIQUE DU GOUVERNEMENT DEPUIS LE 11 SEPTEMBRE DERNIER

M. Michel Voisin - Monsieur le Premier ministre, le 11 septembre dernier nous avons découvert avec horreur une nouvelle forme de terrorisme. Votre riposte parut immédiate : le déclenchement d'un plan Vigipirate renforcé rassura nos concitoyens. Mais voilà ! Deux criminels s'envolent paisiblement vers d'autres cieux ; un match de football hautement symbolique est interrompu, alors que notre hymne national avait déjà été bafoué dans l'indifférence. Dans le même temps, les projets de budget de la défense et de la sécurité n'ont pas été modifiés par rapport aux lettres de cadrage de l'été. Ne s'est-il donc rien passé le 11 septembre dernier ?

Les chefs d'entreprise sont inquiets, les carnets de commandes se vident, le chômage progresse : vous n'avez pourtant nullement révisé votre politique économique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Les forces de police et de gendarmerie sont régulièrement insultées, l'autorité judiciaire traînée dans la boue. L'état de non-droit s'installe ici et là. L'appréhension gagne, à Paris comme dans nos provinces. A vous entendre, Monsieur le Premier ministre, tout va très bien. Vous vous exprimez, il est vrai, en « présidentiable » soucieux de rallier les suffrages (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Pourtant, le vernis de la majorité craque, la gauche plurielle, plus gauche et plurielle que jamais, démontre son incapacité à gouverner (Mêmes mouvements). Et voilà que votre directeur de cabinet publie un ouvrage rompant avec un certain devoir de réserve (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

M. le Président - Laissez M. Voisin en venir à l'essentiel de sa question.

M. Michel Voisin - Aujourd'hui également, notre pays est une nouvelle fois paralysé par des mouvements sociaux corporatistes qui paraissent indécents dans le contexte international. L'incivisme devient la loi, au mépris du contrat social qui impose pourtant des devoirs au citoyen - du moins est-ce là ce que nous pensons, nous.

Alors, Monsieur le Premier ministre, comptez-vous reprendre la main ? Les Français attendent d'être rassurés (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Vaste fresque ! J'ai espéré qu'elle nous conduirait à examiner un point particulier, en vain.

Pour ce qui est de la politique économique et financière, des réponses vous seront apportées dès cet après-midi dans le débat budgétaire. Je soulignerai seulement ceci : dans la récente phase de croissance, nous avons de manière volontariste créé plus d'un million et demi d'emplois, nous avons fait reculer de plus d'un million le nombre de chômeurs et sinon nous aborderions la conjoncture actuelle dans des conditions bien pires. La France, dont la croissance a été plus forte que celle de ses principaux partenaires européens durant la phase d'expansion, conserve aujourd'hui son avantage ; le ministre de l'économie vous l'expliquera tout à l'heure.

S'agissant de la défense, dois-je rappeler que la loi de programmation militaire, que nous n'avions pas votée et qui, centrée sur la professionnalisation des armées, ne représentait pas l'essentiel de nos choix, a été respectée par le Gouvernement et sa majorité au nom de la continuité de l'Etat ? Et c'est même la première fois, comme je l'indiquais au Sénat la semaine dernière, qu'une loi de programmation militaire a été aussi exactement exécutée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

J'en viens à la sécurité de nos concitoyens. Nous n'avons eu de cesse depuis quatre ans de renforcer les ministères régaliens, en particulier ceux de l'intérieur et de la justice, grâce à de nombreuses créations d'emplois... quand vous-même ne remplaciez même pas les départs en retraite et n'aviez quasiment pas créé d'emplois de magistrats ou d'auxiliaires de justice (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, quelques bancs du groupe communiste et quelques bancs du groupe RCV). Ces moyens nouveaux, nous les avons mis au service d'un concept nouveau de police rompant avec le modèle traditionnel français, centré sur l'ordre public et la peur des mouvements sociaux : notre police de proximité s'attache d'abord à la sécurité de nos concitoyens.

Enfin, après les événements du 11 septembre, le Gouvernement a répondu sans retard aux impératifs de sécurité, tout en prenant sa part à l'action diplomatique et militaire internationale. Notre lutte contre le terrorisme a d'ores et déjà porté ses fruits : des interpellations ont eu lieu, des réseaux ont commencé d'être démantelés. Nous traitons les problèmes quotidiens des Français. Et dans le contexte actuel, vous devriez nous aider plutôt que de nourrir les incertitudes et les inquiétudes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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PUBLICATION D'UN OUVRAGE PAR LE DIRECTEUR DE CABINET DU PREMIER MINISTRE

M. Georges Sarre - Monsieur le Premier ministre, en 1997, vous aviez à maintes reprises souligné la nécessité de restaurer la légitimité du politique et exhorté vos ministres à ne pas se laisser déborder par la technocratie afin que la responsabilité du Gouvernement et de la majorité parlementaire s'exerce pleinement.

Or, aujourd'hui votre directeur de cabinet (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) vient de publier un ouvrage dans lequel il livre ses appréciations sur quatre années et demi de gouvernement et de cohabitation. Il ne détient pourtant aucune autre légitimité que celle que lui confère la confiance que vous avez placée en lui (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Aussi, Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous me confirmer ce que rapporte Le Monde, à savoir que vous auriez donné votre accord et à la parution de ce livre et à son contenu ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Je reste attaché, soyez-en convaincu, à la primauté du politique, à condition que le politique n'oublie ni les réalités sociales, ni les contraintes économiques, ni le poids des faits internationaux, ni la nécessité de l'engagement européen, et que dans le même temps il garantisse le droit de chacun à s'exprimer librement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Ce Gouvernement, auquel Jean-Pierre Chevènement a notamment apporté sa légitimité et son sens du politique, demeure après son départ - que j'ai regretté - aussi politique et aussi légitime qu'auparavant.

L'ouvrage auquel vous avez fait allusion relève simplement du droit absolu de chacun en démocratie de penser, d'écrire et de publier librement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et quelques bancs du groupe RCV). Quant au débat d'idées, malgré tout le respect que je porte au monde politique auquel j'appartiens, il n'a jamais été dans l'esprit de la démocratie ni de la République de le limiter aux seuls élus qui s'en réserveraient l'exclusivité. L'initiative de ce livre appartient à son auteur, son contenu aussi.

Je pense que les Français seront intéressés de connaître sur une expérience cruciale de gouvernement et de cohabitation, le point de vue libre d'un haut serviteur de l'Etat qui, dans sa mission auprès du Premier ministre et du Gouvernement, agit à la fois comme un administratif et comme un politique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et quelques bancs du groupe RCV ; huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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GRÈVES DANS LES TRANSPORTS PUBLICS

M. Dominique Bussereau - A la suite des événements du 11 septembre dernier, le Premier ministre a évoqué la nécessité d'un patriotisme économique. Beaucoup de nos concitoyens s'interrogent aujourd'hui sur le patriotisme social, jugeant les grèves d'aujourd'hui dans les transports publics totalement décalées et témoignant d'un profond égoïsme (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Certes, les inquiétudes des salariés, tant en matière d'emploi que de revenus, sont d'autant plus compréhensibles que le contexte est incertain. Mais qui souffre le plus de ces grèves dans les transports, si ce n'est les plus modestes de nos concitoyens, ceux qui n'ont pas d'autre moyen de se déplacer ? Par ailleurs, alors même que le Gouvernement prône à juste titre, le développement du ferroutage, n'est-il pas fâcheux que le fret ferroviaire soit stoppé ?

Monsieur le Premier ministre, que pensez-vous de l'idée développée par l'opposition et reprise par le Président de la République d'un service minimum ou du moins d'un service essentiel à la SNCF ? Celle-ci pourrait s'inspirer de la RATP où la grève a été limitée aujourd'hui à cinq heures entre 10 h et 15 h afin de ne pas gêner les salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Je vous prie d'excuser Jean-Claude Gayssot, retenu à Luxembourg où il plaide aujourd'hui la cause du transport aérien et sollicite des mesures de soutien spécifiques pour ce secteur.

La grève, Monsieur le député, est un droit constitutionnel (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Son déclenchement est décidé par les organisations syndicales et répond à des règles strictes, notamment de préavis. En l'espèce, à la SNCF, le préavis a été respecté.

Pour ce qui est d'un service minimum dans les transports publics, Jean-Claude Gayssot vous a expliqué à plusieurs reprises combien il serait pratiquement difficile à mettre en _uvre, outre la remise en question d'un droit fondamental.

Ce Gouvernement a beaucoup fait depuis quatre ans en faveur du transport ferroviaire, avec notamment la création de 26 000 emplois sous statut et une augmentation substantielle des crédits. Le reste relève d'un exercice de la pratique politique et de l'exercice syndical (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SITUATION INTERNATIONALE

M. Jean-Michel Boucheron - Le fanatisme islamique, comme le fascisme, puise ses forces dans la pauvreté et le sentiment d'humiliation. En Europe, la crise de 1929 et le traité de Versailles avaient créé les conditions de l'émergence du fascisme. Aujourd'hui, la pauvreté dans laquelle sont laissées les populations d'un certain nombre de pays musulmans, le sentiment de subir des injustices répétées de la part du monde occidental, et spécialement de l'Amérique, alimentent un désir de vengeance que cristallise M. Ben Laden.

Il est légitime de lutter contre le fanatisme, il est juste, pertinent, urgent, de lutter contre les causes du fanatisme. Nous ne pouvons pas grand chose à la mauvaise répartition des immenses richesses du monde musulman. Nous pouvons, en revanche, mettre un terme à des situations inacceptables qui, par leur force symbolique, fragilisent depuis trop longtemps la paix du monde.

Nous devons dire à M. Sharon qu'il n'y a pas de solution militaire à la question palestinienne, et à M. Bush qu'il ne doit plus y avoir d'embargo sur l'Irak. Nous devons rappeler que la solidarité humanitaire ne se jette pas, qu'elle se distribue (Quelques exclamations sur les bancs du groupe DL).

En Afghanistan même, une solution politique devra suivre les frappes, car aucune ethnie ne pourra jamais diriger seule l'Afghanistan : elles devront toutes participer à son Gouvernement, et la communauté internationale devra aider à stabiliser ce pays, en ne tolérant aucune présence d'armes lourdes à Kaboul, en détruisant les productions de drogue et en assurant la réalité des droits de l'homme, et spécialement de la femme.

Nous souhaitons que l'Europe participe à la reconstruction de ce superbe pays. La France, dans cette région, est crédible aux yeux de beaucoup. Nous voulons savoir quel est son projet. Le peuple afghan a beaucoup souffert, il a, plus que d'autres, un droit urgent au bonheur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur de nombreux bancs du groupe communiste et sur les bancs du groupe RCV).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Il y a longtemps que la France s'efforce de contribuer à la solution des problèmes que vous avez rappelés. C'est vrai pour la paix au Proche-Orient, ainsi que pour l'Irak, où nous disons qu'il faut exercer un contrôle, mais que l'embargo est devenu inutilement cruel.

S'agissant de l'Afghanistan, nous avons été les premiers à proposer un plan d'action pour permettre à son peuple de reprendre le contrôle de son destin. J'ai rencontré à ce sujet M. Brahimi et l'ex-roi d'Afghanistan, et nous sommes à la pointe du processus visant à donner un avenir aux Afghans et aux Afghanes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, et sur de nombreux bancs du groupe RCV et du groupe communiste).

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SÉCURITÉ PUBLIQUE

M. Jean-Marc Chavanne - Tout à l'heure, le Premier ministre a oublié de dire que tout haut fonctionnaire est tenu au droit de réserve (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Ma question concerne l'aggravation des violences et de l'insécurité, qui est préoccupante, et pas seulement à Paris. Ce matin encore, trois policiers ont été blessés alors qu'ils intervenaient contre des cambrioleurs au Plessis-Trévise. L'un d'eux est décédé à l'hôpital. Le week-end dernier, des incidents graves se sont produits à Thonon : suite à un accident qui a coûté la vie à quatre jeunes, une voiture piégée a explosé, une dizaine de voitures ont été incendiées, des pierres et des cocktails Molotov ont été lancés contre le commissariat de police, le procureur de la République a été blessé.

Cela est intolérable. Les élus réclament plus de moyens pour les forces de police et pour la justice. Il faut apporter des réponses véritables à l'inquiétude des Français, les colloques ne suffisent plus. Quand mettrez-vous enfin en place une véritable politique de lutte contre la délinquance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Je tiens à exprimer d'abord ma très vive émotion face à ce drame qui vient d'endeuiller à nouveau la police nationale, et dire mon immense tristesse aux familles des deux policiers tués, et toute ma sympathie au policier qui souffre à l'hôpital. J'adresse aussi mon soutien et ma solidarité à leurs collègues du Val-de-Marne et à l'ensemble de la police nationale. Les auteurs de ces crimes ne connaîtront aucun répit tant qu'ils n'auront pas été remis à la justice (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR), et je demande à leur encontre une sanction exemplaire (Même mouvement). Un peu de dignité, je vous en prie !

Le 13 octobre, à Evian, deux policiers ont tenté de contrôler un automobiliste - mission de police banale. Le conducteur s'est soustrait à ce contrôle et s'est enfui à vive allure dans les rues de la ville, avant de perdre le contrôle de son véhicule et de percuter un mur, provoquant la mort de quatre personnes. Toutes avaient déjà eu affaire à la justice à titre divers, et elles ont péri victimes de leur choix de vivre en marge de la loi. Sans doute la mort de quatre jeunes ne peut-elle que susciter la compassion, mais cet accident ne justifie pas les actes de violence et de délinquance qui ont suivi. Leurs auteurs seront poursuivis...

M. Jean Ueberschlag - Vous ne ferez rien, comme d'habitude !

M. le Ministre de l'intérieur - Pourquoi tant de polémiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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POLITIQUE SOCIALE

M. Jean-Claude Sandrier - La plupart des grands syndicats appellent aujourd'hui à une journée d'action pour les salaires, l'emploi, la protection sociale. Cela concerne le pays tout entier. Car enfin, comment aider la croissance sans soutenir les salaires, sans mobiliser la dépense publique, sans inciter à la création d'emplois qualifiés, sans renforcer la protection sociale, sans donner aux hôpitaux les moyens nécessaires ?

Pour financer ces mesures, il faut absolument mettre à contribution les actifs financiers. Le crédit doit être sélectif, les exonérations aux entreprises avoir une contrepartie en termes d'emploi. Quelles réponses le Gouvernement donnera-t-il à ces revendications ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le Gouvernement n'a cessé de considérer, depuis 1997, que ce sont le pouvoir d'achat, la consommation et l'emploi qui créent la croissance, et c'est pourquoi il a fait de l'augmentation du pouvoir d'achat une priorité constante : celui des salaires a ainsi augmenté de 5 % depuis le début de la législature, celui du SMIC de 9 %.

Sur le terrain de l'emploi, nous avons, grâce à une politique très volontariste, fait mieux que nos voisins européens (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), à niveau de croissance égal, et réduit d'un million le nombre des chômeurs, résultat que n'efface pas la légère reprise observée ces derniers mois. Vous avez raison d'insister sur les emplois précaires, mais je vous fais observer que la grande majorité des emplois créés grâce aux 35 heures sont des CDI. Nous avons en outre créé depuis juillet 100 000 CES ou stages supplémentaires pour les personnes les plus menacées par le ralentissement de l'activité.

Enfin, aucun gouvernement n'a fait davantage que celui-ci pour les hôpitaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Martine Aubry a conclu en mars 2000 un protocole dont le coût s'élève à plus de 10 milliards sur trois ans, et qui donnera de l'oxygène aux services d'urgences. J'ai signé pour ma part, en mars dernier, un protocole de revalorisation des carrières infirmières et hospitalières, et le Gouvernement a décidé de créer 45 000 emplois supplémentaires pour que la réduction du temps de travail se déroule dans de bonnes conditions. Il est vrai que les demandes vont sans cesse croissant et que les personnels ne comptent ni leur temps ni leur peine, ainsi que nous l'avons vu à Toulouse, mais je suis tout à fait disposée à examiner les améliorations que nous pourrions encore apporter au projet de loi de financement de la sécurité sociale (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

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PROTECTION CONTRE LES RISQUES BACTÉRIOLOGIQUES ET CHIMIQUES

M. Philippe Nauche - Des organismes publics, des entreprises privées et même des particuliers ont récemment reçu des lettres contenant des poudres blanches non identifiées, ce qui a fait prendre conscience à nos concitoyens, compte tenu du contexte international actuel, du risque d'attaques terroristes de nature bactériologique ou chimique. Les pouvoirs publics doivent donc faire preuve d'une grande vigilance, et préparer notre pays à faire face à de telles attaques tout en veillant à ce que l'opinion ne cède pas à une psychose collective sans fondement. Le Gouvernement peut-il faire le point de la situation et des mesures prises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - 38 alertes ont eu lieu en 8 heures, dans 17 départements. A ce jour, tous les examens pratiqués sur les substances en cause sont négatifs ; il faut certes attendre encore 24 heures les résultats de leur mise en culture par des laboratoires spécialisés, mais l'on peut affirmer avec une quasi-certitude qu'aucun cas de maladie du charbon n'est déclaré dans notre pays (Murmures sur divers bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. François Goulard - Est-ce irrévocable ?

M. le Ministre délégué - Ces envois n'en constituent pas moins des actes d'imbécillité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste), qui devront être réprimés si leurs auteurs sont découverts, car il n'y a pas lieu de plaisanter avec des comportements qui, s'ils devaient continuer, pourraient créer, sinon une psychose collective, du moins des situations difficiles.

Le plan Biotox adopté le 5 octobre repose sur la prévention, l'information et l'alerte rapide. Celle-ci a fait ses preuves hier, puisque l'intervention coordonnée de la police, de la gendarmerie, des pompiers et des urgences a permis de conduire à l'hôpital, dans les plus brefs délais, toutes les personnes qui se sont trouvées en contact avec d'éventuels produits toxiques. Si douze d'entre elles ont été gardées en observation, c'est parce que, contrairement à ce que l'on fait aux Etats-Unis, nous avons préféré les traiter avant qu'ait été vérifiée ou non la présence d'une bactérie toxique, et non après. Nous avons commandé, en outre, une réserve suffisante d'antibiotiques pour parer à une contamination sur notre territoire, ainsi que de vaccins anti-varioliques, non pour vacciner toute la population, ce que les spécialistes ne recommandent pas, mais pour le faire, éventuellement, dans des foyers d'une éventuelle épidémie. Nous sommes également prêts, enfin, à faire face au risque chimique, si bien que le plan Biotox, qui a donc fait, hier, ses preuves « à blanc », permettra de secourir nos concitoyens au cas, très improbable, où ce serait nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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ÉVASION PAR HÉLICOPTÈRE DE DEUX DÉTENUS

M. Christian Estrosi - Vendredi dernier, deux dangereux criminels se sont évadés de la prison de Luynes par hélicoptère. C'est la quatrième évasion par ce moyen en moins de six mois ! Nous sommes en train de créer une nouvelle « exception française », sous le regard ahuri de nos partenaires de l'Union européenne, qui ignorent ce phénomène. Sans doute va-t-on nous promettre une nouvelle évaluation de la situation, un nouveau rapport, qui seront suivis d'un contre-rapport et d'une contre-évaluation, alors même qu'il semble fort que vous n'ayez tenu aucun compte du rapport Chauvet, puisque seules 60 prisons sur 180 sont équipées de filets anti-évasion.

Les gardiens ne supportent plus cette situation et réclament de nouvelles mesures de sécurité. Les magistrats n'acceptent plus de voir leur travail réduit à néant par les évasions et par les condamnations non exécutées. Les policiers, dont certains paient de leur vie, nous l'avons encore vu ce matin, leur dévouement au service de la sécurité de nos concitoyens, ont le sentiment d'être méprisés. Quant aux Français, ils ont dû entendre avec ébahissement le Premier ministre nous expliquer que tout avait été fait, depuis quatre ans, pour combattre l'insécurité, eux qui se sentent privés de leur liberté par la montée de la criminalité et de la délinquance. Qu'allez-vous faire pour que cesse ce grave trouble à l'ordre public ?

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Je vous prie d'excuser Mme Lebranchu, retenue par une réunion européenne. Je conviens avec vous que cette évasion est un acte d'une extrême gravité, qui porte atteinte à la sécurité de notre société et constitue un échec auquel nous devons remédier. Le rapport Chauvet, que vous avez évoqué, sera remis d'ici deux jours à Mme Lebranchu, qui arrêtera de nouvelles mesures de sécurité dans les établissements. Je dis bien « nouvelles mesures », car 63 établissements ont été d'ores et déjà équipés de filets. C'est une question à laquelle tous les gouvernements ont été confrontés : il faudra aller plus loin, compte tenu de l'audace croissante dont font preuve les évadés, mais soyez certain que le budget 2002 comportera bien de nouvelles mesures pour la sécurité des établissements (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

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RETRAITES DES MINEURS

M. Jean-Pierre Kucheida - Depuis quinze ans, les retraites des travailleurs de la mine ne cessent de se dégrader par rapport à celles du régime général. Des négociations, engagées voici un an, ont permis d'aboutir le 27 septembre dernier à une proposition d'augmentation générale de 1,5 %, assortie de trimestres supplémentaires dont le nombre varierait selon l'année de départ.C'est une avancée, mais les retraités de 1987 ne bénéficient que d'une revalorisation de 1,5 %, et ce sont surtout les 80 000 mineurs retraités avant cette date, et les veuves, du Nord-Pas-de-Calais ainsi que de nombreux petits bassins du Centre-Midi qui sont pénalisés.

Les mineurs ont reconstruit le pays. Des mineurs meurent encore aujourd'hui de silicose ; mon père vient de mourir silicosé à 100 %. La nation leur doit reconnaissance, et à tout le moins leur pouvoir d'achat doit être sauvegardé. Les mineurs ont fait de la France la quatrième puissance économique mondiale. La solidarité, la justice sociale, chères au gouvernement de Lionel Jospin, permettent déjà un pas en avant. Il faut aller plus loin pour que tous les mineurs et retraités soient reconnus comme ils le furent en son temps par François Mitterrand (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous m'avez en effet alerté il y a quelques mois, avec quelques collègues, sur la situation difficile des mineurs qui prennent leur retraite depuis 1987, date à laquelle on a cessé d'indexer les retraites sur les prix. Ils ont beaucoup apporté à la nation, et en particulier à votre région, comme vous venez de le rappeler avec émotion.

Je me réjouis comme vous - vous nous y avez beaucoup aidés - de l'accord du 11 septembre qu'ont signé la CFDT, la CFTC et FO. D'abord, il prévoit une revalorisation de 1,5 % pour toutes les retraites, se cumulant avec celle de 2,5 % en 2001, ce qui porte à 5 526 francs la retraite mensuelle de base pour 150 trimestres.

S'y ajoute une revalorisation supplémentaire de 0,5 % pour ceux qui ont pris leur retraite en 1987, à 17 % pour ceux qui sont partis en 2001, soit 192 francs par mois pour un départ en 1990 et 1 021 francs par mois pour 2001.

Enfin, il est prévu un système de revalorisation spécifique pour éviter tout nouveau décrochage à l'avenir. Toutes ces mesures bénéficient également aux pensions de réversion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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POLITIQUE DES TRANSPORTS EN ILE-DE-FRANCE

M. Jacques Kossowski - Nombre de nos concitoyens subissent depuis quelques mois les conséquences d'une politique de transports anarchique à Paris et dans la région. La mairie de Paris a en effet décidé de s'attaquer à l'utilisation de la voiture individuelle de façon autoritaire et sans concertation. Il s'ensuit une surcharge des voies où l'on a élargi exagérément les couloirs de bus, une saturation aux portes de Paris et un blocage fréquent des boulevards des Maréchaux, sans parler de l'expérience calamiteuse de la fermeture des voies sur berge, qui sera pourtant reconduite l'an prochain. Depuis hier, des grèves aggravent cette situation. Les Franciliens en ont assez d'être pris en otages par quelques-uns. Après les mesures de restriction de la circulation, une grève de longue durée paralyserait la région alors que nous sommes confrontés à un ralentissement économique et à une grave crise internationale.

Il convient que vous fassiez preuve de toute votre autorité pour instaurer une politique d'alarme sociale à la SNCF, comme elle existe à la RATP. Le nombre de jours de grève intempestive serait largement diminué par la négociation et les usagers auraient plus confiance en leur réseau de transport (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Le dialogue social s'est amélioré à la SNCF depuis quatre ans et le nombre de conflits sociaux a diminué, depuis la grande grève de 1995. Cela est dû à la création d'emplois et à l'ouverture de nouveaux services. Il faut encore améliorer le dialogue et cela relève des partenaires sociaux. Les organisations syndicales usent, dans le respect de la loi - un préavis a été déposé - du droit de grève ; à elles d'en mesurer les conséquences. Un rendez-vous a été pris pour des négociations salariales lors des prochaines semaines et je ne doute pas que les progrès des transports collectifs bénéficieront à la situation sociale dans l'entreprise.

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SERVICE POSTAL

M. Jacques Guyard - Hier, le conseil des ministres européens de l'industrie a étudié l'avenir du service postal, à partir d'un projet de directive qu'à la grande majorité notre Assemblée avait trouvé scandaleux. Il menaçait en effet le service public à la française, et la qualité de la distribution du courrier et des services financiers offerts. La délégation pour l'Union européenne et la commission de la production souhaitaient, à une quasi unanimité, le rejet de cette directive. Monsieur, le ministre, vous avez obtenu des avancées considérables par rapport à un texte qui libéralisait complètement la distribution du courrier avant la fin de la décennie et retirait immédiatement au service postal tous les courriers spéciaux. Pouvez-vous préciser ces résultats et indiquer comment la poste française pourra s'adapter à une évolution désormais maîtrisée et garantir la qualité du service ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe communiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - En effet le projet de directive initial ne correspondait pas du tout aux valeurs que nous défendons tous. Hier nous avons obtenu un accord très différent. D'abord, dans les huit ans à venir, moins de 10 % du chiffre d'affaires actuel de La Poste seront mis en concurrence, et nous savons qu'elle est apte à résister. Ensuite, les services innovants à valeur ajoutée ne sont pas libéralisés ; cela aurait réduit le service public à un service minimum , et nous ne l'avons pas accepté. Enfin, malgré la demande de beaucoup d'Etats, il n'est pas programmé de libéralisation totale du secteur postal, et le Parlement européen et le Conseil auront à statuer sur toute nouvelle phase d'ouverture à partir de 2009. Plutôt qu'un compromis, cet accord est une garantie pour notre service public. Il a dix ans pour continuer à assurer des prix bas sur l'ensemble du territoire, avec compensation tarifaire . C'est aussi la preuve que la France peut rallier ses partenaires sur les valeurs du service public. Nous les avons défendues avec le soutien du Parlement européen, du Parlement français et en particulier de la délégation pour l'Union européenne que je remercie de son travail. Le service public sort gagnant de ce conseil européen (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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IMPORTATIONS DE VIANDE BOVINE

M. Jacques Rebillard - Le secteur de la viande bovine subit la mévente, après les crises de la vache folle et de la fièvre aphteuse. A côté de la baisse de la consommation, joue la hausse des importations de viande bovine de l'UE et de pays tiers. Pouvez-vous nous en donner les chiffres ainsi que ceux de l'année précédente ? Quelles sont les mesures de contrôle sanitaire aux frontières, en particulier pour les viandes en provenance d'Amérique du sud ? Enfin a-t-on les mêmes exigences sanitaires pour les viandes importées que pour la production française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste, quelques bancs du groupe communiste et divers bancs)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Effectivement la crise bovine dure et les organisations professionnelles mettent en cause les importations. Je serai clair : les importations de viande bovine en provenance des autres pays européens baissent pour quatorze d'entre eux, l'exception étant l'Allemagne. Est-ce anormal ? Je vous en laisse juges. Les importations de pays tiers, notamment d'Amérique du sud, n'augmentent pas étant donné la faiblesse de la demande en France. Les importations de toutes les viandes de pays tiers font l'objet à la frontière d'un contrôle systématique des services vétérinaires qui délivrent un certificat à présenter à la première destination en Europe, puisque le marché intérieur est libre et fonctionne selon des règles harmonisées.

Par ailleurs, je réunirai demain matin, comme chaque semaine, l'ensemble de l'interprofession pour faire le point sur la crise bovine, mais cette fois en soumettant à la concertation une vingtaine de mesures concrètes qui devront être arrêtées dans les tout prochains jours.

Enfin petite éclaircie dans ce ciel gris : nous venons d'atteindre en termes de dégagement de marché 4 200 tonnes par semaine, soit plus que notre objectif, qui était de 4 000 tonnes par semaine. Ce mécanisme est le seul susceptible de nous faire retrouver l'équilibre du marché (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe RCV).

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GRÈVES DANS LES TRANSPORTS PUBLICS

M. Yves Bur - Une fois de plus, les usagers des transports publics subissent la loi des grévistes. La diversité des revendications traduit bien le malaise social, auquel ce gouvernement est incapable d'apporter une réponse cohérente. C'est le résultat du mépris affiché pour la démocratie sociale.

Une revendication récurrente est la retraite à 55 ans. Oui ou non, y êtes-vous favorables ? Vous paraît-elle réaliste, quand le vieillissement de notre population appelle des réponses courageuses ?

A un moment où notre économie est fragilisée, et alors que vous appelez les entreprises au patriotisme économique, comment comptez-vous associer les services publics à la mobilisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Chacun ici comprend la gêne éprouvée par les usagers, mais ce n'est pas à vous de donner des leçons sur ce terrain, puisque les décisions brutales prises par le gouvernement que vous souteniez en 1995 a jeté des millions de personnes dans la rue et malheureusement pourri pour longtemps le dossier des retraites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

Nous l'avons repris en agissant dans trois directions. D'abord en soutenant la croissance et l'emploi ; ensuite en dotant le fonds de réserve des retraites, qui aura 80 milliards à la fin de l'année prochaine et 1 000 milliards en 2020 ; enfin, en faisant travailler au sein du conseil d'orientation des retraites l'ensemble des partenaires sociaux, dans la perspective d'une réforme qui allie souplesse, respect de la spécificité des régimes et principe d'égalité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de Mme Lazerges.

PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES

vice-présidente

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LOI DE FINANCES POUR 2002

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2002.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Notre débat s'inscrit dans des circonstances singulières. Le 11 septembre, une organisation criminelle fondée sur les noces tragiques de l'intégrisme et de l'argent a lancé la première offensive de régression totale en ce nouveau siècle. En ce moment même, une action militaire est engagée, en riposte à ces attentats meurtriers.

Ces événements ont eu des conséquences humaines, politiques, diplomatiques qui nous touchent tous. Ils n'ont pas été sans incidences économiques, ce qui montre que la globalisation des risques n'est pas moins rapide que celle des progrès. Aucun pays n'est à l'abri de la menace, de la terreur sur ses activités et sur ses échanges. L'incertitude et le doute gagnent bien des esprits.

Ces inquiétudes sont légitimes mais il est du devoir de tous les responsables politiques de ne pas ajouter le doute au doute. Il nous faut donc analyser les évolutions récentes comme les perspectives, réagir au choc des incertitudes, favoriser le retour de l'activité grâce aux orientations de notre politique économique, renforcer la confiance de nos concitoyens dans les capacités de notre économie. Pour cela, privilégions la lucidité et la volonté, évitons la dangereuse tyrannie du court terme.

Dans cet esprit, après avoir remercié le Président, le rapporteur général, les membres de la commission des finances, ainsi que tous ceux qui participent à ce débat, je souhaite insister ici sur les éléments qui expliquent les faits et qui éclairent les choix.

Aux Etats-Unis et dans la zone euro, sauf en France, le ralentissement est intervenu avant le 11 septembre, et même plus tôt qu'on l'a dit, dès le deuxième semestre 2000. De façon simultanée, des deux côtés de l'Atlantique, l'investissement des entreprises a diminué et la consommation des ménages s'est tassée. Au-delà de la spécificité américaine liée au surinvestissement, ce phénomène s'explique principalement par la hausse du prix du pétrole et, plus récemment, par celle des produits alimentaires, qui ont grignoté le pouvoir d'achat.

Cela montre que le redémarrage en Europe dépendra de la reprise aux Etats-Unis, le Japon restant en récession et les pays émergents étant touchés. Mais ce redémarrage tiendra aussi à la baisse du prix du pétrole. Si cette dernière se confirme, ce sera pour nos économies une excellente nouvelle, qui pourrait même contrecarrer les effets d'un éventuel ajournement de la reprise américaine.

En ce qui concerne la conjoncture en France, contrairement à ce que veulent faire croire les Cassandre qui espèrent tirer d'un recul conjoncturel un retour de faveur de l'électorat, notre économie n'est pas à proprement parler en récession. L'INSEE prévoit une croissance légèrement supérieure à 2 % et le dynamisme actuel de la consommation compense l'atonie de la demande des entreprises et de la demande externe. Les baisses d'impôts intervenues en septembre, l'allocation de rentrée scolaire - soit au total plus de 6 milliards d'euros - ont encouragé une bonne tenue de la consommation au moment où elle aurait pu chuter en raison des attentats. La production industrielle a ainsi nettement progressé cet été.

Nos fondamentaux sont solides. L'emploi a progressé comme jamais. Au cours des quatre dernières années la rentabilité des entreprises est satisfaisante. Le déficit des administrations est nettement inférieur à ce qu'il était en 1997, même s'il demeure trop élevé. Nous avons su moderniser notre outil industriel et développer nos activités de services. En outre, le ralentissement d'un point de l'inflation au cours des douze derniers mois, favorable au pouvoir d'achat, et la hausse du salaire nominal compensent le récent ralentissement des créations d'emplois. Les baisses d'impôts conforteront ce dynamisme et on peut espérer une consommation des ménages robuste et même une reprise modérée de l'investissement car notre économie ne souffre pas, elle, du surinvestissement. A ces éléments peuvent s'ajouter les effets d'un rebond américain.

En contrepoint, il y a les conséquences des attentats du 11 septembre. En cinq semaines, les analyses ont beaucoup varié. Dès le lendemain, j'évoquais les risques encourus devant votre commission des finances. Le choc pétrolier ne s'est pas produit ; le choc boursier a eu lieu, mais il a, pour l'essentiel, été absorbé. Le choc psychologique est peut-être le plus sérieux car, on le sait, psychologie et économie sont étroitement liées. Le « choc d'incertitude » conduit souvent les chefs d'entreprises à la perplexité en matière d'investissement, d'autant que les primes de risques vont augmenter et que les perspectives de croissance sont incertaines.

Une diminution des investissements pourrait dans ces conditions entraîner un cercle vicieux où la réduction des dépenses des entreprises pèserait sur l'emploi, et finalement sur la consommation. Le Gouvernement ne commettra pas l'erreur de dissocier le risque sur l'investissement du risque sur la consommation.

Le choc lié à l'incertitude tient d'abord à nos comportements. Ce que veulent les terroristes, c'est nous déboussoler et déformer notre vision de la réalité. Pour gagner la bataille sur ce front, le Gouvernement et sa majorité en ont appelé au patriotisme économique, et les acteurs économiques ont en général relayé cet appel. Une fois rappelée la vérité des fondamentaux, il s'agit d'indiquer clairement le cap en réaffirmant nos choix budgétaires et fiscaux qui ont fait la preuve de leur pertinence et de prendre sans retard toutes les mesures susceptibles de favoriser le rebond économique.

Depuis 1997, nous avons redéployé chaque année près de cinq milliards d'euros pour financer des mesures nouvelles. Ce mouvement sera poursuivi en 2002 avec un redéploiement de six milliards d'euros. Plus de 80 % des dépenses nouvelles de l'Etat concerneront les secteurs prioritaires : éducation, emploi, lutte contre les exclusions, sécurité, justice, culture, environnement. Les budgets correspondants auront progressé de 17,2 % en valeur depuis 1997 - contre 3,2 % pour les autres budgets. La dotation globale de fonctionnement augmentera, pour sa part, de 4,1 % en 2002, si bien que ses crédits auront progressé deux fois plus que prévu dans le pacte de stabilité décidé en leur temps par M. Chirac et M. Juppé.

Un effort exceptionnel sera consenti en faveur de l'emploi et de la solidarité qui constituent note priorité absolue. Dès juillet, le Gouvernement a augmenté de 50 000 le nombre de contrats aidés d'ici à la fin de l'année - 30 000 CES et 20 000 stages. Le ministre de l'emploi est chargé de mobiliser les services de l'Etat afin qu'aucun retard ne soit pris dans la mise en _uvre de tous les dispositifs disponibles. Depuis 1997, le nombre de chômeurs a diminué d'un million, résultat sans précédent. Y ont largement contribué l'allégement des charges sur les bas salaires, la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, la réduction du temps de travail, les emplois-jeunes, l'accompagnement personnalisé des chômeurs de longue durée - dont le nombre a diminué de 40 % depuis 1997 - et toutes les mesures visant à améliorer la rémunération du travail peu qualifié et le pouvoir d'achat - PPE, réforme de la taxe d'habitation et des allocations logement par exemple. En dépit des difficultés, le sinistre industriel dont est actuellement victime la région de Toulouse n'étant pas la moindre, il est essentiel que nous maintenions notre objectif de plein emploi.

Les dépenses du budget de l'Etat s'élèveront en 2002 à 266 milliards d'euros, en progression de 0,5 % en volume. Nous avons retenu trois priorités principales.

Tout d'abord, l'éducation nationale, que nous entendons continuer à renforcer et à moderniser. Pour la première fois, son budget dépassera les 400 milliards de francs, soit 61,4 milliards d'euros, ce qui représente près du quart des dépenses totales. Ses crédits augmenteront de 4 % en 2002, ce qui portera leur progression à près de 20 % depuis 1997. Affecter des moyens nouveaux à nos écoles, à nos collèges, à nos lycées et à nos universités, c'est préparer l'avenir. Dans l'ensemble, sous la conduite de M. Lang, la rentrée 2001 s'est d'ailleurs bien passée. On entend parfois ici dénoncer notre action en ce domaine mais il est bien peu de parlementaires pour demander la fermeture d'une classe en zone rurale par exemple, ou même seulement l'accepter, pour faire des économies... Ils réclament au contraire, et je les comprends, toujours davantage de moyens, davantage d'enseignants, de surveillants, d'infirmières scolaires... Nous faisons le maximum pour satisfaire ces demandes et accorder davantage à ceux qui en ont le plus besoin.

Nous nous sommes mobilisés pour équiper et sécuriser nos universités - c'est le sens du plan U3M. Comme nous nous y étions engagés, nous avons amélioré le statut des étudiants. La priorité à l'éducation nationale n'est pas pour nous un slogan mais une réalité. Réalité d'autant plus importante que l'actualité démontre combien il est précieux de compléter cette notion de formation par un vaste effort culturel - le budget de la culture atteindra pour la première fois en 2002 1 % du budget de l'Etat - et de conforter, par l'enseignement de l'école, cette valeur fondamentale qu'est la laïcité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Deuxième priorité : renforcer les forces de sécurité et la justice, qu'il faut rendre à la fois plus efficaces et plus proches de nos concitoyens. Nous étions conscients de cette nécessité bien avant le 11 septembre puisque depuis 1997, les crédits de la sécurité ont déjà augmenté de 18 %. Ils progresseront encore de 4,5 % en 2002 avec notamment la création de trois mille postes de policiers et mille postes de gendarmes supplémentaires. Mais la sécurité ne saurait être véritablement renforcée sans une justice rapide et efficace. Les crédits de la justice augmenteront pour leur part de 5,7 % en 2002, ce qui portera leur progression à 25 % depuis 1997. Au-delà de ces données quantitatives, il s'agit, non pas d'agiter le chiffon rouge de l'insécurité à des fins partisanes, mais bien de garantir à chacun le droit à la sûreté.

Si nous refusons l'insécurité, nous refusons tout autant l'impunité, qui heurte peut-être encore davantage nos concitoyens. Nous voulons être justes mais fermes, en luttant contre l'insécurité et toutes ses causes. Le ministre de l'intérieur y travaille et toutes les mesures financières nécessaires sont prises.

Pour notre politique de sécurité, les attentats du 11 septembre ont soulevé des enjeux spécifiques, que le Gouvernement prend pleinement en compte. Les crédits de la défense en 2002, supérieurs à ceux de 2001, permettront d'achever la professionnalisation de nos armées ainsi que d'exécuter rigoureusement la loi de programmation. Mais les terroristes menacent d'abord notre sécurité intérieure. Le plan Vigipirate renforcé et le plan Biotox constituent une première réponse. Je viens de souligner la priorité accordée aux effectifs de police et de gendarmerie. De même, nous avons accru les moyens du secrétariat général à la défense nationale, dont le budget a été consolidé tout au long de la législature. L'ensemble des ministères concernés par la protection des sites sensibles renforceront leurs dispositifs d'alerte.

J'ajoute qu'à la fois par souci de justice et par mobilisation contre le terrorisme, nous sommes résolus à lutter vigoureusement contre le blanchiment des capitaux et les flux spéculatifs, les paradis fiscaux et toutes les entités non transparentes. Avant la tragédie du 11 septembre, nous avions déjà souligné les liens entre ces phénomènes et diverses sortes d'exactions, de trafics et de crimes. Comme nous l'avons montré lors de la présidence française de l'Union européenne, nous entendons être à l'avant-garde de la régulation et de l'éradication de ces comportements fiscaux dommageables. Le récent G7-G8 de Washington a permis des avancées concrètes. Ce qui paraissait chimérique il y a quelques années commence aujourd'hui à faire consensus et à recevoir une application pratique : bâtir un cadre plus transparent et plus solidaire pour l'économie mondiale. Construire un monde plus équilibré et mieux régulé, aider vraiment le sud, agir pour le développement durable, lutter contre la pauvreté, ce n'est pas seulement nous prémunir contre certains excès de la mondialisation - je pense en particulier aux menaces qui pèsent sur l'environnement -, c'est aussi tenir en échec les entreprises terroristes, en traquant et en tarissant les flux financiers qui les alimentent et en désamorçant les frustrations populaires qu'elles manipulent. Pour nous, les financiers du terrorisme ne sont pas moins coupables que les terroristes eux-mêmes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Troisième priorité, défendre, protéger et valoriser l'environnement. Depuis le début de la législature, c'est le budget qui a bénéficié de l'augmentation la plus forte. Ses crédits progresseront de 6,3 % en 2002. Sur l'ensemble de la législature, la progression avoisine les 60 % et 1 000 emplois auront été créés, dont près d'un tiers en 2002. La majorité plurielle a tenu ses engagements. Nous les prolongerons à travers la position que défendra la France lors de la prochaine réunion de l'Organisation mondiale du commerce. Pour s'imposer dans les faits, le développement durable exige une réelle capacité d'expertise et des services suffisants sur le terrain. La maîtrise des risques en est un aspect essentiel comme nous le confirment les événements dramatiques de Toulouse. Comme l'a annoncé le Premier ministre, le contrôle des sites dangereux sera renforcé par la création de 150 postes d'inspecteurs des installations classées.

En août 2000, le Gouvernement avait proposé un plan pluriannuel de baisses d'impôts pour un montant total de 18,3 milliards d'euros. Pour des raisons structurelles et conjoncturelles, ces baisses sont aujourd'hui confirmées. Les impôts diminueront de 5,95 milliards d'euros en 2002, ce qui portera la baisse à 18,9 milliards d'euros.

L'une des plus importantes décisions pour renforcer le pouvoir d'achat par le retour à l'emploi sera le doublement de la prime pour l'emploi. Créée par la loi du 30 mai 2001, la PPE a été perçue pour la première fois lors de cette rentrée. Plus de huit millions de foyers en ont déjà bénéficié, pour un montant moyen de 950 F. Le nombre des bénéficiaires augmente encore avec la prise en compte des personnes qui, malgré les efforts déployés, n'ont pu en bénéficier à temps. Au total, plus de 8,5 millions de foyers bénéficieront dès cette année du dispositif. Nous proposons de doubler en 2002 le montant de la PPE pour atteindre 3 000 F au niveau d'un SMIC. Les majorations forfaitaires lorsqu'un seul conjoint travaille ou pour enfants à charge seront indexées sur la hausse des prix en 2001. Cette mesure représentera 1,1 milliard d'euros au budget 2002. Elle n'est évidemment en rien contradictoire avec les augmentations de salaires.

En 2002, les taux du barème de l'impôt sur le revenu continueront également de baisser : -0,75 % pour les quatre premières tranches et -0,5 % pour les deux dernières. Cela représente 1,98 milliard d'euros de baisses. Comme en 2001, l'évolution sera calculée et figurera sur les avis d'imposition à la fin de l'été, ainsi que le taux d'impôt réellement supporté.

Le taux de l'impôt sur les sociétés passera, lui, à 34,33 %, grâce à une nouvelle réduction de la surtaxe Juppé. Pour les entreprises qui acquittent la contribution sur les bénéfices des sociétés, il diminuera d'un point.

Le plan de suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, lancé en 1999, se poursuivra. L'abattement sur cette part passera de 1 000 000 F en 2001 à 6 000 000 F en 2002.

Nous réaffirmons ainsi notre volonté de consolider la consommation des ménages, de favoriser l'investissement et de soutenir l'emploi.

D'autres mesures s'ajouteront en 2002, cohérentes avec les priorités de la législature.

Elles sont d'abord destinées à renforcer la solidarité. Solidarité internationale : un dispositif d'amortissement exceptionnel des équipements pour la recherche sur des maladies qui, comme le sida, frappent particulièrement les pays pauvres, vous est proposé. Solidarité nationale : trois mesures favorisant les associations ainsi que le logement social sont prévues.

Des dispositions fiscales nouvelles sont également prévues en faveur de l'initiative, de l'investissement et de l'innovation. Je souligne notamment l'ouverture progressive du PEA aux actions européennes et le relèvement de son plafond à 120 000 euros.

Enfin, nous avons intégré les enjeux environnementaux dans nos choix fiscaux : plus de 30 mesures en 5 ans, et de nouvelles en 2002 : un crédit d'impôt de 15 % sur les dépenses d'isolation thermique et de régulation du chauffage ; une amélioration du crédit d'impôt voté en 2000 pour l'achat d'un véhicule propre ; un meilleur accès des entreprises aux allégements de taxe professionnelle sur les équipements d'économie d'énergie.

En outre, votre commission des finances a voté plusieurs amendements sur l'amélioration du régime micro-foncier ou le régime fiscal des chèques vacances ; sur l'extension de la suppression de la vignette ou l'indexation de l'ISF - les débats nous permettront de préciser les choses. Le Gouvernement adoptera en tout cas une attitude d'ouverture et de dialogue.

M. Philippe Auberger - Et sur les _uvres d'art ?

M. le Ministre - Le financement de nos priorités et les allégements d'impôts s'inscrivent dans le cadre d'une gestion publique rénovée et d'une réelle ambition de réformer l'Etat. Le Gouvernement poursuivra en 2002 l'effort de simplification de la vie des usagers : harmonisation des durées et des délais d'option des petites entreprises pour les régimes fiscaux simplifiés ; dispense de constituer des garanties pour faire valoir une réclamation si elle porte sur un montant inférieur à 3 000 €.

La réforme de l'Etat ne s'accomplit pas par imprécations. Pour réussir, elle suppose des actions concrètes et concertées. C'est le sens de la démarche que nous menons au sein du MINEFI, avec les secrétaires d'Etat qui m'entourent et le plein soutien du Premier ministre. Vous savez qu'a été élaboré un nouveau code des marchés publics, qui porte sur des enjeux massifs - près de 10 % de notre PIB, 250 000 marchés publics chaque année, dont 190 000 pour les seules collectivités locales. Procédures clarifiées, sécurité juridique renforcée, substitution de la règle du « mieux disant » au rite du « moins disant », ouverture plus large aux PME, réduction des délais de paiement, cette réforme dont on parlait depuis une dizaine d'années a enfin vu le jour et elle sera positive.

Le même objectif a orienté l'adoption de notre nouvelle « constitution budgétaire ». La réforme de l'ordonnance organique de 1959, promulguée le 1er août 2001, constitue une double avancée : elle renforce les droits du Parlement - droit d'amendement et contrôle de l'exécution du budget -, elle accorde une plus grande liberté aux gestionnaires en contrepartie d'une plus grande responsabilité. A l'intersection de ces deux préoccupations se trouve la création de « programmes » reflétant nos grandes politiques publiques, et qui renforceront la lisibilité des choix. Cette loi, qui aura une première traduction concrète dans le budget 2002, sera une révolution silencieuse.

C'est dans cet esprit aussi que nous avons redéfini le programme de gestion de la dette. La représentation nationale disposera en 2002 des indicateurs synthétiques lui permettant d'autoriser en pleine connaissance de cause la politique d'émission de la dette de l'Etat français.

Enfin, nous préparons pour le 1er janvier 2002 le passage à l'euro fiduciaire. Cette réforme, la plus importante réforme économique et financière depuis 50 ans, sera un succès. Elle a été préparée par de très nombreux partenaires, et sa montée en régime s'opère d'une façon satisfaisante.

Trois critiques sont parfois formulées à l'encontre de notre politique économique et budgétaire. Le Gouvernement n'aurait pas su mettre à profit la conjoncture favorable pour maîtriser la dépense publique. Nous parlons fréquemment entre nous de la « norme de dépense », comme si cette notion avait existé de toute éternité. En réalité, c'est ce gouvernement qui s'est donné une « norme d'évolution de la dépense de l'Etat, fixée en volume, et indépendante de la conjoncture », afin de rompre avec des politiques qui cassaient souvent les efforts réalisés dans un secteur, stoppaient brutalement des projets en cours et décourageaient les gestionnaires.

Certains nous reprochent d'avoir été trop dispendieux. Or, sur les 6 budgets de cette législature, les dépenses auront augmenté au total de 1,8 % alors qu'elles avaient augmenté de 1,8 % chaque année, de 1993 à 1997 (M. Méhaignerie proteste). Nous avons géré avec sérieux les dépenses de l'Etat, tout en finançant nos priorités. D'ailleurs, si dans l'hémicycle l'opposition nous reproche trop de dépenses, le week-end, elle propose plutôt des dépenses supplémentaires et un alourdissement des déficits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

De surcroît, notre norme de dépense s'inscrit dans une perspective pluriannuelle et s'intègre dans le programme triennal que nous déposons chaque année à Bruxelles. Depuis 4 ans, la norme de dépense pour le budget général a constitué un instrument efficace de politique budgétaire. Cette maîtrise peut encore être améliorée. Et cela ne doit pas cacher les difficultés rencontrées dans le domaine des dépenses sociales, en matière d'assurance maladie notamment. Nous n'avons pas encore complètement réussi à convaincre qu'une hausse de la dépense n'était pas automatiquement synonyme d'amélioration de la santé.

Cette évolution de la dépense publique, moins rapide que celle de la richesse nationale, a permis de conduire une politique durable d'allégement des charges et de réduction des déficits, et d'envisager le retour progressif à l'équilibre. En 1997, le déficit de l'Etat était de 300 milliards de francs. Nous l'avons ramené à 200 milliards de francs en exécution 2000. Ce redressement a été plus rapide que dans la plupart des grands pays de la zone euro : alors qu'en 1997, la France était dernière en Europe, elle se situe aujourd'hui dans la moyenne. Les exercices 2001 et 2002 marquent un palier conjoncturel, car nous avons choisi de laisser jouer les stabilisateurs automatiques en recettes pour soutenir l'activité : c'est un choix de pilotage économique que nous assumons.

Selon une seconde critique, le Gouvernement n'aurait pas assez baissé les impôts, ou il les aurait trop baissés. De toute façon, il n'aurait pas assez avancé en matière de justice sociale. Nos concitoyens ont changé de majorité en 1997 parce qu'ils n'étaient sans doute satisfaits ni des perspectives sociales qui leur étaient offertes, ni des charges fiscales qui leur étaient imposées. Beaucoup gardent en mémoire l'augmentation de deux points de la TVA décidée par MM. Chirac et Juppé, et qui avait amputé le pouvoir d'achat de 60 milliards de francs.

La vision qui nous anime est différente. Nous respectons les principes républicains de consentement à l'impôt et d'égalité devant les charges publiques ; nous voulons partager avec justice les fruits de la croissance. Depuis 1997, nous nous sommes efforcés de mieux redistribuer pour le travail et la justice sociale. C'est le sens par exemple de la réforme des dégrèvements de taxe d'habitation en fonction du revenu ou de la baisse graduée de l'impôt sur le revenu, plus marquée en bas qu'en haut, ou de la création de la PPE.

Nous avons renforcé la consommation et l'investissement des ménages, en particulier des plus modestes, spécialement pour leur logement. C'est la raison de la baisse du taux normal de TVA et du taux réduit sur la rénovation du logement. C'est le but de la baisse des impôts sur les achats de logement et de la suppression du droit de bail.

Nous avons orienté nos choix fiscaux structurels principalement en faveur du travail. C'était l'objectif de la réforme de la taxe professionnelle, dont la part salariale disparaît progressivement, ainsi que de la lutte contre des niches fiscales improductives pour la collectivité, ou des efforts de solidarité demandés aux plus fortunés. La consommation des ménages et les revenus du travail ont été au c_ur de nos orientations fiscales. Ces choix sont venus conforter les gains de pouvoir d'achat dégagés par les créations d'emplois. Au total, notre politique a permis de rééquilibrer dans un sens favorable au travail le partage de la valeur ajoutée.

Ces choix, nous ne les avons pas faits contre les entreprises. J'ai toujours insisté pour que nous soutenions l'innovation, la prise de risque et la compétitivité de notre économie - loi sur l'épargne salariale, contrats d'assurance-vie en actions, développement des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises, plan de baisse de l'impôt sur les sociétés, avec un accent spécial pour les PME.

Nous avons inscrit ces baisses dans le cadre de la préparation solidaire de l'avenir. Nous avons souhaité proposer une approche pluriannuelle, parce qu'elle est un gage de visibilité pour les entreprises ou les ménages.

Malgré des insuffisances sans doute, les décisions prises au cours de cette période ont été positives dans l'ensemble, et justes dans leurs effets redistributifs, dans leur ampleur et dans leur échéancier.

Selon certains, les hypothèses sur lesquelles est bâti le projet de budget pour 2002 manqueraient de réalisme.

Cette critique est émise en général par l'opposition. On pourrait se contenter de lui rappeler les discours catastrophistes qu'elle a multipliés depuis quatre ans. A l'automne 1997, les mêmes considéraient que l'économie française devait s'effondrer à la suite de la crise asiatique. Résultat : notre économie a enregistré une croissance plus forte encore que celle que prévoyait le Gouvernement. En octobre 1998, les conséquences de la crise russe devaient enrayer l'élan de notre économie entamé mi-1997. Résultat : l'économie française a enregistré une croissance plus forte que celle que prévoyait le Gouvernement. Pour le budget 2000, même critique et même résultat. Curieusement, l'année dernière, pour la première fois, notre prévision de croissance n'a pas fait l'objet de critiques sévères... Nous aurions dû nous inquiéter (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Il est vrai que la croissance était alors particulièrement vive. Pourtant, pour la première fois depuis 1997, nous n'atteindrons malheureusement pas l'objectif que nous nous étions fixé : la croissance devrait être cette année d'un peu plus de 2 %, chiffre certes plus fort que celui de la plupart de nos partenaires, mais moins élevé que prévu.

Toute hypothèse économique est par nature discutable, surtout en période de bouleversements. Nous avons, avec Florence Parly, avec le Premier ministre, avec d'autres, examiné cette question d'une façon approfondie, et décidé de maintenir une approche volontaire, tout en soulignant qu'il convient de rester très prudents et pragmatiques.

Pourquoi ce choix ? D'abord, parce que la situation économique dépendra pour une très large part d'éléments situés hors du champ économique : quelle sera la riposte, militaire et non militaire, quelles seront les ripostes à la riposte, quelle sera la durée, quelles seront les réactions des populations dans divers pays, quelles seront les conséquences psychologiques ? On peut redouter une dégradation ; on peut aussi espérer une amélioration, et nous y travaillons tous.

J'ajoute que, si certains chaînons du raisonnement économique peuvent conduire à une analyse à la baisse, nos fondamentaux restent bons, et sont même parfois les meilleurs en Europe. C'est le cas, notamment, de notre taux d'inflation, le plus bas de la zone euro, de nos progrès structurels dans la relation croissance-emploi, de nos efforts pour réduire les impôts et les déficits ; tout cela continuera de compter. J'y insiste : certains aspects décisifs évoluent, pour le moment en tout cas, dans le bon sens, en particulier le prix du pétrole qui a baissé de plus de 20 % depuis le 11 septembre, ainsi que les taux d'intérêt, ce qui emporte des conséquences positives sur les prix, le pouvoir d'achat et la croissance.

En outre, lorsque nous analysons le comportement de nos voisins européens, nous observons qu'ils retiennent en général des hypothèses supérieures à 2 % de croissance, alors même que leurs performances sont voisines des nôtres ou inférieures : l'Allemagne et le Royaume-Uni ont retenu une hypothèse de 2,25 %, l'Italie de 2,3 %, l'Espagne de 2,9 %.

Enfin, nous ne sommes pas seulement des observateurs : nous sommes des décideurs. Si nous devons être réalistes, nous devons aussi être volontaires. Le pessimisme n'est souvent que l'alibi de l'attentisme ou du défaitisme. Nous devons donner le signe de notre détermination, pour obtenir la croissance la plus soutenue possible, et pour nous donner le maximum de chances d'atteindre cet objectif, un plan de consolidation de la croissance est nécessaire.

Le diagnostic que je viens de porter nous invite en effet à utiliser l'ensemble des instruments disponibles pour conserver la croissance. Ce plan doit répondre à plusieurs conditions : soutenir l'investissement et la consommation, appuyer les secteurs les plus touchés, être conforme à nos engagements européens, ne pas peser sur le solde budgétaire 2002.

Le premier instrument est européen : c'est la politique monétaire, accompagnant au niveau national une politique durable de maîtrise des finances publiques. La question qui nous est posée est simple, et le débat qui l'accompagne légitime : comment utiliser au mieux l'arme monétaire et l'arme budgétaire pour anticiper la reprise ? Ma conviction est que des marges de man_uvre existent pour la politique monétaire, car l'inflation est maîtrisée. Une action sur les taux, déjà engagée par la BCE, comporte deux avantages : elle s'exerce à l'échelle de l'Europe entière ; elle apporte une bouffée d'oxygène immédiate à nos entreprises. Même si elle n'est pas le démarreur de la reprise, elle peut en fournir le carburant. En favorisant une meilleure tenue du cours des actions, une baisse des taux relâche la pression exercée par les actionnaires sur les comportements des entreprises, et la demande de celles-ci s'en trouve encouragée. En outre, face aux risques d'assèchement du crédit liés à la montée des primes de risque, une baisse des taux d'intérêt est bienvenue. L'assouplissement de la politique monétaire est donc un outil prioritaire pour rétablir des choix d'investissement plus dynamiques. Naturellement, c'est au Conseil des gouverneurs de la BCE d'en décider (Interruptions sur les bancs du groupe communiste).

Dans ce contexte, ce serait une erreur que de compromettre la mobilisation de la politique monétaire par des choix budgétaires inadaptés. Si, comme certains nous le proposent, la dépense dérapait au niveau national, la baisse des taux serait ajournée au niveau européen. Entreprises et consommateurs se réfugieraient dans l'attentisme, par peur de nouvelles hausses d'impôts. Cette relance ferait long feu et nous en subirions durablement les conséquences, y compris sur l'emploi. Il nous faut donc confirmer nos objectifs de dépenses pour 2002 et récuser toute dégradation structurelle de nos finances publiques. J'ajoute que la décision de laisser jouer les stabilisateurs automatiques en recettes au cas où la reprise tarderait à se cristalliser témoigne que notre sérieux budgétaire n'est nullement une attitude étroitement comptable.

Le choix de conjuguer au mieux une politique monétaire réactive et une politique budgétaire durable est partagé par nos partenaires européens. Notre approche n'est donc pas exactement la même que celle adoptée par les Etats-Unis, et cela pour trois raisons : la dégradation de la situation économique est plus prononcée aux Etats-Unis ; la mobilisation de la politique monétaire y ayant été plus précoce et plus ample qu'en Europe, les marges en la matière y sont sans doute maintenant plus faibles ; enfin les baisses d'impôt ont elles aussi été plus précoces et plus importantes en France qu'aux Etats-Unis (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Au niveau européen toujours, le soutien à l'investissement devrait passer par une action ad hoc de la Banque Européenne d'Investissement. Celle-ci pourrait porter de 50 % à 75 % la part finançable des grands projets, par exemple dans les domaines des transports, du tourisme, de l'environnement ou des télécommunications. Cela permettrait de mobiliser environ 12 milliards d'euros, voire plus, en deux ans, dans l'Union Européenne. Une discussion à ce sujet est précisément en cours ces jours-ci, dans la perspective du Conseil européen de Gand.

Si l'incertitude majeure concerne actuellement l'investissement, son réveil passe aussi par une consolidation de la demande des ménages. Investissement et consommation se nourrissant mutuellement, il faut agir sur l'un et sur l'autre.

Afin de consolider la demande des ménages, il vous est proposé, outre les mesures évoquées plus haut, d'anticiper dès la fin 2001 une augmentation de la prime pour l'emploi. Grâce à une mobilisation exceptionnelle des services, cette opération pourrait être engagée d'ici la fin de l'année et versée en janvier. Cette mesure utile pour favoriser l'emploi et la consommation des ménages représentera, s'il s'agit d'une augmentation de 50 %, 600 millions d'euros, et d'1,2 milliard en cas de doublement.

M. François d'Aubert - Avant ou après les élections ?

M. le Ministre - La volonté du Gouvernement est de concilier soutien à l'activité et consolidation des finances publiques ; l'anticipation de la PPE qui, techniquement, figurera dans le collectif 2001, n'aura aucun effet sur l'évolution du déficit en 2002. Avant de fixer l'exacte augmentation retenue, le Gouvernement écoutera la représentation nationale, et particulièrement les parlementaires de la majorité.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances - On est pour !

M. le Ministre - Après examen des différentes pistes possibles, la meilleure solution pour conforter l'investissement des entreprises apparaît celle d'un amortissement exceptionnel et ciblé de 30 % des investissements pour les biens acquis entre le 17 octobre 2001, c'est-à-dire demain, et le 31 mars 2002. Cette mesure, qui ne constituera pas une dépense pérenne pour les finances publiques, évitera que trop d'entreprises ne décalent dans le temps leurs projets d'investissement et permettra de compenser en partie la prime de risque apparue depuis quelques semaines, et sera inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2001.

Elle sera complétée par un effort significatif pour soulager la trésorerie des entreprises. Depuis 1993, l'Etat a envers elles une dette née lors de la suppression du décalage d'un mois dans le remboursement de la TVA. Cette dette devait être remboursée progressivement jusqu'en 2007. Nous nous proposons d'effectuer, dès le début 2002 et par anticipation, son remboursement intégral, qui permettra d'injecter environ 1,2 milliard d'euros dans près de 15 000 entreprises, et prendra la forme d'un remboursement de dette, sans impact, donc, sur le solde d'exécution de la loi de finances.

Certaines PME ont depuis quelques semaines des relations plus difficiles avec les banques. Si le phénomène n'est pas généralisé, il freine cependant l'activité. Aussi voulons-nous renforcer l'effort public en faveur des PME, de la création d'entreprises et de l'innovation. Outre l'assouplissement déjà décidé pour le passage des petites entreprises aux 35 heures, plusieurs séries d'actions seront donc menées pour un montant total de 150 millions d'euros. La BDPME recevra une dotation en capital exceptionnelle, destinée à augmenter la capacité d'engagement des fonds de garantie gérés par Sofaris et à conforter l'action du Crédit d'équipement des PME. Certains secteurs innovants, les biotechnologies en particulier, se heurtent à des obstacles accrus pour financer leur activité ; nous avons donc décidé de créer, au sein de la BDPME, un fonds spécifique qui garantira leurs emprunts à long terme. Enfin, un fonds de co-investissement pour les jeunes entreprises technologiques sera constitué ; doté de 60 millions d'euros versés pour moitié par l'Etat et la Caisse des dépôts, il interviendra aux côtés des fonds d'amorçage ou des fonds de capital-risque, et à leur demande.

Cet ensemble de dispositions consolident l'investissement de façon significative.

Il nous faut également aider les secteurs touchés suite aux attentats du 11 septembre. Le transport aérien a subi un choc important, des compagnies déjà fragiles sont en situation difficile, et l'industrie aéronautique s'en ressent. Cette crise ne se compare pas à celle de 1991, mais il faut agir de façon coordonnée avec nos partenaires européens. Le Gouvernement, par la voix de M. Gayssot, a annoncé hier un plan de soutien de 300 millions d'euros. Pour rétablir la confiance, il faut rétablir la sécurité. De façon plus ponctuelle, 50 millions d'euros aideront les compagnies à affronter les conséquences financières de la fermeture du ciel américain après le 11 septembre, et nous prolongerons jusqu'à la fin de l'année le dispositif établi en septembre pour garantir les compagnies aériennes contre les risques de guerre et de terrorisme.

En ce qui concerne les assurances, on estime que les compagnies françaises pourraient être concernées par les sinistres à hauteur d'un milliard d'euros. Le choc est important, même s'il est contenu par rapport à celui de décembre 1999. Il faut éviter que les assureurs vendent des actions pour financer les indemnités. Afin de lisser l'impact sur leur bilan, la commission de contrôle des assurances examinera au cas par cas le niveau des provisions pour dépréciation durable pour en permettre l'étalement ; le champ de la provision d'égalisation qui couvre certains risques exceptionnels sera étendu au terrorisme et à la guerre. Enfin la franchise de la taxe sur les boni de liquidation sera relevée pour permettre de constituer des provisions suffisantes.

D'autre part, les ministères intéressés ont pris contact avec le secteur du tourisme pour analyser la situation et préciser les mesures possibles. M. le Premier ministre y reviendra après-demain.

Enfin, le secteur essentiel des télécommunications est actuellement en difficulté, avec des conséquences majeures pour les équipementiers, cette situation pesant fortement sur l'emploi. L'une des raisons - non pas la seule - est l'incertitude concernant le téléphone dit de troisième génération, l'UMTS. Afin de faciliter sa mise en _uvre et pour tenir compte des nouvelles données économiques et industrielles, le Gouvernement, sur la proposition de Christian Pierret et de moi-même, et dans le respect des prérogatives de l'ART, a décidé d'adopter le dispositif suivant :

La procédure pour les deux licences UMTS restantes devra s'ouvrir dans les délais les plus rapides. Le prix se composera d'une partie fixe, avec un «  ticket d'entrée » fixé à 619 M€ payable en 2002 pour les nouveaux entrants, et d'une partie variable assise sur le chiffre d'affaires généré par l'activité UMTS de chaque opérateur. La durée des licences sera portée de 15 à 20 ans. L'ART souhaitera sans doute réaffirmer la possibilité de mutualiser et de partager les infrastructures entre les opérateurs et maintenir l'exigence, essentielle, de couverture la plus large du territoire. Comme l'exigent le droit et l'équité, les mêmes conditions s'appliqueront aux licences déjà attribuées, qui ne seront pas remises en cause. Les dispositions nécessaires pour ces adaptations seront prévues dans la présente loi de finances.

Après un examen très attentif, ces conditions tiennent compte de façon raisonnable des reports techniques dans la mise en _uvre de cette technologie. Au total, la puissance publique devrait percevoir des sommes proches de celles initialement prévues, avec une séquence de paiement adaptée. Les moins-values de recettes pour le Fonds de réserve pour les retraites pourront être compensées par le versement de recettes de privatisation. L'ensemble du secteur des télécommunications devrait s'en trouver fortement relancé.

Pour investir dans ces différents secteurs, l'Etat procédera par des dotations en capital. Ce sont en effet nos entreprises publiques qui vont agir, qu'il s'agisse d'Aéroports de Paris, des aéroports de province ou de la BDPME. Le Fonds de réserve des retraites bénéficiera également de recettes d'ouverture du capital. Face à un passif de long terme clairement identifié, l'Etat a donc décidé d'affecter des éléments de son actif. Concernant les dépenses de fonctionnement - surtout les nouveaux moyens humains consacrés à la sécurité aéroportuaire - Jean-Claude Gayssot a annoncé hier une augmentation des taxes de sûreté.

Les ressources en capital nécessaires proviendront de l'ouverture du capital, à des investisseurs de long terme et au marché, des Autoroutes du Sud de la France, ASF. Cette opération ne nécessite pas de disposition législative. A l'issue de l'opération, l'Etat restera majoritaire dans la société. En étant coté, ASF, dont les personnels sont déjà régis par le droit privé, disposera sur les marchés financiers des moyens de se développer en France et à l'étranger, tout comme Cofiroute, société privée, a pu le faire.

Au total, ce plan de consolidation de la croissance comportera des effets concrets sur le revenu, sur la consommation et sur l'investissement. Il s'inscrit dans notre stratégie à moyen terme des finances publiques.

L'évolution de la dépense publique ainsi que le déficit de l'Etat resteront inchangés en 2002 par rapport au projet de budget. L'équilibre de moyen terme ne sera pas modifié.

Au-delà de ses effets mécaniques, il témoigne de l'engagement du Gouvernement à préserver notre potentiel de croissance.

Pour obtenir une croissance soutenue, les autorités publiques doivent jouer sur tous les leviers en leur pouvoir, indiquer clairement leurs choix, ne pas inquiéter à bon compte, ne pas rassurer à mauvais escient.

La bourrasque est réelle, l'incertitude, notamment extra-économique, est incontestable. Mais j'ai aussi essayé de montrer que notre économie dispose des ressources rendant possible le rebond. Notre rythme moyen de croissance, la maîtrise de l'inflation, la qualité de la gestion, le dynamisme de nos entreprises, nous placent dans le peloton de tête européen. Gardons à l'esprit ces réalités car notre action se développe désormais dans ce cadre.

Ce budget est le premier totalement présenté en euros. Cette révolution tranquille n'est pas indifférente à l'évolution de la situation économique. Dans 77 jours, plus de 300 millions d'Européens utiliseront la monnaie unique avec laquelle ils se seront familiarisés dès la mi-décembre grâce aux 53 millions de sachets de premiers euros. Cet événement marquera l'aboutissement d'un processus économique mais contient aussi la promesse d'une Europe plus forte et plus solidaire. Dans les événements dramatiques que nous connaissons, l'euro nous a protégés : sans lui, le franc aurait peut-être été attaqué, les taux d'intérêt auraient augmenté, les politiques monétaires au sein de l'Union auraient divergé, nos économies auraient été encore plus fragilisées. Je suis convaincu que l'euro continuera à jouer ce rôle de bouclier pour notre économie et notre pouvoir d'achat.

Alors, quel rôle pour la politique économique ? Si l'Etat ne peut pas tout, il doit faire tout ce qui est en son pouvoir afin de favoriser la croissance. Pour le gouvernement de Lionel Jospin, le consensus grandissant autour de cette idée que - « oui, la politique peut jouer un rôle utile » - représente un progrès. Et si certains ultra-libéraux d'hier manifestent désormais envers l'Etat le zèle des néophytes, nous acceptons avec bonhomie l'apport de ces nouveaux convertis (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Depuis 1997, notre politique économique a permis à notre pays de profiter mieux que d'autres de la bonne conjoncture internationale. Dans un contexte plus difficile, elle doit nous permettre d'engager le rebond pour les prochains trimestres.

Il n'y a jamais de certitude en économie. Les terroristes peuvent malheureusement tuer des vies, ils ne doivent pas pouvoir détruire nos économies et nos sociétés. Notre tâche ne peut pas être de prévoir à deux décimales près tout ce qui se passera dans 8 ou 15 mois. Ce serait en réalité le calcul sans la volonté, la prévision dans l'imprévoyance. Mais puisque telle est notre responsabilité, que les citoyens se tournent vers nous pour définir le sens - la signification et la direction - de l'action à mener, notre devoir est de répondre. La réponse que je viens de présenter est claire : c'est celle de l'activité, de la volonté, et de la solidarité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur certains bancs du groupe RCV)

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Nul n'en disconviendra, ce projet de loi de finances pour 2002 a été préparé dans un contexte moins « porteur » que les deux précédents.

Fallait-il pour autant réviser, voire remettre en cause, les principes essentiels de notre politique budgétaire depuis 1997 ? Nous ne le pensons pas.

Dès le débat d'orientation budgétaire de printemps, il n'était plus question pour les Etats-Unis de l' «atterrissage en douceur », pronostiqué depuis plusieurs années, sans rupture du cycle de croissance le plus long depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. C'est au second semestre de 2000 que la rupture s'est produite, le taux de croissance passa à 1,3 % au premier semestre et 0,2 % au second trimestre 2001 en rythme annualisé.

Aussi, avant le 11 septembre, l'économie américaine connaissait un ralentissement très prononcé : l'industrie se trouvait en récession depuis environ un an et la résistance de la consommation des ménages n'avait pu empêcher la dégradation du PIB.

Le resserrement de la politique monétaire engagé en 1999 a donné un coup de frein brutal à l'investissement, alors en fin de cycle. Cependant, la réaction vigoureuse de la Réserve fédérale - elle a abaissé les taux objectifs des fonds fédéraux de 350 points de base depuis décembre 2000 - ainsi que le programme de baisse des impôts devraient conduire à un raffermissement de l'activité d'ici à la fin de cette année.

Dans le reste du monde, l'économie japonaise est marquée, soit par la récession, soit par la stagnation selon les secteurs. Les pays émergents pâtissent fortement du ralentissement de l'économie américaine dont ils sont étroitement dépendants. En Extrême-Orient, il s'est amorcé au deuxième semestre 2000, et s'est accentué au premier trimestre de cette année, en raison de la spécialisation de ces pays dans le domaine de l'électronique marqué par un retournement de cycle accentué.

Qu'en est-il de la zone euro privée du moteur américain ?

Au tournant de l'hiver 2000-2001, l'inquiétude n'était pas de mise. Le président de la Banque centrale européenne déclarait ainsi en février dernier que dans la zone euro, « l'activité économique est essentiellement déterminée par des facteurs domestiques ». Aujourd'hui, si l'Europe est moins exposée aux vicissitudes de la conjoncture américaine que les pays émergents d'Asie, le Mexique ou le Canada, l'argument du relatif isolement de la zone euro ne tient plus.

Ceux qui voient dans 2002 la répétition de 1993 commettent une erreur d'analyse, car la création de l'euro met l'ensemble de la zone à l'abri des crises de change. En revanche, les fluctuations de la conjoncture américaine ont des effets sur les pays européens par différentes voies - transactions commerciales, taux de change, conséquences de la globalisation du système productif. Ainsi, après une année 1999 marquée par le ralentissement consécutif à la crise des pays émergents, la croissance a connu un fort rebond au cours de l'année 2000. Mais le décrochage a été sensible dès le deuxième semestre 2000 et le taux de croissance de la demande intérieure s'érode régulièrement depuis l'été 2000. Contrairement aux attentes formulées au début de l'année, la zone euro ne pourra vraisemblablement pas être, en 2002, un pôle de croissance suffisamment puissant pour entraîner l'économie mondiale.

Pourtant, il faut se garder de toute vision catastrophiste. La zone euro ne souffre pas comme les Etats-Unis de déséquilibres massifs. Par exemple, le déficit de la balance des paiements pour 2000 est dix fois plus faible que celui des Etats-Unis, facteur essentiel de la fragilité des échanges extérieurs américains. En outre, l'économie européenne n'a pas eu de capacités de production trop fortes pendant la période récente de croissance élevée. Enfin, l'endettement privé n'apparaît pas excessif.

Par ailleurs, certains éléments favorables à la demande interne n'ont pas encore produit tous leurs effets bénéfiques. Si le processus de désinflation a été retardé par l'impact des crises alimentaires sur les prix à la consommation et par une répercussion plus forte que prévu des augmentations des prix de l'énergie sur les autres secteurs, les résultats les plus récents suggèrent que la zone euro est désormais sur la voie de la désinflation. Celle-ci, outre le fait qu'elle donne des marges de man_uvre nouvelles à la BCE, va dynamiser la consommation privée grâce à l'amélioration du pouvoir d'achat. Le revenu disponible des ménages devrait également être soutenu par les allégements fiscaux décidés dans plusieurs Etats européens, dont la France.

Cependant l'emploi ne devrait pas progresser au même rythme que les années précédentes ; on ne peut pas dire encore si ce phénomène amputera le revenu global distribué aux ménages. En tout cas, les mesures complémentaires annoncées par le Gouvernement en matière d'emploi vont dans le bon sens. On ne sait pas davantage si le partage du revenu disponible entre l'épargne et la consommation va être affecté par les conséquences en chaîne des événements du 11 septembre. Comme vous le soulignez, Monsieur le ministre, nous devons affronter un « choc d'incertitude ».

Les aléas de la prévision sont donc importants. Les prévisionnistes se partagent entre pessimistes et sereins, et il serait vain de rechercher parmi eux une opinion moyenne.

L'hypothèse retenue par le Gouvernement d'un taux de croissance de 2,5 %, avec une variante de 2,25 %, est volontariste et raisonnée. Elle repose sur la conviction d'un rebond possible. La plupart des économistes estiment que 2002 sera meilleur que 2001, et nous partageons ce sentiment.

La direction de la prévision a établi un scénario dans lequel notre pays conserverait un écart de croissance favorable par rapport à la zone euro. Les tensions sur le marché du travail continueraient à accélérer les gains de pouvoir d'achat du salaire moyen. La croissance de l'emploi salarié atteindrait encore 1,7 % en 2002 et le pouvoir d'achat de la masse salariale augmenterait de 3,1 %. Les baisses d'impôt, plus importantes en France que chez nos partenaires augmenteraient le revenu disponible des ménages dont la consommation augmenterait de 2,7 %, tandis que les dépenses en capital des entreprises pourraient se raffermir compte tenu d'un taux d'utilisation des capacités de production élevé et de besoins toujours importants.

Certains jugeront ce scénario optimiste ; je le qualifierai de volontariste. Dès le 18 septembre dernier devant notre commission des finances, Monsieur le ministre, vous faisiez savoir que vous pourriez prendre des mesures supplémentaires. C'est ce que vous faites aujourd'hui à travers votre plan de consolidation de la croissance.

Je forme le v_u que les autorités monétaires prennent en compte le mouvement de désinflation qui gagne aujourd'hui en Europe et accompagnent d'une politique monétaire plus accommodante les initiatives prises sur le plan budgétaire, lesquelles restent dans le cadre de nos engagements européens. A l'opposition qui semble parfois considérer comme inéluctable la dégradation de notre situation, je me permettrai de rappeler ce propos du général de Gaulle : « Qui a la volonté trouvera le chemin ». C'est avec une sérénité qui n'exclut pas la vigilance que j'accueille le cadrage macro-économique de ce projet de loi de finances.

Le Gouvernement a décidé de reconduire la démarche qu'il a heureusement suivie jusqu'à présent : les dépenses du budget de l'Etat doivent être encadrées par une norme stricte de progression. Le taux d'augmentation retenu, s'il peut varier d'une année sur l'autre, doit néanmoins s'inscrire dans une perspective à moyen terme qui sert de guide à l'action publique. C'est donc dans le respect des engagements pris devant nos partenaires européens dans le programme pluriannuel de finances publiques 2002-2004 que le Gouvernement a fait son choix : les charges de l'Etat augmenteront de 0,5 % en volume, dans le respect du cadrage fixé par le Gouvernement dès le débat d'orientation budgétaire. En 2001, l'augmentation était de 0,3 %. Le poids des dépenses dans le PIB décroît depuis 1997 au rythme moyen de 0,37 point chaque année.

S'ajoute à cette maîtrise globale une politique active d'économies et de redéploiements. L'effort d'économie peut être évalué dans le présent projet de loi de finances à 7,17 milliards d'euros sur le budget général. Il est supérieur de 30 % aux économies effectuées dans la loi de finances initiale pour 2001.

Le c_ur des économies budgétaires réside dans la révision des services votés, dans un objectif d'efficacité des moyens alloués aux administrations publiques. Le principal budget concerné est celui de l'emploi, à hauteur de 498 millions d'euros. Cela ne signifie aucunement que l'emploi ne serait plus une priorité du Gouvernement, mais que certains crédits sont devenus moins nécessaires ou moins efficaces. C'est le cas, par exemple, des dispositifs de préretraite, la responsabilisation des entreprises se traduisant par l'augmentation de leur contribution. Ce rééquilibrage correspond d'ailleurs à un souhait de la mission d'évaluation et de contrôle. Cette rationalisation de la dépense n'ampute en rien les capacités de la politique de l'emploi, réorientées notamment au profit du programme emplois-jeunes. Ce projet de budget consolide les dispositifs en faveur de l'emploi des publics prioritaires : emplois-jeunes, bourse d'accès à l'emploi pour les jeunes les plus en difficulté, création de 30 000 contrats emploi-solidarité et de 20 000 stages d'insertion et de formation supplémentaires.

Par ailleurs, le Gouvernement a identifié des priorités : l'éducation nationale, l'environnement, la justice et la sécurité.

Les crédits de l'éducation ont augmenté de 19 % entre 1997 et 2002. Grâce à cet effort, le nombre d'élèves par classe a nettement diminué dans l'enseignement scolaire public, le taux d'encadrement s'est sensiblement amélioré dans l'enseignement supérieur et les moyens consacrés aux bourses ont fortement progressé.

Les moyens du ministère de l'environnement ont augmenté de 58 % entre 1997 et 2002, les crédits de la justice de 25 % et ceux de la sécurité de 18 %.

Si l'on raisonne de loi de finances initiale à loi de finances initiale, ce projet de budget se traduirait par une pause dans la réduction des déficits, sans que la poursuite de la baisse des prélèvements obligatoires en soit affectée.

Le solde général atteindrait 30,44 milliards d'euros soit une progression de près de 2 milliards d'euros. Mais cette pause dans la réduction du déficit ne signifie nullement la remise en cause de l'objectif de réduction des déficits publics.

D'ailleurs, compte tenu des mesures de soutien à la croissance qui auront un effet sur les comptes 2001, l'exercice 2002 se traduira, de fait, par une reprise du mouvement de réduction des déficits.

Replaçons donc cette augmentation dans la perspective du mouvement important de réduction du solde général observé ces dernières années. Ainsi, le solde général en exécution a été ramené de 45,03 milliards d'euros en 1996 à 29,15 milliards d'euros en 2000. En outre, si l'érosion prévue du solde général se répercute sur le solde primaire, ramené de 8,1 milliards d'euros en 2001 à 6,4 milliards d'euros, le solde primaire reste positif, ce qui contribue à la poursuite du mouvement de réduction de la dette publique. C'est la preuve que le pilotage des finances publiques est maîtrisé et qu'il résulte de choix raisonnés.

La dette publique passerait ainsi de 57,1 % du PIB à 56,3 %. Le besoin de financement des administrations publiques devrait, lui, se stabiliser au niveau de 1,4 % du PIB, comme l'an passé. Enfin, l'engagement du Gouvernement de diminuer les prélèvements obligatoires serait à nouveau tenu. Depuis 1999, les prélèvements obligatoires reculent. Après avoir atteint 45,6 % du PIB à cette date, ils devraient être ramenés à 44,5 % en 2002. Ils seront ainsi à un niveau inférieur à celui observé à partir de 1996, quand ils avaient connu un fort ressaut sous l'effet de l'augmentation très importante de la fiscalité, notamment indirecte, décidée par M. Juppé.

M. Pierre Méhaignerie - Pour réduire les déficits que vous aviez laissés !

M. le Rapporteur général - Pour réduire l'endettement catastrophique que M. Balladur avait laissé.

M. Georges Tron - Nous saurons vous rappeler votre gestion !

M. Pierre Méhaignerie - Le travail parlementaire suppose un minimum de rigueur ! Je vous rappelle que, fin 1993, le déficit de la sécurité sociale atteignait 480 milliards et qu'il a fallu les efforts de deux gouvernements successifs pour le ramener à 260 milliards. Voilà où les augmentations d'impôts décidées par M. Juppé trouvent leur origine !

M. le Rapporteur général - La rigueur devrait vous amener à reconnaître que je parlais, moi, du budget de l'Etat. Quant à la sécurité sociale, elle est désormais en léger excédent alors que vous nous aviez laissé un lourd déficit. Les chiffres sont aussi têtus que les faits...

Les mesures fiscales du projet ainsi que certains des amendements adoptés par la commission des finances contribuent à alléger la charge des impôts. Sans entrer dans le détail, je rappelle que les baisses d'impôts déjà décidées auront des effets positifs en 2002. Pour les ménages, il s'agit d'une nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu, pour un coût estimé, hors indexation, à 1,98 milliard d'euros, 74 % de la dépense fiscale bénéficiant aux deux premières tranches du barème.

Le doublement des taux servant au calcul de la prime pour l'emploi est prévu à l'article 3 du présent projet. D'une manière générale, l'attribution de la prime pour l'emploi a procuré en 2001 aux foyers modestes ayant des revenus d'activité, un gain total de pouvoir d'achat de 1,22 milliard d'euros. Le doublement proposé ainsi que l'actualisation devraient procurer un gain supplémentaire de 1,067 milliard d'euros.

Au total, la prime pour l'emploi devrait donc se traduire en 2002 par la redistribution aux revenus modestes de 2,26 milliards d'euros.

Les entreprises ne sont pas oubliées pour les allégements fiscaux. En bénéficieront en 2002 : la deuxième étape de la suppression de la contribution additionnelle de 10 % ; la poursuite de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle ; pour les petites entreprises, une nouvelle diminution du taux réduit de l'IS, ramené de 25 % à 15 %.

Le plan de consolidation de la croissance qui vient d'être annoncé prévoit lui-même à la fois une incitation à la consommation des ménages avec la mesure relative à la prime pour l'emploi et une incitation à l'investissement des entreprises avec un mécanisme d'amortissement exceptionnel.

S'agissant des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, ce projet traduit dans les faits plusieurs engagements du Gouvernement.

Tout d'abord, l'article 11 tire les conséquences de l'arrêt du Conseil d'Etat « commune de Pantin » et accorde aux collectivités locales une somme forfaitaire de 2 milliards de francs, au titre de la compensation des pertes de DCTP subies du fait de l'absence de prise en compte des rôles supplémentaires. Cette mesure était très attendue et le dispositif apparaît équilibré.

Il est prévu ensuite de reconduire pour un an le contrat de croissance et de solidarité entre l'Etat et les collectivités locales, appliqué de 1999 à 2001. La fraction du taux de croissance du PBI retenue pour l'indexation de l'enveloppe normée sera de 33 %. Certes, de nombreux commissaires auraient souhaité un effort supplémentaire, néanmoins le dispositif marque un progrès notable par rapport au pacte de stabilité appliqué de 1996 à 1998. L'indexation sur la croissance aura permis un gain de 6,7 milliards de francs en trois ans, par rapport à ce que M. Juppé destinait aux collectivités locales.

La reconduction du contrat implique également la poursuite de l'utilisation de la DCTP comme variable d'ajustement de l'enveloppe normée. Du fait de la forte progression de la DGF, la DCTP diminue encore, mais de 2,4 % seulement, voire de 1,2 %, pour les collectivités défavorisées.

Dans ces conditions, votre commission propose de reconduire le mécanisme assurant à ces collectivités défavorisées une compensation intégrale des pertes subies en 1999, 2000 et 2001.

Cette mesure est également justifiée par les difficultés du FNPTP, qui assure cette compensation, et dont les ressources en provenance de la fiscalité locale de La Poste et de France Télécom sont en diminution sensible.

Les problèmes du FNPTP ont aussi conduit votre commission des finances à reconduire l'abondement de 150 millions de francs du FNP, qui est alimenté par le solde du FNPTP.

Ces deux amendements illustrent la nécessité de la réforme annoncée par le Gouvernement, et qui doit faire l'objet d'un rapport à la fin de l'année. Elle a déjà été partiellement engagée avec les suppressions de la part salariale de la taxe professionnelle, de la part régionale de la taxe d'habitation et de la vignette pour les personnes physiques.

La commission des finances vous propose enfin plusieurs mesures allant dans le sens de la justice fiscale ou de la simplification administrative.

Il s'agit en premier lieu à l'initiative du président Emmanuelli, d'étendre l'exonération fiscale prévue en faveur des chèques-vacances, au titre de l'impôt sur le revenu, aux aides-vacances versées sous cette forme par les comités d'entreprise et les organismes sociaux, dans la même limite d'un SMIC mensuel et sous les mêmes conditions de revenu.

M. Michel Bouvard - Voilà deux ans que je dis que le plafond est trop élevé !

M. le Rapporteur général - La commission suggère également de rendre applicable de plein droit le régime d'imposition simplifié des revenus fonciers pour tous les contribuables dont le montant brut des loyers n'excède pas 15 000 €.

A l'article 5, la commission a par ailleurs adopté un amendement qui porte de 50 à 60 % le taux de l'abattement sur les revenus fonciers des propriétaires qui s'engagent à louer leurs biens à des personnes aux revenus modestes, dans le respect des plafonds de loyer. Cela devrait maintenir l'attractivité de ce nouveau dispositif de soutien au logement locatif, par rapport au régime du micro-foncier.

La commission entend aussi élargir le champ de l'exonération de la vignette automobile. Seraient concernés les véhicules utilitaires de 3,5 tonnes -au lieu de 2 - possédés par les personnes physiques. Pour leur part, les entreprises auraient droit à une franchise de vignette pour cinq véhicules.

La commission a également adopté un amendement qui étend le bénéfice de l'exonération de la redevance audiovisuelle à toutes les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans qui ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu, soit une économie de 762 F, qui devrait concerner 500 000 personnes. Cela permettra de revenir, au moins partiellement, sur le durcissement des conditions d'exonération décidé en décembre 1993 et en décembre 1996 par la précédente majorité.

La commission a ensuite accepté un amendement qui relève de 250 000 F à 60 000 € le plafond des recettes issues des activités lucratives accessoires encaissées par un organisme sans but lucratif. De nombreuses associations qui en étaient jusqu'alors exclues bénéficieront ainsi de la franchise d'impôts commerciaux.

La commission a également accepté un amendement qui relève le plafond ouvrant droit au dépôt, par les petites entreprises soumises au régime réel de la TVA, de déclarations trimestrielles et non plus mensuelles. Cela procurera un gain de trésorerie important aux très petites entreprises.

Ce projet de loi de finances est volontariste, sérieux, réaliste. Devant l'adversité et les menaces, il faut garder le cap, poursuivre dans la voie d'une croissance soutenue et solidaire, de la réduction du chômage et des inégalités.

Il est de bon ton d'être pessimiste quand les vents sont contraires. Eh bien non, toutes les idées noires ne sont pas bonnes à prendre. Le Gouvernement peut compter sur l'appui de sa majorité pour approuver le budget pour 2002, cohérent avec la stratégie qu'ils ont arrêtée en commun. C'est ce que vous propose la commission des finances, sous réserve des amendements qu'elle a adoptés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Gilles Carrez - « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat. Leur sincérité s'apprécie en fonction des informations disponibles lors de leur élaboration et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler », voilà ce que l'on peut lire à l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001, laquelle a remplacé l'ordonnance du 2 janvier 1959. Ce principe de sincérité résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel mais cette loi a été l'aboutissement d'un long effort auquel nous avons tous contribué, en premier lieu le ministre de l'économie et des finances qui, président de l'Assemblée nationale, a mis en place en 1998 une commission préludant à la réforme de l'ordonnance de 1959, et le rapporteur général du budget qui a su mener à bon port une réforme qui jusqu'alors avait toujours échoué.

Hélas, le budget pour 2002 n'est pas sincère, et à un degré que nous n'avions pas connu depuis le budget pour 1993 de sinistre mémoire.

M. le Rapporteur général - C'est ce que vous avez dit ces quatre dernières années !

M. Gilles Carrez - Vous semblez oublier, Monsieur le rapporteur général, votre rôle de contrôle du Gouvernement auquel vous vous montriez si attaché ces derniers mois !

M. le Rapporteur général - L'imparfait n'est pas de mise. J'y suis toujours aussi attaché.

M. Gilles Carrez - A l'évidence, les recettes sont surestimées de 50 milliards de francs et les dépenses sous-estimées de 10 milliards dans le budget pour 2002. Le déficit budgétaire prévisible sera non pas de 200 milliards de francs, comme vous le dites, mais bien de 260 milliards, c'est-à-dire égal à celui de 1997. Voilà la triste réalité que vous cherchez à dissimuler : une législature pour rien ! Retour à la case départ, et ce malgré trois années de forte croissance, engloutie par de nouvelles dépenses.

La France est vulnérable, condamnée à creuser ses déficits. Le Gouvernement est dans l'incapacité de convaincre ses partenaires européens, tant son crédit est atteint dans le domaine des finances publiques. Triste bilan !

La croissance a commencé à ralentir en France dès la fin 2000. A cette époque déjà, nous vous avions mis en garde contre le caractère optimiste de votre prévision de croissance de 3,3 % pour 2001. Dès le début 2001, les signes d'essoufflement se sont multipliés : diminution des projets d'investissement, ralentissement de la consommation, passée d'un rythme de 1,5 % au premier trimestre à 0,2 % au second, baisse de 6 % des exportations en avril 2001. Ce n'est toutefois qu'au printemps que vous avez reconnu les effets probables de la stagnation américaine et admis que la croissance serait plus proche en 2001 de 2,7 % que des 3,3 % prévus. Vous avez enfin élaboré le budget pour 2002 à partir d'une prévision rectifiée à 2,5 %, et dès juillet, Mme Parly annonce qu'il risque de manquer 25 milliards de recettes fiscales. Tout cela montre combien vous étiez conscient de l'évolution de la conjoncture internationale et nationale, et que vous avez délibérément sous-estimé ces données. Le véritable volontarisme économique s'appuie pourtant sur la vérité et non sur l'approximation.

Dans un tel contexte, les événements tragiques et imprévisibles du 11 septembre ne devraient qu'accélérer les indispensables remises en question. Mais pour vous, seul le vocabulaire change : le « patriotisme économique » remplace le « volontarisme » et doit voler au secours de vos prévisions budgétaires.

Les recettes fiscales sont surestimées de 40 à 50 milliards de francs, si l'on se fonde sur vos propres hypothèses. D'abord, la base 2001 est surévaluée d'environ 15 milliards car la croissance ne sera cette année que de 2 % au maximum et non pas 2,5 %. Ensuite, 30 milliards manqueront en 2002 car la croissance 2002 ne sera pas de 2,5 %, mais plutôt de 1,5 % à 2 %. Je tiens à votre disposition les différentes évaluations par catégorie d'impôts, sur la base des taux d'élasticité à la croissance que vous avez vous-même retenus. Je vous renvoie également aux études de l'OFCE par exemple, laquelle estime à 35 milliards de francs la perte de recettes fiscales nettes induite par une baisse d'un point de la croissance.

L'ardeur avec laquelle vous sollicitez en 2002 les recettes non fiscales - plus 40 milliards de francs par rapport à 2001 - démontre le peu de confiance que vous accordez à vos prévisions de recettes fiscales. Vous raclez les fonds de tiroirs, n'hésitant pas à mettre à contribution tous les organismes para-publics non plus qu'à renier la parole de l'Etat. A quoi sert de signer un contrat de plan avec EDF-GDF si l'entreprise doit être ponctionnée à la première occasion ? Pouvez-vous d'ailleurs garantir que le tribut exigé par l'Etat ne provoquera pas des hausses de tarifs ? N'est-ce pas au moment où les exportations s'effondrent que la COFACE a besoin des réserves qu'elle a su, elle, constituer pendant les années fastes ? Peut-on d'un côté se plaindre de l'insuffisance de la construction de logements sociaux et, de l'autre, piller littéralement le produit du 1 % ?

M. Jean-Pierre Brard - Il faudra regarder ce point de plus près.

M. Gilles Carrez - N'est-il pas hypocrite de se targuer de vouloir baisser les impôts et de ponctionner la CADES plutôt que de réduire la CRDS désormais excessive ?

40 milliards de francs de fonds de tiroir supplémentaires pour financer en 2002 40 milliards de francs de baisse d'impôts. Vous venez d'inventer le concept de « baisse non durable de l'impôt » !

Toute baisse durable de l'impôt exige d'être gagée par une baisse de la dépense. Or, depuis 1997, les dépenses de l'Etat, sans même parler de la dépense sociale, n'ont pas été tenues. Sur 450 milliards de francs de recettes d'Etat supplémentaires, 250 ont été affectés à la dépense, 120 aux baisses d'impôts et 80 auraient dû financer la réduction du déficit, mais, comme on vient de le voir, il n'en sera rien en raison des prévisions artificielles de 2002. Quel contraste avec la période 1993-1997, surtout si l'on intègre les comptes sociaux ! Au printemps 1993, les déficits publics représentaient 6,4 % du PIB. Au printemps 1997, ils n'étaient plus que de 3,5 %. Sur ce rythme, les comptes de la France auraient dû être à l'équilibre en 2002, sans même tenir compte de la croissance, beaucoup plus favorable de 1997 à 2001 que de 1993 à 1997.

Il aura fallu attendre la fin de la législature pour que le parti socialiste reconnaisse enfin le bien-fondé des baisses d'impôts, aujourd'hui si nécessaires pour alimenter le pouvoir d'achat des ménages et soutenir la consommation. Toute mesure de relance, comme la majoration de la prime pour l'emploi se traduira, aujourd'hui par un creusement des déficits puisque même les baisses d'impôts de 2002, votées en 2001, ne sont pas financées.

450 milliards de recettes supplémentaires de 1997 à 2002, 120 milliards de baisses d'impôts consenties sur les années 2000, 2001 et 2002, avouez que les Français n'auront guère profité des fruits de la croissance, accaparés par la sphère publique !

60 milliards sont dépensés chaque année pour les 35 heures, ce qui dépouille le budget d'une partie de ses recettes. Et ce n'est pas fini puisqu'il faut en 2002 faire encore davantage appel à la taxe sur les conventions d'assurance. Comme l'équilibre du FOREC - qui, au demeurant, n'a toujours pas d'existence juridique - n'est pas assuré, ne nous faisons pas d'illusion : après le coup de force sur la sécurité sociale en 2000, c'est le budget de l'Etat qui viendra à la rescousse du FOREC en 2001 et en 2002. Sans les 35 heures, la TVA aurait pu être réduite de près de deux points, ou l'impôt sur le revenu de près de 20 %. Le pouvoir d'achat de nos compatriotes qui stagne depuis 1997 en aurait été amélioré.

Comme l'a montré la Cour des comptes, les prévisions de dépenses n'ont pas été respectées à partir de 1998. Ces dérapages résultent de l'incapacité du Gouvernement à conduire la nécessaire réforme de l'Etat. Echec à l'Education nationale : changement de ministre ; échec à Bercy : changement de ministre. Le budget pour 2002 illustre le retour aux sources socialistes de la réforme de l'Etat, à savoir embaucher toujours plus de fonctionnaires.

16 000 emplois nouveaux, 11 000 titularisations, y compris à Bercy. L'intérêt public et le courage politique commanderaient plutôt de créer par redéploiement les postes nécessaires dans les domaines de la sécurité, de la justice ou de l'enseignement supérieur.

Quant au nombre de fonctionnaires, la France va encore accroître son avance sur tous ses partenaires européens. Comment baisserait-on durablement les impôts quand la fonction publique absorbe 43 % du budget de l'Etat ?

16 000 emplois nouveaux et 11 000 consolidations d'emplois contractuels, cela coûtera 300 milliards de francs, sachant qu'un fonctionnaire coûte en moyenne 12 millions sur 50 ans.

M. Gilbert Mitterrand - Est-ce que ça sert à quelque chose ?

M. Gilles Carrez - Sans doute, mais il faut les employer à bon escient. Depuis 1998, l'Etat a aussi alourdi ses charges de 80 milliards en prenant à son compte une partie de la fiscalité locale. Voilà bien la conception socialiste des baisses d'impôts : ce que le contribuable local paie en moins, le contribuable national le paie en plus.

Dans ces conditions, si l'on cumule impôts d'Etat, prélèvements locaux et sociaux, il n'est pas étonnant que les prélèvements obligatoires aient battu des records pendant la législature - 45,7 % en 1999 ! La décrue reste très lente, et fin 2001, on sera sans doute au même niveau que fin 1997.

L'absence de maîtrise de la dépense publique de fonctionnement sera aggravée, cette année encore, par la sous-estimation de certaines charges. Où figurent les crédits des 30 000 CES supplémentaires ? Où sont les crédits de relance de la politique de la ville ? Avez-vous provisionné l'augmentation de 1 % des traitements des fonctionnaires ? Et les milliards de M. Gayssot pour le transport aérien ?

La multiplication des promesses préélectorales non financées a pour effet mécanique de creuser le déficit et de transférer les charges sur les générations futures : vous continuez de sacrifier l'avenir au présent. L'investissement civil continue de régresser, en dessous des 80 milliards de francs ; la construction et l'entretien de nos routes, de nos universités, de nos hôpitaux représentent aujourd'hui moins que le coût des 35 heures.

Quant à l'investissement militaire, à peine supérieur à 80 milliards de francs, il est loin des engagements envisagés pour la prochaine loi de programmation militaire. Comment rattrapera-t-on les retards accumulés, alors que dans un monde plus incertain et plus menaçant, la nécessité de la dépense militaire s'impose ?

L'accumulation des déficits diffère la mise en _uvre de la réforme des retraites, dont le fonds de réserve n'est toujours pas véritablement doté, tant se creuse l'écart entre vos prévisions mirifiques et la maigre réalité des crédits transférés.

La dette publique n'en finit plus d'augmenter : 4 855 milliards de francs en 1997, 5 500 milliards de francs fin 2001, car le déficit budgétaire approchera les 200 milliards de francs en 2001. Le plafond des 60 % du PIB sera en vue.

M. le Rapporteur général - Pas du tout !

M. le Ministre - C'est le contraire !

M. Gilles Carrez - Il y a eu une baisse en pourcentage, mais non en valeur absolue.

M. le Rapporteur général - Et dire qu'il a fait l'ENA !

M. Gilles Carrez - Depuis plusieurs mois, le chômage est reparti à la hausse. La forte baisse du rythme des créations d'emplois n'augure rien de bon pour les mois à venir. Le Gouvernement cherche à soutenir la consommation mais il faudrait agir aussi sur l'offre économique. Ce n'était pas la peine de faire tant de tapage en confiant un rapport à M. Charzat sur la situation concurrentielle de la France : vous n'avez obtenu aucune des mesures que ce rapport préconise, qu'il s'agisse de la fiscalité des « impatriés », ou de celle des services financiers. Notre compétitivité se dégrade, au détriment de l'emploi.

M. Jean-Pierre Brard - Le plafonnement du plafond de l'ISF, c'est Juppé !

M. Gilles Carrez - Il a un grand sens de la générosité (Rires).

Le projet de loi de modernisation sociale ne peut, dans le contexte nouveau, que ralentir encore la création d'emplois. Vous en étiez déjà conscient il y a un an, quand l'embellie économique semblait durable. Aujourd'hui, vous êtes impuissant à desserrer un carcan que justifie seul le tribut idéologique qu'exigent vos partenaires de la gauche plurielle. Résultat, les entreprises auront encore plus de difficulté à s'adapter au retournement de conjoncture, ce qui se paiera à moyen terme par la disparition ou la non-création de plusieurs dizaines de milliers d'emplois. Ce n'est pas la suppression partielle de la surtaxe de l'IS, déjà votée l'an dernier, qui aura le moindre effet incitatif sur l'investissement des entreprises, source des plus grandes inquiétudes.

Quant aux 35 heures, elles ont épuisé leurs effets sur l'emploi - à quel prix ! - dans les entreprises grandes et moyennes. Leur généralisation aux petites entreprises devient, dans la nouvelle donne économique, une aberration qui va jouer contre l'emploi. Le volontarisme économique, dont vous vous faites l'apôtre, exigerait qu'on en diffère l'application.

En réalité, vous êtes un ministre de l'économie et des finances « manchot », à qui reste seule la main qui distribue des subsides et creuse les déficits. Le bras de l'incitation à produire, le bras qui devrait libérer, ce bras-là vous est coupé par le sectarisme et l'aveuglement de vos alliés. On a connu au début de la législature un ministre des finances mieux inspiré. Vos explications embarrassées de tout à l'heure dissimulaient mal votre impuissance à rendre confiance aux entreprises, en dépit de l'amortissement exceptionnel annoncé.

Quant à l'augmentation de la prime pour l'emploi, elle ressemble davantage à une mesure préélectorale qu'à une véritable relance de la demande. Vous utilisez à des fins conjoncturelles une mesure de caractère structurel. Et si vous pensez que la consommation va s'essouffler, pourquoi exclure de cette relance la plus grande partie des Français, à commencer par les chômeurs et les retraités ?

M. Jean-Pierre Brard - Ils ne votent pas ?

M. Gilles Carrez - Enfin pourquoi décider par avance d'agir au début de 2002 ? Est-ce la certitude que la consommation sera en difficulté à ce moment précis ? Ou la certitude qu'il y aura des élections au printemps ?

M. Jean-Pierre Brard - L'un n'empêche pas l'autre (Rires).

M. Gilles Carrez - Quand, au printemps 2000, vous avez pris Bercy en charge, la croissance dépassait 3 %. Or, depuis 25 ans, la France n'avait atteint ce taux que trois ou quatre fois - dont 1998 et 1999. Il fallait donc engager des réformes structurelles et se prémunir contre des lendemains difficiles.

Il est vrai que le collectif 2000 comportait des baisses d'impôts, mais faute d'avoir voulu contenir les dépenses, l'effort de réduction du déficit a été minuscule. A présent les jours ingrats sont de retour, et vous n'avez aucune marge de man_uvre, faute d'avoir constitué des réserves. Quel contraste avec les Etats-Unis, qui réinjectent dans l'économie les excédents des années de croissance !

Vous avez intitulé l'avant-propos de votre rapport économique social et financier pour 2002 : « surmonter les vents contraires ». Mais la fable de la Fontaine nous raconte que « quand la bise fut venue » la cigale alla trouver « la fourmi sa voisine ». C'est ce que vous cherchez à faire auprès de nos voisins européens, en réclamant une relance coordonnée à l'échelle de l'Europe. Mais je crains que nos voisins, qui ont fait des efforts et constitué des réserves ne veuillent pas partager avec une cigale.

Le volontarisme économique ne doit ni déboucher sur l'irréalisme, ni justifier le retour du tout Etat. Personne ne nie l'utilité de l'intervention publique, pour réguler les mécanismes de marché ou faire jouer les stabilisateurs économiques. Mais en oubliant les entreprises, pire en les déstabilisant, vous privez la politique de relance d'une partie de son efficacité. En durcissant encore leurs contraintes, vous amoindrissez leurs facultés de réaction et de création.

Ce contre-sens sur le rôle de l'Etat dans une économie de marché est mis en lumière par le parallèle avec la politique actuelle des Etats-Unis. Face aux événements du 11 septembre, l'Etat fédéral n'hésite pas à subventionner les entreprises de transport aérien. Mais son intervention est ciblée, temporaire. Elle tire parti des excédents constitués pendant la croissance - aux antipodes de la loi française de modernisation sociale qui cherche à casser le thermomètre de la montée du chômage.

Vous escomptez une baisse des taux pour soutenir une croissance faiblissante, mais le creusement des déficits risque fort de les faire remonter malgré l'euro. Vous espérez une croissance plus riche en emplois dans le secteur marchand, mais vous multipliez les contraintes et les charges que les gouvernements Balladur et Juppé avaient su réduire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Ministre - C'est une rigolade absolue !

M. Gilles Carrez - Au fond, votre conception reste celle d'une économie de marché subie plus que désirée, et régentée par un Etat tutélaire qui demeure omniprésent. Les Français ne sont pas dupes de votre impuissance : le volontarisme reste verbal dans le meilleur des cas, et accélère, au pire, les délocalisations. Votre soutien récent à la taxe Tobin relève de la gesticulation : même étendue à l'Europe, elle n'aurait aucun sens.

La part des dotations et compensations versées aux collectivités locales constitue désormais le second poste du budget, juste derrière l'éducation. Si les négociations ne peuvent être que difficiles en période de tension budgétaire, il faut reconnaître que les collectivités sont convenablement traitées en 2002 (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), à quelques réserves près. La progression de 4 % de la DGF n'est que la stricte application de la loi...

M. le Rapporteur général - De la loi que nous avons fait voter !

M. Gilles Carrez - ...le taux de croissance retenu pour 2001 est surestimé, ce qui pourrait bien provoquer, en 2003, une régularisation négative. La consolidation de la part intercommunale de la DGF est une bonne mesure, mais pourquoi ne pas l'avoir étendue aux majorations de DSU et de DSR ? Je ne suis pas sûr que reporter les difficultés sur 2003 soit une bonne méthode de gouvernement...

Si je prends acte de votre effort pour régler le vieux contentieux sur les rôles supplémentaires de la DTCP et de la REI, la somme globale proposée paraît quelque peu insuffisante. Quant au contrat de croissance et de solidarité, il reste indexé sur le tiers de la croissance, quand les élus locaux demandent que ce soit au moins la moitié ; le rapport économique, social et financier reconnaît au demeurant que les collectivités réalisent les trois quarts de l'investissement public civil et assument une très large part des emplois aidés. Enfin, il s'en faut de 4 à 5 milliards que les charges supplémentaires supportées par les départements au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie soient compensées.

M. Michel Bouvard - C'est vrai !

M. Gilles Carrez - Je ne reviendrai pas sur le débat de constitutionnalité relatif au remplacement des impôts locaux par des dotations d'Etat, mais j'appelle votre attention sur la rigidité considérable que cette évolution introduit dans le budget de l'Etat : les dépenses de personnel, la charge de la dette et les concours aux collectivités locales en représentent désormais plus des trois quarts, de sorte qu'il n'y a plus guère de marge de man_uvre en période de ralentissement de la conjoncture.

Je m'interroge également sur l'honnêteté du traitement comptable de ces dotations, et j'en prendrai deux exemples. Bercy met en avant une progression de 8 % des concours aux collectivités locales en 2002, ce qui peut paraître d'une générosité excessive à qui ignore que ce chiffre inclut l'avant-dernière tranche annuelle de la réforme de la taxe professionnelle (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR). Quant aux comparaisons de la progression annuelle des dépenses, elles omettent une partie desdites dotations, qui sont opérées sous forme de prélèvements sur recettes, minorant ainsi le dérapage des dépenses de l'Etat. Si l'on ajoute à cela le financement des 35 heures, ce sont quelque 120 milliards de francs qui passent à la trappe !

Je dirai quelques mots, avant de conclure, des mesures relatives à l'environnement. L'extension de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie est abandonnée ; c'est le seul point sur lequel vous ayez obtenu gain de cause pour limiter la déstabilisation des entreprises par la majorité plurielle. La hausse de la taxation du gazole reste bloquée, et les quelques « sucettes » fiscales en faveur des véhicules propres sont sans grande conséquence.

M. Jean-Pierre Brard - Sont-elles bonnes ou non ?

M. Gilles Carrez - Oui, mais anecdotiques !

M. Jean-Pierre Brard - Pas pour la santé de nos enfants !

M. Gilles Carrez - De cet examen général ressortent deux conclusions. La première, c'est le manque d'imagination des auteurs du projet : les mesures fiscales ont été, pour la plupart, décidées l'an dernier, et les dépenses suivent la pente de la facilité, sans la moindre ambition de réformer l'Etat. La seconde, c'est le caractère irréaliste, pour ne pas dire l'insincérité des comptes.

Le Conseil constitutionnel, en examinant l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001, a caractérisé la sincérité par « l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par les lois de finances ». Le plan comptable général la définit, quant à lui, comme « l'application de bonne foi des règles et des procédures, en fonction de la connaissance que les responsables doivent avoir de la réalité ». Si nous pouvons admettre que vous ayez péché par excès d'optimisme ou de volontarisme pendant l'été et jusqu'au 11 septembre, nous constatons aujourd'hui que vous refusez de « tenir compte des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Le principe de sincérité des comptes est à l'évidence trahi. Aussi vous demandons-nous, soit de présenter une lettre budgétaire rectificative, soit d'user du droit d'amendement que vous reconnaît le Conseil constitutionnel même si son exercice emporte « une augmentation substantielle des ressources et des charges initialement prévues » : on aura reconnu la décision rendue par le Conseil sur le collectif qu'a dû élaborer le gouvernement Balladur au printemps 1993 devant l'étendue du désastre que lui avait légué le gouvernement socialiste - 340 milliards de déficit au lieu des 170 prévus !

En attendant ces rectifications fort éventuelles, je propose à l'Assemblée, étant donné que rarement exception d'irrecevabilité aura été aussi justifiée, de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Rapporteur général - Je n'ai entendu aucun motif d'inconstitutionnalité !

M. Philippe Auberger - J'ajouterai simplement, au propos éloquent de mon excellent collègue Carrez, la contradiction que j'ai relevée dans le discours du ministre : s'il est vraiment impossible d'évaluer les effets des attentats du 11 septembre sur notre économie, quelle est la justification des diverses mesurettes nouvelles qu'il nous a présentées ? Le fait même de modifier un projet de budget un mois seulement après son dépôt n'est-il pas la preuve que celui-ci avait été mal préparé ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Il est pour le moins choquant, de surcroît, qu'aucune conséquence n'ait été tirée du dérapage manifeste, constaté, des recettes de 2001, et que le programme triennal des finances publiques ne figure pas dans le rapport économique et financier, contrairement à ce que prévoit l'article 50 de la loi organique du 1er août 2001.

Vous en appelez à la Banque centrale européenne, pour qu'elle diminue les taux d'intérêt, mais vous n'êtes pas capable de lui présenter des prévisions fiables.

Le groupe RPR votera l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Ministre - Je répondrai quelques mots à toutes ces amabilités.

Monsieur Carrez, la nostalgie ne fait pas une politique. Vous avez parlé longtemps, c'est votre droit. Mais j'ai relevé une seule phrase juste : « Les collectivités locales reçoivent des dotations importantes ». C'est vrai, mais c'est court.

Pour le reste, vous parlez d'un budget insincère. Evidemment non. J'ai reconnu que l'incertitude est réelle. Mais - voilà quelque chose avec quoi il faudrait vous familiariser - cela n'empêche pas de prendre des décisions.

Vous êtes opposé à la PPE, c'est votre droit.

M. Gilles Carrez - Je n'ai pas dit cela.

M. le Ministre - Mais alors, il faut le dire !

Quant à vos propos sur les fonctionnaires, ils m'ont rappelé « la mauvaise graisse » ( « Eh oui » sur les bancs du groupe socialiste).

Selon vous, il y a trop de dépenses. Mais alors, dites-nous où vous voulez tailler. Vous voulez dépenser moins, mais pour les armées, la justice, la police, c'est un peu plus... Vous donnez de grandes leçons du haut de la tribune. Sans en donner, je suggère un peu plus de modestie et de cohérence.

De même, vous dénoncez le coût des 35 heures. C'est votre droit. Mais dites-le, si vous voulez les supprimer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) De temps en temps, lorsqu'on est élu du peuple, il faut être sérieux.

Vous parlez aussi des entreprises avec beaucoup d'éloquence. Mais je me souviens qu'un de vos responsables jugeait que Thomson Multimedia ne valait même pas un franc, et qu'il fallait la vendre à Daewoo. Mais où en est Daewoo aujourd'hui, et où en est Thomson Multimedia ? C'était faire injure et à l'encadrement et aux salariés. Aussi, avant de critiquer notre attitude à l'égard des entreprises, balayez un peu devant votre porte.

Puisque vous avez également parlé des impôts, voici une statistique qui vous intéressera, ainsi que vos électeurs du Val-de-Marne. Grâce à cette mauvaise politique fiscale que vous dénoncez, en 2000 et 2001 la suppression de la vignette leur a rapporté 165 millions, la PPE - mais vous ne vous intéressez peut-être pas à ce type de gens, je ne suis pas sûr qu'ils votent pour vous - 121 millions, la diminution de TVA 810 millions, le plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu 422 millions et la suppression de la part régionale de cette taxe 116 millions, soit au total, 1 634 millions grâce à des mesures que vous n'avez pas votées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Auberger a ajouté quelques propos trop subtils pour moi. Nous n'aurions pas prévu exactement ce qui s'est passé le 11 septembre. Nous n'avions pas prévu ces attentats, je le confesse. Mais quand il en conclut que nous ne devrions pas un mois plus tard soutenir la croissance parce que c'est contradictoire avec le projet de budget, les bras m'en tombent ! Il est vrai que vous me dites manchot...

Vos regrets portent enfin sur les réformes de l'Etat. N'avez-vous pas entendu parler de celle des marchés publics, et de celle de la procédure budgétaire, jugée la plus importante depuis des décennies ? C'était la trente-huitième tentative.

M. Michel Bouvard - C'était un travail collectif, personne ne peut le revendiquer.

M. le Ministre - Eh bien, revendiquons-le ensemble, mais ensuite ne dites pas que rien n'a été fait pour la réforme de l'Etat.

Sur un plan général, Monsieur Carrez, vous avez le droit d'être contre ce budget, mais vu le bilan qui est le vôtre, restez donc mesuré. Il faut être pragmatique, certes, mais dans la situation actuelle, il faut, avec modestie, indiquer une direction, ne pas pratiquer la méthode Coué mais marquer une volonté.

Tout n'est pas réglé bien sûr. Mais ce que je regrette surtout, c'est que, lorsque vous mentionniez quelque chose qui fonctionne bien en France, vous sembliez un peu marri. En revanche, vous signaliez les difficultés avec gourmandise. Ce plaisir que vous trouviez devant les difficultés des Français, nous ne le partageons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Mme la Présidente - Nous poursuivons les explications de vote.

M. Marc Laffineur - M. Carrez a fort bien montré pourquoi ce projet de budget est irrecevable et j'y reviendrai. Le groupe DL votera cette motion.

M. Pierre Méhaignerie - Comme tout homme politique, Monsieur le ministre, vous aimez les amabilités. Commençons donc par là. Si, dans vos interviews à la presse vous tenez des propos parfois justes, il n'en va pas de même devant la représentation nationale. Ce projet de budget n'est pas sincère, je vais en donner quatre exemples.

D'abord, vous annoncez une croissance de 0,5 % des dépenses publiques. Mais en raison du volume des transferts sur la Sécurité sociale, les députés ne peuvent pas s'y reconnaître vraiment.

Ensuite, comme l'a dit M. Carrez, le rendez-vous de juin 2002 risque bien de ressembler à celui de 1993 ou de 1995, c'est-à-dire que nous pouvons nous retrouver avec un déficit de 60 à 80 milliards en plus.

Vous parlez aussi de gestion publique rénovée. Mais tous les rapports qui se sont succédé, de celui de M. Charpin au rapport Fauroux, pourtant commandés par le gouvernement lui-même, n'ont été suivis d'aucune décision.

Enfin, vous parlez d'un choix d'incertitude. Ce sont les chefs d'entreprise qui sont perplexes. Cette année, les investissements français à l'étranger ont été trois fois supérieurs aux investissements étrangers en France. Cela laisse mal augurer de l'avenir.

Vous n'avez pas utilisé un certain nombre de leviers disponibles. Comme le dit un homme de rigueur, Raymond Barre, la France n'a pas tiré parti de la croissance et trop de réformes de structures ont été ajournées. C'est pourquoi le groupe UDF soutient l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme la Présidente - La parole est à Monsieur Brard pour le groupe communiste.

M. Jean-Pierre Brard - Et apparentés, Madame la Présidente ( Sourires).

Monsieur Carrez, vous accusez le Gouvernement de manquer d'imagination ; à coup sûr, on ne vous fera pas ce reproche. A vous entendre, ce n'est pas Apocalypse Now, mais c'est Apocalypse Tomorrow, si du moins les électeurs vous sont favorables. N'allez pas plus vite que la musique : ils jugeront un bilan et un projet. Il faut donc discuter ce projet de budget, et l'améliorer si possible. Ce qui est irrecevable, c'est plutôt ce que vous nous proposez. Vous êtes certes un excellent collègue, un avocat très moral - mais il est si difficile de défendre une cause qui le n'est pas.

La preuve en est que vous ne faites même pas référence au projet de la droite, « Alternance 2002 ». Vous auriez dû, cela vous aurait évité de parler comme vous l'avez fait. Vous venez de remettre en cause les 35 heures, mais ce projet commun à toute la droite ne le fait pas, pas plus que vous n'avez proposé à vos électeurs de renvoyer le chèque de la PPE au ministère des Finances sous prétexte que c'était une mauvaise décision ! (Rires sur les bancs du groupe communiste). Mais ayons un peu de compassion pour Monsieur Carrez ; on connaît son talent, il a su limiter le mauvais effet de la mauvaise cause qu'il avait à défendre.

Il faudrait, avez-vous dit, supprimer des fonctionnaires. Mais vous n'avez pas dit où !

M. Gilles Carrez - J'ai dit « redéployer » !

M. Jean-Pierre Brard - Parlons-en : les redéploiements que vous avez effectués dans le passé étaient marqués par l'injustice, l'inégalité, la priorité aux nantis, à ceux qui parlent la bouche pleine devant ceux qui ont l'assiette vide !

M. Méhaignerie vient d'ailleurs de parler du comportement de ceux dont vous êtes en dernière analyse les représentants, c'est-à-dire les Messier et autres...

M. Gilles Carrez - Liliane Bettencourt !

M. Jean-Pierre Brard - Je ne vous le fais pas dire, et vous pourriez ajouter d'autres noms abondamment cités dans la revue Capital !

Les investissements de nos entreprises à l'étranger, si j'ai bien compris, sont trois fois plus importants que leurs investissements en France.

M. Pierre Méhaignerie - Non, que les investissements étrangers en France.

M. Jean-Pierre Brard - Bien. Vous confirmez ainsi le propos d'Anatole France : il n'y a qu'une chose que les industriels ne peuvent pas emporter sous leurs semelles, c'est la France ! Ils n'hésitent pas à exporter le capital, même si c'est contraire à l'intérêt national.

Nous avons donc beaucoup de raisons de ne pas suivre notre collègue Gilles Carrez, certainement le moins mauvais avocat que vous pouviez trouver pour une très mauvaise cause ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Gérard Fuchs - Nos collègues de l'opposition nous disent que ce budget est insincère. Sachant que les prévisions de croissance sur lesquelles sont construits les budgets de nos partenaires européens se situent entre 2, 3 et 2,9 %, je leur suggère d'aller dire au Président du Conseil italien, au Premier ministre espagnol que leurs prévisions sont insincères, et de revenir nous dire comment ils ont été accueillis !

Le Gouvernement ne tiendrait pas compte du 11 septembre. Pourtant, Laurent Fabius a présenté aujourd'hui un plan de consolidation de la croissance, qui vise à accélérer le versement de la PPE à nos concitoyens et de la TVA aux entreprises, sans pour autant remettre en cause les chiffres du budget.

En matière de croissance, la droite est orfèvre : entre 1993 et 1997, elle a étouffé la croissance par ses hausses d'impôts. Depuis 1997, nous avons accéléré la croissance par notre politique de relance du pouvoir d'achat, et avons ainsi réalisé sur trois ans plus de trois points de plus que les Anglais, les Allemands ou les Italiens.

En matière d'impôts, il y aura toujours entre vous et nous une différence essentielle. Vous, vous avez augmenté de 2 % la TVA payée par tous les Français, et vous avez baissé l'impôt sur le revenu, payé par un Français sur deux. Nous, nous appliquons une baisse modulée, plus forte pour les petits revenus que pour les gros, et à ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu nous accordons la prime pour l'emploi. Nous faisons également bénéficier nos concitoyens d'une baisse de la taxe d'habitation.

Une législature pour rien, disiez-vous ? 1993-1997 : 500 000 chômeurs de plus. 1997-2001 : 1 million de chômeurs de moins. Les Français apprécieront !

N'inquiétez pas nos concitoyens en parlant à tort d'insincérité. Ce n'est pas ainsi qu'on aide le pays, et c'est pourquoi j'invite la majorité à repousser votre exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

L'exception d'irrecevabilité, mise au voix, n'est pas adoptée.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances - La commission se réunira demain à 9 heures pour examiner les rapports spéciaux et à 10 heures pour examiner les amendements au projet de loi de finances en application de l'article 91 du Règlement. En conséquence, il serait souhaitable de ne reprendre en séance publique qu'à 11 heures.

Mme la Présidente - La Présidence a entendu.

Prochaine séance ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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