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Session ordinaire de 2001-2002 - 12ème jour de séance, 28ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 23 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

LAXISME DE LA JUSTICE 2

MOULINEX 3

MOULINEX 4

EURO FIDUCIAIRE 5

RAVE PARTIES 6

LICENCES UMTS
ET FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES 6

DÉCISION DE JUSTICE 7

NATURALISATIONS ET TERRORISME 8

ACCORD AVEC LES MÉDECINS HOSPITALIERS 9

CLINIQUES PRIVÉES 10

INSÉCURITÉ À AMIENS 10

LOI DE FINANCES POUR 2002
-première partie- (suite) 11

EXPLICATIONS DE VOTE 11

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2002 17

La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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LAXISME DE LA JUSTICE

M. Philippe Houillon - En décembre 2000 la cour d'appel de Paris remettait en liberté dans le cadre d'une nouvelle affaire criminelle dont il faisait l'objet, un récidiviste du meurtre. Celui-ci se trouva de nouveau impliqué dans le meurtre de quatre personnes à Athis-Mons, et peut-être dans d'autres - c'est même en train de se préciser aujourd'hui. Dans le même temps, un policier qui avait déclaré que ce criminel était dangereux était mis en examen pour diffamation et envoyé en correctionnelle (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Madame la ministre, croyez-vous que c'est à cette justice-là qu'aspirent les Français ?

En août dernier vous vous félicitiez de la mise en _uvre de la loi Guigou sur la présomption d'innocence. Aujourd'hui, vous dites qu'elle n'était pas applicable lors de la libération de Bonnal. Mais le 30 septembre 2000 vous avez adressé aux magistrats une circulaire portant la mention « urgent » leur demandant expressément en matière de détention « d'anticiper l'application de ces dispositions » (Exclamations sur les bancs du groupe DL).

M. Jean-Claude Lenoir - Scandaleux !

M. Philippe Houillon - On en voit le résultat, et malheureusement cela peut se reproduire.

Cette loi crée pour les policiers, déjà en sous-effectif, des nouvelles contraintes qui suppose des moyens que vous ne leur donnez pas. C'est ériger l'impunité en système de traitement courant des affaires.

La justice est rendue au nom du peuple français et vous êtes responsable de son bon fonctionnement. Au moins quatre personnes sont mortes parce que le laxisme s'installe dans les esprits (Murmures sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe DL et sur quelques bancs du groupe du RPR).

Je suis également choqué d'entendre le syndicat de la magistrature, classé à gauche, prétendre que les policiers feraient de la récupération et le ministre de l'intérieur de l'électoralisme à la faveur de ces meurtres. Nous sommes solidaires avec les policiers qui manifestent aujourd'hui...

M. le Président - Voulez-vous posez votre question ? (Vives protestations sur les bancs du groupe DL)

M. Philippe Houillon - J'y arrive.

Madame la ministre, à qui ou à quoi attribuez-vous la responsabilité de ce dysfonctionnement majeur ? Avez-vous l'intention de laisser indéfiniment la Justice s'asphyxier (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) en lui imposant de nouvelles contraintes comme la loi Guigou sans les moyens de les assumer, et de laisser ainsi s'épanouir impunité, laxisme, insécurité ? Savez-vous vraiment où vous allez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, sur certains bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice - Oui, Monsieur Houillon, et vous aussi d'ailleurs (Exclamations sur les bancs du groupe DL). Le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement partagent totalement...

M. Pierre Lellouche - Cela ne se voit pas.

Mme la Garde des Sceaux - ...Si, Monsieur Lellouche. Nous partageons la peine des familles et nous comprenons la révolte des policiers.

Venons en aux faits. Cette mise en liberté est une décision de justice prise par la chambre d'accusation, devenue depuis chambre d'instruction, qui n'agissait pas en application de la loi sur la présomption d'innocence et qui pouvait donner une année de détention provisoire de plus. Il en va de la responsabilité des magistrats, et j'ai partagé la révolte qui s'est exprimée au sujet des conséquences de cette décision.

On ne peut prétendre qu'il s'agit d'un problème de moyens, puisque le juge de l'instruction avait transmis un dossier complet. Il souhaitait avoir deux mois de plus pour des expertises complémentaires, et ce sont les avocats qui ont présenté une demande de remise en liberté. Il s'agit donc d'une décision des magistrats, et il faut parfois leur rappeler l'importance de leurs responsabilités.

Mais, Monsieur Houillon, puisque vous essayez de dire que la loi sur la présomption d'innocence est à l'origine de ce qui s'est passé, je vous rappelle vos propos lors de son examen. Vous avez dit que ce texte était inspiré par les suggestions de l'opposition en première lecture et celles du Sénat. Vous avez notamment cité le relèvement des seuils de peine encourus pour la mise en détention provisoire, auquel la gauche s'opposait selon vous, l'abandon du critère de trouble à l'ordre public pour une prolongation de détention, l'encadrement de délais raisonnables (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), la création d'un recours aux décisions de cour d'assises.

Pour appliquer cette loi, selon les magistrats, il fallait 410 postes. Nous en avions créé 739 et nous nous sommes engagés à en créer 1 200 en plus. Il ne s'agit ni des moyens ni de la loi, il s'agit de la responsabilité des magistrats. Aujourd'hui il nous faut d'abord être solidaires des familles et des policiers, et dire ensemble qu'il est parfois des décisions de justice qui nous sidèrent ou nous révoltent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur certains bancs du groupe RCV).

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MOULINEX

M. Philippe Duron - Je pose ma question au nom des députés socialistes et RCV du Calvados. Une décision de justice a scellé l'avenir du groupe Moulinex. Fragilisé par vingt années d'erreurs, handicapé par le changement de dirigeants, abandonné par son actionnaire majoritaire, étranglé par les banques, le groupe pour lequel l'Etat est intervenu à de nombreuses reprises, n'a échappé que de peu à la liquidation complète.

La reprise par SEB est cependant vécue comme un jour funèbre en Basse-Normandie où vont fermer les usines d'Alençon, Cormelles-le-Royal, Falaise, Bayeux. 3 140 salariés vont recevoir leur lettre de licenciement. Beaucoup travaillent depuis trente ans dans ces usines, leur amertume, leur désespoir sont grands. Le choc est rude aussi pour les villes : Falaise va perdre 43 % de ses recettes de taxe professionnelle, Bayeux 25 %. Toute la région s'inquiète d'autant plus que d'autres fermetures sont annoncées, et que quatre sous-traitants de Moulinex ont déjà déposé leur bilan.

Le 27 septembre, le Premier ministre indiquait que le gouvernement se préoccuperait du sort de chacun des salariés. Alors que nous venons de voter la loi de modernisation sociale, selon quelle méthode, quel calendrier le gouvernement entend-il utiliser pour donner des perspectives à chaque salarié et favoriser la réindustrialisation de ces bassins d'emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Les salariés de Moulinex, qui ont beaucoup souffert depuis dix ans, sont de nouveau frappés très gravement par la fermeture de ces quatre usines. Ce drame personnel pour chacun d'eux est aussi une catastrophe économique pour la Basse-Normandie. Le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts depuis le dépôt de bilan du groupe à la suite de la défection de son actionnaire, et a tout fait pour éviter la liquidation totale qui aurait mis au chômage 10 000 personnes. Il a ainsi favorisé la reprise du groupe Brandt qui poursuit ses activités et essayé de trouver une solution pour Moulinex. Le tribunal de commerce a pris une décision. Le Gouvernement doit maintenant faire en sorte de mobiliser la solidarité générale en faveur de chacun des salariés de Moulinex.

Nous prenons deux engagements : d'abord, nous ferons un effort analogue à celui réalisé pour les Chantiers du Havre en 1998 ; ensuite, nous chercherons une solution pour chacun des 3 140 salariés concernés (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste). Pour cela nous allons dégager des moyens exceptionnels. Une cellule de crise sera créée au niveau national (« Ah ! » sur les bancs du groupe DL), afin que tous les services publics de l'emploi mobilisent l'ensemble des aides existantes ; une cellule de crise (Même mouvement) sera créée auprès du préfet de région de Basse-Normandie, dirigée par M. Michel Bove qui a réussi la reconversion des Chantiers du Havre. Nous allons donc chercher une solution individuelle pour chacun et travailler à réindustrialiser les sites touchés.

Vous le voyez, le Gouvernement se mobilise, et il le fera en association avec les élus, les syndicats et les organisations professionnelles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

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MOULINEX

M. Yves Deniaud - Ma question, qui concerne également Moulinex, s'adresse à M. le ministre des finances, ou de l'industrie, dans l'espoir d'obtenir des réponses plus précises. Un journal du soir a pu titrer : « SEB démantèle Moulinex ». Il est clair que la solution retenue n'est pas celle des salariés et des élus - de tous les élus, car il n'y a pas que les élus socialistes qui s'intéressent à ce drame (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Un autre choix aurait permis de maintenir en France un pôle industriel indépendant de l'électroménager. Vous me direz que c'est une décision de justice. Mais les administrateurs judiciaires n'étaient pas seuls à souhaiter la candidature, puis la désignation de SEB : c'était aussi le cas du Gouvernement.

Aujourd'hui, est-il encore possible d'envisager des reprises partielles pour tout ce que SEB laisse de côté ? Pouvez-vous y contribuer ? Quels moyens concrets - en clair quels crédits - entendez-vous consacrer à la reconversion, au reclassement, à la réindustrialisation, au-delà de la simple désignation d'un « Monsieur Moulinex » ? Enfin, quand la Basse-Normandie sera-t-elle classée en pôle de reconversion, comme le Gouvernement l'avait annoncé le 9 juillet au Comité interministériel de Limoges ? Ainsi l'effort de l'Etat pourrait être poussé à son maximum, rejoignant celui des collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Ma réponse sera en effet complémentaire de celle que vient de faire Mme Guigou. Nous avions deux objectifs, depuis près de deux mois que nous sommes mobilisés sur cette affaire. Le premier était d'éviter à tout prix - et nous n'en sommes pas passés loin - la liquidation de l'entreprise. Nous y sommes parvenus. Pour les sites retenus, la solution du tribunal de commerce offre de vraies perspectives, et des garanties pour l'emploi. Notre seconde obsession était de trouver une solution industrielle. Il ne nous appartenait pas de décider : c'était la prérogative du tribunal. Mais nous avons cherché à favoriser l'émergence d'une solution industrielle crédible et aussi durable que possible - car Moulinex a déjà connu cinq ou six crises fortes, et combien de licenciements collectifs... La solution industrielle qui a été trouvée crée, pour les sites retenus, la possibilité réelle d'un nouveau départ pour certaines productions, grâce à la synergie avec Seb.

Le Gouvernement a donc agi pour faire face à l'urgence, et il continuera. Nous mettrons en ligne tous les moyens nécessaires pour assurer la réindustrialisation des sites touchés par les licenciements collectifs. J'ai déjà commandé une expertise technique pour mettre en lumière les atouts de ces sites. Les prochaines semaines verront la mise en _uvre de dispositifs exceptionnels afin de permettre le renouveau industriel site par site, en fonction des capacités des territoires et des dispositions des collectivités. Nous ferons en sorte que les salariés trouvent une solution, et que les territoires ne soient pas définitivement frappés par les conséquences de cette situation grave, dont le Gouvernement n'est nullement à l'origine, mais qu'il s'emploie au contraire à rattraper (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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EURO FIDUCIAIRE

M. Christian Cuvilliez - Le passage à l'euro, dans moins de trois mois, risque d'être le cap des tempêtes. Le premier risque est celui d'une tension inflationniste si les prix dérapent à l'occasion du passage ; d'où notre proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête et de contrôle sur les pratiques de fixation des prix. Le deuxième risque est celui d'une insuffisance de monnaie fiduciaire, alors que perdure le conflit de l'imprimerie de Chamallières faute de négociation de la part de la Banque de France. Le troisième risque est celui d'une déperdition d'autorité des banques centrales dans la gestion territorialisée de l'euro, ainsi que d'une réduction des effectifs et de la présence de la Banque de France : 44 caisses sont déjà fermées, 15 sont menacées. Les salariés, les citoyens-consommateurs, les élus ont besoin que le Gouvernement leur donne des garanties à ce sujet.

Concernant l'usine de Chamallières, quelle que soit l'indépendance qu'on prête à M. Trichet, allez-vous lui signifier la nécessité d'ouvrir un véritable dialogue social ? Celui-ci devrait trouver les moyens de concilier les contraintes de la production, la préservation de l'emploi et la préservation des conditions de travail. Sachant que le conflit s'est durci depuis le 11 septembre, avec l'arrêt complet de la production de billets, il est urgent de trouver des solutions.

Il y a place d'autre part pour des activités nouvelles à la Banque de France : contrôle de la circulation fiduciaire, accès aux services bancaires de base, sécurité des systèmes de paiement, médiation entre les usagers et les établissements bancaires, contrôle des aides publiques aux entreprises dans le cadre de la loi Hue, et je ne suis pas exhaustif. Tout ceci devrait figurer dans un cahier des charges élaboré en concertation. Quelles initiatives compte prendre le Gouvernement pour faire avancer ces propositions ? Enfin, dans le cadre de la création souhaitable d'un pôle public fiduciaire européen adossé aux banques centrales des Etats membres, quelles mesures le Gouvernement entend-il préconiser, sachant que des risques d'externalisations de fonctions, de filialisations d'activités, voire de privatisations, ne sont pas à exclure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Votre question comporte deux aspects. Elle traduit tout d'abord une inquiétude concernant le passage à l'euro. Vous avez raison d'appeler à la vigilance. Je voudrais toutefois vous apporter des nouvelles qui viennent de me parvenir et qui sont positives ; elles concernent il est vrai la monnaie scripturale. A la fin de la semaine dernière, déjà 25 % des transactions se faisaient en euros : près de 14 % des chèques, 58 % des virements, et déjà 76 % des titres interbancaires de paiement. C'est dire que les Français utilisent de plus en plus l'euro, avant même l'euro fiduciaire.

Quant au conflit de l'imprimerie de Chamallières, il date de très longtemps. Notre objectif est de parvenir à des conditions de production comparables à celles des grands pays européens, alors que nous étions un peu en retard. Le projet industriel a été présenté hier. Il comporte certes des suppressions de postes, mais aucune rupture de contrat de travail il fait appel à des préretraites, des départs anticipés, des temps partiels volontaires, et prévoit l'embauche de 75 jeunes. C'est dire qu'à terme Chamallières sera parfaitement compétitive. Le dialogue était nécessaire : il a lieu. Des précautions doivent être prises pour que la production ne s'interrompe pas. Je crois qu'au total nous serons en situation de la faire repartir sur de bonnes bases (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

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RAVE PARTIES

M. Jacques Le Nay - Ma question, à laquelle s'associe M. Briane, s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Depuis quelques mois nous assistons à un développement important des raves, qui attirent de plus en plus de jeunes. Même si leurs organisateurs les présentent sous un jour festif et non violent, elles n'en créent pas moins des zones de non-droit. Tout d'abord parce qu'elles s'installent en toute illégalité sur des propriétés privées, infligeant de graves nuisances aux riverains. Ensuite parce que leur organisation se dispense des règles élémentaires d'hygiène et de sécurité. Enfin parce qu'elles donnent champ libre au commerce des stupéfiants. Pouvez-vous continuer d'accepter que ces trafiquants jouissent ainsi de l'impunité ? Pouvez-vous continuer de cautionner de tels rassemblements organisés sans autorisation légale, alors que les responsables associatifs doivent se soumettre, pour la moindre manifestation, à des règles d'hygiène et de sécurité de plus en plus strictes ? Dans le souci de l'ordre public et de la protection des biens et des personnes, n'est-il pas urgent d'instituer un dispositif juridique adapté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - En l'absence de M. Vaillant, qui accompagne le Premier ministre, je veux vous apporter deux éléments de réponse. Tout d'abord, contrairement à ce que vous dites, il y a eu pendant l'été des contrôles (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) effectués par la police et la gendarmerie, et qui ont conduit à l'arrestation de personnes qui se livraient à des trafics.

En second lieu, des poursuites ont été engagées contre des organisateurs, en particulier devant le tribunal de Montpellier, à la suite de plaintes déposées par des propriétaires privés. La police, la gendarmerie, la justice agissent donc.

M. Yves Nicolin - Baratin !

M. le Ministre - Le projet de loi relative à la sécurité quotidienne viendra devant vous en dernière lecture le 31 octobre (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je ne doute pas qu'à cette occasion vous saurez faire valoir votre point de vue (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Je le redis, les forces de sécurité et les services de la justice ne sont pas restés inactifs cet été (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Yves Nicolin - Baratin !

M. le Président - Monsieur Nicolin, ne pourriez-vous pas varier un peu vos expressions ?

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LICENCES UMTS ET FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES

M. Jacques Desallangre - Les opérateurs de télécommunication devaient acquérir les licences UMTS pour 140 milliards, moins qu'en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Les ressources tirées de cette vente devaient abonder le fonds de réserve des retraites. Sous la pression d'opérateurs comme Bouygues ou Vivendi, le Gouvernement a décidé de leur accorder une ristourne de 110 milliards, dont 10 milliards dès cette année. Beau cadeau pour MM. Messier, Bouygues et consorts ! La Bourse ne s'y est pas trompée. Le manque à gagner pour le financement de nos retraites sera considérable. De plus, vous avez souhaité que ces moins-values soient compensées par des recettes de privatisation. Ainsi la privatisation partielle des Autoroutes du Sud de la France, la société de ce secteur la plus rentable, a été annoncée. La candidature probable de concessionnaires privés comme Cofiroute laisse entrevoir un risque de concentration. Compte tenu du rôle joué par les sociétés d'autoroutes dans l'aménagement du territoire, leur privatisation ne va-t-elle pas engendrer de grandes difficultés ? Des inquiétudes légitimes se font jour sur la valorisation du patrimoine de l'Etat et les intérêts des usagers. Cette nouvelle privatisation marque-t-elle la volonté du Gouvernement d'intensifier la cession du patrimoine des Français ?

Après avoir bradé les licences UMTS, comptez-vous vendre les bijoux de famille, dont certaines perles comme EDF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Merci de votre question nuancée. Sur les licences UMTS, votre langage ne correspond pas à la réalité. Sur la base des premiers prix fixés, deux candidats seulement s'étaient manifestés. Ce secteur traverse une crise industrielle manifeste. Le Gouvernement, face à cette situation, n'a pas réduit le total de ce que l'UMTS va rapporter, mais a modifié la séquence de paiement (Exclamations sur les bancs du groupe RCV, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Au lieu d'acquitter un ticket d'entrée très élevé, puis plus rien, les acquéreurs paieront un ticket moins élevé et verseront par la suite un pourcentage sur le chiffre d'affaires. Sur cette base, on peut espérer trouver trois, voire quatre concessionnaires. Pour finir, les sommes produites seront du même ordre (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le fonds de réserve des retraites bénéficiera d'une compensation provenant d'ouvertures de capital et d'une augmentation des recettes pérennes, puisque les prélèvements sur capitaux passent de 50 % à 65 %. L'ouverture du capital d'Autoroutes du Sud de la France n'entraînera aucune conséquence négative ni pour les usagers ni pour le personnel, dont le statut est déjà de droit privé.

De façon plus générale, il me paraît de bonne règle, face à des dépenses indispensables, de placer des recettes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DÉCISION DE JUSTICE

M. Bernard Roman - La sécurité est un droit républicain essentiel (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Nous devons aux Français d'en débattre dans un souci d'écoute réciproque et en refusant toute arrière-pensée, par simple égard pour les victimes d'Athis-Mons et du Plessis-Trévise.

Lorsque les Français, d'une manière brutale, lorsque les policiers, dans des conditions tragiques, découvrent qu'un homme dangereux pour l'ordre public a été remis en liberté à la suite d'une décision judiciaire, nous ne pouvons que partager l'émoi et l'incompréhension des citoyens (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Beaucoup sur ce sujet a été dit depuis quarante-huit heures.

Est-il vrai que lors de l'examen de la demande de mise en liberté de Jean-Claude Bonnal, les réquisitions du Parquet s'exprimant au nom de l'intérêt public et donc en votre nom, Madame la Garde des Sceaux, étaient défavorables à la mise en liberté ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Pouvez-vous nous assurer (Mêmes mouvements)... lorsqu'on avance pendant quarante-huit heures certaines affirmations sans aucune pudeur contre un texte qu'on a pourtant voté ici, il semble difficile d'entendre des questions vraies ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Pouvez-vous donc nous assurer que rien n'interdisait dans les textes en vigueur à cette époque, qui n'étaient pas la loi sur la présomption d'innocence mais la loi Toubon, que rien n'interdisait le maintien en détention de Jean-Claude Bonnal ?

Pouvez-vous confirmer que la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence a amélioré le dispositif antérieur en fixant à trois ans, voire quatre, la durée de la détention provisoire pour les accusés en matière criminelle, là où la loi Toubon ne prévoyait que des « délais raisonnables » ?

Pour conclure, j'ajoute que qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Chaque fois que l'actualité nous conforte à un drame, des voix s'élèvent pour mettre en cause la loi sur la présomption d'innocence. Rappelons à ceux qui demandent son abrogation (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) qu'ils l'ont votée au Sénat à la quasi-unanimité, en CMP à l'unanimité, et que ceux qui se sont abstenus ici en lecture définitive se sont justifiés en déclarant que ce texte n'allait pas assez loin en matière de liberté ! Les Français méritent que ce débat soit conduit avec plus de sérieux et moins d'hypocrisie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice - Oui, le Parquet a requis la prolongation de la détention. Les magistrats pouvaient parfaitement maintenir Jean-Claude Bonnal en détention, et leur décision n'a aucun rapport avec l'application de la loi du 15 juin 2000, puisqu'en appliquant cette loi à partir du 1er janvier 2001, on pouvait prolonger la détention provisoire de Jean-Claude Bonnal jusqu'en décembre 2001 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Arrêtez de penser que des magistrats sont incapables de prendre des décisions sans lire des circulaires ou sans être soumis à la pression des politiques ! Les magistrats font un travail difficile, et il est anormal de les attaquer ainsi.

Vous avez raison, l'opposition exploite l'actualité contre la loi du 15 juin 2000 (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Cette loi a suscité un consensus. Au printemps dernier, j'ai fait procéder à une première évaluation sur les moyens dont disposaient les tribunaux pour la mettre en _uvre. J'avais alors annoncé une évaluation plus générale sur ses modalités d'application, comme il est normal au bout d'un an. Cette évaluation ne mettra pas en cause les principes de la loi, mais, comme l'avait déjà dit Elisabeth Guigou, pourra faire évoluer ses modalités d'application. J'ai décidé, après une longue réunion avec eux, de diffuser auprès des procureurs généraux une circulaire sur la détention provisoire (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). En effet, ils ont demandé des précisions sur les règles de suivi des dossiers portant sur des affaires criminelles dans le souci d'une instruction aussi rapide que possible. D'autre part, il fallait rappeler la nécessaire prise en compte de la récidive dans les décisions relatives à la mise en détention ou en liberté, et s'assurer que les expertises et commissions rogatoires fassent l'objet d'un suivi rigoureux pour éviter tout retard excessif dans la progression de l'instruction.

Je ne suis pas d'accord avec M. Devedjian qui disait : « En fait la mise en détention provisoire par le juge d'instruction est le dernier avatar de la lettre de cachet. A droite nous pensons que la liberté est chose trop précieuse pour être confiée à quelqu'un en particulier ». La loi sur la présomption d'innocence a porté le délai à deux, trois, voire quatre ans ! Et nous pensons en effet important de ne pas remettre en liberté les individus réellement dangereux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe communiste)

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NATURALISATIONS ET TERRORISME

M. Jacques Myard - J'eusse aimé posé cette question au Premier ministre mais, puisqu'il est absent et que cette question concerne plusieurs membres du Gouvernement, je suppose que l'un ou l'autre pourra me répondre.

La lecture du Journal officiel de la République est toujours instructive. Je vous recommande en particulier celui du 16 juin, page 9585 ! Vous y découvrirez qu'un certain Daoudi Kamel, né le 3 août 1974 en Algérie, a été naturalisé français. Or, si j'en crois un journal du matin, il semblerait que ce Kamel Daoudi ait été dénoncé par M. Beghal comme l'informaticien chargé des transmissions par Internet pour le compte de son réseau. Il devait également réceptionner les ordres venus d'Afghanistan - où il se serait rendu pour apprendre à manier la kalachnikov....

Cette naturalisation n'est pas due à un dysfonctionnement des services de police, mais bien à votre irresponsabilité, à votre laxisme législatif (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). En effet, elle résulte d'une loi Guigou-Chevènement du 16 mars 1998, qui a obligé à motiver les refus de naturalisation. Les services de police, ainsi contraints à découvrir leurs sources, ne communiquent plus aux services des affaires sociales les raisons qui justifiaient un refus et ils laissent donc passer les dossiers.

Ce Kamel Daoudi, membre d'un réseau islamiste et terroriste, a-t-il, oui ou non, été naturalisé français le 14 juin dernier ? Allez-vous reconnaître enfin vos fautes et prendre des mesures afin que l'Etat ne soit plus désarmé face au terrorisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous avez raison, ce monsieur a bien été naturalisé français mais, comme d'autres, en conformité avec les lois votées par le Parlement. Les décisions de naturalisation font l'objet d'une motivation et les services du ministère de l'intérieur communiquent aux miens leurs observations éventuelles. Il n'y en eut pas en l'occurrence (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) car M. Daoudi n'avait fait l'objet, à l'époque, d'aucune décision de justice.

Cela étant, au vu des informations récentes, j'ai demandé à mes services d'être beaucoup plus précis dans leurs demandes de renseignements et de renforcer leur coopération avec le ministère de l'intérieur, en sorte que nous puissions apprécier exactement la situation des intéressés -notamment s'ils ont eu affaire à la justice.

D'autre part, notre loi permet de déchoir de la nationalité française les personnes condamnées pour atteinte à la sûreté de l'Etat ou pour terrorisme. Lorsque les tribunaux se seront prononcés, je demanderai l'application de cette sanction (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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ACCORD AVEC LES MÉDECINS HOSPITALIERS

M. Alain Calmat - Monsieur le ministre délégué à la santé, vous-même et Mme Guigou avez conclu hier un accord avec les syndicats représentatifs des médecins hospitaliers et ceux-ci ont alors dit leur satisfaction de voir leurs revendications prises en compte, notamment en ce qui concerne le passage aux 35 heures. Pourtant, la partie n'était pas gagnée d'avance ! Non seulement vous avez mené magistralement ces négociations (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), mais vous avez obtenu l'adhésion de tous les syndicats de médecins, de pharmaciens, de biologistes et d'odontologistes hospitaliers.

Ce succès, cependant, est surtout celui de ces praticiens, dont l'avenir s'éclaire désormais. En effet, l'accord prend en compte toutes les spécificités de l'exercice en hôpital ; il confirme la rémunération des gardes, il respecte la directive interdisant de travailler plus de 48 heures par semaine et il accroît très nettement la durée des congés. Tous les problèmes de l'hôpital public ne sont pas réglés pour autant, certes, mais un grand pas a été fait et les malades en bénéficieront ! Cet accord prouve également que le Gouvernement est attentif au devenir de l'hôpital et il ramène à leur juste mesure les discours démagogiques par lesquels l'opposition tente de masquer les déchirures profondes qu'elle a provoquées entre 1993 et 1997.

Pouvez-vous nous préciser les modalités de cet accord ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - L'entreprise n'était pas aisée, en effet : si la loi sur les 35 heures doit entrer en application le 1er janvier prochain, comment exiger de médecins travaillant de 50 à 60 heures par semaine de réduire leur temps de travail si la définition des services reste changée ?

Aux termes du texte signé par les quatre intersyndicales, le temps de travail sera réduit de 20 jours par an, enregistrés dans un compte épargne-temps. En outre, les intéressés auront la possibilité de prendre, au fil des années, une demi-journée de congé par semaine, une semaine par mois ou même une année sabbatique tous les sept ans. D'autre part, la directive européenne obligeait à intégrer des gardes dans le temps de travail : c'est désormais chose faite, une prime étant accordée en outre à ceux qui assurent les gardes de nuit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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CLINIQUES PRIVÉES

M. Jean-Claude Lemoine - Les établissements de soins privés connaissent une situation financière catastrophique ; en effet, alors qu'ils assurent plus de 40 % des soins en chirurgie, vous ne leur consacrez que 14 % de vos crédits, Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour 60 %, ces cliniques sont déficitaires et beaucoup sont proches du dépôt de bilan. Pourtant, le projet de loi de financement de la sécurité sociale va encore les pénaliser : l'enveloppe destinée au fonds de modernisation des cliniques privées est insuffisante et vous ne prenez pas en compte, pour ce seul secteur, les charges dues à la réduction du temps de travail. Par ailleurs, le manque d'infirmiers et d'infirmières y est aggravé par le niveau de rémunération, de 30 % inférieur à celui consenti dans le secteur public. Vos mesures en faveur du secteur public risquent d'aggraver encore cette hémorragie. La fédération de l'hospitalisation privée sollicite plus de 500 millions d'euros pour conjurer le danger : la leur accorderez-vous ou prendrez-vous le risque d'un véritable cataclysme ? Songez qu'établissements publics et privés sont complémentaires et également indispensables à la sécurité sanitaire de tous : de grâce, ne cultivez pas une opposition qui serait périlleuse pour tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Nous n'oublions pas ces cliniques et nous avons fait pour elles plus que tout autre gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'an passé, cette année et l'an prochain, leur enveloppe financière augmentera dans une proportion analogue à celle de l'hôpital public ; nous avons créé un fonds de modernisation et, le 4 avril, j'ai signé un accord qui vise à leur permettre de mieux rémunérer les anesthésistes, les gynécologues-obstétriciens et les infirmières. En effet, la politique salariale de ces établissements s'était soldée, pour ces dernières, par des salaires inférieurs de 30 % à ceux du secteur public. L'Etat aide donc ces cliniques à améliorer la situation. Je souhaite simplement que l'effort soit partagé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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INSÉCURITÉ À AMIENS

M. Maxime Gremetz - Deux gardiens de la paix viennent d'être tués au Plessis-Trévise et, dans certains quartiers, la délinquance et la violence prennent une ampleur intolérable, souvent du fait de quelques dizaines d'individus seulement. A Amiens, une voiture et quatre containers ont été incendiés : médecins, pompiers et traminots sont régulièrement victimes de violences gratuites. Dernièrement, quatre policiers ont même été la cible de tirs.

La situation ainsi faite aux acteurs sociaux et à la population de ces quartiers est devenue inacceptable. Aujourd'hui par exemple, aucun bus ne circule dans la ville et, après une agression, les enseignants du collège César-Franck se sont mis en grève illimitée.

Le Gouvernement a certes, depuis 1997, lancé les contrats locaux de sécurité et la police de proximité et il a recruté quelque peu. Mais les moyens demeurent manifestement insuffisants. L'opération « coup de poing » très médiatisée de vendredi dernier n'a donné aucun résultat. Il serait sans doute plus efficace de multiplier les médiateurs, de créer des maisons de la justice, d'ouvrir des commissariats 24 heures sur 24. Comment allez-vous garantir le droit à la sécurité auquel aspirent nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Le Gouvernement est déterminé à garantir la sécurité dans tous les quartiers (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'opération d'Amiens, menée en concertation avec le procureur de la République, n'a pas été inutile. Elle a permis l'interpellation de cinq personnes et la saisie d'armes à feu. Des condamnations ont déjà été prononcées par la justice et une information a été ouverte pour identifier les auteurs des incidents du 17 octobre. Cette opération a aussi montré la nécessité de conjuguer à la police de proximité et à la prévention des sanctions sévères, afin de mettre les délinquants hors d'état de nuire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Mme Aubert remplace M. Forni au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Marie-Hélène AUBERT

vice-présidente

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LOI DE FINANCES POUR 2002 -première partie- (suite)

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EXPLICATIONS DE VOTE

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2002.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Pendant l'examen de la première partie, plus de 360 amendements ont été soumis à l'Assemblée, dont 25 ont été adoptés. Ils traduisent notre volonté de conforter la croissance, de combattre le chômage et de réduire les inégalités. Près de 4 milliards de francs ont été déplacés d'une ligne de crédit à une autre. Quelques 2 milliards de francs de réductions d'impôts ont été approuvés. A l'initiative du groupe communiste, la majorité a adopté des amendements importants, qu'il s'agisse de la contribution des compagnies pétrolières ou de l'implication des plus fortunés dans l'effort de solidarité nationale. Conformément à l'attente des radicaux de gauche, nous avons franchi une étape supplémentaire en attendant la suppression définitive de la vignette. Après en avoir exonéré les personnes physiques pour les véhicules de moins de 3,5 tonnes, nous instituerons une franchise de trois véhicules pour les personnes morales, ce qui en exonérera les entreprises artisanales, les commerçants et les agriculteurs.

A l'initiative du groupe communiste, nous avons aussi exonéré de la redevance audiovisuelle et de la taxe sur le foncier bâti les personnes âgées non imposables au titre de l'impôt sur le revenu.

Je me réjouis donc du travail accompli la semaine dernière. La discussion a montré qu'il n'y avait pas d'alternative à la politique menée par le Gouvernement. L'opposition a défendu un certain nombre d'amendements, ciblés comme par hasard sur quelques milliers de foyers fiscaux (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Elle nous a recommandé de réduire les dépenses, sans faire de propositions.

M. Georges Tron - Pas réduire : maîtriser.

M. le Rapporteur général - Mais les dépenses sont bien maîtrisées.

Le Gouvernement a par ailleurs pris des engagements, qui se concrétisent dans le prochain collectif : je pense en particulier à la prime pour l'emploi.

Si on considère l'ensemble de ces mesures, il me semble que jamais une discussion parlementaire n'avait permis de prendre en considération autant de demandes de la majorité. Votre commission vous invite donc à voter la première partie, qui donnera à notre pays les moyens de faire face à la situation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Cuvilliez - Je ne reviendrai pas sur les incertitudes qui entourent les prévisions budgétaires et dont l'opposition tire argument. Une fois de plus, la droite donne à penser qu'elle parie sur ces difficultés, qu'elle les souhaite, sans se soucier des dommages que cela causerait à nos concitoyens, parce qu'elle en espère des désagréments pour la majorité plurielle (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

La droite dans sa version de choc, représentée par le MEDEF, s'emploie d'ailleurs à créer les conditions d'une récession (Rires sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) en prônant le ralentissement des investissements, en multipliant les détournements de la loi sur les 35 heures, en provoquant des conflits sociaux là où les négociations devraient aboutir à des accords gagnants-gagnants. Elle multiplie ce qu'elle appelle des « licenciements de compétitivité », autrement dit des licenciements boursiers, en profitant de ce que la loi de modernisation sociale, bloquée puis défigurée par la majorité sénatoriale, n'est toujours pas promulguée.

Notre souci constant a été de proposer des mesures de soutien, voire de relance, de la consommation et de la croissance - facteurs internes du développement - pour résister aux pressions exogènes négatives.

Nous avons été entendus : c'est ce qui exaspère les plus sectaires et les plus libéraux des députés de la droite. Qu'il s'agisse des allégements consentis sur le foncier bâti, de l'exonération de redevance pour nos anciens les plus démunis, du doublement de la prime pour l'emploi au titre de l'année 2001 ou encore d'autres décisions fiscales - déduction forfaitaire des charges pour les bailleurs louant à des locataires modestes, déductibilité des travaux de désamiantage, relèvement du plafond des dons aux organisations caritatives, exonération de la vignette pour les artisans -, nous prenons acte des efforts consentis. De même, nous apprécions l'octroi aux collectivités locales de prêts à taux préférentiels pour les investissements scolaires dans les zones urbaines sensibles.

D'ailleurs, nous avons contribué à financer une partie des dépenses supplémentaires. Le maintien du barème de l'ISF ou de la contribution des compagnies pétrolières, cela représente une plus-value fiscale de 1,5 milliard de francs.

Si nous devions nous en tenir à ce constat, nous approuverions volontiers la partie recettes du projet de loi de finances.

Notre regret - mais il est de taille - c'est que vous ne nous avez donné de satisfaction, Monsieur le ministre, que par des mesures conjoncturelles, aux effets immédiats certains, mais sans perspectives.

Mme Christine Boutin - Des mesures électorales !

M. Christian Cuvilliez - Nous aurions apprécié que, pour répondre à l'urgente nécessité de résorber la crise dans les établissements hospitaliers publics, vous ayez accepté, vous acceptiez de supprimer en trois ans ce tribut anachronique qu'est la taxe sur les salaires comme on l'avait fait pour la part salariale de la taxe professionnelle. Vous auriez ainsi donné aux établissements concernés des marges de financement pour créer 45 000 postes et les pourvoir effectivement, pour donner aux différents services les moyens de fonctionner malgré la réduction du temps de travail, mais aussi de se développer.

Combien apprécierions-nous que notre proposition de loi adoptée sous forme d'amendement par la commission des affaires sociales, prévoyant une possibilité de retraite à taux plein pour tout salarié ayant cotisé quarante ans à la sécurité sociale soit ratifiée ! Cela constituerait à la fois une reconnaissance des services rendus à la collectivité et un encouragement considérable pour l'emploi.

En évoquant ainsi les hôpitaux et les retraites, j'anticipe sur le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je ne suis pas pour autant hors sujet.

Les élus communistes considèrent en effet que la politique budgétaire de la France et sa dimension sociale ne se jauge et ne se jaugera plus désormais à la seule aune du budget de l'Etat, mais à celle de la portée globale des deux budgets. Ce que la droite qualifie souvent d'immixtion inacceptable est pour nous une imbrication inéluctable.

C'est pourquoi nous ne porterons de jugement définitif sur le budget qu'après avoir évalué le projet de loi de financement de la sécurité sociale et les mesures qu'il comporte en matière de santé, de famille, de pension et de retraite.

Notre abstention d'aujourd'hui est donc une abstention d'attente...

M. Jean-Jacques Jégou - Vous n'êtes pas payé de retour, Monsieur le ministre !

M. Christian Cuvilliez - ...confiante dans les résultats que nous espérons dans le débat qui va suivre, notamment pour répondre à la crise hospitalière. Elle doit permettre de poursuivre une réflexion dynamique, afin d'apporter une plus grande valeur ajoutée sociale à l'action du Gouvernement et de sa majorité plurielle.

C'est à l'issue des débats de cette semaine que nous jugerons, par notre vote, si la réponse apportée à nos concitoyens est bien à la hauteur de leur exigence de progrès (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Pierre Méhaignerie - Le débat relatif à la partie recettes, jalonné de succès électoraux - un jour pour le parti communiste, un autre jour pour tel ou tel parti - n'a pas toujours été conforme à l'intérêt général. De plus, il nous a confortés dans l'idée que ce budget n'est que temporaire. Il ne vaut que pour le premier semestre 2002. En juin, il faudra élaborer un collectif dans les plus mauvaises conditions, les prévisions de croissance étant incertaines, les dépenses sous-évaluées et les bases de recettes 2001 à réestimer, alors que le manque à gagner est déjà évalué à 15 à 25 milliards. Les marges de man_uvre seront fortement négatives en juin prochain. En 1997, le déficit d'exécution s'établissait à 270 milliards. Une législature de forte croissance plus tard, il sera au même niveau, alors même que l'Espagne, l'Irlande, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne disposent de marges confortables pour relancer la croissance. Nous, non ! Cela nous rappelle le scénario noir de 1992-1993. Ajoutons-y le coût du passage aux 35 heures, annonciateur de dérapages dans le secteur public, le poids croissant des charges de personnel - déjà supérieures de 5 % à l'évolution des prix -, des investissements en baisse et le problème non résolu des retraites, on mesure à quel point l'avenir a été sacrifié. Je ne suis pas sûr que chercher à gagner du temps sur les réformes nécessaires pour remporter les élections soit une forme de courage et de patriotisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Dans ce contexte difficile, le Gouvernement aurait pu actionner d'autres leviers en faveur de la croissance, mais, une fois de plus, les arbitrages internes à la majorité ne le lui permettent pas. Le Premier ministre britannique - je connais l'image que lui prête une partie de cet hémicycle - estime que dans une économie moderne, les entreprises et l'Etat doivent coopérer et non s'affronter en période difficile. Vous, vous avez choisi l'inverse ! L'exigence de maintien de la qualité des services publics aurait dû conduire à un étalement de l'entrée en vigueur des 35 heures. J'ai entendu tout à l'heure un député de la majorité se féliciter qu'elles s'appliquent aux médecins hospitaliers. J'imagine ce que sera la qualité des soins lorsqu'un cardiologue terminera le mercredi soir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Oui, c'est vous, Monsieur Calmat, et je vous donne rendez-vous dans quelques années !

Pour renforcer son site industriel, l'Allemagne a pris des mesures. En France, la culture du non-travail l'emporte sur l'éthique du travail !

Mme Christine Boutin - C'est là le drame.

M. Pierre Méhaignerie - Monsieur le ministre, vos propos sont contre-carrés par les arbitrages internes à la majorité. Les réformes de structure sont ajournées. Ce budget ne sera pas exécuté, et le Gouvernement le sait. C'est pour cela que nous avons parlé de mensonge d'Etat.

Toutes ces raisons nous conduisent à voter contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Michel Suchod - Bien qu'il comporte beaucoup de bonnes choses, le Mouvement des citoyens juge ce budget insuffisant. Déjà, il ne tenait pas compte du ralentissement perceptible au printemps, au moment de l'établissement des lettres de cadrage. Que dire aujourd'hui, sept semaines après le 11 septembre, alors que le monde entier se ressent du ralentissement économique ? Il aurait mieux valu jouer à la fois comme nous l'ont appris nos maîtres, de la politique monétaire et de la politique budgétaire.

S'agissant de la première, la Banque centrale européenne fait montre d'une frilosité absolue. MM. Wim Wenders et Jean-Claude Trichet passent à la télévision en costumes trois pièces, mais n'émettent aucune proposition.

Pour la politique budgétaire, il n'y a guère plus à attendre de Bruxelles, de M. Prodi ou des gouvernements. Où sont les propositions de grands travaux faites jadis par M. Jacques Delors ? L'insuffisance de souffle économique en Europe est patente. On nous dit que les Etats-Unis ont des possibilités parce qu'ils ne sont pas en déficit. Aurait-on oublié celles offertes par l'emprunt ? J'ajoute que c'est aujourd'hui même alors que le Président Bush lance un programme de120 milliards de dollars en trois phases et que le secrétaire d'Etat américain au Trésor demande aux Européens de stimuler la croissance, que le Gouvernement choisit de ne pas s'inspirer de leur exemple ! Ce budget n'est pas non plus assez tourné vers l'investissement à long terme et vers l'emploi. La troisième vague de la réforme fiscale est porteuse de dérives : la baisse du taux supérieur de l'impôt sur le revenu n'est pas sans rappeler la société des rentiers d'avant 1914. Elle est particulièrement malencontreuse en l'absence de cagnotte. Les recettes seront donc insuffisantes pour mener une vraie politique industrielle, relancer les investissements, doter les services de sécurité des matériels et des personnels nécessaires et développer les politiques en faveur des hôpitaux, des quartiers, des services publics en zone rurale. Nous souhaitons également une revalorisation des retraites agricoles. C'est pourquoi nous nous abstiendrons mais les Verts et les radicaux voteront ce budget.

M. Gilbert Gantier - La discussion de la première partie du budget a malheureusement confirmé les craintes que nous avions exprimées dès sa présentation générale.

Le Gouvernement se refuse à prendre en compte le ralentissement de l'économie mondiale, en retenant un taux de croissance irréaliste, ce qui ne peut qu'entraîner une dérive des comptes publics. Déjà, cette année, le déficit dépassera 210 milliards alors qu'il ne devait s'élever qu'à 186 milliards. A combien s'élèvera-t-il en juin prochain : 250, 280 milliards ? Tout cela rappelle le triste scénario des années 1992-1993 et les 360 milliards de déficit que vous aviez laissés en héritage à vos successeurs.

Comme alors, vous devez racketter des organismes publics pour boucler les fins de mois. En multipliant les fonds et les débudgétisations, vous contribuez en outre à compliquer les comptes publics que la nouvelle loi organique promettait pourtant de clarifier !

En urgence, vous avez décidé de privatiser partiellement une société d'autoroutes, et de modifier les conditions d'octroi des licences UMTS ; voilà beaucoup d'approximations pour un budget ! Vous avez également annoncé des mesures de soutien dictées par les seules fins électoralistes mais qui manquent de cohérence, voire d'efficacité.

Vous affirmez, dans une interview publiée dans un journal du soir, que le gouvernement de Lionel Jospin est le seul à avoir diminué le chômage et les impôts ces quinze dernières années. C'est un mensonge historique ! Ils ont baissé à la fin des années quatre-vingt et les impôts ont augmenté : depuis 1997, le taux de prélèvements obligatoires est passé de 44,9 à 45,2 % du PIB, après un record historique de 45,7 % en 1999.

Depuis 1997, votre bilan est déplorable. Le passif l'emporte de loin sur l'actif. La France est passée au cinquième rang mondial des puissances industrielles, et du dixième au douzième en termes de PIB par habitant. Pour le déficit, nous occupons les derniers rangs de la classe européenne. En matière de productivité, nos performances sont déplorables.

Le groupe Démocratie libérale vous a présenté des propositions concrètes pour dynamiser notre économie. La majorité et le Gouvernement les ont rejetées.

Nous voulions baisser à 5,5 % le taux de TVA sur la restauration lourdement pénalisée par les 35 heures et la situation internationale ; vous avez refusé en usant d'arguments juridiques infondés. Vous avez aussi refusé de ramener le taux normal de TVA à 18,6 % comme vous vous y étiez engagés. Au lieu d'amplifier franchement la baisse des impôts, comme tous nos grands partenaires, vous vous contentez de doses homéopathiques. Nous voulions aussi réduire les droits de succession pour faciliter la transmission du patrimoine, vous l'avez refusé.

Enfin, ce budget ne répond pas aux exigences de la sécurité intérieure. Consacrer 100 milliards aux 35 heures, soit plus que les budgets de la sécurité civile et de la justice réunis, alors que l'insécurité progresse et que deux policiers viennent de perdre la vie, c'est se tromper de priorité. Vous n'avez pas su moderniser notre système judiciaire qui est au bord de l'asphyxie. De même, nous n'avons pas eu de réponses claires sur la nécessaire augmentation de crédits pour adapter notre défense.

Dans ces conditions, le groupe DL ne peut que voter contre la première partie du projet de loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Forni remplace Mme Aubert au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

M. Jean-Louis Idiart - Ce projet de budget s'inscrit clairement dans le respect de nos engagements pluriannuels : soutenir la croissance et le pouvoir d'achat, financer les priorités que sont l'emploi, la formation, la sécurité et la justice. Dans un contexte plus instable, c'est un budget volontariste, qui en appelle au meilleur de notre peuple pour combattre défaitisme et frilosité, tandis que la droite, pour des raisons électoralistes, rêve d'une France à genoux (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Lorsque les démocrates chrétiens en appellent au mal, tout est possible !

Pour favoriser le pouvoir d'achat, l'impôt sur le revenu continue à diminuer, la prime pour l'emploi est doublée. Sur la TVA, nous avons tenu notre engagement, en revenant sur la hausse décidée par M. Juppé. Pour les entreprises, ce budget comporte la baisse de l'impôt sur les sociétés, l'encouragement à l'investissement productif, la poursuite de la réforme de la taxe professionnelle. Il soutient le logement social, protège l'environnement.

La majorité plurielle a su travailler en commun ; le Gouvernement l'a écoutée, ce qui a permis d'améliorer le projet par l'adoption d'amendements portant sur la fiscalité des ménages - sur les chèques vacances, les dons, le barème de l'ISF, l'exonération de la redevance pour 700 000 personnes de plus de 65 ans, la taxe foncière sur le bâti ; d'amendements sur la fiscalité des associations, des établissements de santé, du logement ; de l'amendement supprimant la vignette pour les particuliers possédant un véhicule de moins de 3,5 tonnes et pour la grande majorité des artisans ; d'amendements relatifs à la fiscalité des entreprises - sur la TVA, la fiscalité pétrolière -, au développement des zones montagneuses, à l'environnement ; d'amendements profitant aux collectivités locales, avec l'abondement par l'Etat de 22,87 millions d'euros du fonds national de péréquation, la compensation des pertes de dotations de taxe professionnelle pour les collectivités défavorisées, l'abondement du FCTVA pour la tempête de 1999 (Murmures sur les bancs du groupe du RPR).

M. le Président - Laissez-moi le soin de savoir si les orateurs ont dépassé ou non leur temps de parole. Je sais qu'il y a dans cette salle un certain nombre de collègues qui postulent à la succession du Président, mais pour l'instant elle n'est pas ouverte (Rires).

M. Jean-Louis Idiart - Tous ces amendements ont été adoptés et il n'y a pas eu de seconde délibération, ce qui témoigne du bon climat de la discussion budgétaire. Le groupe socialiste votera ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Auberger - Le Gouvernement en appelle à la confiance et au civisme des ménages et des entreprises. Mais pouvons-nous faire confiance à un gouvernement qui prépare un budget sur une hypothèse irréaliste de croissance de 2,5 % et moins d'un mois après, se voit contraint de conforter cette croissance ? A un gouvernement qui se déclare partisan de la maîtrise des finances publiques mais laisse entendre que, sinon, on laissera filer le déficit ? Pouvons-nous faire confiance (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) à un gouvernement qui, quinze jours après avoir adressé un commandement à payer à un orateur de téléphonie, divise par huit les montants à payer par les opérateurs de troisième génération, privant de sommes importantes le fonds de réserve des retraites ? Confiance (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste ; « Non ! » sur les bancs du groupe du RPR) à un gouvernement qui décide de distribuer à trois mois d'intervalle 1 000 F à huit millions de foyers, et transforme ainsi la prime pour l'emploi en prime pour les élections ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Odette Grzegrzulka - Vive le Gouvernement !

M. Philippe Auberger - Le Gouvernement se déclare fier de sa gestion publique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Mais peut-il être fier d'être contraint de financer les allégements d'impôt par des recettes exceptionnelles et de ne pas avoir diminué les prélèvements obligatoires alors qu'il a bénéficié d'une croissance exceptionnelle ? Fier (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) de la progression du déficit pour 2000, 2001, 2002 ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe du RPR) Peut-il être fier (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), après avoir tant parlé de réforme de l'Etat et avoir dégagé 72 milliards de mesures nouvelles en 2002, d'avoir ramené ses ambitions à trois objectifs : assurer une rentrée scolaire sans vague (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) ; doter les tribunaux des effectifs de magistrats tout justes nécessaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour faire face à la funeste loi sur la présomption d'innocence ; créer un ou deux postes supplémentaires dans chaque commissariat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Les policiers apprécieront, après toutes les promesses qui leur ont été faites.

L'euro arrive. Au lieu de conforter la confiance dans cette monnaie, le Gouvernement se révèle incapable de tenir ses engagements envers Bruxelles, incapable de tenir la programmation triennale des finances publiques (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) et laisse une situation parmi les plus critiques dans la zone euro (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Comment peut-il alors prétendre obtenir de la Banque centrale européenne une baisse des taux d'intérêt ?

Enfin, le Gouvernement affirme toujours faire de l'emploi la priorité des priorités (« Oui !» sur les bancs du groupe socialiste). Alors que le nombre des demandeurs d'emploi a recommencé à augmenter depuis cinq mois, que propose-t-il ? De maintenir les 35 heures pour toutes les entreprises (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) y compris les plus petites, pour qui cela crée des contraintes insupportables (« Non ! » bancs du groupe socialiste), et alors que cela n'a plus aucun effet positif sur l'emploi (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste) ) et coûtera plus de 100 milliards de francs en 2002 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il propose ensuite de créer 26 000 postes supplémentaires dans la fonction publique d'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Enfin, de reprendre le traitement social du chômage, les emplois-jeunes et les contrats emploi formation (Mêmes mouvements).

Pour reprendre une formule que vous affectionnez, je ne voudrais pas, monsieur le ministre des finances, vous accabler. Mais je doute qu'un tel programme rende l'espoir à plus de deux millions de demandeurs d'emploi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Un député socialiste - Avec vous, il y en avait quatre !

M. Philippe Auberger - Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et sur quelques bancs du groupe DL).

A la majorité de 265 voix contre 246, sur 546 votants et 511 suffrages exprimés, l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2002 est adoptée.

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à 17 heures 15 sous la présidence de M. Claude Gaillard.

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2002

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - La sécurité sociale concerne la vie quotidienne de tous les Français. Elle commande la confiance, la justice et la cohésion de notre société. Notre débat est d'autant plus important que nous sommes entrés depuis quelques mois dans une période d'incertitude économique plus forte. De surcroît, les tensions internationales nées des attentats horribles du 11 septembre ajoutent aux inquiétudes des Français. Je n'oublie pas non plus le drame de Toulouse.

Dans ce contexte, les Français doivent pouvoir plus que jamais compter sur la sécurité sociale pour garder confiance en l'avenir. Les mesures nouvelles que nous présentons, ajoutées aux dispositions en discussion dans le PLF pour 2002, tendent précisément à maintenir cette confiance. Nos propositions ne doivent pas seulement être considérées en elles-mêmes, mais dans la continuité de notre action depuis le début de la législature.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - Très bien !

Mme la Ministre - Depuis près de cinq ans nous avons enrichi le contenu de la croissance en emplois. Nous avons créé une dynamique de progrès social avec un objectif prioritaire, la lutte contre le chômage. Nous avons montré qu'il était possible de mettre en _uvre une politique conciliant croissance, compétitivité, emploi, solidarité et qualité de vie. Les résultats obtenus sont sans précédent, nous pouvons en être fiers, même s'il reste beaucoup à faire. Entre 1997 et 2001 nous avons créé 1 500 000 emplois, dont 540 000 pour la seule année 2000, ce qui est un record historique, et réduit d'un million le nombre de demandeurs d'emploi. Nous avons amélioré, pour la croissance et l'emploi, notre situation par rapport à nos voisins européens.

Les résultats obtenus dans la lutte contre le chômage, qui bénéficient à la sécurité sociale, doivent beaucoup à des choix de financement plus favorables à l'emploi. Ainsi, en 1998, nous avons réformé en profondeur les prélèvements sociaux supportés par les assurés au titre de la maladie, et nous avons rééquilibré le financement de l'assurance maladie afin qu'ils pèsent moins sur les revenus du travail. Nous avons aussi porté à 1,8 SMIC les allégements de charges sur les bas salaires, en les modulant de façon à inciter à l'embauche de travailleurs peu qualifiés. De même, nous avons progressivement supprimé les allégements pour les entreprises qui embauchent des salariés à temps partiel, et assuré le financement des allégements pour les entreprises qui embauchent des salariés faiblement qualifiés ou qui mettent en place les 35 heures. Pour le financement de ces dernières, les allégements de charges demeurent minoritaires dans l'ensemble des allégements.

M. le Président de la commission - Très juste !

Mme la Ministre - Ces allégements, qui s'ajoutent à ceux décidés par les précédents gouvernements, sont financés dans le cadre du FOREC, selon des modalités qui préservent les ressources de la sécurité sociale, car il n'est fait appel qu'à des ressources fiscales.

Nos résultats dans le domaine de l'emploi ont permis à la sécurité sociale de bénéficier d'un financement stable et durable. Ainsi ont pu être réalisées des avancées sociales substantielles, et des excédents significatifs ont été dégagés. En effet, le régime général a renoué avec les excédents à partir de 1999, et les prévisions pour 2001 sont bonnes. Au total, sur les quatre exercices qui s'achèvent, nous avons atteint un quasi-équilibre, à comparer aux lourds déficits de la période 1993-1997.

M. Yves Bur - Hérités de qui ?

Mme la Ministre - Le Gouvernement a également modernisé en profondeur la comptabilité des organismes sociaux, en introduisant un système de droits constatés. Le Haut Conseil de la comptabilité des organismes de sécurité sociale, créé officiellement le mois dernier, permettra d'améliorer encore la présentation des comptes et donc de faciliter le contrôle du Parlement.

Le rétablissement des comptes ainsi assuré permet de poursuivre le construction de nouveaux droits et d'ouvrir de nouveaux chantiers, par exemple les programmes pluriannuels de santé publique, les nouvelles relations à construire entre les professionnels de soins de ville et les pouvoirs publics, l'évolution de notre système de réparation des accidents du travail, ou l'avenir de nos régimes de retraites.

M. Yves Bur - Vous nous mettez en appétit !

M. le Président de la commission - Nos collègues sont contents ! C'est parfait !

Mme la Ministre - Oui, cela me paraît de bon augure... (Sourires) La première priorité demeure la santé des Français. Depuis la réforme des ordonnances de 1996, le Parlement se prononce sur l'objectif des dépenses d'assurance maladie pour l'année suivante. Notre système de santé est en effet financé par des prélèvements obligatoires, et nos concitoyens sont en droit de nous demander de veiller à la meilleure utilisation de leurs contributions. On s'est plaint de la difficulté de lier ce vote sur les objectifs aux grandes orientations de la politique de santé. C'est pourquoi nous avons rappelé, dans le projet relatif aux droits des malades, que nous appellerons désormais la loi Kouchner... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - C'est trop d'honneur ! Vous me mettez dans l'embarras !

Mme la Ministre - J'aime bien faire rougir Bernard Kouchner ! (Sourires) Ce texte, voté dans un climat très constructif, dispose que chaque année se tiendra un débat sur les grandes orientations de la politique de santé, avant la discussion à l'automne du PLFSS...

M. Jean-Luc Préel - Un débat avec amendements et vote ?

Mme la Ministre - En effet.

Nous devons également réfléchir aux évolutions souhaitables du PLFSS en liaison avec ces priorités de santé pluriannuelles. Sur ce point, l'ONDAM devra progressivement prendre en compte cette approche pluriannuelle, dans une logique de programme.

M. le Président de la commission - Très bien !

Mme la Ministre - S'agissant d'abord de l'hôpital public, nous poursuivrons notre politique favorable à l'innovation thérapeutique, à l'amélioration des conditions de travail et, bien sûr, à une meilleure adéquation aux besoins des malades. Depuis 1997, les dépenses de ce secteur ont progressé de plus de 4 milliards d'euros - 27 milliards de francs - et leur taux de croissance a triplé, passant de 1,15 % à 3,3 % en 2001. En 2002, ce taux sera de 3,6 %, hors réduction de la durée du travail, et de 4,8 %, RTT comprise.

Pour améliorer la qualité des soins, nous maintiendrons l'an prochain nos trois priorités : adaptation de l'offre de soins aux besoins de la population, promotion de la qualité et de la sécurité des soins, et réduction des inégalités.

Sur le premier point, les schémas régionaux d'organisation sanitaire de seconde génération continueront de se mettre en place, entraînant des réorganisations importantes. 111 communautés d'établissements sont constituées ou en passe de l'être dans 150 secteurs et 120 réseaux ont été agréés ou sont en cours d'agrément. Une enveloppe de plus de 10,6 millions d'euros - 70 millions de francs - y sera consacrée en 2002.

Pour ce qui est de la qualité et de la sécurité des soins, les crédits inscrits dans la loi de finances pour 2001 ont permis de mettre aux normes la stérilisation. L'effort sera poursuivi l'an prochain. Nous avons également renforcé la prise en charge des dépenses liées à l'arrivée de nouvelles molécules, actives contre le cancer ou la polyarthrite rhumatoïde. La dotation d'1 milliard qui y est consacrée cette année sera abondée de 200 millions et, pour 2002, nous avons prévu une enveloppe supplémentaire de 1,5 milliard, ce qui portera le total à 2,7 milliards.

Enfin, pour réduire les inégalités dans l'accès aux soins, nous avons décidé de développer certains équipements lourds. Ainsi, 97 nouvelles IRM ont pu être installées en 2001 ainsi que 28 tomographes à émission de positrons - dont il n'existait que neuf exemplaires en France en 2000.

M. Jean-Luc Préel - Nous dépasserons bientôt la Turquie !

Mme la Ministre - Il est vrai que nous souffrions d'un retard mais nous voulons le combler au plus vite. Pour cela, nous avons décidé de simplifier la procédure d'autorisation et de la déconcentrer davantage. Le décret vient d'être signé ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - Nous le réclamions depuis longtemps !

Mme Odette Grzegrzulka - Préel l'a voulu, Préel l'a eu ! (Sourires)

Mme la Ministre - Dorénavant, les décisions seront prises à l'échelle de la région.

Ces priorités se sont accompagnées d'une politique sociale soutenue dont la prochaine étape sera la mise en place de la réduction du temps de travail à l'hôpital. Mme Aubry a signé, les 13 et 14 mars 2000, deux protocoles qui ont permis de mobiliser plus de 1,5 milliard d'euros - plus de 10 milliards de francs - sur trois ans. Les établissements ont ainsi pu améliorer les conditions de travail, la formation professionnelle et le dialogue social, revaloriser la rémunération des praticiens, assurer le remplacement des personnels absents, renforcer les services d'urgence et investir. J'ai moi-même signé, le 14 mars dernier, le protocole sur les filières professionnelles qui tend à revaloriser les cursus professionnels et les rémunérations de tous les agents hospitaliers, aides-soignantes et personnels administratifs compris. Cet accord montre aussi les possibilités de promotion interne et en cela, contribue à réduire le blocage des carrières. L'effort s'élèvera à plus de 33,5 millions d'euros, soit 2,2 milliards de francs par an, après montée en charge.

Enfin, nous avons engagé la réduction du temps de travail, qui sera accompagnée, comme vous le savez, de la création de 45 000 emplois en trois ans. La mesure doit répondre aux attentes des personnels mais nous en attendons aussi une amélioration de la prise en charge pour les usagers. Une phase de concertation s'ouvrira à cet effet, associant ceux qui ont signé comme ceux qui n'ont pas signé le protocole du 27 septembre. Précédant l'attribution des emplois par les ARH, elle permettra de déterminer une nouvelle organisation du travail dans les services.

Pourvoir 45 000 emplois en trois ans suppose de conforter notre dispositif de formation, pour les professions paramédicales en particulier. De ce point de vue, nous avons rompu avec le passé en augmentant de 1 000 en 1998, de 1 200 en 1999 et de 8 000 en 2000 et 2001 le nombre des places dans les instituts de formation infirmiers. L'effort sera maintenu au même niveau qu'en 2001 l'an prochain. En outre, 7 000 élèves aides-soignants supplémentaires seront formés.

Enfin, hier, comme vous le savez, nous sommes parvenus, sur la réduction du temps de travail à un accord signé par l'ensemble des organisations syndicales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) dont l'engagement personnel a été décisif pour le succès de la négociation. Nous le devons pour beaucoup à Bernard Kouchner (Mêmes mouvements). Sur deux ans, 2000 emplois seront créés. Ils pourront être d'autant plus facilement pourvus que l'accord comporte aussi des dispositions de nature à rendre la carrière de médecin hospitalier plus attractive.

Ces accords permettront de combler un retard réel. Mais, comme nous ne cessons de demander toujours plus à l'hôpital, comme la situation dans certains établissements est tendue, j'indique que le Gouvernement est prêt à accroître les moyens de nos hôpitaux dans des proportions significatives : soit d'environ 1 milliard de francs, qui ira à la formation et à la promotion professionnelles ainsi qu'aux investissements, soit de modernisation, soit de sécurité.

M. le Président de la commission - Très bien !

Mme la Ministre - Je vous ferai des propositions plus précises sur ce point au cours du débat (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Je suis consciente du rôle essentiel que les cliniques privées jouent au sein de notre système de santé et les événements de Toulouse nous l'auraient rappelé s'il était besoin. Je sais aussi que certaines connaissent des situations difficiles. Un effort a donc été engagé en leur faveur : avant même l'accord du 4 avril qui a pris en compte leurs difficultés, l'objectif quantifié national qui les concerne a été porté en 2000 à 3,3 %, comme pour l'hôpital public. En 2002, grâce à l'accord d'avril, les mesures de sécurité sanitaire seront reconduites et les tarifs des maternités, qui ont déjà été relevés de 8 % cette année, seront à nouveau revalorisés ; en outre, le plan pluriannuel pour la convergence des rémunérations entre secteurs privé et public sera poursuivi et amplifié, afin de faciliter le recrutement d'infirmières.

M. Yves Bur - C'est peu par rapport à l'hôpital !

Mme la Ministre - Nous ne faisons que commencer le débat !

Depuis 1997, nous avons conduit, en matière de soins de ville, une politique qui a permis des améliorations importantes pour ce qui est de l'optique, des prothèses et des dispositifs médicaux. Nous souhaitons amplifier le mouvement, pour les lunettes et les prothèses auditives en particulier. D'autre part nous allons généraliser un examen de prévention dentaire dans deux classes d'âge - celle des enfants de 6 et 12 ans, soit 1,4 million d'enfants.

Quant à notre politique du médicament, elle vise à élargir l'accès aux soins tout en concentrant l'effort sur les médicaments les plus utiles. Si les dépenses ont augmenté de 7 % en 2001, ce taux est moins élevé qu'en 2000, grâce aux mesures de réduction des prix annoncées en juin par Bernard Kouchner. Elles ont toutes été négociées avec les laboratoires.

M. Jean-Pierre Foucher - Qui n'ont guère eu le choix ! (Rires sur les bancs du groupe UDF)

Mme la Ministre - Il faut développer le recours aux médicaments génériques. Nous avons ainsi autorisé les médecins à prescrire en dénomination commune internationale, c'est-à-dire à faire référence à une molécule plutôt qu'à une marque.

Le Gouvernement a fixé l'objectif national de dépenses d'assurance maladie à 112,62 milliards d'euros, soit une progression de 3,8 % par rapport à 2001.

Pour les hôpitaux, l'objectif est de 4,8 %, dont 1,2 point pour financer la réduction du temps de travail. Hors RTT, le taux est donc de 3,6 %, ce qui est encore supérieur à celui de l'année dernière, qui s'élevait à 3,3 %.

Pour les établissements médico-sociaux, le taux est de 4,2 %. Il s'établit à 3,5 % pour les cliniques privées, ce qui est inférieur de 0,2 point à celui de l'année dernière. Il est même trois fois plus élevé que celui de 1997, qui n'était que de 1,3 %.

Quant aux soins de ville, l'objectif s'accroît de 3 %, comme l'année dernière.

La création de la couverture maladie universelle a été une grande réforme. Avant qu'elle aboutisse, 25 % des Français renonçaient à se soigner pour des raisons financières. Pour toute personne résidant sur le territoire national, il existe maintenant une couverture de base : elle profite à 1,5 million de personnes, dont 150 000 qui ne bénéficiaient auparavant d'aucune couverture maladie.

Parce que l'absence de couverture complémentaire constituait un obstacle pour beaucoup de personnes, nous avons en outre créé la CMU complémentaire, qui prend en charge le ticket modérateur, le forfait journalier en cas d'hospitalisation et certaines dépenses en matière d'optique et de prothèses.

Les bénéficiaires de la CMU sont d'un million plus nombreux que ceux de l'ancienne aide médicale des départements et le panier de soins est généralement plus large (Interruptions sur les bancs du groupe UDF). L'ancien système avait aussi le défaut d'être inégalement généreux selon les départements.

Mais vous avez été nombreux à signaler, comme Odette Grzegrzulka, que la CMU est un dispositif encore jeune qu'il faut améliorer. Je vous ferai des propositions en ce sens.

S'agissant des handicapés, la période 1997-2001 est marquée par la mise en _uvre d'un programme pluriannuel et d'un plan spécifique en faveur de l'autonomie des personnes handicapées.

Le programme pluriannuel comprend trois volets : la création d'établissements d'accueil, l'intégration scolaire des jeunes handicapés et le maintien des personnes handicapées dans la vie de la cité. Au total, les pouvoirs publics vont dégager 1,5 milliard de francs supplémentaire pour cette politique dans la période 2001-2003. Avec la suite du plan quinquennal 1999-2003, les crédits s'élèveront à 2,52 milliards.

Pour l'année 2002, je tiens à signaler la création de 25 nouveaux sites pour la vie autonome, sachant que 15 sites ont déjà été créés en 2000 et 25 en 2001.

Par ailleurs, 200 millions d'euros seront consacrés à la prise en charge des autistes et des polyhandicapés (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

En 2002, interviendra aussi la réforme de l'allocation d'éducation spécifique, dont le montant doit être modulé en fonction de la situation des familles. De plus, les critères d'attribution complémentaire seront harmonisés. Enfin, le montant proposé en cas de perte de salaire sera aligné sur celui d'autres allocations comparables. Nous allons consacrer 240 millions à cette réforme.

Vous savez qu'il n'y avait plus eu de conférence annuelle de la famille entre 1995 et 1997. Depuis celle de 1998, le Gouvernement a profondément rénové la politique de la famille, en restaurant ses marges de man_uvre et en se donnant une vision plus moderne de la question.

La branche famille est aujourd'hui excédentaire. Comment répartir cet excédent ? La question ne se pose que parce qu'il y a des excédents à répartir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - S'il y avait vraiment une politique de la famille, il n'y aurait pas d'excédent !

Mme la Ministre - En 1997, le déficit était encore de 14 milliards. Le Gouvernement a pris une mesure toujours promise et jamais tenue avant lui : il a porté à 20 ans l'âge limite de versement des allocations familiales.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse - Nous n'avions pas eu le temps de le faire en 1997.

Mme la Ministre - A qui la faute ?

Par ailleurs, nous avons aidé les Français à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle par un effort sans précédent en faveur de la petite enfance. Il vous est proposé d'abonder le fonds créé à cet effet de 1,5 milliard pour 2002, comme vous l'aviez fait pour 2001, ce qui permettra de financer la création de 20 000 places supplémentaires. Nous avons aussi aidé les familles les plus modestes en augmentant l'allocation de rentrée scolaire, pour un montant total de 6,7 milliards de francs.

M. Jean-Luc Préel - Nous l'avions augmenté en 1995.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances - Pour la réduire l'année suivante !

Mme la Ministre - Nous avons prévu avec la CNAF de doter le fonds d'action sociale de 6 milliards de francs, afin de multiplier les structures d'accueil pour la petite enfance et d'élargir l'accès aux loisirs des enfants.

Parce que les parents jouent un rôle essentiel, nous avons voulu renforcer la fonction parentale en modernisant notre droit de la famille. Nous continuons, cette année, avec la création d'un congé de paternité de deux semaines, en vue de revaloriser le rôle des pères. Pour nous, il n'existe pas de modèle familial idéal qu'on pourrait imposer à toute la société. Nous avons donc supprimé certaines mesures injustes, rompant ainsi avec la politique de l'ancienne majorité.

J'en viens aux retraites. Tout d'abord, il convient que les Français vieillissent dans la dignité. La prise en charge de la perte d'autonomie est indispensable.

Nous avions trouvé la branche vieillesse en difficulté. Elle renoue aujourd'hui avec les excédents : 1 milliard d'euros pour 2002.

Le Gouvernement vous propose de revaloriser les pensions de 2,2 %, alors que l'inflation s'élèverait à 1,5 %. Au total, les retraités ont registré un gain de pouvoir d'achat de 1,4 % depuis 1997.

Grâce à la suppression de la CRDS décidée en leur faveur l'année dernière, les retraités non imposables verront leur pouvoir d'achat progresser de 1,9 % sur la période 1997-2002.

Notre majorité se distingue aussi de la précédente par la prise en charge de la dépendance des personnes âgées. La loi du 20 juillet 2001 créant l'allocation personnalisée d'autonomie constitue une réforme très importante et a été saluée comme telle sur tous ces bancs : j'en remercie chacun des groupes parlementaires. Nous donnons ainsi à toutes les personnes âgées un nouveau droit universel et égal à l'autonomie. La nouvelle loi, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2002, leur permettra de bénéficier d'un plan d'aide si leur état le nécessite. L'allocation permettra à leurs proches de choisir le lieu de vie en cas de perte d'autonomie, les libérant ainsi d'un lourd fardeau. Elle concerne 800 000 personnes au lieu de 135 000 pour la précédente prestation. Il faut évidemment l'accompagner par un développement des aides au maintien à domicile et une rénovation de la prise en charge en établissement. Paulette Guinchard-Kunstler et moi-même vous apporterons toutes précisions utiles dans ce débat.

Avant d'en venir aux sujets importants pour préparer l'avenir - évolution des relations avec les professionnels de santé, prise en charge des accidents du travail, retraites -, j'évoquerai les programmes pluriannuels de santé publique, sur lesquels Bernard Kouchner reviendra en détail. Ces programmes très importants constituent une approche globale, qui allie le traitement des pathologies à de nombreuses actions de prévention. Il s'agit du plan national de lutte contre le cancer, de la lutte contre les maladies infectieuses, les hépatites - notamment l'hépatite C -, les pratiques addictives, les maladies de longue durée comme les maladies cardio-vasculaires, le diabète, l'asthme, l'insuffisance rénale chronique, ou encore la mucoviscidose. Nous poursuivons notre action en faveur de certaines populations fragiles, qui sera intensifiée par le présent projet de loi. Je pense aux programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, ou encore aux permanences d'accès aux soins dans les hôpitaux, qui ont été renforcées et le seront encore davantage. Je ne reviens pas sur le plan de prise en charge des victimes de la maladie d'Alzheimer, que nous avons présenté, il y a une dizaine de jours avec Bernard Kouchner et Paulette Guinchard-Kunstler. Il prévoit d'importants moyens et manifeste une approche nouvelle.

A ces grands plans s'ajoute le renforcement de la sécurité sanitaire, qui commence par la mise en place des agences de sécurité sanitaire : l'Institut de veille sanitaire, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'alimentation et l'Etablissement français du sang ont été créés par la loi du 1er juillet 1998.

J'en viens aux nouvelles relations avec les professionnels de santé.

M. Jean-Luc Préel - Tout reste à faire ! M. Kouchner, avec son talent, devrait réussir !

M. Marcel Rogemont - Cela vous ennuie qu'il réussisse !

Mme la Présidente - Laissez Mme la ministre s'exprimer.

Mme la Ministre - J'écoute avec intérêt ce dialogue, qui salue ce que nous avons accompli (Rires).

Le Gouvernement est conscient que la fixation des objectifs financiers doit s'accompagner d'un dialogue avec tous les partenaires du système de santé. Nous avons pu mener celui-ci au cours des « Grenelle » de la santé. J'ai rendu publiques nos treize propositions, dont certaines sont reprises par des amendements au présent projet de loi tandis que d'autres ont été intégrées dans le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Devraient intervenir rapidement la création de l'Observatoire de la démographie et des métiers, la mise en place d'une aide à l'installation ou encore l'amélioration du fonctionnement de la permanence des soins assurée en ville par les professionnels libéraux. Nous souhaitons dynamiser les initiatives en cours par le biais de financements complémentaires, de financements pérennes et d'une harmonisation au niveau régional pour soutenir le développement des réseaux, et par la création d'un Haut Conseil de santé.

Le malaise des professionnels de santé en ville n'étant pas seulement lié aux mécanismes de régulation, nous avons travaillé à une meilleure reconnaissance du rôle des professionnels libéraux. La convention en reste l'instrument. Je vous propose donc un cadre pour un nouveau contrat, et déposerai un amendement d'orientation dans les prochaines heures, qui sera précisé, une fois la concertation achevée, dans un deuxième amendement (Exclamations sur les bancs du groupe UDF).

M. le Président de la commission - Parfait ! Très bien !

Mme la Ministre - Vous n'êtes pas au bout de vos surprises. L'orientation proposée dans l'amendement consiste à lier le contrat et les mécanismes de régulation. Nous faisons le pari de la responsabilité, de l'engagement collectif et individuel dans le développement des bonnes pratiques, qui sont source d'économies. Le respect de ces engagements conventionnels constaté annuellement exonérerait les professionnels de l'application des lettres-clés flottantes.

M. Jean-Luc Préel - Elles ne sont donc pas suspendues !

Mme la Ministre - Je voudrais à présent évoquer la situation des personnels paramédicaux, et souligner la qualité du travail accompli avec eux depuis que nous avons mis fin aux ordonnances de 1996. Notre politique n'est pas fondée sur l'opposition entre médecins et auxiliaires médicaux, mais sur la volonté de renforcer leur complémentarité. Les conditions de la prescription médicale vont évoluer : la prescription d'actes paramédicaux par le médecin ne comporte qu'une indication, sans détailler la nature et le nombre d'actes à réaliser. La réforme du décret de compétences des masseurs-kinésithérapeutes et des orthoptistes a été menée à bien. Il en sera bientôt de même pour les orthophonistes et les infirmiers. La mise en _uvre du plan de soins infirmiers a demandé une phase complémentaire. Un test est en cours dans 19 départements pour valider la coordination entre le plan et la mise en _uvre de l'APA au 1er janvier 2002. Il est capital que nous puissions garantir des aides à domicile en nombre et en qualité suffisants avant de recentrer les actes infirmiers sur les décrets de compétences.

Des évolutions importantes de nomenclature sont également intervenues, pour les infirmières en 1999, puis pour les masseurs-kinésithérapeutes en 2000. La réforme de la nomenclature des orthophonistes est en cours.

Le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé comporte de nouvelles avancées, avec la création d'un Conseil national des professions paramédicales.

M. Jean-Luc Préel - Beaucoup n'en veulent pas !

Mme la Ministre - C'est au contraire une forte demande de leur part. La loi ouvre également aux masseurs-kinésithérapeutes la possibilité de prescrire l'achat de certains matériels. Nous avons, enfin, ouvert les expérimentations en matière de réseaux aux professionnels paramédicaux. Je voudrais vous dire, pour terminer sur ce point, que j'ai pu mesurer sur le terrain le grand professionnalisme de nos médecins et de nos personnels de santé. Je rends hommage aux médecins de ville libéraux, en me souvenant en particulier de ce collectif de médecins d'Evry qui s'est organisé afin de pouvoir assurer des soins à toute heure dans les quartiers dits sensibles. Nous avons accordé la plus grande attention à la sécurité des médecins, et développé des travaux spécifiques.

S'agissant des accidents du travail et des maladies professionnelles, la réforme du système de réparation et d'indemnité fait l'objet d'une réflexion approfondie, dans la ligne du dispositif sans précédent mis en place pour les victimes de l'amiante. A l'heure où les tribunaux mettent en cause la responsabilité de l'Etat, je voudrais rappeler ce que nous avons fait en leur faveur en matière de réparation des préjudices. En 1998, le Gouvernement a créé un mécanisme de levée de prescription pour la reconnaissance de leurs droits à indemnisation, qu'il vous est demandé de pérenniser aujourd'hui. En 1999, il a créé un mécanisme de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante. Plus de 9 000 d'entre eux en auront bénéficié d'ici la fin de l'année. Je transmettrai dans les prochains jours pour avis à la commission des accidents du travail un arrêté ouvrant ce dispositif à tous les salariés atteints de plaques pleurales. Jean Le Garrec et Claude Evin ont beaucoup travaillé sur ce sujet.

M. le Président de la commission - Merci, Madame.

Mme la Ministre - Le Parlement a voté l'an dernier la création d'un fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. J'ai signé le décret constitutif ; le fonds sera mis en place dans les prochaines semaines, et doté de 3,375 milliards de francs pour 2001 et 2002 par la branche accidents du travail.

Sur un plan plus général, il faut réfléchir au système mis en place par la grande loi de 1898 car depuis cent ans la réparation des accidents du travail n'a pas évolué comme le droit commun de l'indemnisation. Comment justifier la réparation forfaitaire, et le fait que le préjudice économique, moral ou esthétique soit moins bien indemnisé pour un accident du travail que pour un accident de la route ? Dans son rapport de juin dernier, le professeur Masse considérait que la réparation intégrale était inévitable. Je partage ce constat. Mais pour y parvenir, il faut remettre le système à plat. En effet la sécurité sociale ne sait pas aujourd'hui évaluer ces préjudices. Or il faut s'assurer que c'est bien elle qui pourra y faire face. Un groupe de travail me remettra en mars prochain des propositions complètes pour aller dans ce sens. Mais le Gouvernement commence déjà à aménager le code du travail et dans ce projet de loi nous revalorisons le barème des indemnisations en capital qui ne l'avait pas été depuis 1986. Nous serons attentifs aux propositions du Parlement et, après l'accident de Toulouse, j'attacherai un intérêt particulier aux mesures en faveur des ayants droit d'un accident mortel.

J'en viens à l'avenir des retraites. S'agissant d'une question de cette importance, il faut progresser sur la forme comme sur le fond, car en 1995 des décisions autoritaires avaient bloqué pour un temps les réformes et le débat. Dès son arrivée aux responsabilités, Lionel Jospin a affirmé que sa priorité était de garantir le système de retraites par répartition.

M. Jean-Luc Préel - Et cinq ans après ?

M. le Président de la commission - Il faut corriger les erreurs. M. Jacquat, rapporteur, en est gêné (Sourires).

Mme la Ministre - Le rapport Charpin en avril 1999, puis les rapports Taddei et Teulade ont contribué au débat. Le 20 mars 2000, le Premier ministre a posé les principes de la préservation de ce régime par répartition qui est le patrimoine de ceux qui n'ont rien : concertation, respect de l'identité et de la diversité des régimes, recherche de l'équité et de la solidarité, souplesse accrue dans l'accès à la retraite, anticipation des évolutions démographiques. C'est ce qui a guidé notre action.

M. Yves Bur - Ou plutôt votre réflexion.

Mme la Ministre - En 1998, nous avons créé le fonds de réserve des retraites pour abonder les régimes de répartition à partir de 2020. Il sera pourvu d'un conseil de surveillance où siégeront parlementaires et partenaires sociaux. Ses ressources sont les excédents des régimes de vieillesse, les prélèvements sur les revenus du capital et les revenus financiers générés par ses encours, ainsi que les produits des licences UMTS ou des privatisations compensant la baisse du prix de ces licences.

M. Yves Bur - Quel bricolage !

Mme la Ministre - Ce fonds comptera 13 milliards d'euros fin 2002, soit 85 milliards de francs - alors que j'en avais annoncé 65 - et fin 2020 plus de 1 000 milliards de francs. Nous respectons nos engagements.

En mai 2000, nous avons installé le conseil d'orientation des retraites qui va organiser la concertation dans la durée. Sans préjuger des conclusions du premier rapport prévu pour la fin de l'année, son premier acquis est d'avoir accentué les convergences dans l'analyse des perspectives démographiques et de l'ampleur du besoin de financement. Dans la future et nécessaire réforme des retraites par répartition, une question essentielle est celle de l'emploi, puisqu'en dépend le niveau des cotisations. C'est en améliorant l'emploi que nous avons desserré l'étau, sans pour autant écarter la nécessité de la réforme.

M. Jean-Luc Préel - C'est surtout M. Balladur qui a agi.

Mme la Ministre - Dans ce domaine du plein emploi, du meilleur emploi, nous sommes très en retard par rapport à nos voisins européens en ce qui concerne le travail des salariés de plus de 55 ans. L'objectif fixé au niveau européen est un taux d'emploi de 70 %. Pour y parvenir, il faut améliorer l'emploi des plus de 55 ans. Dans le cadre du dialogue social que je mène depuis juillet 2001 avec les partenaires sociaux, les trois chantiers sont l'avenir de la protection sociale - nous avançons avec le Grenelle social et le PLFSS -, la démocratie sociale, sur laquelle nous avançons également ...

M. Yves Bur - Tout le monde est content.

Mme la Ministre - ...Et enfin le plein emploi. Sur ce dernier point, le thème « âge et travail » a fait un large consensus. Le Conseil économique et social en discute aujourd'hui même et le conseil d'orientation des retraites a publié les actes du colloque qu'il a organisé en mai sur ce sujet. J'ai demandé à M. Bernard Quintreau, rapporteur du Conseil économique et social, de faire des propositions concrètes sur la communication, la formation, l'organisation du travail des salariés âgés. Je compte valoriser les actions pilotes d'entreprises performantes et développer l'expérimentation sur la base des résultats très remarquables obtenus en Finlande et aux Pays-Bas. Notre société doit profiter de la richesse nationale que représente l'expérience des salariés de plus de 50 ans.

Dans cet esprit, le PLFSS pour 2002 poursuit le mouvement engagé depuis 1997 pour restreindre les conditions d'accès aux préretraites financées par l'Etat. Bien entendu, dans les entreprises en réelle difficulté où rien n'a été prévu - je pense à une partie des salariés de Moulinex - on ne se passera pas des mesures d'âge. Mais il n'est pas question d'accepter que les entreprises se débarrassent de salariés qu'elles jugent trop âgés parfois même à 45 ans.

M. Yves Bur - Certains salariés aspirent à partir.

Mme la Ministre - Toute la question est que le travail soit intéressant en fin de carrière. En tout cas il nous faut renverser les évolutions propres à la France.

M. Maxime Gremetz - Donc on va arrêter l'extension des préretraites dans la métallurgie.

Mme la Ministre - Avec la commission des affaires sociales, nous travaillons à assurer une garantie de ressources jusqu'à 60 ans aux chômeurs âgés qui ont cotisé 40 ans et ne sont pas couverts par l'UNEDIC. M. Recours a fait des propositions et je suis persuadée que nous trouverons un dispositif adapté.

La commission a insisté sur d'autres amendements concernant les retraites. S'agissant des moins de soixante ans qui ont cotisé plus de 160 trimestres, dès son discours du 21 mars 2000, le Premier ministre parlait « d'accorder plus de souplesse dans le choix du départ à la retraite de ces salariés, dès lors que ceci ne dégraderait pas la situation financière du régime général », en pénalisant moins ceux qui désirent partir ou sont contraints de le faire sans avoir suffisamment de trimestres pour obtenir une retraite à taux plein.

M. Denis Jacquat, rapporteur - Pourquoi pas ?

Mme la Ministre - L'amendement de votre commission rencontre ces préoccupations. Mais il ne peut être retenu par le Gouvernement indépendamment de la réforme d'ensemble que nous aurons à mener (Murmures sur les bancs du groupe communiste et du groupe UDF).

M. Yves Bur - Dans combien d'années ?

M. Maxime Gremetz - Cela fait quatre ans qu'on dépose cet amendement !

Mme la Ministre - Il faut le situer dans le cadre plus général de la réforme des retraites, non seulement en raison de son coût, mais parce que nous devons l'envisager en liaison avec d'autres mesures. Je souhaite ainsi que nous approfondissions dans les mois qui viennent la question des avantages familiaux en matière de retraites, ou la prise en compte du handicap ou de la pénibilité du travail. Le premier rapport du Conseil d'orientation des retraites n'abordera pas ces points ; je souhaite l'en saisir officiellement.

M. Maxime Gremetz - Erreur : c'est prévu.

Mme la Ministre - Ces questions aussi doivent être concertées avec tous les partenaires concernés, et ne peuvent être séparées d'une réforme globale des retraites.

M. Yves Bur - On botte en touche...

Mme la Ministre - La France est un pays qui vieillit. C'est une formidable opportunité pour tous, à condition de savoir le voir ainsi. L'espérance de vie croît sans cesse. Un homme de 60 ans aujourd'hui a statistiquement vingt ans à vivre. Mais celui qui a 20 ans aujourd'hui, quand en 2040 il en aura 60, aura devant lui 26 ans à vivre... La contrepartie est que le poids des retraites s'accroît. Dans son premier rapport, le COR évaluera les perspectives financières. C'est pourquoi la réforme des retraites est absolument nécessaire, et les Français en sont conscients.

Sans vouloir anticiper sur les conclusions du COR, il me semble qu'un élément du débat sera essentiel aux yeux des Français : c'est le niveau de vie de leur retraite, comparé au niveau de leur dernière rémunération - ce qu'on appelle le taux de remplacement. Garantir les retraites exigera, je pense, de formaliser la garantie d'un taux de remplacement, et une part importante de la négociation à venir portera sur son niveau général. A partir de ce point fixe nous pourrons mieux discuter des souplesses destinées à permettre les choix individuels. Seule une réforme d'ensemble permettra d'atteindre ce double objectif : garantir les retraites, et trouver comment le système peut être assoupli pour permettre à chaque individu une marge de choix autour d'une garantie générale.

Par conséquent, ce que nous ferons dans les semaines et les mois qui viennent, ce sera de poursuivre le chantier « âge et travail », condition préalable d'une réforme des retraites. Le COR remettra son premier rapport en décembre ; il devrait permettre une certaine convergence des analyses, et avancer des propositions. Dans un deuxième temps des travaux complémentaires et des concertations devraient porter sur les avantages familiaux dans la retraite et la prise en compte du handicap, et je souhaite que le COR rende alors des conclusions à ce sujet. Une fois ces deux chantiers menés à bien, nous disposerons de tous les outils requis pour éclairer les choix à faire tout de suite après les échéances électorales (Rires sur les bancs du groupe UDF). Il faudra alors passer de la concertation à une négociation tripartite qui dégagera des orientations à mettre en _uvre par la loi.

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans le prolongement des priorités du Gouvernement, visant à instaurer de nouveaux droits pour une France toujours plus solidaire. Il concilie efficacité économique et solidarité. Il reflète notre engagement en faveur de la rigueur dans la gestion des comptes sociaux, en même temps que notre souci d'agir toujours plus en faveur des plus fragiles. Par ce projet le Gouvernement manifeste son intention de ne pas clore une politique engagée depuis cinq ans, mais d'en assurer la continuité, et surtout de déterminer les choix qu'il souhaite voir s'imposer aux pouvoirs publics dans les années qui viennent. Assurer aux Français une protection sociale de qualité, c'est prendre en charge les risques aujourd'hui bien identifiés, mais aussi se donner les moyens de prévoir ce que nous redoutons. Ce projet le permet ; je ne doute pas qu'il sera enrichi par vos débats (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - Je ne reviendrai pas sur la présentation des dépenses de santé que vous a faite Mme Guigou, mais je donnerai un éclairage personnel sur certains points.

Vingt ans d'expérience le montrent : hormis quelques périodes particulières et très circonscrites, les dépenses de santé en France ont toujours crû plus vite que l'inflation et le PIB. Cela signifie, comme le confirme une étude récente de l'OCDE, que, plus le revenu par habitant est élevé, plus le pourcentage de ce revenu consacré aux dépenses de santé est important. C'est sans doute là une tendance lourde pour de multiples raisons : recherche d'une plus grande sécurité, expression de nouveaux besoins de santé, coût croissant de l'innovation thérapeutique, mais aussi vieillissement de la population. Il n'est donc pas illogique que la collectivité consacre sans cesse plus de moyens à la santé. Ainsi la dépense courante de santé s'est-elle élevée à 922 milliards de francs en 2000 et la consommation de biens et services médicaux à 791 milliards de francs, soit respectivement 15 225 et 13 061 francs par habitant. Enfin, la santé représente environ 10 % du produit intérieur brut dans notre pays. Ces sommes sont considérables, mais elles signifient également que nos concitoyens vivent plus vieux, qu'ils ont accès aux technologies les plus performantes et qu'ils sont globalement de mieux en mieux soignés. Cet effort nous permet de nous situer au premier rang du classement mondial de l'OMS.

Pour conserver ce rang, et pour que cet objectif soit compatible avec nos possibilités, nous devons nous interroger en permanence sur nos choix de santé publique, ainsi que sur une meilleure hiérarchisation de ce que nous décidons de prendre en charge.

C'est parce qu'avec Elisabeth Guigou je porte cette conviction que nous avons débattu ensemble, il y a quelques jours, du projet relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Bientôt, je l'espère, le débat sur le financement de la sécurité sociale en sera éclairé : ce texte que vous avez voté récemment en première lecture fait en effet du débat sur la politique de santé un préalable au débat sur son financement, ce qui est un progrès.

En attendant, j'ai présenté en février, devant la conférence nationale de santé à Strasbourg, le cadre général de la politique de santé. C'est à partir de ces éléments qu'avec Mme Guigou nous avons construit une grande partie du présent projet. Pour ce qui concerne la santé, ses trois axes sont la conduite de grands programmes de santé publique - certains sont déjà engagés, d'autres le seront dans les prochaines semaines -, l'accès aux thérapeutiques les plus innovantes, et la sécurité sanitaire.

Les grands programmes de santé se mettent en place conformément aux objectifs. Leur financement est assuré par une enveloppe spécifique d'1,1 milliard de francs en sus des dépenses qu'engagent déjà l'Etat et l'assurance maladie. Certains de ces programmes sont en cours, et se voient consolidés et confortés par ce projet. Ainsi, le dépistage du cancer du sein est en cours de généralisation, et ce projet s'en donne les moyens. A terme, l'ensemble des 7,4 millions de femmes de 50 à 74 ans concernées bénéficiera de ce dépistage , avec un égal accès sur l'ensemble du territoire. Ce dépistage sera pris en charge à 100 % par l'assurance maladie. Par ailleurs, nous entreprendrons dès l'année prochaine, dans dix départements tout d'abord, une action de dépistage du cancer colo-rectal. Cette action sera ultérieurement généralisée. Enfin, l'enveloppe dédiée au financement de l'innovation thérapeutique sera largement consacrée aux médicaments utilisés en cancérologie.

J'ai également annoncé le 29 septembre les grandes orientations de ma politique concernant l'asthme, une maladie chronique qui touche 5 à 7 % des enfants, 10 % des adultes, qui concerne 3,5 millions de personnes et qui cause chaque année 2 000 décès dont beaucoup seraient évitables. Ce plan repose sur l'amélioration de la prise en charge, la promotion du travail en réseau, le développement de l'éducation thérapeutique, le dépistage précoce et la prévention.

Toujours dans le domaine des maladies chroniques, j'ai annoncé le 23 septembre, à l'occasion de la première journée nationale de l'insuffisance rénale, un programme d'action concernant la prise en charge de cette affection. Il prévoit notamment la suppression de l'indice de besoin pour les postes de dialyse et la mise en place d'un nouveau système de régulation de la dialyse qui s'orientera en fonction des besoins ; la création de comités régionaux de l'insuffisance rénale chronique, associant les professionnels de santé, les associations de malades et les organismes d'assurance-maladie, qui contribueront à la politique de l'insuffisance rénale chronique dans leur région ; enfin la promotion du prélèvement de greffon rénal, afin de réaliser 600 greffes de rein supplémentaires par an d'ici 2004, soit environ 2 500 greffes annuelles.

Dans la lutte contre la toxicomanie, nous en sommes à la dernière année d'application du plan triennal adopté en juin 1999. Nous en dressons le bilan en vue de l'élaboration d'un nouveau programme d'action. Les dispositifs hospitaliers et médico-sociaux dédiés à la lutte contre les addictions ainsi qu'au tabagisme continueront d'être renforcés en 2002. Ainsi en trois ans les moyens affectés aux dispositifs spécialisés de soins de l'alcoolisme auront doublé, et pour l'affirmer je bois un verre d'eau ! (Sourires)

Les derniers éléments d'information en notre possession montrent que nous ne devons pas relâcher notre effort de lutte contre le sida. Je travaille activement à l'actualisation du programme de lutte contre le VIH. Le décret du 16 mai 2001, relatif à la déclaration obligatoire de l'infection du VIH, est un instrument de ce contrat.

Au sujet de l'hépatite C, nous avons lancé une politique de communication très ambitieuse, pour inciter au dépistage et accéder ainsi à un traitement désormais très efficace.

Le plan périnatalité se poursuit. Il touche à des sujets très sensibles, comme en témoignent le mouvement des sages-femmes et celui des gynécologues-obstétriciens du printemps dernier, ou la question de l'avenir de la gynécologie médicale, à laquelle votre assemblée a apporté une réponse unanime lors de la discussion du projet relatif aux droits des malades. Le 11 octobre dernier, Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler et moi avons annoncé un programme d'action contre la maladie d'Alzheimer, qui touche 350 000 personnes.

M. Pascal Terrasse - Et bientôt 600 000 !

M. le Ministre délégué - Ce plan tend à améliorer le diagnostic, qui doit être le plus précoce possible. Cela passe par le développement de consultation-mémoire, que le PLFSS permet de financer.

De plus les structures d'accueil, d'information et d'hébergement seront améliorées, les études et recherches cliniques seront renforcées. Ce volet médical vient appuyer cet élément fondamental qu'est la création de l'allocation personnalisée. Aujourd'hui encore j'ai présenté à l'hôpital Broussais un programme ambitieux concernant les maladies rares et les médicaments orphelins. D'autres programmes de santé sont en chantier, dont le financement figure dans le projet. Ils portent d'abord sur les maladies cardio-vasculaires, première cause de mortalité avec 100 000 infarctus par an. Les facteurs de risque sont connus, de l'hypertension artérielle au manque d'exercice physique. Sur ce dernier point le président Le Garrec et moi savons de quoi je parle !

M. Jean-Luc Préel - Vous êtes malades ?

M. le Ministre délégué - Non, nous courons tous les deux ! Certaines mesures ont déjà été adoptées, en particulier dans le cadre du programme national d'éducation pour la santé, mais nous devons améliorer la prise en charge des facteurs de risque. J'y travaille actuellement.

Le diabète, qui touche 2 000 000 de personnes et continue de progresser, accroît le risque de maladies cardio-vasculaires et constitue la première cause de dialyse en France. Là encore l'organisation du système de soins semble très perfectible. Une amélioration du dépistage et de l'éducation thérapeutique procurerait des économies à l'assurance maladie, le coût des pathologies liées au diabète s'élevant à environ 32 milliards.

Les soins palliatifs concernent principalement les personnes atteintes de cancer ou de troubles neurologiques dégénératifs. Alors que, rappelons-le, 75 % des Français souhaitent être pris en charge à domicile, 70 % d'entre eux meurent encore à l'hôpital. Le plan triennal 1999-2001, qui tend à renforcer les soins à domicile, arrive à son terme. Un autre suivra, dans la même direction. L'inégalité devant la mort, l'une des dernières qui subsistent, est proprement insupportable.

Des progrès ont été accomplis dans la lutte contre la douleur, avec en particulier une meilleure formation des professionnels. Il est toutefois difficile de changer les mentalités. L'action de lutte contre la douleur s'inscrit dans la continuité.

Enfin, différents programmes de santé sont en cours de finalisation Ils traitent des personnes âgées, des femmes, des populations en situation de précarité, des jeunes,...

Désormais, et c'est une transformation, nous considérons la santé publique non plus uniquement sous l'angle de la sécurité sanitaire et des dispositions de protection à prendre dans l'urgence. Nous cherchons à promouvoir une approche à la fois systématique, qui passe par des programmes spécifiques, et aussi itérative, qui permette d'ajuster nos plans à l'évolution des connaissances et des priorités. Ces choix ont lieu en toute transparence, puisque j'ai souhaité que la représentation nationale soit tenue informée de nos objectifs.

Nous vivons actuellement une véritable révolution médicale, assise sur de nouvelles techniques issues des biotechnologies, de nouveaux produits et de nouveaux dispositifs médicaux.

Ces thérapeutiques ouvrent des perspectives pour des pathologies face auxquelles nous étions souvent désarmés. Il n'est pas envisageable de refuser l'accès de nos concitoyens à ces progrès médicaux, souvent coûteux. C'est pourquoi nous avons fait figurer une dotation spécifique d'1,5 milliard consacrée au financement du progrès médical à l'hôpital dans la loi. Cette enveloppe sera déléguée aux ARH afin de garantir un accès équitable de nos concitoyens à ces nouvelles thérapeutiques.

M. Jean-Luc Préel - Il faudra veiller à sa répartition !

M. le Ministre délégué - Nous y veillerons !

Bien entendu, tout doit être fait en contrepartie pour mieux utiliser les médicaments.

Je pense au développement du médicament générique, domaine dans lequel nous ne sommes arrivés à rien !

M. Jean-Luc Préel - Rien en cinq ans !

M. le Ministre délégué - Vous, vous n'y aviez même pas pensé ! Le médicament générique représente 40 % à 45 % en Allemagne, et nous n'en sommes qu'à 4 %. C'est grotesque !

M. Yves Bur - Voilà un ministre objectif !

M. le Ministre délégué - La sécurité sanitaire demeure une préoccupation majeure. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte 230 millions de moyens nouveaux destinés à renforcer la lutte contre les infections nosocomiales, à la stérilisation des matériels médicaux, ainsi qu'au développement des matériels à usage unique. De plus, 120 millions sont destinés à financer des mesures entrées en vigueur cette année : réduction leucocytaire du plasma et généralisation du dépistage génomique viral. Le combat que je mène depuis dix ans pour la plus grande sécurité des soins franchit donc une nouvelle étape.

Notre système de sécurité sanitaire s'est sensiblement renforcé à la suite des deux lois de 1993 et de 1998, avec les créations de l'AFFSaPS et de l'InVS, mais également avec la réorganisation et le renforcement de la DGS et de la DHOS.

N'oublions pas que tout cela est financé par les Français !

Par une sorte de paradoxe du système comme l'a relevé Mme la ministre, l'état de santé bucco-dentaire de nos concitoyens, généralement satisfaisant, est loin de l'être chez les plus défavorisés. Ainsi un tiers seulement des enfants totalise 80 % des dents cariées, absentes ou obturées. Cela s'explique par la part importante des soins non remboursés, qui produit un effet d'éviction. 23 % de nos concitoyens déclarent avoir renoncé au moins une fois à des soins pour des raisons financières. Le mode de régulation actuelle n'est donc pas acceptable.

M. Yves Bur - Que proposez-vous ?

M. le Ministre délégué - Je laisse à Mme la ministre la primeur des nouvelles. Je vous indiquerai seulement qu'outre la mise en place d'un dispositif de prévention en faveur des enfants de 6 et 12 ans...

M. Yves Bur - Dispositif qui existait déjà !

M. le Ministre délégué - Il sera généralisé pour ces deux classes d'âge !

En outre, donc, nous voulons assouplir les modalités d'entente préalable et supprimer le plafond de 2 600 F applicable aux bénéficiaires de la CMU.

Certaines de ces mesures sont d'ordre réglementaire, d'autres exigent une disposition législative : nous y reviendrons donc.

Enfin, les professionnels attendent une révision de la nomenclature améliorant le taux de prise en charge de certains actes. Un premier pas a été fait avec la prise en charge du scellement des sillons et de l'inlay-core, pour un coût estimé à 1 milliard de F. Le projet nous donnera les moyens d'atteindre nos objectifs et je ne doute pas que la discussion ne contribue encore à rapprocher la ligne d'arrivée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l'équilibre général, avant de monter à la tribune, remet au Gouvernement un « tableau des plans de financement de la sécurité sociale »

M. François Goulard - Le Michel-Ange de la santé !

Mme la Présidente - Je crois que l'Assemblée devra bientôt se doter d'un rétro-projecteur...

M. Alfred Recours, rapporteur - Ce projet de loi de financement, le premier en euros et en droits constatés, et qui est aussi un projet de loi rectificative, est un projet excellent - y compris si on le compare au précédent. Il le doit sans doute en partie à nos débats sur le projet de modernisation sociale et sur le projet, défendu par M. Kouchner, relatif aux droits des malades, mais je suis convaincu qu'il sera encore plus excellent à l'issue de notre présente discussion, quand y auront été apportées toutes les améliorations auxquelles songent le Gouvernement et l'Assemblée.

Néanmoins, avant d'aborder son contenu, qu'il me soit permis d'émettre un regret, en tant que rapporteur chargé d'une mission de contrôle parlementaire : près d'un an après leur adoption, onze articles de la loi de financement pour 2001 n'ont toujours pas été appliqués, faute de dispositions réglementaires ! J'espère que le Gouvernement aura à c_ur d'y remédier avant la fin de l'année...

Dire que notre sécurité sociale est en bonne santé financière s'apparente aujourd'hui à un truisme, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années. La consolidation de la croissance, associée au recul du chômage, a permis en effet, entre 1998 et 2002, de dégager un excédent cumulé de 6,2 milliards alors qu'au cours des cinq années précédentes, le régime général accusait un déficit abyssal : de 266 milliards !

Le produit intérieur brut devrait augmenter de 4,2 % en 2002, après avoir crû de 3,9 % en 2001, et cette croissance soutenue doit s'accompagner d'une progression de l'emploi salarié. En conséquence, la masse salariale du secteur privé, élément prépondérant dans l'assiette des cotisations, devrait croître de 5 % en 2002, après avoir augmenté de 5,8 % les deux années précédentes. L'inflation restant structurellement faible et à moins que les événements du 11 septembre n'aient de retombées graves, le contexte permettra de maintenir l'excédent des comptes sociaux, les recettes profitant du dynamisme des revenus cependant que la progression des dépenses sera limitée par la désinflation. La nouvelle qui vient de nous parvenir aujourd'hui ne peut d'ailleurs que nous conforter dans notre optimisme : en septembre, la consommation a continué de croître, de 0,2 % et, sur un an, en glissant, la progression atteint 5,1 %. Dans le même temps, qui l'eût dit, le prix du baril de pétrole est tombé de 30 à 21 dollars. Enfin, la baisse des taux devrait se propager des Etats-Unis à l'Europe.

Le solde du régime général fait l'objet de presque tous les commentaires, mais nous ne devrions pas oublier que les administrations de la sécurité sociale, au sens de la comptabilité nationale, ont également dégagé un excédent depuis 1999 : cet excédent, de 50 milliards en 2002, est le fait de tous les régimes. Ainsi la sphère des finances sociales aura-t-elle apporté sa contribution au redressement des finances publiques. Mais les provisions accumulées au sein du fonds de réserve des retraites et celles des régimes complémentaires nous permettent aussi de préparer l'avenir.

En 2000, les recettes constatées ont dépassé de 13 milliards les prévisions, croissant de 4,3 % par rapport à 1999. Au titre du régime général, cette plus-value est essentiellement due à la progression de la masse salariale du secteur privé qui s'est élevée à 6,3 %, au lieu des 4,4 % prévus. On constate aussi une plus-value de 5 milliards du côté de la CSG sur les revenus du capital, plus-value qui compense les moindres recettes enregistrées par le FOREC après l'annulation par le Conseil constitutionnel de la contribution sur les heures supplémentaires.

En 2001, l'écart entre les prévisions initiales et les prévisions d'exécution avant mesures nouvelles s'explique par la conjonction de deux mouvements en sens contraire, accroissement spontané des recettes et effets de la décision du juge constitutionnel. Le bilan ne sera négatif que de 2,3 milliards. La réforme des cotisations salariales se révélant donc une réussite, ne pourrions-nous, Madame la ministre, travailler à celle des cotisations patronales ? Un amendement a été déposé, en tout cas, pour vous y inciter !

L'objectif de dépenses a été dépassé en 2000 de 13,3 milliards, du fait principalement de la branche maladie pour laquelle ce dépassement a atteint 18 milliards. Les branches vieillesse et accidents du travail ont en partie compensé. Mais en 2001 aussi, l'écart entre prévisions et réalisation devrait se monter à 14,6 milliards, les dépenses maladie progressant de 15 milliards.

Si l'on compare les prévisions révisées pour 2001 et les dépenses exécutées en 2000, la croissance globale est relativement forte - 4,4 % -, a raison principalement du dépassement de l'ONDAM. C'est un peu plus que la croissance prévisionnelle du PIB, évaluée à 3,9 %. Prenons cependant un peu de recul : contrairement à ce qu'a dit le ministre délégué, la comparaison la plus juste est à mon avis entre la croissance de l'ONDAM et celle du PIB. Or, entre 1996 et aujourd'hui, le premier a progressé en moyenne de 4,02 % par an, le second de 4,05 % en valeur. Cette concordance tendrait à prouver qu'on peut réussir une politique de maîtrise des dépenses de santé sur la crête de l'évolution du PIB. Il est normal que ces dépenses augmentent avec le vieillissement de la population et la découverte de nouvelles molécules. La régulation opérée par le Gouvernement a permis d'éviter tout dérapage financier et de concilier dynamisme du marché des soins et respect de la contrainte de financement.

Je vous ai remis tout à l'heure, Madame la ministre, une version actualisée du diagramme Sagittol des flux de financement de la sécurité sociale (Applaudissements sur tous les bancs). Par rapport à 2000, je ne note pas de complexité accrue, il me semble même observer une légère simplification. N'empêche que ce tableau illustre la nécessité de simplifier davantage et de stabiliser les circuits de financement de la sécurité sociale. Sans remettre en question le principe de nonaffectation des ressources, comment faire pour pérenniser les financements ? Par la réforme des cotisations patronales et la réintégration dans le barème de la centaine de mesures dérogatoires qui rendent le dispositif si complexe.

Comment parler de rationnement des soins alors que, depuis 1997, les dépenses d'assurance maladie ont progressé de 100 milliards ? Des mesures importantes ont été prises pour améliorer la couverture de tous les salariés : des programmes d'action spécifiques, la reconnaissance des droits du malade, l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, et surtout la CMU, qui concerne aujourd'hui 5 millions de personnes.

Dans la branche accidents du travail, nous avons mis fin à un système qui frappait les victimes de forclusion avant même qu'elles aient formulé leur demande.

Dans la branche famille, nous avons pérennisé l'allocation de rentrée scolaire, par ailleurs étendue aux familles ne comptant qu'un seul enfant. Nous avons porté à 20 ans l'âge limite pour le versement des allocations familiales et à 21 ans pour le complément et l'aide au logement. Un effort sans précédent a été engagé en faveur de l'accueil de la petite enfance.

Les pensions des retraités ont été revalorisées. De 1997 à 2000, leur pouvoir d'achat a augmenté de 1,4 à 1,9 % net, alors qu'entre 1993 et 1997, il avait reculé de 2,3 % suite à la hausse des prélèvements sociaux. Par ailleurs, un plan pluriannuel a été mis au point pour revaloriser les petites retraites agricoles et les amener au niveau du minimum vieillesse.

Je souhaite quant à moi l'adoption prochaine de la proposition déposée par Germinal Peiro, qui vise à donner une retraite complémentaire à tous les exploitants.

Dans toutes les branches, le bilan est considérable. La sécurité sociale n'est plus épinglée pour ses déficits. Au contraire, elle aborde l'avenir dans de bien meilleures conditions de financement qu'en 1997 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance maladie - Un des principaux moments du débat sur le financement de la sécurité sociale est le vote de l'ONDAM. Depuis 2000, son taux de progression est fixé pour l'année suivante sur la base des prévisions d'exécution de l'année en cours. Nous votons donc un ONDAM « rebasé », qui tient compte de la réalité des dépenses. Nous sommes donc loin du plan Juppé, caractérisé par un dispositif de récupération des dépassements, si bien que le taux voté était fixé par référence à l'objectif de l'année précédente.

L'ONDAM doit rester une référence. La solidarité nationale ne pourrait s'exercer si les dépenses financées par la collectivité dérapaient. Mais la procédure que nous avons mise en place ne s'apparente en rien à une maîtrise comptable des dépenses, contrairement à ce qu'affirment les responsables de certains syndicats de médecins libéraux. Ici, les mêmes qui nous critiqueront si nous ne tenons pas l'objectif nous reprocheront de ne pas donner suffisamment de moyens au système de santé.

M. le Président de la commission - Exactement.

M. Claude Evin, rapporteur - Pour 2000, le montant de l'ONDAM avait été voté en progression de 4,5 % par rapport à l'ONDAM voté pour 1999 et 2,9 % par rapport aux dépenses constatées in fine en 1999. Fin 2000, les dépenses constatées ont été en progression de 5,6 % par rapport aux dépenses constatées en 1999.

Pour 2001, le montant de l'ONDAM a été voté en progression de 5,3 % par rapport à 2000. La prévision d'exécution retenue par la commission des comptes de la sécurité sociale devrait être marquée par une hausse de 5 % par rapport aux dépenses constatées en 2000.

C'est particulièrement les dépenses de soins de ville qui dépassent l'objectif. En 2000, elles ont progressé de 7,8 % par rapport à 1999 et en 2001, on estime que la progression sera de 6,3 % par rapport à 2000. Nous l'avons dit à plusieurs reprises, la régulation conventionnelle du système de soins de ville ne fonctionne pas. Ce n'est pas faute, pourtant, d'avoir donné aux partenaires conventionnels des outils pour qu'ils puissent négocier des mécanismes de maîtrise. Je rappelle qu'aucun accord de bon usage des soins ni de contrat de bonne pratique, qui sont les outils juridiques créés par la loi de financement pour 2000, n'ont été signés. Nous nous félicitons que le Gouvernement ait lancé, au début de cette année, un processus de concertation concernant la médecine de ville. Nous l'avions demandé à plusieurs reprises. Nous l'avions voté dans le rapport annexé l'an dernier. Je veux rendre hommage, Madame la ministre, à votre volonté de dialogue avec les professions de santé. Créée en juin, la mission de concertation a formulé des propositions qui doivent encore être débattues. Certaines mesures seront inscrites dans ce projet, d'autres l'ont été dans la loi relative aux droits des malades. Nous mesurons les réformes qui restent encore à mettre en _uvre.

Il faut revoir notre mécanisme conventionnel, qui date de 1971. La médecine ambulatoire a beaucoup évolué en trente ans. Mais les réformes ne seront pas engagées avant les prochaines échéances électorales.

La forte augmentation des dépenses de ville est principalement imputable à la progression des dépenses de pharmacie et d'indemnités journalières, alors que la croissance des dépenses d'honoraires a été relativement modérée.

Les dépenses de remboursement de médicaments sont en forte progression : 10,4 % en 2000. Or, c'est surtout le nombre d'unités vendues qui a fortement augmenté. Ce n'est donc pas uniquement l'effet des prix des nouvelles molécules qui explique cette progression. Le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de septembre 2001 le rappelle : les Français ont un niveau de consommation élevé. En 1998, comme en 1990, la France a été le pays qui y consacre la part de produit intérieur brut la plus importante, devant les Etats-Unis. La consommation se déplace des médicaments les moins chers vers les nouveaux, plus chers, qui sont aussi les mieux remboursés, ce qui explique la hausse tendancielle du taux moyen de remboursement. Il existe deux raisons principales à cet effet de structure : d'abord la fixation d'un prix élevé et son maintien dans le temps, ensuite l'absence de réévaluation périodique du ratio coût-efficacité des produits. Un important travail reste donc à réaliser pour promouvoir le bon usage des médicaments. Le plan médicament de 1998 prévoyait la définition d'indicateurs de suivi des prescriptions dans cinq classes prioritaires et la réalisation d'un référentiel public sur le médicament dès 1998. La Cour des comptes l'a constaté de manière brutale : « Aucune mesure de bon usage n'a en réalité été prise ». Nous nous félicitons que le rapport annexé au projet réaffirme cet objectif de promotion du bon usage du médicament et souhaitons que des mesures soient prises rapidement dans ce sens.

Le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale prévoyait une augmentation de 7,7 % des dépenses de médicament. Ce chiffre marquerait un ralentissement de la progression des dépenses. Il intègre l'effet des baisses de prix intervenues à la suite des travaux de la commission de la transparence sur l'évaluation du service médical rendu.

Les dépenses hospitalières publiques ont, par contraste, progressé modérément, mais l'objectif a tout de même été dépassé en raison de la mise en _uvre des protocoles hospitaliers des 13 et 14 mars 2000. Ces protocoles ont marqué une rupture majeure en matière de politique hospitalière. Ils ont facilité les remplacements, amélioré les conditions de travail, soutenu l'investissement hospitalier et renforcé les urgences. Les praticiens hospitaliers n'avaient pas connu de réforme de leur statut ni de revalorisation de carrière depuis 1984. Plus de 12 milliards de francs ont été prévus pour financer ces mesures sur trois ans. Mais il faut évaluer les répercussions exactes de ces protocoles sur la situation budgétaire des établissements.

Nous constatons que ces mesures ne sont pas toutes financées dans le cadre des dotations attribuées par les ARH, générant ainsi des déficits structurels dans des établissements qui avaient renoué avec l'équilibre budgétaire. Nous n'échapperons donc pas à un rebasage de l'ONDAM hospitalier. La situation dans les établissements hospitaliers est aujourd'hui tendue. Je sais, Madame la ministre, que vous en êtes consciente et vous venez encore de nous le montrer. Il ne faut cependant pas se tromper : contrairement à ce qui est parfois avancé, les hôpitaux ne sont pas victimes des restrictions budgétaires, mais de leur propre succès. La mise en place des 35 heures suscite une inquiétude qui est largement liée au fait que les établissements ne connaissent pas encore la répartition des créations d'emplois prévues. Il importe que les ARH disposent sans tarder de leur répartition régionale afin que les négociations puissent débuter dans les établissements.

Je voudrais terminer par la branche accidents du travail. Si elle demeure excédentaire, un long chemin n'en reste pas moins à parcourir. La politique de prévention des risques professionnels doit figurer parmi les priorités des pouvoirs publics et des caisses de sécurité sociale, le nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles étant encore trop important. Le projet prévoit d'aménager la législation actuelle afin d'améliorer la réparation allouée aux victimes. J'ai fait adopter en commission des amendements qui vont plus loin comme je crains qu'ils se heurtent à la censure de l'article 40, je ne doute pas, Madame la ministre que vous les reprendrez.

Au-delà, se trouve aujourd'hui posée la question de la réparation intégrale des accidents du travail. Le drame de l'usine AZF de Toulouse met en évidence les injustices qui existent entre les victimes, puisqu'un salarié accidenté dans l'usine sera moins bien indemnisé que l'automobiliste qui passait sur la route et a été victime du même accident. Le rapport Masse conclut à la nécessité de faire évoluer le mode de fonctionnement de la branche, qui repose toujours sur le compromis historique de 1898 fondé sur une réparation forfaitaire, avec présomption d'imputabilité à l'employeur. Je suis tout à fait favorable à une remise à plat de l'ensemble du dispositif d'indemnisation. Les évolutions du droit de la responsabilité civile, les nouvelles avancées consenties en termes d'indemnisation aux victimes de l'amiante ou d'aléas thérapeutiques, de même que les importants excédents financiers de la branche, militent en faveur d'une extension des droits des victimes de tous les accidents du travail et des maladies professionnelles. Ne sont-elles pas victimes de la croissance économique pour laquelle elles ont sacrifié leur intégrité physique, ceci pour le bien-être de la société tout entière, qui leur doit légitimement réparation pleine et entière ?

Se mettent ainsi en place les mesures adoptées en faveur des victimes de l'amiante. La cessation anticipée d'activité pour les personnes qui ont été particulièrement exposées nécessite qu'on étende le bénéfice de cette préretraite aux personnes qui ressortissent du tableau n° 30 B des maladies professionnelles. Nous ferons ainsi _uvre d'équité. Nous aurons l'occasion d'en reparler à l'occasion de l'examen des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            Jacques BOUFFIER


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