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Session ordinaire de 2001-2002 - 13ème jour de séance, 31ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 24 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

        FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
        POUR 2002 (suite) 2

        MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 17

        ORDRE DU JOUR du JEUDI 25 OCTOBRE 2001 32

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2002 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

Mme Catherine Génisson - Je me félicite de l'intérêt de nos débats, même s'ils sont parfois rudes, et je limiterai mon propos à quelques points précis.

Depuis trois ans, il y a un million de chômeurs en moins et un million et demi d'emplois ont été créés, mais la conjoncture est désormais moins favorable, et je me soucie du sort des bénéficiaires du RMI ou de l'allocation spécifique de solidarité âgés de moins de 60 ans, qui ont cotisé au moins 40 ans à l'assurance vieillesse. Depuis 1998 et jusqu'à la fin de cette année, ils perçoivent une allocation de 5 000 francs. Qu'entend faire le Gouvernement pour pérenniser cette mesure et l'individualiser ? Comment pourront-ils bénéficier de l'allocation de chômeur âgé ? 40 000 personnes sont concernées. Enfin, comment allez-vous répondre à la demande légitime de ces salariés ayant cotisé quarante ans et plus mais n'ayant pas soixante ans, de partir en retraite ? Ils ont souvent commencé à travailler entre 14 et 16 ans, et effectué des travaux pénibles.

S'agissant de la branche maladie et de l'ONDAM, je me félicite de la péréquation introduite par Mme Aubry, qui a permis de réduire les inégalités régionales. Il faut maintenir cette mesure, tout en procédant à une évaluation sérieuse, et sans ôter aux hôpitaux la possibilité de poursuivre la recherche appliquée. Je me félicite également de l'abondement de 2,5 milliards de la ligne « innovation thérapeutique ». Au-delà de la prescription, obligatoire, de nouvelles molécules, cela doit permettre de mettre au point de nouvelles technologies, ce qui requiert un personnel nombreux et compétent.

Comme nos collègues communistes, je soutiens la modernisation des hôpitaux, par la mise en place de techniques innovantes et dans leur fonctionnement quotidien. Mais il importe de clarifier la relation entre les différents acteurs de l'hôpital. Il est bon de faciliter l'installation de jeunes praticiens dans des zones moins attractives, et de développer les réseaux de santé ; je souhaite également que partenaires sociaux et professionnels soient associés, dans une relation de proximité, aux mécanismes de décision.

Je terminerai par la réforme des soins dentaires. Dans le projet, vous parlez de « préconisations ». En commission des affaires sociales, nous venons d'examiner un amendement du Gouvernement relatif à la prévention des soins dentaires pour les enfants de six et douze ans. C'est excellent. Ce doit être un premier pas vers une grande réforme de la chirurgie dentaire, en particulier de la raison de la nomenclature très réclamée par l'ensemble des professionnels.

Ce sont des questions franches, Madame la ministre ; le soutien que je vous apporte l'est tout autant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Lemoine - Je n'ai pas le temps de revenir sur tout ce que nous aurions aimé trouver dans ce projet qui ne résout rien, repose sur des bases fausses, surévalue les recettes et sous-estime les dépenses, utilise des artifices inacceptables et propose un budget irréaliste et trompeur. Je me limiterai donc à deux sujets.

Il s'agit d'abord des soins de ville, pour lesquels l'ONDAM prévoit une augmentation de 3 %, inférieure à celle de l'an dernier, alors même que les sorties précoces de l'hôpital entraînent un transfert de dépenses vers ce secteur. Rien n'est prévu pour le financement des mesures à prendre d'urgence afin de répondre à la pénurie de médecins - revalorisation des actes, aides à l'installation, forfaits particuliers pour travail pénible et organisation de cabinets disciplinaires.

Dans bien des zones rurales on court à la catastrophe : dans mon seul département, il manque 40 généralistes et de nombreux accoucheurs et anesthésistes, ce qui a conduit à fermer des cliniques. La moitié des généralistes y seront partis en retraite sans successeur dès 2010 si rien n'est fait pour faciliter l'exercice professionnel.

D'autres professions de santé connaissent des difficultés : les infirmiers et infirmières libéraux ne peuvent plus répondre à la demande, en raison des quotas, qu'il faut supprimer. Tarifs et indemnités sont devenus ridicules. L'AMI est passée de 15,50 francs en 1994 à 17,50 francs aujourd'hui, l'indemnité kilométrique facturée au troisième kilomètre est identique depuis quinze ans et l'indemnité forfaitaire de déplacement dans un rayon de deux kilomètres n'a pas été revalorisée depuis 1996. Face à une telle situation, quelles mesures comptez-vous prendre ?

En second lieu, je tiens à évoquer la situation des cliniques privées. Depuis deux ou trois ans, un tiers d'entre elles sont en déficit. Avec la mise en place de la réduction du temps de travail, la moitié le seront. Le taux d'évolution des dépenses de 3,5 % que prévoit l'ONDAM est supérieur de 0,2 % à celui de l'an dernier mais ne permet pas de financer la politique sociale qu'elles devraient mettre en _uvre. En effet, pour une même qualification, les salaires y sont inférieurs de 30 % à ceux de l'hôpital public. Si cette différence persiste, et avec la mise en _uvre des 35 heures dans les établissements publics, les infirmières du privé seront tentées d'aller travailler dans ces derniers. Pour faire face à cette situation, les cliniques privées demandent une enveloppe spécifique de 6,5 milliards de francs. Il n'y en a pas trace dans votre projet. Quelle suite allez-vous donner à cette demande ?

Quant au fonds de modernisation des cliniques privées, doté de 100 millions de francs en 2000, puis de 150 millions en 2001, reconduits pour 2002, il n'a pas les moyens de lancer un programme efficace.

Ce projet est donc décevant. Il ne répond pas aux problème sanitaires, et détourne l'argent destiné aux malades, aux familles et aux retraités pour financer les 35 heures. Il privilégie les hôpitaux publics où est mise en place la réduction du temps de travail et continue à étouffer les cliniques privées.

Il est décevant enfin parce que le Gouvernement n'a pas profité des années de croissance pour redresser durablement les comptes sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR , du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Odette Grzegrzulka - La CMU a fait disparaître une des manifestations les plus insupportables de l'exclusion : l'inégalité devant l'accès aux soins dont étaient privés 25 % de nos concitoyens. En privilégiant les solutions de droit commun, elle concourt à assurer la dignité des personnes et favorise leur insertion sociale. Mais cette réforme ambitieuse est encore jeune, donc perfectible. Il faut l'adapter pour pallier certaines imperfections et réparer certaines injustices, sous peine que cette couverture ne soit plus universelle. Elle connaît un succès indiscutable sur tout le territoire avec 4,7 millions de bénéficiaires, soit 1 million de plus que l'aide médicale gratuite. Mais ce bilan est atténué par les effets pervers du seuil de ressources retenu et certaines exclusions du dispositif.

L'évolution de la prise en charge par la CMU est un baromètre social pertinent des difficultés rencontrées par nos concitoyens mais aussi des améliorations de leur situation. On constate que le nombre de bénéficiaires évolue proportionnellement à l'évolution des chiffres du chômage. Les dispositions en faveur du retour à l'emploi ont ainsi permis de faire passer le nombre de bénéficiaires de 6 millions début 2000 à 4,7 millions aujourd'hui. La CMU apparaît donc comme un dispositif social d'accompagnement d'une politique de l'emploi et de lutte contre l'exclusion. Réjouissons-nous, pour une fois, que les prévisions de 6 millions de bénéficiaires ne soient pas atteintes ! C'est la preuve de l'amélioration de la situation sociale de nos concitoyens et de la résorption d'une part de la fracture sociale.

Le principal souhait qu'on peut formuler pour de nombreux bénéficiaires de la CMU est qu'ils puissent rapidement sortir du dispositif par le haut, sans subir une nouvelle rupture dans la reconstitution ou la consolidation de leur santé. Je sais, Madame la Ministre, que vous envisagez des dispositifs de transition pour assurer une situation humainement digne et financièrement solide à ceux dont les ressources viennent de dépasser 3 600 F, soit près de deux millions de personnes. Nous présenterons avec le rapporteur Alfred Recours un amendement permettant aux personnes qui quittent la CMU de bénéficier d'une dispense d'avance de frais pour leurs soins de santé. Tous les partenaires de la CMU, qui siègent au Conseil de surveillance que j'ai l'honneur de présider, s'accordent en effet pour privilégier un accompagnement de ceux qui sortent de la CMU plutôt qu'un relèvement de seuil qui aura toujours des effets pervers. Je crois savoir que le Gouvernement considère avec bienveillance notre amendement. Toutefois, il n'assurerait pas complètement l'accès aux soins des ex-bénéficiaires de la CMU s'il n'était complété par une aide à la mutualisation leur permettant de bénéficier d'une couverture complémentaire. J'espère, Madame la Ministre, que vous pourrez nous annoncer une mesure efficace dans ce sens.

J'ai évoqué ceux qui ont la chance de sortir par le haut de la CMU. Je ne peux oublier tous ceux qui, pour quelques poignées de francs, n'y sont jamais rentrés alors qu'ils connaissent des problèmes de santé assez lourds pour être reconnus handicapés à 80 %. Je voudrais faire entendre leur voix dans cet hémicycle. Il leur est insupportable, il est insupportable aux députés socialistes qu'ils soient exclus de la CMU quand, en raison de leur handicap, ils doivent faire face à de lourdes dépenses de santé, à des soins contraignants et souvent à des séjours prolongés en hôpital.

Comme le montrent les études de la Fédération d'aide à la santé mentale - Croix marine sur les personnes handicapées mentales, leur situation est alarmante puisqu'elles ne peuvent bénéficier de la CMU alors même qu'elles doivent assurer un minimum de vie courante pour ne pas mettre en péril leur insertion sociale. Il est déjà difficile de vivre avec la maladie : il importe donc qu'il ne s'y ajoute aucune pression économique ou sociale propre à désespérer la personne et à lui faire abandonner un combat thérapeutique lourd et complexe. Il est intolérable d'imposer à ces malades un choix impossible entre la nécessité de se soigner activement et le maintien de leur insertion sociale. Une telle exclusion stigmatise cruellement des citoyens parmi les plus vulnérables. Un octroi, sans condition de ressources, de la CMU complémentaire leur garantirait la possibilité de soins actifs dans le champ sanitaire, y compris de l'hospitalisation si nécessaire. A défaut, ils devraient au moins être dispensés du forfait hospitalier dès le jour de leur admission. Les malades, leur famille mais aussi les professionnels et les élus attendent de vous, Madame la Ministre, des engagements forts et clairs pour ces personnes. Je ne doute pas que, par des mesures ambitieuses, vous leur montrerez que vous avez pris la mesure de cette urgence.

Je conclurai, mes chers collègues, par un appel à une réelle prise en charge des mineurs démunis et à la charge de personnes de nationalité étrangère qui ne remplissent pas les conditions de résidence stable et régulière. Leur sort actuel n'est guère satisfaisant. Il me paraît urgent de rappeler que la protection et l'intérêt supérieur de l'enfant doivent primer sur toute autre considération. J'en appelle donc à votre sens de la justice, Madame la ministre, pour mettre fin à cette situation discriminatoire et injuste. J'ai déposé un amendement en ce sens qui, je l'espère, sera soutenu par le Gouvernement.

Je souhaite également savoir quelles suites vous comptez donner au rapport de l'Inspecteur Yahiel sur la prise en charge des dépenses bucco-dentaires.

La création de la CMU a montré la volonté politique du Gouvernement de Lionel Jospin en matière de justice sociale et de soutien aux plus vulnérables. Cette réforme qui, je le crois, comptera parmi les textes importants de la Vème République, à mettre en regard de la création de la Sécurité sociale, doit continuer à vivre. C'est à notre volonté politique qu'il revient aujourd'hui de poursuivre le travail entrepris depuis 1999 et, notamment, de donner des réponses ambitieuses aux situations d'urgence auxquelles je viens de faire référence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet - Madame la ministre, iI y a quatre ans, le Gouvernement a engagé son action dans la durée par la consolidation des ressources de la branche famille. Pour la troisième année consécutive, cette branche enregistre un excédent, ce qui permet de continuer une véritable politique en faveur des familles, dont nous mesurons l'importance depuis 1997 : l'allocation rentrée scolaire multipliée par quatre, les allocations familiales désormais jusqu'à 20 ans, l'aide au logement revalorisée, une augmentation des aides publiques pour garde d'enfant, les relais assistantes maternelles, la prime au retour à l'emploi, le fonds d'investissement pour la petite enfance, le congé spécial avec allocation parentale pour enfant malade... Cela s'est fait dans la concertation et les mesures prévues dans le présent projet font suite à la Conférence de la famille du 11 juin dernier.

D'abord, le maintien du pouvoir d'achat des prestations familiales est garanti avec une revalorisation de 2,1 %, ce qui représente 3 milliards de francs. De plus, l'excédent ira renforcer le fonds de réserve des retraites et la CNAF contribuera au fonds de solidarité vieillesse pour le financement des majorations de pensions pour enfant. Il s'agit de mesures de solidarité intergénérationnelles, car, si nous nous réjouissons des excédents, nous ne saurions tolérer qu'en cas d'éventuel déficit à venir l'on supprime des prestations familiales. Nous pouvons d'ailleurs penser que, forts de la démarche de solidarité engagée, nous pourrions demander la réciproque pour maintenir le pouvoir d'achat des familles.

Le projet inscrit des mesures novatrices qui prennent en compte l'évolution de la famille et en particulier la parité parentale. Un congé de paternité de 11 jours viendra s'ajouter aux 3 jours déjà existants. Cette mesure permettra d'assumer la coparentalité, l'autorité parentale conjointe, la garde alternée et la médiation familiale.

Afin de permettre de concilier vie familiale et vie professionnelle, le fonds d'investissement pour la petite enfance créé l'an dernier sera abondé d'un milliard et demi de francs, permettant à près de 30 000 enfants de plus d'être gardés, avec un effort particulier pour les jardins d'enfants, les classes passerelles et l'équipement des assistantes maternelles.

Afin de développer les activités périscolaires, les contrats temps libre pour les adolescents et la création de nouvelles places de crèche, le fonds national d'action sociale de la CNAF est augmenté de 1,6 milliard.

Pour aider les jeunes adultes de moins de 25 ans à disposer de leur autonomie dans des conditions acceptables, le calcul des ressources pour l'obtention de l'aide au logement sera révisé. De même la réforme des aides au logement sera poursuivie en faveur des familles aux plus faibles revenus. Les revenus du travail et les minima sociaux seront traités à égalité afin d'éviter les trappes à inactivité.

Par la concertation permanente que vous menez avec l'UNAF et le conseil d'administration de la CNAF, une convention d'objectifs et de gestion devrait rendre les minima sociaux insaisissables, éviter les surendettements et donner aux familles en difficulté un accès direct aux droits nouveaux.

Quand on sait que dans notre pays la natalité a repris, nous classant au deuxième rang européen, derrière l'Irlande, très loin devant l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, l'on ne peut que se réjouir de ces mesures très fortes d'accompagnement de la famille. En un temps où l'âge de la première grossesse ne cesse de reculer jusqu'à presque trente ans, on peut penser que les mesures en faveur du logement et de la coparentalité permettront aux jeunes couples de réaliser leur désir d'enfant. Les efforts en faveur de la petite enfance, les jardins d'enfants, les assistantes maternelles, les crèches, les activités périscolaires devraient permettre aux jeunes couples de ne pas refuser une grossesse du fait de problèmes matériels. Dans les quartiers populaires du nord de Marseille, qui connaissent souvent chômage, misère et désespoir, c'est par de telles mesures de solidarité que nous rendrons un souffle d'avenir aux familles. Et c'est par la coresponsabilité parentale que nous interviendrons en faveur de l'intégration dans notre société. Madame la ministre, nous ne pouvons que nous réjouir de votre action pour une revalorisation du rôle de la famille et vous féliciter des aides que vous débloquez pour les plus faibles au nom de la solidarité nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Bardet - Madame la ministre, Monsieur le ministre...

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je ne vois ici que des ministres femmes !

M. Jean Bardet - C'est à quoi je faisais allusion, pour déplorer l'absence du ministre délégué à la santé, dont on voit combien ce sujet l'intéresse.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires sociales - Voilà un défenseur des quotas masculins !

M. Jean Bardet - Profondément attachés à la sécurité sociale et à notre système de protection sociale, les Français attendent du projet qu'il en assure la sauvegarde. Qu'en est-il ? Vous nous présentez un système opaque et irréaliste, un projet sans envergure qui ne s'appuie sur aucune réalité, sur aucune analyse des besoins sanitaires réels, bref un budget social transformé en annexe du budget de l'Etat puisque familles, retraités et malades sont pris en otage au nom de l'équilibre des comptes et du financement de la réduction du temps de travail.

Depuis quatre ans, votre Gouvernement annonce l'équilibre, puis l'excédent. Pour prétendre y parvenir, il puise dans les comptes sociaux pour éponger son déficit...

M. Alfred Recours, rapporteur - C'est donc qu'il existe bien des excédents !

M. Jean Bardet - ...n'honore pas une créance due à une mesure dont il est le seul responsable et, de ce fait, fait replonger les comptes sociaux dans le rouge. Ce texte est sévèrement critiqué par la Cour des comptes qui le juge « opaque et complexe », et il est rejeté par la CNAF, la CNAV et la CNAM du fait, notamment, d'un taux d'évolution de l'ONDAM jugé « irréaliste », par les professionnels de santé et par les économistes en raison d'hypothèses de croissance optimistes.

J'ajouterai que ce projet contient très peu de mesures nouvelles et annonce des réformes.

En décalage complet avec la réalité, il ne vise qu'à recenser, augmenter ou créer des ressources pour financer le FOREC et non pas à mener une véritable politique de santé, une réelle politique familiale, une vraie politique en matière de retraite.

L'opacité, la complexité, l'irréalisme des comptes n'ont cessé d'être dénoncés. Ainsi, la progression de la masse salariale de 5 % ne tient aucun compte du ralentissement de la conjoncture prévu par tous nos partenaires. Ainsi d'une hypothèse de croissance de 2,5 %, alors que tous les experts la chiffrent aux environs de 1,8 % ; ainsi d'un ONDAM fixé à 3,8 % alors que son taux constaté a été de 5,5 % en 2000 et de 5 % en 2001, et qu'il a été dépassé de 17,3 milliards de francs ; ainsi d'un besoin de financement des 35 heures toujours en hausse, et jamais satisfait depuis trois ans.

C'est un projet sans envergure, qui ne dépasse pas le stade des déclarations d'intention. Et ce n'est pas un hasard si les associations familiales dénoncent votre « démarche de détournement de fonds discrétionnaire, votre non-respect de vos propres affirmations, vos décisions unilatérales et votre mépris pour la concertation » !

S'agissant plus particulièrement de l'ONDAM, comment et pourquoi son taux et son montant ont-ils été fixés comme ils l'ont été ? Parce qu'il répond aux besoins sanitaires ? Sûrement pas : aucune étude ne permet ni de les connaître, ni de les chiffrer.

Parce qu'il a été établi en fonction de celui de l'année précédente ? Mais il a été largement dépassé, et il était déjà déconnecté de la réalité.

Parce qu'il permet de corriger les inégalités régionales, de revaloriser les gardes et les astreintes, d'adapter les services d'urgence, de pallier le manque de personnels infirmiers et la pénurie de personnels, de mener une réelle politique de prévention ? Je ne le crois pas non plus, les multiples grèves auxquelles nous avons assisté depuis septembre le montrent assez. Vous utilisez la méthode Coué, alors que conflits et revendications se multiplient. C'est que, faute de réforme et de volonté politique, votre vision à court terme vous amène à satisfaire au coup par coup exigence sur exigence. Et chaque exigence satisfaite en fait naître d'autres.

De même, vous montrez du doigt ou ponctionnez l'industrie pharmaceutique et le thermalisme, et vous refusez de comprendre que les hôpitaux sont sinistrés avant même que s'appliquent les 35 heures. Seule l'agitation actuelle vous a obligé à dégager, en catastrophe, 1 milliard supplémentaire. Et puis vous demandez des rapports, vous multipliez les fonds spéciaux sans résoudre le problème des retraites et vous détournez les taxes sur les alcools et les tabacs au profit du FOREC au lieu de mener une grande politique de prévention. Aussi longtemps que les dépenses et les recettes ne sont pas identifiées clairement, que l'objet des fonds ne sera pas nettement défini, que leur financement ne sera ni pérennisé ni adapté à leurs missions, l'échec sera certain.

Cette analyse de la Cour des comptes me paraît correspondre exactement aux projets de loi de financement de la sécurité sociale dont nous débattons chaque année, chaque exercice me semblant accroître un peu plus la discordance entre le discours officiel et la réalité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Blazy - Je me félicite des mesures prises par le Gouvernement en faveur de l'hôpital public, qu'il s'agisse de l'innovation thérapeutique, de la qualité des soins, d'une meilleure prise en compte des besoins des patients et de l'amélioration des conditions de travail des personnels.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 doit déterminer, pour les établissements hospitaliers, le montant des enveloppes budgétaires allouées aux régions. En accord avec plusieurs de mes collègues dont Yves Tavernier, président de l'UHRIF, je souhaite appeler une nouvelle fois votre attention sur la situation des hôpitaux en Ile-de-France.

Je traiterai en premier lieu de la situation financière des hôpitaux publics de la périphérie parisienne pour l'exercice en cours : une récente enquête a indiqué que 60 % d'entre eux présentent un compte administratif négatif. Les raisons en sont l'augmentation continue de la demande de soins et les conséquences des accords conclus par l'autorité ministérielle : la hausse des dépenses médicales et l'accroissement des dépenses hôtelières et générales. C'est dire que le budget pour 2002 des hôpitaux d'Ile-de-France doit tenir compte des efforts importants accomplis depuis six ans. Plusieurs d'entre nous réclament une pause de la péréquation interrégionale. Je m'étonne d'ailleurs que la mission de l'IGAS que vous avez mandatée n'ait pas achevé ses travaux et ni même entendu les responsables de l'UHRIF.

Des moyens financiers correspondant aux besoins réels et spécialement à l'application des nombreux protocoles salariaux et catégoriels signés au plan national doivent être accordés sans nouvel abattement régional particulier.

Je souhaite aussi que les hôpitaux publics de l'Ile-de-France bénéficient de la même mesure de rebasage que celle qui a été accordée aux cliniques privées, en intégrant la totalité de leurs dépassements de crédits en 2001. Il faudra tenir compte des surcoûts ponctuels, mais surtout des reports de charges qui masquent de véritables dépassements de crédits et détériorent la trésorerie.

Enfin, bien que les fortes disparités internes à la région Ile-de-France aient été infléchies depuis 1997, le déséquilibre persiste entre le centre et la périphérie. Elle doit être corrigée.

J'en viens à l'application des textes sur l'accord de réduction du temps de travail.

L'inquiétude s'est exprimée à l'idée que soit instauré un régime particulier pour l'AP-HP, différent de celui qui serait appliqué aux hôpitaux de la couronne parisienne. Je souhaite que, sur ce point précis, vous puissiez nous rassurer.

En outre, l'application de la RTT dans le contexte particulier de pénurie des effectifs infirmiers que nous connaissons depuis plusieurs mois risque de poser des problèmes aux établissements franciliens qui pourraient voir s'accélérer les départs vers la province. Cette fuite des agents aurait de graves conséquences pour nos hôpitaux.

Il ne faudrait pas que pour l'Ile-de-France, qui a beaucoup donné à la province entre 1997 et 2001 - ce qui était normal -, l'année 2002 soit, en dépit des créations d'emplois annoncées, une année difficile pour nombre des hôpitaux franciliens.

J'attends donc, Madame la ministre, des précisions rassurantes.

M. Germain Gengenwin - C'est une manière polie de dire que vous n'êtes pas d'accord !

M. Gérard Bapt - Après avoir fait une carrière hospitalo-universitaire et avoir été administrateur du CHU de Toulouse, j'exerce à présent dans le secteur privé, secteur qui connaît des difficultés financières croissantes. Une étude menée conjointement par l'ARH et la CRAM indique qu'au cours de la période 1995-1998, c'est-à-dire avant l'application des 35 heures, 50 % des établissements privés de la région Midi-Pyrénées étaient déficitaires. Il faut dire que les conditions régionales sont particulièrement défavorables, avec des prix de journée inférieurs à la moyenne nationale dans toutes les disciplines, et des rémunérations inférieures de 20 % en moyenne à celles qu'offre l'hôpital public, ce qui rend légitimes les revendications salariales.

Il est difficile aux directions des cliniques de répondre à ces revendications dans le contexte budgétaire qui leur est imposé. Il est néanmoins indéniable qu'à Toulouse et en Midi-Pyrénées, elles participent grandement au service public de la santé, avec 33 % des lits, 50 % des hospitalisations et, pour Toulouse, 70 % des naissances. En 1998, les dépenses en hospitalisation ont été de 10 milliards de francs pour le secteur public et à peine un peu plus de 2 milliards de francs pour le secteur privé. Mais le secteur privé a vu sa rentabilité s'effondrer et il est prévisible que la fuite des personnels infirmiers vers le secteur public s'aggravera à l'occasion du passage aux 35 heures.

Pourtant, la Clinique nouvelle de l'union et du Vaurais, située dans ma circonscription, participe au service d'accueil des urgences dans l'agglomération toulousaine. N'oublions pas en outre que 40 % des blessés lors de l'explosion de l'usine AZF, soit un millier de personnes, ont été accueillis dans le privé, qui a ainsi contribué pleinement à la santé publique.

Certes, il y a dans l'écart de rémunérations entre personnels soignants, une part de responsabilité d'un certain nombre de directions de cliniques, qui n'ont pas fait à temps les efforts nécessaires. Mais gardons-nous de considérer les cliniques d'un _il exclusivement parisien et tenons compte des disparités de tarification entre régions.

Les situations juridiques sont aussi contrastées. Si certains établissements sont gérés par des sociétés capitalistiques, nombreux sont les établissements indépendants qui font d'énormes efforts de gestion, tout en maintenant un haut niveau de qualité de soins.

La clinique dont j'ai parlé n'a comme actionnaires que les médecins qui y exercent. Etre actionnaire, dans ce cas, ce n'est pas toucher des dividendes, mais investir dans son outil de travail, lui permettant ainsi d'être, en 1998, le premier établissement français certifié ISO 9002. Ces médecins actionnaires ont apporté 6 millions de francs chaque année de 1991 à 1999, pour maintenir l'équilibre d'exploitation. Cet apport est passé à 10 millions de francs en 2000 et en 2001, ce qui a permis de passer aux 35 heures en 2000, et signer en 2001 un accord salarial d'entreprise visant à rattraper progressivement le niveau des rémunérations du secteur public, avec une augmentation de 10 % cette année.

Néanmoins, la situation s'est détériorée, la pénurie d'infirmières obligeant à recourir à l'intérim, plus onéreux, au moment même où le surcoût des heures supplémentaires va s'appliquer pleinement.

Pour l'investissement, le fonds de modernisation des établissements privés de Midi Pyrénées n'est doté que de 9 millions de francs par an, ce qui est ridiculement bas, et les crédits de l'ensemble de ce fonds ne progresseront pas en 2002.

Même si l'augmentation de 3,5 % du prix de journée est bien plus élevée que sous les gouvernements précédents, le secteur privé reste bien plus mal loti que le public. Il faut aujourd'hui ouvrir la perspective d'un rattrapage pluriannuel des conditions salariales, géré de manière décentralisée par les ARM, en tenant compte des disparités régionales, et de la situation réelle de chaque établissement.

Des indications devraient également être données pour que les demandes de dérogation au régime des heures supplémentaires soient accueillies favorablement, afin que les établissements puissent faire face à la pénurie de personnels qui s'aggravera avec le passage aux 35 heures dans le secteur public.

Je vous fais confiance, Mesdames les ministres, pour répondre au plus vite aux difficultés d'un certain nombre d'établissements, en particulier en Midi Pyrénées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Certes, l'opposition joue son rôle, mais ses critiques et ses polémiques excessives, ses interventions dénuées de tout fondement nuisent un peu à la qualité du débat...

Elle manque aussi singulièrement de mémoire. Rappelons ainsi que le cantonnement de la dette sociale, c'était 230 milliards de francs pour MM. Balladur et Juppé et c'est 110 milliards de francs pour nous. Cela signifie que, pendant presque 20 ans, les gouvernements - parfois ceux que nous soutenions - ont utilisé les seuls moyens dont ils croyaient disposer : l'augmentation des cotisations ou la baisse des prestations, parfois les deux.

Il y a, cette fois, une rupture fondamentale : ce budget est en équilibre, et même en léger excédent. On va nous dire « c'est l'effet de la croissance ». Mais rien n'empêche un gouvernement d'être habile et d'utiliser les flots portants pour aller plus loin. On va nous dire « c'est l'effet de l'emploi ». Mais rien n'empêche un gouvernement de mener une politique plus créatrice en emplois. On va nous dire « c'est l'effet de la CSG ». Eh bien oui, et c'est nous qui l'avons créée, malgré vos critiques. Et si l'on avait suivi la proposition du MEDEF de faire 30 milliards de francs d'économies sur l'hôpital, où en serait-on aujourd'hui ?

Même s'il y a des difficultés, il me semble que les professions médicales et paramédicales commencent à prendre conscience qu'elles sont ordonnatrices de la dépense publique. C'est un progrès considérable quand on sait qu'il y a un milliard d'actes par an.

Cessez donc, par ailleurs, ce faux débat sur l'ONDAM : il ne s'agit de rien d'autre que d'un objectif. Il est normal que le Gouvernement donne une feuille de route raisonnable et qu'il rebase en fonction des réalités du terrain, si cela est nécessaire.

Cessez aussi de parler de la non-sincérité de ce budget ! Quand je vois le niveau de la consommation, le prix de l'énergie, l'extraordinaire politique keynésienne lancée par le gouvernement ultralibéral des Etats-Unis, je me dis simplement que la mise en mouvement est bien lente en Europe, et qu'existent bien des signes positifs. Dans une situation aussi difficile, il est légitime que le Gouvernement fixe des objectifs et mobilise l'ensemble des acteurs économiques et sociaux pour les atteindre. De ce point de vue, le billet de Pierre Georges, dans Le Monde, heureusement intitulé « bulletin de santé », illustre bien la capacité du Gouvernement à faire face à la situation. Ce dernier a en effet un grand mérite à tenir ainsi ferme le cap, quand les pays occidentaux sont plongés dans l'angoisse et privés d'information. Dans ces conditions, parler sans cesse de « non-sincérité », c'est faire preuve de peu d'esprit de responsabilité.

Des réformes de fond sont engagées : développement des réseaux, renforcement des SROS, déconcentration du débat, mobilisation des élus et des responsables, installation des trois agences de sécurité. Un mouvement s'engage, je le vois par exemple dans ma région, qui est une de celles qui a le plus subi les inégalités en matière de santé. Pour mener à bien ces réformes, il faut continuité et persévérance car notre système de santé est le plus complexe de tous. Il faut préciser le rôle de l'Etat, celui du paritarisme, celui des professions libérales, celui des citoyens. Il n'y aura pas de grand soir en la matière. Il faudra continuer tranquillement à mener cette politique de changement, il faudra conduire des débats difficiles et prendre le temps de faire comprendre de quoi il s'agit.

La CSG a été une très grande réforme des cotisations salariales, il faudra mener, demain, la réforme des cotisations patronales. Faudra-t-il les asseoir sur la seule valeur ajoutée ou sur une combinaison valeur ajoutée-salaires ? Nous en débattrons.

Si nous voulons aller plus loin, vers le concept de « santé bien premier », qui nous amènera peut-être, demain, à des dépenses supérieures au PIB, il nous faudra réformer les systèmes de prélèvements.

L'intensification de la lutte contre les inégalités me tient particulièrement à c_ur. Rien n'est plus insupportable que les inégalités en matière de santé qui ressortent des tableaux de mortalité par tranche d'âge, par région et par catégorie sociale. Il nous faut donc poursuivre l'effort et rattraper le retard qui a été pris. Pour cela, nous devons ouvrir le débat sur la démographie médicale et avoir le courage de dire que les professions médicales ont eu une approche malthusienne de leur profession.

M. François Goulard - Qui fixe le numerus clausus : les professions ou l'Etat ?

M. le Président de la commission - Je sais sous quelles pressions et sous quels gouvernements il a été fixé. Il nous faut réformer. La réflexion en matière de démographie médicale, l'aide à l'installation sont fondamentales. Votre action dans le domaine de la médecine du travail avec notamment la politique en faveur des victimes de l'amiante, a toute sa place dans cet effort de réduction des inégalités.

Ces quelques remarques étant faites, je voudrais poser deux questions qui revêtent une grande importance aux yeux de la gauche plurielle.

Il s'agit en premier lieu de l'amendement voté par la commission des affaires sociales et que j'assume, qui permet de prendre sa retraite à quiconque totalise quarante années de cotisation. Nous avons voulu par là interroger le Gouvernement sur un sujet dont nous mesurons combien il est difficile : ce n'est pas en creusant un déficit dans les caisses de retraite que nous résoudrons le problème, dont la solution relève d'un traitement global, impliquant notamment des mesures telle la création d'un bonus en faveur des salariés ayant travaillé plus de quarante ans. Cette question de la retraite, pour moi c'est des noms, des visages. Vous ne pouvez certes pas nous donner satisfaction, mais commencez au moins à traiter les situations les plus difficiles - RMI, allocation spécifique de solidarité, chômage de longue durée - afin que les personnes concernées puissent toucher une sorte de pré-retraite dans l'attente de la liquidation de leur pension. Cela doit constituer pour le Gouvernement une première étape avant la généralisation de la mesure attendue très au-delà des rangs de la majorité plurielle.

Ma seconde question concerne l'hôpital. Je voudrais saluer le remarquable travail des ARH qui oeuvrent discrètement à des rapprochements. C'est une politique difficile, mais très importante qui s'engage là. Deux plans se sont succédé, le plan Aubry en mars 2000 puis le plan Guigou en 2001. Il nous faut bien, alors que le rôle de l'hôpital se fait de plus en plus complexe, que nous exigeons de plus en plus de lui, aider à ce passage délicat. Je sais que vous en êtes consciente. Mais je voudrais insister sur une remise en _uvre rapide - d'ici la fin de l'année ou 2002 - des quelques mesures qui ont été prises, et qui répondent à une situation exceptionnellement difficile. Je suis persuadé que vous saurez apporter les bonnes réponses. Le temps sera bientôt venu de dresser un bilan de ces cinq années. Si elles ont eu leur lot d'insuffisances, et parfois d'échecs - notamment en ce qui concerne le médicament à propos duquel M. Foucher, dans son débat avec M. Evin, a posé de vraies questions - nous pouvons incontestablement être fiers de ce que nous avons fait avec nos ministres et le soutien de notre majorité plurielle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous avez tous manifesté, au travers de cette discussion générale très nourrie, l'intérêt que vous portez, sur tous ces bancs, à la sécurité sociale. C'est en effet bien elle qui nous permet de financer des politiques qui touchent au c_ur de la vie quotidienne de nos concitoyens. Je vous remercie donc de vos interventions et, si je ne réponds pas à toutes, nous pourrons y revenir ultérieurement.

Votre rapporteur Alfred Recours a noté comme chaque année, mais avec beaucoup de doigté, que tous les décrets d'application de la précédente LFSS n'avaient pas été pris. Je lui précise cependant que les principaux textes, relatifs à la réforme de l'allocation aux familles pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, à la création de l'allocation parentale, à la revalorisation des pensions et au fonds d'indemnisation de l'amiante sont publiés à ce jour. Je me fixe pour objectif de publier l'intégralité des décrets d'application d'ici la fin de l'année, notamment ceux qui concernent le fonds d'information sur le médicament, la régionalisation, la procédure d'agrément des réseaux et l'organisation du fonds de modernisation des établissements de santé. Les avant-projets sont prêts. Quant au décret relatif au FOREC, il est signé et sera publié au Journal officiel dans les prochains jours.

Vous avez souligné la complexité du système. Je remercie Alfred Recours d'avoir reconnu, en m'offrant à nouveau le tableau si parlant des circuits de financement de la sécurité sociale, que nous avions un peu progressé sur ce point. Mais beaucoup reste à faire. L'opposition a mis en cause la crédibilité des hypothèses du projet de loi, ce qui est de bonne guerre dans la période d'incertitude que nous traversons. L'hypothèse de croissance a été fixée entre 2,25 et 2,5 %. Or, les dernières publications de l'INSEE montrent que le moral des ménages et la consommation se maintiennent en dépit des attentats, contrairement sans doute au souhait des terroristes.

Les dernières données relatives aux encaissements de l'ACOSS sont très favorablement orientées. Les grands pays industrialisés ont d'ailleurs vigoureusement réagi, qu'il s'agisse des Etats-Unis ou de la France, avec les mesures en faveur de l'emploi contenues dans le projet de loi de finances. Or, nous savons quel rôle a joué l'emploi dans le retour à l'équilibre du régime général. Il est donc de notre devoir de ne pas verser dans la « sinistrose » et de maintenir des perspectives qui ont de grandes chances d'être confirmées. L'agrégat décisif, l'évolution de la masse salariale, a été fixé à + 5 % pour 2002, hypothèse cohérente. Cette année, il était prévu à ce niveau, mais il s'établit aujourd'hui à 5,9 %, et il atteindra probablement 6 % à la fin de l'année.

Je ne crois donc pas que notre hypothèse soit absolument déraisonnable.

Je dois reconnaître que MM. Accoyer, Bur et Goulard ne sont pas dépourvus de constance et de cohérence. Elles se combinent avec une absence totale de nuances. Je voudrais simplement leur répondre que si nous présentons les comptes comme nous le faisons, c'est-à-dire en droits constatés, ce n'est pas fantaisie de notre part mais parce que la Cour des comptes a dit qu'il fallait procéder ainsi (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Fraysse a évoqué hier soir l'assiette des cotisations patronales. Si elle a été modifiée, ce n'est pas au motif que l'assiette des salaires serait moins dynamique que l'ensemble de la richesse nationale - la chose n'est plus vraie depuis 1997 - mais parce que ce Gouvernement a fait du retour au plein emploi sa priorité et a dans ce cadre mis l'accent sur l'atténuation du coût du travail peu qualifié. Il en est résulté des exonérations que nous avons adaptées pour qu'elles n'incitent pas à des formules précaires. Résultat, la part des emplois peu qualifiés dans l'emploi total a augmenté tandis que celle des emplois précaires diminuait. Nous avons donc réussi à ramener à l'emploi des personnes qui en étaient éloignées sans pour autant augmenter la précarité.

Par ailleurs, nous avons créé la TGAP et la contribution sociale sur les bénéfices. Nous avons aussi mené en 1998 cette importante réforme qui a consisté à substituer la CSG aux cotisations salariales de l'assurance maladie. M. Accoyer en a fait l'éloge alors qu'en 1989 l'opposition avait voté contre, pour finalement lui trouver du charme en 1993 et en doubler le rendement.

Avec toutes ces mesures, nous avons mieux réparti le financement de la protection sociale entre revenus du travail, revenus de remplacement et revenus du patrimoine. Et nous avons aussi amélioré d'environ 1 % le pouvoir d'achat des salaires.

Tout cela n'est pas rien mais ne suffit pas, j'en conviens, à résoudre l'ensemble des problèmes. J'y reviendrai à propos de l'hôpital.

M. Dubernard a critiqué la politique de santé du Gouvernement mais n'a avancé qu'une seule proposition novatrice par rapport à ce qui figure déjà dans le projet de loi sur les droits des malades : revenir à un ministère de la santé qui serait aussi responsable de l'assurance maladie. Il est paradoxal que la seule réponse de l'opposition face aux enjeux de notre système de santé soit un Meccano administratif différent. D'ailleurs, le gouvernement Juppé a déjà tenté cette formule pendant quelques mois...

M. Jean-Paul Bacquet - Avec Mme Hubert.

Mme la Ministre - ...avant d'y mettre fin de la manière que l'on sait.

M. Dubernard, qui est médecin, veut son ministère, c'est humain, mais nous avons fait quant à nous le choix d'un « pool » social cohérent qui regroupe l'emploi, la sécurité sociale et la santé. Sur des problèmes tels que l'Alzheimer - à propos duquel nous avons présenté un plan la semaine dernière - ou la santé au travail ou encore l'allocation personnalisée d'autonomie, cela nous permet une approche transversale, qui est dans bien des cas la plus appropriée. Un schéma qui isolerait le suivi de l'assurance maladie du reste de la sécurité sociale isolerait le ministère de la santé plus qu'il ne le renforcerait (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

J'en arrive à l'hôpital. Nous avons engagé sa modernisation, triplé en quatre ans les enveloppes, signé les protocoles de mars 2000 et 2001. Nous avons aussi lancé beaucoup d'autres politiques : rattrapage du retard en équipements lourds, notamment, et régionalisation de ces décisions d'équipement. En réponse à Claude Evin, j'indique que nous avons ajouté 500 millions sur la base budgétaire hôpital, ce qui a permis d'aider de nombreux établissements en difficulté, et que l'impact des mesures catégorielles a été couvert par des régularisations d'enveloppes. Avec une progression de 27 milliards des dépenses hospitalières depuis 1997, on est loin, vous le voyez, du tableau présenté par MM. Bur et Accoyer.

Malgré tous ces efforts, les sujets de préoccupation demeurent, tant il est vrai que l'on demande toujours plus à l'hôpital et l'on attend de lui toujours plus d'excellence. Et nous sommes d'ailleurs fiers de cette excellence.

C'est pourquoi je propose de soumettre au débat parlementaire des mesures de soutien qui pourraient aller au-delà du milliard supplémentaire que j'avais évoqué ces derniers jours (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Le but est de disposer d'une rallonge significative pour faire face à la fois aux besoins en investissement et en fonctionnement, et ce dès la fin de cette année, compte tenu de l'urgence.

M. le Président de la commission - Voilà !

Mme la Ministre - Je suis sûre que la majorité plurielle saura profiter de ce débat pour mettre au point avec nous ces mesures de soutien.

Plusieurs députés socialistes - Noël !

M. Bernard Accoyer et plusieurs députés RPR - C'est de l'improvisation, du bricolage !

M. le Président de la commission - Jaloux !

Mme la Ministre - Le Gouvernement écoute sa majorité, et réciproquement, voilà tout.

Vous avez été nombreux à exprimer vos préoccupations quant au recrutement, en particulier des personnels infirmiers. Il est vrai qu'il y a des tensions, surtout dans certaines régions comme la région parisienne. Nous avons pourtant repris les recrutements, qui avaient baissé durant les années où l'actuelle opposition était au pouvoir (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) : 1 000 postes supplémentaires en 1998, 2 000 en 1999, 8 000 en 2000, 8 000 encore en 2001 et 2002. Et nous avons en outre lancé une campagne en vue d'inciter au retour celles qui avaient quitté ce métier pour élever leurs enfants. Beaucoup sont intéressées. Nous avons aussi proposé des postes à des infirmières espagnoles au chômage. Mais cela ne suffira pas pour l'an prochain. C'est pourquoi nous avons prévu que la RTT s'appliquerait bien sûr au 1er janvier 2002 mais, grâce à un Compte épargne temps, de façon que les personnes qui, durant la période transitoire entre cette date et le moment où, grâce à nos efforts de formation, les besoins en personnels seront satisfaits, c'est-à-dire en 2003, continueront à travailler 39 heures et plus, puissent avoir une compensation pour les heures effectuées au-delà de 35 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Les personnels passeront donc bien aux 35 heures dès le 1er janvier 2002, et il y a bien un plan de recrutement et de formation sur trois ans.

A propos des quotas infirmiers, je rappelle d'abord que les seuils ont été fixés dans la convention nationale des infirmiers conclue en 1994 et approuvée par le gouvernement de l'époque.

Plusieurs députés socialistes - Lequel ?

M. Jérôme Cahuzac - Et soutenu par qui ?

Mme la Ministre - Le seuil a été fixé à 23 000 actes remboursés au cours de l'année civile, ce qui correspond à une activité de 11 heures par jour pendant 365 jours, non compris les temps de déplacement, étant entendu que pour assurer la qualité, une période de soins infirmiers à domicile doit être au minimum de 30 minutes. Au-delà l'infirmier peut avoir à reverser à l'assurance maladie 70 % du dépassement constaté puis 90 %. L'an dernier, 2800 des 49 000 infirmiers, soit 6 %, ne respectaient pas ce seuil. C'est un chiffre relativement minime. Mais il est vrai par exemple que la CNAM a demandé à une infirmière de l'est de la France qui avait gagné 870 000 francs, alors que l'honoraire moyen est de 310 000 francs, de reverser une partie de ce qu'elle avait perçu car il est impossible d'assurer la qualité des soins dans ces conditions.

S'agissant des cliniques privées elles jouent un rôle important auquel nous sommes attachés.

M. Bernard Accoyer - Très bien !

Mme la Ministre - Nous leur avons accordé des compléments de moyens substantiels.

M. Bernard Accoyer - Alors pourquoi sont-elles en grève ?

Mme la Ministre - L'accord du 4 avril dernier correspond, au total, à un milliard de francs. Nous avons permis qu'il y ait un engagement pluriannuel de cohérence sur la rémunération des personnels des deux secteurs d'hospitalisation. Ce n'est donc pas nous qui avons dégradé la situation des cliniques privées, mais bien les gouvernements que l'opposition a soutenus (Protestations véhémentes sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ce n'est pas en criant que vous m'empêcherez de dire qu'entre 1993 et 1997, la croissance des dépenses des cliniques privées a été inférieure de 14 % à celle de l'hôpital public.

Mme Odette Grzegrzulka - C'est scandaleux !

Mme la Ministre - Pour notre part, nous avons maintenu l'équilibre et nous sommes en discussion permanente avec les représentants des cliniques privées que mon directeur de cabinet a encore reçus cet après-midi. Il faut d'ailleurs prendre en compte lucidement tous les éléments du dossier. Si certaines cliniques privées ont des difficultés, notamment de recrutement, car les infirmières y sont payées en moyenne 20 % à 30 % de moins qu'à l'hôpital public, les médecins y sont mieux rémunérés et ces cliniques n'ont pas les contraintes de l'hôpital en ce qui concerne les urgences, les gardes et l'accueil de tous les publics.

Pour ce qui est des soins de ville, certains dans l'opposition ont dressé un tableau apocalyptique. Peut-être faisaient-ils référence à l'attitude de M. Juppé qu'ils ont autorisé, après l'avoir ovationné debout, à instituer par ordonnance un mécanisme de reversement des rémunérations des médecins en cas de dépassement de l'objectif...

M. Jérôme Cahuzac - Ce sont les sanctions !

Mme la Ministre - ...non seulement sur les honoraires, mais sur les prescriptions de médicaments et d'actes paramédicaux. C'est le gouvernement de Lionel Jospin qui a mis fin à ce système inefficace et inadapté.

M. François Goulard - Pour les remplacer par les clés flottantes.

Mme la Ministre - Nous sommes très attentifs à l'évolution des rémunérations des libéraux et nous avons pris des mesures qui, sans répondre à toutes leurs demandes, ont amélioré la situation des généralistes en ciblant les revalorisations sur certains actes : majoration d'urgence créée en 1998, majoration de maintien à domicile des personnes âgées dépendantes, majoration de 176 francs pour soins d'urgence créée en juin 2001. En outre, les allégements de charges sociales représentent un montant non négligeable. Dans le cadre de la mission de concertation sur la rémunération des soins de ville nous avons débattu de ces questions et je suis prête à continuer dans cette voie.

Je l'ai dit, il est très nécessaire de revaloriser le système conventionnel en pariant sur la responsabilité des médecins et sur la maîtrise médicalisée des dépenses par le respect des bonnes pratiques. Vous pouvez critiquer la méthode, mais elle a au moins le mérite d'être respectueuse de la représentation nationale qui sera associée à la concertation.

Claude Evin a rappelé les critiques de la Cour des comptes à propos des médicaments. Il est vrai que cette politique est complexe, car elle fait intervenir de nombreux acteurs. Pour eux, il y a une véritable révolution culturelle à entreprendre car il n'y a aucune raison pour qu'on consomme en France beaucoup plus d'antibiotiques qu'ailleurs en Europe. A la logique du reversement instituée par les ordonnances de 1996, nous avons substitué une approche positive fondée sur les bons usages et les bonnes pratiques. Mais il est toujours plus long d'éduquer et de convaincre que de punir.

M. Bernard Accoyer - Vous punissez les laboratoires.

M. Jérôme Cahuzac - Chacun ses pauvres, Monsieur Accoyer !

Mme la Ministre - Non, nous avons recouru avec eux également à la concertation. Mais la consommation étant plus grande en France, le chiffre d'affaires des producteurs de médicaments est plus important que chez nos voisins. Nous ne voulons pas défavoriser l'industrie pharmaceutique, mais simplement revenir à une situation comparable à ce qui existe ailleurs, en diminuant les prix .

Il est vrai que, de ce fait, nous n'avons pas obtenu tout ce que nous souhaitons dans le développement des génériques. Mais il procurera quand même une économie de un milliard de francs à l'assurance maladie en 2001, contre 600 millions en 2000.

Odette Grzegrzulka s'est faite la championne de l'amélioration de la CMU, qui concerne cinq millions de nos concitoyens. Effectivement, nous allons mettre en _uvre dans les prochaines semaines des mesures en ce sens ; le plafond des dépenses dentaires fixé à 2 600 francs sur deux ans sera supprimé.

Mme Odette Grzegrzulka - Parfait.

Mme la Ministre - Les personnes qui sortent du dispositif conserveront le bénéfice de l'avance de frais pendant un an. Les fonds d'action sanitaire et sociale des caisses primaires d'assurance maladie mobiliseront 700 millions de francs pour aider les personnes que leurs ressources placent tout juste au-dessus du seuil de la CMU à acquérir une couverture complémentaire auprès d'une mutuelle ou d'une compagnie d'assurance.

Mme Odette Grzegrzulka - Excellent.

Mme la Ministre - Un avenant à la convention d'objectifs et de gestion de la CNAVTS déterminera le montant et les modalités de cette aide. Les opérateurs de la couverture complémentaire jouent un rôle déterminant dans la gestion de la CMU car un nouveau bénéficiaire sur trois choisit d'adhérer à un de ces organismes. J'entends tout faire, y compris à propos du montant de leur contribution à la CMU, pour qu'il continue à en être ainsi. La concertation avec eux va se poursuivre.

A propos de la branche famille, l'opposition n'a pas manqué de critiquer la répartition des excédents. Si elle est possible, c'est justement parce que nous avons des excédents. La question ne se posait pas quand vous étiez au gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous avons demandé à la CNAF, c'est vrai, de contribuer aux dépenses de solidarité intergénérationnelle, mais sur les excédents accumulés dans le passé : en aucun cas cette contribution n'obérera ses capacités futures de développer ce qu'elle fait en concertation avec nous dans le cadre de la Conférence de la famille - que nous avons recommencé à réunir alors que vous n'osiez plus le faire en 1995 et 1996... (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Je veux remercier Mmes Clergeau, Mignon, Andrieux et Jacquaint de leurs interventions sur la famille et de leur appui à la politique du Gouvernement, et répondre à certaines de leurs questions. Le Gouvernement est conscient des difficultés que rencontre la mise en place, depuis mars 2001, de l'allocation de présence parentale. Un millier de bénéficiaires pour un potentiel de dix mille, c'est en effet très peu. Sans doute la promotion de cette prestation a-t-elle été insuffisante ; sans doute aussi ses modalités de calcul posent-elles problème. Je suis prête à reconsidérer les moyens de répondre mieux à l'attente des familles ayant un enfant gravement malade.

J'ai pris note, Madame Jacquaint, de votre souhait que les prestations familiales soient revalorisées de 2,2 % et non de 2,1 % comme le Gouvernement en a l'obligation. Mme la rapporteure l'a dit, cela se traduirait par une dépense supplémentaire de 140 millions de francs pour la branche famille. Depuis 1997 le Gouvernement s'en est tenu à l'indexation sur l'évolution prévisionnelle des prix. Il est vrai que la situation excédentaire permet d'envisager qu'on aille au-delà de cette obligation légale. Mais le Gouvernement préfère consacrer ses efforts à des mesures nouvelles dans le cadre de la Conférence de la famille. Toutefois nous ne nous interdisons pas cette revalorisation ; nous pourrons y revenir à l'occasion du débat sur les amendements de la commission.

L'autonomie des jeunes, Monsieur Cahuzac, est un sujet auquel je suis sensible. Nous avons fait un pas significatif dans cette direction avec la décision que je vous proposerai dans le projet de budget pour 2002, et qui a pour objet non seulement de doubler le programme TRACE, mais d'assurer aux jeunes qui y entrent une bourse d'accès à l'emploi qui leur assurera un revenu d'environ 2000 francs lorsqu'ils n'auront pas de rémunération de stage ou d'activité. C'est un premier pas. Et j'installerai dans les semaines qui viennent la Commission pour l'autonomie des jeunes dont vous avez décidé la création ; elle sera présidée par Jean-Baptiste de Foucault.

Quant aux accidents du travail et maladies professionnelles, j'ai pu mesurer l'importance que leur attache l'opposition en écoutant ses orateurs. Dans un propos d'une heure M. Bur n'en a pas parlé ; dans une intervention de même durée M. Accoyer n'y a consacré que quelques phrases - encore était-ce pour déplorer la charge supplémentaire que constitue pour les entreprises la prise en compte de la sous-déclaration des accidents du travail. Pas un mot sur les victimes de l'amiante, ni sur la nécessité de faire évoluer le système vers une réparation intégrale des préjudices. Je regrette cette attitude, mais je n'en suis pas surprise car elle n'est pas nouvelle : durant les quatre années où vous aviez le pouvoir, pas une fois le Parlement n'a été saisi d'une modification du code de la sécurité sociale sur ce point. (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je me réjouis en revanche de la convergence dans la majorité, dont M. Evin, et je l'en remercie, s'est fait le porte-parole.

M. Jean-Luc Préel - C'est moi qui le remercie : il a repris un de mes amendements...

Mme la Ministre - J'ai demandé à M. Yahiel, inspecteur général des affaires sociales, de me remettre un rapport avant la fin mars 2002.

J'en viens aux retraites, et je vais répondre à la deuxième question de M. Le Garrec. Le choix du Gouvernement est celui de la répartition. Je me réjouis d'ailleurs que l'opposition s'y soit ralliée (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)...

M. Jean-Luc Préel - Depuis toujours !

M. Bernard Accoyer - Quelle malhonnêteté intellectuelle !

Mme la Ministre - ...après avoir longtemps préféré rechercher un système de capitalisation. Je me félicite de cette convergence. Nous avons abrogé la loi Thomas qui accordait des avantages inconsidérés aux systèmes de capitalisation.

M. Bernard Accoyer - Et la PREFON, qu'est-ce d'autre ?

Mme la Ministre - Ce n'est pas ainsi qu'on résoudra les problèmes de nos régimes de retraite, car ce sont des systèmes très inégalitaires. Et je ne vois pas comment faire accepter aux Français que le niveau de leurs retraites puisse dépendre de l'évolution des Bourses.

M. François Goulard - En longue période, les marchés financiers sont orientés à la hausse !

Mme la Ministre - Même si nous privilégions absolument le système de répartition - raison pour laquelle nous voulons en assurer la pérennité...

M. Bernard Accoyer - Et qu'avez-vous fait pour cela ?

Mme la Ministre - ...nous pouvons aussi réfléchir à des systèmes de capitalisation s'ils sont collectifs - comme la PREFON, précisément, ou le Fonds de réserve des retraites, ou encore l'épargne salariale qu'a fait voter Laurent Fabius. Dans des conditions strictement définies, nous n'avons pas de tabous sur ce point, dès lors que le système par répartition reste le socle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jérôme Cahuzac - Voilà qui est raisonnable.

Mme la Ministre - Il est vrai que pour assurer la pérennité du système par répartition, il faut le réformer, et nous le ferons dans le cadre des principes qu'a rappelés le Premier Ministre le 21 mars 2000 : concertation, respect de la diversité et de l'identité des régimes, mais recherche de l'équité et de la solidarité entre eux, introduction de plus de souplesse dans la mise à la retraite, anticipation des évolutions démographiques. Même si nous avons réussi à desserrer l'étau grâce à la croissance et à l'amélioration de la situation de l'emploi, nous aurons à remettre à plat notre système, et, le COR ayant rempli son rôle, à ouvrir très vite une négociation après les prochaines échéances électorales. Nous devrons établir un point fixe : la négociation devra décider du niveau de vie des retraites par rapport à la rémunération de l'activité. Ce point est central, car ainsi nous dirons collectivement, tous régimes confondus, où nous voulons aller. Sur cette base, nous pourrons ensuite étudier la possibilité de permettre à certains, qui le souhaitent, de travailler plus longtemps et d'acquérir plus de droits, à d'autres au contraire de partir plus tôt. Cette remise à plat devra se faire dans l'équité et la solidarité entre les générations.

C'est dans le cadre de cette réflexion que s'inscrit la question, soulevée par de nombreux orateurs et notamment M. Le Garrec, que pose la situation de ces personnes qui n'ont pas 60 ans mais qui ont cotisé 160 trimestres ou plus. Je l'ai dit, le Gouvernement préfère intégrer ce débat légitime dans le cadre de la réforme d'ensemble que nous souhaitons. Cela ne nous empêche pas d'adapter les dispositions existantes pour aller vers un dispositif d'équivalent-retraite. J'ai annoncé une proposition en ce sens, et nous y avons beaucoup travaillé avec Alfred Recours et Jean Le Garrec. Lors de l'examen des amendements, nous discuterons d'un dispositif assurant à ces personnes une garantie spécifique de ressources qui les accompagnera jusqu'à leur retraite. Ainsi tout chômeur de moins de 60 ans ayant cotisé 160 trimestres à l'assurance vieillesse jouira d'au moins 5000 francs de ressources personnelles, compte non tenu des ressources du conjoint (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

S'agissant du Conseil d'orientation des retraites, je me réjouis de l'unanimité qui s'est faite pour saluer son action. J'ai noté que M. Mariani lui-même s'en est dit satisfait...

Je confirme que le fonds de réserve disposera de 1 000 milliards en 2020... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. François Goulard - Tiens ! Madame Soleil !

M. Bernard Accoyer - Combien de fois aurez-vous perdu les élections d'ici là ?

Mme la Ministre - ...notamment par l'affectation des excédents du FSV...

M. Bernard Accoyer - Mais il est dans le rouge ! Vous l'avez asséché !

Mme la Ministre - A Monsieur Jacquat, qui s'intéresse de près à ces questions, j'indique que l'entrée en vigueur du fonds de réserve a été fixée au 1er janvier 2002, et que les décrets définissant son organisation seront pris d'ici la fin du mois de novembre. Son conseil de surveillance sera le garant de la bonne utilisation de ses ressources.

Enfin, nous bénéficierons de l'intégralité des ressources liées à la vente des licences UMTS (Rires sur les mêmes bancs) si bien que les recettes atteindront 85 milliards à la fin de l'année, les pertes résultant des décisions récentes étant compensées par le produit de la privatisation d'ASF.

M. Bernard Accoyer - Comment cela ? M. Gayssot l'a affecté au ferroutage !

Mme la Ministre - Je ne doute pas que nous aurons l'occasion d'approfondir notre discussion et d'améliorer encore le dispositif prévu (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 23 heures 5, est reprise à 23 heures 15.

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MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Mattei et des membres du groupe DL une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Jean-François Mattei - Le projet fait l'objet de multiples critiques de la CNAM, de la CNAF, des syndicats, des professionnels de santé et l'on a bien du mal à en trouver un défenseur.

Cela tient, d'abord, à son économie générale bien contestable. Après des années de réduction du déficit, le retour à l'équilibre est éminemment conjoncturel. Dans un contexte favorable depuis plusieurs années, nous n'avons pas cessé de vous alerter sur les risques de retournement et sur la nécessité de mener à temps les réformes indispensables à la pérennisation du système. Hélas, au lieu de nous écouter, vous avez gaspillé les fruits de la croissance, comme l'a constaté le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale.

Aujourd'hui, le rapport sur les orientations de la politique de santé annexé au projet le montre clairement, nous sommes entrés dans une phase de fort ralentissement économique et de retour du chômage, auxquels s'ajoutent les effets des événements internationaux. Comment ne pas douter, dès lors, de vos hypothèses de croissance de 5 % pour la masse salariale et de 2,5 % pour le PIB ? L'INSEE, sans même intégrer les modifications de la situation internationale, ne mise plus que sur 2,1 %, souligne la régression constante des exportations depuis le début de l'année et prévoit un renversement de tendance pour les investissements. Et, si la consommation des ménages reste soutenue, nous voyons bien que le chômage a repris sa progression, dont on connaît les effets.

Bien sûr, il ne faut pas dramatiser, mais peut-on croire à la sincérité d'un budget fondé sur de telles hypothèses ?

M. Bernard Accoyer - Non !

M. Jean-François Mattei - De même, dès lors que l'effet base et l'effet 35 heures disparaissent, que l'emploi régresse, que les augmentations de salaires ne peuvent être que modérées, l'augmentation de la masse salariale ne peut qu'être inférieure à votre prévision. Déjà, l'an dernier, nous vous avions dit que vos hypothèses étaient trop optimistes et les événements nous ont donné raison. Nous ne pouvons donc voter un projet qui n'a aucune chance de se réaliser.

J'ai beaucoup d'admiration et d'estime pour le président Le Garrec, pour ses convictions, pour son tonus, pour son habilité politique. Mais sa foi parfois l'aveugle et je ne résiste pas au plaisir de répondre à sa harangue.

Je suis entré en politique en 1981. Depuis lors, la gauche a été au pouvoir pendant quinze années et de façon continue au cours des cinq dernières. Elle est donc seule responsable de la situation dont nous débattons ce soir et il lui faut bien l'assumer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Il n'y a pas eu d'excédents de 1993 à 1997, c'est vrai, mais nous gérions votre succession. Il y en a aujourd'hui, car vous gérez notre succession... Cessez donc de reprocher à vos prédécesseurs ce qu'ils ont fait ! Vous nous faites grief d'avoir adopté la CSG, alors que nous avions voté contre, mais n'avez-vous pas fait de même avec les ordonnances Juppé, avec l'ARH ?

M. le Président de la commission - Tout à fait !

M. Jean-François Mattei - Et c'est bien normal, c'est la continuité de l'Etat. C'est aussi pour cela que nous ne reviendrons pas sur la CMU, quelles qu'aient été nos critiques sur les effets de seuil et les trappes de pauvreté.

J'admets le débat mais je comprends mal l'ironie cinglante, le mépris, les contre-vérités. Pourquoi nous reprocher d'avoir évolué sur certains points ? Vous-mêmes, après l'ère des nationalisations en 1981, l'ère du ni-ni en 1989, êtes maintenant engagés bel et bien dans les privatisations, je ne vous reproche pas d'avoir ainsi changé d'avis.

J'en reviens à vos hypothèses, tout aussi irréalistes en ce qui concerne l'ONDAM, qui n'a jamais été respecté depuis 1997. Ainsi on avait prévu 2,5 % en 2000 et 3,5 % en 2001 et l'on a eu en fait 5,6 et 5 %. Et vous prétendez aujourd'hui respecter les 3,8 % proposés pour 2002... Même le rebasage - néologisme que ne connaît pas le correcteur orthographique de nos ordinateurs - traduit l'impasse dans laquelle se trouve le Gouvernement qui, faute d'outils pour maîtriser les dépenses, ne peut que constater le dérapage. Votre objectif est irréaliste, aussi, parce qu'il ne prévoit pas les 45 000 emplois qui seront créés en trois ans.

Les dépenses de santé ne cessent de déraper, atteignant maintenant 15 225 F par habitant, soit 10 % du PIB. Cela s'explique, bien sûr, par l'allongement de la durée de la vie, par les progrès de la médecine, par la volonté de nos concitoyens de se soigner de mieux en mieux, mais la part de responsabilité du Gouvernement est soulignée par la Cour des comptes, qui considère que « le nouveau mode de régulation n'a pas fait ses preuves ». Le manque d'outils permettant d'assurer le respect de l'objectif fixé par la loi est devenu patent. La responsabilité du Gouvernement est d'autant plus grande qu'aucune mesure d'encadrement - reversements ou lettres clés flottantes - n'a jamais été appliquée. Nous-mêmes y étions opposés, mais il est quand même extraordinaire que le Gouvernement n'applique pas ses propres décisions...

MM. Foucher et Evin ont déjà débattu de la politique du médicament. L'échec du Gouvernement est tel qu'un journal a titré que la Cour des comptes le mettait au pilori. La France est le pays où la part du PIB consacrée au médicament est la plus forte. Elle est ex æquo avec les Etats-Unis, en termes de dépenses de médicament par habitant. Le rythme annuel moyen de croissance a atteint dans la décennie 90 5,5 % pour la consommation et 5,2 % pour les remboursements. Enfin, la part des médicaments dans la consommation de soins et de biens médicaux est passée de 18,4 % en 1990 à 20 % en 1999, ce qui est important. Selon la Cour des comptes, ces chiffres traduisent l'efficacité limitée de la politique initiée en 1998. Encore un certain nombre de mesures n'ont-elles même pas été mises en _uvre. Arrêtons-nous sur ce plan de 1998. Je ne heurterai pas notre ministre délégué à la santé, qui a lui-même déploré l'échec en matière de médicaments génériques. Alors qu'on prévoyait de doubler leur part de marché entre début 1998 et fin 1999, ils ne sont passés que de 1,8 % à 2,9 %. Voilà l'exemple type d'un plan pour rien.

L'objectivité exige de reconnaître qu'un certain nombre d'erreurs ont été commises, y compris par votre Gouvernement. Le plan de 1998 faisait la part belle au développement du bon usage du médicament, prévoyant des indicateurs de suivi des prescriptions et la réalisation d'un référentiel public. C'est très intéressant sur le papier, mais selon la Cour des comptes, aucune de ces mesures n'a été prise. Sur les vingt-cinq annoncées en février et en juillet, seules quatre ont reçu au moins un début d'application. On n'a donc pas dépassé l'effet d'annonce et vous avez laissé filer les dépenses de médicaments en espérant que la conjoncture économique resterait favorable.

A ce stade, nous sommes fondés à nous interroger sur l'intérêt de fixer chaque année un ONDAM qui a vocation à être dépassé. Quels sont d'ailleurs les éléments qui permettent de proposer tel ou tel taux de croissance des dépenses de santé ? Nous avons déjà déploré à plusieurs reprises que l'ONDAM ne repose sur aucune justification sanitaire.

J'en viens à la qualité de notre système de soins, qui a été plusieurs fois évoquée, classement de l'OMS à l'appui. Celui-ci ferait de la France la championne du monde en matière de santé. Cependant, outre que sa méthode est contestée par les experts internationaux, il ne mesure à aucun moment la qualité de notre système de soins. Faut-il rappeler que notre taux de mortalité avant 65 ans est supérieur à celui de nos voisins, que la surmortalité masculine reste forte, que le taux d'infections nosocomiales reste, comme la mortalité prénatale et maternelle, trop élevé ? Doit-on également souligner que si l'espérance de vie dans notre pays est l'une des plus élevées au monde, la disparité entre hommes est femmes est également la plus élevée, que nous sommes en douzième position - le président Le Garrec l'a rappelé tout à l'heure - pour les inégalités au sein de la population, au même rang pour l'efficacité et au vingt-sixième pour l'équité de la contribution financière ?

Le rapport de l'INSERM de septembre 2000 conclut, après trois ans de recherches, que les inégalités sociales et géographiques en matière de santé demeurent et se creusent parfois de façon inacceptable. Cessons donc de verser dans l'autosatisfaction (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et sur quelques bancs du groupe UDF). Certes, notre système de soins reste parmi les meilleurs, et j'en suis fier. Mais le ratio coût-efficacité s'est largement détérioré depuis quelques années. Il est donc indispensable de ne plus s'en tenir à une approche comptable des dépenses de santé.

Je veux à présent aborder le problème de l'opacité. Vous l'avez contesté tout à l'heure, Mme la ministre aussi. Je ne reviens pas sur la nécessité de passer à l'euro. En revanche, la présentation des comptes ne nous permet pas d'appréhender le budget. Elle obéit à deux méthodes : encaissement-décaissement et droits constatés, ce qui renforce l'opacité générale même si la seconde présentation est préférable pour l'avenir.

En tout cas, nous ne savons pas clairement, en définitive, si le régime général est excédentaire ou déficitaire.

Vous nous présentez des résultats excédentaires de 5,2 milliards de francs en 2000 et de 9,8 milliards de francs en 2001. Les comptes prévisionnels seraient en excédents de 7,5 milliards. Mais il s'agit d'une comptabilité de caisse. Si l'on retient la comptabilité en droits constatés, l'excédent de 2000 est ramené à 4,4 milliards Encore ce résultat intègre-t-il la créance des organismes sociaux sur l'Etat au titre du FOREC. Or, l'annonce par le Gouvernement du non-remboursement de cette créance par l'Etat a conduit la Cour des comptes à affirmer que le régime général était en fait déficitaire de près d'un milliard de francs pour 2000.

Ainsi, selon qu'est retenue une comptabilité de caisse, une comptabilité en droits constatés avec créance sur l'Etat au titre du FOREC ou une comptabilité en droits constatés sans remboursement du FOREC, les chiffres diffèrent. Certes, on peut toujours leur faire dire ce que l'on veut, mais cette opacité est bien pratique ! Pour ma part, je m'en tiendrai donc au rapport de la Cour des comptes, qui nous apprend que les résultats des exercices 1998, 1999 et 2000 font apparaître un déficit cumulé de 12 milliards de francs alors que la croissance économique de ces trois années a été excellente et la progression des charges de retraites, notamment pour des raisons démographiques, faible. Cela montre, conclut la Cour que l'équilibre des comptes reste à conforter.

Loin de « confirmer la robustesse du redressement des comptes sociaux », comme vous vous plaisez à l'affirmer, le PLFSS cache donc un retour au déficit de la sécurité sociale en 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Autre élément d'opacité : la multiplication des fonds médicaux et hospitaliers.

Fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale - FORMMEL - , Fonds d'aide à la qualité des soins de ville - FAQSV - , Fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé - FASMO - devenu Fonds pour la modernisation des établissements de santé - FMES -, Fonds de modernisation des cliniques privées - FMCP - , Fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique - FPIM -, Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux - FIMHO - : six fonds ont été créés depuis 1996 sans aucun souci de cohérence. C'est bien un problème de tuyauterie.

M. Germain Gengenwin - De siphon, alors !

M. Jean-François Mattei - Rappelons que pour un coût de plus d'un milliard de francs par an, la FORMMEL a un impact des plus limités sur l'évolution des dépenses d'assurances, que, s'agissant du FMES, 138 millions de francs ont été dépensés sur le milliard disponible, que, faute de décret, le FPIM n'est toujours pas opérationnel et enfin que le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville subit, selon l'exposé des motifs du projet de loi « des retards dans la mise en place et (...) la montée en charge ».

Sur le chapitre des retraites, nous observons la même opacité.

Le projet de loi prévoit évidemment une revalorisation des pensions, disposition nécessaire en l'absence de règle pérenne dans le code de la sécurité sociale. Le Gouvernement va ainsi, d'année en année, vers un service minimal en matière de retraites. Il l'a complété pour 2002 d'un « coup de pouce » de 0,3 % qui montre qu'il ne dédaigne pas mêler à la gestion routinière une once de générosité bien opportune. Mais on est loin d'offrir des perspectives claires aux 12 millions de retraités.

Les autres dispositions relatives aux retraites concourent à l'opacité du système. Une part plus importante du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital - 65 % au lieu de 50 % - est affectée au Fonds de réserve des retraites au détriment de la CNAV. Le Fonds recevra également 5 milliards de francs de l'excédent 2000 de la CNAF. Ces manipulations ne sont rendues possibles que par les excédents, fragiles par nature, de ces deux caisses.

Comment croire que le Fonds de réserve des retraites est alimenté par des recettes pérennes devant cette instabilité dans le financement des multiples organismes qui composent le monde des retraites ? Il existe entre les régimes et ces divers fonds de tels échanges financiers que leur interdépendance constitue un facteur de déséquilibre permanent. Et pendant ce temps, on attend le rapport du Conseil d'orientation des retraites qui sera déposé quand le Gouvernement ne pourra plus agir.

Outre tous les éléments qui rendent votre projet contestable, l'absence de proposition novatrice se fait cruellement sentir.

M. le Ministre délégué - J'allais le dire !

M. Jean-François Mattei - Les professionnels de santé sont dans le plus grand désarroi, et je ne crois pas que l'on puisse en sourire. Ils viennent d'ailleurs souvent vous rencontrer. Alors que vous avez, à grand renfort de publicité, lancé en janvier un premier « Grenelle » de la santé, puis un second en juillet ; on aurait pu espérer que le Gouvernement prendrait enfin conscience de la fracture avec les professions libérales et lui proposerait les mesures adéquates.

Il n'en est rien, et le texte présenté aujourd'hui est bien décevant, d'autant plus que nombre de propositions émanant des groupes de travail baptisés G7 et G14 vous ont été faites. Alors que les réunions se sont multipliées, il paraît pour le moins surprenant que le Gouvernement ne soit pas en mesure aujourd'hui de faire des propositions précises. Le système de maîtrise comptable des dépenses de santé a fait la preuve de son inefficacité et il est rejeté par les professionnels. Pourtant, aucune proposition de mise en o_uvre d'une politique de maîtrise médicalisée n'est présentée ! L'erreur est humaine, persévérer est diabolique ! Nous avions fait une erreur, mais c'est vous qui persévérez !

On nous parle de propositions qui feraient l'objet d'amendements en cours de discussion. J'insiste sur le manque de respect du travail parlementaire dont témoignerait une telle attitude. Monsieur le président de la commission, vous avez siégé dans l'opposition et dénoncé cette pratique.

Depuis onze mois, vous avez en effet engagé avec les professions libérales des négociations, et mené une intense réflexion. Il serait donc inacceptable que ces propositions soient déposées à la sauvette et au dernier moment. D'ailleurs, de quelles propositions s'agirait-il ? Il semble bien que vous reportiez celles qui concernent les relations avec l'Etat ou les missions des conseils d'administration des caisses. Il s'agit pourtant là d'un sujet majeur, sur lequel je reviendrai tout-à-l'heure car j'ai des propositions à vous faire. Par ailleurs, il n'est pas question pour l'instant de revenir sur les lettres-clés flottantes dont j'ai déjà dit combien elles étaient inefficaces et mal acceptées par les professionnels.

En revanche, j'accueille avec satisfaction l'idée d'un dispositif d'appui à l'installation, qui favoriserait un égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire. Je le demande d'ailleurs depuis plusieurs années.

M. le Ministre délégué - Exaucé !

M. Jean-François Mattei - Et si la création d'un Observatoire de la démographie médicale et des métiers de santé est intéressante, je suis plus réservé sur le Haut conseil de la santé. Pourquoi créer toujours de nouvelles structures ? Il vaudrait mieux donner plus de moyens à votre DGS. Car, sur le plan des moyens humains, votre ministère est sinistré.

Alors que l'enveloppe des hôpitaux va augmenter de 4,8 %, celle des cliniques privées ne pourra augmenter que de 3,5 % et celle de la médecine de ville de 3 %. Cette dernière est une fois de plus défavorisée. Pourtant, il est urgent de revaloriser les honoraires. La valeur de la consultation d'un généraliste est bloquée depuis trois ans et demi à 115 F, ce qui contraint bon nombre de praticiens à multiplier les actes pour vivre décemment. Vous vous êtes vous-même, Monsieur le ministre, prononcé en faveur de cette revalorisation. Mais de vos souhaits aux actes, il y a loin.

Pour l'hôpital public, vous annoncez la création de 45 000 postes sur trois ans, dont 13 300 en 2002. Mais voyons les choses plus en détail. D'abord, la création d'emplois est étalée sur trois ans alors que la loi sur les 35 heures va, elle, s'appliquer dès le 1er janvier 2002 et alors que plusieurs secteurs - les urgences, la psychiatrie, les maternités - se trouvent déjà en situation de pénurie. Je le dis avec gravité : pour la première fois dans le monde médical, le dévouement le cède au découragement. 11 000 agents sont partis à la retraite en l'an 2000, 20 200 partiront en 2005, 25 000 d'ici 2010. Un tiers des infirmières d'aujourd'hui va cesser de travailler d'ici cette date. L'hôpital va donc être confronté à un problème démographique majeur. Comment dans ces conditions comptezvous pourvoir 12 300 postes l'an prochain ?

Et à quoi correspond ce chiffre de 45 000 ? On nous dit qu'ils assureront le passage aux 35 heures. Mais calculons : passer de 39 à 35 heures, cela fait 11,4 % de volume horaire en moins, tandis que 45 000 postes ne représentent qu'une croissance de 6 % des effectifs. Cela signifie que vous attendez d'importants gains de productivité dans un secteur qui fonctionne déjà en régime de rupture.

Par ailleurs, il faut trois ans pour former une infirmière et dix ans minimum pour un médecin. Dès lors, je ne vois pas comment vous ferez pour créer 12 300 emplois dès cette année et 45 000 sur trois ans, sauf si vous songez à un recrutement de personnel administratif - mais cela ne correspond pas aux priorités. A moins encore que vous ne tabliez sur un transfert massif du privé vers le public, ce qui reviendrait à déshabiller Pierre pour habiller Paul et mettrait à mal la complémentarité entre les deux secteurs.

N'oublions pas à ce propos que l'hospitalisation privée assure dans des conditions difficiles un travail de grande qualité. Mieux vaudrait donc faciliter sa coopération avec le public et un travail en réseau. Les cliniques demandent une enveloppe de 6 milliards pour aligner leurs salaires sur ceux du public. Il serait temps de les écouter.

L'autre solution envisagée pour le passage aux 35 heures est le recours à un compte épargne temps. Mais celui-ci ne ferait que repousser le problème à plus tard. Que dire en effet aux personnels qui, après avoir épargné au titre de la RTT, souhaiteront s'arrêter de travailler plusieurs mois dans l'année ?

L'accord passé avec les syndicats de praticiens hospitaliers ne contient que des bonnes mesures, Monsieur le ministre, mais elles supposent que nous disposions d'une main d'_uvre compétente et disponible, ce qui ne sera pas le cas puisque nous connaissons déjà la pénurie. Dès lors, toutes ces excellentes mesures ne sont qu'une illusion.

La durée moyenne de travail du personnel médical hospitalier atteint, vous le savez bien, 50 heures. Si on passe à 35 heures, le compte sera vite fait : 14 heures de garde, 11 heures de récupération, 2 fois 3 heures et demi de travaux d'intérêt général, une heure de formation continue. Il reste deux heures pour les malades ! En vérité, on ne peut pas appliquer strictement la RTT à la médecine hospitalière. Les médecins ne sont pas des gens qui pointent et qui s'en vont. Mais votre démarche risque désormais d'induire des comportements tatillons, du genre : je ne serai pas là samedi et dimanche et ce soir, je pars à 17 heures. Dans l'état actuel des choses, l'application des 35 heures à l'hôpital relève de l'ânerie...

M. le Ministre délégué - Vous me peinez !

M. Jean-François Mattei - A tout le moins, de la grosse bêtise.

J'en arrive au médicament, domaine dans lequel nous attendons toujours une politique moderne.

La prescription en dénomination commune internationale - DCI - ne suffira pas à assurer un développement rapide du générique, en France, pays où le taux de pénétration du générique est le plus faible. Cela tient à l'hostilité de nombreux médecins, aux craintes des pharmaciens, aux difficultés des fabricants... Le développement du marché des génériques passe en réalité par la réforme des conditions de fixation des prix des médicaments princeps.

La hausse de la taxe sur la publicité pharmaceutique relève de la politique à courte vue. Faut-il rappeler que les laboratoires pharmaceutiques sont sans doute le secteur le plus taxé en France avec un taux proche de 7 % du chiffre d'affaire ? Cela se paie par la délocalisation à l'étranger des sièges sociaux et des investissements dans la recherche et le développement. Par ailleurs cette hausse va pénaliser l'emploi.

Votre politique du médicament consiste essentiellement à rationner le financements et à taxer toujours davantage l'industrie. Au total, vos propositions sont vraiment « maigrelettes » puisqu'elles ne portent que sur la fixation des montants de divers fonds, dont on voit mal comment ils auraient l'efficacité nécessaire en l'absence de volonté affirmée.

En fait, plus de quatre ans après sa prise de fonctions, le Gouvernement ne s'est toujours pas déterminé. Il se contente de « souhaiter », d'« envisager »... Il serait mieux inspiré d'utiliser les voies existantes, et notamment d'agréer plus vite et en plus grand nombre les projets d'expérimentation présentés devant la commission « Soubie », car ce dont nous avons besoin c'est de libérer les initiatives.

Je voudrais maintenant parler de la place des partenaires sociaux dans notre système de santé. Malheureusement, la politique du Gouvernement fait fi du dialogue social et met en péril le paritarisme.

La création - par ordonnance du 4 octobre 1945 - de notre système de protection sociale visait la protection des travailleurs salariés. Depuis, de nouvelles catégories de cotisants ont été rattachés au régime général et, aujourd'hui encore, l'article 3 du présent texte prévoit l'affiliation au régime général de nouvelles catégories. Il convient de tenir compte de ces évolutions. Des régimes spéciaux ont par ailleurs été créés, destinés aux professions qui bénéficiaient déjà d'une couverture sociale avant la Libération. Cinquante ans après la création de la sécurité sociale, à l'heure de la couverture maladie universelle, il est clair qu'on ne bénéficie plus de la couverture maladie parce que l'on travaille mais simplement parce que l'on réside régulièrement en France.

Les modalités de financement ne correspondent donc plus aux besoins. Certes, un premier pas a été fait avec le basculement des cotisations sociales de maladie sur la CSG, mais il faut aller plus loin. Par conséquent, il aurait été judicieux de repenser globalement les modalités de financement de la sécurité sociale et ce en collaboration avec les partenaires sociaux.

Plutôt que d'engager cette réflexion, le Gouvernement a choisi de poursuivre la remise en cause de l'autonomie de la sécurité sociale. Doit-on rappeler que les caisses ne sont plus en charge aujourd'hui que des soins de ville, consultations et prescriptions, la gestion de l'enveloppe des dépenses des cliniques et des hôpitaux relevant de la seule responsabilité de l'Etat ? Alors que le paritarisme repose notamment sur le principe de la consultation des partenaires sociaux en cas de mise en _uvre de nouvelles prestations, le Gouvernement vient d'instaurer un congé paternité de 15 jours qui sera financé par la caisse d'allocations familiales sans que les partenaires aient été informés. Si le principe d'un congé paternité nous paraît tout à fait louable, la méthode nous paraît, elle, absolument inacceptable. Doit-on rappeler que les caisses ne sont aujourd'hui responsables ni des prestations, ni des cotisations, ni de la nomination des directeurs ?

La décision de faire financer les 35 heures par la sécurité sociale a conduit au départ pour le moins compréhensible du MEDEF. Rappelons à ce propos que le FOREC est censé permettre à l'Etat de financer les allégements de charges accordés dans le cadre de ce passage. Sa création était prévue par la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2000 mais pendant deux ans, le Gouvernement a tergiversé et le décret nécessaire à sa mise en place vient seulement d'être annoncé à la tribune.

En 2000, le déficit de ce fonds a atteint 10,2 milliards. Vous avez abandonné purement et simplement cette dette de l'Etat à la sécurité sociale. Pour 2001, vous avez décidé que le déficit du FOREC de 5,6 milliards serait financé par des recettes fiscales jusque-là perçues par l'assurance maladie. Enfin, les 18 milliards de déficit prévus en 2002 seront couverts par des taxes affectées à l'Etat, à la CNAM, au FSV. C'est un détournement de fonds inacceptable. Ni les malades ni les professionnels de santé n'ont à subir ainsi les conséquences du financement du FOREC. De ce fait, le patronat s'est retiré des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale, décision grave qui sanctionne l'absence de dialogue social. Vous auriez dû nous proposer les fondements d'un nouveau paritarisme.

Ainsi, cinq points mis en valeur dans le projet se trouvent pris en défaut . L'équilibre des comptes ? Il n'est pas au rendez-vous. La transparence ? L'opacité s'impose. Les programmes pluriannuels ? Nous sommes dans l'improvisation et le court terme. Les nouveaux droits sociaux ? Financés à crédit. Quant à la modernisation du système de soins, je l'ai désespérément cherchée.

Mais rien ne sert de critiquer sans proposer. Je reviens donc sur quelques propositions.

M. le Ministre délégué - Ah !

M. Jean-François Mattei - Voyons d'abord les principes de base. Oui, nous entendons mettre la santé publique à sa juste place, la première . Oui nous voulons faire de la qualité des soins et du plus large accès au progrès médical notre objectif prioritaire. Oui, nous entendons faire confiance aux professionnels de santé comme acteurs déterminants de la réforme, encourager leur engagement au service de la qualité dans un cadre conventionnel rénové. Ainsi, nous nous assurerons avec eux que chaque franc dépensé par l'assurance maladie est réellement utile à la santé.

M. le Ministre délégué - Ambitieux !

M. Jean-François Mattei - Oui, nous souhaitons valoriser l'exercice libéral, qui apporte une contribution majeure à la qualité de notre système de santé. Oui, nous entendons donner plus de poids à la liberté et à la responsabilité dans le système de soins.

Quelles sont nos propositions ?

D'abord, de redéfinir le rôle de chacun. La loi de financement de la sécurité sociale, innovation du "plan Juppé", permet de restaurer la prééminence du Parlement et du politique. Il convient aujourd'hui d'aller plus loin dans la clarification des responsabilités respectives et de faire appel, quand c'est utile, à de nouveaux acteurs. L'Etat ne peut plus être à la fois le décideur, le gestionnaire et son propre contrôleur. Aujourd'hui, l'administration de la santé dans notre pays maîtrise mal ses responsabilités et donc les exerce mal. Pour autant, l'Etat a des missions de souveraineté essentielles : il lui appartient de définir les priorités nationales de santé publique en identifiant les besoins ; de mettre en place une politique globale de santé ; de garantir l'accès effectif de tous, et en particulier des plus défavorisés au meilleur de notre système de soins. Il lui appartient également d'assurer le plus haut niveau possible de sécurité sanitaire en incluant l'environnement dans le champ de compétences des agences de santé. Il lui appartient enfin de garantir la qualité des soins, par la formation des professionnels de santé, un dispositif performant d'accréditation et la priorité donnée à l'évaluation médicale et économique.

M. le Ministre délégué - C'est ce que nous faisons.

M. Jean-François Mattei - Ce n'est pas du tout l'impression que j'ai.

Dans un pays développé il faut associer aux questions de santé toutes les forces vives, à commencer par les patients - je ne dis pas les usagers - en leur donnant un rôle plus substantiel au sein des organismes d'assurance maladie et en leur laissant également, dans le cadre d'expérimentations strictement contrôlées, au niveau régional et sur la base d'un strict cahier des charges négocié avec toutes les parties une palette de choix plus large et plus libre pour s'assurer face au risque pesant sur leur santé. Le niveau régional doit jouer un rôle beaucoup plus important qu'aujourd'hui.

M. le Ministre délégué - Je crois entendre les dispositions de la loi sur le droit des malades, que vous n'avez pas votée.

M. Jean-François Mattei - Je suis dans une logique différente de la vôtre.

L'organisation des soins doit, en réalité, être repensée. Un patient n'est pas un client de clinique privée ou de l'hôpital. C'est une personne...

M. le Ministre délégué - Evidemment.

M. Jean-François Mattei - ...qui doit être perçue dans son unité humaine et clinique. Il faut donc décloisonner des structures rigides ; supprimer la frontière entre dépenses de ville sous contrôle partiel des régimes obligatoires et dépenses pharmaceutiques et hospitalières sous l'autorité de l'Etat ; favoriser l'exercice de la médecine en réseaux grâce à la fongibilité des enveloppes, mesure indispensable que vous n'avez pas encore adoptée. Les agences régionales de l'hospitalisation doivent mieux prendre en compte les exigences de proximité et de transversalité et donc devenir des agences régionales de santé. Parallèlement, il conviendra de remédier aux disparités d'offre de soins entre régions.

Une meilleure organisation des soins, c'est aussi une adaptation de l'offre, avec une politique d'incitation à l'installation dans les zones moins bien équipées. C'est également une adaptation à l'évolution des connaissances. La réforme des études médicales doit être achevée.

M. le Ministre délégué - Oui !

M. Jean-François Mattei - Un tronc commun au début des études universitaires doit permettre aux étudiants de se réorienter plus aisément et aux professions de santé de recevoir les bases sanitaires nécessaires à l'exercice de leur métier.

M. le Ministre délégué - Oui.

M. Jean-François Mattei - Monsieur le Ministre, vous l'avez lu dans un ouvrage que j'ai commis en 1997.

M. le Ministre délégué - C'est ma Bible.

M. Jean-François Mattei - Les formations doivent d'ailleurs être dispensées au sein de véritables universités de santé.

M. le Ministre délégué - Oui

M. Jean-François Mattei - Enfin, la formation continue doit devenir une exigence effectivement mise en _uvre.

M. le Ministre délégué - On a fait tout cela !

M. Jean-François Mattei - Cette disposition figure dans la loi de modernisation du système de santé.

M. le Ministre délégué - Il vient à résipiscence !

M. Jean-François Mattei - Pas du tout. Ce qui me désole, c'est que tant qu'il s'agit des principes et des annonces, cela va ; mais on a du mal en en voir la traduction dans la réalité, à l'exception notoire de la création d'agences de sécurité sanitaire, dont il faut maintenant faire évoluer la structure. A ma suggestion notamment, vous avez fait voter la création d'une agence santé-environnement. Pouvez-vous me dire où elle en est ?

M. le Ministre délégué - Le décret paraîtra dans quelques jours.

M. Jean-François Mattei - Donc il n'est pas paru. Le jour où il le sera, nous le fêterons ensemble. Mais si un jour nous assumions vos responsabilités, nous ferions comme vous l'avez fait avec l'établissement des greffes, l'agence du sang, celle du médicament, en construisant la grande agence de santé sanitaire dont nous avons besoin...

M. le Président de la commission - Nous sommes d'accord.

M. Jean-François Mattei - ...en y incluant l'environnement. Vous semblez dire que tout cela fait partie de votre programme, que vous l'avez déjà fait...

M. le Ministre délégué - Sauf la fongibilité des enveloppes.

M. Jean-François Mattei - ...et que nous ne l'avons pas voté !

Je poursuis. Cette politique a pour objet de développer l'information et l'éducation à la santé.

M. le Ministre délégué - Oui.

M. Jean-François Mattei - Vous avez vu comme les infirmières scolaires sont satisfaites.

M. le Ministre délégué - Elles ne dépendent pas de moi.

M. Jean-François Mattei - Je n'accepte pas cette santé coupée en tranches. Beaucoup ici partagent cette analyse.

M. le Ministre délégué - Moi, je la partage.

M. Jean-François Mattei - Qu'il s'agisse de la médecine scolaire, de la médecine du travail, de celle de l'environnement, pour mener une politique de santé publique il faut un seul pilote.

J'insiste également sur l'indispensable développement de la prévention, qui passe par la révision de la nomenclature et la revalorisation des actes de prévention. Aujourd'hui, un tel acte n'est pas coté.

M. le Président de la commission - J'en suis d'accord.

M. Jean-François Mattei - C'est une des raisons pour lesquelles je n'ai pas voté le texte sur les droits des malades. Croyez-vous qu'on puisse faire payer 115 francs une consultation d'une demi-heure ? Il faut différencier la première consultation, comme la consultation de prévention, et sortir du carcan administratif.

M. le Ministre délégué - Je l'ai fait pour les soins palliatifs.

M. Jean-François Mattei - Enfin, nous voulons bâtir un nouveau modèle de la protection sociale, distinct du « tout marché » que prônent certains et du modèle social-démocrate sur lequel vous vous appuyez. Nous voulons une société de personnes autonomes et responsables, qui reconnaissent que le travail n'est pas une servitude mais une activité essentielle, des concitoyens qui soient protégés contre les nouveaux risques de l'existence, des partenaires sociaux émancipés, une place plus large donnée au contrat et à la négociation.

Je souhaite aborder aussi le problème des retraites car Mme la ministre a eu des propos qui dépassaient sa pensée, ou traduisaient une mauvaise information, ou encore le désir de ne pas dire la vérité. Je l'affirme, nous sommes attachés au système de répartition, qui constitue, et constituera demain, le fondement de notre système de retraite. Mais nous souhaitons tout d'abord plus de souplesse en permettant à ceux qui le souhaitent de quitter progressivement la vie professionnelle. Il faut mettre un terme à la retraite guillotine qui est un gâchis. Ceux qui le souhaitent doivent pouvoir partir progressivement avant ou après 60 ans pour éviter de passer brutalement du stade de l'activité à celui de l'inactivité. Nous pensons également opportun de créer un « fonds d'équilibre des retraites », pérenne et doté de nouvelles recettes publiques, de privatisation notamment, qui permettrait de financer le tiers des besoins prévisibles en 2040. Régime par régime, il convient aussi de rechercher des accords « gagnant-gagnant » avec les agents publics. Par ailleurs, le sauvetage du système par répartition doit s'accompagner d'incitations, notamment fiscales, à la constitution de formes nouvelles d'épargne retraite individuelles et d'entreprise.

A ce titre, la création de régimes financés par capitalisation doit être regardée comme un complément indispensable aux régimes actuels. Il est tout de même hallucinant de constater qu'en l'absence de fonds par capitalisation, ce sont les retraités étrangers qui tirent avantage du succès des entreprises françaises, puisque les fonds de pensions étrangers détiennent près de 40 % du capital de nos plus grandes entreprises ! Ne serait-il pas plus juste et plus logique que les retraités français en profitent également ?

Sur la famille, je dirai simplement qu'il me paraît inacceptable que les excédents de la branche ne soient pas consacrés exclusivement à la politique familiale, avec notamment une allocation unique au jeune enfant de moins de trois ans, qui permette aux parents de choisir librement le mode de garde de leurs enfants. Enfin, naturellement, le détournement des excédents de la branche famille pour financer la réduction du temps de travail ne me semble pas honnête.

La politique sociale du Gouvernement depuis quatre ans, c'est l'obstination qui conduit à des choix insensés, comme les 35 heures autoritaires. Ouvrez les yeux ! Ce sont les réalités virtuelles, comme on le voit dans l'épisode du FOREC comme dans les hypothèses macro-économiques du budget et comme dans la loi de financement. C'est l'abandon du dialogue et du partenariat, qui conduit aux conflits et aux blocages avec les partenaires sociaux et les professionnels de santé. C'est enfin le choix du court terme contre le long terme, comme le prouvent le gaspillage de la croissance ces quatre dernières années, qu'a dénoncé la Cour des Comptes, ou l'inertie sur le dossier des retraites. Oui, ce projet est une occasion manquée, car il est vide de toute mesure significative qui permettrait de prendre à bras-le-corps les problèmes sanitaires et sociaux graves et préoccupants dont vous portez désormais la responsabilité. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Ministre délégué - C'est toujours avec plaisir que j'écoute M. Jean-François Mattei. La passion qu'il met à défendre la santé publique est celle qui nous anime tous, nous qui depuis quelque cinq ans - même si j'en ai manqué deux - sommes souvent les mêmes à nous retrouver nuitamment pour en débattre. Et même si nous ne sommes pas toujours d'accord, ce qui est légitime en démocratie et permet un débat fructueux, je suis toujours attentif à vos propositions comme à vos critiques, même si ces dernières ont été parfois excessives. En écoutant vos propositions, je croyais voir se dessiner la stratégie même que nous vous avons présentée lors du débat sur les droits des malades et la qualité du système de soins. Dans les objectifs que vous avancez, beaucoup en effet a déjà été fait, hormis la fongibilité des enveloppes et cette grande agence nationale de la santé dont nous avons tous parlé, mais que nous ne pouvons pas faire maintenant, vous le savez bien, parce que le social et le médico-social ne s'articulent pas toujours bien... Nous avons déjà bien avancé, et je vous remercie de nous avoir soutenus ce soir (Sourires sur les bancs du groupe socialiste). Mais c'est pour conclure qu'il faut voter contre le projet, ou le renvoyer en commission : c'est dommage.

Je reviens sur quelques points. Je ne polémiquerai pas sur la politique du gouvernement Juppé : l'équilibre de la sécurité sociale n'est pas chose facile, et ni vous ni nous ne connaissons la recette. Je sais qu'il ne faut pas revenir sur le passé, et dire que nous sommes meilleurs - même quand c'est vrai (Sourires ) et peut-être, par courtoisie, surtout quand c'est vrai ! Mais tout de même voyez les chiffres : le déficit de la sécurité sociale était de 55 milliards de francs en 1995, 67 milliards en 1996, 34 milliards en 1997, ce qui fait pour ces trois ans un déficit cumulé de 154 milliards. Je ne vous accuse pas, c'était difficile, mais le résultat n'était pas terrible. Le nôtre ne l'est peut-être pas non plus, mais il est nettement meilleur. Certes 15 milliards de déficit cumulé de 1999 à 2002, ce sont 15 milliards de trop, d'un point de vue comptable : mais nous sommes tous d'accord pour dire qu'il ne faut pas s'en tenir à un tel point de vue. Puisque nous sommes d'accord sur ce point, ne nous heurtons pas, mais réjouissons-nous ensemble de voir qu'une invention de 1945 tient somme toute encore assez bien debout... Nous avons tous fait de notre mieux ; il se trouve simplement que notre mieux est meilleur que le vôtre : c'est ainsi.

Je ne vous querellerai pas sur l'ONDAM : il dérape toujours, que ce soit chez vous ou chez nous ; c'est ainsi, le système est imparfait. Mais s'il dérape, c'est aussi que nous sommes victimes de notre succès : cela ne va pas bien à l'hôpital parce que cela va mieux en France, qu'on y vit plus vieux, qu'on y a accès à des médicaments coûteux, etc. Il faut freiner la progression des dépenses, mais bien comprendre en même temps qu'elle est inéluctable, sauf catastrophe imprévue. Vous avez dit que les excédents étaient faibles par rapport aux masses en jeu : c'est vrai, mais on ne peut passer sous silence des réformes importantes conduites depuis quatre ans, comme la CMU et l'APA : voilà ce que nous avons fait avec les excédents. Les cinq millions de bénéficiaires de la CMU devaient auparavant aller quêter une carte dans les municipalités : c'est tout de même mieux aujourd'hui. Il y avait des difficultés avec les soins dentaires : nous avons déplafonné. Quant aux 5 %, ils ne représentent pas l'augmentation des salaires, mais de leur pouvoir d'achat. En 2001 il semble bien que le taux de progression de 5,9 % sera respecté à quelques décimales près.

Vous avez raison de le dire, il y a un échec de la politique de régulation. Le paritarisme traditionnel doit être élargi vers les associations de malades et les professionnels : c'est une des voies pour améliorer la régulation. Celle-ci ne sera jamais parfaite : il y aura toujours de nouvelles techniques, de nouvelles molécules dont elle ne pourra tenir compte. Faut-il un ONDAM « réaliste », de 5 ou 6 % ? Mais qui va payer ? Ou alors il faut demander aux Français plus de cotisations et d'impôts. C'est concevable, nous avons la CSG ; mais il faudrait que tous ensemble nous expliquions aux Français que c'est nécessaire. Fallait-il 60 000 infirmières au lieu de 45 000 ? Mais comment les payer ? Ou bien on fixe l'ONDAM plus bas, et fatalement la régulation n'est pas exacte.

Sur les inégalités régionales, vous dites vrai, et les chiffres sont connus de tous. Mais qui a commencé à faire des péréquations, sinon nous ? Nous avons été critiqués pour avoir dit qu'il ne fallait pas seulement regarder l'Assistance publique des hôpitaux de Paris, mais toute l'Ile-de-France autour, et pour avoir repéré en Picardie, dans le Nord ou dans le Centre des territoires négligés. Et nous avons établi des péréquations ; ce n'était pas simple, et c'est toujours en débat, mais nous tenons le cap. Nous avons bien dit d'ailleurs que le rééquilibrage ne se ferait pas en trois ans, mais qu'il en prendrait dix.

Il est exact que plusieurs fonds de santé ont été créés ces dernières années, mais ils présentaient un intérêt majeur, même quand l'argent n'était pas entièrement utilisé : ils ont permis de flécher l'utilisation de crédits à des fins précises, ce qui n'était pas possible si tout était versé dans un pot commun. La modernisation des hôpitaux, l'harmonisation entre hôpitaux et cliniques ne sont pas suffisantes, soit ; mais il y a cent vingt mouvements de ce type en cours, et ils ont été engagés grâce à ces fonds. D'autre part le décret créant le fonds de promotion et d'information du médicament va être pris dans les jours qui viennent. Cette création permettra, je l'espère, que les médecins soient mieux informés que par les visiteurs médicaux.

Vous avez évoqué les médicaments génériques, mais sans nous dire comment obtenir qu'ils soient prescrits et délivrés. J'ai bien une idée sur ce qu'il aurait fallu faire : rembourser les médicaments princeps au prix du générique le plus bas... Mais il y a décidément une grande différence culturelle entre l'Allemagne, où les médicaments génériques représentent 40 % du marché, et la France, où la prescription est si bien enracinée dans le c_ur et l'esprit des médecins que la part de marché des génériques n'y est que de 4 % !

S'agissant de l'hôpital, vous nous expliquez que les 45 000 postes dont nous avons annoncé la création seraient insuffisants. Dois-je vraiment vous rappeler que ces créations s'ajouteront aux 12 000 à 13 000 postes actuellement vacants et que nous entendons évidemment pourvoir ? Pour autant, personne n'a prétendu que ces 45 000 postes nouveaux seraient créés en 2002. Les choses se feront en 3 ans pour les personnels infirmiers, et en 8 à 10 ans pour les médecins. Et je gage que, oui, grâce à la RTT, les relations entre les malades et les médecins se transformeront, parce que les praticiens seront moins fatigués. Mais l'on ne pourra en juger que dans une décennie, avec le recul nécessaire.

J'ai noté des propos peu amènes à l'égard des syndicats de praticiens hospitaliers, que vous critiquez parce qu'ils ont signé l'accord. Comment donc expliquez-vous cette signature ? Seraient-ils tous fous ? Auraient-ils été trompés par mon bagout ? (Sourires)

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Ils en avaient trop besoin !

M. le Ministre délégué - Non ! Ils y ont trouvé avantage ! Et si la négociation a été aussi ardue, c'est qu'il y avait bataille entre les praticiens hospitaliers qui assurent des gardes et ceux qui n'en assurent pas. L'accord auquel nous sommes parvenus permettra que, très vite, tous les praticiens hospitaliers de France travaillent moins et gagnent un peu plus : voilà pourquoi ils ont signé !

M. Yves Bur - Tout cela au frais de la princesse !

M. le Ministre délégué - Je termine...

M. le Président - Ce serait bien, Monsieur le ministre ...

M. le Ministre délégué - L'accord est-il réaliste ? Oui ! Applicable ? Il le sera !

J'en viens au paritarisme pour vous dire qu'en dépit de ma profonde admiration et de mon affection pour le MEDEF, je pense qu'il serait judicieux de profiter de son départ pour modifier les instances paritaires pour y associer les associations de malades et les professionnels de santé.

Qu'il faille mieux coordonner les agences, j'en conviens. Pour ce qui est de la prévention, chacun s'attache à l'améliorer, et nous continuons d'y travailler d'arrache-pied, bien que des progrès notables aient déjà été accomplis, vous voudrez bien en convenir.

Au cours des « Grenelle de la santé », treize propositions ont été formulées. Quatre figurent dans la loi « santé » et quatre autres dans le présent projet ; cinq demeurent, qui devront être traitées.

Je suis désolé d'avoir répondu aussi rapidement mais que voulez-vous, avec votre Président, c'est ainsi ! (Sourires)

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Comme M. Mattei, le groupe RPR déplore que vous n'ayez pas su profiter de la croissance pour réformer ce qui devait l'être. Partout des lumières rouges s'allument : la courbe du chômage se redresse, vos évaluations sont plus qu'hasardeuses et votre estimation de l'ONDAM est irréaliste.

Comme M. Mattei, le groupe RPR considère que le jeu de mistigri auquel vous avez recours pour transférer les fonds de ci de là n'est pas de bonne pratique. Quant à nous dire, comme vous venez de le faire, que « demain tout ira très bien », c'est se bercer de mots ! De plus, le progrès annoncé, s'il existe, ne sera pas équitable, puisque les augmentations prévues sont de 4,8 % pour l'hôpital, de 3,8 % pour les cliniques et de 3 % pour la médecine de ville.

Comme M. Mattei, le groupe RPR désapprouve votre politique du médicament, fondée sur des diktats qui auront pour conséquence inéluctable de faire fuir les laboratoires pharmaceutiques à l'étranger, vous le savez.

D'évidence, si nos objectifs théoriques sont les mêmes, tout nous sépare quant aux moyens d'y parvenir. Pour nous, en effet, le vrai paritarisme est fondé sur l'écoute ; il ne peut en aucun cas se traduire par l'application autoritaire de méthodes que vous seuls trouvez bonnes. C'est pourquoi le groupe RPR est parfaitement d'accord avec M. Mattei pour demander le renvoi du PLFSS en commission.

M. François Goulard - Je constate que Madame la ministre aura atteint son objectif, qui est de réduire au minimum sa présence dans l'hémicycle lorsque les représentants de l'opposition prennent la parole. Elle donne ainsi une nouvelle preuve de son manque de courtoisie et de sens du débat démocratique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Sur le fond, l'argumentation très dense de M. Mattei n'appelle aucun ajout. Il a dressé une liste impressionnante des lacunes du projet que vous nous présentez, et les réponses virevoltantes de M. Kouchner ne sont pas de nature à nous rassurer.

On pourrait même sourire de l'aplomb avec lequel M. Kouchner nous a garanti qu'en travaillant moins, les personnels soignants s'occuperaient davantage de leurs malades... Mais, malgré cette description flatteuse, nous voyons bien que l'ensemble des professionnels mène une fronde contre ce Gouvernement et sa politique.

Jean-François Mattei a esquissé le projet de l'opposition dans le domaine de la protection sociale. Il faudra mettre en _uvre les réformes qu'il a annoncées pour sauver notre protection sociale, que votre immobilisme condamnerait et c'est bien cela qui nous oppose (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Yves Bur - Cette motion n'est manifestement pas de pure forme. M. Mattei a montré le caractère hasardeux et irréaliste de vos hypothèses de recettes et de vos prévisions de dépenses. Quant aux recettes du Fonds de réserve, elles demeurent virtuelles. C'est pourquoi il faut aujourd'hui nous remettre au travail, afin de donner à ce projet un contenu plus conforme à la réalité de la protection sociale.

Vous n'apportez aucune réponse sérieuse à un grand nombre de problèmes de fond comme les retraites ou l'assurance maladie.

Mais ce renvoi en commission se justifie aussi par des motifs de forme. Jamais nous n'avions travaillé dans d'aussi mauvaises conditions pour un débat d'une telle importance puisque nous n'avons reçu l'ensemble des documents qu'il y a une semaine. De plus, nous avons vu arriver jusqu'au dernier moment, y compris ce soir, des amendements, pour certains très importants, qui auraient mérité une analyse approfondie. Tel est notamment le cas de celui qui porte sur les nouvelles obligations conventionnelles que vous allez imposer aux professionnels de santé. Comment pouvez-vous envisager de construire avec une telle légèreté et sans concertation aucune, un système de soins performant et fiable ?

Pour toutes ces raisons nous voterons un renvoi en commission éminemment nécessaire.

Mme Odette Grzegrzulka - Vous n'y croyez pas vous-même !

M. le Président - Je crois, moi aussi, que déposer des amendements en dernière minute n'est pas une bonne méthode de travail. C'est pourquoi j'avais suggéré, dans le cadre d'une réforme du Règlement, que cela ne soit plus possible dans les 48 heures précédant la discussion. Je me suis alors heurté à l'hostilité des groupes de l'opposition. Je le regrette, car c'était une excellente idée.

M. Alfred Recours - Le moindre intérêt de la procédure désuète des motions n'est sans doute pas de substituer à une éventuelle maîtrise comptable du temps de parole par le Président une maîtrise démocratique qui permet, au bout du compte, à l'opposition de disposer de plus de temps de parole que la majorité... (Sourires). Mais cela fait partie des droits de l'opposition et nul ne se plaint de vivre dans notre beau pays démocratique.

Je note, enfin, que si cette motion de renvoi avait été votée avant 19 heures, l'opposition aurait eu satisfaction puisque la commission s'est alors immédiatement réunie...

M. Maxime Gremetz - Puisque l'on parle du travail parlementaire, je veux dire que je cherche de nombreux amendements qui ont disparu je ne sais où.

Bien sûr, si l'on veut travailler sérieusement, il faut avoir les documents à temps : il n'est pas possible de devoir se prononcer immédiatement sur des amendements de 4 pages du Gouvernement, nous devons au moins pouvoir les lire et essayer de les comprendre.

Pour autant, nous refusons de voter le renvoi en commission car nous voulons débattre de ces grands sujets de société que sont la santé et la protection sociale, pour lesquels des décisions doivent être prises au plus vite, en particulier en faveur de l'hôpital public où le personnel ne sera bientôt plus en mesure d'assurer la sécurité des malades. Oui, il faut débattre, afin de répondre rapidement à ses préoccupations légitimes, afin de dégager les moyens humains, matériels et financiers nécessaires.

Force est toutefois de constater que la disparition, au nom de l'article 40, d'amendements augmentant les allocations familiales ou les pensions de retraite porte véritablement atteinte aux droits du Parlement.

Quant à notre amendement sur l'élection des administrateurs de la sécurité sociale, il est aussi passé à la trappe, au motif cette fois qu'il s'agissait d'un cavalier législatif. Mais quand débattra-t-on alors de ce sujet, conformément à l'engagement pris par le Gouvernement lors de l'examen de la loi de modernisation sociale ?

Certains de nos amendements visent aussi à apporter de nouvelles recettes. Tel est le cas de celui sur la contribution sociale sur les bénéfices, qui n'a rapporté que 3,8 milliards en 2000, au lieu des 6 milliards prévus. Voilà qui permettrait de donner plus de moyens à l'hôpital...

M. Germain Gengenwin - Voter donc la motion de renvoi !

M. Maxime Gremetz - Non, car nous voulons débattre de toutes ces propositions, comme de celle qui vise à donner une retraite bien gagnée, sans attendre 60 ans, à ceux qui ont trimé dur pendant quarante ans.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, ce matin, jeudi 25 octobre, à 9 heures.

La séance est levée à 1 heure.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR

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du JEUDI 25 OCTOBRE 2001

À NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 (n° 3307).

      MM. Alfred RECOURS, Claude EVIN, Denis JACQUAT et Mme Marie-Françoise CLERGEAU, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

    (Tomes I à V du rapport n° 3345)

      M. Jérôme CAHUZAC, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

    (Avis n° 3319)

À QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


© Assemblée nationale