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Session ordinaire de 2001-2002 - 16ème jour de séance, 37ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 29 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- 2

      ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 2

      QUESTIONS 15

      ÉDUCATION NATIONALE :

      II - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 17

      ÉTAT B - TITRE III 17

      ÉTAT B - TITRE IV 17

      ÉTAT C - TITRE V ET VI 17

La séance est ouverte à dix heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie-

L'ordre du jour appelle la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002.

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ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, concernant l'enseignement supérieur.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des finances - Le projet de budget de l'enseignement supérieur s'élève à 8 736 millions d'euros, contre 8 545 millions en 2001. Cette progression de 2,3 % traduit une politique volontariste du Gouvernement, qui distingue quatre priorités.

La première est l'achèvement du plan social étudiant, dont on peut d'ores et déjà dire qu'il aura atteint ses objectifs. Le montant des bourses a été revalorisé. La proportion des boursiers atteint 30 % ; 2 000 allocations d'études et 200 bourses de mérite supplémentaires vont être créées ; 12 000 bourses seront attribuées à des étudiants de DESS et 4 000 bourses de mobilité sont instituées.

La deuxième priorité est l'amélioration des moyens des universités, et ce projet de budget marque un effort sans précédent dans ce domaine. S'agissant du personnel, 1 000 postes d'enseignants sont créés : enseignants-chercheurs pour la plupart, mais aussi professeurs agrégés, attachés temporaires d'enseignement et de recherche et assistants des disciplines médicales. D'importantes mesures de revalorisation des carrières s'y ajoutent. 1 000 emplois de personnels non enseignant sont aussi créés, dont 150 pour les bibliothèques et 42 dans les CROUS. Ils permettront de mettre l'accent sur la qualité de la vie étudiante. En ce qui concerne la résorption de l'emploi précaire, la loi du 3 janvier 2001 prévoit la création de 1 500 emplois financés sur les ressources propres des établissements. Ces emplois gagés permettront-ils effectivement de réduire la précarité ? Quant aux emplois IATOS créés, je regrette qu'ils ne concernent pas plus de postes de catégorie A, ce qui aurait permis de limiter le sous-encadrement administratif des universités.

Conformément à des recommandations que j'avais formulées dans le cadre de la MEC l'an dernier, d'importantes mesures d'amélioration de la situation du personnel non enseignant sont prévues, avec une attention toute particulière pour les secrétaires généraux des établissements d'enseignement supérieur.

Au total, la dotation des universités progresse de 7,8 %, soit quatre fois plus que le budget global de l'Etat.

La troisième priorité pour l'enseignement supérieur est son ouverture sur l'Europe. La réunion ministérielle du 19 mai à Prague a renforcé la mise en cohérence des cursus, avec l'organisation générale des études en 3-5-8. Le projet de budget prévoit 3,05 millions d'euros supplémentaires au titre du programme Erasmus et 4 000 bourses de mobilité, qui permettront à 12 000 étudiants, boursiers sur critères sociaux, d'effectuer une partie de leur cursus à l'étranger. A cet égard, il est regrettable que ces bourses ne soient pas gérées par les établissements plutôt que par le rectorat. Le principe de spécialité des établissements publics ne s'y oppose pas puisque les relations internationales et l'aide sociale font bien évidemment partie de leurs missions. Tout amendement que je déposerais en ce sens serait frappé d'irrecevabilité financière. Je vous demande donc, Monsieur le ministre, de nous faire vous-même une telle proposition qui permettrait de renforcer la responsabilité des établissements dans la conduite de leur politique internationale ainsi que leur autonomie.

L'accueil des étudiants étrangers, quant à lui, progresse. A cet égard, il faut se rendre compte que l'agence EduFrance, qui remplit une mission essentielle pour articuler l'ensemble du système, génère des coûts importants. Elle doit donc bénéficier d'un financement public durable. En outre, le développement de la vente de produits aux étudiants étrangers conduirait à la banalisation de l'agence sur le marché.

Enfin, le projet de budget s'attache à accélérer l'exécution des contrats de plan Etat-régions.

S'agissant des opérations immobilières en maîtrise d'ouvrage assurée par l'Etat, les autorisations de programme progressent de 38,8 %. Les crédits de paiement s'établissent à 50, 3 millions d'euros. Quant aux subventions d'équipement, elles atteignent 77,5 millions d'euros.

La mise en _uvre du plan de mise en sécurité des établissements d'enseignement supérieur s'étant accélérée, le Gouvernement proposera d'ouvrir la totalité des autorisations de programme qui y sont consacrées en loi de finances rectificative pour 2001.

Par ailleurs, le volume global des crédits de paiement a été adapté au rythme effectif des paiements, que ce soit pour les contrats de plan ou les grands travaux financés par l'Etat. Les crédits de paiement qui avaient été surestimés pour 2001 seront reportés, pour un montant de 127,17 millions d'euros au titre V et de 122,11 millions d'euros au chapitre 66-73.

Pour sa part, la subvention d'équipement allouée à la recherche universitaire progresse de 5,92 % en autorisations de programme et de 5,8 % en crédits de paiement, ce qui permettra une revalorisation du soutien de base des laboratoires.

Des opérations spécifiques sont assurées exclusivement par l'Etat : il s'agit du chantier de désamiantage du campus de Jussieu, de la rénovation du Muséum national d'histoire naturelle, ainsi que de la préparation de l'ouverture du musée du Quai Branly.

Enfin, les crédits de maintenance sont en progression de 12 % en autorisations de programme et de 12,3 % en crédits de paiement. Ces données ne concernent que les crédits de l'Etat, à l'exclusion de ceux de collectivités locales.

Pour conclure, je tiens à souligner que mon rapport prend largement en compte les propositions formulées par la conférence des présidents d'universités, qui s'inscrivent elles-mêmes dans le prolongement des travaux de la MEC. Cette conférence a mené un travail considérable.

De même, je tiens à vous remercier, Monsieur le ministre, pour la qualité d'écoute dont vous avez fait preuve, en ce qui concerne notamment le renforcement des équipes dirigeantes, même si une telle mesure ne peut être envisagée que dans le cadre d'un renforcement de la vie démocratique au sein des établissements ou la dévolution du patrimoine aux établissements qui le souhaitent. Sur ce dernier point, des expérimentations vont être tentées en 2002.

En définitive, les choix qui ont été faits favorisent la modernisation et l'ouverture de notre système d'enseignement supérieur. C'est pourquoi je vous invite à voter les crédits de l'enseignement supérieur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Jacques Denis, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Les quatre derniers exercices ont ramené l'enseignement supérieur au c_ur des priorités du Gouvernement, mais il n'aura pas fallu moins de cinq budgets pour revenir à un taux d'encadrement comparable à celui des années 1988-1993.

Les effectifs d'étudiants sont en légère augmentation dans le deuxième cycle et décroissent dans le premier. Cela aurait pu être prétexte à un gel des crédits. C'était sans compter la volonté réformatrice du Gouvernement.

Je traiterai, pour commencer, des infrastructures, et donc le plan U3M. On constate qu'une place particulière est réservée à la vie étudiante, mais aussi que des pôles de compétence et des réseaux d'équipements sont renforcés ou créés. Des plates-formes technologiques sont installées dans les villes moyennes, qui assureront les transferts de technologies et la collaboration avec les acteurs économiques locaux. A cet égard, les décrets d'application de la loi du 17 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche se font vraiment longuement attendre...

S'agissant du fonctionnement des universités, le Gouvernement vise à leur accorder plus de responsabilités et davantage d'autonomie, dans le respect du cadre national des diplômes. Il en va ainsi de la gestion des personnels, notamment enseignants, mais cela n'est pas le seul aspect intéressant de cette politique. On sait que depuis 1997, le contrat d'établissement inclut les formations doctorales, les relations avec les organismes de recherche et la gestion du patrimoine. Le renforcement de la contractualisation entre l'Etat et les régions a enfin permis de formaliser les liens entre les établissements d'enseignement supérieur et les collectivités territoriales.

Le plan de recrutement pluriannuel d'enseignants que vous avez présenté en novembre 2000, Monsieur le ministre, répondait à un besoin démographique certain. Le préalable idéologique du « zéro recrutement » dans la fonction publique ayant été écarté depuis 1997, il est devenu possible d'améliorer le taux d'encadrement, qui se dégradait depuis vingt ans - ce qui explique pour partie le mauvais taux de réussite observé en DEUG au cours des dernières années. Ce plan prévoit le recrutement de 2 600 enseignants, l'effort s'amplifiant au cours des années 2002 et 2003, avec 1 000 recrutements prévus pour l'exercice 2002.

Il n'est pas concevable de revenir sur la double nature du travail des enseignants du supérieur, qui sont à la fois professeurs et chercheurs. Mais la prise en compte de leur qualité d'administrateur permettra un meilleur fonctionnement de l'institution et contribuera à valoriser ceux qui s'y dévouent. Il est donc indispensable d'instituer des décharges partielles. C'est ce vers quoi l'on s'achemine, ce dont je me félicite.

Le plan social étudiant, lancé en juillet 1998, visait à doter les étudiants d'une plus grande indépendance matérielle et à améliorer leurs conditions de vie et, de ce fait, l'égalité des chances. Plusieurs objectifs ont été fixés, dont la création de bourses de mérite auxquelles s'ajoutent cette année les bourses de mobilité. Au total, plus de 500 000 étudiants sont aidés, l'effort consenti par la nation est donc considérable, et justifié ; on constate d'ailleurs que l'emploi des jeunes diplômés ne fléchit pas.

Je m'en voudrais, cependant, de tomber dans l'angélisme béat car, aussi bons soient les résultats obtenus, tout est perfectible. Je ne conclurai donc pas sans appeler l'attention sur un dossier en suspens : celui des personnels non enseignants, qui ont probablement été les premières victimes des politiques de restriction. Une réflexion de fond doit être menée sur l'évolution de leurs métiers. On se félicitera que le consensus se soit fait pour reconnaître que le modèle « SANREMO » ne prend pas suffisamment en compte l'appui des personnels IATOSS aux missions des universités. De là découle la décision de passer à un IATOS pour 300 étudiants dans l'enseignement du secteur tertiaire non professionnel. Par ailleurs, une fonction « mise à la documentation » sera créée, sur la base de un IATOS pour 1 000 étudiants. D'autre part, il a été décidé de simplifier le calcul des besoins en personnels IATOS liés à la recherche. Tout cela va dans le bon sens. Mais il reste à prendre la pleine mesure de la pyramide des âges et de l'application de l'aménagement de la réduction du temps de travail dans les universités.

Le ministère envisage de préparer le remplacement des nombreux fonctionnaires partant à la retraite pour développer une véritable politique de gestion prévisionnelle des ressources humaines en réduisant le nombre de corps, et en tenant compte du besoin grandissant de qualifications liées aux nouvelles technologies de communication, au pilotage des services et aux ressources humaines.

Des requalifications seront nécessaires, dans la filière administrative et dans la filière ouvrière et, d'une manière générale, le rôle des personnels non enseignants devra aussi être revalorisé. Il faut, aussi, réduire puis supprimer la précarité de ces emplois, et le plus tôt sera le mieux.

A cet égard et afin de lever toute hypothèque sur le dialogue entre ces personnels et les pouvoirs publics, il convient de redire que leur place est sans conteste au sein de la fonction publique d'Etat.

Le rapport Mauroy, qui a suscité quelques interrogations, a ouvert des pistes. Mais il nous semble important d'affirmer que la création d'une « quatrième fonction publique » ne paraît pas opportune, en ce qu'elle imposerait un statut hybride et incertain.

Je rappelle enfin qu'un accord-cadre sur la réduction du temps de travail des personnels non enseignants a été signé le 16 octobre entre le ministère et quatorze organisations syndicales, ce qui montre que la grande maison de l'Education nationale sait redonner les moyens de se réformer. C'est une chance historique qu'elle saisit.

La liste des mesures nouvelles est longue. Souhaitons que ces orientations et ces engagements ne soient pas contrariés, à l'avenir, par de nouveaux reculs liés à une politique dont les priorités ne seraient pas les mêmes que celles qui s'expriment ici depuis quatre ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Guyard.

M. Jacques Guyard - Comme nos rapporteurs l'ont démontré, ce projet de budget est excellent, au point qu'il ne suscite l'intérêt que des passionnés. Pour la quatrième année consécutive, il améliore fortement l'encadrement des étudiants et leurs conditions de travail mais aussi les moyens de fonctionnement des universités, ce qui était indispensable. Ainsi progresse-t-on vers la démocratisation de l'enseignement supérieur. L'effort est remarquable, puisqu'en cinq années ce budget aura été accru de 20 % alors même que le nombre des étudiants se stabilisait. C'est l'efficacité de notre Université que l'on renforce ainsi, et en particulier le taux de succès dans le premier cycle.

Certes l'effort est encore inachevé, et le sera toujours. Toutefois, 30 % des étudiants sont maintenant boursiers, et, en cinq ans, le montant des bourses a augmenté de 15 %, et la création des quatre universités nouvelles de la région Ile-de-France, voulue par le Premier ministre et par M. Allègre, a permis d'accueillir 40 000 étudiants qu'à coup sûr les établissements parisiens, saturés, n'auraient pu recevoir. Ces universités nouvelles témoignent de ce que professionnalisation de l'enseignement et recherche de haut niveau sont complémentaires.

Ces nouvelles universités se développent et participent à la démocratisation de l'enseignement supérieur, il faut continuer de les aider alors même que les modalités de financement aboutissent à privilégier les établissements dont les effectifs diminuent ou stagnent. Les moyens dégagés pour 2002 le permettent.

Un plan pluriannuel de recrutement est tout aussi nécessaire dans le supérieur que dans le premier et le second degrés. Les jeunes chercheurs ont en effet particulièrement besoin de visibilité à moyen terme pour orienter leur carrière.

Nos universités doivent s'ouvrir davantage sur l'Europe et sur ce point, je partage l'avis du rapporteur spécial : la gestion des besoins doit être décentralisée au niveau des établissements eux-mêmes.

Je terminerai en évoquant la validation des acquis professionnels. Alors même que la loi sur le sujet a été promulgué le 20 juillet 1992, au terme d'une réflexion ayant démarré il y a plus de vingt ans, la validation des acquis reste très insuffisante. C'est pourtant une révolution culturelle indispensable aussi bien dans l'entreprise, où elle demeure méconnue, que dans l'Education nationale où elle reste l'affaire d'établissements et de personnels particulièrement motivés, hélas encore très minoritaires. Quatre universités assurent la moitié des validations, c'est tout dire ! par ailleurs, l'essentiel des validations concerne l'enseignement supérieur. Moins de 13% concernent les niveaux IV et V, où elle serait pourtant du plus grand intérêt. 20% des validations précèdent une entrée en DESS, 40% une entrée en maîtrise, mastère ou BTS. Le développement de la validation exige que l'on fixe en un lieu central donné les critères et les procédures de validation et que l'on propose des méthodes d'accompagnement pour les candidats. Le Conservatoire national des arts et métiers, dans l'esprit même où il fut créé par l'abbé Grégoire, paraît tout indiqué pour jouer ce rôle en association bien sûr avec les partenaires sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Nicole Catala - Dix minutes pour évoquer la situation de l'Université française et analyser un budget de plus de 57 milliards de francs ! Voilà qui est presque dérisoire. Si je me laissais aller, j'inclinerais volontiers à m'interroger sur le fonctionnement de notre démocratie et le rôle du Parlement... mais je ne vais pas gaspiller ainsi les dix précieuses minutes qui me sont dévolues.

Le budget de l'enseignement supérieur pour 2002 est en légère augmentation, en croissance moindre néanmoins que celui de l'ensemble de l'Education nationale : 3,2% contre 3,84%. J'en déduis donc que ce n'est pas pour vous une priorité. Certes, le nombre de bacheliers entrant dans le supérieur décroît. Pour autant, le nombre d'étudiants, lui, ne diminue pas . Est-ce parce qu'ils prolongent leurs études ? Est-ce parce que le taux d'échec est de plus en plus élevé en premier cycle ? Je n'en sais rien. Toujours est-il qu'après avoir demandé à l'Université d'accueillir toujours plus d'étudiants jusqu'à en faire une université de masse, on lui demande toujours plus : accueillir les étudiants de manière individualisée et organiser un soutien en petits groupes, professionnaliser certains cursus, développer la formation permanente, renforcer la recherche, déployer des activités internationales... L'Université française est capable de faire face à toutes ces missions... si on lui en donne les moyens. Or, ceux-ci, comparés à ceux des grandes écoles auxquelles on demande pourtant beaucoup moins, demeurent modestes, pour ne pas dire insuffisants. Une comparaison l'atteste : alors que la dépense par étudiant et par an atteint 9 000 dollars en moyenne dans les grands pays européens, elle n'est que de 7 000 dollars en France. Or, si l'on ne garantit pas la qualité de l'enseignement supérieur, sa démocratisation n'est qu'un leurre.

Vous annoncez la création de mille emplois à la rentrée 2002. Soit, mais dans ce nombre sont inclus 400 postes d'ATER et d'assistants en médecine et 100 postes d'agrégés. Il ne reste dont que 600 postes d'enseignants-chercheurs, lesquels devraient se répartir pour moitié entre professeurs et maîtres de conférence, ceux-ci ne pouvant jouer le rôle irremplaçable de ceux-là en matière de recherche. Or, ne seront pourtant créés que 239 postes de professeurs contre 357 de maîtres de conférence. En réalité, vous avez fait le choix du moindre coût, pas celui du meilleur niveau.

Mille emplois de personnels non-enseignants vont également être créés. Même si ce n'est pas négligeable, ces moyens ne sont pas à la hauteur, notamment pour permettre aux universités de professionnaliser certains cursus. Vous semblez n'avoir pas entendu l'appel que vous ont conjointement lancé en avril dernier la conférence des présidents d'université et la conférence des directeurs d'écoles et de formations d'ingénieurs. Ces deux instances vous demandaient que les critères de définition des dotations de l'Etat prennent en compte le coût réel des formations, notamment professionnalisées ; que les dotations réelles se rapprochent le plus possible des dotations théoriques ; que la réflexion sur les moyens financiers et les emplois soit systématiquement conduite sur une base pluriannuelle et prenne plus largement en compte, de façon prospective, les besoins des établissements en personnels. Or, aucune de ces sages recommandations n'a été suivie. Cela est particulièrement regrettable pour ce qui est des recrutements. C'est bien parce que l'on navigue ainsi à vue que seulement 85% des postes de maîtres de conférence créés l'an passé ont été pourvus.

Il faudrait renforcer sérieusement les moyens accordés aux universités pour leurs activités internationales et leur attribuer pour cela des dotations budgétaires spécifiques. Il en va du rayonnement international de notre pays qui va, hélas, déclinant, comme en témoigne le nombre de plus en plus faible d'étudiants étrangers dans nos établissements d'enseignement supérieur. Il faut remonter la pente. Nous avions placé quelque espoir en EduFrance qui malheureusement est un échec. Il appartient donc aux universités elles-mêmes de faire connaître leurs cursus à l'étranger et d'attirer les étudiants. Il faut les y aider. Or, ce budget ne comporte rien par exemple pour améliorer l'accueil de ces étudiants étrangers.

Les crédits de fonctionnement progressent mais une grande partie sera absorbée par le paiement d'heures supplémentaires ou complémentaires, lesquelles ne font que pallier l'insuffisance des moyens en personnel.

Quant aux locaux des universités, ils vont faire l'objet d'importants travaux de mise en sécurité - c'était indispensable -, de rénovation et de restructuration, avec notamment la mise en _uvre du plan U3M. Mais est-on sûr que l'accueil des étudiants pourra être assuré pendant les travaux ?

La question se pose en particulier pour les universités parisiennes : où seront accueillis les étudiants du centre Assas pendant les travaux prévus ? Où iront ceux de Paris VI et de Paris VII, tandis qu'on désamiantera Jussieu ? On a annoncé que 18 000 mètres carrés allaient être dégagés pour Paris VI dans les locaux de l'ancien hôpital Boucicaut, mais ce ne sera certainement pas suffisant. Quant à la ZAC Tolbiac, elle n'offrira que 90 000 mètres carrés à Paris VII alors qu'il en faudrait 140 000 ; allez-vous consentir un effort supplémentaire pour que ces universités continuent à fonctionner ?

A Paris comme en province, la qualité de notre enseignement supérieur est menacée par l'abandon de l'organisation des études par années et par semestres et autour de disciplines dominantes, au profit d'une organisation fondée sur l'accumulation de « crédits » ou d' « unités capitalisables ». La formule actuelle, tout en laissant une place aux options, garantit la cohérence de la formation et l'homogénéité des niveaux. Celle de modules assortis de crédits capitalisables mettrait au contraire en cause la valeur nationale des diplômes. Vous semblez avoir pris conscience des dangers de cette réforme, cependant, puisque vous en avez différé le lancement...

Enfin, l'achèvement du plan national étudiants, prévu pour 2002, s'accompagne de certaines déceptions. Certes, le nombre de bourses augmente légèrement, mais ce budget ne comporte aucun crédit pour le câblage des résidences universitaires ni pour l'équipement informatique des étudiants. Le logement de ceux-ci ne semble guère avoir retenu votre attention non plus. Pourtant, vous aviez un moyen simple de développer la construction de logements sociaux en leur faveur : il vous suffisait de demander qu'ils soient pris en compte dans les 20 % de logements sociaux exigés par la SRU !

M. Claude Goasguen - Très bien !

Mme Nicole Catala - A ma connaissance, vous ne l'avez pas fait.

Sans être désastreux, ce budget nous déçoit donc : il ne répond ni aux besoins des étudiants, ni aux attentes des professeurs, ni à l'ambition de faire rayonner nos universités à l'étranger. Nous ne pourrons donc le voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean Dufour - L'élaboration, la diffusion des connaissances et leur appréciation par le plus grand nombre : autant d'éléments décisifs pour favoriser l'apparition d'une société plus juste, plus égalitaire et plus cohérente. Aussi tout retard pris dans le développement des formations supérieures concourt-il à un affaiblissement du corps social.

Votre budget, Monsieur le ministre, progresse incontestablement, ce qui permettra de conforter les dotations de nos universités, d'autant que l'abandon du mode de calcul issu des normes SANREMO rendra sans doute aux lettres et aux sciences sociales et humaines leur statut de disciplines à part entière. Cette progression ouvre également des espoirs pour la création de postes et pour la résorption de la précarité. Toutefois, à ce propos, il s'imposerait d'affirmer nettement que les 1 500 emplois nouveaux financés sur les ressources propres des établissements seront bien des emplois relevant de la fonction publique.

Par ailleurs, cette progression favorisera la réalisation du plan social étudiant, à travers la création de l'allocation pour les DESS et les crédits pour la mobilité à l'étranger.

Cependant, et quel que soit l'intérêt de l'apport des régions, des départements et des villes, il ne faudrait pas que l'Etat se défausse de ses responsabilités en se désintéressant du patrimoine universitaire comme il l'a fait des lycées.

Au total donc, ce budget ouvre un peu plus de possibilités que les précédents et prend mieux en compte la diversité des universités. Il n'empêche que deux interrogations demeurent. La première naît de la stagnation du nombre des étudiants et de la disparition de certaines disciplines : comment former les enseignants et cadres dont nous avons besoin ? La difficulté est d'autant plus grande que les crédits pour l'enseignement supérieur en provenance d'autres ministères ne progressent que de 1 %, quand ils ne régressent pas de 10 % comme ceux du ministère de la santé et de l'action sociale.

Ma seconde question a trait à la place accordée à l'accueil des étudiants étrangers : si l'on peut se féliciter de la création de l'espace universitaire européen, votre politique en faveur du développement et du renforcement des relations Nord-Sud devrait être plus affirmée. Gardons-nous de ne considérer comme rentable que ce qui l'est au regard d'une conception libérale de l'économie ! A l'évidence, l'Université a toute sa place dans la recherche d'un développement mondial plus juste et plus solidaire.

Pour relever le défi de la démocratisation du service public, pour répondre aux exigences de solidarité, il conviendrait que l'objectif qui consiste à consacrer 0,6 % de notre PIB à l'enseignement supérieur ne soit pas un horizon indépassable. Il faut donc résister aux pressions exercées pour faire de l'éducation une marchandise : nous devons ouvrir le débat avec tous les intéressés, afin que le prochain budget soit, plus encore que celui-ci, un budget de justice et de développement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Foucher - Votre budget croît de 2,23 %, Monsieur le ministre, mais vous ne mettez pas à profit cette légère progression pour redéployer vos moyens. L'enseignement supérieur restera ainsi le parent pauvre de votre département, faute d'imagination dans l'utilisation des crédits.

Ce budget se caractérise à la fois par un effet d'annonce, lié à l'augmentation des dépenses de fonctionnement, et par l'absence de réformes pourtant nécessaires.

L'an passé, vous aviez justifié la faiblesse de vos crédits par la stagnation du nombre des étudiants. Or, alors que cette stagnation se confirme cette année et que le nombre d'étudiants continue même de baisser dans les premiers cycles, vous n'esquissez pas le moindre redéploiement. Au contraire même, les crédits de fonctionnement, qui absorbent plus de 90 % du budget, augmentent nettement, au profit surtout des dépenses de personnel. Certes, il convenait d'aider les établissements sous-dotés, mais je crains qu'il n'y ait là que la preuve d'une incapacité majeure de l'Education nationale à se réorganiser autrement qu'en créant des emplois - ce qui ne saurait être une solution à long terme. Pour 2002, si vous créez 1 000 emplois d'enseignants et 1 000 postes IATOS, vous n'en créez que 26 d'infirmières et 10 d'assistantes sociales.

Si des mesures catégorielles sont prises pour les assistants et les assistants de bibliothèque par exemple, rien n'est fait pour améliorer l'évaluation des enseignants-chercheurs. Pourtant, vous avez vous-même noté devant notre commission que l'absence de cette dernière créait une situation préoccupante. De même, on peut regretter qu'aucune expertise des établissements ne soit sérieusement mise en place. En effet, l'Université est et doit rester l'instrument d'un rééquilibrage des chances. Ne pas évaluer correctement les établissements ne peut que nuire aux étudiants, décourager les plus dynamiques et favoriser la léthargie des autres.

L'augmentation des crédits d'équipement ne fait qu'accompagner la poursuite du plan U3M et la réalisation des contrats de plan. N'apportant rien de neuf, ces crédits permettent simplement de lancer diverses opérations, comme l'installation de Paris VII sur la ZAC rive gauche, la restructuration du centre Assas à Paris ou la restauration du campus du Mirail, à Toulouse, toutes strictement indispensables. A ce propos, comment ne pas s'inquiéter de l'avancement de la réhabilitation du campus de Jussieu ? Quant à l'effort de 410 millions d'euros fait en faveur de la mise en sécurité des bâtiments universitaires, nous attendons qu'il soit complété dans la loi de finances rectificative par le règlement du solde des autorisations de programme déjà prévues, pour plus de 263 millions d'euros.

Le plan social étudiant n'est pas lui non plus une nouveauté puisqu'il a été mis en _uvre il y a trois ans... pour trois ans. N'oublions toutefois pas que, dans le mot étudiant, il y a « étudier » : or plus de 70 000 étudiants issus de milieux dits « défavorisés » sont obligés de travailler pour payer leurs études et un tiers des étudiants exercent une activité rémunérée à temps complet. Lorsque vous proposez d'augmenter le montant des bourses de 15 %, que vous créez 12 000 bourses sur critères sociaux pour les étudiants en DESS et 12 000 autres pour promouvoir la mobilité internationale, je m'en réjouis, mais il faut aussi penser à tous ceux qui n'ont pas encore atteint le niveau du DESS. N'oublions pas que, selon un rapport rédigé par le directeur du CROUS de Créteil, environ 100 000 étudiants vivraient en dessous du seuil de pauvreté. Il faut donc revoir l'ensemble du système des aides, afin qu'il serve réellement l'autonomie des étudiants.

Il est grand temps de mener des réformes qualitatives. Trois raisons expliquent la persistance des problèmes : l'échec manifeste au DEUG, l'inégalité des chances et la faible ouverture des études sur l'extérieur.

Les groupes de travail, comités et autres rapports ne suffisent pas à juguler le retard pris. Ainsi la réforme des cursus et des diplômes universitaires est-elle repoussée sous le prétexte de poursuivre la concertation - c'est ce que vous avez dit en juillet devant la conférence des présidents d'université. De même l'étude du contenu des enseignements est-elle renvoyée à des groupes de travail, notamment pour la réorganisation de certaines filières comme l'économie. Les résultats sont pourtant minces, par exemple pour la filière médicale qui devrait être mise en place pour la rentrée 2002 mais ne semble avoir fait l'objet d'aucun choix. Je vous interrogerai d'ailleurs à ce propos.

La filière scientifique doit être revalorisée, car elle attire moins depuis plusieurs années. Cette désaffection touche malheureusement des domaines comme les sciences de la vie et la matière, qui ont le vent en poupe dans le monde entier et ont donc besoin de chercheurs. Cette diminution en France est donc préoccupante. Je sais que vous avez présenté la rénovation des DEUG scientifiques comme une priorité nationale et engagé une expérimentation dans six universités, dont Lille I. Si nous approuvons celle-ci, je crains que la cause profonde de cette désaffection ne soit à rechercher dans l'enseignement des sciences à l'école. La réforme doit donc se faire en amont. De même, vous avez engagé la réforme de la formation des enseignants, mais en écartant ceux du supérieur. Or, il importe de redéfinir ces métiers pour les rendre plus attractifs.

Notre Université est d'ailleurs insuffisamment ouverte sur l'extérieur, et notamment sur l'international. Seuls 3 à 4 % de nos étudiants effectuent un cursus à l'étranger, tandis que les étudiants étrangers ne représentent plus que 10 % des étudiants chez nous. La bourse de mobilité de 2 500 F mensuels que vous créez cette année est une première étape, mais la brièveté de sa durée en relativise la portée. Tout aussi insuffisante apparaît la création d'un mastère sanctionnant cinq années d'études, lequel n'est pas un diplôme mais un simple grade.

Enfin, la démocratisation de l'enseignement supérieur reste limitée, en dépit de la publicité faite à certaines opérations comme les conventions ZEP signées par Sciences Po avec divers établissements situés dans des zones en difficulté. L'étude de l'origine sociale des étudiants montre que peu de choses ont changé et que plus le niveau d'études s'élève, moins les milieux défavorisés sont représentés. S'ils représentent 14,5 % des étudiants en premier cycle, ils ne sont plus que 7 % en troisième cycle. Cette inégalité des chances se retrouve dans les résultats très contrastés obtenus par les universités. Cela peut s'expliquer par le choix des études supérieures, souvent dépendant de l'origine sociale des étudiants, par le choix de filières courtes pour ceux qui sont issus de milieux défavorisés et doivent entrer plus tôt dans la vie active et par l'accompagnement de la réussite scolaire dans certains milieux. La lutte contre les inégalités passe donc par la lutte contre l'échec. Beaucoup trop de jeunes quittent l'Université sans aucun diplôme, en ayant perdu trois années de leur vie.

Les inégalités se retrouvent entre les étudiants des universités et ceux des grandes écoles privées qui, en raison du coût élevé des études, ne sont pas accessibles à tous. Ce coût est élevé parce que ces grandes écoles, réunies au sein de la FESIC, et dont les performances, les diplômes et la bonne gestion sont reconnus, ne perçoivent qu'une aide modeste des pouvoirs publics, bien inférieure à celle consentie à l'enseignement public alors que ces écoles ont doublé leurs effectifs et jouissent d'une réputation nationale et internationale. Pour s'ouvrir aux étudiants issus de milieux modestes, les grandes écoles privées attendent une aide financière de l'Etat, qui serait d'autant plus logique qu'elles participent largement au système de diversité, de modernisation et de répartition territoriale des formations supérieures. Je serai heureux que vous puissiez nous éclairer.

En tout état de cause, vos propositions ne reflètent malheureusement pas l'ampleur des problèmes que connaît l'enseignement supérieur. Lors de votre intervention devant le CNESER en avril 2001, vous vous réjouissiez que les étudiants et les établissements en soient devenus des acteurs à part entière. On ne peut que le souhaiter. Encore faut-il que le décor - l'Université - dans lequel ils jouent soit solide et que le scénario - les cursus - soit celui d'un long métrage.

Le groupe UDF ne votera pas ce budget.

M. Claude Goasguen - C'est un budget important que nous allons discuter rapidement, et je le regrette. Je souhaite en effet que l'Université occupe toute sa place dans le débat politique ; si tel n'est pas le cas aujourd'hui, ce devrait l'être à l'occasion des élections prochaines. Je souhaite en tout cas pour ma part que devant l'opinion on renonce à l'habituelle prudence qu'appelle la réaction des universitaires pour donner au débat sur l'Université la dimension fondamentalement politique qui est la sienne, puisqu'il y va de l'avenir de la nation.

Votre budget va jusqu'au bout d'une logique ancienne, défendue tant par la droite que par la gauche. Mais celle-ci n'est-elle pas dépassée désormais ?

Il s'agit en effet d'un budget consumériste. Je vous félicite certes d'avoir obtenu autant de crédits, mais je regrette que vous n'ayez pas procédé à des redéploiements, à l'instar du ministre de l'intérieur, dont j'avais souhaité à l'inverse qu'il ait pu disposer d'autant de crédits que vous. Cela dit, si votre habileté a fait que votre budget est richement doté, celui-ci comme les précédents est d'une qualité décevante. Un constat politique s'impose ! L'ascenseur social que devrait être l'enseignement supérieur est en panne. C'est là une réalité de notre siècle commençant, qui le distingue radicalement du précédent. Nous sommes aujourd'hui amenés à faire le douloureux constat qu'il n'y a plus d'ascension sociale par le diplôme : un enfant d'agriculteur sur 50 et un enfant d'artisan sur 10 accédera à l'enseignement supérieur, un tiers des étudiants issus des professions intermédiaires accèdent aux formations longues, tandis que 30 % des étudiants fils d'ouvriers restent cantonnés aux IUT, et 40 % aux STS. Le système devient de plus en plus sélectif socialement.

Si le rapport Attali montre qu'en un siècle le nombre d'étudiants formés dans les écoles d'ingénieurs est passé de 5 000 à 77 000, celui des étudiants formés dans les universités à crû, lui, de manière exponentielle. Les grandes écoles deviennent donc de plus en plus sélectives, par rapport à l'Université.

Face à une telle situation, il faut impérativement rompre avec le conservatisme. La conception conservatrice, consumériste et centralisée qui caractérise l'Université, atteint désormais ses limites. La loi votée, il y a vingt ans opprime l'initiative universitaire. Or l'Université et l'enseignement supérieur fourmillent d'initiatives locales. Nous avons le sentiment que l'Université piaffe. Il n'y a pas d'adéquation entre la base et le sommet. Il y a là un problème de structures qu'il faut poser en ayant à l'esprit la nécessité de faire fonctionner l'ascenseur social. Vous l'avez si bien senti que vous vous êtes inspiré de ce raisonnement, pour Sciences Po, en prenant une décision qui a été très controversée. Je m'y étais opposé avec mesure. Elle était en effet singulière sur le plan du droit, mais je vous avais concédé qu'elle ouvrait une brèche dans la politique centralisée qui découle de la loi Savary et pouvait favoriser une approche de modernité. Je termine par deux questions. J'aimerais que vous nous en disiez davantage sur les technologies de l'information et de la communication, qui préfigurent l'université du XXIe siècle. Les moyens annoncés - 80 millions - sans être ridicules, sont-ils suffisants ? Comment concevez-vous l'évolution de ces technologies à l'Université dans un contexte de concurrence internationale ?

Je voudrais aussi poser la question de l'évaluation en matière universitaire, à partir de ce chiffre terrible et capital du faible taux de réussite au DEUG. J'ai lu avec attention la note publiée à ce sujet par votre ministère en 1999. Elle ne me satisfait pas. Nous devrions avoir un débat politique sur l'évaluation. C'est de celle-ci et de sa sincérité que dépendra la réforme de l'Université. L'évaluation dans les universités est aujourd'hui primaire. Elle mérite d'être nuancée comme elle l'a été dans le secondaire (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Camille Darsières - Si je tiens à intervenir sur le budget de l'enseignement supérieur, c'est parce que le premier conseil général élu à la Martinique après l'abolition de l'esclavage a eu le souci passionné de former l'homme. Après les écoles primaires laïques, un lycée de garçons et un pensionnat pour jeunes filles, il ouvrit ainsi en 1882 une école préparatoire de droit, amorce de l'université des Antilles et de la Guyane, dont nous souhaitons améliorer le fonctionnement.

Elle est en effet frappée de deux handicapés majeurs : l'éloignement de son centre d'intérêt et l'éclatement sur trois territoires.

L'éloignement du centre d'intérêt économique entraîne une majoration de vie chère qui vient abonder le traitement des enseignants, cependant que les frais d'approche Europe-Antilles majorent de 43 % le prix de revient du matériel scientifique et de 35 % le coût de la construction. Un tel surcroît de dépenses n'alourdit le budget d'aucune autre académie.

L'éclatement induit la nécessité de déplacer les enseignants sur les trois sites, sur la base d'un coût de 1 300 F entre Pointe-à-Pitre et Fort-de-France, et de 3 500 F entre Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France et Cayenne, dépense que ne supporte aucune académie de métropole.

A cela s'ajoute un déficit de personnel d'encadrement : le ratio étudiants par enseignant s'établit à 28,6, pour une moyenne nationale de 20,4, ce qui induit des heures supplémentaires, pour un total de 5,952 millions de francs cette année, soit 25 % du budget.

Même sous-estimation pour les personnels IATOSS, avec un ratio de 54, contre une moyenne nationale de 35,3 et un supplément de prévision de 10,5 millions, la majoration accordée ne répond pas à toutes ces contraintes incompressibles.

Depuis 1977, la dotation globale de fonctionnement de notre université est reconduite avec la même frilosité à prendre en considération ses spécificités. Soyez le ministre qui, saisissant d'instinct que les choses ne peuvent être appréhendées de la même manière de part et d'autre de l'Atlantique, cherchera à jauger sur pièces, pour redresser tout ce qui doit l'être. L'an dernier déjà, je sollicitais que vous acceptiez pour cela de rencontrer la présidente guadeloupéenne de l'université. Je réitère cette demande, sa nomination en qualité de recteur à Caen attestant du sérieux de ses revendications.

Depuis une quinzaine d'années, a été institué, aux Antilles-Guyane, un embryon de faculté de médecine : le 3ème cycle des études médicales. C'était justice et gratitude, notamment pour l'apport des Martiniquais à la médecine universelle. Je pense à Hippolyte Morestin, créateur de la chirurgie esthétique, dont la haute technicité en chirurgie réparatrice des blessés du visage de la guerre 14-18, lui a valu le surnom de « père des gueules cassées » ; à Judes Turiaf, titulaire de la première chaire de pathologie respiratoire, qui mourut président de l'académie de médecine ; à Raymond Garcin, professeur de clinique neurologique, célèbre pour la qualité de ses analyses sémiologiques, et dont on m'assure que, dans les années 70, il aurait été appelé en consultation au Kremlin ; à Raymond Roy-Camille, initiateur de techniques nouvelles pour la chirurgie du rachis...

Toute cette lignée de chercheurs et de pédagogues émérites risque de n'avoir pas de successeurs, si des mesures urgentes ne sont pas prises pour garantir aux jeunes Martiniquais l'égalité des chances dans les études de médecine. L'alerte a été donnée par la raréfaction d'inscriptions à l'Ordre des médecins originaires des Antilles et de Guyane à Fort-de-France, à Basse-Terre et à Cayenne. Il convenait de retrouver un pourcentage de praticiens issus de nos départements, aptes à répondre aux aspirations et aux spécificités de la population qui apprécie qu'ils cernent le mieux possible leurs habitudes de vie et leur culture et qu'ils communiquent, sans risque d'erreur, avec des patients créolophones. Le ministère a partagé ces préoccupations, puisqu'il dépêcha le professeur Rey aux fins de créer en Guadeloupe, à la rentrée 1998, une première année de premier cycle, avec, comme partout ailleurs, numerus clausus et concours propres. Le premier cycle passé, les étudiants poursuivent à Bordeaux, et peuvent réintégrer leur département pour le 3ème cycle.

L'expérience a réussi, mais elle doit être améliorée, comme les six parlementaires de la Martinique vous l'ont exposé, dans un courrier commun. Le premier cycle a été créé en Guadeloupe à titre expérimental. Son succès et la nécessité de promouvoir l'égalité des chances entre étudiants de nos territoires - les conditions de travail et le coût des études ne sont évidemment pas les mêmes pour les jeunes Guadeloupéens que pour leurs homologues de Martinique et de Guyane - appellent l'ouverture d'un premier cycle à la Martinique. Cela ne pose problème ni pour les locaux ni pour la formation, surtout à l'ère de la vidéo-conférence, comme vous l'a exposé une « note sur le dédoublement à la Martinique de la première année de médecine », rédigée par le professeur Aimé Charles-Nicolas, Martiniquais dont la réputation dépasse les frontières antillaises, et par le doyen, le professeur Georges Jean-Baptiste.

Quant au numerus clausus, il ne s'agit pas que chacun des deux sites ait le même, ce serait créer aux Antilles le concours le plus facile de France. Ce serait absurde et contraire au but poursuivi, puisque afflueraient de toutes parts des postulants courant sus à la facilité. La création d'une première année à la Martinique doit être, en revanche, l'occasion de corriger le numerus clausus, comme ce fut fait, à la rentrée, dans une majorité de facultés métropolitaines, ne serait-ce que pour tenir compte de la démographie médicale, nettement inférieure chez nous.

Je ne veux pas tendre la main, ce n'est pas mon habitude. Je veux que la jeunesse de mon petit pays monte toujours plus haut, et, comme eût dit un de ses maîtres à penser, qu'elle connaisse « un soleil plus brillant et de plus pures étoiles ».

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - Je regrette, comme Mme Catala, que ce débat soit à ce point limité dans le temps. Mais je n'ai ni rédigé ni voté cette Constitution, dont nous sommes un certain nombre à souhaiter qu'elle soit profondément transformée. J'espère que nous aurons un jour l'occasion de redonner au Parlement toute la place qu'il n'aurait jamais dû perdre depuis 1958.

Je ne reviens pas sur les chiffres qu'ont excellemment présentés vos deux rapporteurs, en particulier Alain Claeys, qui suit attentivement nos universités et qui contribue beaucoup à nos réflexions et à notre action. Je veux simplement vous dire dans quel esprit est conduite la politique en faveur de notre enseignement supérieur.

Certains ici semblent regarder l'Université française à travers des lunettes périmées. Je les invite à visiter plus souvent nos établissements pour découvrir combien ils se transforment, combien ils bougent, combien ils vont de l'avant. Certes, il y a, ici ou là, notamment en région parisienne, des survivances de ces universités qui avaient du être construites à la hâte dans les années 1970 et 1980 et qui n'offrent pas toujours les meilleures conditions d'accueil et de pédagogie.

Sans vouloir polémiquer, je dois rappeler que pendant trop longtemps la ville de Paris, à la différence de toutes les autres grandes métropoles, est restée à l'écart du développement de l'Université et a refusé sa contribution matérielle aux bibliothèques, aux restaurants et aux locaux universitaires. Dieu merci, depuis quelques mois de nouvelles relations se sont instaurées entre les universités parisiennes et la ville. Je dois d'ailleurs à l'honnêteté de rappeler que je m'étais réjoui d'avoir pu conclure avec l'ancien maire, M. Tiberi (sourires), une convention pour l'aménagement de l'université de Tolbiac.

Tous ceux qui observent l'Université française n'ont pu que constater son renouveau. « Lentement mais sûrement, écrit Libération, l'Université accomplit sa révolution copernicienne ». Elle tire l'ensemble de notre système vers le haut, elle voit loin, elle rebondit sans négliger pour autant notre tradition fondée sur le statut national des personnels, sur le caractère national des diplômes. Tout cela est préservé en même temps que l'Université ouvre largement ses portes et ses fenêtres à l'imagination et à la créativité.

Cela se mesure en particulier dans le renouveau des DEUG, dans lesquels le taux de réussite augmente depuis 15 ans. Aujourd'hui, dans un système non sélectif - on entre à l'Université avec le bac, c'est tout à son honneur ! -, la moitié des étudiants obtiennent leur DEUG en 2 ans et les trois quarts en 3 ans. On retrouve ainsi, grâce aux efforts budgétaires consentis, en particulier cette année, le taux de réussite de 1980, avant l'explosion démographique, et notre pays est à nouveau dans le peloton de tête européen.

Ce renouveau, qui s'inscrit dans le fil de la réforme engagée par Lionel Jospin en 1992, passe par la pluridisciplinarité, qui rompt heureusement avec l'excessive spécialisation antérieure. Cette pluridisciplinarité est maintenant effective pour l'enseignement économique et elle va s'imposer aussi dans la réforme si longtemps attendue de la première année de médecine, afin d'aller vers une culture commune à l'ensemble des professions de santé. Cela signifie que les étudiants qui ne réussiront pas le concours et qui se réorienteront pourront ainsi capitaliser leur acquis de première année.

Dans cet esprit, se développent des licences bi et pluridisciplinaires, pour que la culture générale retrouve sa place à l'Université. Nous avons aussi décidé de créer de véritables équipes pédagogiques en première année : nomination d'un directeur des études, de professeurs de liaison entre lycée et Université, renforcement du tutorat, permanences d'accueil plus larges, petits groupes animés par des professeurs de rang magistral... Dans cet esprit, le DEUG scientifique se transforme. La crise de l'enseignement scientifique, qui est un phénomène international, est enrayée par le recours à des méthodes pédagogiques nouvelles. Quant aux filières littéraires, qui ont été abusivement négligées, elle reçoivent un soutien budgétaire important. Ainsi, on habille Pierre sans déshabiller Paul.

En ce qui concerne le développement des nouvelles technologies, dix campus numériques existent déjà et quelques autres sont en projet. La ville du multimédia à Grenoble et le fonctionnement de Canal U sont d'autres exemples de cette volonté. Dans le même esprit, les bibliothèques font peau neuve. Quittant l'état de misère indigne de la France qu'elles connaissaient il y a quinze ans, elles ont transformé leur organisation, leurs horaires, l'accueil des étudiants... même s'il reste de nombreux progrès à accomplir à Paris.

Mme Nicole Catala - Les communes n'ont pas de compétences en matière d'enseignement supérieur !

M. le Ministre - C'est la raison pour laquelle nous construisons une nouvelle bibliothèque à Tolbiac.

Nos universités ont aussi choisi la voie de la professionnalisation. Outre la rénovation de la formation des enseignants, on peut parler du doublement des licences professionnelles créées par Claude Allègre, des IUT, des écoles d'ingénieurs, ou encore des école de commerce et de gestion qui sont en plein essor. J'attends à ce sujet le rapport que j'ai confié à Blandine Kriegel sur la professionnalisation dans les sciences humaines et littéraires.

Ce renouveau pédagogique, s'accompagne d'un renouveau social. Le plan social établi par Claude Allègre est achevé. La France est le seul pays d'Europe à compter 30 % de boursiers et accorder à tous les étudiants une allocation de logement. Cette année, 12 000 bourses de DESS sur critères sociaux et autant de mobilité européenne sont créées. Je présenterai à ce propos un amendement pour répondre à M. Claeys. Il est vrai que les grandes écoles demeurent des écoles de caste et qu'elles doivent s'ouvrir davantage sur l'extérieur. J'attends à ce sujet les propositions que doit formuler Mme Figuière-Lamouranne, vice-présidente de l'université d'Orsay.

Au renouveau pédagogique et social s'ajoute l'ouverture internationale. Il n'y a pas de pause dans cette petite révolution culturelle. Nous sommes en pleine concertation et aboutirons à un document cadre en décembre ou janvier. L'enjeu est une transformation profonde de notre système, substituant à une conception tubulaire une conception modulaire de l'enseignement, dans le cadre, bien sûr, des diplômes nationaux. Il n'est pas question, Madame Catala, de faire de l'Université un libre-service où chacun picorerait à son gré, mais d'introduire une souplesse souhaitée par beaucoup dans notre système. Cette petite révolution encouragera la pluridisciplinarité, les initiatives étudiantes, la formation continue universitaire... Voici encore un grand changement en cours. L'université de Nantes, que je viens de visiter, en est un exemple : elle compte 33 000 étudiants en formation initiale et 11 000 en formation continue. Il faut généraliser ce mouvement.

L'harmonisation européenne avance. Plusieurs textes relatifs aux diplômes reconnus au niveau européen seront publiés en décembre et en février. D'autre part il est indispensable de dispenser l'enseignement d'une langue vivante à tous les étudiants, tout au long de leur cursus. Tout diplômé à Bac + 5 devra, à terme, être titulaire du certificat de compétence linguistique niveau 2. Une mesure semblable est en cours de préparation pour l'informatique.

Il faut aussi mieux accueillir les étudiants étrangers. Pendant trop longtemps, les universités - et j'en suis un représentant - ont vécu repliées sur elles-mêmes. Mais les mentalités changent et un rapport confié à Elie Cohen a ouvert une série de pistes. Des progrès ont déjà été accomplis pour accueillir ces étudiants : centralisation des formalités, organisation du tutorat, renforcement des liens entre universités... La suppression des visas de certains pays y concourt, de même que la création d'universités franco-allemande, franco-italienne ou franco-hollandaise et de diplômes européens. C'est une des grandes chances de notre Université que de pouvoir rayonner au plan international.

Il ne faut pas oublier, si les universités ont d'abord une mission pédagogique, leur vocation intellectuelle et scientifique. Leurs laboratoires, leurs groupes de recherche, souvent en liaison étroite avec le monde économique, ont réalisé tant d'exploits que je ne citerai que la recherche sur le génome, qui a associé plusieurs universités, ou le domaine de la micro-électronique.

De gigantesques transformations ont donc été entreprises par les universités. L'Etat doit les accompagner, les soutenir, les faciliter. Il le fait notamment grâce à des instruments nouveaux. Ainsi, l'enseignement supérieur est le seul service public national à bénéficier d'une double programmation pluriannuelle, des investissements et des emplois. Certes, ces programmations sont parfois insuffisantes et devront être revues, mais elles ont le mérite d'exister. Elles fournissent à notre enseignement supérieur deux points d'appui solides et la conférence des présidents d'université a du reste pleinement approuvé le projet de budget. Celui-ci, outre les crédits pour l'emploi et l'investissement, a le mérite de renforcer considérablement les crédits de recherche et de fonctionnement, alors que les crédits destinés à la sécurité seront inscrits dès décembre dans la loi de finances rectificative pour un montant de 2,8 milliards. L'Etat, pour aider l'Université, a aussi fait évoluer le métier d'enseignant-chercheur. On nous disait sur ce point butés et conservateurs. Mais l'excellent rapport de M. Esperet, président de l'université de Poitiers, est en ce moment soumis à la concertation ministérielle. Il contient des propositions pour comptabiliser différemment le temps consacré à la recherche et à l'enseignement. Ce dernier ne peut plus être considéré comme les quelques heures passées devant les étudiants : il faut prendre en considération les nouvelles tâches des enseignants : nouvelles technologies, formation continue, animation de petits groupes d'étudiants en première année par les professeurs de rang magistral, suivi des stages en entreprise...

C'est l'amorce d'une révolution culturelle que la globalisation des primes contenue dans le projet qui vous est soumis, et je remercie le ministre des finances d'en avoir adopté le principe. Aussi pourrons-nous, progressivement, appliquer les conclusions du rapport Esperet, et donner plus de souplesse à l'exercice du métier de chercheur.

Mais je partage l'opinion de M. Goasguen : la libération des initiatives doit s'accompagner d'évaluations incontestables. Ni les chercheurs, ni les professeurs ne sont des machines : ce sont des inventeurs, qui doivent donc avoir la liberté d'inventer. Mais étant donné l'importance du financement public de la recherche - et je rappelle que la France occupe la première place, en Europe, pour le financement public d'Etat de la recherche - et il est normal de procéder à des évaluations strictes. C'est pourquoi j'ai souhaité révisé la composition et le mode de fonctionnement du Comité national d'évaluation. C'est pourquoi, à terme, aucun contrat ne sera conclu avant qu'une évaluation n'ait lieu.

Que l'on ne se méprenne pas : il ne s'agit pas de menaces de pénalités financières. Ce que nous recherchons, c'est une plus grande transparence et une meilleure information, et nous les obtiendrons par le jugement d'une autorité indépendante, qui mettra en lumière les réussites mais aussi les échecs. De tout cela, les universités devront, bien sûr, tirer les leçons.

De même, comme je l'ai dit devant la conférence des présidents d'université, je souhaite que mes collègues universitaires acceptent l'évaluation de leur enseignement.

En somme, nous devons tous être exigeants et vigilants, et savoir réclamer davantage de moyens s'ils sont nécessaires. Mais, déjà, nous pouvons être fiers de l'Université et de l'enseignement supérieur public français (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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QUESTIONS

M. Patrick Braouezec - Ma question porte sur le développement du pôle scientifique et technologique de la Plaine-Saint-Denis. La communauté d'agglomérations a promis un terrain destiné à accueillir la MSH - Maison des sciences de l'homme -, à condition que cette implantation soit couplée à celle d'une plate-forme d'art, de science et de technologie au c_ur de la Plaine-Saint-Denis. L'intérêt d'une telle création est pédagogique mais aussi industriel et social. Le retard pris dans les travaux me conduit à vous demander, Monsieur le ministre, de confirmer que cette plate-forme sera bien construite.

M. le Ministre - Soyez rassuré : l'opération est bien inscrite, pour 15 millions de francs, dans le contrat de plan, et elle ira à son terme, après que le dossier aura été bouclé. Bien entendu, mes services sont à votre disposition pour vous rencontrer.

M. Maxime Gremetz - Après que j'ai eu appelé votre attention sur le nécessaire transfert de l'université d'Amiens à la Citadelle, vous m'avez indiqué, par un courrier du 4 décembre 2000, que vous étudiez la question « avec beaucoup d'attention ». Depuis plus rien ! Qu'en est-il ?

Vous aurez d'autre part constaté la présence, dans les tribunes, d'une délégation du collège César Franck, où la situation est explosive. Cette délégation demande à être reçue par vous, de manière que soit réglé ce qui doit l'être. Si elle ne l'était pas, on s'acheminerait vers une grève illimitée.

M. le Ministre - La puissance publique ne s'est jamais désintéressée du sort de l'université d'Amiens, comme le montrent les importants crédits qui lui sont consacrés. Son transfert vers le campus de la Citadelle demande l'accord de tous les intéressés, au premier rang desquels l'université elle-même, qui se prononcera avant la fin de l'année. C'est dire que le traitement de ce dossier ne souffre d'aucune mauvaise volonté mais est soumis à une indispensable concertation.

M. Jean-Pierre Foucher - Ma question porte sur l'établissement de la réforme des études médicales. Un groupe de travail a été constitué, chargé de réviser le contenu du deuxième cycle, en vue, notamment, d'aboutir à une harmonisation communautaire, et aussi de définir les moyens d'un accès plus large à l'internat. Il s'agit principalement d'établir un tronc commun d'enseignement pour les étudiants en médecine, en pharmacie et en odontologie, sanctionné par un « DEUG santé » et conçu de telle sorte que la première année ne soit pas une année consacrée à l'élimination des candidats en nombre excédentaire mais bien une année de formation. Ces réformes devaient être menées à leur terme en 2002 pour la première, en 2004 pour la seconde. Or, rien ne semble avancer. Quand les décisions seront-elles prises ? Quel système sera choisi ? Quand la réforme s'appliquera-t-elle ? Le ministre délégué à la santé aura-t-il son mot à dire ?

M. le Ministre - Cela va de soi !

M. Jean-Pierre Foucher - Il est bien de le dire !

M. le Ministre - C'est une réforme de longue haleine que celle des études de médecine, et toutes les parties concernées y seront associées. Le processus est déjà engagé. Ainsi, le deuxième cycle sera profondément modifié, selon un calendrier publié en juin 2001, et qui s'appliquera à l'internat de 2005, ce qui s'explique par la durée de ces études.

Le troisième cycle aussi sera profondément transformé de par la place faite à la médecine générale, désormais spécialité à part entière. L'arrêté entérinant ces modifications doit paraître dans les jours qui viennent.

Pour ce qui est de la réforme du premier cycle, chantier ambitieux et sujet ô combien sensible, la concertation a débuté en juillet 2000. Les mentalités ont beaucoup évolué et le bon sens a fini par l'emporter. Chacun convient désormais qu'il faut donner à tous les professionnels de santé - médecins, sages-femmes, infirmières, dentistes, pharmaciens.... - une culture pluridisciplinaire commune et qu'il n'était plus acceptable que tant d'étudiants, après avoir accompli une première année d'études hyperspécialisée, se retrouvent éliminés sans aucune reconnaissance de leur formation ni aucune voie où se retourner. La concertation se poursuit sur les programmes à la fois communs et propres à chaque filière. Je suis confiant dans son aboutissement prochain. Quoi qu'il en soit, dès la rentrée 2002, les élèves sages-femmes accompliront une première année de PCEM 1.

M. Gilbert Gantier - Je souhaite vous interroger, Monsieur le ministre, sur l'efficacité même de notre enseignement supérieur dont certains rapports de l'OCDE m'amènent à douter.

La France est à la traîne des grands pays industrialisés en matière de dépenses d'enseignement supérieur puisqu'elle n'y consacre que 1,13 % de son PIB contre 1,33 % en moyenne dans les pays de l'OCDE. De même, la dépense moyenne par étudiant n'y est que 52 750 F contre en moyenne 66 160 F. Loin de combler ce retard, le budget pour 2002 progresse moins que l'an passé, n'augmentant que de 1 % une fois tenu compte de l'inflation.

Sur le plan de la qualité de l'enseignement aussi, il semble que nous ne puissions pas rivaliser avec nos partenaires. 45 % seulement des étudiants entrant en faculté obtiennent leur DEUG en deux ans et d'une manière générale, la durée des études est particulièrement longue dans notre pays, ce qui n'est pas le signe de la meilleure efficacité.

Alors que les échanges universitaires internationaux se multiplient et que les étudiants français sont de plus en plus nombreux à l'étranger, notre pays, lui, attire de moins en moins les étudiants étrangers. Encore de 14 % à la fin des années soixante-dix, leur taux dans nos universités est tombé largement en dessous de 10 %. Pour enrayer ce déclin, il faudrait concevoir des programmes adaptés.

Enfin, dernière remarque : l'Université française ne remplit pas ou ne remplit plus sa mission de recherche fondamentale. Alors que dans de nombreux pays, l'Université est le vecteur de la recherche, ce n'est plus le cas dans notre pays.

M. le Ministre - Les statistiques dont vous faites état datent d'il y a trois ans. Depuis lors, beaucoup de changements sont intervenus qui n'ont bien sûr pu être pris en compte. La direction de la programmation et du développement du ministère de l'éducation a établi que grâce à la progression des postes et des moyens, le taux d'encadrement dans l'enseignement supérieur a retrouvé son niveau de 1980 - époque où les étudiants étaient beaucoup moins nombreux, il faut le rappeler -, ce qui placerait la France dans le peloton de tête des pays européens. De prochaines comparaisons internationales devraient confirmer cette évolution.

S'agissant de la recherche, la situation française est tout à fait originale. Alors que dans certains pays la recherche est concentrée à l'université, pour des raisons historiques, nous avons en France, aux côtés des universités, de nombreuses institutions de recherche dans des domaines multiples. Celles-ci entretiennent d'ailleurs d'étroites relations avec celles-là. Aussi pour évaluer notre recherche, faut-il prendre en compte à la fois les crédits de l'enseignement supérieur au ministère de l'éducation nationale et ceux du ministère de la recherche. Ceci fait, vous vous apercevriez que notre situation est enviable par rapport à bien d'autres pays. Elle va s'améliorant. Poursuivons l'effort.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

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ÉDUCATION NATIONALE

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II - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne Education nationale - II - Enseignement supérieur.

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ÉTAT B - TITRE III

M. le Ministre - Afin que le dispositif des bourses de mobilité européenne soit pleinement utilisé et en toute connaissance de cause, il paraît souhaitable d'en confier la gestion aux universités, comme M. Claeys en a formulé le souhait. D'où l'amendement 49 tendant à transférer un crédit de 4 600 000 euros du chapitre 43-1 vers le chapitre 36-11. Pour créer cette Europe des étudiants et des professeurs, qui donnera une âme à l'Europe et permettra que l'on ait véritablement conscience d'appartenir à une entité européenne, il faut « européaniser » nos universités. Ces bourses de mobilité, comme la création de diplômes européens ou communs à des universités européennes, la création de filières en langue étrangère y contribueront. Donnons-nous toutes les chances. Tel est le sens de l'amendement 49 du Gouvernement

L'amendement 49, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité.

Les crédits de l'état B, titre III, ainsi modifiés, mis aux voix, sont adoptés.

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ÉTAT B - TITRE IV

M. le Ministre - L'amendement 48 est de coordination avec le précédent.

L'amendement 48, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

Les crédits de l'état B, titre IV, ainsi modifiés, mis aux voix sont adoptés.

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ÉTAT C - TITRE V ET VI

Les crédits de l'état C, titre V, et de l'état C, titre VI, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Nous en avons terminé avec l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale concernant l'enseignement supérieur.

M. Gremetz m'a demandé la parole pour un rappel au Règlement.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58. Je suis très triste de m'être déplacé ce matin d'Amiens, Monsieur le ministre, pour vous poser deux questions auxquelles je n'ai obtenu aucune réponse. Je vous les pose donc de nouveau.

Quelle est l'opinion du Gouvernement sur le transfert d'une partie de l'université d'Amiens à la Citadelle ? Vous ne m'avez pas répondu pas plus que vous ne l'aviez fait au courrier que je vous ai adressé il y a onze mois.

Allez-vous enfin recevoir la délégation ici présente d'enseignants et de parents d'élèves du collège César Franck en grève illimitée ?

Si l'on conçoit ainsi la procédure des questions, comment le Parlement pourra-t-il jouer son rôle ?

M. le Président - Vous sortez aussi bien du cadre du Règlement que de celui de la discussion budgétaire...

M. le Ministre - En effet, mais je veux obéir aux règles de la courtoisie... que vous ne respectez pas toujours, Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz - Le faites-vous quand vous ne me répondez pas ?

M. le Ministre - Je vous réponds comme je pense pouvoir et devoir le faire, quitte à ne pas vous donner satisfaction sur toute la ligne !

Je vous ai ainsi dit que s'agissant du transfert de l'université d'Amiens, nous étions favorables,...

M. Maxime Gremetz - Ah !

M. le Ministre - ...mais nous ne décidons pas seuls. Apprenez que, dans ce pays, il existe des règles : les universités sont autonomes, notamment, et l'Etat ne peut imposer ses vues par oukase. Notre démocratie demande concertation, délibération et dialogue. Et ces échanges sont en cours.

Quant aux personnels et aux parents du collège César-Franck, que je salue, ils seront, comme c'est normal dans une démocratie, reçus cet après-midi par la direction de l'enseignement scolaire.

M. Maxime Gremetz - Voilà ce que je voulais entendre !

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 15.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            Jacques BOUFFIER


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