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Session ordinaire de 2001-2002 - 18ème jour de séance, 42ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 31 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

Sommaire

      SÉCURITÉ QUOTIDIENNE (lecture définitive) 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 8

      QUESTION PRÉALABLE 13

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 26

      RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 32

La séance est ouverte à neuf heures.

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SÉCURITÉ QUOTIDIENNE (lecture définitive)

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre demandant à l'Assemblée nationale de statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de ce projet de loi en lecture définitive.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - J'ai l'honneur de revenir présenter devant vous, en vue de son adoption définitive, le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.

Depuis son examen en deuxième lecture par votre assemblée, les 26 et 27 juin, sont survenus les événements tragiques du 11 septembre. L'ampleur des attentats perpétrés et leur forme inédite ont révélé à nos sociétés que nul n'était à l'abri d'actes terroristes et qu'il n'existait pas de « sanctuaire ». Notre arsenal législatif ne pouvait dès lors demeurer inchangé. Un nouveau chapitre a donc été introduit dans le projet par des amendements du Gouvernement que le Sénat a adoptés le 17 octobre.

Il ne faut retenir de cet enrichissement du texte que la volonté d'agir vite, en choisissant la voie la plus appropriée à cette exigence.

Je ne détaillerai pas le contenu de ce projet, d'autant que la plupart de ses articles ont été votés dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et par le Sénat.

Je me bornerai donc à rappeler que ce texte avait une triple ambition qui n'a pas été entamée par les événements récents.

Il visait d'abord à renforcer le rôle des acteurs de la sécurité quotidienne, en consacrant le rôle des maires dans la coproduction de sécurité, en étendant les prérogatives de police judiciaire des services de police, en donnant un cadre stabilisé à une police scientifique dotée de moyens d'investigation modernes, et en associant davantage les services fiscaux à la lutte contre les trafics et l'économie souterraine. Il s'attachait ensuite à garantir la tranquillité publique, dans tous les lieux de vie collective, ce qui implique d'assurer la tranquillité des parties communes des immeubles, de faciliter l'enlèvement des épaves sur les parkings, de lutter contre les animaux dangereux ou d'améliorer la sécurité dans les transports publics.

Enfin, il s'agissait d'adapter les outils juridiques des services de l'Etat, ou d'autres acteurs privés comme les banques, à la réalité des problèmes de délinquance et d'insécurité. C'est l'objet des articles qui contrôlent plus strictement les ouvertures de locaux destinés au commerce des armes, à rendre plus sûre la détention d'armes, mais aussi des dispositions relatives à la sécurité routière ou aux cartes bancaires.

M'étant déjà longuement exprimé sur le sujet controversé de la déclaration préalable des rave et des free-parties, je me bornerai à indiquer que je persiste à croire qu'un régime de déclaration est préférable à une situation de non-droit, et la règle à l'absence de règle. Les incidents de l'été l'ont d'ailleurs confirmé.

J'ai continué pour ma part, à rechercher des solutions. Des réunions ont eu lieu avec des organisateurs, notamment la semaine dernière, d'autres auront lieu après l'adoption de la loi afin d'examiner avec les ministères concernés différentes questions ayant trait, par exemple, à la santé publique.

Mes services ont préparé et soumis à discussion un avant-projet de charte des bonnes pratiques. Il faudra également aider les organisateurs à trouver les lieux appropriés à ces rassemblements. Mais quel que soit l'intérêt d'une telle charte, elle aura d'autant plus de valeur si elle se fonde sur un dispositif légal. Si vous vous prononcez en faveur de l'amendement adopté par le Sénat et par votre commission des lois, et si la charte emporte l'adhésion des organisateurs de rave et de free-parties, je ne verrais donc que des avantages à ce qu'elle soit annexée au décret en Conseil d'Etat qui doit fixer les modalités d'application de la loi.

M. Thierry Mariani et M. Claude Goasguen - Annexer une charte ?

M. le Ministre - Il vous appartient désormais de déterminer dans quelles conditions ces manifestations doivent ou non s'organiser.

Si l'on excepte les articles relatifs à la municipalisation de la police ou à la modification de l'ordonnance sur l'enfance délinquante réintroduits par le Sénat et que le Gouvernement ne souhaite pas voir retirer,...

M. Michel Herbillon - Il a tort !

M. le Ministre - ...il vous appartient également de trancher sur les quelques points qui n'ont pas fait l'objet d'un accord entre les deux assemblées, notamment la législation sur les parties communes des immeubles. Je ne souhaite rien d'autre, sur cette question qui préoccupe légitimement les élus et plus encore les locataires des ensembles les plus sensibles, qu'un texte de portée pratique, respectueux d'un équilibre entre obligations des bailleurs et des forces de sécurité, assorti de contreparties définies contractuellement.

Les attentats commis aux Etats-Unis le 11 septembre dernier ont rendu manifestes certaines lacunes de nos dispositifs de lutte contre le terrorisme.

Si le travail accompli par nos services de renseignement a empêché certains actes de se commettre sur notre territoire, pouvons-nous garantir à nos concitoyens qu'il en sera encore ainsi demain sans donner davantage de moyens d'investigation à ceux qui sont chargés d'assurer leur sécurité ?

Le Gouvernement a pris ses responsabilités en mettant en place, moins de deux heures après les attentats, le plan Vigipirate renforcé.

C'est parce que nous avons une police nationale que ce plan de surveillance a pu être appliqué sans délai, et de façon uniforme, sur le territoire.

Mais au-delà de cette mobilisation, qui a bénéficié d'un renfort de 4 500 policiers et gendarmes et de plus d'un millier de militaires, qu'est-ce que Vigipirate en l'absence d'outils juridiques adaptés aux moyens qu'utilisent les terroristes ?

J'ai conscience du caractère inhabituel d'un ajout, à ce stade de la procédure législative, même souhaité par le Gouvernement et approuvé par le Président de la République. Mais à circonstances exceptionnelles, procédure inhabituelle. Je remercie le président de la commission des lois, votre rapporteur, ainsi que les présidents des différents groupes d'avoir apporté leur appui à cette démarche.

Il en va de notre responsabilité commune. Face aux menaces terroristes, assurer la sécurité des personnes et des biens - dans le respect de nos valeurs - loin d'être attentatoire à nos libertés, est la condition de leur sauvegarde. Nul ne peut contester qu'il faille renforcer l'efficacité de nos moyens face aux méthodes odieuses des terroristes et qu'il faille le faire maintenant.

Pour autant, il ne me paraît pas souhaitable que ces dispositifs, dictés par l'urgence, se voient conférer un caractère pérenne, ni qu'ils s'appliquent à toutes les catégories d'infractions. Je vous propose donc de leur fixer une limite de champ et une limite de temps.

Concernant le champ, il s'agit de lutter plus efficacement contre les réseaux terroristes et les trafics qui les financent, non de rechercher des infractions qui, pour répréhensibles qu'elles soient, ne constituent ni une menace de même ampleur pour nos institutions, ni ne suscitent une émotion de même nature chez nos concitoyens.

Concernant la durée de ces dispositions, il convient de fixer un délai qui permette de mesurer leur efficacité et leurs inconvénients éventuels, et d'avoir sur ces points un débat plus approfondi.

Deux ans me paraissent correspondre à cet impératif. Je ne suis cependant pas hostile à ce qu'un premier rapport d'évaluation soit soumis au Parlement fin 2002.

Pour renforcer l'efficacité des services d'enquête, sept séries de dispositions sont donc soumises à votre approbation. Elles visent à s'attaquer au financement des réseaux terroristes et aux trafics qui les alimentent, à protéger nos concitoyens contre des menaces directes, dans les lieux publics, dans les transports maritimes ou aériens, et à renforcer nos capacités d'investigation, face à des terroristes qui ont recours aux nouvelles technologies de la communication.

La première de ces dispositions vise à permettre aux services de la police et de la gendarmerie nationales de fouiller les véhicules automobiles, donc de faire ouvrir les coffres, afin de rechercher des infractions portant particulièrement atteinte à la sécurité publique, y compris des infractions à la législation sur les armes, sur les explosifs et sur les trafics de stupéfiants.

Pour autant, fallait-il oublier les garanties nécessaires ? En aucun cas ! Le texte préserve les libertés et tient compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans ses décisions de 1977, de 1995 et de 1997 : les opérations devront donner lieu à des réquisitions écrites et motivées du procureur de la République, précisant leur objet, ainsi que les lieux et la période de temps pendant laquelle elles pourront être effectuées. L'immobilisation du véhicule devra être limitée au temps strictement nécessaire à la visite, qui devra avoir lieu en présence du conducteur, lequel pourra demander un procès-verbal des opérations.

La deuxième disposition, tout aussi nécessaire, étend la possibilité pour la police et la gendarmerie, toujours dans le cadre strict des infractions de terrorisme, de trafic d'armes et de trafic de stupéfiants, et sur décision du juge des libertés et de la détention, de procéder à des perquisitions, y compris de nuit dans les locaux non habités. Actuellement, la procédure pénale ne permet pas de procéder à des perquisitions au cours d'une enquête préliminaire sans le consentement de la personne, contrairement à ce qui est possible en enquête de flagrance ou au cours d'une information. Cette règle actuelle affaiblit considérablement l'efficacité de la répression, car les parquets hésitent souvent à ouvrir une information, procédure particulièrement lourde, uniquement pour permettre une perquisition.

Nous ne faisons rien d'autre que d'étendre le nombre des cas dans lesquels, avec l'autorisation d'un magistrat du siège, des perquisitions peuvent être effectuées par les enquêteurs, car cette procédure est déjà prévue en matière fiscale ou douanière.

La troisième série de dispositions tend à renforcer les dispositifs de contrôle d'accès des lieux recevant du public en permettant à des agents privés, employés par l'exploitant, mais agréés par l'Etat, de fouiller les bagages à main et d'effectuer sur les personnes des palpations de sécurité pour s'assurer qu'elles n'ont pas d'armes. C'est une mesure essentielle, car actuellement les agents de sûreté des ports et des aéroports ont seulement le droit de mettre en _uvre les dispositifs automatiques de contrôle et de procéder à l'inspection visuelle des bagages à main, sans pouvoir procéder à la fouille des bagages ni aux palpations de sécurité. Ces nouveaux droits seront entourés des garanties nécessaires : contrôle par des officiers de police judiciaire, consentement de la personne avant toute palpation de sécurité ou toute fouille des bagages, fouille des personnes réservée aux officiers ou agents de police judiciaire, exercice des palpations de sécurité par un agent du même sexe que la personne qui en fait l'objet. Il est par ailleurs proposé d'autoriser le contrôle des bagages et les palpations de sécurité, notamment à l'entrée des enceintes sportives, à l'occasion des matches à risques, et à l'entrée de certains lieux recevant du public. Il est, bien entendu, hors de question de laisser se développer des pratiques douteuses. Seuls pourront procéder à ces palpations de sécurité les agents spécialement habilités par le préfet, qui, par ailleurs, fixera la durée de ce type de contrôles, ainsi que les lieux où ils pourront s'opérer.

Il s'agit donc de donner une base légale et un cadre précis à des pratiques qui se sont développées avec l'application des différents plans Vigipirate depuis 1990, afin d'éviter les dérives.

Autre préoccupation liée à la période actuelle : de nombreuses décisions administratives exigent une enquête pour s'assurer du comportement de personnes qui se trouvent en prise directe avec des enjeux de sécurité, qu'il s'agisse du recrutement à des emplois publics concourant à la sécurité et à la défense, de l'autorisation d'accès à des sites comme certaines zones d'aéroports, du permis de port d'arme ou de l'habilitation des convoyeurs de fonds ou des agents de sécurité privés.

Actuellement, l'administration ne dispose pas toujours des moyens légaux de s'assurer que telle ou telle personne présente toutes les garanties au regard de la sécurité. Est-on bien sûr, par exemple, que l'agent qui sera chargé de contrôler l'accès à un avion n'aura pas lui-même entretenu des relations avec un réseau terroriste ? La disposition proposée permettra la consultation des systèmes autorisés de traitement des données personnelles détenus par les services de police judiciaire.

Certes l'utilisation à des fins de police administrative de données destinées à un usage de police judiciaire peut heurter les sensibilités, voire donner lieu à des dérives. C'est pourquoi, ces enquêtes administratives, jusqu'alors le plus souvent sans base légale, se dérouleront désormais dans un cadre précis et contrôlé. En premier lieu, le champ d'application est circonscrit et sera précisé par un décret pris après consultation du Conseil d'Etat. En deuxième lieu, la consultation des fichiers ne peut avoir lieu que sur la base d'une décision administrative, elle-même encadrée. En troisième lieu, elle ne pourra être effectuée que par des agents de la police et de la gendarmerie nationales dûment habilités et ne pourra porter que sur des systèmes autorisés par la CNIL. Enfin, la loi dit que cette consultation doit correspondre à la « stricte mesure exigée par la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la nation ».

Vous sont également proposées la conservation des données de communication pendant un an, ainsi que la possibilité de saisir les données informatiques et de saisir les codes de données chiffrées. Ces trois dispositions issues du projet sur la société de l'information, visent à renforcer l'efficacité des services d'enquête agissant sur réquisitions judiciaires dans leur recherche d'infractions utilisant les nouveaux supports informatiques. Pour autant, il ne s'agit pas d'intercepter le contenu des courriers électroniques, ni de mettre à la charge des opérateurs des coûts qu'ils ne pourraient supporter. Le but est simplement d'anticiper les menaces pour sauvegarder nos libertés et nos vies...

Par ailleurs, un nouvel article permet l'audition des témoins ou des personnes mises en cause par le biais des techniques de vidéo-conférence et rend possible, s'il en est besoin, l'interprétariat par téléphone. Le but est d'accélérer le déroulement des enquêtes, en particulier celles où s'exerce une coopération internationale.

A ces dispositions, il est apparu opportun d'ajouter celles initialement rattachées au projet de loi autorisant la ratification de la convention sur le financement du terrorisme. L'internationalisation croissante du terrorisme impose de nouveaux instruments de lutte destinés à atteindre les systèmes économiques et financiers qui lui sont liés. Il est donc nécessaire de compléter le dispositif de lutte antiterroriste en incriminant le financement, le blanchiment et le délit d'initié lorsqu'ils sont commis en relation avec une entreprise terroriste et en adaptant les peines à la gravité des actes commis ou projetés.

Robert Badinter a exprimé ce que nous pensions tous en rappelant que « l'Etat de droit n'est pas l'état de faiblesse ».

M. Claude Goasguen - Il vous est bien utile, Badinter.

M. le Ministre - Nos concitoyens attendent de nous que nous soyons forts.

Forts, cela veut dire capables d'agir vite et de dépasser nos clivages traditionnels, car la sécurité est une valeur républicaine qui doit tous nous réunir.

Nos concitoyens approuvent la fouille des coffres de voitures, ils souhaitent que les nouveaux vecteurs de communication ne soient pas dévoyés par les terroristes, ils attendent le renforcement des contrôles d'accès aux avions, comme autant de mesures propres à garantir la sécurité du plus grand nombre.

M. Christian Estrosi - Que de contorsions !

M. le Ministre - Nous n'avons pas le droit de les décevoir, et encore moins de les mettre en danger.

M. Michel Herbillon - Ils sont déjà déçus !

M. le Ministre - Il n'est pas attentatoire aux libertés de lutter contre le terrorisme. C'est de ne pas le faire qui le serait ! La sécurité collective n'est pas l'ennemie de la liberté individuelle. Elle en est une des conditions d'exercice.

M. Jean-Louis Debré - Vous n'avez pas toujours dit cela !

M. le Ministre - Le Gouvernement ne vous demande pas un chèque en blanc, mais un large soutien à un texte équilibré car circonscrit à la lutte contre le terrorisme et aux trafics qui l'alimentent, un texte limité dans le temps et qui conforte l'autorité judiciaire dans son rôle de gardienne de la liberté individuelle, bref, un texte qui offre toutes les garanties contre les dérives que d'aucuns pourraient redouter.

Je tiens à cet égard à souligner la part prise par Mme la Garde des Sceaux à la préparation de ces dispositions sur la lutte contre le terrorisme et à la remercier de son aide précieuse. Le Gouvernement saura faire bon usage des nouveaux outils que vous accepterez de mettre à sa disposition. Votre approbation ne saurait constituer un blanc-seing, mais portera témoignage du fait que, face à la menace terroriste, nous aurons su opposer l'unité nationale.

Par l'adoption de cette loi sur la sécurité quotidienne, nous aurons fait _uvre utile ; pour renforcer les moyens d'action de la police et de la gendarmerie nationales, pour lutter contre la délinquance au quotidien, enfin pour renforcer le dispositif Vigipirate et notre capacité de réponse au terrorisme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des lois - L'insécurité est l'une des premières préoccupations des Français. La multiplication des actes de violence exaspère légitimement ceux qui en sont directement victimes et génère une angoisse collective, qui recèle de nombreux dangers : la ségrégation, le repli sur soi, la peur de la jeunesse, la dislocation sociale.

Pour nous, la sécurité est un droit fondamental du citoyen et l'insécurité constitue aussi une inégalité sociale car elle touche plus durement les pauvres, les démunis, les fragiles. Restaurer la sécurité pour tous et partout, garantir à chacun le droit à la tranquillité dans sa vie quotidienne, tels sont les objectifs que nous poursuivons depuis 1997.

Il existe une divergence de fond entre les approches parfois démagogiques, souvent incohérentes de la droite et celles de la gauche qui renvoient au projet de société que nous défendons tout en apportant des réponses concrètes et efficaces (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Les déclarations fracassantes et les mesures désordonnées ne trompent plus personne. L'idéologie du tout-répressif, la fuite en avant vers une logique d'enfermement, de recherche du bouc émissaire, de développement des services de sécurité privés conduiraient à surprotéger quelques territoires et à en abandonner d'autres (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). La municipalisation de la police nationale voulue par certains participerait de cette politique d'apartheid social (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). On le voit bien, il y a des quartiers qui ne vous intéressent pas et d'autres sur lesquels vous voulez concentrer vos efforts.

Cette gestion à court terme de la sécurité que la droite a toujours proposée aboutirait à un ordre social où les uns seraient toujours protégés et les autres toujours délaissés et où tout jeune portant casquette et survêtement ferait figure de délinquant (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

M. Patrick Ollier - Ces propos sont inadmissibles !

M. Rudy Salles - Scandaleux !

M. le Rapporteur - Depuis 1997, ce gouvernement a engagé une politique nouvelle et ambitieuse... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) contrairement à cette droite qui depuis vingt ans se contente de vociférer sans jamais faire une proposition !

L'approche de ce gouvernement, globale, mobilise toutes les formes de réponse à la délinquance et s'appuie sur une démarche de partenariat avec tous les acteurs de la sécurité. Elle s'inscrit dans la durée.

Aujourd'hui, notre assemblée est invitée à statuer définitivement sur le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, projet ambitieux qui va concerner très concrètement des millions de nos concitoyens.

Prenons par exemple la question des armes à feu. Jamais auparavant notre assemblée n'en avait débattu. Elle ne recoupe d'ailleurs pas complètement le thème de la sécurité et je serais bien incapable de vous donner l'exact degré de corrélation entre le niveau de délinquance et celui de circulation des armes à feu. Je ne suis donc pas sûr que diminuer ce dernier fasse mécaniquement baisser la délinquance, mais le problème est plus vaste et si l'on peut ainsi éviter des tueries comme celles qu'ont connues d'autres pays, nous aurons fait _uvre utile. Peut-être le drame de Tours n'aurait-il pas eu lieu si les mesures de saisie administrative que comporte ce projet avaient déjà été en vigueur. Quoi qu'il en soit, nous allons désormais mieux contrôler la circulation et la détention d'armes à feu sans pour autant brimer les chasseurs, les tireurs sportifs ou les collectionneurs.

Nous protégeons aussi mieux les consommateurs des fraudes à la carte bancaire ; nous renforçons les moyens d'action des maires contre les chiens dangereux en modifiant la loi du 6 janvier 1999.

S'agissant des attroupements dans les halls d'immeubles, nous renvoyons les bailleurs à leurs responsabilités car c'est d'abord à eux qu'il appartient de sécuriser les lieux. Si malgré cela, la libre circulation des locataires est entravée, alors la police est fondée à intervenir pour faire cesser cette situation inadmissible.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué les « raves ». Je ne suis pas convaincu que nous ayons raison de faire ce que nous allons faire. Cela dit, le travail de concertation que le ministre a mené durant tout l'été le place en meilleure position que votre rapporteur pour savoir ce qui est nécessaire. Je ne pense pas que cet article modifie les choses de façon substantielle, mais le Gouvernement le souhaite et l'Assemblée serait bien inspirée de le suivre.

M. Michel Herbillon - Quelle explication embarrassée !

M. le Rapporteur - Pas du tout ! Je souligne cependant que les accidents ont été moins nombreux cet été que les années précédentes.

M. Patrick Ollier - Un seul est de trop !

M. le Rapporteur - Sans doute, mais le tour du Mont-Blanc fait plus de vingt morts par an et on ne l'interdit pas pour autant, ce qui est normal ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Patrick Ollier - Les guides se déclarent avant de partir ! Votre comparaison est stupide !

M. le Rapporteur - L'opposition se plaît à pointer du doigt les pratiques culturelles qui ne sont pas dans la norme, mais nous devrions tous comprendre que le problème est compliqué et qu'il est difficile pour le ministre de l'intérieur de gérer ces rassemblements.

Concernant le terrorisme, je me bornerai à souligner la réactivité du Gouvernement et à dire le soutien de la commission aux amendements qui ont été adoptés au Sénat. Nous devons tout faire pour préserver notre pays, donc appliquer le principe de précaution. Sans doute faudra-t-il une évaluation continue des dispositifs, qui ne nous semblent pas porter atteinte aux libertés individuelles mais dont le mode d'application doit être surveillé.

Ce projet de loi s'insère dans l'architecture des dispositifs mis en place par le Gouvernement depuis 1997 en matière de sécurité intérieure (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'opposition, pour sa part, par exemple en proposant que les fonctionnaires de police nationale soient placés sous l'autorité du maire pour la constatation des délits, contribue à fragiliser cette police nationale, laquelle a besoin, au contraire, que nous lui affirmons collectivement notre soutien. Il s'agit, grâce à ce texte, de mettre en place les moyens opérationnels nécessaires pour gagner la bataille de l'insécurité et nous permettre de vivre en citoyens libres (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Thierry Mariani - Plus de six mois se sont écoulés entre la première et la dernière lecture de ce projet.

La situation est aujourd'hui bien différente. Engagés aux côtés des Etats-Unis dans une guerre de type nouveau, nous devons renforcer la sécurité sur notre propre territoire, cible potentielle des terroristes. Après avoir mis en place le plan Vigipirate renforcé, le Gouvernement a fait adopter au Sénat des amendements destinés à renforcer le dispositif de lutte contre les menaces terroristes.

Nous regrettons que les élus locaux n'aient pas été intégrés aux dispositifs mis en place. Par exemple, vous refusez de confier aux policiers municipaux des responsabilités que vous n'hésitez pas accorder à des agents d'entreprises privées de sécurité. Pourtant, les policiers municipaux ont une formation bien souvent supérieure à celle des adjoints de sécurité et pourraient contribuer à l'application du plan Vigipirate. Sans doute est-ce, de votre part, l'illustration d'une attitude purement idéologique, dictée par votre souci de limiter l'autonomie des maires.

D'autre part, je m'étonne de votre changement de position au sujet de la fouille des véhicules par des officiers et agents de police judiciaire. Sur une mesure similaire inscrite dans la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, vous aviez saisi le Conseil constitutionnel au motif qu'on portait atteinte à l'inviolabilité du domicile, au respect de la vie privée et au principe de stricte proportionnalité des mesures de police à la gravité des troubles à l'ordre public. La France était pourtant, comme aujourd'hui, confrontée à de graves menaces terroristes, qui se sont malheureusement concrétisées avec l'attentat sanglant du RER à la station Saint-Michel. Nous serons plus responsables que la gauche : nous ne saisirons pas le Conseil constitutionnel.

Cela dit, le présent projet avait pour objectif premier de restaurer dans notre pays un climat de sécurité mais la politique que vous menez depuis 1997 n'est pas à la hauteur de la situation. Pourtant, la survie de nos démocraties ne dépend pas seulement de leur capacité à déjouer les projets destructeurs des groupuscules terroristes. Elle dépend également de leur détermination à faire respecter en leur sein les valeurs républicaines, à commencer par le respect des lois.

Quelques chiffres. Selon les statistiques de la direction générale de la police nationale - DGPN -, le nombre des faits de criminalité et de délinquance enregistrés par les forces de l'ordre durant le premier semestre 2001 était en augmentation de 9,58 % par rapport au premier semestre 2000. Déjà, on avait enregistré en 2000 une recrudescence de 2,8 % par rapport à 1999.

La hausse constatée par la gendarmerie atteint 17,69 %, ce qui signifie, fait particulièrement inquiétant, que l'insécurité n'est plus circonscrite aux grands centres urbains.

La DGPN constate également l'accroissement constant des violences commises contre les personnes. Le ministre de l'intérieur m'a d'ailleurs communiqué, dans sa réponse à une question écrite, des statistiques alarmantes sur les vols avec violence dans le Vaucluse, qui ont progressé de 59,26 % dans la circonscription de police d'Orange entre 1999 et 2000.

Et que dire de l'usage croisant par les criminels de véritables armes de guerre. Au début du mois de septembre, à Béziers, un forcené a tiré sur des voitures de police avec un lance-roquettes et tué le chef de cabinet du maire avec un fusil d'assaut. Plus récemment encore, des policiers ont été mitraillés sur l'autoroute A86. Et lundi dernier, à Tours, un forcené a ouvert le feu sur des passants tuant quatre personnes et en blessant sept autres dont deux policiers et un gendarme. En 2000, vingt-six lance-roquettes et une cinquantaine de fusils de marque Kalachnikov ont été saisis dans notre pays !

Par ailleurs, la part des mineurs dans les auteurs de délits ne cesse d'augmenter. L'année dernière, 40 % des auteurs de vols avec violence avaient moins de 18 ans. S'agissant toujours de la délinquance des mineurs, ce qui s'est passé lors du match de football entre la France et l'Algérie le 6 octobre est loin d'être anecdotique et suscite des interrogations sur la notion d'intégration, sur la responsabilité parentale et sur le sentiment d'impunité des mineurs délinquants.

Alors que la délinquance s'accroît, le taux d'élucidation diminue, en particulier dans la gendarmerie, et le nombre des gardes à vue est en baisse sensible. Si nous en sommes arrivés là, c'est que vous avez refusé de prendre les mesures coercitives nécessaires. Plus grave, vous avez présenté des projets de loi qui renforcent le sentiment d'impunité des délinquants et privent la justice et la police des moyens de faire appliquer l'ordre public.

M. Jean-Pierre Blazy - Lesquels ?

M. Thierry Mariani - L'actualité récente vient malheureusement de démontrer, s'il en était encore besoin, les conséquences terribles liées au manque de moyens dont disposent les autorités compétentes pour appliquer la loi sur la présomption d'innocence.

Comme dans d'autres domaines, vous vous contentez d'organiser des colloques, de publier des rapports et d'adopter des dispositions purement démagogiques. La police de proximité s'appuie principalement sur les adjoints de sécurité, insuffisamment formés et recrutés sans réelle vérification de leurs antécédents judiciaires (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste). C'est la vérité !

Les dispositions initiales de ce projet, prévues pour transcrire les mesures annoncées au conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001, ne sont pas adaptées à l'ampleur du problème à résoudre. Surtout, vous vous trompez de cibles.

Au chapitre premier, l'interdiction faite aux particuliers de vendre directement leur fusil de chasse à d'autres particuliers n'est pas une priorité. Elle n'est nullement un remède à l'effrayante progression des délits commis avec des armes lourdes. Même si ces dispositions ont été assouplies, grâce à l'opposition, les chasseurs et les collectionneurs ont le sentiment d'être considérés comme des délinquants. N'est-ce pas ce que vous avez tenté de laisser croire ?

M. René Mangin - Démago !

M. Thierry Mariani - C'est pourtant vrai !

Le second chapitre étend la qualité d'agent de police judiciaire à tous les fonctionnaires titulaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale et celle d'agent de police judiciaire adjoint aux adjoints de sécurité. D'un côté, vous accordez à des jeunes insuffisamment formés des compétences importantes en matière de police judiciaire, de l'autre, vous refusez toute reconnaissance officielle aux policiers municipaux qui exercent leurs fonctions avec dévouement et expérience. Voilà une position bien partisane !

Les troisième et quatrième chapitres comportent des dispositions hétéroclites sur la sécurité des paiements, les animaux dangereux, le contrôle des voyageurs de l'Eurostar. Nous sommes bien loin, là aussi, des vraies préoccupations des Français, confrontés à la recrudescence des comportements violents !

Ce n'est pas non plus le retrait du permis de conduire en cas d'excès de vitesse de plus de 40 km/h qui rétablira ordre et sécurité dans nos quartiers !

M. René Mangin - Vous êtes contre ?

M. Thierry Mariani - Ce n'est pas la question ! Arrêtez de vous tromper de cible, les Français ne sont pas dupes.

Le débat sur les raves-parties a montré votre incapacité à prendre une position claire dans le domaine de la sécurité. Si j'ai déposé un amendement à ce propos en première lecture, c'est parce que je me suis rendu compte, comme de nombreux maires, des problèmes que posent ces manifestations, qui se déroulent souvent sur des espaces privés, au mépris total du droit de propriété, et qui aboutissent à des saccages importants, avec des conséquences dramatiques quand il s'agit de terres agricoles.

Ces manifestations sont en outre le théâtre de violences, exacerbées par la consommation de substances illicites. Les raves-parties sont en effet un haut lieu du trafic de drogue. La vente de stupéfiants lors d'une rave-party qui réunit 30 000 personnes rapporte entre 4 et 5 millions en quarante-huit heures, dont les deux tiers par la vente d'ecstasy. Des mères dont les enfants, après avoir été exposé à plusieurs drogues lors de raves-parties, souffrent désormais de graves dépression m'ont écrit pour me faire part de leur désespoir.

Il était donc nécessaire de combler le vide juridique actuel qui aboutit, du reste, à une situation particulièrement discriminatoire : alors que la législation ne permet pas de gérer les raves-parties qui réunissent des milliers de personnes dans des conditions de sécurité et de salubrité parfois inexistantes, les associations désireuses d'organiser un simple événement avec quelques personnes doivent impérativement disposer d'une autorisation.

M. Patrick Ollier - Ça, M. Le Roux ne le sait pas !

M. Thierry Mariani - En première lecture, l'amendement sur les raves-parties avait été adopté à l'unanimité et nous y avions vu un signe positif. Il s'agissait, sans vouloir interdire ces manifestations, d'assurer qu'elles se déroulent dans le respect des règles élémentaires d'ordre, d'hygiène et de sécurité.

Mais vous n'avez ensuite cessé de changer d'opinion. Même votre conversion récente à la réglementation de ces manifestations ne nous paraît pas très assurée, les propos de M. Le Roux viennent encore de le montrer. Comme sur tous les sujets qui touchent à la sécurité des Français, vous êtes incapables de prendre une position claire ! J'espère néanmoins que vous maintiendrez votre vote en séance publique, d'autant que les drames survenus cet été confirment à quel point ces manifestations sont dangereuses.

J'avais également déposé en première lecture un amendement qui nous tenait à c_ur et que vous aviez voté, qui prévoyait le dépistage des stupéfiants sur tout conducteur impliqué dans un accident. Le Sénat avait repris cet amendement, mais notre commission des lois ne l'a pas retenu pour cette dernière lecture. C'est une grave erreur, car la lutte contre l'usage des stupéfiants doit être une priorité.

Brillant par votre indécision sur les raves-parties, vous n'avez pas hésité à balayer systématiquement toutes les propositions de l'opposition et des sénateurs. Nous avions pourtant élaboré un véritable contre-projet afin de lutter activement contre l'insécurité. Nous entendions notamment renforcer les instruments de répression contre les mineurs délinquants, mais aussi accroître les moyens d'enquête lors des procédures pénales, associer véritablement les maires à la politique de sécurité. Cela supposerait en premier lieu qu'ils soient informés des infractions commises dans la commune et de leurs suites judiciaires. L'affichage, en mairie, des décisions judiciaires prononcées en matière de crime ou de délit serait également souhaitable.

Nous voulions aussi permettre aux maires de décréter un couvre-feu pour les mineurs, le Conseil d'Etat ayant considéré qu'en édictant ces dispositions un « maire a entendu essentiellement contribuer à la protection des mineurs de moins de treize ans contre les dangers auxquels ils sont tout particulièrement exposés aux heures et aux lieux mentionnés ».

Pour lutter contre la délinquance juvénile, les mesures que nous avions proposées étaient similaires à celles prévues par les sénateurs. Pour responsabiliser les parents d'enfants délinquants et doter notre arsenal législatif de moyens adaptés, il est urgent d'adapter l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. C'est ce qu'a récemment voulu faire Henri Cuq, dans une proposition dont vous avez même refusé d'examiner les articles.

Vous venez d'accepter, en commission et sous la pression de l'opposition, quelques amendements importants, comme ceux relatifs aux raves-parties et à la sécurisation des halls d'immeubles, mais ce n'est pas suffisant car vous avez rejeté la plupart de nos autres propositions et n'avez tiré aucun enseignement de la contribution du Sénat. Cela prouve bien votre refus d'adopter des mesures vraiment efficaces.

Mieux associer les maires à la politique de sécurité, se doter d'outils adaptés à la lutte contre la délinquance des mineurs, élargir le fichier national d'empreintes génétiques, tout cela, vous l'avez écarté d'un revers de la main. Comment, dès lors, feriez-vous croire aux Français que vous vous préoccupez de la lutte contre l'insécurité ? Il faut au plus vite adopter des mesures adaptées à la situation particulièrement violente dans notre pays. Quand vous déciderez-vous à nous entendre ?

Pour toutes ces raisons, j'invite l'Assemblée à voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Pierre Blazy - M. Mariani a dressé, une fois de plus, un réquisitoire contre la politique du Gouvernement, mais il n'a en rien justifié son exception d'irrecevabilité. Nous sommes, je le rappelle, en lecture définitive, nous nous apprêtons à reprendre bien des dispositions adoptées par le Sénat. Il est donc assez surprenant, alors que M. Mariani ne cesse de nous reprocher de ne rien faire, qu'il cherche ainsi à nous empêcher de légiférer...

Pour notre part, nous refusons d'exploiter le sentiment d'insécurité à des fins politiciennes, nous voulons agir pour lutter contre l'insécurité réelle. Nous préférons les actes aux vociférations. C'est pour cela que le groupe socialiste votera contre cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Goasguen - Avec quelque maladresse, M. Blazy vient de mettre en lumière le principal argument en faveur de cette exception d'irrecevabilité : oui, nous sommes en dernière lecture, mais nous sommes aussi dans une procédure exceptionnelle et contraire à la Constitution. En effet, c'est en raison de circonstances particulières que les présidents de groupe ont accédé à la demande du Gouvernement de reprendre le débat après la réunion de la CMP. Mais vous n'avez nullement joué le jeu, refusant dans cette procédure exceptionnelle, de retenir les amendements de l'opposition sur des sujets qui n'ont, hélas, rien d'exceptionnels et que vous refusez d'aborder. Il s'agissait donc d'une procédure exceptionnelle à sens unique !

M. René Dosière - Saisissez le Conseil constitutionnel !

M. Claude Goasguen - Je vous attendais là... Vous l'aviez fait en 1995, alors que le pays était confronté au terrorisme et plusieurs dispositions destinées à renforcer la lutte contre ce fléau avaient été censurées. Eh bien, nous, nous ferons preuve de plus de civisme !

Je voterai cette exception d'irrecevabilité car je condamne votre conception partisane du débat, mais je conjure l'opposition de ne pas saisir le Conseil constitutionnel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF ; rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Rudy Salles - Nous ne « vociférons » pas, nous exprimons ici l'opinion de la majorité des Français lassés de l'insécurité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Si vous aviez vraiment traité de la sécurité quotidienne, nous aurions pu vous rejoindre. Hélas, il n'y a pas grand-chose de concret dans ce texte patchwork, hormis quelques mesures conjoncturelles destinées à lutter contre le terrorisme, que nous voterons.

Nous examinerons cet après-midi le budget de l'intérieur.

Vous faites un numéro d'autosatisfaction permanent : tout va pour le mieux, on fait un travail formidable, depuis cinq ans, le monde a changé... Et cela au moins est vrai car depuis vingt ans, et selon les statistiques du ministère de l'intérieur lui-même, la délinquance augmente à chaque fois que vous êtes au pouvoir et diminue chaque fois que nous y sommes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Vous avez refusé tout débat sur la proposition de loi de M. Henri Cuq qui réformait l'ordonnance de 1945 relative à la délinquance des mineurs. Mais lorsque des enfants de dix ou douze ans sont instrumentalisés par les plus grands parce qu'ils savent que la loi protège les plus petits, ne croyez-vous pas que vous les mettez en danger ?

Le débat que nous vous réclamons sans cesse n'est pas notre marotte, c'est une nécessité. Encore faudrait-il que vous acceptiez le dialogue, pas comme M. Chevènement qui n'avait en son temps retenu aucun des 2 000 amendements que nous avions proposés sur son texte ! Mais vous êtes tellement sectaires que vous ne pouvez pas croire que l'autre moitié des Français ait quelque idée intelligente. Il est vrai qu'en prenant le pouvoir en 1981, vous aviez parlé de ceux qui sont dans la lumière et de ceux qui sont dans l'ombre... Nous sommes peut-être des députés de l'ombre, mais qui expriment les inquiétudes d'une grande majorité de Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Nous avons pris la mesure de votre inconsistance, nous avons assisté à vos volte-face à quelques semaines d'intervalle, et M. Le Roux a d'ailleurs donné tout à l'heure des explications fort embarrassées. Vous n'êtes pas crédibles. L'insécurité est devenue la préoccupation majeure des Français, et vous ne trouvez à proposer que quelques mesures mineures. Ce débat aura au moins permis de montrer que vous ne savez pas de quoi vous parlez. Le groupe RPR votera bien sûr cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Christian Estrosi - M. Le Roux disait tout à l'heure que restaurer la sécurité pour tous et partout était le but que vous poursuiviez depuis 1997. Quel succès, avec une augmentation de 30 % de la délinquance ! Nous avons cru toutefois que vous faisiez amende honorable en déposant en mai un texte sur la sécurité quotidienne... avant de nous rendre compte que vous entendiez par là régler des problèmes de carte bleue, de chiens errants, d'excès de vitesse et surtout désigner les chasseurs (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) comme de dangereux délinquants qui attaquent les vieilles dames et incendient les voitures !

Et quel écart entre l'angélisme extraordinaire qu'on peut retrouver dans le Journal officiel de mai et le discours d'aujourd'hui, ferme, voire autoritaire, à propos de la lutte contre le terrorisme ! On croirait vraiment que les vrais dangers n'existent que depuis le 11 septembre et que la sécurité quotidienne ne mérite pas d'action déterminée. Mais même à ce sujet, lorsque vous proposez de fouiller les voitures, vous ne pouvez vous empêcher de vous en excuser auprès de votre majorité : ne vous inquiétez pas, ce sera une mesure strictement encadrée et limitée dans le temps, il ne faut choquer personne !

Vous n'apportez en fait aucune réponse aux angoisses des Français, aux peurs qui constituent pour eux de véritables privations de liberté dans la vie quotidienne, à l'école, dans l'entreprise ou la vie associative (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Après le 11 septembre, le Parlement américain a dégagé des millions de dollars pour la sécurité intérieure du pays. Or on ne trouve aucune mesure pour le plan Vigipirate ni dans ce texte, ni dans le budget du ministère de l'intérieur. Et depuis l'entrée en vigueur de ce plan, il n'y a jamais eu autant de crimes et de délits, sans compter les assassinats de policiers ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Vous ne saisissez même pas l'opportunité qu'il vous offre de démanteler les trafics d'armes qui prospèrent dans ce pays, de saisir les machines de guerre qui sont entreposées dans nos cités.

L'opposition n'a cessé de faire des propositions : réforme de l'ordonnance de 1945, responsabilisation des parents, travaux d'intérêt général, abaissement de l'âge de la responsabilité pénale.

Mme la Présidente - Il faut terminer, Monsieur Estrosi.

M. Christian Estrosi - Vous n'en avez tenu aucun compte, sauf de l'amendement de M. Mariani sur les rave-parties. Nous en sommes heureux, bien que cela montre encore une fois vos contradictions. Quelles contorsions faut-il en effet opérer pour proposer de fouiller les voitures afin de lutter contre le trafic de stupéfiants en même temps que le bon docteur Kouchner propose la dépénalisation des drogues douces et que la circulaire Guigou envisage de ne plus sanctionner la consommation de cannabis ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Présidente - Veuillez conclure, s'il vous plaît.

M. Christian Estrosi - Parce que nous voulons des droits égaux pour chaque citoyen, nous soutiendrons l'exception d'irrecevabilité formidablement défendue par Thierry Mariani (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme la Présidente - Je regrette qu'il n'y ait pas plus d'écoute mutuelle ce matin. J'attends davantage de sérénité dans la suite du débat, car le sujet le mérite.

Mme Nicole Bricq - Ils ont parlé dix minutes ! Vous faites preuve de laxisme, Madame la Présidente.

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

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QUESTION PRÉALABLE

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-François Mattei et des membres du groupe DL une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Michel Herbillon - Il peut paraître étrange de refuser de délibérer sur un texte relatif à la sécurité quotidienne. En effet, sans même évoquer les événements tragiques du 11 septembre et les menaces terroristes qui pèsent sur nos démocraties, le malaise grandit dans la société française face à la montée de la délinquance.

Hélas, le texte qui nous est proposé est en complet décalage avec la gravité de la situation. Ce n'est pas le cas des amendements que le Gouvernement a introduits dans l'urgence pour lutter contre le terrorisme. La fouille des véhicules, les perquisitions sans le consentement de personnes ou la fouille des bagages dans les lieux publics ont notre entière approbation.

Mais malgré ce volet antiterroriste de dernière minute, votre projet reste inadapté et lacunaire. Il ne s'apparente en rien, malgré son titre fallacieux, à une véritable politique capable de mettre un terme à la dérive de l'insécurité et de rassurer nos compatriotes.

La France, Monsieur le ministre, n'a pas connu semblable climat d'insécurité depuis fort longtemps. Chaque semaine égrène son lot de violences : l'attaque d'un fourgon blindé, une prise d'otages lors d'un braquage, des scènes de véritable guérilla urbaine, ou la mort de policiers pris pour cible par des malfrats, comme hélas deux d'entre eux, il y a deux semaines dans mon département, le Val-de-Marne : dire cela n'est pas céder à la psychose, à la démagogie, mais simplement reconnaître la triste réalité que vit quotidiennement un nombre croissant de Français.

Les chiffres de la délinquance sont accablants : les crimes et délits ont augmenté de 8 % entre 1997 et 2000, de 10 % entre le premier semestre de l'année 2000 et les six premiers mois de l'année 2001. La délinquance juvénile explose : elle a augmenté de plus de 20 % depuis 1997, et 50 % des vols avec violence sont aujourd'hui le fait de mineurs. Cette situation va de pair avec le développement de la violence, du racket dans les établissements scolaires, et même des viols collectifs dans les caves d'immeubles ghettos.

La délinquance se fait aussi de plus en plus violente : les coups et blessures volontaires et les vols avec violence progressent très fortement, les vols à main armée - qui avaient constamment régressé ces dernières années - ont connu une recrudescence spectaculaire de plus de 15 % en 2000.

La violence au quotidien se banalise. Longtemps confinée dans certains quartiers ou cités, elle atteint désormais les petites villes tranquilles et les zones rurales, comme en témoignent les récents événements de Thonon.

Je comprends que ce tableau embarrasse le Gouvernement. Quatre ans et cinq mois après son entrée en fonction, M. Lionel Jospin peut difficilement se livrer à son numéro habituel du « c'est pas moi, c'est l'autre » et faire porter le chapeau à ceux qui l'ont précédé (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Cela lui serait d'autant plus malaisé que je rappelle au Gouvernement et à la majorité plurielle, qui aiment tant faire référence au bilan du gouvernement d'Alain Juppé, qu'entre 1995 et 1997, lorsque Jean-Louis Debré était ministre de l'intérieur, la délinquance avait diminué de plus de 11 % (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

La montée de l'insécurité est donc bel et bien l'échec numéro un du gouvernement Jospin. Vous le savez si bien que pour masquer l'explosion de la délinquance, vous avez pris le soin de mettre en cause les méthodes de calcul et annoncé un nouvel outil statistique pour l'an prochain. La fièvre du malade est trop élevée. Courage, cassons le thermomètre !

Mais les Français ne sont pas dupes. Selon un sondage réalisée en septembre, 70 % d'entre eux considèrent que la sécurité des biens et des personnes n'est pas assurée de manière satisfaisante, et les deux tiers jugent que la politique du Gouvernement n'est pas à la hauteur ! Ce sont les femmes et les catégorie sociales les moins favorisées, c'est-à-dire les plus modestes, les plus démunies, ceux qui sont le plus exposés à la montée de la délinquance, qui stigmatisent le plus votre politique !

Mais votre échec n'a rien de surprenant. Votre projet et les débats dont il a fait l'objet à l'Assemblée ou au Sénat suffisent à en expliquer les causes. Si aucune politique de sécurité digne de ce nom n'a été menée depuis quatre ans, c'est tout simplement parce qu'il n'existe pas de majorité à gauche pour la soutenir. Notre pays est donc victime de l'angélisme et du laxisme qui règnent encore dans les rangs de la majorité plurielle. Certes, la gauche semble aujourd'hui découvrir à quel point l'insécurité ronge notre société et sape les fondements de notre République, mais il lui reste encore un long chemin à parcourir. Trop souvent, elle continue à se complaire dans les explications sociologiques de la délinquance, redoutant de reconnaître que le premier responsable d'un crime ou d'un délit n'est pas la société, mais bien le délinquant, et que tout délit mérite sanction.

La polémique déclenchée au sein de la gauche plurielle par l'idée de réglementer les « rave-parties » illustre la difficulté d'une partie de votre majorité à évoluer sur les problèmes de sécurité.

Que n'a-t-on entendu au printemps lorsque l'opposition et vous-même, Monsieur le ministre, proposaient de doter les « raves-parties » d'un cadre légal selon le droit commun, non pour brimer les jeunes mais pour les protéger. Une partie de votre majorité et plusieurs de vos collègues, cédant à un souci électoraliste et à un « jeunisme » consternant, ont multiplié les critiques à votre encontre.

Mais les drames de cet été, avec la mort de plusieurs jeunes au cours de « raves », ont ouvert les yeux de votre majorité. Après avoir dit un petit « oui », puis un « non » vigoureux, elle semble revenir à la première solution et accepter le principe d'une déclaration préalable. Mais que d'atermoiements, de phrases grandiloquentes et de leçons de morale pour en venir à la solution du bon sens que nous proposions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Faute d'avoir achevé leur virage idéologique, le Gouvernement et sa majorité plurielle n'administrent pas les remèdes indispensables à la lutte contre la délinquance et se contentent de palliatifs.

Toutes les mesures du projet de loi - révision de la réglementation du commerce et de la détention des armes, modification du code monétaire et financier pour lutter contre les contrefaçons de cartes bancaires, nouvelles dispositions sur le fichier national des empreintes génétiques - vont dans le bon sens, et nous ne contestons pas leur utilité. Mais croyez-vous sérieusement qu'elles suffiront à inverser la courbe de l'insécurité dans notre pays ? Répondent-elles aux attentes de nos compatriotes ? Non.

Garantir au quotidien la sécurité des Français exige une politique ô combien plus ambitieuse.

Il faut en priorité réformer l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Malgré nos propositions insistantes, le Gouvernement et sa majorité s'acharnent à refuser sa révision.

La délinquance des mineurs a pourtant grandement évolué en un demi-siècle. L'ordonnance de 1945 n'est évidemment plus adaptée, bien que Mme la Garde des Sceaux s'évertue à prétendre le contraire. Si le Gouvernement refuse de nous entendre, qu'il écoute au moins les policiers et les magistrats. Voici ce que disait, début 2001, lors d'un colloque au Sénat, un avocat général près la Cour de cassation : « le texte mythique de l'ordonnance de 1945 est devenu totalement obsolète, aussi bien dans sa terminologie que dans son application ». Il est grand temps de mettre un terme au sentiment d'impunité et d'irresponsabilité des mineurs délinquants et, parfois même, de leurs parents.

C'est pourquoi, l'opposition propose une réforme du barème des sanctions.

M. Jean-Louis Debré - Très bien !

M. Bernard Schreiner - Tout à fait !

M. Michel Herbillon - Oui, il faut abaisser l'âge de la détention provisoire en matière correctionnelle, et faire de même pour l'application d'une sanction pénale, à l'exclusion de toute peine de prison.

Oui, pour prévenir la délinquance, il faut exiger réparation dès le premier délit et responsabiliser les parents défaillants dans leur mission éducative.

Oui, il faut multiplier le nombre de centres de placement immédiat et de centres d'éducation renforcée.

Oui, enfin, il faut créer toute une gamme de nouveaux établissements d'accueil pour mineurs délinquants allant de la simple classe relais pour les primo délinquants aux unités de détention spécifiques pour les mineurs pour lesquels toutes les autres solutions ont échoué. En repoussant ces propositions de l'opposition, le Gouvernement et sa majorité mènent un combat d'arrière-garde.

Mais sur ce sujet comme sur bien d'autres, vous serez contraints de vous renier et d'approuver la révision de l'ordonnance de 1945. J'en prends le pari. Mais en attendant, nos compatriotes font les frais de vos atermoiements, de vos états d'âme et de vos trop lentes conversions idéologiques ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Cette politique de « petit bras » se retrouve dans la mise en _uvre de la police de proximité, que le Gouvernement présente comme une priorité. Nous y sommes favorables. Mais que constatons-nous ? Le Gouvernement refuse de mieux associer les maires à la politique de sécurité, alors que c'est vers eux que la population se tourne en cas de difficultés. On leur demande d'assurer la sécurité dans leur commune sans leur en donner les moyens juridiques.

Les maires ne veulent pas devenir des « shérifs » pour reprendre l'expression de Lionel Jospin, mais ils revendiquent le droit d'être informés des crimes et délits commis sur leur territoire, et la reconnaissance de leur rôle en matière de sécurité. Pourquoi leur dénier le droit de réglementer la circulation nocturne des enfants de moins de 13 ans non accompagnés, alors même que le Conseil d'Etat a validé les arrêtés pris en ce sens par certains maires ? Pourquoi leur interdire de se porter partie civile au nom de la ville en cas d'infraction commise sur la voie publique ?

Que voyons-nous encore ? Un gouvernement qui fait de plus en plus reposer la police de proximité sur des adjoints de sécurité, envoyant dans les quartiers les plus difficiles des emplois-jeunes mal payés, mal formés et mal encadrés. Face à cette dérive, les syndicats de police dénoncent l'utilisation de plus en plus fréquente des ADS pour remplacer des professionnels en nombre insuffisant.

Combattre la montée de la délinquance exige des règles juridiques nouvelles, mais aussi des moyens nouveaux pour la justice et pour la police. Le départ massif de 25 000 fonctionnaires à la retraite d'ici à trois ans et le passage aux 35 heures rendent indispensables un plan de recrutement massif de policiers titulaires : ce n'est pas ce que prévoit le projet de budget du ministère de l'intérieur, qui est notoirement insuffisant.

Enfin, faire la guerre à l'insécurité exige surtout une vraie volonté politique. Faute de consensus au sein de la majorité, le Gouvernement se contente, depuis quatre ans, de prendre des demi-mesures et de multiplier les assises, les états généraux et les effets d'annonces (« Les palabres ! » sur les bancs du groupe du RPR).

Ce texte s'inscrit dans cette logique. Nous ne pouvons l'accepter, car ce serait tromper nos compatriotes que vouloir leur faire croire qu'il peut garantir leur sécurité.

« Au commencement était le Verbe ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Non ! Au commencement était l'Action ». C'est pour avoir ignoré cette maxime mise en exergue par le général de Gaulle dans le Fil de l'Épée que votre gouvernement a échoué en matière de sécurité.

C'est pour cette raison qu'au nom des trois groupes de l'opposition, le groupe Démocratie libérale vous demande d'adopter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Balduyck - Comment peut-on proposer de retarder des mesures de lutte contre le terrorisme, de protection des témoins, d'information des maires, de prévention de l'insécurité routière - 1500 morts en juillet-août !

Les citoyens n'apprécieraient pas le renvoi de ce texte. Je suis d'accord avec M. Herbillon quant à l'efficacité des centres de placement de mineurs multirécidivistes. Vous en avez créé 5 de 1993 à 1998...

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - Ce n'est pas beaucoup !

M. Jean-Pierre Balduyck - ...alors que 38 ont été ouverts depuis 1997.

En ce qui concerne les contrats locaux de sécurité, là où on cherche à appliquer totalement l'ordonnance de 1945, le taux de non-récidive des mineurs atteint 90 %, ce qui en montre l'efficacité.

Nous avons tous reçu, il y a quelques jours, la revue d'un syndicat de commissaires de police, qui y exprimait son désir de voir l'Assemblée légiférer sans retard. C'est un signal fort.

Le groupe socialiste votera contre cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Thierry Mariani - Votre majorité fait penser à ces nouveaux convertis qui, depuis quelques semaines, ont découvert, grâce à la proximité des élections, l'insécurité qui frappe tous les Français.

Une certaine rhétorique sur « la sécurité, cette valeur républicaine trop souvent méconnue », est désormais entrée dans tous les discours de la gauche. Mais cette rhétorique ne repose sur aucune conviction, comme l'illustre la loi que nous allons voter dans quelques minutes (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Depuis quatre ans, les chiffres de la délinquance augmentent et c'est le résultat de votre politique ; vous devez en assurer la responsabilité. Au début du mandat, il y a eu ce fameux colloque de Villepinte. On a entendu de beaux discours, mais pour quel résultat ? Aucun !

Ensuite, il y a eu les contrats locaux de sécurité : là aussi, des discours et rien d'autre. Je fais partie des maires qui ont signé un contrat local de sécurité, mais les moyens donnés sont très décevants et les résultats aussi.

Troisième politique, la police de proximité. Encore un beau concept, mais les chiffres en prouvent l'échec. Le week-end dernier, enfin, nous avons découvert la nouvelle conception du PS sur la sécurité, élaborée à Evry : encore de belles déclarations, mais aucune mesure n'est proposée.

Qui refuse de donner aux maires de vrais pouvoirs d'information et d'action en matière de sécurité ? C'est vous !

Qui refuse de réformer l'ordonnance de 1945 pour réprimer la délinquance des mineurs ? C'est votre majorité ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Qui refuse la saisie des prestations familiales quand les parents n'assurent pas le minimum d'éducation nécessaire ?

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - C'est nous, oui !

M. Thierry Mariani - Que proposez-vous dans cette loi ? Des dispositifs sur les animaux dangereux, sur les cartes bleues volées, sur les collectionneurs d'armes, mais rien sur les vrais problèmes qui préoccupent les Français.

Si, tout de même, vous avez rajouté en dernière minute quelques dispositions utiles, notamment sur la fouille des véhicules, et nous ne ferons pas ce que vous avez fait, il y a six ans, en refusant le texte et en le déférant au Conseil constitutionnel. Si vous nous aviez suivis alors, on n'en serait pas là ! Vous avez fait perdre six ans à la France. Nous serons moins irresponsables que vous et nous voterons ces dispositions.

Mais sur ce texte, vous n'êtes pas crédibles car vous n'êtes même pas convaincus de la nécessité des mesures que vous proposez. Pour garantir la sécurité quotidienne, il faut une autre politique, celle que l'opposition propose depuis des années. Voilà pourquoi nous voterons cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Rudy Salles - Vous ne ferez croire à personne que nous pourrions nous opposer à de bonnes mesures contre l'insécurité. Mais pas ce texte, pas ici, pas maintenant ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Pas ce texte, car il n'est pas cohérent et n'apportera pas grand-chose. D'accord, vous avez ajouté un volet sur le terrorisme et nous ne pouvons qu'y être favorables. Mais le terrorisme en France ne date pas du 11 septembre ! Il n'y a pas si longtemps, un préfet de la République a été assassiné par quelqu'un qui est encore en cavale... En cinq ans, vous auriez eu largement le temps d'agir dans ce domaine.

Pas ici et pas maintenant, car que voulez-vous faire voter ? Une loi d'application immédiate pour régler les problèmes ? Non, car ce texte n'entrera en vigueur que quand vous ne serez plus au pouvoir. Ce projet n'est qu'une loi de circonstance à caractère électoraliste et rien de plus. Vos propositions ne sont pas sérieuses, pas crédibles. Face à cette indigence, nous voterons pour la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Claude Goasguen - Nous voterons, bien sûr, la question préalable et nous ne le ferons pas, nous, pour retarder l'application d'une loi. S'il y a des gens mal placés ici pour parler de retards, ce sont bien nos collègues socialistes ! Ce qui s'est passé en 1995 a été un acte très grave, qui nous a empêchés, pendant des années, de contrôler les trafics d'armes, en particulier d'armes de guerre.

M. Balduyck a évoqué les centres d'éducation renforcée : là aussi, vous avez perdu deux ans, car quand Mme Guigou est devenue Garde des Sceaux, elle a empêché toute création d'établissement pendant deux ans. Les 70 centres prévus sont ensuite devenus 38, mais combien n'existent que sur le papier ?

Alors, chers collègues, ne nous parlez pas des délais ! En réalité, cette question préalable porte sur de tout autres sujets, des sujets tabous pour vous, à commencer par la fameuse ordonnance de 1945, que je vous conseillerais d'ailleurs de lire. Bien que plusieurs fois modifiée, elle n'est plus adaptée à la situation et les juges comme les policiers réclament des changements, dans des sens d'ailleurs contradictoires. Elle a certes eu son utilité...

M. Julien Dray - Vous m'avez vous-même enseigné qu'elle était très bien ! (Sourires)

M. Claude Goasguen - M. Dray devait chahuter au fond de l'amphithéâtre au lieu d'écouter... (Sourires). Quoi qu'il en soit, l'ordonnance de 1945 appelle aujourd'hui un éclaircissement législatif, car il n'est pas possible que son interprétation varie autant d'un juge pour enfants à un autre.

Si vous refusez de traiter ce problème, vous laissez de côté un pan entier de la sécurité quotidienne car hélas il y a bel et bien un rapport entre l'insécurité au quotidien et la délinquance juvénile. Croyez bien qu'il s'agit là d'un constat d'échec pour toute notre société (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je vous demande donc d'intégrer dans ce projet, qui n'est qu'une simple addition de mesures, les dispositions que la France attend, que les juges et les policiers réclament. Il est en effet terrible pour ces derniers de voir que l'impunité constitue désormais la règle.

C'est pourquoi le groupe DL demande un nouvel examen du projet et votera la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

La question préalable, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - Ces dispositions relatives à la sécurité ne peuvent qu'emporter l'approbation des députés du Mouvement des citoyens, d'autant qu'il a été sérieusement enrichi par des amendements comme celui, adopté à mon initiative, qui permet aux contrôleurs de requérir la force publique en cas d'infractions à des dispositions tarifaires ou susceptibles de compromettre la sécurité des personnes, et ainsi d'interrompre sur le champ le voyage du contrevenant.

La nécessité de renforcer les moyens de lutte contre le terrorisme est une évidence. Je souhaite qu'ils soient rapidement mis en _uvre. Mais je reste réservé sur les nouvelles prérogatives confiées à des agents privés de sécurité car l'usage de la force doit rester du ressort de l'Etat et des collectivités publiques. Cette mesure qui tend à privatiser l'emploi de la contrainte ne masque-t-elle pas le manque d'effectifs de la police nationale ?

L'instauration d'un régime de déclaration préalable pour les « raves-parties » et la possibilité donnée aux forces de l'ordre de disperser les rassemblements dans les halls d'immeubles constituent de bonnes mesures, dont l'adoption toutefois ne se sera pas faite sans hésitations. Mais la publication des derniers chiffres de la délinquance et plusieurs drames récents ont peut-être favorisé certaines prises de conscience.

Cela étant, ce texte ne saurait suffire à constituer l'ébauche d'une véritable politique de sécurité (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR).

Au fond, les Français sont victimes en la matière d'une double hypocrisie : celle d'une certaine gauche, qui lorsqu'elle est dans l'opposition fait assaut d'angélisme sous la pression d'idéologies libertaires « post-soixante-huitardes » et se trouve donc réduite à l'impuissance une fois qu'elle est au pouvoir ; et celle de la droite, qui se pose en championne affichée de la rigueur et promet toujours plus de policiers et plus de juges, mais qui une fois aux commandes ne fait pas plus, pas mieux.

Pour s'attaquer réellement à l'insécurité, il faut une volonté forte et une cohérence à toute épreuve. Cette volonté se traduirait par un renforcement des moyens affectés aux juridictions compétentes, par l'application d'une politique pénale une et claire sur l'ensemble du territoire national et par des adaptations de la législation quand cela est nécessaire, en particulier pour empêcher la progression de la délinquance des mineurs. Les difficultés engendrées par l'application de la loi sur la présomption d'innocence devraient conduire à suspendre certaines de ses dispositions. Qu'attendez-vous ?

Enfin, Monsieur le ministre, vous vous êtes simplement compliqué la tâche en cédant au chantage il y a quelques jours en Corse. A quoi serviraient les mesures adoptées ici si vous poursuiviez ailleurs dans cette voie dangereuse ?

C'est donc sans illusions, et sans que toutes nos inquiétudes aient été dissipées, que nous voterons ce texte, qui ne doit constituer qu'une étape.

M. Jean-Antoine Leonetti - Nous examinons aujourd'hui, près de sept mois après sa première lecture à l'Assemblée nationale, le projet sur la sécurité au quotidien. Depuis, le monde a changé. Le 11 septembre, en effet, des terroristes fanatiques, presque sans armes, ont perpétré le plus terrible et le plus inattendu acte de terrorisme. Depuis, la menace pèse sur les Etats-Unis et sur toutes les démocraties.

Dans ces conditions, le Gouvernement a souhaité ajouter des dispositions permettant de mieux lutter contre le terrorisme. Placées sous l'autorité judiciaire, limitées dans le temps et devant faire l'objet d'un bilan d'étape, ces mesures ne sont pas à nos yeux attentatoires aux libertés mais renforcent au contraire la liberté d'aller et venir. Nous ne les déférerons pas devant le Conseil constitutionnel.

La lutte contre le terrorisme et le fanatisme est un combat qui nécessite la mobilisation de tous les démocrates. Les mesures qui y concourent recevront donc notre soutien, même si nous vous rappelons que la gauche les jugeait attentatoires aux libertés lorsque nous les proposions...

Nous savons aussi qu'en dehors du terrorisme international, dont certains auteurs sont en Europe, les événements actuels ne sont pas sans influencer certains individus et nous constatons que la violence urbaine s'accroît, utilisant des armes de guerre et des méthodes comparables à celles des attentats, prenant pour cible la police, par le fait de bandes de voyous qui s'organisent quelquefois en véritable guérilla. Il convient de rester vigilants sur cette possible influence des événements extérieurs sur notre sécurité intérieure.

Parce que nous avons brutalement changé de monde et d'époque, le reste du projet devient dérisoire : les chiens, les cartes bancaires, les armes de chasse... autant de thèmes quelque peu décalés par rapport au quotidien de la délinquance qui, en quelques mois, a progressé de près de 10 %. Durant cette même période, dix policiers sont morts assassinés et deux jeunes sont décédés dans des raves-parties. Malgré la mise en place du plan Vigipirate renforcé, vous détiendrez probablement, Monsieur le ministre, le triste record de la progression de la délinquance de ces dix dernières années.

Les socialistes n'ont pas fini leur aggiornamento sur les problèmes de sécurité. « La première des sécurités, c'est la liberté » disait M. Mauroy, quand nous expliquions que la première des libertés, c'est la sécurité.

Ensuite, vous avez beaucoup parlé et peu agi, en dehors de quelques volte-face comme celle sur les raves-parties. Il est un peu tard, en fin de législature, pour prétendre s'occuper sérieusement de sécurité. D'autant que deux sujets restent tabous pour vous : le pouvoir du maire et la délinquance des mineurs. Deux sujet sur lesquels vous avez balayé tous nos amendements et toutes les propositions du Sénat.

Vous ne voulez pas voir que la délinquance dans notre pays est de plus en plus fréquente, de plus en plus jeune, de plus en plus violence et de moins en moins punie. Vous ne voulez pas considérer les maires pour ce qu'ils sont de par la loi, c'est-à-dire des officiers de police judiciaire responsables de la sécurité et de la tranquillité de leurs concitoyens. Et même lorsque la jurisprudence vous donne tort, comme l'a fait le Conseil d'Etat à propos de la possibilité pour les maires d'interdire l'errance des mineurs, vous refusez encore de légiférer.

Que le maire soit le coordinateur de la sécurité sur sa commune, qu'il préside un conseil de sécurité, que des mesures de médiation et de réparation pénale puissent être prises sous son autorité, en concertation avec le procureur, tout cela continue à vous choquer. Préférez-vous les classements sans suite et la non-exécution des peines ? L'Etat y perdrait-il vraiment à vos yeux ses prérogatives et sa dignité ?

Vous nous dîtes que les textes actuels suffisent. Il est vrai que s'ils étaient appliqués, la situation serait déjà meilleure. Mais il manque avant tout à la gauche une volonté politique. Elle a beau constater une hausse de plus de 30 % en cinq ans de la délinquance, elle reste figée dans ses convictions archaïques et son angélisme béat !

Le groupe UDF, tout en votant les mesures relatives à la lutte contre le terrorisme, n'approuvent pas ce texte dans son ensemble, car il ne répond pas à l'attente de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jean Vila - La nouvelle lecture de ce projet intervient dans un contexte particulièrement difficile. Nous avons tous en tête les tragiques événements survenus récemment à Béziers, à Thonon-les-bains, au Plessis-Trévise, à Amiens et à Tours. Les agents chargés du maintien de l'ordre ont payé un lourd tribut à cette violence folle.

Force est de constater, en se gardant de tout électoralisme, que l'insécurité n'est pas un phénomène récent. Elle constitue l'une des formes les plus criantes d'injustice sociale, frappant les populations fragilisées de nos quartiers dits « en difficulté ».

Nous y avons répondu depuis vingt ans en légiférant. C'est ce que nous continuons à faire aujourd'hui, en combinant prévention et répression.

Loin de tout angélisme, nous dénonçons la déstructuration des quartiers populaires, où s'est développé un sentiment d'abandon qui se conjugue avec la perte de repères. L'insécurité traduit l'affaiblissement de notre pacte républicain, de ce « vouloir vivre ensemble » que décrivait Ernest Renan. C'est le prix payé aux carences de l'éducation, de la solidarité et de la mixité sociale.

Bien entendu, l'Etat doit fermement s'acquitter de son obligation de sécurité, mais la sanction doit s'accompagner de la réaffirmation des droits et des devoirs de chacun et de celle des principes de justice et de solidarité qui fondent notre République.

Les treize amendements gouvernementaux destinés à renforcer nos moyens de lutte contre le terrorisme doivent également être appréciés à l'aune de notre pacte républicain.

Bien entendu, cette exigence de sécurité exceptionnelle se distingue de la demande de sécurité quotidienne à quoi répond le corps initial de ce projet. Aussi faut-il éviter tout risque d'amalgame.

Comme tout dispositif exceptionnel en démocratie, celui-ci doit avoir un caractère temporaire.

Nous aurions préféré qu'il soit limité à deux ans. A défaut, Monsieur le ministre, vous pourriez accepter d'inscrire dans la loi que le rapport d'évaluation sera un véritable rapport d'étape, dont le Parlement sera saisi avant le 31 décembre 2002.

S'agissant des visites et perquisitions, le renforcement du contrôle de l'autorité judiciaire est notable par rapport aux dispositions justement censurées par le Conseil constitutionnel en 1995. En revanche, il ne faudrait pas que ces mesures soient une manière détournée de renforcer des dispositions déjà dérogatoires en matière de trafics d'armes et de stupéfiants. Par ailleurs, le risque de discrimination au faciès ne peut qu'être accru par la multiplication des contrôles et par le recours à des agents privés, que nous contestons.

En ce qui concerne l'obligation faite aux opérateurs des nouvelles technologies de l'information et de la communication de conserver pendant un an les données techniques liées aux messageries électroniques, l'ambiguïté du renvoi fait au décret concernant la « nature » de la communication laisse planer un doute sur le respect de la vie privée et du secret des correspondances.

Pour notre part, nous continuons de croire que la lutte contre le terrorisme passe surtout par le renforcement de la coopération internationale en matière de renseignement et de lutte contre les circuits occultes de financement.

Nous voterons donc ce projet, mais en rejetant toute délégation par l'autorité publique pour faire procéder à des fouilles. Nous ne voterons pas non plus à l'article 21 l'amendement encadrant de manière trop rigide le déroulement des « raves-parties » ; mieux vaudrait faire aboutir l'idée d'établir une charte avec les organisateurs (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Jean-Luc Warsmann - Depuis nos premiers débats sur ce projet, les circonstances ont bien changé.

Les attentats du 11 septembre ont fait prendre conscience aux pays démocratiques que des réseaux terroristes leur avaient déclaré la guerre. Un grand nombre de pays européens ont entrepris de modifier leur législation en conséquence : Espagne, Pays-Bas, Allemagne, Grande-Bretagne.

Nous sommes saisis d'amendements répondant aux moyens nécessaires à nos forces de sécurité pour lutter plus efficacement contre le terrorisme. Le devoir de la représentation nationale est de soutenir le pouvoir exécutif en adoptant ces dispositions dont nous souhaitons qu'elles soient suffisantes. Vous pouvez donc compter sur le vote des députés RPR.

Mais l'aggravation de la délinquance quotidienne et de la violence est également préoccupante. Notre groupe apporte tout son soutien aux forces de police, de gendarmerie - qui paient un lourd tribut à la lutte contre la délinquance -, mais aussi aux magistrats, aux fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, à tous ceux qui concourent à la sécurité de nos concitoyens.

Au premier semestre de cette année, les crimes et délits ont augmenté de 9 %, les actes de destruction et de dégradation de 12 %. Un quart des Franciliens ont déjà été victimes d'un délit. La délinquance augmente même dans des zones de gendarmerie que l'on croyait relativement épargnées, comme à Thonon-les-Bains.

Hélas, les dispositions que vous nous proposez ne sont pas destinées à lutter contre cette délinquance. Il aurait fallu, pour cela, prendre des mesures autrement efficaces dans des domaines essentiels.

M. Claude Goasguen - Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann - Je pense en premier lieu à la délinquance des mineurs qui accomplissent, de plus en plus jeunes, des actes de plus en plus violents. Face à cela, l'ordonnance de 1945 paraît bien inadaptée tant avoir 16 ans en 2001 ne ressemble en rien à avoir 16 ans en 1945...

Il faut adapter les textes pour casser le sentiment d'impunité, pour que cesse l'utilisation des mineurs par des majeurs, qui doivent être plus lourdement sanctionnés.

M. Jean-Pierre Blazy - Absolument !

M. Jean-Luc Warsmann - Il faut aussi mieux appliquer les textes existants ; vous n'avez pas fait grand-chose pour cela en quatre ans.

Quelle image pitoyable donne-t-on sur le couvre-feu ? Dès la première lecture, l'opposition a proposé que l'on octroie aux maires la possibilité de réglementer la circulation des enfants de moins de 13 ans la nuit, pour leur propre sécurité. Mais vous avez rejeté tous nos amendements et la justice a dû prendre position, validant l'arrêté pris par le maire d'Orléans. La clarté voudrait que notre assemblée autorise formellement une telle réglementation.

Sur l'application des textes, comment ne pas dénoncer, aussi, l'indigence des moyens disponibles, que soulignait encore récemment le procureur de la République des Ardennes, département, où le délai de jugement est d'un an alors que, disait-il, « pour un délinquant mineur, attendre plusieurs mois, c'est l'éternité. Il ne se souvient pas de ce qu'il a fait et l'efficacité des sanctions s'en ressent ». On est bien loin des discours ministériels lénifiants...

Le projet ne traite pas davantage du nécessaire renforcement de l'efficacité des forces de sécurité sur le terrain. Pour cela, il faut insérer les élus locaux, en particulier les maires, dans les dispositifs de sécurité.

M. Michel Herbillon - Il a raison !

M. Jean-Luc Warsmann - Nous sommes un des rares pays qui ne fasse pas place au maire, lequel ne peut même pas, chez nous, être informé des actes de délinquance commis dans sa commune, alors que ses administrés lui demandent des comptes, et n'est pas plus informé des suites données aux plaintes. Pourtant, s'ils étaient informés, nos maires pourraient mieux concourir à l'action des forces de sécurité et proposer au plus vite les mesures les plus adaptées.

Je veux aussi dénoncer à nouveau les dysfonctionnements de la chaîne de traitement de la délinquance. Policiers et gendarmes sont démotivés car les procédures qu'ils entament sont trop rarement suivies d'effets : 80 % des plaintes sont classées sans suite et 50 % le sont alors que l'on a identifié l'auteur de l'infraction. Une étude du principal syndicat de magistrats montre que dans un tiers des décisions de justice ayant entraîné une peine de prison ferme - nous sommes donc face à des actes de délinquance graves - la peine n'est pas exécutée. Que devient l'autorité de l'Etat quand des policiers travaillent, quand des magistrats rendent des jugements au nom du peuple français et que ces jugements ne sont pas appliqués ?

Il y a toutefois dans ce texte quelques dispositions positives...

M. Jean-Pierre Blazy - Ah !

M. Jean-Luc Warsmann - ...comme celle sur les troubles dans les halls d'immeubles ou sur les chiens dangereux.

Mais vous n'avez pas le droit de tromper nos concitoyens : ce texte n'est en aucun cas une loi sur la sécurité quotidienne, il ne permettra en rien d'améliorer la situation. C'est pourquoi le groupe RPR maintiendra son vote négatif (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Ollier remplace Mme Catala au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

M. Jean-Pierre Blazy - La droite continue à croire qu'elle a le monopole de l'action contre l'insécurité, oubliant ainsi qu'elle exerçait encore le pouvoir il n'y a pas si longtemps. Bien éloignés de ses préoccupations démagogiques et électoralistes, ...

M. Michel Herbillon - Caricature !

M. Jean-Pierre Blazy - ... nous apportons des réponses concrètes aux préoccupations de nos concitoyens.

Je me réjouis que l'initiative parlementaire ait permis d'enrichir considérablement ce projet. Les dramatiques événements du 11 septembre ont par ailleurs conduit le Gouvernement à y introduire de nouvelles dispositions antiterroristes.

Certes, l'action contre le terrorisme n'a pas attendu le 11 septembre, le budget pour 2002 en témoigne. Mais à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, qui devront n'être que temporaires ; le terme de leur application est fixé au 31 décembre 2003, et le ministre n'est pas hostile à la présentation au Parlement, fin 2002, d'un premier rapport d'évaluation. Nous entendons les critiques des défenseurs des droits de l'homme, en particulier de la commission nationale consultative. Une mission d'information parlementaire pourrait utilement suivre l'application des mesures proposées.

Pour le reste, contrairement à ce que feint de croire la droite, il ne s'agit ni d'une loi d'orientation, ni d'une loi de programmation,...

MM. Claude Goasguen et Michel Herbillon - On l'avait remarqué...

M. Jean-Pierre Blazy - ...et nous ne prétendons pas faire voter, comme vous en 1995, une loi d'orientation sans aucun moyen d'application !

Ce texte a une portée limitée, mais il entend agir concrètement en faveur de la sécurité des Français au quotidien, en concentrant l'effort sur les mesures législatives qui s'imposent.

Pensez-vous vraiment, au vu des événements récents, qu'il n'est point besoin de légiférer sur le commerce et sur la détention d'armes ? Pensez-vous que les mesures en faveur des victimes de vol ou de détournement de carte bancaire soient dénuées de fondement ?

M. Michel Herbillon - Nous n'avons jamais dit cela !

M. Jean-Pierre Blazy - Pensez-vous que les dispositions sur les chiens dangereux méritent ces polémiques stériles ?

Êtes-vous contre la mesure qui facilite l'enlèvement des épaves ?

Êtes-vous contre l'immatriculation des deux roues, supprimée par le Sénat alors que l'un d'entre vous déposait à l'Assemblée une proposition en ce sens ?

M. Yves Nicolin - C'est connu, Ben Laden se déplace en deux roues...

M. Jean-Pierre Blazy - Vous avez annoncé que vous voteriez contre le texte. N'êtes-vous pas pourtant, comme nous, pour la réglementation des raves-parties ? (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Michel Herbillon - Qu'en pense Jack Lang ?

M. Jean-Pierre Blazy - Je l'ai dit lors des lectures précédentes, il faut légiférer en ce domaine pour combler le vide juridique actuel, en conciliant le besoin d'expression d'une partie de la jeunesse et la nécessaire sécurité de ces manifestations.

Aujourd'hui, tout organisateur de fêtes de quartier, de courses cyclistes ou de concerts classiques est soumis à déclaration. Ce n'est ni une menace, ni une sanction, mais la garantie de la sécurité des citoyens et surtout des jeunes.

Le Gouvernement avait élaboré un dispositif comprenant une charte conclue entre l'organisateur de la fête et le ministère, une déclaration en préfecture et des sanctions en cas de non-respect de la charte. Les événements de l'été ont montré à chacun la nécessité de légiférer.

Avec la déclaration préalable de toute manifestation en préfecture, sanctionnée par la faculté de saisir le matériel de sonorisation, je suis satisfait de voir aboutir la position que j'avais défendue en juin, qui garantit à la fois l'expression de la culture urbaine et la sécurité.

En ce qui concerne l'occupation des parties communes des immeubles, je propose, contrairement à la commission des lois, de revenir au texte initial de l'Assemblée. Celui-ci comporte les bases juridiques de l'intervention des forces de sécurité mais rappelle aussi aux propriétaires et aux bailleurs les responsabilités qu'ils ont en la matière. C'est un dispositif équilibré, alors que celui du Sénat, outre qu'il est difficile à appliquer, met l'accent sur la sanction et aboutit à déresponsabiliser encore davantage les propriétaires et les bailleurs. En revanche, nous approuvons l'amendement du Sénat qui permet de sanctionner ceux qui voyagent régulièrement en train sans titre de transport.

L'opposition a de nouveau déposé tous ses amendements, notamment en vue de réformer l'ordonnance de 1945. Cette question n'est pas taboue pour nous, mais nous préférons appliquer pleinement les textes en vigueur avant de les réformer.

M. Jean-Luc Warsmann - Vous êtes au Gouvernement depuis quatre ans !

M. Jean-Pierre Blazy - Des dispositions sur l'errance des mineurs existent déjà, et si aussi peu de maires y ont recouru, c'est que l'efficacité d'une telle mesure n'est pas évidente : seulement 18 arrêtés de couvre-feu ont été pris et 10 enfants reconduits chez eux.

M. Jean-Luc Warsmann - Le but est justement la dissuasion !

M. Jean-Pierre Blazy - Vous avez néanmoins fait de ces mesures un étendard, alors même que le Président de la République estime que le terme de couvre-feu n'est pas approprié.

En ce qui concerne le renforcement du pouvoir des maires, j'ai lu les différents textes des groupes de l'opposition.

M. Michel Herbillon - Saine lecture !

M. Jean-Pierre Blazy - Ils sont pour le moins nuancés. Le RPR propose des expérimentations dans les villes de plus de 30 000 habitants. Le groupe DL propose de confier au maire la responsabilité de coordonner les acteurs de la police locale. L'UDF veut lui confier celle d'une police de proximité et Alternance 2002 propose de placer le maire au c_ur de la politique de sécurité... en organisant une meilleure information ! Je trouve un début d'explication à ce foisonnement d'idées dans les échéances électorales qui s'annoncent, mais je crains qu'elles ne mènent tout simplement au démantèlement de la police nationale. Chacun souhaite renforcer le rôle du maire dans la coopération, mais c'est bien ce que nous faisons depuis quatre ans !

M. Michel Herbillon - Pas du tout !

M. le Président - Veuillez conclure, Monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy - Ce texte renouvelle les bases juridiques de la sécurité. L'initiative parlementaire l'a grandement renforcé. La coproduction de la sécurité, qui permet d'associer étroitement tous les intervenants, est établie comme principe de base.

M. Michel Herbillon - Ce sont des mots !

M. Jean-Pierre Blazy - La sécurité n'est pas un problème de droite ou de gauche. Les Français attendent des réponses concrètes, et ils jugeront nos actes et non pas nos paroles.

C'est pourquoi le groupe socialiste votera ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Goasguen - Voici un texte qui n'est ni de droite, ni de gauche : l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Les droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ». Mais garantir cette sûreté ne passe pas que par des lois et des moyens supplémentaires. La sécurité repose en grande partie sur la crédibilité du Gouvernement, une crédibilité que vous avez entièrement perdue, si vous l'avez eue un jour. La tolérance zéro par exemple, chère aux anglo-saxons, ne s'obtient pas par des mesures législatives. Elle s'obtient par la conviction de chacun que celui qui contrevient aux règles est sanctionné. L'exemple de New York, où la délinquance décroît en même temps qu'on diminue le nombre des policiers, prouve bien qu'il s'agit d'un phénomène essentiellement psychologique, voire culturel. Or depuis trente ans, la gauche confond sanction et répression. Il n'y a qu'à se rappeler le cri de 1968, ridicule de démagogie, « CRS-SS », qui a jeté le discrédit sur les policiers. Il n'y a qu'à voir ces procès faits aux policiers qui ont tiré en état de légitime défense. Il n'y a qu'à voir la plaque que vous déposez pour commémorer la répression de la manifestation de 1961 - mais vous n'étiez pas là, Monsieur le ministre - en oubliant totalement les policiers qui sont morts dans les attentats contre les commissariats.

Ne vous étonnez donc pas que la sécurité ne colle pas à l'image de votre gouvernement. Êtes-vous crédible quand le Premier ministre qualifie l'attaque d'un chauffeur de bus d'incivilité ? C'est un délit ! Êtes-vous crédible lorsque vous annoncez des chiffres mais que, chacun le sait, tout est fait pour décourager les mains courantes ? Je vous mènerai dans des commissariats pour vous le faire constater !

M. le Ministre - J'y vais tous les jours !

M. Claude Goasguen - Croyez-vous que personne ne se rende compte que vous avez brusquement changé de politique quand Jean-Pierre Chevènement progressait dans les sondages ?

Sur les raves-parties, on pourrait tenir un sottisier des propos de la gauche. Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste, accusait les amendements de la droite de méconnaître totalement la culture techno. D'autres s'étonnent que la police ne comprenne pas que les raves sont leurs meilleurs alliés ! Christophe Caresche a même dit que changer de cap et aller vers plus de répression donnerait le sentiment d'un souci électoraliste. Vous voyez que personne, même dans votre propre camp, ne croit à votre changement de position. D'ailleurs, pourquoi réservez-vous votre projet de politique globale de sécurité au congrès socialiste et vous gardez-vous de le présenter à l'Assemblée nationale ?

Vous essayez désespérément de raccrocher les wagons. Aujourd'hui, vous refusez de vous attaquer à la délinquance des mineurs mais vous reprendrez nos amendements dans quelques mois. Vous refusez - pourtant ancien maire du XVIIIe arrondissement - de voir l'extension de la prostitution dans les grandes villes et les trafics, notamment de drogue, qu'elle attire. Vous ne voudriez vous y attaquer qu'après les élections...

Lundi, nous nous félicitions des postes créés dans l'Éducation nationale et l'Enseignement supérieur. Ce n'est certes pas M. Lang qui parlerait de redéploiements ! Alors comment se fait-il que votre ministère ne dispose que de si peu de moyens ? Comment vous êtes-vous débrouillé pour obtenir seulement 3 000 créations de postes dans un domaine prétendument prioritaire ?

M. le Ministre - Vous en avez supprimé !

M. Claude Goasguen - Les professionnels en réclament une dizaine de milliers !

Je ne veux pas vous accabler : vous êtes en situation difficile et l'on n'accable pas un ministre contesté par son Premier ministre...

M. le Ministre - M. Goasguen est toujours élégant !

M. Claude Goasguen - Vous vous êtes mal débrouillé lors des arbitrages budgétaires. Vous n'offrez pas au pays la politique de sécurité qu'il réclame en priorité. C'est la raison pour laquelle nous sanctionnerons cette loi, tout en votant les amendements utiles.

J'entends parler sur les bancs de la gauche de « droite barbelée ». Mais je préfère appartenir à la « droite barbelée » qu'à la gauche débordée ! Je voterai donc, avec le groupe DL, contre votre texte (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Noël Mamère - Le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne que nous examinons en dernière lecture est devenu un texte fourre-tout, remanié au gré des événements, dont l'électoralisme grossier n'échappera à personne. Après les attentats du 11 septembre, il prend une autre dimension. La Commission nationale consultative des droits de l'homme a souligné les dangers qu'il recèle et regretté la procédure d'urgence visant à le faire adopter au forceps. La Ligue des droits de l'homme a critiqué ses dispositions liberticides, appelé le Gouvernement à s'abstenir de toute législation d'exception - toujours dangereuse pour la démocratie -, et demandé au Premier ministre de saisir le Conseil constitutionnel en cas d'adoption du texte.

A l'instar de ces organisations, les Verts s'inquiètent du caractère inutile, inefficace et attentatoire aux libertés individuelles et collectives de ce projet. Ils le refusent, pour trois raisons.

En premier lieu, ce texte risque de mettre à mal la cohésion sociale de notre pays. Alors que toutes les personnes qui vivent en France ont droit en tous lieux et en toutes circonstances au respect de leur opinion et à une totale égalité de traitement, nous avons là une loi de stigmatisation sociale. Les sénateurs ont proposé un amendement qu'il fallait oser inventer : six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende pour les personnes qui se rassemblent à quelques-unes devant la porte d'un immeuble. Voilà qui contribuera à pacifier nos cités !

La palinodie de l'amendement Mariani sur les raves-parties est l'un des exemples les plus criants de cette dérive sécuritaire. Outre qu'on ne comprend pas en quoi un amendement spécifique aux rassemblements liés aux musiques électroniques relève d'une loi sur la sécurité, la valse-hésitation qui a précédé son adoption est caractéristique d'une politique à courte vue.

Alors que des centaines de jeunes meurent chaque année dans les accidents de voiture après avoir absorbé de l'alcool dans des boîtes de nuit, tenues par des lobbies, vous vous attaquez à des dizaines de milliers d'autres jeunes qui ne veulent pas se retrouver dans les chemins balisés de la musique commerciale.

M. Michel Herbillon - C'est du jeunisme !

M. Noël Mamère - En deuxième lieu, ce texte est une loi de circonstance inspirée par une conception médiatique et politique de la lutte antiterroriste. Celle-ci devrait pourtant éviter les bavures et les dérapages suscités par un amalgame entre terrorisme, immigration, contestation civile, opposition politique ou petite délinquance.

La perquisition des véhicules, autorisée par un magistrat pour un motif quelconque, les contrôles de sécurité et palpations par des vigiles hors de tout cadre judiciaire, les interrogations et confrontations à distance, la surveillance et l'accès aux données de communications téléphoniques et sur Internet, y compris cryptées, la perte de contrôle des juges sur les procédures de décryptage, la remise en cause du droit à l'anonymat et à la confidentialité des échanges, laisseraient le champ libre à des pratiques arbitraires et discriminatoires. Ces mesures sont applicables jusqu'à la fin 2003. Pourquoi une date si éloignée ? Espère-t-on sérieusement en avoir fini avec le terrorisme le 31 décembre 2003 à minuit ?

Enfin, les treize articles additionnels insérés par le Gouvernement après la commission mixte paritaire outrepassent à l'évidence le droit d'amendement et constituent un véritable détournement de procédure constitutionnelle.

En troisième lieu, un texte de loi fourre-tout ne remplace pas une politique à laquelle il faudrait objectifs et moyens nouveaux.

Les Verts ne voteront pas un texte creux et sans projet où s'entremêlent lutte contre le terrorisme, lutte contre les raves-parties, défense de la sécurité dans le jardin du Luxembourg, les ports et à la SNCF, transports de fond, contrôle de l'Internet... Cet inventaire à la Prévert serait ridicule s'il ne relevait pas d'une course incohérente à l'échalote...

Les lois de circonstances ne sont jamais de bonnes lois. Elles « s'incrustent » dans la législation. Rappelons les lois scélérates de 1893, destinées à combattre les menées anarchistes, ou la loi du 10 janvier 1936 réprimant les groupes fascistes.

Il y a quelques années, lorsque l'extrême droite était à son zénith, le débat politique se concentrait sur l'immigration. Aujourd'hui, la droite, malheureusement suivie par une partie de la gauche, a résolu de faire de la sécurité son thème de campagne, et ce sont les jeunes qui sont considérés comme les nouveaux barbares. Cela suffit ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

La plupart de ces mesures ne seront pas efficaces et resteront lettre morte. Nous le savons tous, ce dont nous avons besoin, c'est d'un redéploiement des forces de police, d'une redéfinition de leurs missions, de dispositifs d'aides aux victimes, de nouveaux moyens pour retisser du lien social. Une politique fondée sur la peur et le « tout répressif » est condamnée à moyen et à long terme.

Redonnons la parole à toute la société...

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Noël Mamère - ...et retrouvons ensemble les chemins d'un projet qui laisse place à l'espoir et refuse la désespérance. Seules les libertés doivent être immuables.

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MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe UDF une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Henri Plagnol - Le projet de loi dont nous débattons a changé de nature à la suite des attentats du 11 septembre, qui ont amené le Gouvernement à y introduire en urgence des mesures de protection contre la menace terroriste. Vous reconnaîtrez, Monsieur le ministre, que l'opposition a répondu à cette demande et qu'il est tout à l'honneur de notre assemblée et de l'ensemble des partis politiques d'avoir ainsi su dépasser les clivages traditionnels.

Cette motion ne vise donc en aucun cas à contester cette partie du projet de loi, que l'UDF votera sans états d'âme. Permettez-moi cependant de regretter que la conversion de la gauche sur un sujet aussi grave ait été aussi tardive. Edouard Balladur avait en effet déposé un projet autorisant la fouille des véhicules, mesure que le Conseil constitutionnel a censurée à la suite d'une saisine dont vous étiez cosignataires, Monsieur le député. Peut-être n'en serions-nous pas là en Corse et peut-être les assassins du préfet Erignac se heurteraient-ils à plus de difficultés si vous aviez soutenu ces dispositions à l'époque.

Je n'aurai pas la cruauté d'insister, comme l'ont fait certains de mes collègues, sur les revirements successifs de la majorité en ce qui concerne la nécessité de légiférer sur les « free-parties ». Noël Mamère vient de dénoncer cet amendement comme liberticide et attentatoire à la jeunesse, à la créativité et à la culture. Que de leçons de morale pour des événements qui suscitent des troubles considérables à l'ordre public ! Sans doute n'avez-vous pas vu, Monsieur Mamère, ces jeunes transformés en zombies par ces nuits de création culturelle qui mènent certains d'entre eux à la mort. Nous vous savons donc gré, Monsieur le ministre, de vous être battu pour convaincre votre majorité - non sans difficulté si j'en juge par les états d'âme du rapporteur - de voter cette mesure de bon sens. Nos concitoyens n'auraient pas compris que les raves-parties demeurent seules soustraites à une déclaration préalable autrement moins décourageante que les formalités imposées aux manifestations sportives ou culturelles. Pour des raisons tenant à la sécurité publique et à la protection sanitaire, il était urgent de légiférer et nous voterons cette disposition.

Ma motion porte sur l'objet initial et essentiel du texte, à savoir la sécurité quotidienne des Français.

Les mesures proposées, que je qualifierai volontiers à mon tour d'inventaire à la Prévert, ne sont pas à la mesure de la gravité de la situation. Notre pays est confronté à une vague de délinquance sans précédent, qui n'épargne plus aucune partie du territoire, comme en témoignent les événements survenus à Thonon-les-Bains. De Béziers à Amiens, en passant par Strasbourg et par tous les départements urbains, il n'est pas de semaine où l'on n'assiste pas à des incidents dramatiques. Les chiffres révèlent l'ampleur de l'échec du Gouvernement : la délinquance bat le record des dix dernières années en enregistrant une augmentation de 10 % en un semestre et la délinquance des mineurs explose, ce qui est particulièrement inquiétant pour notre société. Nos concitoyens, mais aussi les acteurs que sont les policiers et les magistrats vous ont interpellé. Pas plus tard qu'hier, l'association des magistrats instructeurs vous demandait de réviser les blocages de la loi qui leur interdisent de remplir efficacement leur mission. Ils vous rappellent qu'il est vain de vouloir opposer policiers et magistrats, les uns et les autres étant des exécutants dévoués, et que c'est à nous de prendre nos responsabilités.

Comment expliquer que le projet de loi ne dise pas un mot des deux grandes questions qui alimentent le malaise dans notre démocratie, celle de la restauration d'une politique pénale dissuasive pour le crime...

M. Claude Goasguen - Très bien !

M. Henri Plagnol - ...et celle de la délinquance des mineurs ? C'est là ce qui motive à notre sens le renvoi en commission.

Toutes les études comparatives menées dans les démocraties occidentales s'accordent à reconnaître la certitude de la sanction comme le seul fondement d'une politique pénale efficace.

M. Claude Goasguen - Très bien !

M. Henri Plagnol - Sans certitude de la sanction, il ne peut y avoir de dissuasion, donc de prévention du crime.

Or, nous avons mis à mal tous les mécanismes qui la garantissent, alors qu'elle est la condition même de l'exercice de la responsabilité individuelle, qui devrait être une valeur partagée par tous ces bancs, car elle est, en définitive, le fondement du pacte républicain et de la démocratie.

Or, le Gouvernement s'est trompé de priorité. Mme Guigou a consacré l'essentiel de son temps à créer une agitation sur le thème de l'indépendance de la justice, en tentant de faire croire aux média et à l'opinion que les affaires politico-judiciaires constituaient la priorité pour nos concitoyens. Mais quelques affaires qui agitent le milieu médiatique, c'est la paille qui dissimule la poutre, alors que pendant ce temps les criminels sont de moins en moins réprimés.

On a même abandonné le principe de la subordination hiérarchique du Parquet, représentant de l'Etat et de la société. Il est temps de rompre avec les discours ronflants sur l'indépendance du Parquet et de revenir à une politique pénale définie par le Garde des Sceaux, responsable devant notre assemblée.

Que reste-t-il de la démocratie quand le Parlement ne peut pas débattre sérieusement des questions de justice parce que à chaque fois la Garde des Sceaux renvoie à une sacro-sainte indépendance, confondant la magistrature assise et le Parquet ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR)

Mais le mal ne s'arrête pas là. Je suis l'élu du Val-de-Marne, qui a été ensanglanté récemment par l'assassinat de deux jeunes policiers, au Plessis-Trévise. Le principal responsable de cette tragédie semble être M. Bonnal, dit « Le chinois », qui avait été remis en liberté, après deux ans de détention provisoire, par la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris et qui est également soupçonné d'avoir assassiné quatre autres personnes dans l'Essonne. Cette affaire a suscité un émoi considérable. Vous le savez, Monsieur le ministre, vous étiez à l'enterrement des deux policiers. J'ai moi-même tenu à participer à la marche silencieuse fort digne (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui a eu lieu à Créteil et qui n'a donné lieu à aucune récupération politique (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

L'affaire Bonnal soulève au moins trois questions.

La première, c'est comment se fait-il qu'un criminel aussi dangereux, qui tue chaque fois qu'il est remis en liberté, ait pu être condamné à des peines aussi courtes ? Il faut en revenir à des peines incompressibles pour les assassins récidivistes.

Deuxième question, pourquoi a-t-il fallu plus de deux ans d'enquête alors que les faits étaient accablants, ce qui a abouti à la libération de Bonnal ? Cela signifie que la justice n'est plus en mesure aujourd'hui de répondre à sa mission.

Troisième question, comment la chambre d'instruction a-t-elle pu commettre une erreur aussi grave ? Vous-même, Monsieur le ministre, vous êtes exprimé à ce sujet.

Il était donc indispensable, dans un texte sur la sécurité quotidienne, de remédier aux blocages dus à la complexité des procédures, qui accentuent le déséquilibre entre la nécessaire protection des victimes et la présomption d'innocence. Ce déséquilibre a été encore aggravé par la loi sur la présomption d'innocence, que nous n'avons pas votée.

M. Christophe Caresche - Vous vous êtes abstenus, hypocrites !

M. Henri Plagnol - Il aurait fallu, au minimum, revoir les seuils qui paralysent les procédures. Les juges d'instruction ne peuvent plus mener à bien leurs enquêtes parce que les avocats, et c'est normal, multiplient les requêtes en annulation pour des motifs de procédure. Même pour un fait mineur, il faut aujourd'hui un dossier de 50 pages avant de décider une détention provisoire ! Même pour un criminel multirécidiviste pris en flagrant délit, il faut faire intervenir jusqu'à 9 professionnels pour boucler le dossier !

Cette complexité asphyxie la justice et décourage les policiers, qui voient remis en liberté les criminels qu'ils ont arrêtés.

Ce sera le rôle du futur gouvernement (« de la gauche ! » sur les bancs du groupe socialiste) après les élections, que de remettre à plat la loi sur la présomption d'innocence.

Autre grande absente de votre projet, la politique pénitentiaire. Aujourd'hui la situation des prisons est dramatique. Les détenus y sont entassés sans possibilité de séparer les récidivistes des primo-délinquants ni d'isoler les criminels les plus dangereux. Il est donc urgent de mettre en place une loi-programme sur les prisons.

Deuxième lacune, la plus grave, la délinquance des mineurs. Sur ce sujet nous aurions pu nous rassembler car le problème n'est ni de gauche, ni de droite, c'est le défi majeur lancé à la société française. Votre collègue Julien Dray vous a invités, dans un rapport, à prendre des mesures, dès la maternelle, pour protéger les enfants fragiles et empêcher qu'ils ne deviennent des délinquants. Les premières victimes de la délinquance des mineurs, ce sont les jeunes enfants, instrumentalisés par les plus grands. Un rapport scientifique récent a montré qu'à Créteil des enfants de 8 ans servaient de relais auprès des consommateurs de drogue, pendant que les grands frères attendent dans les appartements ! Ce problème appelle une mobilisation massive pour prendre les mesures de prévention et les sanctions nécessaires.

Vous n'avez rien prévu pour remettre les maires au c_ur du dispositif de lutte contre la délinquance. Qu'attendez-vous pour créer un conseil des réparations, placé sous l'autorité du maire, qui prendrait les mesures appropriées en cas de premier délit ? Vous avez refusé tous nos amendements sur ce sujet.

Dans l'opposition, nous avons su répondre à votre appel pour ne pas perdre de temps face à la menace terroriste. Cette union nationale, pourquoi ne pas la faire aussi sur la délinquance des mineurs ou la politique pénale ? Nous avons proposé des amendements : aucun n'a été retenu. C'est pourquoi l'UDF propose le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Michel Herbillon - Monsieur le ministre, votre majorité a aujourd'hui une formidable opportunité, celle de voter le renvoi de ce texte en commission (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ce qui vous permettrait de présenter enfin un projet à la hauteur de la gravité de la situation et des attentes des Français.

Au lieu de cela, vous nous présentez un texte fourre-tout, qui est le résultat de la trop lente conversion idéologique de votre majorité, dont on a encore pu mesurer ce matin la division sur ce sujet. Ce sont les Français qui paient le prix de ces atermoiements.

Nous ne trouvons dans ce texte rien de ce que souhaitent nos compatriotes. Rien sur la réforme de l'ordonnance de 1945, alors que la délinquance des mineurs est de plus en plus violente et précoce. Rien sur le rôle des maires, alors que tout le monde estime qu'ils doivent être mis au c_ur de la politique de sécurité. Vous savez bien que les contrats locaux de sécurité sont un échec : lors d'un de vos nombreux colloques, on a constaté que dans les deux tiers des 217 villes signataires étudiées, la délinquance avait augmenté.

Et on sait pourquoi. J'ai moi-même signé un contrat local de sécurité pour Maisons-Alfort : mais le Gouvernement est incapable de respecter ses engagements, il n'a mis à disposition que la moitié des adjoints de sécurité prévus. C'est d'ailleurs une erreur que d'asseoir la politique de sécurité sur ces adjoints mal formés, mal payés, mal encadrés. Il aurait fallu engager un plan massif de recrutement de policiers titulaires (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Le principal échec du gouvernement Jospin, c'est la politique de sécurité, comme le constatent nos compatriotes exaspérés. Au lieu de réunir le consensus nécessaire sur cette urgence civique, vous présentez un texte qui ne répond absolument pas aux attentes.

Nous vous avons fait des propositions sur la réforme de l'ordonnance de 1945, sur le rôle des maires, sur la nécessité d'une sanction ou d'une réparation dès le premier délit... Car nous voulons une politique ambitieuse en matière de sécurité. Mais vous, vous n'en faites qu'un instrument de communication...

M. Jean-Pierre Blazy - Et vous de démagogie !

M. Michel Herbillon - A l'approche des élections, vous voulez être en mesure de dire : voyez tout ce que nous faisons. Mais les Français voient ce qu'il en est réellement (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Christian Estrosi - La gauche se rend compte tous les jours qu'elle a joué les apprentis sorciers depuis 1997. Elle a généré un incroyable degré d'insécurité et aujourd'hui elle en est elle-même effrayée. Mais comme elle est enfermée dans une idéologie sectaire, elle passe son temps à s'excuser des mesures qu'elle pourrait présenter, sans oser le faire jusqu'au bout.

L'actuel ministre de l'intérieur fait preuve pourtant, sur certains points, de détermination et j'apprécie certains des reproches qu'il formule à l'encontre de sa collègue, Mme la Garde des Sceaux, et plus généralement de la justice. Reste qu'un débat complet sur le thème qui nous réunit aujourd'hui aurait exigé que siègent côte à côte M. Daniel Vaillant et Mme Lebranchu. Car il n'est pas normal que les délinquants interpellés en flagrant délit par les policiers ou les gendarmes - auxquels je rends hommage - soient relâchés quelques heures plus tard par des magistrats qui soit disent que les textes législatifs ne leur permettent pas de retenir ces gens plus longtemps, soit considèrent avant tout les délinquants comme des victimes de la société. On comprend que les Français soient exaspérés.

Nous avions précisément l'occasion d'évoquer toutes les facettes du problème, par exemple une meilleure coordination de toutes les forces de sécurité, police, gendarmerie mais aussi douanes, placées sous l'autorité de trois ministères différents - intérieur, défense, budget. Nous sommes passés à côté de cette occasion de rassurer les Français et de prévoir une juste sanction pour chaque acte de délinquance. Je le regrette et c'est parce que le travail est loin d'être achevé que j'invite mes collègues à se remettre à l'ouvrage et donc à voter ce renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Rudy Salles - Qu'ajouter à tout ce qui vient d'être dit ?

Plusieurs députés socialistes - Rien !

M. Rudy Salles - M. Mamère a dit tout à l'heure qu'une partie de la gauche avait rejoint la droite en matière de sécurité. On voit par là combien les dissensions sont vives au sein d'une majorité plurielle dont on se demande si elle existe encore (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Cette droite vous propose, Messieurs, un oral de rattrapage sous forme de renvoi en commission. Saisissez l'occasion !

Car croyez-vous que notre débat intéresse les Français ? Non, car ils ne comprennent pas que la droite et la gauche s'affrontent sur un sujet qui appellerait l'union nationale.

M. Jean-Pierre Blazy - Alors votez le projet !

M. Rudy Salles - Ce n'est pas possible car vous avez refusé systématiquement toutes nos propositions et parce que nous n'accordons pas foi à toutes vos volte-face. Vous n'avez pas de réelles convictions en matière de sécurité tandis que nous, nous n'avons pas changé.

Un exemple : en 1996, le Gouvernement de l'époque avait proposé que les policiers puissent entrer dans les ateliers pour vérifier que ceux-ci n'emploient pas de travailleurs clandestins. C'était le bon sens car les inspecteurs du travail n'ont pas les moyens de mener toutes les investigations nécessaires. Que n'avons-nous alors entendu comme invectives ! La gauche a parlé de mesures « liberticides », de régime de Vichy, que sais-je encore... Mais quand elle est arrivée au pouvoir en 1997, M. Chevènement n'est pas revenu sur cette mesure et tout le groupe socialiste a fait chorus avec lui pour la qualifier d'excellente. Je n'en croyais pas mes oreilles. Seul le groupe communiste est alors resté fidèle à sa position.

De grâce, donc, ne nous donnez pas de leçons en matière de sécurité ! Depuis 1997, la délinquance ne cesse d'augmenter et dans des proportions tellement fortes que vous êtes obligé de réagir. C'est donc sous la pression du peuple que vous avez déposé ce projet, et parce que l'approche des élections vous oblige à un affichage de mesures sécuritaires. Nous pensons quant à nous que ce projet mérite d'être revu et c'est pourquoi le groupe RPR votera le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

Je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.

Ces amendements, conformément aux articles 45, alinéa 4, de la Constitution, et 114, alinéa 3, du Règlement reprennent des amendements adoptés par le Sénat au cours de la nouvelle lecture à laquelle il a procédé.

M. Jean-Luc Warsmann - Notre amendement 2, de bon sens, tend à ce que le procureur de la République informe le maire des crimes, délits et contraventions de la cinquième classe dont il a connaissance sur le territoire de la commune.

M. Claude Goasguen - Je regrette que le ministre n'ait pas cru devoir répondre aux orateurs de la discussion générale. Ce n'est pas conforme à la coutume parlementaire.

L'amendement 77 est identique à l'amendement 2. Actuellement, les gens s'adressent à leur mairie pour savoir ce qui se passe mais les maires n'ont pas les moyens de leur répondre. La mesure que nous proposons ne devrait pas gêner les partisans d'une coproduction de la sécurité.

M. le Rapporteur - Les circulaires de 1999 et mai 2001 ont fixé le cadre de l'information partenariale. Outre les contrats locaux de sécurité, des groupes locaux de traitement de la délinquance ont été mis en place.

Cet amendement est gentillet, mais irréalisable. La commission l'a donc à nouveau repoussé.

M. le Ministre - Monsieur Goasguen, j'ai tout mon temps mais je crois savoir qu'il était difficile d'envisager une séance de nuit. Je vous répondrai donc au fur et à mesure de la discussion des amendements. Je ne crains nullement le débat avec vous, mais il a déjà largement eu lieu. Vous êtres contre ce texte, vous avez voté les trois motions de procédure tendant à empêcher son adoption : les Français apprécieront, eux qui sont demandeurs des mesures que nous prenons.

Je me suis longuement exprimé au Sénat sur les amendements qui avaient déjà été repoussés par l'Assemblée et que l'opposition reprend à nouveau. Je suis évidemment contre leur économie générale et je ne reprendrai pas la parole sur chacun d'entre eux.

La police, nous le voyons particulièrement en ce moment, doit rester sous un commandement unique. La municipaliser,...

M. Jean-Antoine Leonetti - Arrêtez de caricaturer !

M. le Ministre - ...c'est-à-dire lui faire prendre ses ordres directement du maire (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR), la placer en tout ou partie sous l'autorité du maire, ou encore obliger les procureurs de la République à rendre compte de leurs actions sont des propositions dangereuses. En démembrant la police nationale, en surchargeant les parquets de tâches administratives, on amoindrira leurs capacités opérationnelles. Pour être efficace en matière de sécurité, il ne faut pas organiser des compétences factices.

Le Gouvernement a opté, et c'est un choix politique majeur, pour une plus grande association des maires à la fixation des objectifs incombant aux services de police, sans bouleverser la répartition des compétences entre l'Etat et les communes. Les forces de police ont d'ailleurs exprimé à travers tous leurs syndicats représentatifs leur hostilité au démantèlement que propose l'opposition.

MM. Michel Herbillon, Jean-Antoine Leonetti et Jean-Luc Warsmann - Il ne s'agit pas du tout de cela !

M. le Ministre - C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces amendements et à la série qui va suivre. Il en va de la survie de notre pacte républicain.

M. Christian Estrosi - Monsieur le ministre, c'est sous ce gouvernement que le pacte républicain a explosé... A traiter les parlementaires comme vous le faites, en ne répondant pas à leurs propositions, en caricaturant leur propos, vous galvaudez le débat parlementaire.

Vous savez pertinemment que le maire est le dernier informé de ce qui se passe dans sa commune. Nous ne faisons dans ces amendements que proposer que le maire soit informé par le procureur de la République plutôt que par la presse locale. Ne serait-ce que pour conduire sa politique sociale, sa politique de la ville, sa politique de prévention, le maire a besoin d'être informé.

Par ailleurs, nous ne parlons pas de municipalisation mais nous constatons que la police elle-même demande à être en relation avec le maire. Nous déplorons que vous refusiez d'entrer dans le vif du débat. Il faudra bien le faire. Je vous donne d'ores et déjà rendez-vous !

Comme vous, nous sommes attachés au pacte républicain et au rôle éminent de la police nationale, dont nous ne proposons en rien le démantèlement. Constatant que nos compatriotes se tournent vers leur maire, nous proposons que celui-ci soit mieux informé et mieux associé à la politique de sécurité. Vous parlez de coproduction de sécurité, mais vous n'en donnez pas les moyens au maire !

Trouvez-vous normal que ce soit la préfecture qui pilote les contrats locaux de sécurité, et que nous les maires recevions des instructions qui viennent contredire les contrats que nous avons signés ?

Les amendements 2 et 77, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, après les questions au Gouvernement.

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RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et réformant le droit des successions.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale