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Session ordinaire de 2001-2002 - 23ème jour de séance, 54ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 9 NOVEMBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite) 2

      AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COOPÉRATION
      (nouvelle procédure) 2

      ÉTAT B, TITRE IV 20

La séance est ouverte à neuf heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002.

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AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COOPÉRATION (nouvelle procédure)

M. le Président - Nous abordons la discussion des crédits du ministère des affaires étrangères concernant les affaires étrangères et la coopération. Elle se déroulera suivant la nouvelle procédure budgétaire définie par la Conférence des présidents. En conséquence, les travaux que la commission des affaires étrangères a consacrés à ces crédits en réunion élargie et les réponses du Gouvernement aux questions écrites des groupes seront annexés au compte rendu de la présente séance.

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires étrangères - Ce budget du ministère des affaires étrangères n'est pas celui que j'aurais aimé défendre devant vous. A l'évidence, il n'est pas prioritaire.

Après une saignée qui a fait disparaître plus de 895 emplois, soit 9 % des effectifs, en dix ans, l'heure est à la stabilité.

Les crédits des affaires étrangères pour 2002 s'élèveront à 3,663 milliards d'euros, progressant apparemment de 7,8 %. Mais, à structure constante, leur croissance se limite à 1,6 %, soit une évolution identique à celle des prix à la consommation.

Stabilité, diront les optimistes, stagnation diront les réalistes. Les crédits des affaires étrangères représenteront 1,37 % du budget de l'Etat, ce qui est mieux que les 1,28 % de l'an dernier mais reste loin de l'âge d'or des années 1992-1993, où leur part atteignait 1,68 %.

Le budget du Quai d'Orsay ne regroupe, il est vrai, qu'une partie des dépenses d'action extérieure de la France. L'effort national total, y compris les comptes spéciaux du Trésor et la contribution de la France aux dépenses d'action extérieure de l'Union européenne, s'élève à 8,92 milliards d'euros et progresse de 4,68 %.

Les effectifs budgétaires et les contributions volontaires sont emblématiques de nos difficultés. Les premiers diminuent de cinq unités, trois emplois étant supprimés et deux transférés aux services généraux du Premier ministre.

Toutes les demandes présentées par le Quai d'Orsay - création de vingt postes consulaires dans les pays sensibles, remplacement des CSN informaticiens par dix emplois contractuels et création de trois postes d'assistantes sociales - ont été refusées.

L'opposition du ministère des finances à ces demandes est préjudiciable aux intérêts de la France.

Les contributions volontaires - pour l'essentiel aux programmes et fonds des Nations unies - augmenteront de 1,26 %, après une baisse supérieure à 67 % entre 1990 et 1998.

Je me réjouis de leur progression pour la troisième année consécutive, qui ne situe cependant la France qu'à un modeste douzième rang mondial. Pour maintenir notre influence et notre présence dans les conseils d'administration, il aurait fallu augmenter nos contributions de 62 millions de francs supplémentaires. Je regrette que cette demande du ministère n'ait pas été satisfaite.

Nous sommes passés du quatrième au dix-huitième rang des contributeurs au Haut commissariat pour les réfugiés entre 1995 et 1997. Notre contribution au PNUD est trois fois plus faible qu'en 1993. La directrice générale de l'UNICEF m'a récemment fait observer que ses achats de vaccins à la France représentaient cinq fois le montant de notre contribution volontaire !

Les agences des Nations unies jouent un rôle majeur en faveur du développement, de la bonne gouvernance ou de l'aide humanitaire, notamment dans le tiers-monde. Il faut donc leur offrir des contributions à la hauteur du rôle international que nous entendons jouer.

Pour la quatrième année consécutive, le budget progresse légèrement en francs courants. L'hémorragie des années 1994-1997 est désormais jugulée.

Nous restons cependant loin de la reconquête annoncée, le ministère se heurtant aux comptables des finances.

La thèse de Bercy a le mérite de la simplicité et de la constance : la France a un réseau diplomatique et consulaire surdimensionné, comparé à celui des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne ou de l'Allemagne. A cette approche exclusivement quantitative, qui n'est étayée par aucune analyse politique, le Quai d'Orsay doit apporter une réponse publique, transparente et argumentée.

Le ministère des finances lui reproche aussi de ne pas avoir arbitré entre les coopérations bilatérales et multilatérales et, au sein du multilatéral, entre les institutions. Cet irritant jeu de ping-pong doit cesser.

Les sommes en jeu sont extraordinairement modestes au regard des enjeux politiques.

Pour que la France reste fidèle à son rôle historique et à ses ambitions internationales, il manque 60 millions de francs à nos contributions volontaires aux Nations unies. Pour que le budget des affaires étrangères permette à la France de tenir son rang dans le concert des nations, il manque 200 millions de francs.

Pour assurer la politique internationale de la quatrième puissance mondiale, conduire notre politique de coopération internationale, défendre notre culture et notre langue, maintenir notre influence, notamment en Afrique, le quai d'Orsay dispose d'un budget à peine supérieur à celui des anciens combattants. Il serait temps que les choix politiques déterminent enfin les moyens, et non l'inverse.

Je retiens cependant de ce budget qu'il stabilise les crédits et offre un espoir d'évolution. C'est pourquoi je vous invite à le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe RPR).

M. Pierre Brana, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les affaires étrangères - Notre pays n'a pas attendu le 11 septembre pour prendre conscience des tensions Nord-Sud et des frustrations qui s'expriment à travers le terrorisme. Cette date marque cependant un tournant. La réponse à ces actes odieux passe par une mobilisation internationale contre leur terreau : la pauvreté. Nous sommes donc convaincus que ce budget est trop serré, mais comme le ministre des finances partage, si j'en crois la presse, notre volonté de lutter contre la pauvreté, nous espérons que les 250 millions rognés fin juin pourront être réinjectés.

Ce budget augmente depuis trois ans et atteint désormais 1,36 % de celui de l'Etat. Nous restons cependant loin du seuil minimal de 1,5 % qui nous épargnerait le grand écart entre un discours ambitieux et des moyens insuffisants.

Le ministère a réagi vite et bien aux difficultés rencontrées par les acteurs du réseau culturel en dégageant quelques dizaines de millions de francs, amorce d'un plan triennal. Il conviendrait cependant de redéfinir des priorités géographiques, thématiques et artistiques en fonction des spécificités culturelles de chacune des grandes régions du monde, tout en continuant bien sûr de veiller à la qualité des personnels. Il faudrait de même porter une attention particulière à TV5 et à RFI, laquelle devrait par exemple pouvoir émettre 24 heures sur 24 en arabe.

L'aide publique au développement, qui se situe actuellement entre 0,32 % et 0,34 % du PIB, doit être abondée afin de se rapprocher de l'objectif de 0,7 % du PIB. Mais cette aide doit surtout être mieux utilisée et profiter d'abord aux populations. Son efficacité suppose une concertation avec tous les acteurs, notamment pour renforcer les interventions de base - scolarisation, soins, développement durable. Le sida, la malnutrition, la famine demeurent des fléaux quotidiens pour une trop large part de l'humanité et malheureusement les mouvements fondamentalistes se nourrissent de ces détresses à des fins totalement étrangères à la cause des victimes des inégalités Nord-Sud.

La France contribue déjà largement au Fonds européen de développement, agit tant sur le plan bilatéral que multilatéral, annule la dette des pays les plus pauvres. Elle doit maintenant rendre son action plus efficace et plus visible. Il est urgent de promouvoir universalisme et humanisme, telle est la principale leçon que je tire des événements du 11 septembre dernier. Respect des droits de l'homme, exigence de démocratie, lutte contre les inégalités, telles sont les valeurs les mieux à même de garantir la stabilité dans le monde.

S'agissant de nos contributions obligatoires auprès de 130 organisations internationales, il conviendrait d'en fixer dès le départ un montant plus réaliste afin de ne pas accumuler les arriérés.

Pour ce qui est de nos participations volontaires, je suis déçu. Nous étions en droit d'attendre une augmentation substantielle. La faiblesse des dotations fait douter du soutien de la France. A titre d'exemple, la contribution de la France au PNUD, qui s'élevait encore à 260,5 millions de francs en 1994 est tombée à 100 millions en 2000. C'est inacceptable. Pour réduire véritablement les inégalités Nord-Sud et éradiquer la grande pauvreté à travers le monde, il faut se donner davantage de moyens.

Au total, ce budget, même si 200 millions de francs supplémentaires lui auraient été nécessaires, comporte de nombreux aspects positifs. Ses priorités permettent de renforcer l'action de la France pour autant qu'elle parvienne à peser davantage dans les instances internationales pour y faire prévaloir ses valeurs humanistes et universalistes. Je vous invite donc, à l'instar de la commission des affaires étrangères, à adopter ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les affaires étrangères - Trois aspects des crédits des affaires étrangères intéressent plus particulièrement la commission de la défense : les opérations de maintien de la paix dans le cadre de l'ONU, la coopération militaire et de défense, l'Europe de la défense.

Les cotisations françaises à l'ONU marquent une consolidation de l'instance internationale. La réorganisation de l'ONU, notamment avec la réforme et le renforcement du Département des opérations de maintien de la paix - DOMP - à la suite des recommandations du rapport Brahimi, font de nouveau d'elle un organisme aux capacités d'action reconnues.

Le DOMP gère de plus en plus d'opérations importantes. La MINUSIL au Sierra Leone occupe 12 000 militaires, la MONUC au Zaïre plus de 2 000, la MINUK au Kosovo plus de 3 000, l'ATNUTO au Timor oriental, la plus importante de toutes, 15 000, enfin la MINUEE entre l'Ethiopie et l'Erythrée, 4 200. Au total, 45 000 militaires se trouvent ainsi mobilisés au service du maintien de la paix, ce qui ne s'était jamais vu depuis longtemps.

La conséquence en est bien sûr une augmentation considérable des dépenses de l'ONU. Les appels de cotisation au titre des opérations de paix sont passés pour la France de 54 millions de dollars en 1998 à 230 millions en 2001 et l'appel initial de 2002 est déjà de 166 millions, soit trois fois supérieur à celui de 1998.

La réussite actuelle de l'ONU tient sans doute à ce que le Conseil de sécurité a renoncé à ce que le DOMP conduise les opérations les plus lourdes, comme en Bosnie, et accepté de déléguer la gestion de celles-ci à ses membres. Le DOMP continue d'assurer des opérations importantes, mais d'intensité moindre.

Malgré le développement des opérations de maintien de la paix, la France n'a pas envoyé de forces supplémentaires. Elle n'a, à juste titre, dépêché que quelques officiers de liaison et observateurs : le Conseil de sécurité doit laisser le DOMP travailler.

Le renforcement des capacités d'action de l'ONU tient également au règlement par les Etats-Unis de la totalité de leurs arriérés, l'Assemblée générale ayant accepté de diminuer leur cotisation à 22 % du budget ordinaire et à 27 % du budget des OMP. L'ONU va ainsi encaisser 1,5 milliard de dollars en 2001 et 2002, à rapporter à son budget annuel de 1,25 milliard de dollars.

La politique de coopération militaire et de défense de la France dépasse largement la gestion des crédits du chapitre 42-29 par la direction de la coopération militaire et de défense du ministère des affaires étrangères. Le ministère de la défense et les armées jouent aussi un rôle crucial.

Les crédits des chapitres 42-29 et 68-80 diminuent de 111 à 105 millions d'euros, soit de 5 % en euros courants et de 7 % en euros constants. C'est une déception. Cette évolution a pour première conséquence l'arrêt du redéploiement du dispositif de la DCMD. Le nombre de coopérants militaires en Europe reste fixé à 23 sur un effectif total de 406, l'Afrique subsaharienne conservant plus de 77 % des effectifs.

La DCMD continue néanmoins de réorienter son action. Les actions de formation militaire représentent désormais 46 millions d'euros. En juin 2001, sur 403 coopérants, 116 étaient affectés dans les écoles. La politique de transfert sur place de la formation se poursuit : quinze écoles nationales à vocation régionale fonctionnent désormais en Afrique, 900 stagiaires sont d'ores et déjà accueillis et 1000 le seront l'an prochain. Une ENVR de gendarmerie devrait également ouvrir en Roumanie. La montée en puissance de ce dispositif permet de recentrer la formation offerte en France sur les formations les plus qualifiantes, tout en réduisant son coût. Alors que notre pays organise 2 175 stages, seuls 1200 le sont en France même, dont 699 pour les ex-pays du champ.

La DCMD continue d'appuyer les gendarmeries et d'accompagner la politique de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix. Un exercice est programmé en 2002 en Tanzanie.

La commission de la défense vous invite à adopter ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial de la commission des finances pour la coopération - Compte tenu de la brièveté du temps qui m'est imparti, j'insisterai sur les espoirs ou les inquiétudes que suscite la politique de coopération française.

Après quarante ans de coopération, force est de constater que l'Afrique, principal destinataire de notre aide, n'a toujours pas pris le chemin du développement. La pauvreté demeure, aggravée en certaines régions par les guerres civiles.

L'aide publique et les capitaux privés se désintéressent d'un continent peuplé de 800 millions d'hommes, et qui en comptera 1,4 milliard en 2020. En outre, elle est de plus en plus le fait d'organismes multilatéraux dont la philosophie libérale et les exigences qu'ils posent conduisent à affaiblir les Etats en détruisant leur administration, seule à même pourtant de répartir l'aide avec un minimum de neutralité.

Malgré de substantiels progrès, il faut revoir la manière dont nous travaillons avec le continent africain. Vouloir imposer nos modèles occidentaux pour les systèmes administratif, judiciaire, hospitalier ou éducatif n'est pas nécessairement la solution : les pays africains ont leurs propres pratiques, souvent consensuelles d'ailleurs, de gestion de leurs sociétés. De même, il ne faudrait pas oublier le critère fondamental du développement, à savoir la croissance des revenus des populations. Nos mécanismes classiques, notamment la bancarisation de l'économie, affectent peu les populations qui tirent leurs ressources d'échanges locaux et n'investissent que grâce au microcrédit.

La coopération française a réformé ses outils et son organisation, il faut s'en féliciter. Malheureusement, les crédits du ministère des affaires étrangères sont à peine stabilisés pour 2002, après avoir régulièrement diminué ces dernières années. Les travaux de la commission des finances ont montré que pour assumer l'ensemble des missions diplomatiques et de développement conformément à nos objectifs, quelques centaines de millions de francs supplémentaires suffiraient. Faut-il rappeler au Gouvernement qu'il n'hésite pas à majorer de plusieurs milliards les crédits de certains grands ministères dépensiers, alors que le contrôle budgétaire fait état d'utilisations pas toujours judicieuses.

Pour soutenir notre politique internationale et de coopération, nous disposons d'un budget à peine supérieur à celui des anciens combattants. Je ne remets là nullement en question la nécessité du devoir de mémoire ni d'aide à ceux qui ont combattu pour la France, mais souhaite seulement montrer que notre effort n'est pas à la hauteur des ambitions bilatérales et multilatérales de la France.

L'aide multilatérale, même si elle reste minoritaire, prend une place croissante. Cela répond à l'orthodoxie budgétaire, souhaitée par nos gouvernements, à laquelle je souscris d'ailleurs.

La part croissante de l'aide multilatérale a accéléré la tendance constatée depuis plusieurs années, à savoir le déclin de l'assistance technique, qui représentait pourtant l'essentiel de la valeur ajoutée apportée par la France dans sa politique de coopération.

Il n'est pas sûr que la qualité de nos interventions soit maintenue si l'assistance technique continue de décroître.

Autre motif d'inquiétude, la dérive de la vocation de l'aide de l'Union européenne. Nous sommes passés d'une solidarité de principe à l'égard des Etats ACP à une politique parcimonieuse de ses deniers. La France, qui a négocié durement pour le maintien des dotations du FED se trouve maintenant en présence d'une réforme de la Commission européenne qui segmente l'action communautaire, avec parfois des effets pervers. Ainsi de la contribution de la politique communautaire à la destruction de la filière du coton : la Communauté européenne semble ignorer que sa propre politique agricole affaiblit considérablement les producteurs d'Afrique subsaharienne.

La PAC, en soutenant pour 4 milliards par an les productions cotonnières de l'Espagne et de la Grèce, contribue à l'effondrement des prix du coton.

Même si la coopération française a commencé à réformer son corps de doctrine, on ne peut que s'interroger sur une soumission trop étroite aux impératifs de gestion budgétaire prônés par le FMI ou la Banque mondiale. Certes, l'orthodoxie budgétaire est une nécessité mais il nous faut infléchir notre discours sur les effectifs des fonctions publiques africaines. Ce point est primordial. En effet une diminution drastique des effectifs conduit les Etats à ne plus pouvoir assumer leur mission. Si nous nous appliquons les mêmes ratios, nous aurions entre 300 000 et 400 000 fonctionnaires. Nous en avons dix fois plus. Imaginez le séisme social. Il s'agit là d'une condition indispensable pour réussir l'initiative PPTE - annulation de dette. Faute de quoi nous aurons décaissé des centaines de millions pour des programmes sociaux et éducatifs sans garantie que les sociétés africaines puissent en profiter. La commission des finances a émis beaucoup d'observations puis, suivant mon avis, a adopté le projet de budget de la Coopération. Je vous invite à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Gateaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la coopération - Plus que jamais depuis le 11 septembre, les responsables de la politique française de coopération et d'aide au développement doivent intégrer le contexte de la mondialisation. « Il faut gouverner la globalisation », titrait avant-hier une chronique de Libération. Même s'il n'y a pas de liens directs entre les attentats commis aux États-Unis et le différentiel de développement qui voit le Nord concentrer les richesses du monde et les 20 % les plus pauvres de la planète n'en posséder que 1 % au Sud, force est de constater que pour faire face à l'horreur du 11 septembre il faut lutter contre les déséquilibres et la pauvreté.

Notre politique de coopération et d'aide au développement contribue justement à gouverner la globalisation.

La frustration de ce budget, c'est que nous ne retrouvons pas inscrit dans la longue durée le niveau financier correspondant à nos choix et à notre volonté politiques. Si nous voulons gouverner la globalisation, il faudra nous donner les moyens que l'aide publique au développement atteigne en cinq ans 0,7 % du PIB.

En 2002, dans un budget qui sauve l'essentiel mais n'est pas prioritaire, l'ambition est évidente, les orientations sont claires et justes. Les crédits d'intervention, ceux de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, du Fonds de solidarité prioritaire, augmentent de 17,6 millions d'euros. 4,7 millions d'euros supplémentaires vont aux établissements culturels et de recherche ; 1,5 million d'euros à un programme nouveau de bourses Major, 800 000 euros de plus à la diffusion de la pensée française ; 4 millions d'euros enfin pour qu'à travers TV 5 l'audiovisuel francophone pénètre mieux le continent américain.

Hélas, cet effort ambitieux se trouve rabaissé par le manque de dynamisme de notre aide publique au développement. Après avoir dépassé les 0,6 % du PIB au milieu des années 1990, notre APD se retrouve à 0,39 % en 1999, 0,32 % en 2000 et 0,34 % en 2001, moitié moins qu'en 1994, et surtout que l'objectif sans cesse réaffirmé de 0,7 %.

Cette faiblesse nuit à notre image et masque notre détermination. Notre politique est cependant exemplaire pour alléger la dette des PPTE.

Dans ce domaine nous allons au-delà de nos engagements internationaux. Il en va de même pour la lutte contre le sida, dans laquelle nous sommes au premier rang mondial, y consacrant 80 millions par an en moyenne de 1987 à 1997, et faisant depuis mieux encore avec la création du Fonds de solidarité thérapeutique internationale, avec une aide bilatérale de 15 millions d'euros, et 150 millions d'euros pour le Fonds mondial pour le sida et la santé.

La réforme de votre coopération et la rénovation de nos politiques d'aide sont également exemplaires. A preuve la fusion réussie des deux administrations et la stabilisation de l'assistance technique avec 2 000 postes environ, après une chute vertigineuse de 6 309 postes en 1991 à 1 568 en 2001. De même l'accueil des étudiants étrangers en France s'améliore, en quantité et en qualité.

L'avenir de notre coopération passe aussi par une meilleure définition des conditionnalités de notre aide. Le développement exige l'éducation des jeunes et l'émancipation des femmes. Les droits des femmes doivent figurer au premier rang des conditionnalités de notre coopération.

Les réticences, voire les refus que ces conditionnalités peuvent susciter chez certains de nos partenaires, par exemple s'agissant des mutilations génitales féminines, les rendent d'autant plus nécessaires.

Après le 11 septembre, notre politique de coopération doit être davantage encore un élément de notre dialogue avec le monde. Elle doit également s'adresser davantage aux populations et aux opinions publiques qu'aux gouvernements. Il reste donc encore à faire.

Mais comme ce budget ouvre des perspectives dynamiques, je vous propose de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Georges Hage, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les relations culturelles internationales et la francophonie - Ce monde est inhumain. Il marche à l'envers. la recherche du profit maximum fait la loi. Tout, jusqu'à la personne humaine, est marchandise.

Pour autant, il faut rêver les yeux ouverts : le merveilleux peut être de ce monde si la fatalité de la pensée unique est révoquée en doute, si un rassemblement lucide l'emporte, si aucune voix singulière ne reste silencieuse, enfin, si le droit des peuples à s'enrichir par de multiples échanges est respecté.

Mme Griefahn, présidente de la commission de la culture du Bundestag, le souligne : « Aujourd'hui, il apparaît de plus en plus que la mondialisation engendre un grand nombre d'effets d'ordre culturel. Le ciment traditionnel des Etats nationaux se délite du fait de la mondialisation. (...) Le dialogue interculturel n'en est que plus important ».

C'est pourquoi, tout en condamnant le néolibéralisme dominant, j'appelle de mes v_ux le libre-échange des richesses spirituelles qui seules se multiplient en se partageant et je considère qu'un sursaut de l'action culturelle extérieure de la France s'impose.

Si l'on sait, depuis un certain Karl Marx, que l'impérialisme n'a de cesse d'imposer sa langue et si l'on connaît l'immense ressentiment dont les Etats-Unis sont l'objet sur la planète, je me garderai de faire de l'antiaméricanisme primaire. Mais d'autres puissances, comme la France, la Russie, la Chine, l'Inde, ont les moyens de répondre.

Si la langue demeure le premier vecteur de la civilisation, le premier acte de résistance à cette atteinte à notre identité passe par la défense du français, à commencer par ceux qui agissent sur la scène internationale. J'en prends Charles Ehrmann à témoin.

Plus largement, il convient d'encourager la préservation des identités linguistiques et culturelles, la diversité étant source de richesse, ce qui requiert un effort en faveur des crédits de coopération culturelle. Tel est bien le cas puisque 14,7 millions d'euros de mesures nouvelles sont annoncés pour 2002. Elles concernent l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, les établissements culturels et de recherche, les bourses d'excellence Major, l'appui aux médiathèques et à la diffusion de la pensée française et l'audiovisuel extérieur, essentiellement TV5-Amériques.

Même si des efforts restent à faire, le ministère des affaires étrangères semble avoir pris la mesure de ses carences, prise de conscience à laquelle les parlementaires ne sont pas étrangers. Il a enfin réussi à préserver les moyens de la direction générale de la coopération internationale et du développement qui, jusqu'à présent, servaient de variable d'ajustement.

C'est pourquoi, je vous recommande d'adopter les crédits des relations culturelles internationales et de la francophonie (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les relations culturelles internationales et la francophonie - Dans le domaine des relations culturelles internationales, le budget 2002 est marqué par la continuité. La répartition des crédits demeure conforme aux priorités du ministère, parmi lesquelles l'aide au développement, l'enseignement du français, les bourses accordées aux étudiants étrangers en France, ou la réforme, indispensable, de TV5-Amériques. Mais le contexte international est incertain, les enjeux nouveaux dans la lutte contre le terrorisme, les relations culturelles internationales doivent participer à la mobilisation contre les dérives sectaires ou intégristes qui se développent sur fond d'ignorance ou de pauvreté.

L'action pour 2002 doit intégrer cette dimension nouvelle, même si elle s'inscrit dans une heureuse continuité et d'abord celle de la réforme de nos moyens d'intervention, avec une attention particulière portée au réseau des centres culturels à l'étranger et le lancement d'un nouveau programme de bourses d'excellence. Les centres culturels bénéficient d'une mesure nouvelle de 31 millions. En assumant leurs missions d'enseignement du français, de diffusion artistique, d'information sur la France, ils sont un élément essentiel pour renforcer l'attrait de notre pays. Aussi doivent-ils présenter une France ouverte et pluriculturelle, à l'image de certains auteurs interprètes, tel Manu Chao, qui intègrent les influences internationales pour défendre des valeurs démocratiques.

La réforme en cours, suite au rapport Dauge, pourrait être l'occasion de mieux intégrer les centres culturels dans le dispositif diplomatique français et peut-être dans le dispositif global de l'action publique culturelle, en impliquant mieux le ministère de la Culture. Celui-ci ne finance que pour 5 à 10 millions l'agence française d'action artistique, à laquelle le quai d'Orsay apporte près de 100 millions. La réforme des bourses se poursuit avec la mise en place des bourses « major » pour les élèves des grandes écoles et des deuxièmes cycles universitaires.

Pour l'année budgétaire en cours, on peut regretter un gel substantiel de crédits -130 millions- sur le titre IV, celui des interventions. La subvention de l'AFAA demeure également insuffisante compte tenu de ses missions nouvelles, notamment pour organiser en France des saisons ou des années consacrées à un pays étranger. D'ordinaire, en fin d'exercice, on lui attribue des crédits supplémentaires. Ce n'a pas été possible cette année, ce qui révèle les limites de la gestion pratiquée, alors que les recettes du mécénat diminuent et que les assurances sont plus chères.

La subvention de votre ministère à RFI atteint 457 millions soit une augmentation de 5 millions ; celle du ministère de la culture augmente de 25 millions et s'élève à 336 millions. Mais si l'on tient compte des 40 millions affectés à RFI en loi de finances rectificative pour 2001, la chaîne disposera de 10 millions en moins en 2002. Alors qu'on veut développer un programme vers le Moyen Orient, c'est inquiétant.

Mon rapport pour avis examine également quel peut être l'apport des institutions de la francophonie au développement de la démocratie, en complément de l'excellent rapport de Mme Roudy sur « francophonie et droits de l'homme ». J'y expose les efforts en cours dans certains pays émergents. Mais il serait utile d'approfondir plusieurs chantiers. La francophonie pourrait être plus solidaire, voire adopter des positions communes lors des négociations de l'OMC. Pour l'instant du moins l'exception culturelle a été reconnue au sommet de Maurice en 1993. Elle pourrait également s'intéresser au « fossé numérique » et relever des défis éducatifs. Elle devrait se montrer moins timorée sur la corruption, l'esclavage des enfants, le statut des femmes. Elle devrait aussi être plus visible, et TV 5 pourrait y contribuer, y compris en diffusant des programmes de sensibilisation à la culture démocratique.

Conformément aux conclusions de son rapporteur, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Bernard Raimond - Avec ses 3 630 millions d'euros, en augmentation de 1,3 % seulement, ce budget reste trop faible et ne représente que 1,36 % du budget général contre 1,68 % en 1992-1993.

En privilégiant le rayonnement de la France et la francophonie grâce aux établissements culturels et à l'audiovisuel, vous répondez, semble-t-il, à une demande dans un domaine qui fut souvent un point faible. Mais comment atteindre cet objectif, alors que les moyens dévolus à la coopération culturelle en général sont en baisse, comme le sont d'ailleurs ceux de la coopération militaire ?

Pour m'en tenir à l'essentiel, les événements du 11 septembre, qui n'ont pu être pris en compte dans ce budget, imposeraient un renforcement des moyens des services. Vous poursuivez l'indispensable modernisation du ministère et depuis quelques années, vous avez donné un coup d'arrêt à la réduction des emplois. Il est dommage que vos demandes de créations n'aient pas été entendues lors des arbitrages. Or le ministère des affaires étrangères est le seul à assumer la mission d'information et d'analyse politique sur les pays étrangers. Ses agents recueillent sur place des renseignements précieux, émettent des jugements aussi importants souvent que les informations des services de renseignement.

Certes, c'est en 1989, avec la fin de la guerre froide que nous avons changé d'époque. Avec les événements du 11 septembre, c'est l'avenir immédiat qui devient indiscernable. Il ne s'agit pas d'une guerre de religion entre islam et chrétienté ; le terrorisme, en manipulant le fondamentalisme religieux, n'a que des objectifs politiques. Il ne vise pas les seuls Etats-Unis, mais le monde occidental, le monde arabe, le monde musulman. Il nous dit au moins que nous n'avons pas su définir une stratégie rationnelle pour l'après-guerre froide.

Pourtant, Européens et Américains savaient bien que les réseaux terroristes au Maghreb, en Asie centrale, en Europe trouvaient un soutien en Afghanistan et au Pakistan. On voit mieux maintenant que la politique à suivre depuis la fin de la guerre froide était celle de l'intervention dans les conflits et l'ingérence collective. Certes, les causes du terrorisme ne résident pas dans un conflit donné comme celui du Proche-Orient et l'appel de Ben Laden à défendre la Palestine n'a dupé personne. Mais la prolongation des crises, en particulier celle qui oppose la Palestine et Israël, alimente le terrorisme. En revanche, depuis les interventions de 1995 et 1999, les Balkans ont retrouvé un calme relatif, même si tous les conflits ne sont pas résolus. Les efforts de médiation des Européens, des Américains, de l'OTAN, ainsi que l'appui des Russes empêchent les dérives, avec une présence militaire limitée dans le temps.

Les événements du 11 septembre ont révélé le rôle désormais central de la Russie. Vladimir Poutine a pris clairement et immédiatement position pas seulement pour effacer son échec en Tchetchénie, mais parce qu'il aspire à se rapprocher de l'Europe et des Etats-Unis. Qui aurait pu penser avant cette date qu'il faciliterait la présence en Ouzbékistan d'une division américaine ou que le secrétaire d'Etat à la défense des Etats Unis irait en visite dans les républiques ex-soviétiques d'Asie centrale ? Vladimir Poutine a rencontré Jiang Zémin et Georges Bush à Shangai ; lors de sa prochaine visite aux Etats-Unis, il pourra négocier un accord intérimaire sur les questions stratégiques. Mais à y regarder de plus près, sa politique s'inscrit, au fond, dans la ligne suivie par les dirigeants soviétiques puis russes depuis 1985.

Dans ce contexte, une nouvelle approche est possible pour mettre fin au conflit du Proche-Orient. La Russie devrait être associée aux négociations. Les Européens ont vocation à intervenir.

Mais l'Union européenne est apparemment absente dans le conflit en Afghanistan. La Grande-Bretagne a certes participé à la première phase et Jacques Chirac s'est engagé résolument aux côtés des États-Unis . Mais seule une Europe politique et des capacités militaires donneraient de la crédibilité à la politique étrangère et de sécurité commune. Les derniers conseils européens ont marqué des avancées significatives. Les forces de la SFOR en Bosnie, de la KFOR au Kosovo sont essentiellement européennes, et même exclusivement en Macédoine. Les atouts européens sont certains, et dès le début la France avait proposé un plan d'action global pour l'Afghanistan.

Aujourd'hui, on ne peut tirer du conflit de conclusions certains. Mais il met un point final à la guerre froide. S'attendre à un conflit Nord-Sud serait hasardeux. Les Etats-Unis devraient se rallier à la politique suivie par la France et par Jacques Chirac pour construire une Europe dotée d'une politique étrangère et de sécurité commune capable de surmonter les divergences qui subsistent avec les Etats-Unis sur le partage de la décision politique et du commandement militaire.

Au moment où le monde s'inquiète et s'interroge devant un défi barbare, s'ouvre peut-être, avec la remise en cause d'idéologies périmées, un avenir où les Européens, les Américains, les Russes et d'autres peuples pourront enfin agir ensemble pour modeler un siècle nouveau.

Pour toutes ces raisons, et compte tenu surtout de l'excessive faiblesse de ces crédits, le groupe RPR votera contre le budget du ministère des affaires étrangères (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean Dufour - L'examen de ce budget intervient dans un contexte où les grands enjeux du monde interfèrent comme jamais avec la vie économique, sociale et politique française et européenne.

Lutter contre le terrorisme, comme l'a justement dit le Secrétaire général des Nations unies, suppose de s'attaquer à la pauvreté et à l'ignorance qui le nourrissent, aux inégalités qui se sont accrues avec la mondialisation libérale, de plus en plus contestée.

Le ralentissement de l'activité, amorcé bien avant le 11 septembre et qui plonge de nombreux pays dans la récession, appelle une action de relance concertée au plan mondial. Cela implique de réformer profondément les institutions financières internationales. Le moment n'est-il pas venu d'envisager une création monétaire pour l'emploi et le développement prenant appui sur la relance des droits de tirages spéciaux, en un mot d'avancer vers une monnaie mondiale alternative à la domination du dollar et des marchés financiers ?

A la mondialisation financière, nous opposons une autre conception des échanges favorables à l'emploi, au développement durable, à la sécurité alimentaire, à la modernisation des services publics.

Cela nécessite de refuser toute extension des pouvoirs de l'OMC et même de retirer de ses domaines de compétence des secteurs comme la santé, l'éducation, l'environnement ou la culture. Plus généralement, il conviendrait de subordonner l'OMC aux règles de l'ONU et aux conventions internationales en matière sociale, culturelle, sanitaire et environnementale.

Une situation où les pays les plus pauvres du Sud ne disposent que de 1 % de la richesse ne peut être qu'explosive, c'est dire l'enjeu de l'aide au développement.

Avec une aide publique représentant seulement 0,34 % du PIB, nous ne montrons vraiment pas l'exemple.

De plus cette aide n'est trop souvent qu'un instrument pour préparer la libéralisation ou remplir des fonctions délaissées par les financements privés.

L'aide publique au développement devrait jouer un rôle essentiel dans plusieurs domaines prioritaires.

Le premier est l'alphabétisation et la formation technique de base : là où la scolarité est gratuite, le taux de fréquentation des écoles dépasse les 80 %. Il est urgent, en outre, de donner aux pays en développement les moyens d'avoir des universités publiques de qualité et d'explorer l'idée proposée par le PNUDC, d'une taxation sur la fuite des cerveaux.

Dans le domaine de la santé, il faut développer des systèmes de santé locaux de qualité et faciliter l'accès aux nouvelles molécules, comme les trithérapies pour le sida, ce qui implique une remise en cause du droit des brevets. Et ne faudrait-il pas, comme le propose également le PNUD, orienter la recherche publique de santé en priorité vers les besoins du Sud ?

L'éradication des bidonvilles, le développement de l'agro-industrie pour atteindre l'autosuffisance alimentaire, celui des grandes infrastructures appellent également une forte augmentation des crédits de la coopération.

Si ce budget, en progression de 1,3 % est le moins mauvais depuis dix ans, nous sommes encore loin de ce qui serait nécessaire, compte tenu des enjeux internationaux et de la responsabilité de la France dans le monde.

Si nous apprécions que 14,7 millions d'euros soient consacrés à des mesures nouvelles pour la coopération culturelle, comment ne pas regretter que 62 petits millions de francs manquent pour assurer une présence de la France dans l'ensemble des conseils d'administration de ces organismes ? Et 200 millions pour que la France puisse tenir toute sa place dans le concert des nations... Nous ne pouvons que partager le sentiment que vous avez exprimé en commission, Monsieur le ministre, car le rayonnement culturel et politique de la France, outre sa puissance économique, devrait lui permettre de contribuer à la solution des grands problèmes mondiaux.

Compte tenu d'avancées réelles, évidemment insuffisantes, et prenant en compte le poids de cette période, en 1997-1998, où le ministre jugeait l'efficacité de son budget à la réduction des moyens, notre groupe votera ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Marc Reymann - Ces crédits ne méritent ni excès de critiques, ni excès de louanges. En légère hausse, ils maintiennent le cap d'une rigueur budgétaire que l'on aurait aimé constater dans d'autres budgets.

Ainsi notre politique étrangère et la coopération internationale au développement doivent-ils se contenter de crédits stables, alors que les critiques ne manquent pas sur les carences de certains services - je pense là aux services des visas, au réseau consulaire, à l'aide au développement. Toutefois certaines décisions satisfaisantes ont été prises concernant l'enseignement du français et le réseau culturel. Nous nous réjouissons que nos rapports attirent parfois l'attention du Gouvernement.

Un budget contrasté, dont les aspects positifs et les aspects négatifs s'équilibrent.

Parmi les points négatifs, je citerai la baisse des effectifs du ministère des affaires étrangères - 895 postes en dix ans - avec pour conséquence que des besoins importants ne sont pas satisfaits. Par exemple 80 000 dossiers de visas pour l'Algérie ne peuvent être traités. Les consulats manquent de personnel, ce qui encourage l'immigration clandestine et la fraude. La politique de recrutement de personnels locaux a trouvé ses limites. Tout aussi grave, le volontariat international, créé depuis la suspension du service national, n'arrive pas à attirer des informaticiens et des médecins, autrefois présents en tant que coopérants. Comment comptez-vous pallier ces carences ?

Seconde critique, la diminution des crédits de coopération.

Les crédits pour la coopération internationale, l'aide au développement, l'action audiovisuelle extérieure, la coopération militaire et de défense, ainsi que l'appui aux initiatives privées ou décentralisées, sont en légère baisse. Certes il convenait de rationaliser le dispositif, mais la baisse de 11,36 millions d'euros va au delà.

Tout aussi regrettable et dangereuse est la réduction des crédits d'investissement de la coopération. Hors participation au FED, ils baissent de 1,71 % en crédits de paiement et de 13,13 % en autorisations de programme. Ceux du Fonds de solidarité prioritaire sont réduits de 3,48 % en crédits de paiement et de 14,16 % en autorisations de programme.

Les crédits initiaux pour dons de l'Agence française de développement sont stables en crédits de paiement, mais baissent de 12,28 % en autorisations de programme. Cette diminution réduit la place de la France dans le dispositif international d'aide au développement. C'est contraire à nos intérêts et à la vocation de la France.

Parmi les aspects positifs, je salue la création d'un article d'aides aux sorties de crise, doté de 7,6 millions d'euros. Mais vu la gravité de la situation internationale, ne faut-il pas réévaluer cette dotation ? Ou préférez-vous, Monsieur le ministre, procéder à des transferts de crédits en cours d'année, en sacrifiant d'autres chapitres ?

Les crédits destinés à financer le transport et les diverses opérations liées à l'aide alimentaire seront maintenus à 14,94 millions d'euros. Là aussi il conviendrait de les réviser à la hausse.

La future délégation à l'action humanitaire aura notamment à sa disposition le Fonds d'urgence humanitaire, doté de 9,27 millions d'euros.

Avec 22,87 millions d'euros, les crédits de l'OFPRA progressent de 34,14 %. Espérons qu'ainsi cet office accomplira mieux la mission essentielle dont il est chargé.

Enfin les crédits destinés à la promotion de Strasbourg capitale parlementaire européenne augmentent de 6,97 %, passant à 2,61 millions d'euros. Avec les reports prévisibles de 2,57 millions d'euros, ce poste disposera de 5,28 millions d'euros, ce qui est important pour éviter que les sessions du Parlement européen ne se tiennent de plus en plus souvent à Bruxelles. Maintenant que le nouveau bâtiment est achevé, nous comptons sur votre vigilance pour conforter définitivement la vocation européenne de la capitale alsacienne.

Enfin je salue l'augmentation des crédits destinés au réseau culturel français, soit 27 centres de recherche, 151 établissements à vocation pluridisciplinaire, 68 annexes et 4 établissements franco-étrangers. Leurs crédits de fonctionnement atteindront 80,03 millions d'euros, soit une progression de 6,27 %.

Le groupe UDF prend acte des avancées réelles de ce budget,...

M. Jacques Myard - On les cherche !

M. Marc Reymann - ...mais nous nous inquiétons des reports importants de certains crédits de la coopération et nous suivons avec vigilance leur consommation.

Reste que ce budget incarne la voix de la France dans le monde, avec des personnels diplomatiques dont la compétence et le dévouement sont unanimement reconnus - je pense particulièrement à ceux qui occupent des postes très exposés.

M. Jacques Myard - Très bien.

M. Charles Ehrmann - Les événements du 11 septembre à New York ont montré que la fameuse CIA, qui n'avait rien prévu, avait un grave défaut : celui de n'être pas sur le terrain. On peut en dire autant des  affaires étrangères françaises, quand on sait que 9 % seulement des cadres sont dans nos ambassades et nos consulats... C'est l'effet d'un budget réduit à 1,37 % du budget général. Même si l'on ajoute à ses 23,81 milliards de francs les apports des autres ministères, il reste très insuffisant pour la quatrième puissance mondiale. De plus l'absence d'une Europe politique et la faible présence de l'Europe de la défense, à part le Royaume-Uni, sont trop sensibles dans la lutte contre le terrorisme. Les discours, dans lesquels nous excellons, ne remplacent pas les actes. Pour obliger le Gouvernement à donner à la politique extérieure de la France les crédits dont elle a besoin - et vous-même, Monsieur le ministre, comme M. Védrine, avez affirmé que ce budget était insuffisant - le groupe DL refusera de voter ce budget.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. Charles Ehrmann - Je conclurai sur la francophonie. Doyen de cette assemblée, j'ai lu à l'école le Discours de Rivarol sur l'universalité de la langue française, et je me souviens qu'en 1914 Nicolas II annotait ses rapports en français... Etudiant à la Sorbonne en 1930, j'appréciais le français, souvenir de la victoire de 1918, et langue diplomatique par excellence en raison de sa finesse, comme le notait Bismarck. Aujourd'hui le château de la langue française est envahi : 90 % des documents de l'ONU sont en anglais. Au Conseil de l'Europe les deux langues de travail sont le français et l'anglais, mais ce dernier est utilisé pour les trois quarts : il n'en était pas ainsi il y a dix ans. Les pays baltes, qui devraient parler allemand, s'expriment en anglais.

Je connais pourtant vos efforts, Messieurs Védrine et Josselin, pour nos deux millions de compatriotes qui vivent à l'étranger, et qui trop souvent se laissent intégrer, contrairement aux Québécois. Il en va autrement des Allemands : dans le Sud-Ouest africain, ils sont partis en 1914 : j'ai pu constater il y a huit ans qu'on y trouvait toujours une radio et une télévision en allemand ! Il en va de même dans le sud du Brésil. Envoyé par la Coopération, j'ai vu vos efforts au Brésil, en Colombie, à Madagascar et ailleurs, dans les lycées et plus encore dans les Alliances françaises, si efficaces. Je sais qu'il y a en France 172 000 étudiants étrangers, dont 22 000 boursiers. Il faut y ajouter France-Québec - quand on n'oublie pas de payer la cotisation, comme le remarquait Philippe Séguin. Sans oublier France-Allemagne, Erasmus, les bourses qu'accordent les universités, les villes, les départements, mais aussi la radio, TV5, qui touche 129 millions de foyers, et les sommets de la francophonie, qui tous les deux ans rassemblent cinquante Etats qui regroupent 180 millions d'habitants.

Cependant, face au développement accéléré de l'anglais, il faut sauver le donjon. Il faut accorder plus de bourses aux étudiants étrangers, mais aussi aux techniciens. Il faut créer des écoles quand on nous les demande, comme l'a fait récemment le président du Burkina Faso auprès de la commission des  affaires étrangères, et sans poser de conditions de démocratie : créons d'abord les écoles, la démocratie viendra après ! La moitié de l'Afrique est francophone : aidons-la, elle sera notre Amérique du Sud, notre nouveau Québec. Le Gouvernement parle de patriotisme économique : nous insistons sur le patriotisme culturel. La langue française est l'âme de la France. Songez aux soixante mille Français du Québec de 1760, qui sont devenus six millions. Est-il normal que votre doyen seul rappelle à un président flamand de commission, qui, à Prague, répondait en anglais au président Havel, qu'il devait le faire dans les deux langues? Est-il normal que des députés français soutiennent l'annexionnisme bruxellois au détriment de la vocation européenne de Strasbourg ? J'ai dû également, au Conseil de l'Europe, adresser une remarque à une présidente allemande qui répondait en anglais au président roumain, lequel venait de s'exprimer en français... J'ai été soutenu sur ce point par les représentants socialistes français.

Pour sauver le donjon, reconquérir une partie du château, soyons des Québécois, et la langue française retrouvera la place qu'elle n'aurait jamais dû perdre (Applaudissements sur divers bancs).

M. René Mangin - Les axes de ce budget traduisent la volonté du Gouvernement de renforcer la présence de la France dans le monde. L'actualité souligne le rôle essentiel du ministère des  affaires étrangères, qui, dans une période d'incertitude, doit être tenu pour prioritaire. Il poursuit depuis 1999 son effort de modernisation, avec un réseau d'ambassades et de délégations permanentes qui est un des plus conséquents au monde, et doit le rester. Les expériences de rapprochement entre ce réseau et celui du ministère de l'économie se sont révélées très positives, tout comme les coopérations entre les services diplomatiques des pays de l'Union européenne.

La reprise des opérations de maintien de la paix conduites par l'ONU a entraîné une augmentation considérable de ses dépenses, et les appels de cotisations auprès de la France, quatrième contributeur, ont plus que triplé. Ces activités risquent fort de se développer encore : le ministère a-t-il prévu les budgets nécessaires ?

Face à des défis inédits, nous nous félicitons de l'augmentation des crédits de participation aux actions internationales, avec notamment 15 millions d'euros pour l'aide alimentaire et 9 millions d'euros pour le fonds d'urgence humanitaire.

Pour éviter l'érosion de la place de la France, il faut consolider les moyens du ministère des  affaires étrangères et stabiliser ses effectifs. Nous devons attirer davantage d'étudiants étrangers en augmentant le nombre des bourses, des partenariats universitaires, en promouvant l'enseignement français. A cet égard nous apprécions l'effort d'accueil que traduit dans ce budget la création de bourses d'excellence.

Nous devons également soutenir les ONG et la coopération décentralisée, remettre à niveau les moyens de fonctionnement des centres culturels et de recherche, poursuivre la politique de renforcement des personnels en activité, notamment des services des visas et de l'état civil dans nos consulats. Il faut aussi éviter l'érosion des moyens de la coopération militaire. Mais je note que les moyens de l'audiovisuel extérieur progressent de 2,3 % ; je souhaite que nous continuions à développer notre présence audiovisuelle, avec RFI, la modernisation de TV5, et de nouvelles chaînes en Afrique, en Méditerranée, en Amérique Latine. Je constate d'autre part l'amélioration des procédures d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que l'accroissement de la coopération technique. Nous avons également observé le rôle capital de la France dans le Fonds européen de développement, avec 218 millions d'euros en CP pour 2002.

Je regrette que le budget du ministère des  affaires étrangères ne représente pas même 1,5 % du budget de l'Etat. Mais contrairement à la droite, qui a voté des crédits en baisse de 1994 à 1997 et qui vote aujourd'hui contre ce budget de stabilisation, les députés socialistes voteront ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Je vais présenter l'ensemble du budget des  affaires étrangères, car Hubert Védrine participe aujourd'hui à l'assemblée des Nations unies à New York, dont le calendrier a été modifié pour les raisons que vous savez. Mais des échanges très fructueux ont déjà eu lieu lors de la présentation en commission, selon la nouvelle procédure d'examen adoptée par votre assemblée, qui a permis à Hubert Védrine et à moi-même de présenter en détail le budget. Nous avons pu alors répondre de façon plus approfondie que je ne pourrai le faire aujourd'hui à vos questions sur les perspectives diplomatiques et celles du développement. Je remercie vos rapporteurs et les porte-parole des groupes ; si je ne peux répondre ce matin à toutes leurs questions, je demanderai à mes services de le faire. Je vous remercie de vos propositions, et de l'aide que vous nous apportez pour défendre un budget auquel, comme nous, vous êtes attachés.

Ce budget progresse pour la troisième année consécutive, avec une augmentation de 1,3 % à structure constante par rapport à la loi de finances initiale pour 2001 et une stabilisation des effectifs qui confirment un renversement de tendance durable, après les baisses dramatiques intervenues entre 1994 et 1998. Il s'établit à 3,411 milliards d'euros, ou 3,630 si l'on y ajoute la contribution française au Fonds européen de développement, transférée du budget des charges communes. Certes, ce budget ne satisfait pas toutes les demandes qu'Hubert Védrine et moi avons présentées pour que la France renforce sa présence, son influence et sa stratégie d'appui au développement. Mais l'augmentation du budget en 2001 reflétait essentiellement la forte progression des contributions obligatoires aux organisations internationales, dont le niveau est reconduit pour 2002 à 613 millions d'euros, soit 4 milliards de francs. En revanche le nouveau projet de budget connaît une augmentation de l'ordre de 285 millions de francs à structure constante, qui permet de poursuivre la mise en _uvre de nos priorités - même si, comme l'ont observé M. Tavernier et M. Brana, une partie de ces moyens est absorbée par les effets négatifs des changes.

S'agissant des contributions volontaires, les contraintes budgétaires ne permettront en 2002 que de consolider les efforts entrepris depuis trois ans pour compenser la baisse brutale de 1995. Je souligne toutefois la progression importante de notre contribution au PNUD, qui sera passée en quatre ans d'un peu moins de 60 millions de francs à 105 millions.

Si nous avons connu des heures plus glorieuses, nous l'avons cependant doublée en quelques années.

Les opérations de maintien de la paix, qui intéressent particulièrement M. Cazeneuve, représentent presque 1,2 milliard sur les 4 milliards de la rubrique « contributions obligatoires » et sont susceptibles d'augmenter compte tenu de l'actualité internationale.

La coopération internationale, qui voit ses moyens augmenter, est un premier axe prioritaire. Les risques de la mondialisation et l'actualité récente imposent de la renforcer. Elle est un instrument indispensable de promotion d'un monde plus sûr et plus équitable.

Cette conviction s'exprime d'abord dans les orientations défendues par la France au sein des instances internationales. Le calendrier est chargé, avec la conférence de Doha, puis New York - où se trouve déjà Hubert Védrine - Ottawa avec la rencontre du comité financier et du comité de développement de la Banque mondiale, et les échéances de Monterrey et Johannesburg.

Des mécanismes financiers nouveaux contribuent à l'APD : la France a consenti pour l'annulation de la dette des pays les plus pauvres un effort supplémentaire de plus de 10 milliards d'euros.

Pour le Fonds mondial santé-sida, le Premier ministre a annoncé 150 millions d'euros sur trois ans. Enfin, les pays favorables à la convention de Kyoto se sont engagés à augmenter substantiellement leurs contributions au Fonds mondial pour l'Environnement.

Pour promouvoir le dialogue et la diversité culturels ainsi que la francophonie, la France travaille avec ses partenaires de la francophonie dans le cadre de l'UNESCO. L'Europe défend aussi ces valeurs, à l'OMC, en refusant la libéralisation du secteur culturel au nom de la fameuse « exception culturelle ». Nous nous félicitons que ce sujet ne soit pas abordé à Doha.

Le niveau européen est central pour la politique de coopération de la France, qui contribue pour plus de 24 % au budget du FED. La réforme de l'aide communautaire engagée sous la présidence française se met en place : l'agence EuropeAid est lancée et la déconcentration commence dans cinq délégations.

Nous avons entendu hier à Bruxelles un premier rapport d'évaluation de cette réforme, dont je crois que nous pouvons nous féliciter.

Le transfert des contributions de la France au FED, dorénavant inscrites dans le budget du Département, témoigne de l'importance que nous lui accordons et de notre volonté de peser sur son emploi.

Pour 2002, 3,35 millions d'euros sont ouverts en AP et 218 millions en CP. Le décalage entre ces deux sommes est lié aux prévisions sur les décaissements, mais leur variabilité crée une incertitude. Nous comptons sur votre assemblée pour nous aider à obtenir le cas échéant les abondements nécessaires en temps utile, comme s'y est engagé le ministère des Finances.

M. Jacques Myard - V_u pieux !

M. le Ministre délégué - Notre foi en la coopération s'exprime aussi au plan bilatéral. Les crédits de la coopération internationale et du développement du ministère, avec 19 millions d'euros de mesures nouvelles nettes, marquent une progression que nous espérons ne pas voir remise en cause par une régulation comme en 2001. Les crédits de la DGCID s'élèvent à 1,44 milliards d'euros avant transferts, en augmentation de 1,8 %.

La coopération et l'aide au développement sont plus nécessaires que jamais. Notre politique en tient compte. Dès 2001, l'APD française remontera aux environs de 0,33 % du PIB contre 0,32 % en 2000.

M. Jacques Myard - Quel exploit !

M. le Ministre délégué - La progression de nos contributions au FED et les nouveaux mécanismes financiers - PPTE, Fonds de santé, sida, environnement - devraient confirmer cette tendance dans les prochaines années.

Nous avons confié hier à la Commission européenne, lors du Conseil développement, le soin de mettre au point, avec chacun des Etats membres, un calendrier pour atteindre l'objectif de 0,70 %. Cela ne demandera pas le même effort à tous ; nous ne sommes pas les moins généreux. Mais cette nouvelle incitation à l'APD est à saluer. Le volume des crédits n'est pas tout. Certains, notamment ceux du FED, sont sous-consommés.

Ceci est imputable aux lourdeurs de l'administration, mais aussi à l'absence d'une expertise d'Etat chez certains de nos partenaires. La situation actuelle met en lumière l'interdépendance des pays du monde et l'importance de la solidarité dans les préoccupations de sécurité.

Les crédits d'aide au développement obéissent à des priorités claires. Pour les crédits de coopération technique et au développement, il s'agit de la lutte contre la pauvreté et les inégalités et pour le développement durable, mais aussi de l'organisation de l'Etat : soutien à l'Etat de droit et aux droits de l'homme, réformes institutionnelles.

La lettre de mission du nouveau directeur général de l'AFD, dotée de 152 millions d'euros en autorisations de programme et de 137 en crédits de paiement, fixe pour priorité la promotion d'un développement économique stable et efficace, respectueux de l'environnement et soucieux de la cohésion sociale.

La réforme de l'assistance technique se traduit par une stabilisation des effectifs et la création d'une ligne de 8,84 millions d'euros pour financer l'expertise de courte et moyenne durée.

Les moyens de la promotion de la coopération non-gouvernementale augmentent de 0,91 millions d'euros, partagés entre la coopération décentralisée et les associations de solidarité internationale.

Les crédits de paiement du Fonds de solidarité prioritaire sont abondés de 5 millions d'euros et les autorisations de programme réduites de 15 millions d'euros à des fins d'ajustement. Une enveloppe de 7,62 millions d'euros est créée pour les projets FSP dits « mobilisateurs ».

L'adaptation du dispositif justifie aussi la création d'un article au titre IV, pour les opérations exceptionnelles liées aux sorties de crises, doté de 7,6 millions d'euros, qui comble un vide en assurant une continuité entre les situations d'urgence financées par le fonds d'urgence humanitaire et l'aide au développement.

La priorité actuelle est évidemment l'Afghanistan, et nous avons décidé, à la demande du Premier ministre, d'envoyer une mission d'expertise pour étudier les moyens d'aider la population afghane à l'approche d'un hiver toujours rigoureux.

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Bloche, ont insisté sur la francophonie. La recherche d'une mondialisation plus équitable repose aussi sur notre capacité à faire valoir nos idées et nos valeurs, à promouvoir la diversité culturelle et linguistique.

Les crédits de coopération et d'action culturelle prévus pour 2002 reflètent nos objectifs : rénover notre réseau culturel en soutenant la pensée française dans la bataille des idées, former en France les élites mondiales, renforcer l'audiovisuel extérieur.

Des mesures nouvelles sont prévues en faveur de l'AEFE - 4,21 millions d'euros - des établissements culturels - 3 millions d'euros pour répondre aux suggestions du rapport Dauge -, des bourses d'excellence Major permettant aux meilleurs élèves des lycées français à l'étranger de poursuivre leurs études en France - 1,5 millions d'euros - de la diffusion des revues françaises et de l'action audiovisuelle extérieure.

La priorité sera en 2002 de relancer TV5 sur le continent américain, en s'appuyant sur le nouvel accord conclu en 2001 avec nos partenaires, lequel a permis de rationaliser le dispositif et de créer une nouvelle entité baptisée TV5 Monde, basée à Paris et qui est responsable de l'ensemble des signaux de la chaîne, sauf de celui destiné au Canada.

M. Brana a formulé le souhait que RFI puisse émettre 24 heures sur 24 en arabe. La radio émet déjà 24 heures sur 24 à Amman, Dubaï et Bahreïn. Dans le reste du monde arabe, sa diffusion s'est beaucoup améliorée puisqu'elle atteint désormais 16 heures 30 par jour, notamment depuis le rapprochement avec RMC Moyen-Orient. Nous essaierons de faire mieux encore, la période nous y invite.

J'en viens à la francophonie. Sur ce point, je regrette de n'avoir pas le temps, notamment à l'intention de M. Ehrmann, d'examiner en détail les avancées et les reculs de l'utilisation du français dans les différentes régions du monde. En effet, Monsieur Ehrmann, on ne peut pas se contenter de déplorer le recul du français en Afrique de l'Ouest. Il faut en toute objectivité relever aussi que le français se développe dans des pays où le « désir de France » n'existait pas il y a peu encore, notamment dans certains pays arabes. Des pays comme la Libye, le Soudan, le Yémen éprouvent aujourd'hui le besoin d'utiliser le français dans leurs échanges avec leurs voisins africains francophones. Cela doit nous inciter à l'optimisme. Rappelons-nous aussi que le président brésilien Henrique Cardoso nous indiquait ici même la semaine dernière qu'il pouvait tenir une réunion de son gouvernement en français, tous ses ministres parlant notre langue.

Pour ce qui est de l'utilisation du français dans les institutions internationales, la bataille n'est pas toujours facile. Une ligne spécifique est prévue dans le budget de la francophonie pour la formation des diplomates étrangers à l'expression en français. Mais il faut aussi que nos propres fonctionnaires soient prêts à mener cette bataille et que nos entreprises à l'étranger servent mieux la francophonie. Je suis triste par exemple de constater, comme j'en ai eu l'occasion récemment au Cambodge, qu'une entreprise française exige lors d'un recrutement que les candidats parlent anglais et oublie tout simplement de demander qu'ils parlent aussi français...

M. Jacques Myard - Scandaleux ! Mais songez à Renault !

M. le Ministre délégué - Pour ce qui est du siège du Parlement européen, le débat serait long...

M. Charles Ehrmann - Il est anormal que les députés européens français souhaitent tous siéger à Bruxelles et donc ne pas conserver Strasbourg !

M. le Ministre délégué - Quand on pense que la région Ile-de-France avait présenté sa candidature, je tremble à l'idée que le Parlement ait pu siéger près de Maisons-Laffitte, sous la menace de M. Myard... (Sourires)

M. Jacques Myard - Nous aurions parfaitement assuré sa protection (Sourires).

M. le Ministre délégué - Le report d'un an du sommet de Beyrouth n'aura pas d'incidence sur le développement de la francophonie et la programmation, laquelle va être adoptée pour les deux années à venir par la prochaine Conférence ministérielle budgétaire et devrait confirmer les quatre orientations retenues ces dernières années.

Première priorité, soulignée depuis le sommet de Hanoi : approfondir l'Etat de droit et la démocratie. Des moyens seront affectés à un nouveau plan d'action afin de donner une suite concrète au symposium de Bamako.

Deuxième priorité : promouvoir la diversité culturelle et linguistique. L'actualité nous montre l'ardente nécessité d'un dialogue accru entre les cultures, auquel contribue précisément la francophonie. C'est même le thème choisi pour le sommet de Beyrouth. Un corps de principes et un plan d'action avaient été adoptés en ce sens lors de la conférence de Cotonou. La promotion de la diversité culturelle passe par celle de notre langue, notamment dans les instances internationales. La France affecte chaque année 15 millions de francs au financement de postes de jeunes experts francophones dans ces institutions et alloue 11,5 millions de francs au Fonds francophone des inforoutes, lequel soutient les contenus en français et favorise les transferts de compétences entre le Nord et le Sud.

Troisième priorité : moderniser les opérateurs et les procédures, de façon à les rendre plus transparents et plus efficaces. La réforme est en marche. L'Agence universitaire a été dotée de nouveaux statuts après évaluation. L'évaluation de l'université Senghor d'Alexandrie et de l'Agence intergouvernementale est, pour sa part, terminée et les comités de suivi en tireront bientôt des conclusions opérationnelles.

Dernière priorité : renforcer la concertation entre les pays francophones à l'occasion des grands rendez-vous internationaux - je pense à ceux de l'UNESCO, de l'OMC... Notre réunion des pays francophones lors de la récente Conférence de Durban a par exemple certainement contribué à sauver la Conférence.

Pour satisfaire à tous ces besoins, la France maintiendra sa contribution à 37,2 millions d'euros. Il me paraîtrait utile pour les deux prochaines années de renforcer notre concours aux programmes de l'Agence pour la francophonie en faveur de l'Etat de droit et de la démocratie, afin de répondre aux attentes légitimes suscitées à Bamako.

Deuxième axe du budget des affaires étrangères pour 2002 : l'amélioration des procédures d'accueil des demandeurs d'asile et du traitement des demandes d'asile. Des moyens supplémentaires sont prévus à cet effet.

J'indique à M. Reymann, qui s'en est inquiété, que le nombre de visas accordés à des Algériens a augmenté de 22 % en 2000 par rapport à 1999 et de 43 % au premier semestre 2001 par rapport à la même période l'an passé. Cela donne la mesure de l'effort accompli.

5,8 millions d'euros de mesures nouvelles permettront 94 recrutements en 2001 et 2002 à l'OFPRA, ce qui permettra à l'Office de faire face à l'augmentation du nombre des demandes d'asile. 39 000 nouvelles demandes ont été enregistrées en 2000 et 4 000 dossiers sont déposés chaque mois depuis le début de 2001. L'Office aura pour objectif de traiter en moins de quatre mois les dossiers et de résorber avant la fin de 2002 les 21 500 dossiers en instance, tout en généralisant l'audition des demandeurs.

Autre axe de ce budget : l'amélioration de la situation des Français vivant à l'étranger, tant en matière de protection sociale que d'enseignement ou de sécurité.

Deux millions de nos compatriotes vivent en permanence à l'étranger, souvent en situation de précarité, comme l'a bien montré le rapport de la sénatrice Cerisier-Ben Guiga. Conformément aux recommandations de ce rapport, nous avons de nouveau augmenté les moyens de l'aide sociale et de la formation professionnelle pour les porter à 23 millions d'euros.

L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui accueille 158 000 élèves français et étrangers dans 270 établissements répartis dans l'ensemble du monde, voit ses moyens augmentés de 4,1 millions d'euros, dont 1,4 million pour les bourses destinées aux élèves français. Aux 313,8 millions d'euros dont disposera au total l'Agence, il convient d'ajouter près de 20 millions d'euros en autorisations de programmes pour les investissements des établissements en gestion directe.

Les crédits consacrés à la sécurité des Français à l'étranger, déjà passés de 0,6 à 1,4 million d'euros entre 1999 et 2001, vont encore augmenter de façon à compléter et améliorer le dispositif existant - cellule de veille, plans de sécurité, cellules de crise, site Conseil aux voyageurs -, toutes structures qui ont fait la preuve de leur efficacité lors des événements tragiques du 11 septembre.

Enfin, ce budget permettra de poursuivre la modernisation du ministère grâce à la valorisation et à la meilleure mobilisation des ressources humaines, ainsi qu'à une nouvelle étape dans la déconcentration.

Pour la troisième année consécutive, avec 9 466 emplois, les effectifs budgétaires sont stables en 2002 et permettent, grâce à des mesures de redéploiement internes et à une politique dynamique de recrutement, de respecter les priorités : encadrement dans les services des visas, développement des fonctions de gestion tant à l'administration centrale qu'à l'étranger, renforcement des directions politiques.

Une enveloppe unique de crédits, hors rémunérations, a été inscrite au titre III pour un montant de 4 millions d'euros pour couvrir les besoins de formation de l'ensemble des personnels, y compris le personnel recruté localement. En outre, comme Hubert Védrine s'y était engagé l'an dernier, un Institut diplomatique a été créé pour compléter le dispositif global de formation et satisfaire à l'exigence croissante de professionnalisme.

La dotation prévue pour la rémunération des 5 850 personnels recrutés localement augmente de 3 millions d'euros afin de tenir compte de la hausse du dollar et de poursuivre l'application du plan d'action visant à améliorer les rémunérations, la protection sociale et la situation juridique de ces agents. Au total, 87 millions d'euros sont destinés à rémunérer ces agents, qui représentent plus de 70 % du personnel d'exécution du réseau diplomatique et consulaire.

Le regroupement au sein d'un chapitre unique des moyens de fonctionnement et des crédits de rémunération des recrutés locaux permettra de simplifier la gestion grâce aux reports de crédits et facilitera sa déconcentration. La réforme comptable, d'ores et déjà appliquée à 99 postes répartis dans 43 pays, sera étendue à 50 nouveaux postes.

Au total, bien que trop modeste, j'en conviens volontiers, la progression des crédits, la modernisation de nos instruments et le développement de mécanismes financiers nouveaux, nous permettent de traduire concrètement les axes prioritaires de notre politique de coopération : aide au développement, solidarité, influence dans les débats mondiaux et la bataille des idées, - laquelle est en effet essentielle, Monsieur Hage - défense de la diversité culturelle. Cette politique traduit notre objectif fondamental aujourd'hui : la lutte pour un monde plus sûr et surtout plus équitable. De la mondialisation, on voit aujourd'hui plutôt les méfaits que les bienfaits, lesquels existent pourtant. Le Président de la Banque mondiale déclarait avant-hier que « nous vivons aujourd'hui dans un monde sans assurance ». La question est de savoir si notre monde est aujourd'hui prêt à payer le prix de sa sécurité. Ne pourrait-on imaginer une fiscalité mondiale au service de la lutte contre les inégalités, de la répression des trafics de drogues et d'armes ?

Ce sujet sera évoqué à Monterrey, et aussi, je pense, à Johannesburg, dix ans après la conférence de Rio. La France plaidera pour une contribution à l'échelle du monde, en fonction des capacités de chacun, pour éviter que l'inégalité du monde s'accompagne d'une inégalité dans l'effort pour la réduire. Nous verrons si nos amis américains sont prêts à participer aussi à cette bataille-là.

Je termine sur une bonne nouvelle, la création du « nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique », qui offre à la coopération européenne une belle occasion de s'exprimer, tout en prenant garde de ne pas donner aux Africains l'impression que nous voulons les déposséder de leur initiative. Il y a là un vrai champ d'action, en particulier pour développer les infrastructures comme l'a souhaité M. Dufour.

Merci de bien vouloir voter ce budget, dont nous avons besoin pour mener les politiques que je vous ai présentées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne affaires étrangères.

Les crédits du titre III de l'état B, mis aux voix, sont adoptés.

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ÉTAT B, TITRE IV

M. Jacques Myard - Monsieur le ministre, j'admire votre courage ! J'aurais dû vous apporter des mouchoirs. Votre budget est placé sous le signe de la misère.

Auparavant, je tiens à protester contre la procédure retenue pour discuter, ou plutôt pour expédier la discussion du budget du ministère des affaires étrangères. Chacun sait que la situation internationale est calme, qu'aucune rupture géostratégique ne menace ! Cette façon d'expédier la discussion d'un budget qui est pour les députés l'occasion de s'exprimer sur la situation internationale n'est pas à l'honneur de l'Assemblée ni du Gouvernement.

Signe de misère, la faiblesse de vos moyens, qui régressent une nouvelle fois, la hausse étant de 1,3 % pour une inflation de 1,7 %.

Contrairement à vos affirmations, vous retrouvez à peine le niveau de 1997. Nous sommes passés, comme le montre le rapport de M. Tavernier, de 1,34 % cette année-là à 1,31 % en 1998, à 1,23 % en 1999, à 1,25 % en 2000 et 1,28 % en 2001. Déclarer avoir arrêté le déclin du budget des affaires étrangères est donc une contrevérité.

De plus, si M. Hollande peut se targuer de 10 000 fonctionnaires supplémentaires, alors qu'à l'éducation nationale, relève la Cour des comptes, les professeurs sont dans certains secteurs en nombre pléthorique, on assiste à une nouvelle réduction de vos effectifs, après une purge qui dure depuis plus de dix ans. Et l'on s'étonne que l'action de la France dans le monde régresse, et en particulier la francophonie !

Enfin, dernier signe de misère, vous continuez d'ignorer superbement les ruptures géostratégiques. L'APD de la France en 2001 représente 0,32 % du PIB, contre 0,57 % lorsque la droite était au pouvoir. Je m'inquiète vivement, après cela, du décalage entre vos bonnes intentions et la réalité de votre politique.

En fait, la France ignore ce qui se passe sur son flanc sud, cette rupture qui va provoquer des tensions permanentes. La diplomatie française doit donc réaliser sa révolution culturelle, et s'intéresser à la situation sur son flanc sud. Je vous invite à nommer sur le pourtour de la Méditerranée nos meilleurs diplomates.

Pour toutes ces raisons, je vous demande d'adopter mon amendement 87, qui tend à majorer les crédits du titre IV pour rendre au ministère les moyens dont il a besoin. En effet les crédits du titre IV n'évoluent que de façon misérable, 0,05 %, soit une régression véritablement dramatique. Je me tourne vers mes collègues de la majorité, vers l'excellent rapporteur Tavernier : pour une fois, montrez-vous courageux, votez mon amendement !

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial - M. Myard nous rajeunit !

M. Jacques Myard - Vous en avez bien besoin !

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial - En 1998 et 1999 il a posé la même question. Ma réponse sera la même.

Je vous trouve, Monsieur Myard, terriblement sévère pour autrui et amnésique pour vous-même. Vous avez relevé la stabilité des moyens depuis 1998. C'est vrai.

M. Jacques Myard - Non ! Ils diminuent !

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial - Mais vous avez omis de rappeler le plan Juppé de 1994-1997 qui a organisé la casse des moyens du ministère des affaires étrangères. Nous nous efforçons de redresser la barre, avec beaucoup de difficultés. Faites donc votre mea culpa avant de nous critiquer.

Oui, 200 millions de francs manquent à ce budget, et nous le regrettons.

M. Jacques Myard - Alors, donnez-lui au moins mes 8 millions d'euros.

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial - J'ai dit et écrit que le ministère des finances a une vision bien trop étroite de la politique internationale. Votre amendement est formellement recevable, même s'il tend à accroître les charges de l'Etat. Sur le fond, les mesures négatives sur le titre IV relèvent pour l'essentiel de la rationalisation de la gestion issue de la réforme de la coopération, qui a permis des économies importantes.

Voilà pourquoi, à titre personnel puisque la commission n'a pas examiné votre amendement, j'émets un avis défavorable.

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères - Le rapporteur spécial à bien répondu à l'interpellation renouvelée de M. Myard. Sur la procédure, ce dernier a tort. Pour la deuxième fois, nous avons examiné le budget des affaires étrangères au sein d'une commission élargie, dans d'excellentes conditions de travail et d'écoute. La séance d'aujourd'hui peut ensuite apparaître...

M. Jacques Myard - Comme surréaliste !

M. le Président de la commission - ...non pas comme dérisoire, puisque vous êtes là ; mais le travail a eu lieu précédemment.

J'en profite pour remercier chaleureusement les rapporteurs pour la qualité et l'objectivité de leur travail, que vous avez vous-même reconnue.

Je remercie également les collègues de la commission, et en particulier ceux du groupe majoritaire. Voilà en effet trois ans que, d'avril à octobre, nous nous battons pour que le ministère des finances et le Premier ministre, qui procède aux arbitrages, ressentent mieux la nécessité de posséder des outils pour développer une diplomatie française telle que la conduisent Hubert Védrine et Charles Josselin.

Notre travail a permis, quoi que vous disiez, de mettre fin à une tragique glissade en toboggan à l'_uvre dans les années 1994-1998.

M. Jacques Myard - Mais non !

M. le Président de la commission - Je félicite de leur sagesse les groupes qui, dans la très grave situation internationale ont décidé de voter les crédits permettant à notre diplomatie de développer son action.

M. le Ministre délégué - La procédure budgétaire relève de la compétence de l'Assemblée.

M. Jacques Myard - C'est la seule qui lui reste !

M. le Ministre délégué - Le temps passé en commission puis ce matin en séance est plus long que celui consacré au budget des affaires étrangères les années précédentes. Que la discussion soit trop rapide est un sentiment partagé pour l'examen de tous les budgets.

En revanche, je tiens à dénoncer l'amalgame auquel a procédé M. Myard entre les moyens de fonctionnement du ministère et ceux de l'APD.

S'agissant des moyens spécifiques du ministère des affaires étrangères, nous avons mis fin à une baisse très rapide enclenchée par vos amis, et c'est une bonne chose. En particulier, cela permettra de stabiliser les effectifs. Mais comme tout grand paquebot, notre ministère a besoin de temps pour effectuer la man_uvre.

Quant à l'APD, je l'ai dit, elle a atteint un maximum lors de la dévaluation du franc CFA. A ce propos, je redis tout l'intérêt que nous portons à l'Afrique, mais désormais à toute l'Afrique, ce que les Africains apprécient, convaincus qu'ils sont, plus que nous, de la solidarité africaine, qui effectivement se développe.

En vous entendant parler de flanc sud, j'ai craint que vous n'ayez à l'esprit la politique de la canonnière. Notre relation au sud n'est plus une relation d'autorité, nous ne cultivons pas la nostalgie comme d'autres, comme vous peut-être (M. Jacques Myard éclate de rire). S'il s'agit de conquête, notre ambition, selon l'expression de ce grand explorateur de Dinan, Auguste Pavie, qui commença sa carrière comme marsouin et la termina ambassadeur plénipotentiaire à Pékin, c'est la conquête des c_urs. C'est à celle-ci, Monsieur Myard, que je vous invite.

M. le Président - Monsieur Myard, souhaitez-vous répondre ?

M. Jacques Myard - Oui ( Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Gateaud, rapporteur pour avis - Au RPR, on ne le laisse pas parler.

M. Jacques Myard - Pas du tout, et je me félicite des propos de M. Jean-Bernard Raimond.

Monsieur Tavernier, la principale qualité d'une politique, c'est sa cohérence. Or je crains fort qu'entre ce que vous avez écrit et ce que vous venez de dire, il y ait une incohérence fondamentale. Vous l'assumez seul.

Monsieur Loncle, on peut certes discuter en commission comme nous l'avons fait, mais c'est ici que se déroule le débat public et c'est l'Assemblée qui tranche. Il est donc parfaitement regrettable que l'on ait choisi cette procédure simplifiée.

Un Premier lord de l'amirauté disait de l'amiral Jellicoe : « Il a toutes les qualités de Nelson, sauf celle de savoir désobéir. » Pour ma part, je vous invite à désobéir.

L'amendement 87, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Myard - Ils se sont couchés !

Les crédits de l'état B, titre IV et ceux inscrits à l'état C, titre V et à l'état C, titre VI, successivement mis aux voix, sont adoptés.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 20.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            Jacques BOUFFIER


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