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Session ordinaire de 2001-2002 - 24ème jour de séance, 57ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 12 NOVEMBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite) 2

      INTÉRIEUR 2

La séance est ouverte à neuf heures trente.

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LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002.

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INTÉRIEUR

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité - L'examen des crédits de votre ministère s'inscrit dans un contexte difficile. Deux mois après le 11 septembre, il nous faut renforcer et renouveler la lutte contre le terrorisme, sans céder ni à la terreur, ni à un optimisme exagéré.

La criminalité et la délinquance suscitent par ailleurs des inquiétudes auxquelles vous vous heurtez quotidiennement. Elus de circonscriptions voisines, nous les percevons tant au contact de nos concitoyens qu'à celui des syndicats de policiers que nous avons rencontrés, Jean-Pierre Blazy et moi-même. Les récentes manifestations de policiers suite à la mort de leurs collègues en service en ont été une émouvante expression.

Si le contexte économique est moins favorable, la sécurité est une réelle priorité de ce gouvernement. En témoigne au premier chef la hausse de 3,42 % des crédits de la police nationale, qui représente - c'est là le plus important - plus d'un milliard de francs. Ce budget dépassera 33 milliards. L'augmentation non négligeable des crédits de la police nationale doit être connue tant des policiers que de nos concitoyens.

M. Michel Hunault - Ce n'est pas suffisant !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial pour la sécurité - Rien ne l'est, mais le vote des impôts donnera la mesure de la solidarité de chacun. La police nationale est dotée de moyens nouveaux. 2 000 emplois sont créés, dont 1 650 de gardiens de la paix, 50 de brigadiers de police et 300 dans les services administratifs. S'y ajoutent les 1 000 emplois créés à l'initiative du Premier ministre, à l'issue du conseil de sécurité du 30 janvier 2001, pour la généralisation de la police de proximité. Il faut remonter au plan Joxe pour trouver aussi bien.

M. Jean-Antoine Leonetti - Ce discours est inadmissible pour la population et pour les policiers !

M. Tony Dreyfus, rapporteur - Gardons un minimum de sérénité. Si nous devons sans arrêt rappeler les manifestations de telle ou telle catégorie, quelle que soit notre estime pour elle,...

M. Rudy Salles - Ce n'est pas sérieux.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial pour la sécurité - ...c'est vous qui ne serez pas sérieux.

Les créations d'effectifs s'entendent en sus du remplacement des départs à la retraite. Au nombre de 4 600 par an depuis 1998, voire de 4 924 en 2001, ceux-ci vont concerner « naturellement » plus de 4 200 agents pendant plusieurs années, M. Marcelin ayant procédé à de nombreuses embauches entre 1968 et 1974.

Les régimes indemnitaires des différents corps de police ont par ailleurs bénéficié de relèvements substantiels. La police nationale n'échappera pas au problème général de l'indemnisation des heures supplémentaires. Celles-ci sont compensées aux policiers par une dispense de service effectif pendant plusieurs mois, voire une année. Ces heures sont les mieux rémunérées et les policiers ne sont pas remplaçables.

M. Jean-Antoine Leonetti - Cela s'aggravera avec les 35 heures !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial pour la sécurité - A la préfecture de police de Paris, ce crédit d'heures atteint 159 heures pour chaque membre du service concerné. Y substituer un remboursement coûterait plus de 500 millions.

Mais l'on sait aussi que les organisations syndicales représentatives de ces personnels discuteront pied à pied un autre système de compensation. Quoiqu'il en soit, le système actuel a atteint les limites de l'absurde, et il est d'autant moins possible de laisser ainsi s'accumuler ces dispenses de service que la mise en place des 35 heures va encore aggraver la tendance.

M. Michel Hunault - Et renforcer les contraintes !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial pour la sécurité - Sur un autre plan, il est bien que les subventions en capital destinées à contribuer aux dépenses de construction de logements permettent de poursuivre le dispositif de 400 réservations de logement au bénéfice des personnels de la police nationale. Mais le coût du logement demeure un problème réel pour les jeunes gardiens de la paix, au point que ceux qui sont affectés à Paris et en Ile-de-France...

M. Rudy Salles - ...et pas seulement là !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial pour la sécurité - ...demandent, en masse, une nouvelle affectation. La cherté des loyers explique en partie ce désir de fuite. Pourtant, la police de proximité, pour être efficace, a besoin de fonctionnaires motivés et, d'une certaine manière, attachés à leur terrain d'action.

Le Gouvernement a déjà consenti un effort important, en augmentant notablement les crédits destinés à ces réalisations immobilières, et en les maintenant dans le présent budget.

S'agissant des dépenses en capital affectées à l'équipement immobilier de la police nationale, on anticipe d'importants reports dus, notamment, à ce que de nombreux appels d'offres sont restés infructueux. Les crédits de paiement pour 2002 permettront notamment la mise en chantier des hôtels de police de Marseille-centre, de Nîmes, de Nantes et de Palaiseau et l'achèvement de celui de Strasbourg.

La commission des finances unanime vous demande, Monsieur le ministre, de porter une attention particulière au renouvellement de l'équipement des policiers, qu'il s'agisse des gilets pare-balles, dont on sait l'inconfort, des moyens de télécommunications, archaïques, ou du parc automobile, désuet au regard des moyens de la pègre. Le coût de ces mesures est certes important, mais elles sont indispensables.

En conclusion, nous ne pouvons pas considérer qu'il s'agit d'un bon budget dans l'absolu...

M. Rudy Salles - Dites simplement qu'il est mauvais !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial pour la sécurité - ...et nous attendons de vous, Monsieur le ministre, l'annonce de nouvelles mesures répondant aux attentes des policiers et de la population. Pour autant, personne ne peut mettre en doute le fait qu'assurer la sécurité de nos concitoyens et supprimer les zones de non-droit est une priorité permanente du Gouvernement. Nous vous faisons toute confiance pour poursuivre cette action (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Rudy Salles - Blablabla !

M. le Président - Notre ordre du jour étant particulièrement chargé, j'invite tous les orateurs à respecter strictement leur temps de parole.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la police - Le projet de loi de finances pour 2002 confirme que la sécurité constitue la principale priorité de l'action gouvernementale, telle qu'elle avait été définie en 1997 dans le discours de politique générale du Premier ministre.

Depuis l'arrivée aux responsabilités de la gauche plurielle, la police nationale connaît de profondes mutations. Les réformes tendent à modifier ses capacités d'intervention et son rapport avec la population. La mise en place de la police de proximité, la signature des contrats locaux de sécurité, la création des adjoints de sécurité, le début de redéploiement des effectifs vers les zones sensibles, la modification des assises territoriales respectives de la police et de la gendarmerie, la fidélisation des forces mobiles : telle est l'_uvre du Gouvernement.

La sécurité est un droit fondamental des citoyens. La restaurer, partout et pour tous, en généralisant la police de proximité et en renforçant la lutte contre la délinquance, tels sont les objectifs du Gouvernement que traduit ce budget.

M. Rudy Salles - Ce n'est pas nous qu'il faut convaincre ! Allez dire ça à la population !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - En 2002, les crédits du budget de la police seront en progression de 3,42 %, taux supérieur à celui de l'évolution moyenne du budget général, qui est de 1,9 %. Le pouvoir d'achat réel du ministère, en faveur de la police, augmentera de près de 2 %. Tels sont les faits, Messieurs de l'opposition !

M. Michel Hunault - Allez sur le terrain !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Ce budget permettra de poursuivre les réformes engagées. Ainsi, en 2002, la dernière vague de généralisation de la police de proximité concernera 219 circonscriptions de sécurité publique, réparties sur 84 départements, et 7,5 millions d'habitants. A l'issue de cette opération, la mise en _uvre de la police de proximité sera achevée dans les 462 circonscriptions de sécurité publique.

En 2002, un effort sans précédent depuis Gaston Defferre sera donc consenti. 3 000 emplois seront créés, pour 2 700 policiers actifs et 300 emplois administratifs, techniques et scientifiques.

M. Michel Hunault - Mais cela ne fait que compenser les départs en retraite !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Il s'agit de la mesure phare de ce budget, qui permettra aussi l'application de la réduction du temps de travail. La refonte du régime indemnitaire des agents du corps de maîtrise et d'application sera poursuivie, et la qualification d'officier de police judiciaire sera étendue à 1 000 agents de ce corps. De même, des mesures visent à améliorer la carrière et le régime indemnitaire du corps de commandement et d'encadrement, des commissaires et des autres catégories de personnel.

S'agissant des adjoints de sécurité, dont la formation a été renforcée, il conviendra d'être attentif aux difficultés de recrutement qui, d'ailleurs, concernent aujourd'hui le dispositif « emplois-jeunes » dans son ensemble. On se félicitera cependant que 5 000 d'entre eux ait déjà réussi le concours d'entrée dans la police nationale.

Avec ce projet, c'est une progression de plus de 11 % des effectifs de la police nationale depuis 1997 qu'il faut constater. Ce gouvernement aura donc recruté dix fois plus de gardiens de la paix entre 1997et 2002 que le Gouvernement précédent entre 1993 et 1997. Tels sont les faits !

M. Rudy Salles - Voyez les résultats !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Par ailleurs, les moyens des services de police dépassent à nouveau 4 milliards de francs, avec une mesure nouvelle de 150 millions de francs. Ces crédits serviront à la protection des personnels, avec l'acquisition de nouveaux gilets pare-balles, de 5 000 véhicules neufs, d'effets d'intervention et de matériel informatique. S'agissant du logement des policiers, un effort important sera réalisé notamment en Ile-de-France, avec des moyens accrus de 60 % en autorisations de programme. L'effort engagé concernant la rénovation du parc immobilier doit être poursuivi.

Certes des interrogations demeurent. Les manques d'effectifs, particulièrement en Ile-de-France, alors que la police de proximité nécessite des moyens humains accrus, sont réelles. Les départs massifs à la retraite n'ont pas été suffisamment anticipés par les gouvernements précédents (Protestations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Le mouvement se poursuivra jusqu'en 2004, ce gouvernement y fait face (Mêmes mouvements).

De même, la police doit assumer des missions particulièrement lourdes, dont le financement n'avait pas été prévu. Je parle, bien sûr, de la mise en place du plan Vigipirate renforcé, mais aussi des opérations liées au passage à l'euro ou de la question des flux migratoires dans la région Nord-Pas-de-Calais.

Beaucoup a donc été fait, et beaucoup reste à faire. Certains souhaitent que, une fois la généralisation de la police de proximité achevée, nous passions à une définition pluriannuelle des orientations et des moyens à engager en matière de sécurité. Les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale en 1999 ont montré que le Parlement était une enceinte adaptée pour cette réflexion.

Les policiers, qui risquent leur vie quotidiennement pour protéger les Français, doivent être salués et soutenus par la représentation nationale. Je comprends le malaise que peuvent provoquer dans leurs rangs, les décès au cours d'opérations (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR), décès qui sont à déplorer chaque année, avant et après 1997. Nous devons conforter les policiers dans l'exercice de leurs missions, et non les fragiliser par des discours, tendant à municipaliser et donc à démanteler la police nationale.

La mise en place de la police de proximité, initiée lors du colloque de Villepinte en octobre 1997, restera comme la grande réforme de la législature en ce qui concerne la police nationale. Même s'il est trop tôt pour établir un bilan définitif, cette réforme s'imposait du fait de l'évolution de la délinquance. La droite entretient à ce sujet une polémique incessante, alors que depuis dix ans les résultats varient d'une année sur l'autre et que les statistiques mesurent autant le niveau d'activité des services de police que l'évolution de la criminalité (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). La droite nous répète que lorsqu'elle est au pouvoir, la délinquance diminue et que lorsque la gauche est au pouvoir, la délinquance augmente.

M. Christian Estrosi - C'est vrai ! C'est dans votre rapport !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - On peut aussi dire que lorsque la gauche est au pouvoir l'activité des services de police augmente, et cela d'autant plus avec la mise en place de la police de proximité. En disant cela, je ne sous-estime pas les réalités de l'insécurité, mais il faut dépassionner la question des statistiques (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). C'est le rôle de la mission qui a été confiée par le ministre de l'intérieur à MM. Caresche et Pandraud.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé un plan d'action renforcé pour la police. J'y suis favorable et mon rapport suggère cet effort supplémentaire pour 2002. Il s'agit en effet de réaliser dans de bonnes conditions la réduction du temps de travail, de financer le dispositif de prévention des actes terroristes et la mise en place de l'euro, et de mieux assurer le renouvellement du parc automobile, mais aussi l'achat de gilets pare-balles : ces derniers points devraient figurer dans la loi de finances rectificative.

J'attire aussi votre attention sur la mise en _uvre de la nouvelle bonification indiciaire ville, dont les modalités d'application risquent de provoquer un sentiment de dévalorisation chez les personnes qui n'en bénéficieront pas. Mais au total, je me félicite, pour l'ensemble du groupe socialiste, d'un budget qui va permettre de poursuivre les réformes engagées dans la police nationale. Je pense que nous pourrons, dans le cadre de la navette, puis de la loi de finances rectificative, trouver les compléments indispensables pour réussir totalement ce budget 2002 et répondre à l'attente des policiers (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile - Les années se suivent et se ressemblent sur certains points, en particulier les drames qui se répètent : inondations, tempêtes, accidents de mer et de montagne, incendies de forêts, accidents de la route sont malheureusement devenus habituels.

Ce qui l'est moins, les événements tragiques à New York et à Toulouse donnent une dimension nouvelle aux missions des services de secours et nous obligent à considérer l'organisation de la sécurité civile avec un autre regard.

L'étendue des missions de service contraste avec la modestie du budget de l'Etat : même si on note une progression de 1,8 %, ce budget reste structurellement le même.

Il est modeste dans les sommes allouées : 1,6 milliard de francs, soit 1,44 % du budget de l'intérieur qui, lui-même, ne représente que 6,53 % du budget de l'Etat.

Il est modeste dans ses missions, puisque l'essentiel est destiné aux moyens gérés par la direction de la défense et de la sécurité civile. Et un quart des crédits sont consacrés aux sapeurs-pompiers de Paris.

Il est modeste dans ses ambitions, car il n'anticipe pas la loi sur la sécurité civile que vous reportez, une fois de plus.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Ce n'est pas exact !

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis pour la sécurité civile - Si, si, Monsieur le ministre ! L'année dernière, vous l'aviez annoncée pour l'automne 2001, maintenant vous parlez de l'automne 2002.

M. le Ministre - Ce n'est pas exact.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis pour la sécurité civile - Ce budget n'est pas à la mesure des risques multiples et nouveaux qui peuvent s'abattre sur notre pays.

La mission interministérielle, créée à la suite des inondations et tempêtes de l'hiver précédent, a montré de graves faiblesses structurelles dans l'organisation des secours et mis en garde contre le risque de capacités d'intervention insuffisantes de l'Etat.

Par ailleurs, les risques technologiques nouveaux des sociétés modernes imposent de mettre en place un dispositif de prévention national.

Je passerai sur les opérations de déminage, qui peuvent mettre en danger, on l'a vu, la sécurité des personnes et des biens, et qui se déroulent trop lentement - à ce rythme il faudra un siècle !

Face aux enjeux et au budget étriqué de l'Etat, les collectivités locales, elles, consacrent près de 15 milliards de francs à la sécurité civile, soit dix fois plus avec des progressions de 10 à 30 % sur l'année dernière.

Le rapport Fleury souligne que l'Etat devrait participer de manière plus importante à cette mission régalienne, par l'intermédiaire, notamment, de la DGF et par la prise en charge de secteurs tels que les équipements zonaux, les transmissions et la formation.

La loi sur la démocratie de proximité, telle qu'elle a été amendée, a permis de préciser un certain nombre de points litigieux. Il est néanmoins nécessaire d'ouvrir sans tarder le débat sur l'organisation, les missions et le financement des services de sécurité civile, mais également sur la situation des personnels qui, au dévouement et au courage, doivent maintenant allier un professionnalisme exigeant une formation organisée par l'Etat. Rappelons que les sapeurs-pompiers paient un lourd tribut et leur métier doit être considéré comme profession à risque. Vous-même, Monsieur le ministre, avez annoncé une loi de sécurité civile mais, compte tenu des échéances électorales, elle ne sera probablement pas présentée par votre gouvernement.

L'actualité récente a plus que jamais consacré la sécurité civile comme composante à part entière de la sécurité des citoyens.

La mission interministérielle a regretté l'effacement de l'Etat, marqué par un certain désengagement de ses fonctions classiques et une érosion des moyens disponibles. Elle a appelé à moderniser le dispositif pour être à même, dans les années à venir, de faire face à des causes par nature imprévisible. Depuis, l'imprévisible a bien eu lieu et le budget n'en a pas été modifié pour autant.

Ce budget ne tient compte ni du rapport Fleury ni du rapport Sanson, et vous décidez une fois de plus de reporter le projet sur la sécurité civile. Pour ces raisons, votre rapporteur a demandé à la commission de ne pas l'adopter. Mais compte tenu de la majorité actuelle, elle ne m'a pas suivi. Pour moi, il s'agit d'une faute grave...

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - C'est excessif !

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis pour la sécurité civile - Est-ce excessif après ce qui s'est passé à Toulouse et à New York ? Et, je le répète, vous n'envisagez même pas de réformer la loi sur la sécurité civile.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial pour les collectivités locales - Alors, il faudra voter les impôts.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis pour la police - Les collectivités consacrent 15 milliards à la sécurité civile, l'Etat apporte 1,5 milliard. Quel contraste ! On est vraiment à contre-courant de la décentralisation ; l'Etat ne prend même pas en charge les missions interdépartementales.

Enfin, face au risque chimique, bactériologique, terroriste, considérer qu'on peut se contenter de reconduire ce budget est un manque d'anticipation et, oui, une grave faute politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial pour les collectivités locales - L'ensemble des dotations de l'Etat aux collectivités locales atteignent en 2002 54,639 milliards d'euros, environ 370 milliards de francs, contre 51,336 milliards d'euros en 2001, soit une progression de 6,8 % à périmètre constant. Grâce au contrat de croissance et de solidarité, c'est de nouveau une bonne année pour les collectivités locales.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration générale et les collectivités locale - Très bonne.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial pour les collectivités locales - L'Etat est donc, plus que jamais, le premier contributeur au budget des collectivités locales, ce qui renforce la nécessité de réformer en profondeur leur fiscalité.

Grâce à la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, l'enveloppe normée des dotations, indexée désormais sur l'évolution des prix mais aussi pour 33 % sur celle du PIB s'élève à 28,7 milliards d'euros, ou 188,3 milliards de francs, soit 6,7 milliards de francs de plus que si l'on en était resté au pacte de stabilité. Elle progresse de 2,25 % par rapport à 2001, et dans cette enveloppe, la DGF progresse de 4,07 %, ce qui, mécaniquement, se traduit par une diminution de la dotation de compensation de la taxe professionnelle qui sert d'ajustement de l'enveloppe normée. Cette croissance record de la DGF permet de financer l'intercommunalité et la péréquation de la DSU et de la DSR, même si des majorations exceptionnelles sont nécessaires afin de faire progresser ces deux dotations de 5 %. Cette hausse bénéficie également à la dotation spéciale instituteurs, la dotation élu local et la dotation générale de décentralisation, qui ont la même indexation que la DGF. Il en va de même pour diverses formes de compensation de la fiscalité locale, comme celles qui correspondent à la suppression de la part départementale des droits de mutation à titre onéreux, de la vignette et de la part régionale de la taxe d'habitation, ainsi que la compensation de la réforme de la taxe professionnelle ; dans ce dernier cas, la compensation de la suppression de la part salaires atteint en 202 7,8 milliards d'euros, ou 51,19 milliards de francs, en hausse de 47 %. Cela représente un allégement de plus de 33 milliards de francs pour les entreprises.

Les dotations d'équipement indexées sur la formation brute de capital fixe des administrations publiques, progressent évidemment à un rythme plus faible, de 1,7 %.

Les vraies difficultés se posent à propos du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui sont des outils majeurs d'une meilleure répartition entre collectivités. Les dotations de l'Etat au FNPTP diminuent de 1,29 %, car elles sont indexées sur l'évolution de ses recettes fiscales nettes. Le produit de la cotisation nationale de péréquation de la taxe professionnelle va diminuer d'environ 20 milliards de francs, et l'apport de France Télécom et de la Poste diminue de 300 millions de francs. Dans ces conditions, le financement du FNPTP est très problématique pour 2003. Ces difficultés se répercutent sur le fonds national de péréquation, alimenté par le solde du FNPTP et par une dotation de l'Etat. Quant à la DCTP, qui sert de variable d'ajustement à l'enveloppe normée, elle diminue de 7,5 %. L'édifice complexe de la péréquation construit au fil des réformes successives est menacé.

Avec 27,448 milliards d'euros, les dotations hors enveloppe sont désormais pratiquement équivalentes à celles de l'enveloppe normée.

Le Gouvernement a pris conscience de la nécessité de réformer la fiscalité locale. Une note d'orientations proposée au comité des finances locales propose un choix de possibilités, sans prendre position. Elle me paraît trop timide pour mettre fin à l'inadéquation de la fiscalité locale aux exigences de notre temps.

Par exemple, on veut favoriser l'intercommunalité, mais on ne mène pas une politique fiscale cohérente dans ce sens. Les EPCI à taxe professionnelle unique assument désormais de nombreuses compétences transférées. Il faut stabiliser leurs ressources ; or la dotation de groupement - un des trois éléments de la dotation d'aménagement de la DGF- ne répond pas à ce besoin, ce qui a obligé à adapter à plusieurs reprises les règles de garantie. Ce mode de financement a des répercussions sur la DSU, la DSR, donc sur la péréquation, qui devrait contribuer de façon dynamique à l'aménagement du territoire. Part ailleurs, les critères de coefficient d'intégration fiscale et de potentiel fiscal, censés favoriser une répartition objective des dotations provoquent en fait de fortes variations d'une année à l'autre et, dans le cas des EPCI, une course à l'intégration fiscale qui ne se justifie pas par ailleurs.

Les dotations hors enveloppe égalant pratiquement l'enveloppe normée, lorsque la norme perd son sens, on se trouve, pour reprendre le concept de Durckheim, dans un état d'anomie, qui est la pire des situations. Je souhaite vraiment qu'on trouve le courage de réformer très vite la fiscalité locale, en prenant comme base d'imposition des flux et non des stocks, difficiles à calculer. Il faut vraiment sortir de cet archaïsme.

L'opacité et la complexité des différents dispositifs complique la tâche des élus locaux mais aussi celle des services gestionnaires. Pour répartir certaines composantes de la DGF, il faut par exemple prendre en compte seize critères !

Ce budget est bon, incontestablement, mais il faudra une réforme profonde si l'on veut que les citoyens comprennent le sens de l'impôt qu'ils paient à des collectivités locales dont le rôle ne cesse de grandir et qui mènent des actions de plus en plus nécessaires, par exemple en matière de sécurité civile.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis pour la sécurité civile - Bravo !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial pour les collectivités locales - La commission des finances a donc approuvé ce budget, mais elle insiste sur la nécessité de procéder à une grande réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Rudy Salles - Eh oui, il est grand temps !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial pour les collectivités locales - Cette nécessité ne date pas d'hier, Messieurs, mais l'on a accumulé les réformettes qui n'ont rien arrangé !

M. Michel Hunault - Ce n'est pas nous qui le disons...

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial pour les collectivités locales - N'est-ce pas M. Chirac qui a créé la taxe professionnelle ?

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration générale et les collectivités locales - Chacun sait, Monsieur le ministre, et surtout en ce moment, que vous êtes le ministre des policiers et des pompiers mais peut-être sait-on moins que vous êtes aussi en charge des collectivités locales, des préfets et sous-préfets, des élections, des cultes...

M. Alain Clary - Ce qui rejoint la sécurité.

M. René Dosière, rapporteur pour avis pour l'administration générale et les collectivités locales - Je parlerai de ces aspects moins connus.

En 2002, l'ensemble des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales atteindra 380 milliards de francs, ce qui en fait le second poste budgétaire, après l'Éducation nationale.

Première observation : la DGF augmente de 4,07 %, soit le plus fort taux depuis 1993. Comme elle est calculée en partie en fonction de la croissance, cette progression peut être considérée comme le résultat de la politique économique conduite par le Gouvernement. Et comme plusieurs dotations et compensations sont indexées sur la DGF, cette progression a évidemment un effet « boule de neige ». La dotation forfaitaire que recevra chaque commune progressera d'environ 2,1 %, soit davantage que l'inflation. En outre, chaque commune recevra prochainement au titre de 2001 un complément de DGF égal à 0,88 % de la dotation initialement perçue.

Deuxième observation : certaines communes défavorisées continueront à percevoir un supplément de DGF. Entre 1997 et 2002, la DSU perçue par 800 communes de plus de 10 000 habitants aura ainsi augmenté de 80 %. Et la DSR, qui bénéficie à 4 000 communes rurales, aura quant à elle augmenté de 60 %.

Troisième observation : les abondements précédents en faveur de l'intercommunalité sont pérennisés, ce qui permettra de faire face au succès de la coopération intercommunale. En 2001, on recense 2 000 EPCI à fiscalité propre. Et il faut relever le succès de la mutualisation de la taxe professionnelle. C'en est fini des querelles de clocher entre communes se disputant l'implantation d'une entreprise. L'urbanisme s'en portera mieux. Au 1er janvier prochain, on devrait compter 30 à 40 nouvelles communautés d'agglomération.

Quatrième observation : la DCTP, variable d'ajustement des dotations de l'Etat, diminuera l'an prochain de 2,4 % seulement, grâce à l'abondement consécutif à la prise en compte des rôles supplémentaires de taxe professionnelle - c'est la jurisprudence Pantin. Cela permettra aux collectivités concernées de percevoir sur les quatre années à venir 293 millions d'euros. Et compte tenu de la dimension « solidarité » du contrat de croissance, les collectivités défavorisées ne subiront qu'une baisse de 1,2 %.

Cinquième observation : au total, le contrat de croissance et de solidarité voulu par Lionel Jospin se révèle très différent du pacte de stabilité octroyé par Alain Juppé. Il aura en effet permis aux collectivités de percevoir 13 milliards de plus que sous le régime Juppé.

Entre 1997 et 2002, les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales auront augmenté de 115 milliards, soit près de 40 %. Ce chiffre incorpore, il est vrai, les compensations de fiscalité, mais si l'on raisonne à périmètre constant, la progression moyenne annuelle atteint tout de même 2,7 %, soit plus que l'évolution globale des dépenses de l'Etat. Dans ces conditions, il faut beaucoup d'ignorance ou de mauvaise foi pour prétendre que ce gouvernement aurait renoncé à la décentralisation. Je relève au contraire que depuis 1997, quinze textes novateurs et trois textes complémentaires ont été votés, tandis que sur une même durée, la droite n'avait fait voter que trois textes novateurs et sept textes complémentaires.

La décentralisation n'est pas achevée et le Gouvernement s'attaque maintenant à une nouvelle réforme de la fiscalité locale, consistant non pas à remplacer un impôt local par une dotation de l'Etat mais bien à moderniser celle-ci. Permettez-moi d'insister sur la priorité qu'il convient d'accorder à la taxe d'habitation, qui est l'impôt le plus injuste. Le comité des finances locales souhaite une expertise sur la mesure qui consisterait à tenir compte du revenu pour la calculer. J'insiste, Monsieur le ministre, pour que cette expertise soit pilotée par un groupe de travail comprenant des élus.

M. Alain Clary - Très bien !

M. René Dosière, rapporteur pour avis pour l'administration générale et les collectivités locales - Concernant l'administration territoriale, il faut souligner l'intérêt de la globalisation des crédits de fonctionnement et de personnel qui, en 2002, concernera 18 préfectures.

Le fonctionnement du corps préfectoral devra être adapté. J'en parle avec d'autant plus d'expérience que l'Aisne vient de recevoir son quatrième préfet. Et avant de généraliser la globalisation, comme il est souhaitable, il conviendrait de réduire les inégalités qui existent entre départements. Il est en particulier urgent de mettre fin à la sous-administration des départements les plus peuplés - le Nord, le Pas-de-Calais, les départements de la région parisienne.

En 2002, la revalorisation - justifiée - des indemnités des personnels de préfecture se poursuivra afin de rattraper la « moyenne interministérielle ».

Je continue à relever un nombre trop élevé de préfets hors cadre, mais je note que les dix derniers nommés hors cadre ont tous retrouvé une affectation précise.

En ce qui concerne le financement des partis politiques, il est nécessaire de remédier aux détournements de la loi. Il apparaît en effet que certaines associations, pour ne pas dire des sectes, et même des individus peuvent percevoir une aide financière de l'Etat alors que leur activité n'a de politique que le nom.

Enfin, j'analyse dans mon rapport un aspect méconnu du budget de l'intérieur : le budget des cultes d'Alsace-Moselle, où par suite de circonstances historiques, la République nomme les évêques et rémunère 1 054 curés, 307 pasteurs et 24 rabbins. Situation originale à laquelle les populations d'Alsace et de Moselle demeurent profondément attachées, ainsi d'ailleurs qu'à l'ensemble du droit local. Cette particularité régionale renforce leur attachement à la République sans remettre en cause la laïcité proclamée dans notre Constitution. Il y a ainsi plusieurs manières de vivre la laïcité et il faut éviter d'avoir une idée toute faite de la République. Celle-ci doit être capable d'accueillir tous ses enfants dans leur diversité.

La commission des lois a émis un avis favorable sur ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Rudy Salles - Nous voici réunis pour la dernière fois de la législature afin d'examiner le budget de l'intérieur pour 2002. Le temps est donc venu non seulement de l'analyser mais aussi de faire le bilan de l'action menée par le Gouvernement depuis 1997.

Je me contenterai d'évoquer le budget de la sécurité civile, car avec le groupe UDF j'adhère totalement à l'excellent exposé de M. Leonetti. Je soulignerai toutefois le décalage entre les discours d'autosatisfaction et un budget structurellement inchangé depuis quatre ans et qui cantonne les crédits de la sécurité civile à 1 % du budget de l'intérieur, soit seulement 1,6 milliard de francs, dont le quart est affecté aux services de secours de la ville de Paris. Rappelons que les collectivités territoriales, avec des budgets s'élevant à 16 milliards, assument pratiquement seules la charge des services départementaux d'incendie et de secours. Dans un contexte marqué par l'augmentation des catastrophes naturelles, on ne peut que déplorer l'immobilisme du Gouvernement. Depuis plusieurs années, il explique que le budget est un budget de transition. Nous aurions donc pu espérer qu'en cette fin de législature, il présente enfin un budget d'aboutissement ambitieux et réaliste. Tel n'est pas le cas, nous le déplorons.

Les crédits destinés aux collectivités locales augmentent considérablement, avec la reconduction exceptionnelle du contrat de croissance et de solidarité, mais cette hausse doit être appréciée au vu des changements de structure et de conjoncture. Elle masque en effet une véritable recentralisation des finances locales (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) : l'Etat tend à transférer de plus en plus de charges aux collectivités territoriales sans donner à celles-ci les moyens d'assurer leurs missions. Dans la logique d'une prétendue cogestion, le rapport de force et l'opacité l'emportent sur la transparence et le droit. Le contrat est devenu l'outil des transferts de charges entre partenaires inégaux. L'Etat ne respecte pas ses engagements, laissant ainsi les acteurs locaux dans l'incertitude. Il se montre de plus en plus soupçonneux, à mesure qu'il se désengage financièrement.

La fiscalité locale a été profondément remodelée avec la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, qui s'étale sur cinq ans à partir de 1999, la suppression de la taxe d'habitation des régions, le nouveau régime des droits de mutation ou la suppression de la vignette.

M. René Dosière, rapporteur pour avis pour l'administration générale et les collectivités locales - Seriez-vous contre les baisses d'impôts ?

M. Rudy Salles - Alors que la part de l'Etat dans la fiscalité directe locale est restée stable entre 1994 et 1998, autour de 22 %, elle n'a cessé d'augmenter ensuite : 24 % en 1999, 29 % en 2000 et 31,4 % en 2001, l'Observatoire des finances locales.

L'annonce d'une hausse de 5 % de la DSU allouée aux communes défavorisées laisse sceptique, d'autant que cette dotation risque de devenir une nouvelle variable d'ajustement par rapport à la dotation d'intercommunalité qui, à compter de 2002, ne bénéficiera plus d'un abondement hors DGF. Les collectivités locales peuvent également craindre de faire les frais, en cours d'année, d'une régularisation de la DGF, compte tenu des hypothèses sur lesquelles le Gouvernement a choisi de construire son budget.

En matière de sécurité enfin, le décalage est flagrant entre les déclarations d'autosatisfaction que j'ai pu entendre en commission et la réalité.

Je tiens néanmoins à souligner que c'est la première fois depuis 1997 que nous disposons des statistiques pour la première partie de l'année en cours. Vous avez renoué avec une tradition de la précédente législature et je vous en félicite, n'était que vous avez agi de la sorte parce que vous avez été rattrapés par la montée vertigineuse de la délinquance. Quand bien même vous auriez voulu taire les chiffres, ils auraient été publiés par les syndicats de police. La délinquance et la criminalité ont augmenté de 10 % depuis le début de l'année.

A Nice, on a enregistré en 2000 une hausse de 325 % des vols à la portière !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Que fait donc la police municipale ?

M. Rudy Salles - Vous savez bien qu'elle n'a aucun pouvoir.

Pour minimiser son échec, le Gouvernement impute cette explosion à la mise en oeuvre de la police de proximité et à la simplification des procédures. L'ouverture de nouveaux bureaux de police expliquerait l'augmentation des plaintes déposées. C'est une explication qui ne convainc personne. Dans les zones où la police de proximité a été installée, la délinquance n'a cessé d'augmenter mais dans les zones rurales et périurbaines, où il n'y a pas de police de proximité, elle a augmenté davantage ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Derrière les chiffres se cachent le découragement des policiers et des gendarmes, la lassitude des juges et une insécurité au quotidien qui gagne les lieux principaux de la vie en commun. L'insécurité figure désormais au rang des problèmes principaux du pays pour 32 % de l'opinion, soit un doublement entre 1996 et 2000, selon une enquête commandée par le fonds des Nations unies pour la population.

Notre groupe a demandé l'organisation d'un grand débat national sur le sujet : le Gouvernement a rejeté cette proposition. De nombreux amendements ont été défendus lors de la discussion du projet sur la sécurité quotidienne ; vous les avez rejetés. Mais il semble que, depuis peu, vous opériez un revirement qui tendrait à nous donner raison sur certains points. Notre collègue Donnedieu de Vabres vient de demander la création d'une commission d'enquête sur les violences urbaines : il se heurte à une fin de non-recevoir.

La mise en _uvre de la loi sur la présomption d'innocence a encore compliqué le travail des forces de l'ordre avec les conséquences que l'on sait : le drame du Plessis-Trévise où deux policiers ont été tués. Cette loi préparée, mise en _uvre dans un contexte marqué par le délabrement de l'appareil judiciaire, est inapplicable sur le terrain.

Ce que vous demandent les Français, ce n'est pas d'entraver l'action des policiers, c'est de leur fournir des moyens d'action accrus. Or, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le taux d'élucidation diminue, alors même qu'il a atteint un niveau historiquement bas. D'un peu moins de 27 % au cours du 1er semestre 2000, il est passé à 24,8 % sur les six premiers mois de cette année. Alors que le nombre d'infractions a augmenté de 10 % pour les six premiers mois de 2001, le nombre de personnes gardées à vue et écrouées a diminué dans les mêmes proportions.

Par ailleurs, le bilan des quelques 550 contrats locaux de sécurité signés à ce jour reste décevant. On déplore que ce dispositif ne prévoie pas de volet spécifique aux mineurs. D'autre part, la phase du diagnostic est sacrifiée parce qu'on recherche une signature rapide, c'est-à-dire un effet d'affichage. En outre, ces initiatives manquent de coordination avec les conseils communaux de prévention de la délinquance.

La police de proximité est un bon concept, dévoyé dans sa mise en _uvre. Du fait de l'insuffisance et de l'inadaptation des moyens elle ne se traduit que par un effet d'annonce et la dispersion des effectifs, au risque de décevoir la population et de démoraliser les forces de sécurité.

La sous-administration de la police, en outre, est à l'origine d'une situation qualifiée par la Cour des comptes de « gravement insatisfaisante » et vous avez pris du retard dans la mise en _uvre de la loi de programmation du 21 janvier 1995. Vous annoncez la création de 3 000 emplois de policiers supplémentaires, mais vous omettez de dire que le passage aux 35 heures et les départs massifs à la retraite absorberont ces nouveaux effectifs.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Parce que vous n'aviez pas prévu le remplacement des futurs retraités !

M. Christian Estrosi - C'est Chevènement qui ne les avait pas prévus.

M. Rudy Salles - Enfin, je voudrais conclure sur la délinquance des mineurs. On ne peut plus raisonner à législation constante. Certes, la philosophie de l'ordonnance de 1945 demeure plus que jamais d'actualité, mais ce texte a été plusieurs fois remanié depuis cinquante ans. La justice des mineurs est devenue opaque, difficilement compréhensible, avec une terminologie obsolète et une action défaillante. On ne compte que 300 juges des enfants pour 200 000 mineurs annuellement mis en cause sur le plan pénal, alors même que ces juges sont aussi chargés de la protection de l'enfance en danger, qui concerne 120 000 mineurs par an. L'ordonnance de 1945 mériterait aussi un débat national. Mais nous avons vu votre refus de toute réforme quand l'opposition a proposé ici même, il y a quinze jours, un texte que vous avez refusé d'examiner.

Chaque fois que vous êtes au pouvoir, la délinquance augmente, alors qu'elle diminue quand la droite gouverne (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Le groupe UDF regrette que, depuis cinq ans, vous ayez refusé de prendre en considération les analyses de l'opposition. Même si vous devenez plus réalistes, votre discours reste décalé et vous êtes incapables de mener une politique adaptée aux problèmes. Le groupe UDF ne votera pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Bruno Le Roux - Je veux d'abord rendre hommage aux policiers. C'est souvent quand il survient des drames qu'on découvre la difficulté de leur tâche. Nous sommes nombreux, ici, à la connaître de longue date. Permettez-moi d'avoir une pensée particulière pour les sept fonctionnaires tués cette année, et pour les policiers des commissariats d'Epinay-sur-Seine et de Saint-Ouen, durement touchés ces derniers temps. Ne nous cachons pas qu'il y a un malaise dans la police nationale, ce qui exige l'engagement de chacun. Il faut un budget à la hauteur des problèmes, des mesures spécifiques en faveur de fonctionnaires de police et un discours qui montre sans ambiguïté notre solidarité avec eux.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis de la sécurité civile - Il faut donc changer de majorité.

M. Bruno Le Roux - Nous serons donc attentifs aux mesures que vous allez annoncer.

Quant au discours de certains, en faveur de la municipalisation de la police, il a contribué à démotiver nos fonctionnaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Pour la police de proximité, le budget prévoit le financement...

M. Francis Delattre - Epinay a répondu !

M. Bruno Le Roux - ...de la dernière phase de généralisation, qui concernera 7,5 millions d'habitants. Les élus, les policiers et la population s'accordent sur la réussite de cette réforme là où elle a été bien appliquée.

Restent les effectifs et les mutations, dont la lenteur perturbe gravement le fonctionnement de nos circonscriptions et la mise en place de la police de proximité. Tant sur les horaires que sur les jours de la semaine, la souplesse est nécessaire à la proximité. Grâce à votre autorisation, une organisation a été trouvée pour le week-end sur le site des puces de Saint-Ouen.

Nous craignons cependant de voir se diluer la réforme. A vouloir assurer partout la police de proximité, on ne l'assure pas bien...

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis pour la sécurité civile - Quel aveu !

M. Bruno Le Roux - ...là où le besoin est urgent.

La présence sur le terrain ne doit pas empiéter sur l'investigation. La police de proximité doit pouvoir assurer, avec le concours de tous les services de police, l'ensemble des tâches. La réforme avait été un peu vite en besogne en prévoyant une généralisation sur quatre ans.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis pour la sécurité civile - Voilà un début de lucidité !

M. Bruno Le Roux - Elle mérite d'être confortée et vous vous y employez en étoffant encore les personnels : renfort de 3 000 gardiens de la paix et gradés, budget exemplaire, sans gel d'emplois. Vous avez à gérer une faute politique majeure, l'absence de gestion des départs à la retraite. La sécurité a pesé lourd dans l'alternance de 1997. Il faut dire aux Français que les écoles de policiers étaient à moitié vides quand nous sommes arrivés et que les départs en retraite n'avaient pas été prévus.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis pour la sécurité civile - Comment arrivez-vous à faire moins bien avec plus de moyens ?

M. Bruno Le Roux - La hausse de 8,8 % des crédits de formation - soit 18,4 millions de francs - est nécessaire, notamment aux OPJ dont nous avons accru les effectifs.

L'ensemble de ces crédits reflète la priorité accordée par le Gouvernement à la police de proximité. Les mesures nouvelles sont nombreuses et permettent de poursuivre une politique novatrice fondée sur le nombre, la qualité, la formation et la motivation des personnels recrutés.

La lutte contre le terrorisme - avec des sujétions particulières dans le cadre du plan Vigipirate renforcé -, les rémunérations et les régimes indemnitaires nourrissent un climat de tension. J'espère donc que vous tiendrez compte du plan Vigipirate et de la police de proximité dans la loi de finances rectificative.

Si ce budget est un bon budget, c'est aussi parce qu'il s'inscrit dans une politique dont l'architecture est clairement définie. Police de proximité, partenariat, contrats locaux de sécurité, polices municipales exigent une capacité de réaction dont vous avez su faire la preuve avec la loi sur la sécurité quotidienne, qui rendra de précieux services.

Votre budget doit continuer à s'articuler avec celui de la Justice. Il faut que les deux institutions produisent un discours commun, comme elles l'ont fait, il y a quelques semaines à la Sorbonne, et renforcent leurs moyens et la coordination entre elles.

Enfin, nous devons approfondir, dans le cadre mis en place depuis 1997, la prévention - pilier de la réussite de notre politique de sécurité - et la punition, comme élément d'éducation au respect de la loi.

M. Franck Dhersin - C'est nouveau !

M. Bruno Le Roux - Je termine sur l'initiative exemplaire prise par Médecins du monde dans les écoles avec la campagne « Jette les armes ». L'éducation est à la base de tout et le désarmement de notre société est une nécessité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Franck Dhersin - Cela a déjà été dit, la discussion de ce budget intervient dans un contexte de problèmes de sécurité criants. L'insécurité n'est plus un sentiment, mais une réalité !

Les crédits de la sécurité augmentent de 3,51 %, mais ceci n'occulte pas l'échec de votre politique dans ce domaine. Depuis 1997, vous n'aurez jamais accordé à la sécurité les moyens exigés par la situation. Ces dernières années, les budgets cumulés de la police, de la gendarmerie et de la Justice ne dépassent pas 5 % du budget de l'Etat. 27,3 milliards ont été consacrés à la justice en 2000 contre 35 aux seuls emplois-jeunes !

Les budgets de la Justice et de l'Intérieur représentent respectivement 1,56 % et 1,7 % du budget de la nation !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Vous aviez diminué le budget de la police pour 1997 !

M. Franck Dhersin - Vous allez mettre plus d'argent dans le déficit de la SNCF que dans la police et la justice ! Vous vous targuez d'avoir accru les effectifs de police de 23 800 personnes depuis 1997, mais ce sont près de 20 000 emplois-jeunes qui ont été recrutés pour devenir, après une brève formation, « adjoint de sécurité ». C'est sur eux que vous faites reposer en grande partie la police de proximité.

A cela s'ajoutent les 2 190 fonctionnaires venus grossir les rangs de la police depuis 1997, sans mention aucune dans le budget, ce que déplore la Cour des comptes.

Quant aux 3 000 nouveaux postes de policiers annoncés, ils ne seront présents sur le terrain qu'en 2004. La rentrée 2002 risque d'être critique avec le passage de la police aux 35 heures.

Dans cette perspective, ce sont 10 000 fonctionnaires qu'il aurait fallu recruter pour maintenir l'activité des services !

D'ici à 2004, 25 000 fonctionnaires vont partir à la retraite, dont 70 % par anticipation. Ce que vous nous cachez, c'est une baisse de 8 % des effectifs !

La France est un pays où le nombre de policiers par habitant est élevé, mais aussi le pays où celui des personnels administratifs, techniques et scientifiques est le plus faible.

Le problème des effectifs affectés à des tâches administratives dans la police est récurrent : en 1995, la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité prévoyait 5 000 personnels administratifs de police supplémentaires sur cinq ans.

M. le Ministre - Vous ne l'avez pas fait !

M. Franck Dhersin - En 1997, vous avez commis avec M. Le Roux un rapport proposant de redéployer 10 000 policiers affectés à des tâches indues. Or, non seulement rien n'a été fait, mais 256 postes budgétaires ont été supprimés en 1998 et 128 en 1999.

En 1999, la Cour des comptes et la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale ont chiffré à au moins 10 000 le nombre de policiers affectés à des tâches indues et évalué à près de 600 millions l'économie annuelle qui pourrait être réalisée en recrutant 10 000 personnels administratifs à la place de ces policiers.

En 2000, Jean-Pierre Chevènement annonçait un plan triennal de recrutement de 6 000 personnels administratifs. En 2001, seuls 550 ont été recrutés, alors que la direction de l'administration de la police nationale évoque la possible disparition de plusieurs centaines de postes. Le PLF 2002 n'en prévoit que 300 supplémentaires.

Or, les missions administratives, techniques et scientifiques sont la base du travail de la police nationale. Pourquoi ne pas y affecter des personnels dont c'est le métier ?

Un policier de terrain affecté dans l'administration coûte au moins 50 % de plus qu'un personnel administratif de même catégorie. L'enjeu budgétaire est donc considérable. Qu'il s'agisse de généralisation de la police de proximité ou du renforcement de la lutte contre la délinquance, vous avez échoué, les syndicats de policiers n'en sont que trop conscients, eux qui exposent que « la violence incontrôlée déborde largement des banlieues et que la police nationale ne peut plus assurer sa mission ».

La vérité, c'est que les chiffres de la délinquance explosent, avec des crimes et des délits en hausse de près de 6 % en 2000. Pour le premier semestre 2001, la hausse inexorable des crimes et délits atteint le taux historique de 10 % ; certains syndicats de police parlant même d'une augmentation de 12 %, avec des pointes de 20 à 30 % dans certaines circonscriptions de police.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Vous aussi, vous avez eu de mauvaises années !

M. Franck Dhersin - La vérité, c'est aussi que les délinquants sont de plus en plus jeunes et violents, et que les policiers sont matériellement, physiquement et moralement désarmés. De janvier à septembre 2001, sept d'entre eux ont trouvé la mort en service, et le nombre de blessés ne cesse d'augmenter. Quant aux outrages à personnes dépositaires de l'autorité, ils ont augmenté de 140 % entre 1991 et 2001 !

La vérité, c'est aussi que vous avez désorienté et paralysé le système judiciaire : faute de moyens suffisants, on commence à voir les effets de la loi sur la présomption d'innocence, notamment par les complications qu'elle entraîne pour les enquêtes de police.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Et qui est l'instigateur de cette loi sinon le Président de la République ?

M. Franck Dhersin - Je ne l'ai pas votée ! Ne constate-t-on pas que 50 % des plaintes contre les mineurs sont classées sans suite par le Parquet, et 40 % des plaintes contre X n'aboutissent jamais sur le bureau d'un magistrat.

Quant au taux d'élucidation des crimes et délits, il s'effondre, suscitant découragement chez les victimes et sentiment d'impunité chez les délinquants. De fait, il n'est que de 24 % contre 65 % en 1965 !

La vérité, enfin, c'est que la police de proximité et les contrats locaux de sécurité, dont vous faîtes les fers de lance de votre politique, sont des échecs, et un rapport révélait, en juin, l'ampleur des défaillances, avec le recours abusif aux adjoints de sécurité, une gestion anarchique des carrières et la priorité accordée à la période diurne alors que l'essentiel de la délinquance se manifeste entre 21 heures et 4 heures du matin...

Pour conclure, le groupe Démocratie libérale ne votera pas vos crédits ! Nous ferons preuve de « tolérance zéro » pour votre bilan et nous mettrons un zéro pointé à votre politique !

Dans quelques mois les Français vous jugeront à la fois sur vos actes et sur vos propositions. A ce sujet, que lit-on ? M. Dray, secrétaire national du PS à la sécurité, part du constat que le développement de la violence a atteint un niveau « insupportable ». Je pense plutôt que l'incompétence de votre gouvernement est insupportable ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Les socialistes se donnent pour objectif de restaurer la sécurité « pour tous et partout ». Mais vous avez eu quatre années pour le faire ! Quant à prétendre garantir à chacun le droit à la tranquillité, c'est bien avouer qu'il ne l'est pas ! Vos propositions sont autant de belles paroles, et je ne crois pas être démagogique...

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Mais non, si peu !

M. Franck Dhersin - ...en vous disant que vous vous trompez de dialogue : que signifie « rétablir une présence adulte structurante » dans les quartiers où la police ne va plus ou, quand elle y va, tombe dans des embuscades ?

Quelle sera l'utilité de vos « écoles des parents » dans ces zones de non-droit où les médecins et même les pompiers doivent être escortés pour exercer leurs missions ?

La droite n'est pas démagogique quand elle dresse le constat de votre échec, la démagogie, c'est chez vous qu'elle est, et nous ne cautionnerons pas l'antienne sociale « mieux prévenir, mieux guérir ».

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Mais non ! « Mieux prévenir, mieux punir ! ».

M. Franck Dhersin - Vous êtes enfin, Monsieur le ministre, ministre des cultes. J'appelle donc votre attention, sans esprit polémique, sur le danger qu'il y aurait à laisser des imams, extrémistes, payés par des pays étrangers, prêcher la haine et tenir des discours qui n'ont rien à voir avec l'enseignement du Coran tel que le pratique la grande majorité des imams.

Notre Etat laïque ne doit pas laisser se développer un discours politico-religieux laissant penser que l'objectif devrait être l'instauration de la charia, négation de toutes les valeurs républicaines (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Alain Clary - Je tiens à témoigner de l'affliction du groupe communiste et de sa compassion à l'égard des familles des policiers morts récemment dans l'exercice de leurs fonctions.

Hors crédits destinés aux collectivités locales, le budget de votre ministère progressera de 3,51 % en 2002 ; cette augmentation confirme que la sécurité de nos concitoyens est l'une des toutes premières priorités de l'action du Gouvernement.

De fait, l'explosion de la délinquance et la multiplication de gestes d'incivilité ont fait croître un sentiment d'insécurité. Cette insécurité ne touche plus seulement les zones urbaines sensibles - lesquelles, malgré les évolutions intervenues depuis 1997 en matière d'urbanisme ou de politique du logement, continuent de concentrer les difficultés - mais aussi les villes moyennes et le monde rural.

Nous sommes confrontés à un véritable défi, d'une grande complexité. Le relever suppose la mobilisation convergente de tous les services de l'Etat, démarche qui a été affirmée en septembre à la Sorbonne, à votre initiative et à celle de Mme Lebranchu. Où en sommes-nous ?

Comment, à ce sujet ne pas évoquer les difficultés de fonctionnement des maisons de justice ? Et comment ne pas souligner tout ce qui reste à accomplir en matière de politique du logement, d'éducation et d'emploi pour retisser le lien social et faire reculer le chômage et la précarité, qui nourrissent le sentiment d'insécurité mais qui favorisent aussi le recours à « l'économie parallèle » avec ses violences et ses activités délictueuses ?

Le sujet mérite beaucoup mieux qu'une polémique stérile et l'exploitation démagogique de la peur. Tous ceux qui refusent l'existence de zones de non-droit mais aussi les dérives sécuritaire et la « ghettoïsation » doivent se mobiliser.

Une connaissance plus précise de l'évolution de la délinquance est nécessaire. Il faut aussi mieux écouter tous les acteurs de la « chaîne » éducation-prévention-répression.

En polémiquant, en cultivant la psychose et les peurs à des fins électoralistes, la droite joue, de manière irresponsable les pyromanes.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis pour la sécurité civile - Et que fait la gauche en ce moment ?

M. Alain Clary - Et comment ne point souligner l'incohérence qui consiste d'une part à dénoncer l'insuffisance des moyens matériels et humains tout en demandant des coupes claires dans les effectifs des services publics pouvant aller jusqu'au non remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur trois ?

Les contrats locaux de sécurité, la généralisation de la police de proximité et les nouvelles missions confiées à la police marquent le souci, que nous partageons, d'élucider plus rapidement les délits, de donner priorité à la présence de policiers assermentés sur le terrain et d'améliorer les relations avec la population.

Le budget 2002 marquera la dernière phase de mise en _uvre de la police de proximité qui sera donc généralisée, le 1er janvier 2003, aux 462 circonscriptions de police. Dans ce domaine encore un état des lieux est indispensable pour trouver « un nouveau souffle ».

Ce redéploiement volontariste des effectifs va se traduire par la création de 3 000 emplois : 2 700 policiers actifs et 300 emplois administratifs, techniques et scientifiques. Tout en m'en félicitant, je ne sous-estime pas l'ampleur des créations de postes encore indispensables qui justifie d'inscrire cet effort dans un plan pluriannuel - d'autant qu'il nous faut tenir compte des conséquences de l'interruption des recrutements décidée en 1994 par la droite. Ce plan est impératif, car 25 000 policiers seront partis à la retraite en 2004 ; de plus, il convient de garantir la réussite du passage aux 35 heures en prenant en considération les revendications légitimes des fonctionnaires de bénéficier d'une réduction de la durée effective de leur temps de travail et de dotations en équipements de protection, de communication et de transport. A ce sujet, j'appelle à nouveau votre attention sur les difficultés de fonctionnement liées à l'importance des rotations en région parisienne. Cette situation impose d'envisager des mesures particulières.

Si nous insistons sur la nécessité de donner à la police nationale les effectifs et équipements correspondant à ces nouvelles missions - gilets, portables, véhicules -, c'est parce qu'elle doit demeurer l'épine dorsale d'un service public de sécurité moderne. Cela implique des mesures de revalorisation morale et matérielle pour tous ces fonctionnaires.

L'efficacité de la lutte contre la délinquance suppose un partenariat de tous les acteurs pour aider la police nationale et la justice plutôt qu'un dangereux transfert de responsabilités sur les maires et les polices municipales, comme le réclament la droite et le Président de la République. C'est une fausse solution. Toutes les communes ne disposent pas des mêmes moyens. Et puisque la commune agit sous l'autorité de la justice, faudrait-il aussi municipaliser cette dernière ? Comme le Premier ministre, nous pensons qu'il n'est pas dans notre tradition républicaine de « shérifiser » la police. En ce qui concerne la sécurité civile, les moyens budgétaires sont stables depuis quatre ans. Compte tenu du financement des SDIS par les collectivités locales, ces crédits permettront un certain nombre d'avancées : professionnalisation des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, modernisation du service du déminage, mise en _uvre du plan de traitement des munitions anciennes. Cependant les derniers événements, notamment le drame de Toulouse, impliquent des mesures nouvelles en matière de réparation et de prévention.

M. le Président - Monsieur Clary, il faut conclure.

M. Alain Clary - M. le Premier ministre vient d'évoquer la réforme de la sécurité civile devant le congrès des sapeurs-pompiers. Nous partageons ses objectifs. Cependant nous insistons sur la nécessité d'une nouvelle répartition des compétences entre les départements et les régions et d'une prise en compte des difficultés particulières des pompiers volontaires.

Votre budget comporte aussi les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales. Nous avons déjà dit notre sentiment à ce sujet lors de l'examen de la partie recettes.

M. le Président - Concluez, Monsieur Clary !

M. Alain Clary - Permettez-moi de souligner le chemin parcouru depuis 1997 entre le mépris autoritaire de la droite, avec son néfaste pacte de régression (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF), et le contrat de croissance et de solidarité progressivement appliqué depuis quatre ans. Il n'y a évidemment « pas photo » entre la droite et la gauche plurielle (« Ah ça non ! » sur plusieurs bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Mais nous pensons qu'il est urgent de réformer les finances locales en restaurant l'autonomie fiscale et financière des collectivités locales, en améliorant les mécanismes de péréquation et en élargissant l'assiette de la taxe professionnelle aux actifs financiers des entreprises, qui ont bénéficié de 33 milliards de dégrèvements.

En conclusion, si nous considérons que votre budget aurait pu être meilleur (« Ah oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du RPR et du groupe UDF), et nous avons d'ailleurs fait des propositions précises en ce sens lors de l'examen des recettes, il n'en comporte pas moins des avancées certaines. C'est pourquoi notre groupe le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Estrosi - Cette discussion budgétaire s'ouvre dans un double contexte de crise.

Crise de confiance de la population française d'abord, qui souffre d'une insécurité chaque jour plus insupportable. La liberté fondamentale de chaque citoyen de vivre en sécurité n'est, en effet, plus assurée dans notre pays. Depuis 1997, le nombre de faits de délinquance a explosé en France.

Monsieur Blazy, je vous reconnais une grande honnêteté : les chiffres de votre rapport montrent que les seules années où la délinquance a diminué sont les années 1995, 1996 et 1997 (Interruptions sur divers bancs).

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Il faut tout lire dans ce rapport !

M. Christian Estrosi - Plus aucune partie du territoire n'est épargnée par la montée de la violence. De véritables zones de non-droit gangrènent le pacte républicain.

Crise dans la police ensuite. Ce malaise est bien compréhensible quand on regarde avec objectivité les conditions d'exercice du métier de policier. La France a perdu depuis le début de l'année huit de ses policiers, victimes d'une violence nourrie par l'impunité, et la semaine dernière deux d'entre aux ont encore fait l'objet d'attaques sauvages.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Il y en a eu aussi avant !

M. Christian Estrosi - Ces drames inacceptables témoignent du recul de l'autorité de l'Etat face à ceux qui ne cherchent qu'à imposer la loi de la terreur. Comment ne pas comprendre la colère de ces policiers qui clament, depuis une quinzaine de jours, leur révolte face au mépris et à l'incapacité d'un Etat à protéger ses premiers serviteurs ? Au-delà de ces actes extrêmes, nous mesurons le désarroi de ces hommes et de ces femmes qui tous les jours subissent des torrents d'insultes et d'outrages. La police, comme l'immense majorité des Français, ne peut tolérer le triomphe de la culture de l'impunité qui prévaut aujourd'hui.

Certaines dispositions de la loi sur la présomption d'innocence...

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - ...inspirées par le Président de la République ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR)

M. Christian Estrosi - ...et l'absence de politique pénale uniforme sur tout le territoire, ont en effet bâti une machinerie infernale menaçant les fondements même de notre société.

Quand sur dix faits de délinquance, un seul aboutit à une sanction réellement appliquée, nous devons dénoncer la faillite de votre politique.

Nous devons aussi soutenir l'action de nos policiers, trop souvent mis en accusation alors qu'ils n'ont fait que leur travail, souvent au péril de leur vie. Je n'aurai pas la cruauté, Monsieur le ministre, de vous rappeler la réaction d'une de vos adjointes dans le XVIIIème arrondissement, alors que les policiers interpellaient un délinquant (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Puisque vous m'y obligez, je vous cite Valeurs actuelles : « Un pickpocket arrache un sac à main... Trois policiers en civil, une femme et deux hommes, ont tôt fait de le rattraper, de le ceinturer et de le menotter... C'est alors qu'intervient une passante, horrifiée par tant de brutalité policière. Se présentant comme « adjointe au maire » - elle l'est effectivement, chargée de la culture -, Danielle Fournier vitupère, estimant qu'il est inadmissible d'humilier ainsi un de ces paisibles « jeunes ».

M. le Ministre - Qui a signé ce papier ?

M. Christian Estrosi - Un journaliste de Valeurs actuelles, M. Thierry Devansart.

M. le Ministre - Jolie référence !

M. Christian Estrosi - Les policiers ressentent un profond éc_urement face à une situation qu'ils n'arrivent plus à maîtriser, faute d'une véritable volonté politique. La police nationale a le sentiment d'être le parent pauvre. Ce sentiment rejoint celui que les Français expriment face à l'insécurité.

Nous attendions, les policiers attendaient, une révolution pour juguler cette double crise. Or, vous proposez de poursuivre dans une voie qui n'a eu d'autre résultat que de provoquer un développement alarmant de la délinquance.

Vous pourrez toujours avancer que ce budget est en augmentation. Mais en réalité, depuis cinq ans, le budget du ministère de l'intérieur n'a pas progressé d'un iota en pourcentage du PIB, alors qu'en Allemagne et en Angleterre il est proportionnellement deux fois plus important (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vous aviez annoncé, dès le mois de juin, les mesures qui visent à habiller ce budget d'une apparence volontariste. Rien de nouveau n'est intervenu après la journée du 11 septembre. Pas un policier de plus, par un franc de plus, n'a été programmé alors que s'ouvrait une des crises les plus sombres pour le monde, mais aussi pour notre sécurité intérieure.

Le plan Vigipirate renforcé a été annoncé, mais aucun moyen budgétaire nouveau n'est au rendez-vous.

Les Etats-Unis d'Amérique, eux, ont dégagé 400 milliards de dollars pour faire face aux nouveaux enjeux liés à la protection de leurs concitoyens.

En juin 1991, lors de la guerre du Golfe, l'un de vos prédécesseurs, M. Marchand, a mis en place un plan Vigipirate qui a fait baisser très sensiblement la criminalité sur la voie publique.

En octobre 1995, suite aux attentats terroristes à Paris, l'application par le gouvernement Juppé du plan Vigipirate fait baisser de 15 % les délits sur la voie publique. Autrement dit, vous êtes le plus mauvais gestionnaire du plan Vigipirate depuis dix ans !

Plus globalement, vous ne relevez pas, comme il le faudrait pour doter notre pays d'une police efficace, fière et confiante, les défis qui se posent à vous : le plan Vigipirate bien sûr, mais aussi le départ en retraite de milliers de policiers, la réduction du temps de travail, la police de proximité -concept trompeur et inapplicable-, une présence accrue de la police sur la voie publique, la revalorisation du statut et des rémunérations.

Votre seule réponse est l'embauche massive d'adjoints de sécurité. Ils formeront bientôt 20 % de l'effectif global, tandis que les effectifs de l'encadrement diminuent presque autant.

M. Jean-Pierre Blazy ,rapporteur pour avi pour la police - C'est la loi Pasqua.

M. Christian Estrosi - Ce ne sont pas les 3 000 recrutements inscrits au budget qui pallieront l'absence d'un véritable programme pluriannuel d'embauche. Ce budget ne comporte rien non plus sur la formation nécessaire aux policiers pour lutter contre les nouvelles formes de délinquance...

M. René Dosière, rapporteur pour avis pour l'administration générale et les collectivités locales - Comme la délinquance financière.

M. Christian Estrosi - ...et de violence urbaine.

Il est insuffisant pour permettre à la police d'exercer ses missions dans de bonnes conditions. Certains commissariats ont des locaux inadaptés, manquent de matériel pour les scellés, de véhicules corrects, d'équipement informatique et vidéo, de gilets pare-balles.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Vous n'allez pas dans les commissariats !

M. Christian Estrosi - Or la sécurité est la première mission régalienne de l'Etat. La police qui le représente doit affirmer son autorité, et par là l'existence même de la République, afin que chacun puisse vivre en liberté dans une société apaisée. Elle n'en a plus les moyens.

Quand l'Etat est incapable d'assurer la liberté fondamentale de chaque citoyen, nous ne sommes plus vraiment en démocratie. Il est temps qu'une grande ambition nationale de sécurité s'exprime et que soit balayée votre coupable inaction. Ce n'est pas ce budget qui y contribuera.

Or voilà qu'une dépêche de l'APF de ce matin nous apprend que vous annoncez un plan de lutte contre l'insécurité en quatre points.... mais sur les cinq ans à venir (Rires bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Franck Dhersin - Ou plutôt pour cinq mois ?

M. Christian Estrosi - Mais pendant les cinq ans où vous étiez au pouvoir, ni M. Chevènement ni vous-même n'avez réagi contre la montée de la violence. Et voilà que ce 12 novembre vous présentez un plan concocté en 24 ou 48 heures sous la pression de la rue, et que j'espère vous allez nous commenter, car il n'est nullement pris en compte dans ce budget. Ce sont des années perdues, car vous avez géré, et non agi. Un tel tripatouillage ne peut que nuire à l'institution policière dans son ensemble. Nous rejetons ce budget avec énergie, mais avec inquiétude, car il accentuera la détresse des Français et de leur police face à l'insécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Derosier - Tout ce qui est exagéré est insignifiant, et cela vaut ici plus qu'ailleurs, nous venons d'en avoir une belle démonstration.

M. Franck Dhersin - Vous êtes un spécialiste !

M. Bernard Derosier - Attention à la diffamation, Monsieur Dhersin. Vous avez déjà été condamné.

M. Franck Dhersin - Vous voulez un franc tout de suite ?

M. Bernard Derosier - Le Gouvernement propose, comme chaque année depuis 1998 des moyens importants pour les collectivités territoriales. Mais ce débat est aussi l'occasion de nous exprimer sur un sujet fondamental, la place et les moyens de ces collectivités dans une république moderne, sujet que le budget ne règle pas.

L'Etat prend en considération une bonne partie des préoccupations des élus locaux. Mais pas toutes. Et le fait que vous ayez compétence pour la police, la sécurité civile et les collectivités territoriales empêche, selon moi, de donner toute l'importance qu'il faudrait à la décentralisation et à ses moyens.

Le contrat de croissance et de solidarité institué en 1999 est reconduit, et le Gouvernement remettra avant la fin de l'année au Parlement un rapport sur la réforme des ressources des collectivités locales, selon l'engagement pris par le Premier ministre lors du débat sur la nouvelle étape de décentralisation le 17 janvier 2001. Nous sommes nombreux à attendre ce rapport, car la fiscalité locale est vraiment obsolète.

Cette année encore, le Gouvernement partage avec les collectivités les fruits de la croissance, puisque l'enveloppe normée des concours de l'Etat est indexée pour un tiers sur l'évolution du PIB. Ainsi, la DGF progresse de 4,07 % contre 3,4 % en 2001 et 0,8 % en 2000, y compris régularisations et hors abondements exceptionnels. Il sera ainsi possible de financer l'intercommunalité et la péréquation, grâce à la DSU et à la DSR, voulues par la gauche contre l'avis de la droite. Le Gouvernement poursuit en 2002 une politique de péréquation volontariste grâce à des majorations exceptionnelles de près de 122 millions d'euros pour la DSU et de 24 millions d'euros pour la DSR, qui progressent ainsi de 5 %. Depuis 1997, ces dotations ont augmenté respectivement de plus de 80 % et de plus de 60 %. Globalement, les ressources transférées par l'Etat atteignent 56 milliards d'euros, soit une progression de 8,4 % par rapport au montant révisé de 2001. Je le dis car on entend trop de critiques de la part de ceux qui acceptaient sans protester le pacte unilatéral de stabilisé imposé par MM. Juppé et Debré.

M. Alain Clary - Il est bon de le rappeler.

M. Bernard Derosier - L'Etat participe donc de façon importante aux finances des collectivités territoriales. Mais j'espère que les mécanismes actuels ne sont que provisoires, car ils contribuent à diminuer encore la capacité fiscale des collectivités.

Or il faut renforcer leur autonomie fiscale, garante de la proximité entre élus et contribuables. Ces dernières années, les collectivités ont su maîtriser leurs dépenses, s'autofinancer et investir, faisant ainsi preuve de leur maturité. Je rappelle donc la demande pressante des élus locaux, toujours écoutée par les gouvernements, mais jamais encore entendue. Le comité des finances locales a émis un avis dans le même sens. Reprenez-le à votre compte, et vous serez un grand ministre des collectivités territoriales.

Par ailleurs, indépendamment des transferts de compétences classiques, qui obéissent à des règles établies, les collectivités locales supportent toujours plus de charges nouvelles qui ne leur laissent d'autre solution que d'augmenter la pression fiscale. Il faudrait donc améliorer le financement des compétences transférées, car souvent les politiques décidées par l'Etat ont des répercussions sur les finances locales sans compensation.

La meilleure illustration en est le financement croisé des infrastructures dans le cadre des contrats de plan particulièrement. De même la loi inique de 1996 a eu des conséquences sur le financement par les départements des services d'incendie et de secours. J'espère que la loi sur la démocratie de proximité, qui comprend un volet à ce sujet, sera rapidement examinée au Sénat pour clarifier ce financement. Au passage, je réitère la demande des élus nordistes de voir s'installer le centre national des officiers de sapeurs-pompiers à Cambrai.

Mme Brigitte Douay - Très bien !

M. Bernard Derosier - Le premier janvier 2002 entrera en vigueur la loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie. Elle réforme heureusement la PSD, et à terme 800 000 personnes en bénéficieront, contre 135 000 bénéficiaires de la PSD : à un droit restreint et inégalitaire se substitue un droit universel, personnalisé, fondé sur la solidarité, et sans niveau de ressources. Le Gouvernement a confié aux départements la responsabilité de gérer l'APA, confirmant ainsi le rôle qu'ils jouent déjà dans les politiques sociales de proximité. Mais elle leur demande aussi un effort financier. Les dirigeants de l'association des départements de France avaient souhaité qu'il en soit ainsi, mais le congrès récent de Rodez n'a pas répondu aux questions que se posent de nombreux conseils généraux. La droite a préféré en faire une fois de plus une tribune d'opposition en prenant pour cibles la réduction du temps de travail, l'organisation des SDIS, l'APA, qui sont autant de réformes de progrès.

M. Francis Delattre - Et à crédit.

M. Bernard Derosier - Il faut prendre en compte les difficultés financières des départements.

Afin de répondre à leur préoccupation, vous avez proposé, Monsieur le ministre, qu'un premier bilan de l'APA soit dressé dès la fin de 2002. Nous aurons alors des indications précises sur le nombre de demandeurs et l'Etat pourra envisager, le cas échéant, des mesures complémentaires. Je vous remercie donc de cette initiative et je souhaite que le Gouvernement reste vigilant sur cette question durant toute l'année 2002.

Le groupe socialiste votera ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Delattre - Depuis quelques mois, la sécurité est affichée par le Gouvernement comme une priorité. Malheureusement, cela ne se traduit pas dans les chiffres budgétaires, ni par conséquent dans les faits. Et ce depuis plusieurs années, ce qui explique le malaise de la police nationale.

Le budget de celle-ci est passé de 30 à 33 milliards en cinq ans. A comparer aux 100 milliards versés aux grandes entreprises dans le cadre de la réforme des 35 heures - c'est bon pour leur « cash-flow », mais enfin... 33 milliards, c'est aussi le montant des différentes contributions de l'Etat au renflouement de la SNCF. Peut-on dans ces conditions parler de priorité ? L'Etat-providence oublie ses responsabilités régaliennes.

Face à l'aggravation de la délinquance et de la criminalité ces dernières années - la hausse est de 5,72 % pour 2000 et l'on sait la réticence de certains commissariats à enregistrer toutes les plaintes...

M. Bruno Le Roux - Scandaleux !

M. Alain Clary - Vous faites un procès d'intention aux fonctionnaires.

M. Francis Delattre - Non, je parle de ce qui est vécu sur le terrain.

Face à cette aggravation, on est loin du « Grenelle de la sécurité et de la justice » demandé par les organisations syndicales.

On aurait pu au moins imagier une loi de programmation comme du temps de M. Joxe. Le décalage entre la réalité vécue sur le terrain par les policiers, les gendarmes et les magistrats, auxquels on demande de prendre en charge les plus lourds dysfonctionnements de la société, et les moyens accordés explique le malaise général.

Dans de nombreux quartiers, les limites de l'acceptable sont franchies et les habitants se sentent tout simplement abandonnés par l'Etat. La police de proximité, qui disparaît à 21 heures, leur apparaît comme un effet d'annonce, si ce n'est comme une dispersion des effectifs. Ce concept sera-t-il relayé dans ce budget par un axe plus crédible ?

Vous annoncez, Monsieur le ministre, 3 000 créations d'emplois de policiers. Mais cette hausse sera largement absorbée par l'application des 35 heures qui représente une baisse potentielle d'effectifs de près de 8 %. Dans ces conditions, c'est au moins 10 000 créations de postes qui étaient nécessaires. Et ce d'autant plus que la RTT doit s'appliquer dès le 1er janvier 2002, alors qu'il faut deux ans avant qu'un policier formé entre effectivement en fonction. Vous avez pour le moins fait preuve d'imprévoyance.

M. Franck Dhersin - Ce gouvernement agit toujours sous la pression des événements !

M. Francis Delattre - Le recours massif aux adjoints de sécurité, insuffisamment formés, protégés et encadrés, entretient légitimement la crainte d'une police au rabais, au détriment de la sécurité des citoyens comme de celle des agents eux-mêmes. Les adjoints de sécurité représentent 20 % des effectifs sur la voie publique,...

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Non.

M. Francis Delattre - ...mais seulement 2,5 % des crédits. On assiste à une dramatique paupérisation d'agents qui assurent pourtant une mission essentielle de l'Etat.

Depuis quatre ans, la police de proximité sert de paravent à un immobilisme budgétaire, dont le Gouvernement semble vouloir sortir en 2002, c'est-à-dire à la veille d'échéances politiques importantes.

M. le Président - Concluez, s'il vous plaît.

M. Francis Delattre - On ne nous laisse pas beaucoup de temps sur ce sujet pourtant primordial. Je conclurai sur une idée qui m'est chère...

M. Alain Clary - Il a quand même une idée !

M. Francis Delattre - C'est une sécurité à deux vitesses qui est en train de se mettre en place : d'un côté, il y a ceux qui ont les moyens de se payer leur sécurité - résidences surveillées, vidéo, gardiens... -, de l'autre, ceux, plus modestes, qui n'ont droit qu'à la police de proximité. Décidément, les gouvernements socialistes multiplient les inégalités devant la retraite, et maintenant devant la sécurité - alors qu'ils se présentent comme les défenseurs des plus fragiles ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Mais oui, Messieurs, il y a eu 140 000 créations d'emplois dans les sociétés privées de sécurité ! Pendant ce temps, la police de proximité a échoué.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Julien Dray - Le sujet, important, mérite une discussion sérieuse. Notons d'abord que si l'insécurité est devenue dans les sondages la première préoccupation des Français, c'est parce que le chômage ne tient plus ce rang dans la mesure où, grâce à la politique économique du Gouvernement, la machine à fabriquer des emplois s'est remise en marche (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis pour la sécurité civile - Quel raisonnement ! Il fallait oser.

M. Julien Dray - Il est vrai aussi que nous sommes confrontés à une réalité nouvelle dans certains quartiers, où des jeunes retrouvent certes un emploi mais où d'autres, installés dans la délinquance, refusent le travail ainsi qu'un certain nombre d'autres valeurs. Et autour de ces noyaux durs s'agglomèrent un certain nombre de jeunes, qui hésitent entre les deux voies. Ce phénomène renvoie à des crises plus profondes qui tiennent à l'affaiblissement de certaines cellules familiales et à l'étalement massif de l'argent comme unique référence, comme unique critère de réussite d'un individu.

Quoi qu'il en soit, ces noyaux durs refusent les perspectives que nous traçons. Que faire alors ? Laisser s'installer des zones où ces jeunes font régner leur loi et terrorisent les autres ? Ou mettre en place un dispositif de reconquête du territoire ? (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

La police de proximité a été conçue pour remédier à cette situation et mettre fin à cette dérive mafieuse d'un certain nombre de quartiers. L'opposition se contente de répéter que c'est un échec mais si c'est vrai, alors son devoir est de proposer une alternative comme nous l'avons fait lorsque nous étions dans l'opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Forni remplace M. Lequiller au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

M. Julien Dray - Si l'opposition a un contre-projet, qu'elle le défende à cette tribune ! Vous proposez de créer une commission d'enquête sur la violence dans les banlieues : on l'a déjà fait ! Vous proposez un Grenelle de la sécurité, comme s'il suffisait de se réunir autour d'une table pour régler tous les problèmes ! Vous n'avez pas d'alternative à la police de proximité (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Président - Je souhaite l'apaisement de ce débat. Quand nous parlons de la sécurité, nous avons plus que jamais le devoir de donner l'exemple.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis pour la sécurité civile - Du calme, Monsieur Dray...

M. Julien Dray - C'est vous qui hurlez. J'ai entendu M. Rudy Salles prétendre que les contrats locaux de sécurité avaient été conclus dans la précipitation, et qu'on aurait bâclé la phase de diagnostic. Je pense au contraire que nous avons trop tardé. Les diagnostics étaient sérieux. Le problème est de concrétiser cette police de proximité (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Les policiers, les gardiens de la paix, qui sont directement confrontés à la violence, ont besoin d'avoir la confiance des autorités politiques. Il leur faut aussi des moyens supplémentaires, qu'il s'agisse de véhicules, de gilets pare-balles ou d'équipements radiophoniques. Ils ont besoin, enfin, d'officiers et de sous-officiers expérimentés. Trop souvent ce sont de jeunes gardiens de la paix qui font face aux situations les plus difficiles, parce que leurs aînés ont préféré se faire affecter en province.

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis pour la sécurité civile - Le problème n'est pas seulement parisien !

M. Rudy Salles - Nous ne sommes pas ici dans une assemblée régionale !

M. Julien Dray - Il faut faire dans la police ce que nous avons fait dans l'éducation nationale : mieux rémunérer les fonctionnaires présents sur des terrains difficiles, afin de les fidéliser.

Mais la présence sur le terrain ne sert à rien si on ne se donne pas aussi des moyens d'investigation, pour éviter que des avocats habiles à tirer parti des vices de procédure parviennent à faire remettre en liberté leur client. Il faut renforcer la police judiciaire, qui doit travailler en partenariat avec la police de proximité.

Il est encore nécessaire de comprendre qu'il n'appartient pas à telle ou telle catégorie d'assurer seule le rétablissement de la sécurité : nous n'atteindrons cet objectif qu'en mobilisant tous les corps de la fonction publique et la société tout entière. Il faut que la police puisse travailler avec les magistrats et l'Éducation nationale. Il faut mieux prévenir et mieux punir, pour éviter que ceux qui donnent le mauvais exemple entraînent les autres, ce qui nécessite un meilleur encadrement sur le terrain.

Enfin, évitons tout amalgame. Il existe dans nos cités des milliers de jeunes qui n'aspirent qu'à vivre tranquillement et à s'intégrer dans notre société. Ne jetons pas le soupçon sur eux. Il faut s'attaquer aux noyaux durs de la délinquance.

M. Franck Dhersin - Faites-le !

M. Julien Dray - Le plus grand danger serait qu'une partie de la population n'aspire plus qu'à se protéger d'une autre. C'est parce que nous croyons en la République que nous soutiendrons ce budget de bon sens, qui sera complété dans quelques instants (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). C'est là toute l'utilité du débat parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Laurent Dominati - Ce débat s'ouvre dans un contexte marqué par une double crise de confiance, entre la police et le Gouvernement, entre la population et les autorités de l'Etat. Je comprends que vous ressentiez comme injuste le procès qui vous est fait, Monsieur le ministre, car vous n'êtes pas le seul responsable de la situation. Je comprends votre sentiment, quand on voit la popularité dont jouit M. Chevènement, qui n'a pas été un meilleur ministre de l'intérieur que vous. Il porte une grande responsabilité dans ce qui se passe aujourd'hui, tout comme votre collègue de la Justice.

M. Franck Dhersin - Tout à fait !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Et le Président de la République ?

M. Laurent Dominati - Vous qui êtes rapporteur pour avis, chargé de parler au nom de votre commission, vous n'avez cessé de hurler chaque fois qu'un orateur de l'opposition a voulu s'exprimer. Il y a suffisamment de passages ridicules dans votre rapport pour que vous vous taisiez !

M. le Président - Ce débat se déroule dans un climat assez détestable. Je vous demande d'écouter les orateurs qui sont à la tribune. Tâchons de poursuivre dans la sérénité.

M. Laurent Dominati - Pour votre information, Monsieur le Président, voici un passage du rapport de M. Blazy : « Globalement, la police ne se plaint pas de ses moyens. Un jeune policier, à propos du matériel informatique, a même estimé qu'il y en avait presque trop et que les services ne savaient plus quoi faire de leurs ordinateurs ». Je ne partage pas cette vision.

Mais peut-on parler de l'insécurité sans se faire traiter d'extrémiste ? Peut-on attendre du Gouvernement qu'il se préoccupe d'une autre violence que celle du « discours sécuritaire » ? C'est tout de même extravagant : les policiers manifestent, mais la Garde des Sceaux regrette que « certains tiennent un discours hypersécuritaire qui provoque les jeunes » !

Cela fait des années que l'opposition vous alerte. Vous nous avez répondu chaque fois que nous exagérions les choses. L'an passé, alors que le budget de la sécurité progressait moins que le budget de l'Etat, nous vous avions mis en garde. En janvier 2001, vous avez dû créer les 1 000 postes de policiers que nous vous demandions. Sur les rave-parties, Monsieur le ministre, nous avions su vous convaincre dès le début, nos collègues de la majorité n'ont pas tous voulu vous suivre. Aujourd'hui, sous la pression de l'opinion, vous avez dû avaler votre chapeau.

Ce que dit l'opposition n'est donc pas nécessairement exagéré. Depuis longtemps, Monsieur Dray, nous proposons de réunir une conférence rassemblant la majorité et l'opposition, les représentants de l'Éducation nationale, de la Justice, de la police et de la gendarmerie, sans oublier les maires pour réfléchir aux questions de sécurité. Nous le proposons chaque année, et vous refusez. Pour éviter qu'une telle conférence donne prétexte à polémique, nous avons même proposé qu'elle se tienne à huis clos.

Pourquoi la délinquance augmente-t-elle si rapidement ? A cause du sentiment d'impunité. Quand seul un fait délictueux sur dix est sanctionné, quand 30 % des peines de prison ne sont pas accomplies, il est inévitable que la délinquance augmente. Comment demander à des policiers d'arrêter des mineurs dont on sait qu'ils seront relâchés presque immédiatement ? Comment leur demander de jouer leur rôle si les citoyens normaux se sentent seuls sanctionnés, alors que les voyous restent en liberté ?

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis pour la police - Nous en connaissons quelques uns.

M. Laurent Dominati - Nous en connaissons tous. L'opposition fait des propositions chaque année : augmenter le nombre de policiers et le nombre des places de prison, construire des centres de détention pour mineurs...

Nous dénonçons constamment la paupérisation de la police, marquée dans ce budget, par le recrutement d'adjoints de sécurité moins bien payés.

M. le Président - Concluez, Monsieur Dominati.

M. Laurent Dominati - La police et la Justice n'ont plus confiance dans ce gouvernement, ni les Français dans les autorités chargées d'assurer la sécurité. Je vous mets en garde : si nous ne restaurons pas leur confiance dans une autre alternative, ils n'auront plus confiance en personne. Cela n'est plus de votre responsabilité, mais déjà de la nôtre. Nous saurons l'assumer (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Henri Nayrou - Mon propos concernant les collectivités territoriales, le calme reviendra peut-être dans l'hémicycle.

M. René Dosière, rapporteur pour avis pour l'administration générale et les collectivités territoriales - Très bien !

M. Henri Nayrou - Je me fais d'abord l'écho de la déception des responsables des communautés de communes rurales, dont la DGF 2001 a été amputée de 20 %.

En hausse de 5 % pour la première fois, le montant initial de la DGF a été pris d'assaut par les communautés d'agglomération. Fort bien. Mais les intercommunalités rurales en ont fait les frais. Cet arbitrage rompt le pacte de croissance et de solidarité en vigueur depuis trois ans et porte sur une somme qui ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval ! Il ne va pas dans le sens de l'histoire : la solidarité territoriale est le seul moyen d'éviter le piège de l'opposition stérile entre villes et campagnes. Je souhaite donc un nouveau partenariat entre l'urbain et le rural, et les leçons à tirer de la catastrophe de Toulouse me donnent raison. Il faut aider les communautés rurales à accueillir de nouvelles populations, faute de quoi la fracture territoriale ne pourra que s'aggraver. Mon collègue Augustin Bonrepaux proposera donc des mesures propres à corriger cette perte de ressources dans la loi de finances rectificative, et je souhaite que les arbitrages soient favorables. Le budget 2002 doit par ailleurs assurer le rééquilibrage entre DSU et DSR. Nous attendons des précisions sur la portée de cette régularisation, calée sur l'inflation et le PIB.

Mon collègue Jean-Yves Caullet et moi-même demandons également une aide ciblée non reconductible pour aider les petites communes, qui n'emploient souvent qu'un seul salarié, et encore, à temps partiel. Une aide globale de 50 millions suffirait aux 20 000 communes de moins de 500 habitants. C'est un petit geste pour une grande cause (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Compte tenu de la durée prévisionnelle de l'intervention de M. le ministre, je vais lever la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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