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Session ordinaire de 2001-2002 - 26ème jour de séance, 63ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 14 NOVEMBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

SÉCURITÉ PUBLIQUE 2

INONDATIONS EN ALGÉRIE 2

AGRESSION CONTRE DES POLICIERS 3

RÉPERCUSSION DE LA BAISSE
DES COURS DU PÉTROLE 3

PROJET DE LOI DE MODERNISATION SOCIALE 4

ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES 5

TOURISME 6

SITUATION BUDGÉTAIRE 7

PASSAGE À L'EURO 8

COMMISSION SUR LES CARTES BANCAIRES 9

TAUX DU LIVRET A 9

ZONES FRANCHES URBAINES 10

LOI DE FINANCES POUR 2002
-deuxième partie- (suite) 11

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (suite) 11

QUESTIONS 11

ÉTAT B 16

ÉTAT C 16

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL 16

QUESTIONS 27

La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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SÉCURITÉ PUBLIQUE

M. Franck Dhersin - Le constat est malheureusement récurrent : les juges sont débordés, les policiers éc_urés, les gendarmes désabusés et les maires impuissants devant la montée de la délinquance. Pourtant, nous avons de bons juges, des policiers compétents et des gendarmes motivés (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Mais ils n'ont pas les moyens de leurs missions. De ce fait, les Français doutent de leurs institutions, et ce doute met l'édifice républicain en danger et ce ne sont pas les quelques milliards médiatiquement distribués ni quelques mesures expédiées qui résoudront ces problèmes... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Comment s'explique cette augmentation continue de l'insécurité ? Le temps n'est-il pas venu d'un grand débat national qui déboucherait sur des propositions de nature à stopper cette funeste évolution ? Ne s'agit-il pas d'une crise nationale dont la résolution exige l'union nationale ? Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez le pouvoir d'organiser ce débat. En aurez-vous la volonté et le courage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - J'ai apprécié le ton de votre formulation, Monsieur le député, d'autant que le sujet est grave. Le débat sur la sécurité est déjà engagé, dans la société mais aussi dans cet hémicycle, comme en témoignent les discussions qui ont eu lieu lors de l'examen du projet de loi de finances ou du projet relatif à la sécurité quotidienne. Et chacun convient que si la police et la justice doivent, bien sûr, avoir les moyens d'agir, et d'agir en sécurité, la répression ne suffira pas à régler le problème : il faut s'attaquer aux causes. Cela ne nous dispense pas d'actions immédiates, qui se déclinent en plusieurs volets. La réponse législative, c'est la loi sur la sécurité quotidienne, dont j'espère qu'elle sera adoptée rapidement ; la réponse policière, c'est le plan d'action renforcé ; la réponse budgétaire, c'est l'inscription - sans précédent - de 700 millions en loi de finances rectificative.

Tels sont les actes d'un Gouvernement, qui ne prétend pas vous payer de mots (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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INONDATIONS EN ALGÉRIE

M. Daniel Marcovitch - Ma question, à laquelle s'associe mon collègue Jérôme Lambert, porte sur l'aide de la France à l'Algérie, durement éprouvée par les dramatiques inondations qui ont dévasté Alger et particulièrement Bab-el-Oued. Alors que les morts se comptent déjà par centaines, comment se manifeste la solidarité de la France à l'égard de ce pays auquel nous unissent des liens particuliers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Le bilan des intempéries catastrophiques auxquelles l'Algérie a été exposée les 9 et 10 novembre est de plus de 600 morts. Dès l'annonce de ce drame, le gouvernement français a fait part de sa compassion attristée au peuple algérien et le 11 novembre déjà, le ministère des affaires étrangères répondait à la demande d'assistance des autorités algériennes. J'ai décidé l'envoi d'un premier détachement de pompiers, chargés d'évaluer les besoins, et notre ambassade à Alger a organisé une réunion à cet effet avec la protection civile algérienne. Aujourd'hui, quatre brigades cynophiles les rejoignent, et une équipe spécialisée dans le traitement de l'eau. Le ministère des affaires étrangères et de la coopération a d'autre part mobilisé du matériel d'assistance humanitaire. Au total, 30 membres de la sécurité civile française sont à pied d'_uvre en Algérie, et l'effectif sera renforcé si les autorités algériennes en font la demande. Je sais que nos régions se mobilisent elles aussi pour venir en aide à l'Algérie. C'est dire que la solidarité de la France s'exprime en actes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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AGRESSION CONTRE DES POLICIERS

M. Lucien Degauchy - Hier, Monsieur le ministre de l'intérieur, mon collègue Yves Fromion vous a posé une question précise à laquelle, comme souvent, vous n'avez pas répondu. Peut-être n'étiez-vous pas au courant... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je suppose que, depuis, vous vous êtes renseigné, et que vous savez maintenant les causes de ce drame. En effet, les deux policiers grièvement blessés à Saint-Ouen ont été agressés par un individu condamné à de nombreuses reprises pour de graves délits et qui faisait l'objet d'une mesure d'interdiction du territoire français. Pourquoi cette décision de justice n'a-t-elle pas été exécutée ? D'autres délinquants dangereux sont-ils actuellement en liberté, au lieu d'avoir été expulsés ? Merci d'avance de nous répondre cette fois (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Je ne répéterai pas aujourd'hui ce que j'ai répondu hier à M. Fromion (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je n'ai pas pour habitude de parler de cas individuels, particulièrement lorsque les dossiers sont entre les mains de la justice. J'étais évidemment parfaitement au courant de l'affaire évoquée, et j'ai rendu hommage au collègue des deux policiers blessés, qui a réussi à maîtriser l'auteur des coups de feu (Protestations sur les mêmes bancs). Cet individu, mis en garde à vue a été déféré à l'autorité judiciaire laquelle, je l'espère, le sanctionnera sévèrement. Je tiens cependant à souligner combien il est difficile d'expulser des individus qui agissent sous différents alias, sans que l'on parvienne à déterminer avec exactitude leur pays d'origine. Le problème n'est pas nouveau, M. Debré le sait bien !

Croyez bien que nous sommes déterminés à faire appliquer les décisions judiciaires qui prévoient des mesures d'éloignement. Du reste, en ce domaine comme dans tant d'autres, vous n'avez pas fait mieux que nous ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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RÉPERCUSSION DE LA BAISSE DES COURS DU PÉTROLE

M. Patrice Carvalho - Monsieur le ministre de l'économie et des finances, les pays membres de l'OPEP sont réunis à Vienne pour décider des mesures à arrêter en vue de soutenir les prix du pétrole brut qui ont chuté de près de 30 % en quelques semaines pour s'établir à environ 30 dollars le baril. Très légitimement attentifs aux prix de l'essence, du fioul domestique et du gaz, nos compatriotes s'étonnent que la très légère baisse des prix qu'ils ont pu constater reste sans commune mesure avec l'effondrement des cours qui fait suite à la crise internationale. Il semble bien que la TIPP flottante ait atteint ses limites et son impuissance à répercuter valablement la baisse entretient l'idée que l'Etat et les compagnies pétrolières s'en sortent toujours mieux que le consommateur !

Quelles mesures entendez-vous prendre pour que les Français bénéficient de la baisse des prix à la consommation qui devrait aller de soi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Les Français sont en effet très attentifs aux prix de l'énergie, lesquels ont des répercussions très directes sur leur pouvoir d'achat - en particulier pour les plus démunis -. Or force est de constater que les cours du pétrole ont été des plus volatils dans les dix-huit derniers mois puisqu'ils ont oscillé entre 9 et 34 dollars le baril. Depuis le 11 septembre, il semble cependant que l'on assiste à une certaine stabilisation, à hauteur de 20 dollars le baril.

Les prix à la pompe ont suivi ce mouvement : depuis le 14 septembre, l'eurosuper a ainsi baissé de 54 centimes... (« Ridicule ! » sur les bancs du groupe du RPR) et les prix moyens constatés sont les plus bas depuis deux ans.

S'agissant du fioul domestique, les Français ont également bénéficié depuis deux ans de baisses significatives. Quant au gaz, dont la formule tarifaire est extrêmement complexe... (« Il faut la changer ! » sur les bancs du groupe UDF), il faut stopper la progression des prix sans entraver l'action de GDF, très présente sur le marché européen et engagée dans plusieurs programmes d'investissement.

Je considère donc, Monsieur le député, que vos préoccupations légitimes sont satisfaites (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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PROJET DE LOI DE MODERNISATION SOCIALE

M. Pierre Méhaignerie - Monsieur le Premier ministre, il est des moments où la situation économique internationale exige que l'on fasse tout pour mobiliser les entreprises sur des objectifs fédérateurs plutôt que de les diviser. Or, cependant qu'elles sont déjà confrontées au ralentissement de l'activité et aux difficultés de mise en _uvre des 35 heures, la loi dite de modernisation sociale prévoit de nouvelles entraves qui n'ont fait l'objet, pour toute négociation, que d'un accord personnel Jospin-Hue ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) A l'évidence, ce dispositif va accroître l'insécurité juridique des entreprises et il risque même, en les rendant moins réactives à la conjoncture, de les conduire à licencier plus et à embaucher moins ! Votre ministre de l'économie lui-même s'interrogeait du reste sur l'opportunité de toute nouvelle réglementation et plaidait pour que l'on vérifie au préalable sa bonne adéquation avec les intérêts vitaux de nos entreprises.

Or, bien que votre circulaire du 26 janvier 1998 prévoit que tout projet de loi doit être assorti d'une étude d'impact et de simulations, nous n'avons rien vu venir ! En disposerons-nous avant le vote définitif de ce texte ?

Par ailleurs, plusieurs chefs d'entreprise vous ont lancé un appel sur les risques graves qui s'attachent à leurs yeux à ce dispositif.

Acceptez-vous de les rencontrer ? Dans l'affirmative, qu'allez-vous leur dire ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Nous devons veiller au développement de l'appareil productif français et aux performances de nos entreprises tout en faisant en sorte que le fruit de leurs efforts profite aux femmes et aux hommes qui les composent et à l'ensemble du pays. Depuis quatre ans et demi, le Gouvernement fait avancer ensemble la croissance et le progrès social. Telle est l'inspiration essentielle de notre action (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

Certains, parmi vous, m'interpellent sur la situation de Moulinex. Cet exemple - parmi d'autres - démontre de manière éclatante que l'on ne peut séparer la recherche de la prospérité économique de la préservation des droits sociaux dans l'entreprise (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

Depuis 1997, et jusqu'au retournement massif de la conjoncture économique à l'échelle internationale, la France s'est plutôt bien portée de la politique économique que nous avons conduite (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

La croissance, plus forte qu'ailleurs, s'est accompagnée de plusieurs grandes réformes sociales : les emplois-jeunes, les 35 heures, la couverture maladie universelle... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) Parallèlement, nous avons su opérer à l'échelle européenne des restructurations industrielles prometteuses, telles la constitution d'EADS ou le redressement de Thomson... (« Un franc ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) ...devenu Thales. De même, alors que plusieurs compagnies aériennes européennes connaissent une situation critique, Air France, notre entreprise nationale - restée publique malgré l'ouverture de son capital - résiste dans la bourrasque aéronautique d'aujourd'hui. Et au moment même où la croissance économique mondiale se retourne par l'effet de la stagnation économique aux Etats-Unis, de la crise structurelle au Japon et des événements tragiques du 11 septembre - qui affectent la psychologie des acteurs -, l'on constate qu'après avoir connu une croissance plus forte en période d'expansion, nous avons une réduction moins forte en période de ralentissement économique mondial (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; « La question ! » sur les bancs du groupe UDF).

Mais en même temps, quand se produisent des licenciements chez Moulinex, chez Marks & Spencer, que se profilent des menaces de licenciement dans plusieurs groupes privés, quand n'est pas réglée comme elle devrait l'être la question cruciale pour le grand secteur de la création des intermittents du spectacle...(Murmures sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) ce n'est pas forcément vers les entreprises ou vers les partenaires sociaux que l'on se tourne mais vers le Gouvernement et vers le pouvoir politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; « La question ! » sur les bancs du groupe UDF) On ne doit pas regarder séparément l'économie et le social : ces deux réalités doivent aller de pair et tel est précisément l'objet du projet de loi de modernisation sociale,... (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) ...lequel vise pour l'essentiel à dire à nos chefs d'entreprise que nous les soutenons dans leur action mais qu'ils doivent prendre en considération les revendications de leurs salariés en matière de revenu et de stabilité de l'emploi. Lorsque l'angoisse du chômage frappe, c'est toute l'économie qui est ébranlée et c'est pourquoi je suis heureux qu'en quatre ans et demi nous ayons créé ensemble 1,5 million emplois et fait baisser le nombre des chômeurs de près d'un million (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

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ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES

M. Georges Sarre - Monsieur le Premier ministre, les écoles Diwan, c'est quoi ? Des établissements où toutes les matières sont enseignées en breton ! Dans des écoles intégrées au service public de l'Éducation nationale, est-il admissible que le français devienne une seconde langue ? Sans remettre en cause l'enseignement optionnel des langues régionales lorsque les familles le souhaitent, le Conseil d'Etat a clairement répondu non. Il ne faut pas que l'attachement de certains à leur culture régionale crée un fossé infranchissable avec le reste de la communauté nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Alors que l'illettrisme n'est pas éradiqué, l'Etat devrait se mobiliser pour conforter l'enseignement du français car la langue crée un lien indissociable entre les citoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). Or au nom d'une prétendue modernité, l'on promeut des modèles qui fragmentent le territoire de la République et conduisent à un repli identitaire régionaliste (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe du RPR). L'enseignement des langues régionales doit être conforme à l'article 2 de notre Constitution qui dispose que la langue de la République est le français.

A moins que vous ne souhaitiez changer l'article 2 de la Constitution... (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur de nombreux bancs du groupe du RPR)

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - Vous ne manquez ni de passion, ni d'entêtement. Je m'en réjouis et c'est avec une même passion que je soutiens l'apprentissage de la langue nationale, clé de voûte de la maison commune. En témoignent l'accent mis sur l'expression orale à l'école maternelle, les évaluations menées pour repêcher les enfants en difficulté, le doublement du temps consacré à cet apprentissage dans les IUFM et bien d'autres mesures. Ce combat nous est donc commun, Monsieur le député, mais en même temps, je considère que l'apprentissage de plusieurs langues, étrangères ou régionales, loin de nuire à l'apprentissage du français, contribue au contraire à affirmer l'identité de la langue nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Et puis une pédagogie se juge à ses résultats. Or les élèves des écoles Diwan sont parmi les meilleurs au baccalauréat, pour ce qui est du français.

L'accord qui a été conclu est selon moi intégralement conforme à la loi Toubon, qui avait prévu des dérogations en faveur de l'apprentissage des langues régionales et étrangères. Mais je suis bien sûr respectueux de l'Etat de droit et puisqu'une décision de suspension a été prise, nous explorons les voies de droit de nature à assurer l'intégration des écoles Diwan à la rentrée prochaine. Au-delà des 2 600 élèves concernés, c'est l'ensemble de la Bretagne qui demande que les langues et cultures de France fassent bon ménage avec l'école de la République (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

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TOURISME

M. Jean Launay - Monsieur le secrétaire d'Etat au tourisme, la reconnaissance du tourisme comme élément majeur de l'économie française est à mettre au crédit de ce gouvernement. Le budget de notre secrétariat d'Etat a doublé entre 1997 et 2001. La France a confirmé sa place de première destination touristique au monde. Les acteurs du secteur sont pleinement reconnus dans leur diversité, qu'il s'agisse des agents publics, des grands groupes ou des 215 000 PME réparties sur tout le territoire. Le tourisme représente 2 millions d'emplois, directs ou indirects, et joue un rôle majeur dans l'aménagement du territoire.

Le Gouvernement a conduit en ce domaine une politique ambitieuse et je salue à ce propos l'action de Mme Demessine. Mais le secteur a souffert de la catastrophe de l'Erika, des grandes tempêtes et, plus récemment, des événements du 11 septembre. D'où ma question : quelles mesures comptez-vous prendre pour soutenir les professionnels qui connaîtraient une baisse de leur activité depuis le 11 septembre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Brunhes, secrétaire d'Etat au tourisme - Le tourisme représente en effet un secteur essentiel de l'économie mais il repose sur la confiance et il est vrai que celle-ci a pu être altérée par les tragiques événements du 11 septembre. En France, la situation est à la fois préoccupante et contrastée, car il y a des secteurs qui s'en sortent bien. Ainsi, la saison d'hiver s'annonce bonne, pour peu que la neige soit au rendez-vous (Rires sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Et le tourisme rural se défend, de même que la destination Antilles. Par contre, le tourisme de luxe et le tourisme d'affaires sont affectés, ainsi que les agences de voyage et les tours opérateurs. Lors des assises du conseil national du tourisme, le 17 octobre, le Premier ministre a donc annoncé un certain nombre de mesures, d'ordre fiscal et social. Je n'y reviens pas nous les avions évoquées durant la discussion budgétaire.

En prendrons nous d'autres ? Cela dépendra des conclusions des observatoires que nous avons mis en place. J'ajoute que le conseil des marchés intérieurs doit se réunir le 26 novembre, avec tous les ministres européens du tourisme. Confiance raisonnée et active, d'un côté, vigilance, de l'autre, telle est notre ligne (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

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SITUATION BUDGÉTAIRE

M. Georges Tron - Monsieur le ministre de l'économie et des finances, le collectif budgétaire a été présenté ce matin en conseil des ministres. Il y apparaît que le déficit sera supérieur de 26 milliards aux prévisions initiales et atteindra 212 milliards. Ce niveau rend irréalistes toutes les prévisions du budget pour 2002, en particulier le déficit prévisionnel de 200 milliards. L'opposition n'a d'ailleurs cessé de le répéter. Depuis 1992, jamais une révision de déficit n'a pris de telles proportions.

Je rappelle que lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, en 1993, nous avons trouvé un déficit de 350 milliards, le plus important depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Quatre ans après, il avait diminué de 60 milliards (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Tandis que vous, vous laisserez probablement l'an prochain un déficit au même niveau qu'il y a quatre ans. Quel exploit, étant donné le surcroît de recettes dont ce gouvernement a bénéficié.

Car les recettes fiscales ont augmenté depuis 1997 d'environ 22 %. Avec l'actuelle majorité, nous avons donc à la fois les impôts et le déficit. C'est qu'en effet les recettes supplémentaires ont servi d'abord à financer des dépenses nouvelles et les 35 heures. Et seulement en troisième lieu à réduire le déficit. Vous avez déclaré à l'AFP hier qu'il serait souhaitable d'arrêter de multiplier les dépenses de fonctionnement non financées. Comme cette déclaration ne peut s'appliquer qu'à ceux qui prennent les décisions, je voudrais savoir à qui s'adressait ce sage conseil (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Nous aurons une discussion sur le fond lors de l'examen du collectif budgétaire, j'espère que vous pourrez y prendre part.

Lorsque vous et vos amis avez laissé les rênes du gouvernement, le déficit s'établissait à 295 milliards. Nous l'aurons ramené fin 2001 à 212 milliards. Personnellement, j'aurais certes voulu le descendre davantage, mais cela fait tout de même une baisse de 80 milliards en quatre ans.

Et durant la même période, les impôts ont été diminués. Prenons l'exemple de votre département, Monsieur Tron (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF « Ça n'a rien à voir ! »).

M. le Ministre - Si, ça s'appelle les impôts.

En Essonne, la suppression de la vignette aura fait économiser aux contribuables de votre département 189 millions ; la prime pour l'emploi, 99 millions, et ce avant même son doublement ; la baisse du taux de TVA, 750 millions ; la baisse de la taxe d'habitation, 347 millions ; la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, 93 millions. Bref, grâce à notre politique, les contribuables de votre département auront vu leurs impôts baisser de 1 478 millions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Bien entendu, comme le disait excellemment le Premier ministre, la France n'est pas à l'écart du mouvement général et la situation économique devient plus difficile. Mais la croissance de la France pour cette année sera au moins de 2 % (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) tandis que nos amis allemands devront se contenter de 0,75 %. Ce qui signifie que, malgré toutes les « erreurs » que nous aurions commises depuis quatre ans, nous faisons chaque année un point de croissance de plus que le pays d'Europe le plus puissant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Enfin vous avez demandé à quelles dépenses je faisais allusion hier, dépenses qu'auraient engagées « ceux qui sont susceptibles de prendre des décisions ».

Ma dernière déclaration concernait les dépenses de défense : comme j'avais entendu sur les ondes que tel ou tel, qui est susceptible d'avoir des responsabilités dans l'Etat, proposait la construction d'un deuxième porte-avions (Rires sur les bancs du groupe socialiste), j'ai dit qu'il faudrait en ce cas augmenter les dépenses de 20 milliards (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Monsieur Tron, je suis de ceux qui écoutent toujours avec attention les conseils, mais lorsqu'il s'agit de leçons, il faut avoir les diplômes pour les dispenser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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PASSAGE À L'EURO

M. Dominique Raimbourg - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie.

Dans 50 jours, nous paierons tout en euros (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), et il y aura une période de double monnaie.

Pouvez-vous nous dire si les entreprises sont aujourd'hui prêtes ? Avez-vous des données concernant l'état d'esprit de nos concitoyens ? Etes-vous alarmiste ou serein à ce sujet ? Comment voyez-vous ce passage à l'euro, dont on a beaucoup dit qu'il allait perturber la France, alors qu'il semble se présenter bien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe du RPR)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je voudrais remercier l'ensemble de la représentation nationale car on constate que beaucoup de responsables font le maximum pour bien préparer le passage à l'euro : c'est le cas des chambres de commerce et de métiers et c'est aussi le cas de nombreux parlementaires (« Ah » sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Actuellement nos concitoyens, même s'ils mesurent les difficultés du passage à l'euro, n'en contestent plus le principe lui-même et ils s'y préparent : c'est un changement d'état d'esprit par rapport il y a quelques mois.

En ce qui concerne les grandes entreprises, les chiffres montrent que la préparation se déroule très bien (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). La situation est plus difficile dans les petites entreprises : 20 % d'entre elles n'ont pas effectué tous les préparatifs nécessaires - il faut donc forcer l'allure.

En ce qui concerne les particuliers, l'utilisation des moyens scripturaux en euros progresse à rythme impressionnant : en quelques semaines, la proportion de paiements en euros est passée de 0 à 15 % pour les cartes bancaires et à plus de 60 % pour les titres interbancaires (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mais quelques difficultés subsistent et je voudrais vous donner quelques chiffres inédits (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) : 48 % de nos concitoyens croient qu'on pourra encore faire des chèques en francs au-delà du 1er janvier et seulement 9 % savent que c'est à partir du 17 février qu'on ne pourra plus utiliser les billets et pièces de monnaie en francs. C'est dire qu'il reste encore des progrès à accomplir. Je compte en particulier sur les élus.

En ce qui concerne mon propre état d'esprit, je crois, pour reprendre une formule excellente de mon collègue Patriat, qu'il faut être à la fois euroconfiant et eurovigilant. Le passage à l'euro va bien s'opérer, mais nous devons être vigilants sur les questions de sécurité et de prix.

Dernier point, le passage à l'euro n'est pas seulement un changement économique. L'euro, c'est un grand projet politique et il ne faut pas oublier de dire à nos concitoyens, quand ils nous interrogent, que si nous faisons l'euro, c'est parce que nous estimons que la France sera plus forte appuyée sur un projet européen plus concret, qui passe par la réalisation d'une monnaie unique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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COMMISSION SUR LES CARTES BANCAIRES

M. Serge Poignant - Je ne sais si j'ai les bons diplômes pour poser ma question au ministre de l'économie (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du RPR), mais je vais tout de même essayer !

Le 10 octobre dernier, M. Accoyer vous interpellait sur les difficultés que vont rencontrer les commerçants et artisans pendant la période transitoire du passage à l'euro. Vous n'avez pas répondu à sa proposition de suspendre la commission due par eux sur les paiements par carte bancaire. Le même jour, le Sénat adoptait un amendement en ce sens au projet de loi dit « MURCEF », ce qui signifie, comme le savent tous les diplômés, « Mesures urgentes à caractère économique et financier » (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Il s'agit, en effet, d'une mesure essentielle d'aide aux professionnels, qui devront probablement accepter beaucoup de paiements par carte bancaire pendant cette période.

A la veille de l'adoption définitive de ce texte par notre assemblée, de nombreux députés du groupe RPR ont déposé un amendement de suppression des commissions en cas de paiement par carte bancaire. Cette mesure, que nous réclamons depuis longtemps, pourrait d'ailleurs être soutenue sur de nombreux bancs de cette assemblée. Allez-vous, Monsieur le ministre, appuyer cette proposition qui allégerait un peu les importantes charges pesant sur nos commerçants et artisans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - Votre question n'est pas infondée. Elle mérite à la fois concertation et réflexion. Le Gouvernement a toujours privilégié la voie de la discussion, plutôt que celle de la coercition que vous proposez (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR).

Le paiement par carte bancaire est effectivement de nature à faciliter le passage à l'euro, mais s'il devait y avoir des mesures de suppression de la commission, elles devraient être ciblées, sinon elles risquent de profiter plus à la grande distribution et aux groupes pétroliers qu'aux petits commerçants, qui utilisent peu les cartes bancaires.

Mais il faut aussi comprendre qu'une mesure coercitive qui imposerait des changements de matériel informatique et électronique est peu réalisable dans l'immédiat. En outre, elle serait probablement anticonstitutionnelle.

C'est pourquoi nous avons préféré réunir les représentants des banques et des commerçants pour que la négociation se poursuive et aboutisse à un accord. Le Gouvernement, pour sa part, aide déjà les commerçants à passer ce cap par des mesures d'allégements fiscaux et de prêts bonifiés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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TAUX DU LIVRET A

M. Daniel Paul - Il y a quelques jours, on pouvait lire dans un quotidien économique que « l'importante baisse des taux décidée par la Banque centrale européenne pourrait théoriquement amener le Gouvernement à baisser le taux du livret A ». Le mécanisme mis en place en 1998 pour fixer la rémunération du livret A avait pour double objectif de rémunérer l'épargne populaire et d'éviter un financement trop coûteux du logement social.

D'un point de vue technique, l'affirmation de ce journal se discute ; le taux doit être au minimum celui de l'inflation plus un point. Or, l'inflation se situe aujourd'hui à 1,6 %, et même à 2 % pour les produits de grande consommation.

Mais la question est aussi politique : le Gouvernement en juin 2000 avait porté le taux du livret A à 3 %, allant ainsi au-delà de la simple application du mécanisme légal.

Ce choix a contribué à inverser le mouvement de baisse des dépôts que connaissait le livret A depuis 7 ans, ce qui a permis d'augmenter la ressource disponible pour le logement social de 4,2 milliards de francs entre le 1er janvier et le 1er septembre 2001.

Baisser le taux du livret A remettrait en cause cette évolution. Elle serait des plus inopportunes car le livret A concerne aujourd'hui 80 % des Français et qu'il est souvent le seul compte bancaire dont disposent nos compatriotes les plus modestes : seuls 2 % des livrets sont remplis jusqu'au plafond.

Monsieur le ministre, nous souhaitons que vous nous indiquiez les intentions du Gouvernement et que vous mainteniez le taux du livret A.

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le taux du livret A est aujourd'hui de 3 %, ce qui assure une rémunération correcte de l'épargne populaire. Mais il faut bien voir que le produit du livret A servant à financer le logement social, l'intérêt des épargnants est dans une certaine mesure antagoniste de celui des locataires de logements sociaux.

Le comité consultatif des taux réglementés se réunira prochainement, fin décembre ou début janvier pour examiner notamment si l'évolution constatée des paramètres pris en compte est durable et rendra son avis. Le Gouvernement prendra ensuite sa décision. Connaissant les orientations qui ont toujours été les siennes, vous ne douterez pas, Monsieur le député, que cette décision sera raisonnable et ira dans l'intérêt des classes populaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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ZONES FRANCHES URBAINES

M. Alain Fabre-Pujol - Ma question, à laquelle s'associe M. Baert, député du Nord, s'adresse au ministre délégué à la ville.

La loi SRU a substantiellement amélioré le pacte de relance pour la ville en renforçant ses mesures relatives à l'emploi dans les quartiers en difficulté. Des résultats encourageants ont déjà été obtenus : c'est le cas dans ma circonscription pour la zone franche urbaine de Lille. Or, il semblerait que l'URSSAF s'apprête à interpréter de manière très restrictive les textes en vigueur concernant les ZFU en supprimant toute exonération de charges pour les embauches réalisées à compter du 1er janvier 2002, y compris par des entreprises installées avant la date-butoir du 31 décembre 2001. Il serait vraiment dommage, pour les entreprises qui se sont engagées dans le dispositif comme pour les habitants des quartiers, encore nombreux à attendre un emploi, et les villes qui ont lancé de lourds programmes d'investissement, que l'effort soit ainsi brutalement interrompu. Notre assemblée a d'ailleurs voté en première lecture du projet de loi de finances une prorogation dégressive du dispositif sur trois ans.

Pouvez-vous nous confirmer les intentions du Gouvernement et d'une manière plus large, nous dire quelle politique d'ensemble il conduit en faveur du développement économique et de l'emploi dans les quartiers populaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - L'emploi est plus que jamais la priorité de ce gouvernement, surtout dans les quartiers en difficulté. C'est d'ailleurs pour redonner toute sa priorité à l'emploi que nous avons souhaité dans la loi SRU moraliser les dispositifs.

Les exonérations de charges prévues dans le pacte de relance pour la ville devaient initialement prendre fin au 31 décembre 2001. Mais l'Assemblée, sur ma proposition, a voté à l'article 71 du projet de loi de finances pour 2002 une série de mesures permettant d'en sortir en douceur. Ainsi, que les choses soient claires, les entreprises installées en zone franche urbaine avant le 31 décembre 2001 et souhaitant embaucher des jeunes des quartiers au-delà de cette date continueront à bénéficier des exonérations de charges sociales prévues dans la limite de cinq ans à compter de la date de leur implantation. Des instructions très précises seront prochainement données aux services en ce sens.

Enfin, à compter de 2002, vous l'avez voté en première lecture du projet de loi de finances, la politique du Gouvernement en faveur du développement économique et de l'emploi dans les quartiers ne se limitera plus à 44 zones. Dans les 416 zones de redynamisation urbaine, les entreprises embauchant des chômeurs de longue durée originaires de ces quartiers pourront désormais bénéficier de primes et seront aidées pour le passage aux 35 heures grâce à un allègement de charges sociales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 h 20 sous la présidence de M. Gaillard.

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

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LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002.

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AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (suite)

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QUESTIONS

M. Yves Deniaud - Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure les aides que l'Etat pourrait apporter aux zones frappées par des restructurations industrielles : c'est évidemment le cas de la Basse-Normandie après le désastre de Moulinex. Le représentant du Gouvernement, M. Bove, a parlé d'enveloppes financières sans entrer dans le détail. Or nous avons besoin de précisions. Sur quelles lignes de crédits l'Etat inscrira-t-il ces aides ? Quel financement peut-on attendre du fonds national pour l'aménagement durable du territoire pour l'acquisition de terrains ou la création de zones industrielles ? A Alençon, nous avons connaissance de projets précis. Il nous faut des informations suffisamment précises pour négocier avec les investisseurs potentiels.

Par ailleurs, je souhaite savoir si des mesures seront prises en faveur des fournisseurs et sous-traitants de Moulinex, à leur tour menacés de disparition.

M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Notre plan, qui comporte un volet territorial important, vise à reconquérir l'emploi, à soutenir les entreprises sous-traitantes - elles représentent 800 emplois en Basse-Normandie et nous avons donné des instructions aux services fiscaux pour qu'ils leur viennent en aide -, mais aussi à développer les filières régionales de création d'emplois, comme la plasturgie à Alençon, et à revitaliser les zones les plus directement touchées : Alençon, Falaise, Bayeux et l'agglomération de Caen. Au total, l'Etat va consacrer à votre région 190 millions en trois ans, dont 114 au titre du FNADT et 46 provenant du budget du secrétariat d'Etat à l'industrie. Les départements et la région seront sollicités et les financements du FEDER seront mobilisés.

M. Michel Bouvard - Les élus de montagne s'inquiètent de l'utilisation qui doit être faite des crédits européens de l'objectif 2. Les délais sont trop brefs, d'autant qu'il faut passer devant des comités départementaux et régionaux d'instruction, puis des comités régionaux de programmation. L'Etat sera-t-il capable de coordonner l'usage de ces crédits avec les aides du FNADT ?

Enfin, un soutien technique sera nécessaire pour monter les dossiers. Si les grandes villes ont l'habitude de passer des contrats avec l'Etat, ce n'est pas le cas des communes rurales et de montagne. Je souhaite que ces territoires bénéficient de toutes les aides possibles avant la fin du dispositif, prévue pour 2006. Il serait dommage que la France soit contrainte de restituer des crédits, comme cela va être le cas pour les fonds de l'objectif 5B.

M. le Ministre - La gestion de ces fonds structurels n'était pas satisfaisante et il a fallu lui donner un nouveau cadre réglementaire. Nous avons simplifié la gestion financière, approfondi la logique partenariale, renforcé le contrôle et amélioré le suivi de ces financements. Les collectivités locales des zones de montagne seront aidées pour la constitution du dossier.

Cela vaut pour toutes les communes qui ne disposent pas de l'ingénierie nécessaire, et notamment pour les plus petites d'entre elles.

M. Yves Deniaud - Mon collègue Gilbert Meyer avait posé à votre prédécesseur une question restée sans réponse. Je vous la pose donc à nouveau, Monsieur le ministre, car l'application de la loi relative aux pays est susceptible, en cette matière, d'interprétations divergentes : les groupements d'intérêt public de développement local peuvent-ils assurer la maîtrise d'ouvrage pour les communes ou les groupements intercommunaux qui en sont membres ? A ce jour, l'incertitude plane. Pourtant, le partage des projets doit aller jusqu'à la réalisation effective des projets, au travers de la maîtrise d'ouvrage déléguée.

M. le Ministre - Vous vous rappelez certainement qu'il avait été clairement établi, au cours du débat, qu'il convenait d'éviter que le pays ne devienne un nouvel échelon administratif. Lieu d'élaboration des stratégies de développement durable, le pays a vocation à « faire faire ». En ce sens, la constitution d'un GIP de développement local est une des solutions, qui ne remet pas en cause le souci de subsidiarité.

M. Patrice Carvalho - Des leçons doivent être tirées de la tragédie due à l'explosion de l'usine AZF de Toulouse. Je salue donc l'initiative que vous avez prise, Monsieur le ministre, d'organiser des tables rondes régionales sur les risques industriels. J'y participerai, car la Picardie compte de nombreux sites à risque. Pour autant, je ne partage pas la précipitation de ceux qui ont appelé à la délocalisation des sites Seveso, sans se préoccuper des conséquences économiques d'une telle décision. Ces libéraux-là ne s'étaient que bien peu inquiétés de l'implantation de ces sites à proximité des habitations !

A Ribécourt, où sont installées trois entreprises « Seveso », les périmètres de sécurité ont été élargies par trois fois, au point que le canton se voyait interdire tout développement. Mais, dans le même temps, et malgré l'opposition des élus, le préfet jugeait bon d'autoriser la reconstruction d'un collège en face de l'un des sites ! Elus, parents et associations se sont mobilisés et ont obtenu des entreprises qu'elles investissent massivement pour renforcer la sécurité des installations, ce qui a permis de redéfinir de manière plus raisonnable le périmètre de sécurité. C'est ainsi qu'il faut procéder, tout ça empêchant l'urbanisation à proximité des sites à risque.

Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre à cet effet en 2002 ?

M. le Ministre - La première des tables rondes régionales se tiendra demain à Marseille. D'autres suivront jusqu'en décembre et à l'issue de la table ronde nationale qui suivra, des propositions d'action seront faites au Premier ministre au début de 2002. L'accident survenu à Toulouse pose en effet la délicate question de la proximité entre un site à risque et une zone de forte urbanisation - sachant que, bien souvent, la ville a « rattrapé » l'usine. Bien entendu, la solution n'est pas de déménager les usines à la campagne ou à l'étranger mais de renforcer la sécurité au sein des établissements eux-mêmes. Ainsi protégerait-on mieux, pour commencer, les salariés de ces entreprises, premières victimes potentielles des accidents industriels. La réduction des risques suppose sans doute une intervention accrue des CHSCT, dont les compétences pourraient être élargies. Le Gouvernement prendra des décisions, soyez-en assuré.

M. Jean-Claude Sandrier - Le département du Cher, durement touché par la restructuration de l'industrie de l'armement, a bénéficié d'un ensemble de mesures prises au cours de deux CIADT et d'un conseil interministériel consacré aux bassins d'emploi de Bourges et de Vierzon. Les bases d'une redynamisation étaient ainsi jetées, et l'Etat jouait pleinement son rôle en veillant au maintien de la cohésion sociale. Cependant, certains services publics du Cher voient leurs effectifs baisser, ce qui réduit leurs activités. Les habitants seront pénalisés, et le message du Gouvernement sur la nécessité d'un développement équilibré du territoire en est brouillé. Je souhaiterais donc que les zones éligibles aux crédits du fonds structurel européen voient, par principe, les emplois publics maintenus.

M. le Ministre - La levée du moratoire opposable aux fermetures de services publics en milieu rural a été décidée lors du CIADT de décembre 1998 et confirmée en juillet 2000. Cependant, les effets du moratoire ont été très limités, car la plupart des services publics sont installés dans des communes plus importantes que celles qui étaient visées.

Le Gouvernement souhaite toujours promouvoir l'égal accès aux services publics, mais ces derniers doivent procéder aux adaptations rendues nécessaires par les évolutions socio-démographiques que traduit le recensement. C'est dans cet esprit qu'ont été installées les maisons des services publics, lieux polyvalents qui privilégient le service de proximité de qualité. Il reste à renforcer les échanges de bonnes pratiques. Un appel à projets, doté de 10 millions de francs, a été lancé pour appuyer les projets les plus innovants.

M. Dominique Caillaud - Vous nous avez annoncé l'accès « à un coût abordable » à la téléphonie à haut débit, la Caisse des dépôts consentant aux communes concernées des prêts à un taux préférentiel, remboursables en trente ans. Est-ce votre dernier mot ? Si tel est le cas, vous n'avez pas choisi la bonne solution. Comment accepter en effet que 80 % des collectivités locales soient équipées gratuitement cependant que les 20 % restants - lesquelles sont les moins favorisées - devront payer la connexion ?

Quelles mesures volontaristes entendez-vous prendre pour garantir l'équité sur l'ensemble du territoire ? Parallèlement, allez-vous intervenir auprès de France Télécom pour que le tarif d'accès au haut début devienne enfin équivalent à celui que pratiquent les autres pays européens ?

M. le Ministre - L'objectif du Gouvernement, c'est le haut débit pour tous d'ici à cinq ans. La Caisse des dépôts a été mandatée pour constituer un fonds de développement du haut débit. Elle a dégagé 1,5 milliard sur ses fonds propres et elle consentira des prêts sur trente ans à taux préférentiels aux collectivités désireuses de s'équiper. Du reste, la plupart des collectivités se sont déjà mobilisées...

M. Dominique Caillaud - Toutes ne le peuvent pas !

M. le Ministre - ...en lançant des plans d'équipement qui reposent sur différentes techniques - câble, ADSL, boucle radio... Chacun sait bien que la difficulté avec ce que l'on appelait naguère les « autoroutes de l'information », c'est le dernier kilomètre ! Pour autant, il n'y a pas lieu de parler de situation inéquitable car l'Etat s'est fortement engagé pour que les zones les moins faciles d'accès soient aussi desservies. Les directeurs régionaux de la Caisse des dépôts ont été mobilisés et un comité de pilotage animé par la DATAR a été constitué.

S'agissant des tarifs d'accès de France Télécom - que vous estimez peu compétitifs -, je vous rappelle qu'en dépit de l'attachement naturel que nous portons à cette grande entreprise, il ne s'agit que d'un fournisseur d'accès parmi d'autres. Le client est tout à fait libre de choisir celui qu'il juge le plus concurrentiel !

M. Yves Coussain - Lors du CIAAT de juillet dernier, il a été annoncé que les collectivités locales, les opérateurs et l'Etat mobiliseraient 1,4 milliard pour que les 480 000 communes non desservies par un réseau de téléphonie mobile soient enfin couvertes. Cinq mois plus tard, rien n'est advenu si ce n'est une déclaration de M. Pierret selon laquelle les opérateurs, satisfaits des conditions d'attribution des licences UMTS, seraient prêts à aller au-delà de l'effort initialement prévu. Qu'en sera-t-il de la contribution de l'Etat aménageur ? Est-il concevable de faire payer aux collectivités les plus démunies des services auxquels les plus riches accèdent gratuitement ? L'Etat est-il fondé à laisser au marché ses obligations régaliennes d'aménageur du territoire ? Certes, les départements concernés envisagent de suppléer aux carences de l'Etat mais pour le Cantal, que je connais bien, les investissements afférents s'élèvent à 4 millions, soit un montant exorbitant en regard de nos capacités !

L'Etat est-il disposé à accomplir un effort supplémentaire pour tenir les engagements pris par le Premier ministre au CIADT de juillet dernier ?

M. le Ministre - Le Gouvernement a décidé d'achever d'ici à trois ans la couverture du territoire en téléphonie mobile. Pour ce faire, l'Etat et les opérateurs apportent 900 millions et sollicitent les collectivités locales à hauteur de 500 millions. Des contributions communautaires sont également possibles. Le dispositif est en train de se mettre en place. Les préfets de région ont reçu les modalités de définition des zones restant à couvrir et toutes les collectivités locales peuvent participer à leur définition. La circulaire d'application est actuellement à la signature des trois ministres concernés : Intérieur, Industrie, Aménagement du territoire.

Il appartient désormais aux élus de définir ces cartes dans le respect des objectifs du Gouvernement. Quels que soient les chiffres retenus pour évaluer la couverture téléphonie mobile - 90 % pour le Gouvernement, 80 % pour l'ART - ce qui compte, c'est ce qui est perçu par les élus. Rien ne les empêche du reste de procéder à des enquêtes de terrain pour affiner la connaissance de leur territoire.

Le Massif Central - et donc le Cantal - a été désigné comme zone prioritaire et la DATAR dispose déjà des 19 cartes départementales de la région, lesquelles doivent être confirmées par les exécutifs locaux. Enfin, un comité a été institué et les associations d'élus y seront naturellement associées. L'extension de la couverture devrait intervenir dès le printemps prochain.

M. Francis Delattre - En tant que ministre de l'aménagement du territoire, il est naturel que vous vous intéressiez aux projets d'implantation de grands équipements tels que les aéroports et vous participerez demain au conseil restreint relatif au troisième aéroport du grand Bassin parisien. Or vous ne pouvez ignorer que du fait du doublement de ses pistes, Roissy accueillera l'essentiel du surcroît de trafic aérien prévu dans les dix prochaines années. J'appelle, s'il en est besoin, toute votre attention sur le fait que la capacité de cet équipement est déjà contestée et que les 500 000 mouvements qui y sont constatés entraînent le survol ininterrompu de zones habitées par plus de deux millions de personnes.

Du reste, nul n'a pu oublier avec quelle fougue vous aviez défendu ici même une proposition de loi visant, dans un objectif de santé publique et de respect de l'environnement, à instaurer un couvre-feu à Roissy. Rien ne prouve qu'il soit indispensable de recourir à la loi pour fixer les horaires de service d'un aéroport. Dès lors, allez-vous user de votre pouvoir réglementaire pour que les propositions que vous aviez formulées en tant que parlementaire entrent en vigueur ?

M. le Ministre - M. Delattre connaît parfaitement les données du problème et je ne puis que lui rappeler la position que je défends depuis toujours...

M. Francis Delattre - Soit mais entre temps, vous êtes devenu ministre !

M. le Ministre - Je considère que les centaines de milliers de riverains de l'aéroport de Roissy ont été leurrés lorsqu'il leur a été dit que la création d'un troisième aéroport dans le grand Bassin parisien atténuerait considérablement les nuisances auxquelles ils sont exposés. Du reste, c'est bien le gouvernement précédent qui a décidé du doublement des pistes, le décret Pons ayant été signé en mai 1997. M. Gayssot s'est donc vu contraint d'appliquer une décision qui n'était pas la nôtre, notamment pour éviter le paiement de pénalités du fait d'un désengagement brutal.

Depuis lors, une très riche concertation s'est engagée sur l'opportunité d'un troisième aéroport. Elle se nourrit des prévisions de trafic de la direction générale de l'aviation civile -lesquelles sont malheureusement les seules disponibles - aux termes desquelles le nombre de passagers transportés - 70 millions aujourd'hui - doublerait d'ici à 2020. Pour ma part, je ne suis pas du tout convaincu de la validité de cette hypothèse et pas davantage par l'idée répandue selon laquelle la crise du secteur aéronautique ne serait que conjoncturelle.

Quel sera en 2020 le transport aérien en Ile-de-France ? Je n'en sais rien et c'est précisément pourquoi nous avons besoin d'autres sources de renseignement que la DGAC.

Si je parle de leurre, c'est que le problème de Roissy est ailleurs : trop de bruit, trop d'avions la nuit. D'où ma proposition de loi sur le couvre-feu, qui, j'espère, fera son chemin. Et j'espère aussi convaincre mes collègues du Gouvernement de placer le fret à Vatry.

M. Francis Delattre - Cela dépend du pouvoir réglementaire.

M. le Ministre - Pas seulement, il faut aussi convaincre l'Aéropostale et FedEx de s'y installer.

Mais supposons que les chiffres de la DGAC soient les bons et qu'il faille effectivement s'attendre à 140 millions de voyageurs en 2020, en Ile-de-France, au lieu des 70 millions actuels. Comme la construction d'un nouvel aéroport, où qu'il soit, prendra bien quelques années, que ferons-nous, disons en 2015, des 40 millions de voyageurs qui constituent le différentiel entre les 70 millions d'aujourd'hui et les 110 millions prévisibles alors ?

M. Francis Delattre - C'est une vraie question. Et il n'y a pas de réponse, apparemment...

M. le Ministre - Si, j'ai des réponses.

M. Francis Delattre - Oui, je sais, le TGV et autres...

M. Marc Laffineur - Il y a dix ans que la décision de décentraliser l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie à Angers a été prise, mais il semblerait que son président et son directeur général fassent quelques difficultés pour partir en province, sans doute par méconnaissance de la qualité de vie en Anjou, sans parler des TGV qui relient Angers à Paris en une heure et demie.

Des terrains ont été mis à la disposition de l'ADEME, en plein centre-ville, mais la construction des bâtiments est sans cesse reportée. Faut-il chercher la cause de ces retards dans les réticences du président et du directeur général ? Ou y a-t-il une volonté politique de revenir sur la décision de décentralisation ? Si tel n'est pas le cas, pouvez-vous me dire quand le chantier s'ouvrira ? Cela fait maintenant de nombreuses années que la ville garde libre un terrain en face du château et attend...

M. le Ministre - Je puis vous rassurer car, connaissant personnellement le président et le directeur général de l'ADEME, je sais qu'ils ne sont pas du tout opposés, bien au contraire, à cette délocalisation et qu'ils sont bien conscients eux aussi des charmes d'Angers.

Le projet est estimé globalement à 150 millions. Son financement sera assuré avec un emprunt réduit, compte tenu des prévisions faites par l'ADEME. Le permis de construire a été délivré, l'appel d'offres a eu lieu en septembre dernier. La pose de la première pierre est prévue fin 2001 ou début 2002 et la mise en service du bâtiment en septembre 2003.

Seule petite préoccupation : le montant des offres reçues s'élève à 185 millions, alors que le maître d'_uvre estimait les travaux à 102 millions. Le conseil d'administration, qui se réunira le 16 novembre, décidera sans doute une reprise des études afin de rentrer dans l'enveloppe financière.

Quoi qu'il en soit, le point de non-retour est dépassé, compte tenu des besoins des services de l'ADEME. Et il y aura bien sûr un plan d'accompagnement social.

M. Paul Patriarche - J'ai déjà posé deux fois la même question, la première fois, lors de la discussion du projet de loi sur l'aménagement du territoire, la deuxième en juin dernier lors de la dernière séance de questions d'actualité. Mais je n'ai pas eu de réponse. Je la repose donc.

A l'heure où tant de nos concitoyens aspirent à un autre horizon que le béton et où les nouvelles technologies permettent de déconcentrer beaucoup d'emplois, il est paradoxal que l'Etat oblige des millions de français à migrer vers les centres urbains. Dans nos campagnes, en effet, les services publics ferment les uns après les autres : école, poste, brigade de gendarmerie, perception... Il faut dire que ce gouvernement a mis fin au moratoire des fermetures de services publics. On voit donc apparaître des déserts administratifs. Comment dans ces conditions, attirer des entreprises ou des artisans ? Comment retenir les familles ?

Les populations qui vivent en milieu rural ne se satisfont pas de services publics au rabais et de plus en plus éloignés. Vous dîtes, Monsieur le ministre, que le développement durable exige un équilibre territorial. Je souhaiterais que cette formule ne reste pas un v_u pieux. Dès lors que vous avez mis fin au moratoire, que proposez-vous d'autre ? Et de quels moyens disposez-vous pour que l'administration et les services publics s'adaptent aux besoins des populations ?

M. le Ministre - J'ai déjà répondu à l'un de vos collègues en ce qui concerne les maisons des services publics, mais je vais compléter cette réponse en me référant à la loi de juin 1999, qui a renforcé les modalités de concertation sur les décisions de réorganisation ou de suppression de services que sont susceptibles de prendre les grands organismes publics. Au niveau central, la DATAR est chargée d'une mission de coordination.

Le principe est d'assurer à tous un égal accès aux services publics et des prestations de même qualité.

Deux circulaires du Premier ministre, aux ministres d'une part, aux préfets de l'autre, fixent les modalités pratiques de coordination. A ce jour, aucun dossier n'a été transmis par les préfets pour arbitrage aux ministres concernés. Peut être y a-t-il quelques retards... Je m'attacherai donc à remotiver les préfets sur ce sujet.

La plus grande attention est apportée aux mesures d'accompagnement des réformes de manière que le service rendu aux usagers ne soit pas altéré, voire s'améliore.

Les organismes publics disposant déjà d'un contrat de plan ou de service public approuvé par décret sont l'ANPE, France Télécom, EDF, GDF, La Poste, la SNCF...

M. Paul Patriarche - Et l'Éducation nationale ?

M. le Ministre - Il en est d'autres qui doivent soit élaborer un plan triennal global et intercommunal, soit conclure un contrat de plan ou de service public : il s'agit notamment de l'ANVAR, de la Banque de France et de l'ONICEF...

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

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ÉTAT B

Les crédits du titre III de l'état B, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits du titre IV de l'état B, mis aux voix, sont adoptés.

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ÉTAT C

Les crédits du titre VI de l'état C, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits de l'aménagement du territoire.

La séance, suspendue à 17 heures 15 est reprise à 17 heures 20.

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ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale concernant l'enseignement professionnel.

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances - Je voudrais me féliciter de l'occasion, rare dans cette enceinte, de débattre spécifiquement de l'enseignement professionnel. Déjà nous nous étions félicités, en mars 2000, de votre nomination en tant que ministre délégué. Le fait d'avoir obtenu une discussion distincte de ce budget nous permet de débattre au fond de ce qui se fait dans ce domaine.

Si nous sommes attachés à l'unité de l'éducation nationale, il est clair que l'enseignement professionnel en est une dimension majeure. Il est nécessaire à notre économie, qui a besoin de professionnels bien formés et compétents. Il est nécessaire à beaucoup de jeunes à l'intelligence plus concrète qu'abstraite, qui trouvent dans cette formation le moyen de poursuivre leurs études - je suis très heureux, de ce point de vue, que vous ayez tenu à développer les sections art et culture dans les lycées professionnels, cela participe de la même démarche de valorisation de ce type d'intelligence.

Enfin l'enseignement professionnel est nécessaire à la réussite scolaire et j'ai beaucoup apprécié que vous ayez ouvert le débat sur le collège quand 70 % des professeurs certifiés de moins de 35 ans disent que le collège, tel qu'il fonctionne aujourd'hui, n'offrira pas une issue à tous les jeunes, il faut en tenir compte. Il convient donc de diversifier la pédagogie, sans hiérarchiser les filières et en restant dans le cadre d'un collège unique.

Le débat a lieu à un moment exceptionnel. En effet, depuis plus de vingt ans, les entrées dans l'enseignement professionnel baissaient, même si cette baisse a longtemps été marquée par la création - fort positive - du bac professionnel qui, en prolongeant les études, a maintenu le niveau global des effectifs. Cette baisse n'est pas une bonne chose pour le pays. Or elle s'est accélérée de manière inquiétante les dernières années : les effectifs ont fondu de 20 000 en 1999, de 30 000 en 2000. La rentrée 2001 marque un renversement de cette évolution dramatique : grâce au travail effectué pour motiver les jeunes, 10 000 entrées supplémentaires sont enregistrées en seconde professionnelle et en première année de CAP. C'est un message de confiance essentiel. Ce renversement de tendance n'est pas tombé du ciel. Il est dû à une meilleure reconnaissance des enseignants : statut du professeur d'enseignement professionnel, alignement sur les horaires du second degré, aide matérielle au recrutement des professionnels, créations de postes. Depuis 1997, 6 280 postes ont été créés dans l'enseignement professionnel, alors qu'il n'y avait eu aucune création de postes de 1993 à 1997 ! Cela résume assez bien la différence des politiques suivies...

Un effort, plus modeste certes, a été fait pour développer les centres d'apprentissage publics et c'est un point important. La mise en place de 20 coordinateurs supplémentaires est une bonne démarche pour donner à ces CFA publics toute leur efficacité.

Mentionnons aussi l'augmentation de 30 % des indemnités des chefs de travaux, hommes de l'ouverture des établissements sur l'extérieur qui accomplissent un énorme travail.

Je me réjouis aussi de la solution d'un problème pour laquelle je me battrais déjà, en tant que syndicaliste, dans les années 1964-1965, celui des PLP bi-admissibles. Merci, Monsieur le ministre !

Bref, l'effort est manifeste tant en faveur du statut des personnels que de l'encadrement pédagogique et de la rénovation des équipements, les régions ayant la charge de ces derniers.

Cet effort en faveur de l'enseignement professionnel se poursuit d'ailleurs dans l'enseignement supérieur dont la professionnalisation relève de la même démarche. Alors qu'elles étaient jusqu'à présent le maillon faible du dispositif, on dénombre aujourd'hui 182 licences professionnelles habilitées accueillant 5 000 étudiants.

Sur le plan pédagogique, un effort a été fait en direction des élèves. Par exemple, les horaires hebdomadaires de cours, souvent très lourds et peu lisibles, seront désormais clairement affichés. La mise en place des CAP par unité, laquelle a suscité quelques contestations mais n'en est pas moins indispensable - la validation des acquis professionnels suppose une organisation différente de l'enseignement lui-même - va dans le même sens.

En ce qui concerne la validation des acquis professionnels justement, les choses avancent comme en témoigne le vote ultra-favorable du CNESER lundi dernier. Il le fallait car bien que la loi ait été votée en 1992, beaucoup restait à faire. Les entreprises se sont en effet peu intéressés au dispositif alors même que la validation des acquis constitue un formidable outil de motivation de leurs salariés. Mais l'Education nationale non plus n'a pas fait grand-chose, cinq universités assurant la moitié des validations, lesquelles concernent d'ailleurs surtout des diplômes de l'enseignement supérieur alors que les besoins seraient immenses au niveau V également.

Le développement de l'apprentissage et son ouverture à l'enseignement supérieur, ce qui permettra à des étudiants modestes de gagner quelque argent, vont aussi dans le bon sens.

Au total, c'est une meilleure articulation entre le monde de l'entreprise et l'Education nationale qui est recherchée. S'il importe que les partenaires sociaux posent les exigences de la pratique professionnelle, il importe tout autant que l'Education nationale pose celle des connaissances de base et demeure au c_ur de la démarche. A cet égard, j'adhère totalement au concept de « professionnalisation durable » que vous avez développé, Monsieur le ministre. Celui-ci est d'autant plus nécessaire que l'on a récemment vu à l'OMC certains grands groupes souhaiter imposer la reconnaissance de leurs propres diplômes aux côtés des diplômes nationaux.

L'Education nationale doit se doter d'outils d'évaluation des méthodes mais aussi des critères de la validation, aujourd'hui trop divers. J'aimerais d'ailleurs, Monsieur le ministre, que vous nous en disiez davantage à ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Durand, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Je me félicite à mon tour que nous puissions débattre à part des crédits de l'enseignement professionnel pour 2002, même s'ils sont intégrés dans ceux de l'enseignement scolaire. Ils sont particulièrement bons, comme ceux-ci du reste.

Le projet qui est le vôtre, Monsieur le ministre, de lycée des métiers va entrer dans sa phase opérationnelle. J'aimerais d'ailleurs que vous puissiez dès cet après-midi nous en dire davantage. La création de lycées des métiers de l'hôtellerie, du bâtiment, de l'automobile par exemple, permettra de mieux faire connaître ces métiers et rendra plus lisible la formation qui y conduit. C'était particulièrement nécessaire devant la désaffection croissante des familles et des élèves pour l'enseignement professionnel, encore que l'on note aujourd'hui un retournement de tendance, dont nous ne pouvons que nous féliciter. Ces lycées permettront une plus grande fluidité entre l'enseignement technologique et l'enseignement professionnel. Le brassage de publics qui auparavant s'ignoraient - élèves en formation initiale de tous niveaux, salariés en formation continue, candidats à la validation d'acquis professionnels... - sera source d'enrichissement mutuel. Le droit à une formation tout au long de la vie, que nous appelons de tous de nos v_ux, deviendra ainsi réalité.

Le second point que j'évoquerai concerne la place que vous avez, à juste titre, Monsieur le ministre, souhaité donné à l'enseignement professionnel dans l'éducation à la citoyenneté et aux responsabilités. On le cantonne en effet trop souvent aux aspects techniques de la formation. Les lycées professionnels, comme les autres établissements, disposeront désormais « d'heures de vie de classe » et pourront organiser d'enrichissantes opérations École ouverte.

Vous souhaitez, Monsieur le ministre, faire de l'enseignement professionnel un enseignement d'excellence. Ce budget le permet, d'autant que nous savons votre détermination à ce faire. Il faut que l'orientation vers les filières technologiques et professionnelles ne se fasse plus par l'échec mais résulte d'un choix délibéré des élèves et des familles - un renversement de tendance encourageant se manifeste déjà (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrice Carvalho - Le budget de l'enseignement professionnel fait pour la première fois l'objet d'un examen distinct, ce qui est assurément la marque d'une reconquête, tout à fait justifiée face aux défis à relever en matière de qualification. Il demeure malheureusement très intriqué avec celui de l'enseignement scolaire, lequel augmente, rappelons-le de 4,1 %, et l'on a des difficultés à individualiser les masses budgétaires en jeu. Ainsi il est évident que le plan de relance de l'internat public profitera au premier chef à l'enseignement professionnel, dont les élèves sont deux fois plus nombreux à être internes que ceux de l'enseignement général.

Les députés communistes militent et _uvrent depuis longtemps pour le droit à une formation tout au long de la vie. L'exercice de ce droit suppose que l'on donne aussi aux élèves des établissements professionnels des connaissances de base dans divers domaines et des éléments de culture générale transversale.

Ces bases doivent être solides pour permettre aux intéressés de s'adapter aux évolutions professionnelles tout au long de leur vie. J'approuve donc le renforcement des enseignements généraux et l'amélioration de l'encadrement, auxquels sont consacrés 18,7 millions d'euros. La fin du gel de l'emploi public au sein de l'Éducation nationale profite donc largement à l'enseignement professionnel. Ainsi, 350 emplois nouveaux permettront de parfaire la mise en place des nouvelles grilles horaires, issues de la concertation avec les partenaires sociaux.

Malgré la création de vingt postes de coordonateurs pédagogiques en revanche, certains CFA resteront démunis. La formation continue souffre encore des retards accumulés. Nous n'avons cessé de promouvoir la formation tout au long de la vie, malgré les attaques du MEDEF. La création de trente postes de conseillers à la formation continue dans les GRETA va donc dans le bon sens, même s'il faudrait aller plus loin.

Autre lien entre le monde du travail et l'Éducation nationale, la validation des acquis professionnels est inscrite dans le projet de loi de modernisation sociale que nous avons contribué à renforcer. Elle sera sanctionnée par un diplôme national. J'approuve les mesures prises pour résorber l'emploi précaire. La revalorisation de 30 % de l'indemnité versée aux enseignants chefs de travaux renforcera l'attrait de l'enseignement professionnel, ce qui peut constituer un moyen pacifique de reconquête.

Vous avez souligné la nécessité de renforcer la formation continue pour mettre fin au pillage de la main-d'_uvre qualifiée des pays du Sud.

L'abandon de certaines formations, cependant, profite aux instituts privés, de nombreux chefs d'entreprise rencontrant des difficultés de recrutement dans certains métiers. Le passage aux 35 heures va aggraver la situation. Mais d'autres formations continuent d'être dispensées en l'absence de débouchés professionnels dans la région. Il faut donc s'efforcer d'adapter la formation aux besoins.

Dans la démarche de reconquête qui est la vôtre, notre soutien vous est acquis (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Germain Gengenwin - Je me suis d'abord réjoui de parler, au nom de mon groupe, sur le budget de l'enseignement professionnel, puis je me suis aperçu que je faisais fausse route. En effet, il n'y a pas de budget de l'enseignement professionnel, tous les crédits dépendant de l'Éducation nationale ou du Budget de Mme Péry. Pourtant, ce débat ne sera pas inutile.

Pour bien préparer l'entrée dans la vie active, il faut tâcher de donner aux jeunes un bon niveau de départ. Leur capacité d'adaptation dépendra de leur culture générale et de leur compréhension du monde. J'ai vu un jour un ingénieur très compétent dans son domaine qui s'était retrouvé au chômage. On n'avait plus besoin de ses connaissances. Il n'avait pas vu le monde changer.

L'école a pour mission d'éveiller, de susciter la curiosité, l'ambition, l'envie de réussir. C'est un préalable nécessaire à la « formation tout au long de la vie », même si je n'aime guère ce slogan.

Pour ma part, je ne trouve pas scandaleux que, passant aux 35 heures, les salariés acceptent de suivre quelques heures de formation en dehors de leur temps de travail. Il en va de leur intérêt, car ce sont toujours les plus qualifiés qui conservent leur place en période de chômage.

La formation doit être un état d'esprit, si on ne veut pas être un vieux dès 40 ans.

Le principe de la validation des acquis de l'expérience contenue dans le projet de loi sur la modernisation sociale - qui n'est toujours pas votée - va faire évoluer les esprits. C'est une petite révolution car, pour la première fois, un diplôme pourra être acquis en dehors du circuit académique. Il n'est pourtant pas question d'accorder des diplômes au rabais. Le nouveau dispositif de validation intègre un nouveau mode de délivrance que l'Éducation nationale va devoir assimiler. La validation des acquis professionnels nécessite une révision complète de la composition du jury et de son mode de délibération. Il serait intéressant d'associer aux enseignants les représentants des chambres consulaires.

L'orientation scolaire vers les filières professionnelles ne doit pas relever uniquement de l'Éducation nationale. Ne croyez-vous pas qu'il serait nécessaire de faire intervenir les entreprises et les partenaires sociaux ? Je ne trouve rien là-dessus dans le document que vous nous avez fait parvenir. Pourtant, une initiative courageuse a été prise dans le cadre de la loi quinquennale avec la création du plan régional de développement des formations. Elaboré sous la coprésidence du recteur et du président du conseil régional, ce plan permet d'avoir une vision complète des besoins dans le bassin d'emploi. Que comptez-vous faire pour valoriser cet outil ?

Par ailleurs, où en est la rémunération des élèves des lycées professionnels, annoncée l'année dernière ?

Vous insistez sur les postes de professeurs que vous créez, mais il nous est impossible de savoir si le taux d'encadrement s'améliore, en l'absence de données sur les effectifs scolarisés. Avez-vous envisagé leur baisse dans les lycées professionnels ?

M. Jean-Pierre Baeumler - Oui ! Tout le monde le sait.

M. Germain Gengenwin - Vous créez un nouveau poste d'ingénieur au CEREQ, alors que cet organisme en compte déjà 85. C'est impressionnant. Cet organisme a pour mission de rechercher la reconnaissance internationale de nos diplômes, ce qui deviendra de plus en plus nécessaire à la mobilité professionnelle. L'exemple des infirmières espagnoles nous montre que d'un pays à l'autre, ce n'est pas la même qualification qu'on exige. Il faut que nos jeunes puissent faire valoir leur diplôme au-delà des frontières.

La décision prise l'année dernière de ramener de 23 à 18 heures le service des professeurs de lycées professionnels a des incidences budgétaires importantes. Tous les organismes gestionnaires de CFA sont désormais contraints de réduire l'horaire d'activité des formateurs : c'était à prévoir, comme était à prévoir l'application des 35 heures au secteur public. Mais avez-vous mesuré le coût supplémentaire que vous mettez ainsi à la charge des collectivités ? Pouvez-vous nous en donner l'estimation ? Et peut-on se permettre de réduire la durée des formations au motif qu'il faut appliquer la RTT ?

Je ne saurais conclure sans souligner la responsabilité de l'Éducation nationale en matière de formation professionnelle. Les élèves ne passent-ils pas douze années dans son giron ? Il est de son devoir de leur assurer une formation initiale de qualité, qui les conduira à une vraie carrière professionnelle. Il faut donc revaloriser les métiers, ce qui demandera plus que des slogans creux. La reconquête des métiers suppose un changement d'image dans l'esprit des jeunes mais aussi de leurs parents. Chacun doit se persuader que l'enseignement professionnel n'est pas réservé aux exclus de l'école, et qu'il permet l'épanouissement des personnalités tout en préparant aux métiers à compétences manuelles, y compris les plus compliqués. Il est de votre responsabilité d'en convaincre, Monsieur le ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Claude Goasguen - Cinq minutes ne seront pas de trop pour parler d'un budget important, dont j'aurais souhaité qu'il fût clairement identifié. La question se pose en effet de savoir si l'enseignement professionnel a gagné à son intégration dans l'Éducation nationale. Mais, au-delà, vous avez eu le courage, Monsieur le ministre, de poser le problème de fond, celui de la transition entre le primaire et le secondaire. Ce faisant, vous avez suscité les réserves appuyés de votre ministre. Pourtant, je partage votre sentiment : c'est à ce moment-là que les décisions d'orientation devraient être prises.

Actuellement, la conception ancienne selon laquelle l'enseignement général irradierait de son soleil l'enseignement professionnel continue de prévaloir. Pourtant, la France a besoin d'un enseignement professionnel de qualité, disposant de ressources suffisantes en hommes et en moyens. Vous avez obtenu des moyens quantitatifs, et je vous en rends hommage, mais sur le plan qualitatif il n'en va pas de même.

Il faudra donc, un jour ou l'autre, revenir sur le collège unique. Votre ministre de tutelle, qui n'est pas sans mérites, a décidé d'instituer des « filières de découverte ». Plutôt qu'Indiana Jones, j'aurais préféré qu'il suivit votre ligne ! On perpétue un système hypocrite qui veut que les élèves soient maintenus au collègue parce qu'il le faut, en s'appuyant sur un dispositif d'une autre époque. Se rappelle-t-on que lorsque le collège unique a été créé, il existait encore un examen d'entrée en sixième ?

Le courage, aujourd'hui, consiste à proclamer que choisir l'enseignement professionnel, ce n'est plus, loin de là, aller à la faillite comme du temps où les plus mauvais élèves étaient relégués dans les centres d'apprentissage. L'enseignement professionnel est à présent un secteur fort, indispensable à notre économie et indispensable, aussi, à l'apprentissage du civisme, vous avez eu raison de le rappeler.

Je regrette donc, à nouveau, que votre budget ne soit pas identifié. L'aurait-il été que mon groupe aurait peut-être adopté une position différente, pour ce budget-là, de celle qu'il prendra sur le budget de l'Éducation nationale dans son ensemble.

M. le Rapporteur spécial - Facile !

M. Claude Goasguen - Loin de moi l'idée de vouloir enfoncer un coin entre des membres de la gauche unie - ce qui serait du reste impossible - mais force est de constater que vos efforts méritoires, n'ont pas été récompensés. Vous nous aviez pourtant favorablement surpris en vous prononçant en faveur d'une approche qualitative, qui n'est pas celle du budget de l'Éducation nationale dans son ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Rapporteur spécial - Habile, mais facile !

Mme Martine David - Créations d'emplois sans précédent, résorption de l'emploi précaire, doublement de la prime d'équipement sont autant de signes forts de la mobilisation de l'Etat en faveur de l'enseignement professionnel, qui est devenu une priorité du budget de l'Éducation nationale.

Après la rupture, dès 1997, de la politique de gel de l'emploi public engagée en 1993, 2001 et 2002 seront les deux plus fortes années de créations d'emplois de professeurs de lycée professionnel depuis six ans. Cet effort sans précédent a été permis par des rallonges budgétaires certes, mais aussi par une revalorisation du corps qui a suscité de nombreuses candidatures au concours de recrutement.

L'enseignement professionnel délivre désormais près d'un baccalauréat sur cinq, mais le nombre de bacheliers professionnels qui accèdent à l'enseignement supérieur et qui y réussissent demeure beaucoup trop faible. A la dernière rentrée, l'enseignement professionnel a connu un fort regain d'inscriptions, ce qui témoigne de sa vitalité. On ne peut que s'en féliciter. La compétence des enseignants assure une formation solide qui favorise l'accès à l'emploi et contribue aux bons résultats de l'économie. De plus, l'enseignement professionnel participe de la diffusion du savoir, ressource essentielle du développement économique et social. Il anticipe l'évolution de la structure de l'emploi et s'adapte en conséquence. On le sait, les salariés seront amenés à changer plusieurs fois d'emploi au cours de leur vie professionnelle. Nous devrons donc transformer la validation des acquis professionnels en validation des acquis de l'expérience, afin de dispenser une formation tout au long de la vie.

L'enseignement professionnel répond aux aspirations des dizaines de milliers de jeunes qui, chaque année, aspirent à une insertion professionnelle rapide et de qualité. En leur offrant des parcours centrés sur leurs besoins, il participe du progrès social que nous avons voulu mettre au c_ur de nos travaux de la législature. De plus, l'anticipation des besoins de l'économie française en main-d'_uvre qualifiée ne s'est jamais mieux faite qu'en démocratisant l'accès aux formations. C'est ce qui a été fait. Cela dit, l'Etat doit impérativement continuer de défendre les diplômes professionnels nationaux.

Comme vous l'avez souvent rappelé, l'Etat est le seul garant de la crédibilité des diplômes, laquelle est évidemment indispensable à la valorisation de l'enseignement professionnel. Seule une formation initiale de haut niveau - qui ne peut être dispensée que par l'Éducation nationale - assure l'acquisition des bases nécessaires à la re-qualification permanente de chacun. Dans la société de demain où les salariés enchaîneront les périodes de formation initiale et continue, l'Éducation nationale ne saurait être supplantée par l'initiative privée. Votre projet de budget est conforme à ces orientations et nous l'adopterons sans réserve (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Nicole Catala - Vous avez, Monsieur le ministre, épousé la cause de l'enseignement professionnel et je m'en réjouis d'autant plus que je tiens moi-même en haute estime ce secteur particulièrement attachant. Ainsi, vous avez plaidé avec force - parfois même en termes guerriers - pour une reconquête de cette voie. Du reste, vos efforts ont été couronnés de succès puisque la fâcheuse tendance à la diminution des effectifs a été stoppée - 23 000 élèves de moins accueillis en 2000, 11 000 élèves de plus à la rentrée 2001 - en dépit de la disparition de l'orientation en fin de cinquième et de la suppression des quatrième et troisième technologiques. Je suis avec vous convaincue que l'enseignement professionnel, qui est la voie de la professionnalisation durable, offre à nombre de nos jeunes la meilleure chance de réussite.

Pour autant, vous n'avez pas échappé au travers de nombre de vos prédécesseurs qui consiste fût-ce de manière inconsciente - à tenir l'enseignement professionnel pour une filière de second rang et à tenter, en vue de la promouvoir, de la rapprocher autant que faire se peut de l'enseignement général ou de l'enseignement technologique. Je souscris donc sur ce point aux observations de M. Goasguen. Il serait en effet plus sain d'affirmer que cette voie est noble en ce qu'elle conduit à de vrais métiers et qu'elle doit être à ce titre pleinement reconnue. Cela ne doit évidemment pas conduire à décourager ceux qui le souhaitent de poursuivre leurs études, mais force est de constater que des diplômes tels que le CAP ne jouissent plus aujourd'hui de la reconnaissance qu'ils avaient acquise dans le passé. La création des bacs professionnels et l'objectif de mener 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat ont dévalorisé les diplômes moins élevés. Il y a pourtant une vie en dehors du bac ! Votre premier combat devrait être de réhabiliter le CAP. A cet égard, le décret portant règlement général du CAP - qui prévoyait une nouvelle définition des programmes des enseignements généraux et poursuivait l'adaptation des référentiels professionnels - est-il sorti ?

Votre souhait de donner à l'enseignement professionnel un nouvel essor vous a conduit à porter un diagnostic très critique sur le collège unique. Ce faisant, vous vous êtes attaqué à une vache sacrée ! Le constat de l'hétérogénéité des âges - que vous avez posé non sans courage - est du reste éclairant : plus de 47 000 jeunes ont plus de 14 ans en cinquième ! N'est-ce pas, pour reprendre vos propres termes, le modèle proposé qui est en échec ? Cependant, votre proposition de les orienter vers des classes de quatrième technologique en lycée professionnel n'est pas suffisante. Je ne suis pas sure en effet qu'un tel remède soit à la hauteur de la situation ! Parallèlement, vous avez dénoncé à juste raison l' « acharnement académique » qui conduit de nombreux enseignants à maintenir à tout prix dans des filières générales des élèves qui s'y trouvent en situation d'échec. Il vous appartient de combattre cet état d'esprit et je regrette que vous ne l'ayez pas fait plus énergiquement. De même, vous restez trop discret sur les perspectives ouvertes par la formation en alternance. Je déplore du reste que contrairement aux Allemands, nous demeurions incapables d'assurer de manière satisfaisante le passage entre la scolarité et la vie active. J'avais proposé il y a quinze ans que les lycées professionnels suivent les jeunes qui quittent le système éducatif afin que ceux-ci ne se sentent pas délaissés ; je déplore que cette logique ait été abandonnée. Pour autant, - et même si la mesure reste expérimentale - je salue votre initiative de proposer à tous les jeunes ayant atteint l'âge de quinze ans un entretien « plan de carrière », quel que soit le niveau scolaire auquel ils sont parvenus. En effet, l'information des élèves et de leurs familles sur les différentes filières offertes par l'Éducation nationale reste des plus insuffisantes.

Même s'il comporte un peu moins de créations d'emplois que l'année dernière, le budget de votre département ministériel pour 2002 ne vous est pas défavorable. La diminution de 23 heures à 18 heures des obligations des enseignants des disciplines technologiques est évidemment appréciée, de même que la création de 350 emplois pour développer les projets pluridisciplinaires à caractère professionnel. Cependant, le volume des heures supplémentaires reste élevé et beaucoup y voient un élément de précarité de l'emploi, d'autant que le recours aux contractuels croît.

Beaucoup de flou entoure d'autre part votre principale innovation qui consiste à créer des lycées des métiers. Il est judicieux de mettre à la disposition des élèves des plates-formes techniques communes, mais votre proposition d'accueillir à la fois des élèves en formation initiale et des adultes en cycle de validation me laisse un peu songeuse : la coexistence n'ira pas de soi. De même, je ne puis vous suivre lorsque vous déclarez que cette solution permettrait de rapprocher l'enseignement professionnel et l'enseignement technique. Comme je le disais à l'instant, il faut se garder de toute déclaration tendant à accréditer l'idée selon laquelle l'enseignement professionnel ne serait pas une fin en soi. Il est trop tôt pour porter un jugement autorisé sur une innovation qui n'a pas encore pris corps. Gardons-nous cependant, en labellisant seulement certains établissements professionnels de dévaloriser les autres !

Appelée à se développer, la validation des acquis professionnels peut être un remarquable outil de promotion sociale. Il serait cependant très dangereux qu'elle conduise à dévaluer les diplômes. Vous avez refusé, Monsieur le ministre, que des organismes privés puissent y procéder et, de même, le Gouvernement a exclu que l'on puisse demander aux candidats de subir une épreuve spécifique de validation. C'est une erreur : si l'on veut éviter que le niveau des diplômes soit affecté, il est naturel de demander un effort particulier - sous la forme d'une épreuve spécifique ou de la remise d'un travail dédié - à ceux qui aspirent à la validation de leur acquis professionnel. Il vous revient, Monsieur le ministre, de tirer la sonnette d'alarme afin de garantir, pour les adultes comme pour les jeunes, cette « professionnalisation durable » qui vous est si chère !

En dépit de vos efforts et de certaines dispositions bienvenues, les moyens mis en place restent insuffisants. C'est pourquoi notre groupe ne pourra adopter votre projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Baeumler - La rentrée 2001 a marqué le renouveau de l'enseignement professionnel. Après des années de régression démographique, la tendance s'est pour la première fois inversée. Le lycée professionnel a accueilli cette année 12 000 nouveaux élèves alors qu'à la rentrée 2000, il en perdait quelque 30 000 élèves.

Ce lycée est désormais perçu comme une voie de réussite et d'excellence, au même titre que la voie générale. Les parents d'élèves et les élèves eux-mêmes ont compris que l'école des métiers était un choix d'avenir et une garantie contre le chômage. Ce succès, nous le devons aussi à votre volontarisme ainsi qu'à celui de tous les acteurs de la communauté éducative. Il correspond à la priorité que donne ce gouvernement au développement économique et social.

Cet attrait retrouvé de la voie professionnelle doit néanmoins être conforté. C'est pourquoi, Monsieur le ministre, je partage votre mot d'ordre de placer le budget 2002 de l'enseignement professionnel sous le signe de la reconquête et de la mobilisation. Il progresse donc fortement, à l'instar du budget total de l'Éducation nationale. La progression du budget de l'enseignement scolaire est plus de deux fois supérieure à celle du budget général de l'Etat.

Le présent budget permet en particulier d'améliorer la condition des personnels et d'augmenter les crédits pédagogiques. Les moyens affectés à la validation des acquis de l'expérience progressent de 35 %. Par ailleurs, l'enseignement professionnel va bénéficier du plan de développement des arts et de la culture, de la généralisation de l'éducation civique, d'un dispositif d'animation de la vie en classe, de la relance de l'internat scolaire, de dispositions antiviolence.

Je voudrais insister sur le défi que représente le recrutement des enseignants. Il y a lieu en effet de compenser les prochains départs massifs en retraite et d'éviter l'embauche de contractuels à statut précaire. Près de 40 % des enseignants partiront à la retraite d'ici à 2006. C'est dire l'ampleur du recrutement à effectuer dans les prochaines années. La campagne sur le thème « Professeur. Et si l'avenir, c'était vous ? » illustre la volonté du Gouvernement d'anticiper les problèmes. Elle est aussi une réponse aux difficultés déjà perceptibles dans certaines disciplines. L'enseignement technologique a vu ainsi le nombre de candidats baisser de 8,5 % alors que le nombre des postes mis au concours augmentait. Certaines académies comme celles de Créteil ou de Versailles connaissent des baisses encore plus significatives. De plus, l'enseignement professionnel est directement concurrencé par les entreprises privées.

Vous avez aussi compris qu'il fallait mettre en place des incitations financières en direction des futurs professeurs. Conforter les vocations nécessite des moyens. Vous avez ainsi décidé de créer un cycle préparatoire permettant à 200 élèves-professeurs d'être rémunérés. Cette stratégie expérimentale de prérecrutement est particulièrement destinée aux professionnels qui souhaitent quitter leur métier pour devenir enseignants. Mais leur est-elle réservée ? Sera-t-elle à terme généralisée ? De manière plus générale, quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter une crise des vocations ?

Autre thème qui m'est cher : le lycée des métiers. Il vient d'entrer dans sa phase opérationnelle. L'objectif est de labelliser avant la fin de l'année, dans chaque académie, les premières structures inventoriées. Le projet est ambitieux : rendre visibles ces métiers, mélanger les publics, promouvoir les innovations pédagogiques, professionnaliser les jeunes de manière durable, développer la formation continue et la validation des acquis de l'expérience... Comment cohabiteront-ils ces nouveaux lycées des métiers avec les lycées professionnels classiques ? N'y a-t-il pas un risque de voir au sein de l'enseignement professionnel des écoles qui seraient plus « des métiers » que d'autres ? Et comment alors corriger ces inégalités ?

Ces remarques ne remettent pas en cause l'appréciation positive que nous portons, Monsieur le ministre, tant sur ce budget que sur votre action (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel - Je salue l'initiative qu'a prise l'Assemblée en organisant ce débat. J'y vois le signe de l'influence de tous ceux qui se passionnent pour le dossier depuis de nombreuses années, j'y vois aussi le signe d'une prise de conscience croissante de l'importance du sujet.

Il existe désormais, après les secrétariats d'Etat à l'enseignement technique qui se sont succédés, un ministère de l'enseignement professionnel. Et son humble titulaire du moment s'est vu reconnaître une autorité nouvelle par un décret d'attribution étendant ses compétences à l'ensemble du monde éducatif.

Il faut dire que l'enseignement professionnel accueille la moitié de chaque classe d'âge dans l'enseignement secondaire. On est donc loin de l'image d'un enseignement par relégation.

Vous observerez aussi que c'est à l'enseignement professionnel et à la voie technologique que l'on doit l'essentiel de la progression du nombre de bacheliers. Et pour la dernière session, la quasi-totalité.

On pourrait aussi faire valoir que le modèle français que nous avons bâti ensemble au fil des années a fait la démonstration de sa supériorité sur d'autres modèles, parfois pourtant considérés comme plus à la mode. La France exporte son modèle, que ce soit celui du second degré ou du supérieur. Des accords ont par exemple été passés avec le Mexique et le Venezuela.

N'en déplaise à ceux qui réinventent en permanence l'eau chaude et le fil à couper le beurre, les référentiels sur lesquels est construit notre diplôme n'ont jamais été élaborés dans le grand musée des qualifications mais bien de façon vivante, avec l'aide des commissions professionnelles consultatives, experts pédagogiques et représentants des branches professionnelles. La France donne à la jeune génération qui entre dans la voie de l'enseignement professionnel le meilleur des techniques. Et les résultats sont là. Comment notre pays, si dépourvu de ressources naturelles et qui compte seulement 60 millions d'habitants, a-t-il pu devenir la quatrième puissance économique et le deuxième exportateur du monde sinon parce qu'il s'est donné les moyens d'avoir la main-d'_uvre la mieux formée du monde ?

Les métiers de notre temps sont devenus des sciences pratiques et les pré-requis pour les exercer sont de niveau toujours plus haut. Certains ont cru que le secteur tertiaire pourrait accueillir l'emploi non qualifié, dont l'industrie ne voulait plus. Mais non, l'exigence de qualification est partout très forte et si nous voulons garder notre rang, il faut en tirer les conclusions du point de vue de l'enseignement professionnel.

La professionnalisation ne correspond plus à une réduction des champs intellectuels, moraux et culturels. Au contraire, elle fait appel à des savoirs de plus en plus profonds, étendus et transversaux. Et l'on aurait tort de voir dans le lycée professionnel le lieu où l'on va former des ouvriers, car le niveau du bac professionnel correspond à une responsabilité élevée dans la production.

Nous aurons sans doute dans les prochaines années à mener la réforme de l'unification de l'enseignement professionnel, actuellement placé sous plusieurs tutelles. Je ne parle pas de fusion mais de mise en cohérence sous une tutelle unique favorisant la synergie entre des établissements et des modes pédagogiques spécifiques, qui ont leur légitimité, mais qui ne justifient pas d'aussi infranchissables frontières et d'aussi teigneux gardes frontières !

Mme Aubert remplace M. Gaillard au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Marie-Hélène AUBERT

vice-présidente

M. le Ministre délégué - Vous avez eu raison de rappeler que la pierre d'angle, dans cette affaire, c'est la garantie du caractère universel des certifications. S'il est vrai que certaines organisations patronales tiennent là-dessus un discours d'intérêt surtout idéologique, nombre de branches professionnelles pensent, comme moi, que c'est à l'Etat de garantir cette certification, dans l'intérêt des entreprises comme dans celui des jeunes. Il n'y a pas de polémique sérieuse sur ce sujet : du reste, il suffit de regarder où en sont les pays qui ont préféré la certification des compétences à celle des qualifications pour continuer à préférer le modèle français.

Le second problème, et il me pousse à tirer le signal d'alarme, est d'ordre démographique. Après une période de forte création d'emplois, une conjoncture moins favorable semble réinstaller les esprits dans l'idée que le régime normal, c'est la pénurie d'emplois et qu'il faudrait en revenir à une vision du travail limitée à une logique d'insertion, ce qui n'a guère de sens par rapport aux défis qui nous attendent. Dans les huit prochaines années, huit millions d'actifs, dont la moitié des cadres de l'industrie, vont partir à la retraite. Dans les dix prochaines années, même en prenant des hypothèses de croissance modestes, ce sont près de 11 millions de postes de travail qui seront à pourvoir, et dans des métiers qui auront changé. Nous devons donc, coûte que coûte, nous mobiliser pour le retour à l'emploi, en balayant les fausses idées. Le modèle de la professionnalisation durable n'est pas un slogan, c'est une réalité : il faut, grâce à une formation initiale de bon niveau, permettre aux travailleurs de se requalifier tout au long de leur vie. Si à ce modèle, vous préférez celui de la certification des compétences, le coût en sera terrible pour la société car il faudra alors recommencer continuellement la formation des travailleurs pour les amener aux niveaux d'excellence qui seront requis à l'avenir.

A cet égard, l'objectif d'amener 80 % de chaque classe d'âge au bac et 100 % à la qualification est un bel horizon, étant précisé que le bac professionnel devrait être prépondérant. Le bac est le niveau de qualification le plus demandé actuellement, ce qui a pu faire croire un moment que le CAP allait disparaître. Non, le CAP reste le premier diplôme de qualification professionnelle et nous avons procédé à une refonte du parcours du CAP pour lui maintenir cette place (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le problème, c'est qu'il y a parmi les chômeurs 1,2 million de personnes qui n'ont aucune qualification professionnelle et qui sont donc difficiles à employer.

M. Germain Gengenwin - Cela doit vous interroger !

M. le Ministre délégué - Je vous répondrai. Ou bien nous optons pour cette professionnalisation durable, ou bien il faudra recourir à l'immigration sélective pour pallier nos carences en formation professionnelle. Il faut appeler les choses par leur nom : l'immigration sélective, c'est une erreur profonde. Quand on en est conduit à recruter des infirmières espagnoles, certainement très compétentes, il ne reste plus qu'à trouver des malades qui parlent espagnol !

L'immigration sélective, même si le terme plaît beaucoup dans les arènes européennes et internationales, ce n'est rien d'autre que le pillage du tiers-monde. Les nations avancées confisquent aux pays qui ont sué sang et eau pour former des personnels qualifiés le bénéfice de ces efforts. Sans parler de la sottise consistant à raisonner uniquement en termes de postes de travail, en oubliant que la personne recrutée aura aussi envie d'un logement, d'une vie de famille, d'écoles pour ses enfants, etc.

Je ne m'attarderai pas sur les mesures budgétaires. Vous l'avez dit, ce budget est confortable. Il permet 350 créations nettes de postes de professeurs : je trouve que c'est suffisant. L'enseignement professionnel a aujourd'hui le meilleur taux d'encadrement de toute l'Éducation nationale. Plusieurs années de baisse des entrées ont réduit les effectifs d'élèves, même si maintenant la tendance s'inverse.

Mon attention se concentre sur la titularisation des personnels précaires, qu'il est d'autant plus important de stabiliser que l'Éducation nationale est en concurrence avec le privé à cet égard.

Ceci dit, il faudra toujours recourir à des contractuels, car certaines spécialités sont trop pointues pour permettre des embauches à temps plein. C'est pourquoi je souhaite développer le statut de professeur associé. 2 500 titularisations l'an dernier, 900 cette année, la résorption des emplois précaires se fait.

Vous avez évoqué les cycles préparatoires. Il est bon qu'ils soient ouverts aux professionnels, car on ne peut pas compter que sur les professeurs associés et sur les étudiants passés par les IUFM. Ces professionnels, nous les rémunérons de façon modeste, mais correcte - 7 500 F - et leur activité débouche soit sur la réussite au concours de professeurs, soit sur une qualification professionnelle reconnue. C'est un contrat loyal. Cette année, 2 300 personnes en bénéficient. Si le dispositif fonctionne bien, on le pérennisera, sinon on le modifiera. Vous avez été nombreux à parler des lycées des métiers. Certains ont dit qu'ils ne nous avaient pas attendu pour les créer. Tant mieux ! Ma méthode, c'est la généralisation des bonnes pratiques. Je ne suis pas le professeur Geo Trouvetout de l'enseignement professionnel !

Pendant des années, des ministres de l'éducation successifs ont appelé à la création des lycées polyvalents. Où en est-on aujourd'hui ? 85 % des lycées polyvalents regroupent la voie technologique et la voie professionnelle, et c'est là que les synergies sont les plus grandes et que les jeunes peuvent le plus facilement changer d'orientation, notamment, venant d'une filière professionnelle, suivre une filière technologique en vue d'entrer dans l'enseignement supérieur. Je préfère que l'on prépare à entrer en DUT dans une classe de terminale technologique plutôt que dans une énième classe préparatoire. Les 15 % de lycées polyvalents restants sont des lycées d'enseignement général accueillant soit une filière technologique, soit une filière professionnelle. Nous savons tous comment y sont la plupart du temps considérées celles-ci pour n'avoir pas envie de généraliser ce triste modèle.

Les lycées des métiers permettront aussi aux candidats à une validation de leurs acquis professionnels de mieux se repérer. Y seront regroupées les formations continues, appelées à prendre une place croissante ; les formations post-baccalauréat -BTS mais aussi licences professionnelles car c'est assurément la meilleure façon de montrer que la voie des métiers est bien une voie de formation de l'élite de la patrie ; les centres d'apprentissage parce que l'apprentissage en effet est bien l'affaire aussi de l'Education nationale et que le principal reproche à adresser à la filière générale est précisément son uniformité, son modèle pédagogique unique, - nous continuons aujourd'hui de payer le prix du triomphe d'Erasme et de la pédagogie hypothético-déductive sur Rabelais. Il faut davantage de souplesse dans le parcours des élèves et n'oublions jamais que le service public est là pour faciliter la progression de chaque élève. Aucun lycée n'est aujourd'hui ce lycée des métiers mais tous peuvent le devenir. A l'Etat et aux régions de se mobiliser pour ce faire ! C'est alors que l'on en viendra à l'élaboration des fameuses cartes dont nous avons parlé tout à l'heure, et qui ont encore aujourd'hui un caractère très approximatif.

Vous le voyez, ma méthode est simple, pédagogique, de bon sens, s'efforçant de tirer toutes les conséquences pratiques de ma conviction. Non, l'école n'est pas à elle-même sa propre fin. Elle appartient à la nation, c'est d'elle qu'elle reçoit ses consignes, c'est à elle qu'elle doit des comptes. Son rôle est d'obéir et de servir. Je m'emploie à ce qu'il en soit bien ainsi (Applaudissements bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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QUESTIONS

M. Patrice Carvalho - Je tiens tout d'abord à dire ma satisfaction à l'écoute de votre discours, Monsieur le ministre...

M. Germain Gengenwin - Économisez l'encens !

M. Patrice Carvalho - Je suis ici l'un des rares députés à n'être pas passé par l'ENA, Normale Sup ou l'X... Je ne possède qu'un CAP de mécanicien et j'ai troqué mon bleu de travail contre un costume ici à l'Assemblée, Mme Catala qui était ma voisine de banc lors de cette séance s'en souvient encore. Force est de constater qu'un jeune titulaire d'un CAP a aujourd'hui un niveau de formation bien inférieur à ce qu'il était il y dix ou quinze ans, ce sont les artisans eux-mêmes qui nous le disent. Il faudra rattraper les retards pris. Votre proposition d'amener les professionnels des usines vers l'enseignement peut y contribuer car c'est le meilleur moyen pour l'école d'être en prise directe avec la réalité économique.

Ma question concerne les personnels des GRETA, établissements qui assurent une mission de formation continue et relèvent de l'Education nationale. Pourtant, leurs personnels subissent la précarité. Embauchés sous CDD, parfois reconduits de nombreuses fois, ils peuvent être remerciés après de longues années de service ou passer à temps partiel, sans l'avoir souhaité. En cas de chômage, ils ne relèvent pas des ASSEDIC mais d'un fonds académique de compensation. S'ils sont contraints de retourner à l'ANPE après avoir exercé un emploi dans le privé, ils ne bénéficient d'aucun droit. Ils ne perçoivent aucune prime de précarité et doivent cotiser personnellement à une mutuelle pour leur protection sociale complémentaire.

Alors que je l'avais interrogé sur le sort indigne réservé à ces personnels, le ministre de l'éducation m'a répondu que dans le cadre de la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, les enseignants des GRETA peuvent se présenter aux concours de recrutement et examens professionnels de l'enseignement du second degré. Cette réponse n'est pas satisfaisante : ces professeurs ont fait le choix de la formation continue et ne sauraient pas nécessairement enseigner en collège ou en lycée. Il serait grand temps que leur travail soit reconnu et qu'ils disposent d'un contrat de travail comme leurs collègues de l'Education nationale. Comptez-vous aller en ce sens ?

M. le Ministre délégué - Je vous mets en garde, Monsieur le député : chaque génération a tendance à considérer que les générations précédentes étaient meilleures. C'est l'antienne bien connue selon laquelle « le niveau baisse ». Or, il faut y regarder de près car cela n'est confirmé ni par ce que l'on observe dans la vie de tous les jours ni lors de la journée d'appel de préparation à la défense. Les CAP d'aujourd'hui sont d'aussi bon niveau que ceux d'hier et d'ailleurs, Monsieur le député, s'ils ne l'étaient pas, par exemple dans le domaine de la mécanique automobile, vous ne pourriez pas rouler dans votre voiture ! Au-delà, notre pays ne réaliserait pas les performances qu'il réalise. Mais j'en suis d'accord avec vous, il faut renforcer le lien entre l'école et le monde économique, notamment créer un lien direct.

Pour ce qui est des GRETA, ces établissements rémunèrent leurs personnels sur leurs recettes. Ils emploient des contractuels qui réalisent un excellent travail. Ils découvrent même de nouvelles qualifications exigées par le monde économique que nul ne soupçonnait. Ainsi sont-ce eux qui nous ont permis d'établir le référentiel du métier de cordier - les cordiers sont ces personnes qui nettoient les vitres des immeubles modernes de grande hauteur.

L'Etat a fait une offre loyale à ces personnels en leur proposant de passer soit un concours interne, soit un concours réservé, soit un examen professionnel pour être titularisés dans l'Education nationale. Cela ne signifie nullement qu'ils seront ensuite obligés d'enseigner en formation initiale. D'ailleurs 80 % de ceux qui ont été ainsi titularisés enseignent toujours en formation continue. 301 ont été nommés professeurs stagiaires certifiés dont 257 en formation continue et 44 en formation initiale ; 253 professeurs stagiaires des lycées professionnels dont 190 en formation continue et 63 en formation initiale.

Nous ne signerons pas de contrat de travail à ces personnels, car on se situe dans le cadre du statut des fonctionnaires. Ce ne serait vraiment pas une bonne idée. Cela créerait un précédent fâcheux dont je doute que le reste des personnels de l'Education nationale l'apprécierait.

M. Michel Bouvard - Les sections d'enseignement professionnel adapté ont été créés en 1965 pour scolariser les enfants souffrant d'une déficience intellectuelle légère. Cet objectif a été dépassé, puisque les SEGPA accueillent actuellement 13 000 élèves en difficulté. Les enfants d'ouvriers et de chômeurs représentent 68 % des effectifs, contre 29 % dans les collèges.

Une des particularités des SEGPA réside en ce que les enseignants proviennent du premier degré : ce sont des instituteurs, qui ont reçu une formation particulière pour répondre aux attentes de ces élèves qui ont tout particulièrement besoin d'encadrement ; ces enseignants ont le sentiment d'être victimes d'une discrimination, puisqu'ils enseignent 23 heures par semaine alors que les horaires des professeurs du secondaire sont passés à 18 heures. Ce surcroît de travail réduit leur disponibilité auprès des élèves, d'autant qu'ils doivent participer aux mêmes réunions pédagogiques que leurs collègues.

Depuis un an, ils protestent contre cette discrimination. Le nombre des candidats diminue, si bien que les rectorats doivent recruter des enseignants non spécialisés. C'est l'avenir des SEGPA qui est en danger. Alors que la lutte contre l'échec scolaire figure parmi vos priorités, ces enseignants ne comprendraient pas que rien ne soit fait en leur faveur. Que comptez-vous faire ? Et comptez-vous augmenter le nombre des formations pour pourvoir les postes ?

M. le Ministre délégué - Créés pour accueillir une certaine catégorie de jeunes en difficulté, le dispositif des SEGPA s'est étendu de manière un peu déraisonnable, devenant de plus en plus difficile à maîtriser au plan pédagogique.

Ce n'est pas pour humilier les enseignants du premier degré des SEGPA que nous avons réduit le service hebdomadaire des professeurs du second degré. J'ajoute que, dans le premier degré, on fait 26 heures par semaine, alors que les enseignants des SEGPA n'en font que 23, plus deux heures payées. Je ne dis pas pour autant qu'il ne faut pas unifier les horaires. Nous y travaillons, mais les négociateurs eux-mêmes admettent qu'on ne peut régler un problème budgétaire aussi lourd en claquant des doigts. La question a aussi des implications statutaires, car les organisations syndicales réclament que les enseignants soient rémunérés en fonction de leur corps d'appartenance et non de l'établissement où ils enseignent. Nous nous efforçons de résoudre ce problème.

M. Pierre Carassus - Monsieur le ministre, après avoir longtemps perdu des effectifs, nos établissements professionnels publics subissent depuis 1993 une baisse de la taxe d'apprentissage collectée. En Seine-et-Marne, les CFA disposent de 8 514 F par élève, contre 830 F dans les collèges et 577 F dans les lycées professionnels. Les CFA doivent certes rémunérer leurs enseignants, ce qui absorbe 61 % de la somme collectée, mais il leur reste encore 3 320 F par élève, ce qui est sans commune mesure avec les recettes des établissements publics.

Il faudrait donc réformer la collecte de la taxe d'apprentissage. Ne pourrait-elle pas être versée directement au Trésor public, puis répartie entre les établissements par des commissions présidées par un inspecteur pédagogique de l'Éducation nationale ?

M. Germain Gengenwin - Ce serait une belle révolution !

M. le Ministre délégué - Il est un fait que des disparités existent. Elles tiennent au mécanisme de perception de la taxe d'apprentissage. Certains organismes collecteurs sont ainsi en charge de CFA et ils les privilégient. En outre, certains établissements affectent un enseignant aux relations avec les entreprises, si bien que la collecte ne se passe pas trop mal.

Pour rendre les disparités moins insupportables, un mécanisme de lissage a été prévu dans la loi de modernisation sociale. Quant à la formule que vous proposez, elle peut faire l'objet d'une proposition de loi. Mieux vaudrait, en effet, qu'elle vienne de la représentation nationale. Si le Gouvernement défendait une pareille mesure, dans l'état actuel des relations entre les branches et l'enseignement professionnel, je n'aurais sans doute plus aucun partenaire !

M. Pierre Carassus - Merci pour les encouragements !

Les crédits du titre III de l'état B, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits du titre IV de l'état B, les crédits du titre V de l'état C et les crédits du titre VI de l'état C.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 h 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            Jacques BOUFFIER


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