Session ordinaire de 2001-2002 - 29ème jour de séance, 69ème séance 1ère SÉANCE DU LUNDI 19 NOVEMBRE 2001 PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER vice-président Sommaire LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite) 2 CULTURE (nouvelle procédure) 2 ÉCONOMIE ET FINANCES (nouvelle procédure) 13
La séance est ouverte à dix heures.
LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002.
CULTURE (nouvelle procédure) M. le Président - Nous abordons la discussion de crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la culture. Cette discussion se déroulera suivant la nouvelle procédure budgétaire définie par la Conférence des présidents. En conséquence, les travaux de la commission élargie et les réponses du Gouvernement aux questions écrites des groupes seront annexés au compte rendu de la présente séance. M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial de la commission des finances - En juin 1997, le Premier ministre avait annoncé que le budget de la culture atteindrait 1 % des crédits de l'Etat avant la fin de la législature. Promesse tenue ! L'année 2002 marquera, en effet, la cinquième étape de la reconstitution d'un vrai budget de la culture, après les coupes claires effectuées sous la précédente législature. Les crédits de paiement avoisineront 0,98 % du budget de l'Etat en l'état actuel, soit 1 % à structure constante. Depuis le début de la législature, l'évolution du budget de la culture a été plus favorable que celle du budget d'ensemble de l'Etat, ce qui confirme la priorité donnée à ce secteur par le Gouvernement. Cette année encore, ma tâche de rapporteur spécial est donc facile. Après une progression de 2,37 %, en 2000 et de 3,98 % en 2001, le budget du ministère de la culture atteindra 2,602 milliards d'euros en 2002, soit une nouvelle augmentation de 2,08 %. Les mesures de nomenclature limitées mettent en évidence les efforts consentis en faveur de deux nouveaux établissements publics : l'Institut national d'histoire de l'art et l'Institut national de recherche et d'archéologie préventive. Elles faciliteront, en outre, sur les titres V et VI, la gestion des opérations déconcentrées relatives au patrimoine monumental. Le budget de la culture reste marqué par l'importance des subventions aux établissements publics et des dépenses d'intervention. Un effort particulier sera, de nouveau, entrepris en faveur du spectacle vivant et des enseignements artistiques. Pour autant, le patrimoine muséographique et monumental n'est pas délaissé. De grandes opérations seront menées, concernant notamment le Grand Palais, le Musée des arts premiers à Paris ou encore le nouveau Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille. Ceux qui déplorent la baisse des crédits consacrés aux archives sont mal avisés. Ils oublient d'une part qu'un effort très substantiel a été consenti en faveur de ce secteur l'an passé, d'autre part que l'ouverture d'un nouveau centre d'archives nationales ne nécessitera, pour 2002, que des crédits d'études. Outre la progression globale des crédits, on peut se réjouir de la création de 346 postes budgétaires nets en 2002, et de 47 emplois non budgétaires dans les établissements publics sous tutelle. S'y ajouteront 1 367 emplois non budgétaires créés par redéploiement, dont 1 351 au profit du nouvel Institut national de recherche et d'archéologie préventive. Une partie importante de ces emplois est due au processus de résorption de l'emploi précaire engagé en début de législature. Là encore, les promesses sont tenues. C'est pourquoi je vous invite à adopter les crédits de la culture pour 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Bruno Bourg-Broc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Réexaminer les crédits de la culture six jours après la commission élargie conduit inéluctablement à se répéter. En effet, même si les ministres nous ont donné alors nombre de précisions, leurs explications n'étaient pas toujours convaincantes, en particulier concernant les créations de postes dans les DRAC, la diminution des crédits destinés aux arts plastiques ou celle des acquisitions muséographiques, au moment où nous allons pourtant adopter un texte sur les Musées. Cela ne m'empêche pas de vous remercier, Madame la ministre, pour la célérité avec laquelle vos services ont répondu au questionnaire budgétaire. Mais votre budget, s'il n'est pas tout noir, me donne assez de motifs d'insatisfaction pour que j'en demande le rejet. Et je ne suis pas le seul : en témoigne un document que j'ai trouvé sur le pare-brise de ma voiture jeudi dernier. On y lit notamment : « Le personnel du ministère de la culture lutte pour une véritable réduction du temps de travail et d'indispensables créations d'emplois... Madame Tasca, votre surdité à nos revendications n'entamera pas notre détermination... Venez enfin à la table des négociations avec des propositions réalistes... Dans le cas contraire, vous ne connaîtrez aucune trêve ». Toute votre politique se résume au 1 % culturel. Or il ne s'agit plus aujourd'hui d'un objectif, pour la simple raison que votre budget ne regroupe pas l'ensemble des crédits consacrés à la culture : d'autres ministères interviennent. Vous vous focalisez donc sur un pourcentage vide de sens au lieu de chercher à résorber les inégalités culturelles. En 1997, sept Français sur dix n'ont assisté à aucun concert. Un sur deux n'a jamais été au théâtre. 27 % des Français lisent moins d'un livre par an et 21 % seulement sont inscrits dans des bibliothèques. 36 % seulement des Français, contre 55 % en 1973, lisent le journal tous les jours. Il faut faire entrer la culture dans le mouvement de décentralisation et faire jouer aux régions un rôle majeur, pour abolir deux siècles d'un centralisme culturel sans autre exemple en Europe. M. Marcel Rogemont - Et qu'on nous envie ! M. le Rapporteur pour avis - Le budget est déséquilibré. Il fait la part trop belle aux crédits d'intervention, en privilégiant le spectacle vivant au détriment des archives, des Musées, des arts plastiques et des monuments historiques. Il confirme que le poids sans cesse croissant des établissements publics de l'Etat altère la capacité d'adaptation et d'innovation de la politique culturelle et empêche le rééquilibrage entre Paris et la province. Enfin, il ne donne pas au ministère les moyens d'appliquer la RTT de façon satisfaisante. Même si toutes les revendications du personnel ne sont pas légitimes, elles soulèvent un problème de fond sur ses missions. Ce budget par ailleurs n'est pas sincère. La nomenclature de plus en plus globalisée et la confusion des crédits d'intervention en deux grandes enveloppes ne permettent plus de connaître la répartition des moyens. Pour savoir à quoi vont servir les millions d'euros qu'il aura votés, le Parlement doit s'en remettre aux informations que le ministère veut bien lui donner, et qui ne sont pas d'une grande précision, hormis pour ce qui concerne les secteurs prioritaires. Cela n'est pas acceptable. Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de la culture pour 2002. M. André Aschieri - Au vu de ces crédits, nous n'aurions qu'à nous féliciter de l'_uvre accomplie pendant cette législature. Les moyens mis au service du développement de la culture n'ont jamais été aussi importants. Mais les moyens ne sont rien sans la volonté de définir une politique pour la culture. Nul ne doute de votre engagement personnel, Madame la ministre : il est déterminé, comme j'ai pu le constater dans ma circonscription. Cependant, le chemin est encore long pour garantir l'accès de tous les publics à la culture. Pour moi, il devrait figurer parmi les priorités des politiques publiques, à chaque niveau de collectivité territoriale. La profonde crise morale qui perdure, nourrie par les incertitudes économiques, et par le peur, depuis le 11 septembre, est à l'origine d'un sentiment d'insécurité globale chez nos concitoyens. Le malaise de la civilisation provoque une crise culturelle. L'accès à la culture est un moyen fondamental pour surmonter cette crise, permettre à chaque citoyen de construire ses repères et redonner sens à son existence. Le XXe siècle a vu se multiplier les techniques : les industries culturelles se sont développées de manière stupéfiante. La culture s'est organisée en spectacles, dont les maîtres d'_uvre ne sont plus les artistes, mais les gestionnaires de biens culturels, les organisateurs de manifestations, les commissaires d'exposition, les critiques d'art, etc... Cela ne suffira pas pour affronter la situation confuse que nous vivons. Comprendre le monde, c'est d'abord le percevoir, être capable de le regarder, l'écouter, le sentir. Il faut donner la parole aux créateurs, seuls capables d'offrir une alternative à l'envahissement de la téléprésence. Paul Virilio écrivait : « Là où la téléprésence a succédé à la présence physique, le silence s'étend ». Il faut rétablir le contact entre l'_uvre et le public, dans des espaces instaurant une vraie relation, à l'opposé de la relation privée virtuelle que propose la télévision ou Internet. La culture devenue marchandise menace de s'uniformiser et d'uniformiser les consciences. L'acte créateur conserve sa capacité d'exposer la singularité humaine. L'artiste est un acteur social. Philosophe, romancier, penseur, il fait partager plaisir et inquiétude, dénonciation et dérision. L'artiste est un être libre, peut-être le dernier, disponible au dialogue et capable de proposition. Ainsi, il est nécessaire d'en appeler aux artistes. Cela ne serait pas une nouveauté. André Malraux a confié, quinze ans durant, la villa Médicis à Balthus ; de nombreux auteurs ou comédiens sont impliqués dans la gestion des théâtres. Il faut saluer la présence de Piétragalla à Marseille, d'Olivier Py à Orléans. Oui, les artistes bousculent les idées reçues, c'est leur fonction, ils fabriquent de l'utopie, de l'imaginaire, cet imaginaire « qui tend à devenir le réel » disait André Breton. N'est-ce pas la tâche la plus urgente. Notre pays pratique une politique culturelle large et diversifiée. L'Etat a amplifié le soutien public aux arts, donc à la liberté de création. A cette création, asociale par nature, il faut proposer de se situer face à des responsabilités et des perspectives historiques et sociales. Les artistes sauront relever ce défi. En 1997 j'avais proposé d'associer un artiste à chaque école. Des initiatives ont vu le jour, trop timides encore. Cette ambition reste d'actualité, mais il faut aller plus loin. Associés aux politiques culturelles, les créateurs sauront être à l'écoute des fractures de civilisation et nous permettre de nous interroger sur la place de l'humain dans la société. On pourra dire que cela est dérisoire au regard des tragédies qui submergent la planète, un grain de sable dans le désert. Mais ce pourrait bien être le dernier espoir de gripper les mécanismes qui s'apprêtent à nous broyer, nous atomiser. Madame la ministre, chers collègues, il vous est proposé de réfléchir aux moyens de replacer la création, les artistes, au c_ur de l'action culturelle publique. Osons leur confier la réalisation des projets qu'ils auront imaginés, osons leur confier la gestion des festivals, des rencontres, des Musées, des théâtres, osons l'art. En multipliant la rencontre des publics et des artistes, il s'agit moins d'insuffler un nouvel état d'esprit à notre politique culturelle que de prodiguer une thérapie à notre démocratie. Vous l'avez compris, Madame le ministre, les Verts voteront votre budget. M. Michel Herbillon - L'examen de ces crédits est l'occasion de dresser le bilan de la politique culturelle du Gouvernement depuis quatre ans et demi. Vous tirez argument, Madame la ministre, de l'augmentation - modérée - des crédits pour affirmer la vitalité de cette politique. mais je suis curieux de savoir ce que deviendra le fameux « 1 % du budget de l'Etat » dans la loi de règlement pour 2002 tant les hypothèses de croissance de ce Gouvernement sont peu réalistes... Quoi qu'il en soit, ce mot d'ordre de « 1 % » n'a plus de signification aujourd'hui, tant l'intégration des grands travaux mitterrandiens et de leurs coûts de fonctionnement, ou plutôt de dysfonctionnement, a accru les charges de ce budget. La Bibliothèque Nationale de France absorbe ainsi plus d'1 milliard, montant faramineux dû à de nombreuses malfaçons. L'Opéra Bastille et la Grande Arche connaissent, eux aussi, des avatars coûteux - je parle des bâtiments. En réalité, le seuil de 1 % n'est qu'une étape, qui devra être rapidement franchie. Car il faudra bien tirer les conséquences de l'ouverture programmée de nouvelles institutions : le Centre de la jeune création, la Cité de l'architecture et du patrimoine, la Maison du cinéma, l'Institut national de l'histoire de l'art, ou encore le Musée des arts premiers et le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée. La résorption des emplois précaires, la nécessité de créer des emplois dans les services déconcentrés ainsi que le passage chaotique aux 35 heures qui suscite une multiplication de grèves préjudiciables au secteur touristique ne pourront que gonfler les dépenses. Le problème est bien là : les dépenses de fonctionnement absorbent les trois quarts du budget et la plus grande part des crédits supplémentaires. Les besoins de fonctionnement sont tels que vous avez obtenu du Premier ministre l'autorisation de redéployer près de 380 millions de francs. Nous souhaiterions d'ailleurs des explications très précises quant à ce tour de passe-passe budgétaire. L'augmentation des crédits et l'effet d'annonce du 1 % ne parviennent à dissimuler, ni la réduction des marges de man_uvre de votre ministère, ni les insuffisances de votre politique culturelle. Il y a certes dans ce budget des priorités qui recueillent notre soutien : le spectacle vivant, bénéficiera en 2002 de 25 millions d'euros supplémentaires. Je regrette toutefois que l'effort en faveur de la création ne s'étende pas aux arts plastiques, qui manquent de moyens. De même, si un réel effort budgétaire est consenti en faveur de l'enseignement artistique, je déplore le caractère insuffisant des moyens affectés à l'enseignement de l'architecture, depuis trop longtemps négligé. La formation des architectes devrait devenir une priorité du budget de la culture. Mais au-delà du spectacle vivant et de l'enseignement artistique, bien des pans de l'action culturelle ont été négligés depuis quatre ans, en particulier ceux qui touchent à la mémoire collective et à nos racines. Je déplore notamment l'absence d'une véritable politique de soutien en faveur des Archives nationales. Malgré le rapport Braibant de 1996 et les promesses réitérées du Premier ministre de créer un nouveau centre pour les Archives nationales, rien n'a été fait. Les crédits baisseront même cette année de 21 % ! Je ne cesse par ailleurs de fustiger l'absence d'une véritable politique en faveur du patrimoine, véritable parent pauvre de votre politique, alors même que les Français de tous âges y sont de plus en plus attachés. La situation des monuments historiques, en particulier ceux n'appartenant pas à l'Etat, est préoccupante. L'esquisse de rattrapage pour les crédits d'entretien est très insuffisante, quant aux crédits d'investissements, ils stagnent. Alors que la moitié des 40 000 monuments protégés sont privés, leur situation est de plus en plus fragile et l'effort de l'Etat, à peine 20 000 francs par an pour chacun, reste dérisoire. Je déplore aussi la baisse de 11,5 % du budget des Musées de France. Les crédits de commande et d'acquisition n'augmenteront en 2002 que de 1 %, ce qui ne permettra pas de freiner l'exode des trésors nationaux vers l'étranger. La formule de Pierre Rosenberg, ancien directeur du Louvre, « France, ton patrimoine fout le camp ! » reste d'actualité... Nous sommes conscients des contraintes budgétaires. Mais nous vous reprochons de ne pas tirer les conséquences de l'incapacité de l'Etat à assumer tous les besoins en matière culturelle. Les collectivités locales ne peuvent pallier que partiellement cette situation. Il faut donc trouver de nouveaux modes de financement de l'action culturelle, selon des modalités auxquelles vous étiez hostiles par pure idéologie. Développer le mécénat est devenu une priorité. Actuellement, il ne mobilise que un milliard de francs par an, mais déjà joue un rôle essentiel dans certaines opérations. Le Louvre a ainsi recueilli l'an dernier 50 millions de francs et 60 % du montant des travaux prévus dans les cinq ans à venir devraient être financés par le mécénat. Les grandes expositions du centre Pompidou ont aussi besoin du parrainage des entreprises, et depuis le 11 septembre certaines inquiétudes se sont exprimées à ce propos. Pour encourager le mécénat, encore faudrait-il mener une politique fiscale ambitieuse que l'opposition n'a cessé d'appeler de ses v_ux. Grâce à notre insistance inlassable, le Gouvernement a enfin accédé à une partie de nos demandes dans la loi relative aux Musées. Il a été obligé d'engager une mission de l'Inspection générale des finances et de donner une première impulsion au mécénat en faveur des Trésors nationaux. Mais il faut aller au-delà, favoriser non seulement le mécénat d'entreprise, mais les dons des personnes privées, revoir la fiscalité sur les meubles et les _uvres d'art pour relancer le marché de l'art français qui se dégrade face aux concurrents européens, pénalisé par les contraintes fiscales et les menaces réitérées de la majorité d'intégrer les _uvres d'art dans le calcul de l'ISF. Enfin l'absence de marge financière implique un effort de gestion. Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas généralisé l'évaluation des actions culturelles de l'Etat ni créé un observatoire du spectacle vivant comme le recommande la Cour des comptes pour suivre la programmation et la fréquentation. Le groupe DL ne votera donc pas ce budget qui traduit une manque d'ambition de la politique culturelle, limitée depuis quatre ans à un saupoudrage de moyens et se refusant, souvent pour des raisons idéologiques, à engager les nécessaires réformes de fond. M. Henry Chabert - Très bien ! M. Marcel Rogemont - Il s'agit ici d'un exercice un peu convenu. Certains louent votre politique, d'autres la pourfendent. Encore que, à entendre M. Bourg-Broc ou M. Herbillon, on a l'impression de jeunes enfants devant un bol de crème au chocolat. Ils voudraient s'en barbouiller la figure, mais on le leur a interdit ! Alors il faut qu'ils inventent mille prétextes pour obéir. Il se disent, et vous disent que cette crème au chocolat est amère. M. Michel Herbillon - Curieuse allégorie. M. Marcel Rogemont - Ce qui les gêne en fait, c'est d'examiner un budget en augmentation, alors que ceux que leur majorité présentait subissaient une baisse régulière. C'est ce qui leur fait trouver ce budget amer. Le 1 %, bien sûr, est une notion anachronique... M. Michel Herbillon - Ce n'est pas une nouvelle frontière ! M. Marcel Rogemont - Mais en tout cas il sert clairement à différencier une politique de gauche d'une politique de droite : le budget de la Culture se rapproche du 1 % quand la gauche est au pouvoir, il s'en éloigne quand c'est la droite (murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF) . Toujours par amertume, il faudrait que tout ce qui est bien devienne mal. Ainsi le remarquable spectacle de danse que vient de mettre en scène à Rennes Catherine Diverres, ce décor, ces soieries, ces acteurs, tout cela se transforme par un coup de baguette magique en morceaux de bois, en oripeaux, en personnes qui errent sans trouver la sortie, cela se transforme, Madame la ministre en charges. Ces personnes qui errent, elles obligent à payer des charges sociales, et pis encore, elles vont prendre un peu d'argent aux ASSEDIC, même si M. Kessler monte bonne garde. La culture, tout ce qui est création, est ainsi réduit à des charges de fonctionnement. De même, la Bibliothèque nationale de France, qu'est-ce à leurs yeux ? Des coûts, une qualité architecturale douteuse. On oublie de parler des milliers de personnes qui la fréquentent... M. Michel Herbillon - Il est heureux qu'elle serve à quelque chose ! M. Marcel Rogemont - Oui, elle remplit le rôle souhaité, ce que ne faisait pas l'ancienne Bibliothèque nationale. Quant à l'Opéra Bastille, on en parle parce qu'un morceau de la façade serait à refaire... M. Michel Herbillon - Toute la façade ! M. Marcel Rogemont - Toute la façade, je vous l'accorde ! C'est oublier de parler des spectacles qui s'y déroulent et attirent un public nombreux. Ce n'est pas parce que le bol est un peu ébréché que la crème au chocolat n'est pas bonne, Monsieur Herbillon. M. Michel Herbillon - Prenez garde à la crise de foie ! M. Marcel Rogemont - Chaque trait que la droite vous décoche, Madame la ministre, souligne en fait les qualités de votre budget. Je voudrais moi aussi en souligner plusieurs. D'abord, vous avez raison de faire de la création une priorité absolue. Face à des industries culturelles qui deviennent des oligopoles menaçant la concurrence, comment sauvegarder la diversité sans mener une politique forte en faveur de la création ? Dans ce domaine, nous vous soutenons pleinement et nous sommes d'accord pour que toutes les forces qui existent localement, par exemple dans le cadre d'un établissement public de coopération culturelle, s'unissent et s'appuient sur l'effort national, pour soutenir la création. Votre politique vaut aussi par son souci de rendre sa place à l'individu dans les équipements culturels et les différentes actions menées. Vous avez raison de demander que les organismes culturels aient des services éducatifs. Tous ensemble nous avons fait que la loi sur les musées prévoit ces services éducatifs et de médiation culturelle pour mener le public vers les _uvres. A propos de la loi sur les Musées, j'ai voté le dispositif fiscal en CMP. M. Michel Herbillon - Par une conversion idéologique un peu tardive M. Marcel Rogemont - Alfred Recours, fort justement, a voulu qu'on crée une taxe sur les casinos pour réveiller Bercy. Cela donne de nouvelles capacités d'investir. Avec Jack Lang, vous avez fait également de l'éducation artistique, de la présence de l'art à l'école une priorité. M. Olivier de Chazeaux - Mais non ! M. Marcel Rogemont - Il ne s'agit pas seulement de former le public de demain, mais de contribuer, par l'art vécu, à l'épanouissement de l'enfant. Nous ne pouvons donc que vous encourager à poursuivre, puisque cette année, avec 751 millions de mesures nouvelles, c'est le meilleur budget de la Culture que nous ayons jamais connu, il faut l'affirmer avec force ! M. Olivier de Chazeaux - On verra la réalisation. M. Marcel Rogemont - Ces dernières années, les budgets ont toujours été convenablement exécutés. Nous savons ce qu'il en était quand vous étiez au pouvoir ! M. Michel Herbillon - C'est une vieille antienne ! M. Marcel Rogemont - C'est vous qui êtes un peu vieux dans votre argumentation ! Quelques questions pour terminer, Madame la ministre. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur l'application des 35 heures ? S'agissant du droit de prêt des bibliothèques, quand la solution que vous avez proposée sera-t-elle soumise à l'Assemblée ? En ce qui concerne les intermittents du spectacle, vous vous êtes exprimée encore ce week-end. Peut-être faudrait-il que le Gouvernement se donne les moyens d'imposer sa volonté. Que vous vous tourniez à droite ou à gauche, Madame la ministre, vous n'avez que des laudateurs, dont je suis ! Je voterai donc avec joie ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Olivier de Chazeaux - En ces temps difficiles, un peu de méthode Coué ne fait pas de mal au gouvernement Jospin... Ainsi donc, la réussite serait là, puisque le budget de la culture atteindrait enfin 1 % du budget de la nation : que les cloches sonnent ! Sauf votre respect, Madame la ministre, vous avez l'air, mais pas la chanson. La part de votre budget s'établit en réalité à 0,98 %. A 1 % à structure constante 1998, nous dit-on - à l'époque c'était 0,95 %. Cet objectif symbolique n'est atteint que par la grâce de l'inscription d'autorisations de programme dont on sait déjà qu'elles ne seront pas réalisées, comme le relève d'ailleurs le rapporteur. En outre, près de 48 % du budget profite à l'administration de la culture. Certes il faut en assurer les frais de fonctionnement, mais il ne faudrait pas déresponsabiliser la création, dont la qualité naît du risque que prend le créateur. Ainsi, l'honnêteté commanderait de ne parler que d'un budget représentant 0,5 % de celui de la nation... Quoi qu'il en soit, l'objectif du 1 % est vide de sens, parce qu'il faudrait tenir compte des fonds consacrés à la culture par les autres ministères et par les collectivités territoriales, parce que votre gouvernement n'a pas eu le courage d'engager une vraie réforme de la politique culturelle. Chacun sait, Madame la ministre, votre intérêt pour les spectacles vivants. Pourtant, vous manquez d'enthousiasme dans votre présentation : vous êtes même plutôt résignée... Il n'y a ni passion ni âme dans le budget que vous nous présentez. Vous avez pourtant la charge passionnante de conserver notre patrimoine culturel et de donner à nos concitoyens les moyens de s'élever. M. Marcel Rogemont - Il faut de l'argent pour cela ! M. Olivier de Chazeaux - Vous avez également la tâche exaltante d'organiser les divertissements de nos concitoyens. Las, vous ne leur proposez ni rêve ni passion, et je crains qu'avec votre gouvernement l'égal accès à la culture ne reste qu'un v_u pieux. En réalité, votre gouvernement ne fait que de la gestion culturelle. Il faut avoir le courage de le dire, sans afficher le 1 % pour mieux masquer l'importance des dépenses de personnel, qui ne semblent d'ailleurs pas inclure les frais exorbitants liés à l'application des 35 heures... Vous nous annoncez une augmentation du budget des spectacles vivants, mais il est à craindre qu'elle aille davantage aux salaires des directeurs de théâtres et festivals qu'aux spectacles. Nous aurions aimé vous entendre au sujet du festival d'Avignon, mais pas un mot. Il en va de même pour les Chorégies d'Orange ou le festival d'Aix. Le développement des arts dans la rue est une bonne chose - je pense au festival d'Aurillac -, mais il ne faudrait pas sacrifier à un phénomène de mode. S'agissant du cinéma, les résultats sont très encourageants. Une aide sérieuse est nécessaire, peut-être sous la forme d'une école du scénario. Surtout, le succès rencontré par Le fabuleux destin d'Amélie Poulain outre-Atlantique doit nous inciter à développer une politique plus offensive que défensive. Notre cinéma doit participer au développement de la francophonie et de la francophilie dans le monde. L'ouverture à la publicité de marques dans les productions cinématographiques permettrait d'accroître les sources de financement des films français. Enfin, en matière de culture, l'inégalité est patente entre ceux qui reçoivent des clés dès leur plus jeune âge dans leur milieu familial et la grande majorité des autres. Il revient à l'école républicaine d'offrir une égalité des chances mais les mesures ponctuelles que vous avez prises n'y suffiront pas, ne serait-ce qu'en raison de l'implication très variable des instituteurs et professeurs dans les « projets artistiques et culturels ». A l'école maternelle et élémentaire, l'objectif devrait être de donner à chaque enfant quelques notions structurantes de pratique artistique. Au collège et au lycée, il faut introduire un enseignement de l'histoire de l'art, des civilisations, des sciences et des techniques. Cette matière pourrait du reste figurer au programme du baccalauréat. M. Hervé de Charette - Très bien. M. Olivier de Chazeaux - S'agissant de l'enseignement supérieur artistique et culturel, je note avec regret l'augmentation quasi-nulle de la dotation versée aux grands établissements qui forment les créateurs et artistes de demain. Laissant le soin à mes collègues de s'exprimer sur d'autres sujets importants, je ne vous surprendrai pas en vous disant, Madame la ministre, qu'en dépit de vos efforts cosmétiques, le groupe RPR votera contre votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). M. Jean Dufour - Bien des réponses ont déjà été apportées en commission à nos questions concernant notamment le Musée de l'Europe et de la Méditerranée ou le développement des cultures nouvelles à l'exemple de la Belle de Mai à Marseille. La question fondamentale est celle des rapports entre l'Etat et les collectivités. A cet égard, la création d'un secrétariat d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle est un signe fort, même si l'on peut regretter la relative insuffisance des moyens consacrés à la décentralisation. A l'évidence, l'action en faveur du patrimoine contribue à faire concevoir la France dans sa globalité et à construire la cohésion nationale. Mais il est nécessaire d'aller plus loin encore, en reconnaissant mieux, notamment dans le spectacle vivant, les aventures culturelles non parisiennes. Vous le faites déjà en ce qui concerne, par exemple, le cirque à Chalons. Créateurs, diffuseurs et financeurs, ne peuvent échapper aux interrogations sur le fait de considérer la culture comme une marchandise. A ce propos, je suis personnellement opposé à tout dispositif qui permettrait d'aliéner une partie du patrimoine conservé par les musées, même sous couvert d'expertise scientifique. On ne peut non plus ignorer la nécessité d'une démocratisation croissante de la culture. Toutes ces questions ont des répercussions certaines sur la politique culturelle de la nation, qui doit demeurer forte et exigeante. Il convient, en particulier, de mieux reconnaître l'action du personnel des DRAC, et d'appliquer les 35 heures en conjuguant leur intérêt et le développement du service public. Quant aux moyens, ils devraient être plus importants. Pour être franc, je ne pense pas que les arbitrages budgétaires aient rendu justice à votre ministère. La sous-estimation des besoins est patente, et particulièrement au moment où l'on s'interroge sur le devenir de ce secteur essentiel à notre économie qu'est le tourisme. J'ai apprécié vos propos, Madame la ministre, sur les responsabilités du MEDEF dans le blocage que nous constatons s'agissant du statut des intermittents du spectacle. La posture est d'autant plus hypocrite et cynique que le rayonnement de ce secteur tient pour une large part au travail des intermittents, ce que nul n'ignore. Nous formulerons des propositions à ce sujet, et nous attendons avec intérêt les décisions du Gouvernement. Il était essentiel que le budget de la culture atteigne 1 % du budget de l'Etat ; encore ce budget devrait-il ouvrir une perspective plus dynamique, permettant d'instituer de nouveaux rapports entre tous les partenaires. A cet égard, les EPCC ne doivent pas signer le désengagement de l'Etat, mais signifier de nouvelles relations entre ce dernier et les collectivités locales, partenaires essentiels de la politique culturelle. Notre vote positif doit donc être compris comme un appel à une politique culturelle plus ambitieuse encore (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). M. Hervé de Charette - J'avais prévu de vous annoncer, en montant à la tribune, que le groupe UDF s'abstiendrait lors du vote, considérant que votre budget, Madame la ministre, emporte des éléments positifs, même si d'autres le sont moins. Mais après avoir entendu M. Rogemont nous expliquer qu'il existe une culture de gauche et une culture de droite, je ne suis plus ! M. Marcel Rogemont - Je parlais de culture politique. M. Hervé de Charette - Aussi, avant de me prononcer, j'attendrai, Madame la ministre, que vous m'éclairiez. Il apparaît donc que votre budget a finalement atteint le mythique seuil de 1 % du budget de l'Etat pour le dernier exercice de la législature. C'est une bonne nouvelle, et nous devons vous en féliciter, tout en notant que cet objectif a un aspect surréaliste. Comment a été défini ce Nirvāna auquel tous les ministres de la culture aspirent ? D'ailleurs, sera-t-il réellement atteint ? On nous a déjà fait le coup en novembre 1992 ! A l'époque, l'entreprenant M. Lang nous avait triomphalement expliqué avoir obtenu le 1 % tant espéré ; seulement, en janvier, il avait fallu tailler dans les crédits, et en premier lieu dans ceux de la culture... si bien que le 1 % n'a jamais été atteint ! Je souhaite que nous ne connaissions pas les mêmes contraintes en 2002, car mieux vaut, certes, 1 % que moins de 1 %. Pour autant, on ne peut tout attendre de l'Etat en matière culturelle, car les besoins de nos concitoyens ne cessent de croître. Qui, ici, ne sait la difficulté de préserver un patrimoine considérable, dont la dégradation est évidente car l'Etat n'a pas les moyens de l'entretenir ? Qui ne sait la pauvreté des musées, les difficultés de l'archéologie, celles du spectacle vivant et de la création, la faiblesse des crédits consacrés aux achats d'_uvres ? D'évidence, il faut trouver de nouvelles sources de financement. M. Michel Herbillon - Très juste ! M. Hervé de Charette - Vous avez commencé de le faire, certes, mais trop peu et trop lentement. La politique culturelle devrait être décentralisée au plus vite ; or, les protocoles que vous avez mis au point, s'ils valent mieux que rien, ne vont pas au bout des choses, et ne sont pas dénués d'arrière-pensées. Il faut, d'autre part, modifier d'urgence la fiscalité du mécénat, et le refus obstiné du ministère des finances et de certaines groupes de la majorité a fait prendre à la France un retard très dommageable que les mesurettes prises il y a peu ne suffiront pas à combler. Il faut faire bien davantage pour que la vie culturelle bénéficie des financements dont elle a besoin ! De même, le marché doit être régulé. Mais, là encore, votre action est hésitante et trop lente, d'autant que le numérique va bouleverser la donne. M. Forni, notre Président, a dit d'excellentes choses à ce sujet. Il nous faut agir pour préserver l'exception culturelle, et faire que l'originalité française devienne l'originalité européenne. A cette fin, des mesures urgentes doivent être prises dans trois domaines. S'agissant, en premier lieu, du prêt de livres, nous sommes disposés à voter un texte raisonnable, conciliant les intérêts des auteurs, qui ont droit à une juste rémunération, et ceux des lecteurs. Mais faites vite ! S'agissant de la duplication sauvage, sur la Toile, de films, de musique et de livres, la loi doit reconnaître les droits des auteurs à une rémunération en toute circonstance. Le copillage constitue une menace pour la culture. Vous aviez formulé des propositions que le Premier ministre a rejetées. Il avait probablement raison, car la taxation n'est pas une solution durable. Je reconnais ne pas avoir de solution, mais une réflexion collective s'impose, qui doit trouver une traduction rapide dans la loi sur la société de l'information. Enfin, on ne peut se satisfaire du vide juridique dans lequel vivent les intermittents du spectacle. La société doit protéger ses artistes, et cette obligation justifie un régime spécial. On peut vouloir réformer le dispositif, mais l'on ne peut concevoir que les partenaires sociaux s'en désintéressent. C'est pourquoi je désapprouve le refus du MEDEF d'ouvrir la négociation. De manière plus générale encore, l'Etat ne peut se désinvestir de l'éducation artistique. Or, qu'en est-il ? Les moyens d'accès à la culture musicale et à la peinture sont très largement insuffisants à l'école. On sait pourtant la nécessité de l'expression artistique et l'importance de la culture pour appréhender le monde. C'est que le budget de l'éducation nationale est considérable mais que celui des enseignements artistiques est squelettique - et ce n'est pas du squelette d'un mammouth que je parle ! Le décret du 11 juin 1997 définit bien le champ des compétences du ministère de la culture : « Rendre accessibles au plus grand nombre les _uvres capitales de l'humanité ». Le ministère doit prendre en compte ce caractère universel de la culture. Aucun pays plus que la France n'est attentif à l'universalité des valeurs communes de l'humanité, qui s'exprime dans la diversité des cultures. Votre mission est de promouvoir les arts et les musiques du monde, de sorte que la France fasse reconnaître dans le monde « l'égale dignité des cultures du monde, leur vocation à s'enrichir mutuellement, la quête inlassable d'un humanisme partagé », selon les excellentes paroles du Président de la République. Voilà pourquoi il faut soutenir ardemment les projets de Musée des arts premiers du Quai Branly, et de Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille. La France possède, dans l'action en faveur des cultures du monde, un passé remarquable. Elle a été le premier pays, dans le années 1950, à s'intéresser aux arts traditionnels d'Orient, d'Asie et d'Afrique. L'intérêt pour ces traditions venues d'ailleurs, en particulier musicales, n'a cessé de croître. Toutes les grandes salles de spectacle, de nombreux festivals, programment aujourd'hui ce genre de musiques, et font salle comble. Voyez aussi le succès des rayons « musiques du monde » dans les FNAC ou les Virgin. M. le Président - Veuillez conclure ! M. Hervé de Charette - Cette ouverture sur les autres est un encouragement à sauvegarder des traditions très anciennes, et souvent menacées. Notre pays doit jouer un rôle d'impulsion pour le partage des cultures du monde. C'est cela aujourd'hui l'universalité de la culture et de la pensée française (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - Michel Duffour et moi vous avons présenté les grandes lignes du projet de budget pour la culture mardi dernier, en commission élargie. Je m'en tiens aujourd'hui à une remise en perspective et à quelques réponses. Lionel Jospin a placé l'action de son gouvernement sous la devise de Montaigne : « faire ce qu'on dit, dire ce qu'on fait ». C'est bien dans ce sens que nous avons _uvré collectivement pour tenir la promesse, faite en 1997, d'un budget de la Culture représentant 1 % des charges nettes de l'Etat. Pierre à pierre, nous avons reconstitué les moyens du ministère. Car - et les remarques de M. Bourg-Broc sur ce qu'il appelle « l'eldorado du 1 % » m'incitent à le redire - le 1 % n'est pas une fin en soi ; mais demain, il sera au moins une protection des moyens attribués à la politique culturelle et, je l'espère, un point de non-retour, v_u que le passé, Monsieur Bourg-Broc, ne rend pas vide de sens. Ce 1 % marque aujourd'hui la reconstitution du budget culturel. Le mécénat et l'apport des collectivités locales n'en sont pas moins nécessaires. Mais c'est l'engagement de l'Etat qui marque la responsabilité de la nation dans le secteur de la culture. A structure constante, les moyens du ministère ont progressé de 16,5 % entre 1997 et 2002 alors qu'ils avaient diminué de 10,7 % sous la précédente législature. Il faut s'en souvenir. Notons qu'ils comportent la création de 350 emplois. Il ne suffit pas de souligner que la culture constitue un domaine crucial pour le rayonnement de notre pays, un enjeu majeur pour l'égalité des chances et l'éducation à la citoyenneté. Il convient d'y mettre aussi les moyens, ce qui est fortement le cas. Le budget 2002 constitue la dernière étape d'un engagement tenu, malgré un contexte budgétaire plus tendu. Le budget pour la culture progressera de 385 millions de francs, un peu plus que le budget de l'Etat. En réalité, vos rapporteurs l'ont souligné, ce sont plus de 750 millions de francs de moyens nouveaux qui sont disponibles, grâce à un redéploiement de près de 400 millions de francs de CP. Ainsi s'explique l'augmentation de nos reports de crédits d'investissement, soulignée par M. Idiart. Nous pouvons ainsi financer des actions prioritaires ciblées, sans relâcher l'effort dans les autres secteurs. Le premier secteur prioritaire auquel nous consacrons environ un tiers des moyens nouveaux est le soutien à la création dont tous les intervenants ont souligné qu'il était l'épine dorsale de la politique culturelle. Le spectacle vivant bénéficiera de 160 millions de francs de mesures nouvelles, deux fois plus qu'en 2001. La moitié de crédits seront mobilisés en faveur des esthétiques nouvelles - danse, art de la rue, cirque - dont le paradoxe, que souligne M. Bourg-Broc, est d'être encore fragiles, tout en étant à l'origine de pratiques artistiques renouvelées, et donc d'un rapport renouvelé à la population. Nous y sommes particulièrement attentifs. Les arts plastiques, l'architecture et le cinéma, l'aide à la création, ne sont pas oubliés car ils font partie des missions fondatrices du ministère de la culture. C'est pourquoi nous défendons le régime de l'intermittence, et je remercie M. de Charette de son soutien. C'est pourquoi aussi nous donnons priorité à la présence des artistes vivant dans la cité, que la téléprésence évoquée par M. Aschieri ne saurait remplacer. Le second secteur prioritaire est celui des enseignements artistiques, à commencer par ceux qui dépendent du ministère. Ainsi celui de l'architecture transféré à la Culture avant 1997 sans les moyens nécessaires bénéficie de 2,38 millions d'euros supplémentaires. L'éducation artistique à l'école a été reconnue par beaucoup d'entre vous comme le socle indispensable de notre politique culturelle. Jack Lang et moi y attachons la plus grande importance. Il faudra veiller à l'application durable de ce plan de cinq ans. Au total, des mesures nouvelles de 85 millions de francs leur seront destinées, soit une hausse proche de 5 %. Elles nous permettront, comme le souhaite M. Aschieri, de mieux associer les artistes à la vie scolaire. Loin encore des « faux-semblants » que M. Bourg-Broc et d'autres membres de l'opposition déplorent, tout en se félicitant de la forte augmentation des crédits d'entretien, les crédits destinés au patrimoine progressent de 3 %, soit plus que la moyenne du budget. Ils représentent 18 % des crédits du ministère, hors personnel et frais de fonctionnement. Le patrimoine, ce sont aussi les musées, les archives. Citons ainsi trois grands chantiers : le Musée des arts premiers à Paris, le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille et la future Cité des archives, annoncée le 5 novembre par le Premier ministre. N'oublions pas les nombreux projets régionaux. Les crédits d'intervention des musées augmentent de 3,3 % et ceux des archives de 6,7 %. La capacité d'investissement de la direction des archives sera, en 2002, 2,5 fois supérieure à celle de 1999. Les deux rapporteurs ont relevé, de manière différente, le poids des subventions de fonctionnement attribuées aux établissements publics. Or elles ne représentent qu'un cinquième du budget du ministère et leur part y est demeurée stable depuis 1995. Ces établissements publics, souvent issus des Grands Travaux, tant décriés par certains mais tant prisés par nos concitoyens et par les étrangers, jouent un rôle essentiel dans le rayonnement culturel de notre pays et agissent de plus en plus comme des têtes de réseaux à l'égard de toutes les institutions régionales. Donner à ces grands établissements les moyens de fonctionner c'est leur donner les moyens de l'ambition, de l'innovation, qui doivent être partout encouragées. A ce propos, je voudrais remercier M. Rogemont d'avoir porté sur la question des coûts de fonctionnement un regard si dynamique. Je n'ose pas imaginer qu'on songe un instant à diminuer les moyens des grands établissements. Là où M. Herbillon ne voit que des charges, il s'agit en réalité des instruments d'une vraie politique culturelle démocratique. Au total, ce projet de budget répond à deux soucis : la progression vers le 1 % et la continuité des actions pour un service public culturel plus divers, plus ouvert et mieux intégré dans les politiques globales du Gouvernement. Les tensions sociales internes au ministère sont en voie d'apaisement. Le dialogue et la négociation se poursuivent, et je souhaite qu'ils permettent au personnel de mieux se reconnaître dans les missions qui lui sont attribuées. La démarche retenue pour ce budget favorise également les initiatives. C'est ce que signifient les choix déterminés faits pour le spectacle vivant et pour les nouvelles esthétiques, souvent pluridisplinaires - je songe notamment au multimédia. C'est aussi ce que traduit notre engagement pour les enseignements artistiques, grand chantier de notre avenir qui doit être ouvert sur toutes les cultures du monde, comme M. de Charette l'a souligné. Ce budget montre clairement l'engagement du Gouvernement pour la culture. Il pourrait, objectivement, rassembler les avis favorables puisqu'il affirme la responsabilité de l'Etat dans une politique culturelle fédérant toutes les initiatives issues du secteur privé et surtout des collectivités territoriales. Tout en assurant la continuité, ce budget prépare l'avenir, ce qui est notre responsabilité première (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Les crédits de l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits de l'état B, titre IV. Les crédits de l'état C, titre V, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits de l'état C, titre VI. M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la culture. La séance, suspendue à 11 heures 35, est reprise à 11 heures 45
ÉCONOMIE ET FINANCES (nouvelle procédure) M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie concernant l'économie et les finances. Cette discussion se déroulera suivant la nouvelle procédure budgétaire définie par la Conférence des présidents. En conséquence, les travaux de la commission élargie et les réponses du Gouvernement aux questions écrites des groupes seront annexés au compte-rendu de la présente séance. M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances pour les charges communes - Il me revient la lourde tâche de présenter le premier des budgets de l'Etat, qui représente près de 35 % des crédits bruts totaux. Le budget des charges communes s'établit à 117 milliards, en progression de 6,5 % par rapport à la précédente loi de finances initiale. Avec 41 chapitres, cette section budgétaire laisse plus de place aux débats sur certains crédits qui font les délices de l'opposition, comme ceux de la chaîne parlementaire, qu'à ceux concernant la gestion de la dette, dont l'enjeu est pourtant beaucoup plus important. Vous avez fait cependant un effort méritoire en appliquant par anticipation la loi organique du 1er août 2001 : en commission, vous nous avez effet présenté un programme de gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat visant trois objectifs : limiter le montant du compte du Trésor à la Banque de France à la fin de chaque journée ; placer au mieux les excédents de trésorerie ; réduire la durée moyenne de la dette négociable. A cette fin, vous avez créé des instruments, comme l'Agence France Trésor et les portefeuilles swaps. Je vous en félicite car cette stratégie peut faire réaliser des économies bien supérieures à celles qu'entraînerait, sur fond de polémiques stériles, la baisse de quelques crédits ici ou là. Votre démarche devrait conduire les parlementaires à une approche différente de ce budget : le défi est séduisant. La charge nette de la dette devrait augmenter de 0,8 % pour s'établir à 36,84 milliards d'euros. La progression annuelle de la charge de la dette reste donc limitée depuis 1997, effet de la baisse des déficits et des taux. Mais il importe de poursuivre cet effort de réduction du déficit budgétaire. Un indicateur tel que le rapport des charges de la dette aux recettes fiscales ne serait-il pas adapté ? Un mot sur le choc démographique que notre société va subir, et ses conséquences sur les finances publiques. La moitié des fonctionnaires en poste prendront leur retraite d'ici 2012. Le Fonds de réserve des retraites n'ayant pas vocation à financer ce régime, comment va-t-il trouver son équilibre ? En ce qui concerne les remboursements et dégrèvements, je note avec satisfaction la création d'un paragraphe pour financer la prime pour l'emploi. La commission des finances a approuvé ce budget et vous demande de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Henry Chabert, rapporteur spécial de la commission des finances pour les services financiers et pour le budget annexe des monnaies et médailles - Puisque le temps qui m'est imparti est très réduit, bien que nous traitions d'un budget de plus de 10 milliards d'euros, je ciblerai mon intervention sur quelques points. Depuis le début de cette mandature je me suis efforcé d'apprécier le travail de votre ministère à l'aune de trois exigences : la transparence, les services rendus aux usagers et la productivité. Si, sur les deux premiers points, des avancées sérieuses ont été accomplies, le résultat des cinq dernières années est pratiquement nul pour la productivité. En dépit des regroupements de services, des progrès de l'informatique, et de quelques simplifications administratives, les budgets consacrés au fonctionnement des services financiers ne cessent d'augmenter, et les effectifs n'ont guère varié. En ce qui concerne la transparence, le Parlement a obtenu, avec l'appui du Conseil constitutionnel, que plus de 2 milliards d'euros, concernant des crédits d'articles et les fonds de compte de tiers, n'échappent plus au droit budgétaire. Mais il reste encore quelques régularisations à opérer, concernant entre autres, les remises sur ventes au détail des tabacs manufacturés, les rémunérations des services rendus aux collectivités ou les rémunérations accessoires des personnels. Sur ce dernier point, Mme Parly a assuré que les choses seraient régularisées au cours du 1er semestre 2002. Nous en prenons acte. Néanmoins certains problèmes relevés par la Cour des comptes ne sont pas résolus : celui des lignes « souples », qui représentent 246 millions d'euros ; celui du surnombre par grade ; et enfin le statut archaïque des conservateurs des hypothèques. Venons-en à certains points précis, qui constituent autant de gisements de progrès. L'activité bancaire du Trésor public a été recentrée, sur les seules missions d'intérêt général, et nous nous en réjouissons. Mais aucune conséquence budgétaire n'en a été tirée, en termes de crédits ou d'effectifs, alors que cette réforme se traduit par un excédent de près de 3 000 agents. Pourquoi ne pas profiter des nombreux départs à la retraite attendus dans les dix prochaines années, pour réaliser ce gain de productivité ? Les règles communautaires commandent également d'abandonner les activités exercées par le Trésor Public pour le compte de CNP Assurances. Il s'agit pour l'essentiel de la diffusion de produits d'épargne, activité commerciale qui n'a pas sa place dans un service public et dont la poursuite se fonde sur une interprétation erronée de l'arrêt du Conseil d'Etat du 14 février dernier. Ensuite, la suppression du service de la redevance de l'audiovisuel a été différée, alors que beaucoup de collègues se sont ralliés à cette idée, que j'ai suggérée pour la première fois en 1998. M. Dominique Baert, rapporteur spécial de la commission des finances pour les comptes spéciaux du Trésor et les entreprises publiques - Et moi dès 1997 ! M. Henry Chabert, rapporteur spécial - Alors vous allez certainement voter l'amendement en ce sens ! En effet, malgré les gains de productivité réalisés par ce service, son coût d'intervention reste très élevé. Nous sommes nombreux à penser qu'il faudrait tout simplement supprimer la redevance, en fiscalisant le financement de l'audiovisuel d'intérêt général. Cela économiserait 73,5 millions d'euros - 137,6 millions en y incluant les coûts indirects - et 1 433 emplois qui seraient plus utiles ailleurs. Troisième exemple de progrès à réaliser, le renforcement de la politique de protection du consommateur. La réforme de l'INC du 4 avril dernier, n'opère pas la clarification attendue. Un rapport de l'IGF d'avril 1999 a montré qu'une partie de la subvention de l'Etat comblait des pertes de nature commerciale, notamment celles de la revue 60 millions de consommateurs, ce qui met l'INC à la merci d'une condamnation au regard des règles communautaires de concurrence. De plus, le nouveau statut de l'INC, en réduisant le rôle des associations risque de nuire à la cohésion entre les acteurs. D'une façon générale, les crédits affectés à la défense du consommateur - seulement 11,4 millions d'euros - paraissent faibles au regard des enjeux et des attentes des Français dans des domaines aussi vitaux que la sécurité alimentaire, l'accès aux nouvelles technologies, ou les pratiques des marchés financiers. Enfin l'Etat gère deux systèmes parallèles d'évaluations cadastrales. Il a dépensé, depuis 1990, 183 millions d'euros pour effectuer la révision des bases, qui n'a jamais été réalisée. Il conviendrait de supprimer le prélèvement - 220 millions d'euros ! - pour service non rendu, ou, à tout le moins, la ligne budgétaire correspondante. S'agissant du budget annexe des Monnaies et médailles, il convient certes de souligner la performance technique de l'usine de Pessac, qui a su faire face aux commandes de pièces en euros. Mais les problèmes structurels persistent au sein de cette direction du ministère, qui exerce une activité industrielle. Lors de l'examen en commission, le ministre a précisé que la pérennité des Monnaies et médailles était « acquise ». Mais dans une économie devenue concurrentielle avec la généralisation de l'euro, la pérennité ne se décrète pas, elle ne peut découler que d'une réelle compétitivité ! C'est pourquoi j'ai proposé que l'IGF procède à un audit. L'IGF est une force de proposition importante, et ses effectifs devraient être renforcés, ses rapports rendus publics et son statut aligné sur celui des organismes analogues dans les pays du Nord. La commission des finances, à défaut de son rapporteur, vous invite à adopter ces crédits. M. Dominique Baert, rapporteur spécial - Mon propos se concentrera sur certains points saillants de l'évolution des entreprises publiques. Le rapport établi par les services du Gouvernement en application de la loi sur les nouvelles régulations économiques constitue un incontestable progrès dans l'information du Parlement. Il reste néanmoins des progrès à faire dans la connaissance de la valeur patrimoniale des entreprises publiques, y compris celles qui ne sont pas cotées et celles qui sont détenues indirectement par l'Etat. Cela implique d'avoir plus d'informations sur les participations minoritaires. Ce n'est pas sans importance quand on constate que la valorisation des 12 participations les plus importantes, qui était de 538 milliards de francs fin 2000, n'était plus que de 230 milliards le 28 septembre dernier ! Je soulignerai simplement quelques évolutions significatives. Grâce à son succès dans la téléphonie mobile, France Télécom a augmenté son chiffre d'affaires de 23,6 % en 2000, et son résultat net de 40 %. En contrepartie, son endettement a progressé de 317 % et atteint 61 milliards d'euros. L'Etat actionnaire lui a fixé avec raison pour objectif de réduire sa dette et d'améliorer sa notation financière. J'avais regretté que l'on n'ait pas donné à Gaz de France les armes nécessaires, y compris financières, pour affronter la concurrence de nos voisins. Le Gouvernement s'est déclaré sensible au problème et apportera des détails à l'occasion du collectif. Je souligne encore que le coût du transfert de propriété des réseaux concédés ne doit pas peser sur Gaz de France. Il importe en effet que cette entreprise publique, et qui doit le rester, ait les moyens de financer le raccordement des parties non desservies de notre territoire et son développement international. S'agissant du pôle financier public, je soulignais l'an dernier la structure tentaculaire du Consortium de réalisation, la « mauvaise banque » du Crédit lyonnais. Malgré la cession d'actifs, elle reste disproportionnée. M. le ministre de l'économie a donné mandat au nouveau directeur, M. Aubert, d'en simplifier l'organigramme. Pouvons-nous espérer que cela sera fait rapidement, afin de réaliser des économies de gestion et de mieux affecter les deniers publics ? Enfin, face à la concentration du secteur, à l'ouverture des marchés nationaux, à la diversification des circuits de distribution, le rapprochement annoncé le 25 juin dernier du groupe des Caisses d'épargne et de la Caisse des dépôts, déjà partenaires historiques, est prometteur. Pour autant, comme l'a observé le Haut conseil du secteur financier public et semi-public, l'évolution concomitante de la CNP et des activités financières de La Poste reste une nécessité pour assurer la cohérence globale et l'efficacité du système financier public et semi-public. Celui-ci a des activités concurrentielles, mais aussi des missions d'intérêt général, auxquelles nous tenons. Ses dirigeants ne doivent pas l'oublier ; au Gouvernement et au Parlement de leur en donner les moyens. La commission a adopté les articles 35 à 37 et 39 à 42 sans modification et vous demande d'émettre un vote favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Michel Voisin , suppléant M. Loïc Bouvard, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les comptes spéciaux du Trésor - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Bouvard, en déplacement à Riga. Pour le secteur public de l'armement, les rapprochements européens sont désormais essentiels. Malheureusement, les réformes tardent, comme l'a observé la Cour des comptes dans son rapport du 25 octobre dernier. J'en prendrai trois exemples. D'abord, c'est le 6 juillet dernier qu'a été décidée la transformation de DCN en société. M. Bouvard avait démontré la pertinence de cette solution il y a deux ans déjà. La situation n'est pas irrémédiable, mais pour combien de temps encore ? La restructuration de la construction navale en Allemagne et au Royaume-Uni étant très avancée, DCN doit absolument participer à la privatisation des chantiers navals espagnols Izar en 2003, sous peine de rester isolée. Mais son statut de société d'Etat lui permet-il de s'imposer comme un partenaire en Europe ? Les alliances passent par l'ouverture du capital, or le Gouvernement semble l'exclure pour DCN. Des dispositions législatives concernant le statut du personnel et les garanties de plan de charge de DCN sont prévues dans le collectif pour 2001. Il est à craindre que le Conseil constitutionnel n'y voie un cavalier budgétaire. Espérons que la réforme de la DCN aboutira. S'agissant de la SNECMA, le Gouvernement a décidé de céder 25 % de son capital à des investisseurs institutionnels. Mais la création au niveau européen d'un « EADS des motoristes », que beaucoup d'entre nous souhaitent, a échoué. C'est seulement en juin dernier que l'on a décidé d'ouvrir le capital de la SNECMA, alors que le PDG et le ministre de l'économie s'étaient prononcés en ce sens plusieurs mois auparavant. L'introduction en Bourse, prévue pour l'automne, a été reportée en raison des circonstances. Quand la cession des titres de l'Etat interviendra-t-elle ? Souhaitons que d'ici là les partenaires éventuels de la SNECMA ne se soient pas tournés vers ses concurrents. Enfin, pour GIAT-Industries, malgré 2,66 milliards d'euros de recapitalisation, un nouvel apport de 610 millions d'ici le premier trimestre 2002, plusieurs plans de redressement et des fermetures de site, le retour à l'équilibre reste incertain pour 2002. L'entreprise demeure isolée, et les discussions pour conclure des alliances en Europe, où le secteur de l'armement terrestre reste morcelé, ont échoué. La Cour des comptes a suggéré d'importantes restructurations avant d'envisager des partenariats industriels d'envergure. Quelles suites le Gouvernement entend-il donner à ces recommandations ? Certes, le statut n'est pas l'ultima ratio dans le débat sur l'avenir du secteur public de l'armement. Mais la question ne peut être éludée, car il est urgent de permettre à ces entreprises de participer aux restructurations en cours en Europe. Malgré les observations de M. Loïc Bouvard, la commission de la défense a émis un avis favorable sur ces crédits. M. Daniel Feurtet, rapporteur spécial de la commission des finances pour les taxes parafiscales - La loi organique du 1er août 2001 supprime les taxes parafiscales au 31 décembre 2003. J'ai fait part de mes préoccupations à ce sujet, et relaté celles des organismes bénéficiaires lors de la réunion de la commission élargie. Dans la seconde partie de mon rapport, j'ai également présenté une série de recommandations qui serviront, j'espère, à éclairer la décision du Gouvernement et du Parlement. Le Gouvernement reconnaît qu'on ne saurait trouver de réponse globale pour remplacer les taxes supprimées, mais qu'il faut apporter une solution différente à chaque cas, dans la concertation. Il convient aussi de maintenir les actions jusqu'ici financées par les taxes parafiscales, dès lors qu'elles sont efficaces. Vous avez proposé à ce sujet un calendrier de travail pour les prochains mois. Il faudra en terminer au premier semestre 2002 pour être en conformité avec la loi. Pour remplacer les taxes dont le produit allait aux centres techniques industriels et aux comités professionnels de développement économique, j'avais préconisé l'institution d'impositions affectées que l'article 2 de la loi organique permet de mettre en place au profit d'organismes poursuivant des missions de service public. Le Conseil d'Etat a estimé qu'on ne saurait affecter une part du produit des impositions de toutes natures « au profit d'une personne privée qui ne poursuit, conformément à son objet, qu'un intérêt propre à un secteur d'activité ou a une profession. » Cette interprétation est très restrictive. Selon moi, il n'y a pas d'incompatibilité entre la défense d'un intérêt sectoriel, qu'il s'agisse de formation, de développement ou de recherche, et la reconnaissance d'une mission d'intérêt public, sous réserve de contrôles adéquats. Quelle est votre appréciation à ce sujet ? Les impositions qui remplaceraient des taxes parafiscales seront soumises à l'examen des rapporteurs spéciaux des budgets concernés. De toute façon, le rapport sur les taxes parafiscales disparaîtra lors du projet de loi de finances pour 2004. Mais ne serait-il pas judicieux de rattacher dès 2003 les taxes parafiscales maintenues à titre transitoire aux budgets concernés ? C'est là une question dont la future assemblée aura à trancher. Sous réserve de ces observations, la commission des finances s'est prononcée en faveur de la reconduction de la perception des taxes parafiscales en vigueur et vous demande de la suivre(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). M. Gilles Carrez, rapporteur spécial de la commission des finances pour le commerce extérieur- Alors que les échanges mondiaux s'accroissent, qu'en France un emploi sur quatre dépend du commerce, les enjeux économiques et sociaux de la conférence de Doha sont d'importance, et vous en exposerez les résultats à l'Assemblée. Mais l'Organisation mondiale du commerce reste très méconnue, quand même on ne la présente pas comme un instrument infernal de la dérégulation au profit des grandes entreprises et au détriment des plus défavorisés. Or, c'est tout le contraire. L'OMC obéit à la logique des Etats, elle constitue un instrument de régulation et dispose d'un mécanisme de résolution des conflits commerciaux unique et accepté par tous. Elle est un lieu de négociation, et le regrettable spectacle des délégations enfermées dans leur hôtel à Seattle ne doit pas cacher le fait que le siège de Genève - j'y ai conduit une mission en juillet - est largement ouvert, et que les parlementaires y sont bienvenus. Je tenais à le rappeler car les questions multilatérales prennent une importance croissante. Vous y consacrez beaucoup de temps, Monsieur le ministre ; peut-être avez-vous perçu avant les autres le caractère stratégique de cette dimension du commerce extérieur. Renvoyant à mon rapport écrit pour les éléments chiffrés, je voudrais évoquer les problèmes qui me paraissent essentiels. Un paradoxe, d'abord. Vous avez conduit la réforme de votre secrétariat d'Etat : il est bien géré, ses effectifs sont stables, alors que ses missions s'accroissent. Il est surtout le seul qui, au sein de la galaxie Bercy, ait accepté sans réserve de se moderniser. En guise de récompense, on vous octroie des crédits à peine stabilisés... M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Toujours plus pour la dépense publique ! M. Gilles Carrez, rapporteur spécial - J'ai dénoncé des excès de dépenses atteignant des dizaines de milliards, et je ne vais demander ici que 30 malheureux millions ! Sans doute le dynamisme de nos entreprises nous permet-il d'être encore excédentaires, mais cet excédent s'amenuise et l'Etat ne prend pas le relais. Par ailleurs, la COFACE subit de la part de l'Etat un prélèvement de 23 milliards de francs pour 2001 et 2002, qui l'empêche de prendre plus de risques. C'est d'autant plus inadmissible que l'assurance prospection, qui constitue le c_ur de l'action en faveur des PME, n'est dotée, comme en 2001, que de 26 millions d'euros, à comparer aux 60 millions du début de la législature. Le FASEP-Garantie, principal vecteur d'aide aux PME en matière d'investissement international, ne reçoit que 45,73 millions d'euros. Au 30 juin 2001, seuls 31 dossiers avaient été soutenus. Le Gouvernement majore les crédits du CFCE, ce que nous saluons, mais il diminue ceux d'Ubifrance, organisme chargé de la promotion de nos entreprises à l'étranger, qui subit déjà de plein fouet les effets de la suppression du service national. Là encore, quelques millions supplémentaires suffiraient. Une majoration des crédits serait nécessaire, à tout le moins dans le collectif. Au-delà de ces préoccupations budgétaires, quelques mots sur la mission de contrôle que j'ai conduite comme rapporteur spécial pour évaluer la pertinence de notre dispositif au regard de sa triple mission d'information du Gouvernement, de soutien aux entreprises et de support pour les négociations multilatérales. La Cour des comptes a d'ailleurs enquêté, de son côté, sur le même sujet. Je considère que le ministère du commerce extérieur est bien géré et dispose de collaborateurs motivés et de grande qualité. Cependant, le temps de la réforme est venu. Nous attendons beaucoup de la fusion promise entre les services du Trésor et les postes d'expansion économique ; et on ne peut que s'interroger sur le maintien d'autant de postes d'expansion en Europe. Quant au CFCE, qui a accompli de louables efforts de modernisation, sa pérennité ne peut être assurée que si à côté de sa tâche régalienne d'information, il parvient à apporter, à travers des services facturés, une compétence que les entreprises ne trouvent pas ailleurs. Je terminerai en évoquant votre action dans le cadre multilatéral. Mes deux missions à Genève, auprès de l'OMC, puis à Bruxelles auprès de la Communauté européenne, ont bien mis en lumière la nécessité de disposer d'une cellule de veille capable d'informer le Gouvernement et de préserver les intérêts de la France dans un domaine où la compétence est devenue communautaire. A cet égard, notre dispositif fonctionne de manière satisfaisante, même s'il conviendrait de le renforcer en y adjoignant des juristes compétents en droit commercial et en droit international privés. En conclusion, on pourrait saluer la stabilité du budget du commerce extérieur si elle ne reflétait pas une certaine passivité du Gouvernement. La stabilité des moyens humains permet néanmoins d'assurer l'essentiel des missions. La commission des finances a donc, sur ma proposition adopté les crédits du commerce extérieur pour 2002 et invite l'assemblée à faire de même. En terminant, je voudrais adresser mes remerciements personnels à l'ensemble de vos collaborateurs, qui tout au long de la législature m'ont apporté toutes les informations nécessaires ; cela montre que le sens de l'intérêt général permet le dialogue républicain et le travail en commission. M. Henry Chabert, rapporteur spécial - Très bien. M. Marc Reymann, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour le commerce extérieur - Au moment où la ralentissement économique mondial oblige les gouvernements à revoir leurs prévisions, notre politique en matière d'exportation mérite une attention particulière. Les crédits de fonctionnement du commerce extérieur sont stables grâce à la réforme profonde à laquelle le secrétaire d'Etat a procédé. Mes informations et les services mis à la disposition des entreprises comme des administrations sont remarquables ; les capacités d'analyse des postes d'expansion économique sont excellentes, comme j'ai pu le constater à Varsovie et à Budapest. Malheureusement, notre politique est trop frileuse en matière d'aides aux exportations. On nous explique le fait que la COFACE reverse ses excédents à l'Etat par la sélectivité de la politique des crédits ; mais est-il bien pertinent de prendre de moins en moins de risques ? A ce jeu là, nous serons les derniers dans certaines régions. Alors que les trois quarts des exportations françaises sont réalisés par les grands groupes et que les PME peinent à s'imposer en dehors de l'Union européenne, les efforts budgétaires en faveur des PME stagnent. Les aides au commerce extérieur des contrats Etat-région reculent de 16 % ; les crédits consacrés à l'assurance prospection se réduisent d'année en année. Quelle est la logique de cette politique ? Les potentialités à exploiter sont pourtant considérables en Europe centrale et orientale notamment. En conclusion, je voudrais souligner l'impact que peut avoir l'action culturelle sur le développement des relations commerciales. L'Institut français de Budapest inauguré en 1992, est à cet égard un élément phare. Nous souhaitons que des efforts semblables à ceux qui ont été accomplis en Hongrie soient entrepris dans de nombreuses régions du monde. La commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à ces crédits, de même que votre rapporteur. M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission de la production pour le commerce extérieur - Ce budget diminue de 32 % exprimé en dépenses ordinaires et autorisations de programme, et de 1,8 % exprimé en dépenses ordinaires et crédits de paiement. Je regrette, Monsieur le ministre, que malgré votre volonté personnelle que je tiens à saluer, on ne vous ait pas donné les moyens nécessaires à la politique du commerce extérieur. Ce tassement des crédits est particulièrement regrettable dans un contexte international incertain. Comme le disait Gilles Carrez, il suffirait de quelques millions de francs pour doper certaines actions. Votre budget ne vous permet pas de mesures nouvelles, contrairement aux précédents. L'assurance prospection avait été une très bonne innovation. Je salue les efforts exemplaires accomplis par la DREE pour se réformer, mais je déplore qu'elle ne dispose pas des moyens nécessaires pour mieux accompagner les PME sur les marchés extérieurs. Le CFME-ACTIM, devenu UBIFRANCE, voit ses dotations chuter de 3,75 %, ce qui est plus que regrettable. Or, nous avons beaucoup de retard pour les foires et les salons : selon un tableau émanant de vos services, l'Allemagne y consacre 30 millions de dollars, et le Portugal 6,9 millions - mais la France seulement 4 millions ! La subvention au CFCE progresse, et je m'en félicite, mais j'appelle l'attention sur la nécessité de poursuivre dans cette voie, pour permettre à l'organisme d'achever sa modernisation. Je ne peux me satisfaire, par contre, de la stabilisation des crédits alloués à l'assurance prospection, alors que les besoins augmentent. De même, la dotation du FASEP-garantie est manifestement insuffisante. Sur le plan structurel, la réforme du commerce extérieure demeure inaboutie, faute d'une véritable politique régionale de soutien à l'exportation. Une simplification administrative s'impose, de manière que les entreprises n'aient plus affaire qu'à un seul interlocuteur unique, qui devrait être la chambre de commerce et d'industrie. Je sais votre volonté d'agir, Monsieur le ministre, et je connais les efforts louables de la DREE, mais je sais aussi que le secrétariat d'Etat n'a pas les moyens d'une politique ambitieuse de soutien aux PME. Nos partenaires savent, eux, trouver les quelques dizaines de millions de francs qui vous sont refusés ! En dépit de mes critiques exprimées, la lassitude aidant, avec plus de véhémence que les années précédentes, la commission de la production a émis, elle, un avis favorable à l'adoption des crédits du commerce extérieur pour 2002. J'espère que mes observations auront été néanmoins entendues. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 16 heures. La séance est levée à 12 heures 35. |