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Session ordinaire de 2001-2002 - 31ème jour de séance, 75ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 21 NOVEMBRE 2001

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

Sommaire

      FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2002
      -nouvelle lecture- (suite) 2

      QUESTION PRÉALABLE 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 22

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 22 NOVEMBRE 2001 27

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2002 -nouvelle lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

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QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe UDF une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4 de notre Règlement.

M. Yves Bur - J'ai déjà attiré votre attention en première lecture sur la dégradation du contexte économique. Selon l'OCDE, la croissance française devrait s'établir à 1,6 % en 2002, soit bien en deçà des prévisions béates de Bercy. Seul votre Gouvernement nie les effets du ralentissement de la croissance qui s'est accentué depuis le 11 septembre. Ces hypothèses irréalistes servent le Gouvernement à l'heure des promesses électorales. Comme en 1992, vous affirmez que tout va bien, que la France est un îlot de prospérité dans un monde en récession et que tout ira encore mieux l'an prochain : c'est ainsi que vous appliquez la méthode Coué.

Mme Odette Grzegrzulka - Vous, vous dites que tout va mal. C'est faux !

M. Yves Bur - Or, l'équilibre des comptes sociaux n'a été obtenu que par une croissance qui ne persistera pas. Affirmer que la sécurité sociale se portera encore mieux l'an prochain est donc indécent et montre le chemin qui vous reste à parcourir pour faire preuve de la même transparence que vos amis allemands. Les vieux démons de 1992-1993 se réveillent, préparant aux Français de douloureux lendemains. Qu'importe, pourvu que le bilan soit rose pour les élections !

Nous déplorons que ce débat apparaisse si décalé par rapport à la réalité. Jamais, au grand jamais, un projet de loi de financement de la sécurité sociale n'a été aussi mal préparé, voire bâclé, qu'il s'agisse des hypothèses - incertaines - ou des mesures nouvelles improvisées sous la pression de certaines composantes d'une majorité épuisée...

M. Claude Evin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance maladie et les accidents du travail - Plurielle !

M. Yves Bur - ...et des mouvements sociaux, notamment à l'hôpital public et privé. Ce projet de loi dépourvu de transparence et de crédibilité prépare mal l'avenir. Notre sécurité sociale se retrouve fragilisée alors que le Gouvernement a bénéficié du retour de la croissance : vous en avez dilapidé les fruits afin de masquer votre absence d'ambition et de courage pour engager de vraies réformes.

M. Claude Evin, rapporteur - C'est excessif !

M. Yves Bur - Le déficit de transparence concerne le financement des 35 heures, qui, en dépit des engagements solennels pris par Mme Aubry, a été laissé à la protection sociale, lui coûtant bien plus qu'il ne lui rapporte en cotisations supplémentaires.

Ce choix a été délibéré, au mépris de la parole donnée : le déficit du FOREC sera imputé aux régimes de sécurité sociale à travers des acrobaties financières qui empêcheront la sécurité sociale d'améliorer la couverture des assurés, sur les soins dentaires par exemple, ou d'abonder de façon durable le fonds de réserve des retraites dont les recettes varient au gré des tâtonnements du Gouvernement.

La CNAF est ainsi privée de trois milliards de francs au profit du FSV, lui-même mis à contribution pour équilibrer le FOREC.

L'assurance maladie doit accepter que les taxes sur l'alcool et le tabac, deux grands pourvoyeurs de pathologies désastreuses et coûteuses, financent les 35 heures. Trouver un sens à cette ingénierie financière relève de la mission impossible.

Cela est aussi vrai pour le produit de la taxe sur les véhicules terrestres à moteur, affecté en 2001 à la CMU et qui sera subtilisé pour financer le FOREC.

Vous nous demandez chaque année d'entériner le bouleversement des finances sociales et, pour la première fois, vous proposez de rouvrir les comptes de 2000 pour apurer les conséquences financières de votre refus d'assumer sur le budget de l'Etat, dans la transparence, le coût des 35 heures.

La réduction du temps de travail, réforme phare de la législature, nuit aux comptes sociaux.

La sécurité sociale aura été mise à contribution plusieurs fois : pour assurer l'équilibre du FOREC, malgré l'opposition des partenaires sociaux qui mesurent le mépris que ce Gouvernement porte à la démocratie sociale, qu'il fait semblant de redécouvrir sur le tard ; pour financer la RTT à l'hôpital public, pour près de quatre milliards, sans amélioration des conditions de travail ; pour secourir l'hospitalisation privée, confrontée elle aussi à une profonde détresse alors qu'elle est pour l'essentiel conventionnée.

Pour éviter une fuite des personnels moins bien rémunérés que dans le public, vous avez lâché du lest pour plus de 3 milliards, alors que durant toute la première lecture Madame la ministre a affiché un mépris qui leur a fait mal : l'hospitalisation privée est un partenaire important de notre système de santé, un partenaire respectable que vous ne pouvez rejeter en vous abritant derrière la caricature de quelques cliniques privées appartenant à des groupes financiers.

M. Pierre Morange - Absolument !

M. Yves Bur - La sécurité sociale est mise à contribution pour financer une réforme que vous n'imaginiez pas aussi coûteuse. Si l'on met en plus à sa charge le plan Biotox, soit plus de 1,3 milliard, c'est qu'elle est devenue la bonne à tout faire du Gouvernement !

Manque de transparence, mais aussi manque de crédibilité des comptes. En première lecture, les annonces à coups de milliards avaient entamé leur sincérité. Depuis, vous avez lâché quelques milliards à l'hôpital privé alors que sa demande était ancienne et pouvait être prise en compte dans l'ONDAM.

Face à ces approximations, à cette valse des milliards, quel crédit donner à l'ONDAM, dont nous savions déjà qu'il n'avait même plus de valeur indicative, étant fixé hors de tout réalisme ?

L'improvisation a prévalu pour ce projet de loi. Nous l'avions pressenti dès l'audition de Mme la ministre par la commission. Nous l'avons ressenti depuis à travers la multiplication des annonces de financement censée calmer la tension sociale du monde hospitalier. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises : une fois le projet de loi voté, votre équipe ministérielle s'emploiera sans doute à poursuivre ces annonces, à charge pour d'autres de les financer.

Mme Guigou est coutumière du fait : songez au sort que semble réserver le parti socialiste à sa loi sur la présomption d'innocence.

M. Claude Evin, rapporteur - Quel amalgame !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - C'est facile !

M. Yves Bur - Cet ONDAM irréel et virtuel n'a qu'un seul intérêt : celui de justifier le maintien des sanctions : les lettres-clés flottantes et la gestion administrative des prix du médicament qui pénalise l'innovation et maintient les rentes de situation des médicaments à service médical rendu insuffisant.

Si nous avons tous cru à l'intérêt de sanctions, elles ont démontré leur impuissance à freiner la hausse des dépenses de santé.

Toute votre démarche est empreinte de méfiance envers les professionnels de santé comme avec les partenaires sociaux et l'assurance maladie. Seule l'approche des échéances électorales vous amène à chercher désespérément les clés d'une autre démarche.

Il manque à ce gouvernement une vision pour l'avenir, et aussi le courage de traiter au fond les problèmes qui se posent à notre protection sociale. C'est ainsi que la médecine de ville aura vainement attendu quatre ans et demi un signe pour reprendre confiance, après le choc du plan Juppé. Au lieu de cela, cette majorité n'aura témoigné que mépris et suspicion à l'égard de l'ensemble des professions de santé et ces dernières années n'auront été ponctuées que par des sanctions, comme si ces professions n'étaient pas capables d'une démarche responsable. Face à leur ras-le-bol, vous vous réveillez tardivement et vous présentez des amendements d'esquisse ou d'orientation qui soulignent bien l'impréparation de ce texte, l'improvisation fébrile qui fait à présent office de méthode pour ce gouvernement fragilisé par la concurrence électorale de ses diverses composantes.

Si vous voulez vraiment sortir de l'impasse de l'étatisation rampante évoquée par M. Bacquet et si vous voulez vraiment vous engager dans la voie de la concertation, écoutez d'abord ce que vous disent les partenaires sociaux et les professionnels de santé...

M. Jean-Luc Préel - M. Bacquet est un bon socialiste.

M. Yves Bur - Il faudrait que Mme Guigou apprenne à faire confiance à son ministre de la santé, aux partenaires sociaux et aux professionnels de la santé. Car on ne construit pas de nouvelles relations conventionnelles en dessinant seul les contours d'un nouveau dispositif.

M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAM, pose la vraie question quand il demande si l'on veut rester dans un système reposant sur un financement socialisé et une gestion paritaire ou si l'on entend étatiser le système. Il faut y répondre avant de proposer, dans la précipitation, une nouvelle architecture conventionnelle par le biais d'un nouvel amendement à l'article 10. Sans cette clarification préalable, le processus conventionnel que vous tentez d'engager sera faussé. Vous semblez vraiment considérer les acteurs de la démocratie sociale comme partie négligeable dans ce processus...

Alors que les nouveaux rapports entre l'assurance maladie et l'Etat constituent un élément capital de la nouvelle construction conventionnelle, le Gouvernement s'en tient à une vision très dirigiste de la démocratie sociale et ne laisse aux partenaires sociaux que la portion congrue, dans l'assurance maladie comme d'ailleurs dans les autres branches. L'amendement à l'article 10 subordonne tout accord à l'onction gouvernementale.

Même si la nouvelle architecture a des aspects positifs, en particulier l'accord cadre interprofessionnel, le fait même de l'imposer sans concertation en limite la portée novatrice. Et la CNAM aurait préféré une vraie contractualisation avec des engagements réciproques forts et respectés. Là, qu'est-ce qui prouve aux professions de santé que les engagements qu'elles auront négociés avec la CNAM seront respectés par l'Etat ? Chacun se souvient des coupes brutales imposées par Mme Aubry.

De plus, les professions de santé ont le sentiment de négocier avec le revolver sur la tempe. En effet, si elles ne parviennent pas à un accord conventionnel, elles subiront les sanctions déterminées sur la base d'un ONDAM totalement irréaliste et compte tenu de l'actuel climat de suspicion, il leur semble n'avoir le choix qu'entre une mort brutale et une mort lente.

Toute cette effervescence de la dernière heure masque mal votre absence de vision globale. Pourtant, vous avez eu presque cinq années pour démontrer que votre action s'inscrivait dans une vraie perspective d'avenir. Malheureusement, vous avez sacrifié les fruits de la croissance sur l'autel idéologique des 35 heures et vous avez navigué à vue, sans engager le débat de fond qu'au moins le gouvernement de M. Juppé avait eu le courage d'entreprendre, même si on peut discuter la méthode.

C'est là le reproche principal que nous vous faisons car de ce fait, la situation de l'assurance maladie reste précaire, pour ne pas dire incontrôlable et à la merci du moindre retournement de conjoncture. Vous tablez sur la croissance de la masse salariale pour approcher de l'équilibre des comptes. C'est oublier que de telles données sont volatiles et ne permettent pas d'assurer un équilibre pérenne.

Même improvisation pour les hôpitaux et cliniques, en particulier pour la mise en _uvre de la RTT. L'hospitalisation privée a particulièrement souffert de cette réforme, avec le gel des rémunérations qui a accentué les disparités entre public et privé.

Et alors que les 35 heures ont été annoncées en 1997, le Gouvernement a attendu l'ultime moment pour définir les conditions d'application de la RTT à l'hôpital public. J'imagine les difficultés auxquelles sont confrontés les chefs d'établissement, qui n'ont qu'un mois pour l'organiser alors qu'ils sont déjà confrontés à la pénurie de personnel et que les plus gros établissements comptent quelque 10 000 agents. Il est facile d'annoncer 45 000 nouveaux emplois. Reste ensuite à passer aux travaux pratiques ! Dans un CHU que je connais bien, la mise en place de la RTT exigerait au moins 750 postes : il n'en recevra que 300 pour les trois prochaines années. C'est dire que, pour une grande part du personnel hospitalier, les 35 heures resteront virtuelles. Par ailleurs, il est probable que la mise en place de la RTT accélérera les restructurations et que celles-ci conduiront hélas souvent à une diminution du nombre de sites assurant la permanence des soins.

Cette politique de gribouille se traduira, quel que soit le dévouement des personnels soignants, par une altération de la qualité des soins et de l'accueil. Ce gouvernement en sera comptable. Les conflits à répétition - après les cliniques, les internes - risquent de devenir le lot quotidien des Français, qui se demandent comment notre système hospitalier peut encore bien soigner.

Je voudrais aussi évoquer l'inquiétude des associations d'aide à domicile, auxquelles l'application de la RTT pose aussi des problèmes insolubles. L'UNASSAD avait demandé qu'après trois ans et demi de blocage, les salaires soient revalorisés de 11,43 %. Le Gouvernement n'a pas cru nécessaire, lors du congrès de Clermont-Ferrand, de leur apporter une réponse claire et définitive, se contentant de vagues promesses. Ce personnel assure pourtant une difficile mission auprès de nos aînés et attend une juste reconnaissance de son dévouement. Une grande association de mon département a été tellement déçue par ce congrès qu'elle a annulé le rassemblement prévu pour son quarantième anniversaire.

Absence de perspectives claires pour la médecine de ville, gestion au fil des conflits du système hospitalier : voilà comment on peut résumer votre bilan.

Ce manque de courage saute aux yeux, s'agissant des retraites. Le problème n'est certes pas seulement français, mais la France socialiste est le seul pays à n'avoir rien entrepris pour atténuer le choc du papy boom. Encore pouvons-nous nous réjouir qu'en 1994, le gouvernement de M. Balladur ait eu le courage d'anticiper l'évolution des régimes de retraites des salariés, sans quoi la situation serait aujourd'hui explosive.

Le grand courage de votre gouvernement a été de multiplier les rapports, de créer une commission pour analyser ces rapports et de mettre en place un fonds de réserve dont les recettes restent aléatoires. Elles sont suspendues aux « solutions astucieuses » évoquées par Mme Royal au Sénat pour le financement des 35 heures, comme si les choix astucieux avaient jamais remplacé le courage en politique. Aujourd'hui ce fonds n'a toujours pas de recettes pérennes, une partie d'entre elles ayant été détournées vers le FOREC et une autre s'étant volatilisée dans les rêves de jackpot financier des UMTS : M. Fabius avait vendu la peau de l'ours... Dès lors, à cause de ce manque de courage, de cette peur d'être désagréable aux Français, le problème des retraites reste entier.

Pourtant nous savons bien qu'on ne peut abaisser le niveau des pensions, ni augmenter celui des cotisations, déjà dissuasif pour l'emploi. Il faut donc bien analyser les conditions d'un allongement de la durée de cotisation, qui aille de pair avec un regard nouveau sur l'emploi des salariés de plus de 55 ans. C'est ainsi tout le dispositif de sortie de la vie active qui doit être repensé pour rendre crédible une telle mesure. Cela suppose par exemple d'adapter les postes au sein des entreprises, de poursuivre les efforts de formation et de permettre aux salariés d'augmenter le niveau des pensions tout en laissant à chacun la liberté de choisir le moment du départ à la retraite.

Nous savons aussi qu'il faudra rétablir l'équité entre les salariés du privé et les agents de la fonction publique car le fossé des inégalités n'est plus compréhensible par les Français.

De même, nous savons tous qu'il faudra, au-delà du fonds de capitalisation collectif que représente le Fonds de réserve des retraites, encourager l'épargne individuelle en vue de compléter les revenus tirés des régimes par répartition, lesquels, nous le disons haut et fort, doivent rester les pièces maîtresses de notre système de retraite. Pourquoi ces choix sont-ils acceptés par les Allemands avec un gouvernement socialiste, et ne pourraient-ils l'être par les Français ? Pourquoi les salariés du secteur privé ne pourraient-ils bénéficier des mêmes avantages dans ce domaine que les fonctionnaires ? Je ne comprends pas qu'une majorité qui prône les valeurs d'égalité et d'uniformité laisse perdurer une telle inégalité !

Il est d'ailleurs intéressant de noter que la Préfon, gérée par les syndicats de la fonction publique, vante sans vergogne les vertus de la retraite par capitalisation. Ils affirment que c'est un « choix naturel ». On lit dans leur document promotionnel que, « créée spécifiquement pour les fonctionnaires, Préfon-retraite vous apporte la sécurité de la capitalisation, la souplesse d'un complément sur mesure, la déduction fiscale intégrale »... Dès lors, si un tel fonds est reconnu intéressant pour les fonctionnaires, pourquoi en priver l'ensemble des salariés ? D'autant que ce régime a augmenté ses rentes entre 1990 et 2000 de 69,4 % alors que les prix n'ont progressé que de 20 %, la retraite des fonctionnaires de 18 % et les rentes des régimes complémentaires ARRCO-AGIRC de 8 à 10 %. Vous le voyez, face au péril démographique, des solutions existent, reconnues par tous les experts, mises en _uvre par de nombreux pays européens. II ne vous manquait que le courage : à cause de cela, la France aura perdu cinq ans pour mettre en route les mesures adaptées pour régler ce grave problème, que même le plein emploi ne résoudra pas à lui seul.

Vous comprendrez donc, Madame la Ministre, que les réponses apportées par le Gouvernement à travers ce dernier PLFSS de la législature ne sont pas à la hauteur des enjeux. L'avenir ne se prépare pas à coup de mesures opportunistes, mais par une politique globale qui exige volonté et persévérance. Nous ne trouvons trace dans ce projet ni de volonté, ni de courage ; peut être de la persévérance, celle de ne pas se montrer à la hauteur d'un monde qui change. C'est pourquoi je vous propose de voter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l'équilibre général - Je comptais appeler simplement au rejet de la question préalable. Mais à force d'entendre seriner les mêmes propos sur la Préfon, je souhaite y revenir. Je suis originaire de la fonction publique, mais je ne suis pas adhérent de la Préfon ; tout le monde ne peut pas en dire autant sur les bancs de l'opposition. Pour autant je rappelle que les fonctionnaires, contrairement aux salariés du secteur privé, ne bénéficient pas de dispositifs financés par leur employeur, comme l'épargne salariale, la participation, et pour certains les stock options. Les salariés du privé ont donc accès à des formes d'épargne qu'ils peuvent utiliser pour préparer leur retraite. Les salariés du public, non. La Préfon est un avantage des fonctionnaires dans lequel l'employeur n'intervient pas en abondant les cotisations, mais par le biais de la déduction fiscale.

Sur ce thème comme sur d'autres, les motions de procédure vous permettent de multiplier les affirmations gratuites. M. Bur s'est posé en donneur de leçons de la démocratie sociale. C'est l'hôpital qui se moque de la charité ! En matière de démocratie sociale, si l'on se rappelle l'élaboration du plan Juppé et les centaines de milliers de Français qu'il a mis dans la rue, on se dit qu'assurément vous êtes qualifiés pour donner aujourd'hui des leçons... Les motions de procédure ne sont pas utilisées pour les fins que leur assigne notre Règlement : elles vous servent à vous exprimer, ce qui est bien, et à répéter inlassablement les mêmes choses. Il ne me semble donc pas nécessaire, à ce stade, de vous répondre en détail, ce qui a été fait en première lecture. Je demande le rejet de la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - L'UDF votera bien entendu la question préalable. Je me souviens de l'époque où vos amis étaient dans l'opposition, Monsieur Recours : alors MM. Bartolone et Dray, notamment, ferraillaient durant des heures, utilisant toues les ressources de la procédure. C'est la règle du jeu démocratique, et peut-être dans quelques mois y aurez-vous à nouveau recours.

Yves Bur a présenté avec précision les difficultés de ce projet de loi. Il a démontré l'insincérité des comptes, les recettes étant surévaluées et les dépenses sous-évaluées. Chacun reconnaît les problèmes qui se posent aujourd'hui dans tous les secteurs de la santé. En première lecture nous n'avons pu obtenir de réponses sur le problème des hôpitaux, dont l'activité s'accroît, non plus que sur les cliniques. Sur ces dernières pourtant la négociation se développait par ailleurs. Où est la démocratie dans ce pays ? Le Parlement a-t-il encore un rôle ? Le Gouvernement tient-il encore les parlementaires pour les représentants de la nation ?

Le malaise est aujourd'hui profond chez les médecins. Nous n'avons pas eu de réponse sur la revalorisation des consultations infirmières et des frais de déplacement. Les médecins libéraux font la grève des gardes de nuit. Ils envisagent celle des week-ends et des jours fériés, ce qui poserait de graves problèmes. Les infirmières aussi feront grève prochainement. Peut-être alors Mme la ministre sera-t-elle disposée à leur faire des concessions... Mais ce n'est pas là une bonne politique. Mieux vaudrait voir à l'avance les problèmes, et les solutions possibles. Ce n'a pas été le cas pour les cliniques ; j'ai peur que ce ne le soit pas non plus pour les médecins et les infirmières.

Pour les retraites, vous n'avez prévu aucune mesure pour faire face au papy boom. Le Conseil d'orientation des retraites fera des propositions dans quelques jours : vous n'aurez sans doute pas le temps de les mettre en _uvre, et c'est regrettable. Je veux par ailleurs rassurer M. Recours : aucun des membres présents de l'opposition ne bénéficie plus que lui de la Préfon, et je ne vois donc pas à quoi il faisait allusion. Enfin, dans la branche famille, les excédents n'ont pas servi à accroître les prestations. Pour toutes ces raisons le groupe UDF votera la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. François Goulard - Le groupe DL votera évidemment la question préalable très bien défendue par M. Bur. Je ne reviendrai pas sur nos raisons de le faire, tant il est vrai que ces débats de deuxième lecture sont toujours partiellement redondants. Mais il y a des vérités qui, dites et redites, continuent de blesser, et nous le constatons ce soir avec les propos de M. Recours, qui a atteint des sommets de jésuitisme. Il a voulu justifier la différence frappante de traitement entre les fonctionnaires et tous les autres salariés en disant que ceux du privé bénéficiaient de certains avantages particuliers en matière de retraite. Et il est vrai que ces avantages existent dans certaines entreprises - notamment les plus grandes - et que certains salariés - en général les mieux rémunérés - bénéficient de l'épargne salariale. Je ne savais d'ailleurs pas que l'épargne salariale était, aux yeux de la majorité, un outil de préparation de la retraite...

Toujours est-il que seule une petite minorité de salariés bénéficie d'apports significatifs, et que l'immense majorité n'ont pour toute retraite que la pension du régime général et la pension complémentaire légale. Nous ne faisons que demander la plus élémentaire justice, c'est-à-dire la possibilité pour chacun de préparer sa retraite en se constituant un complément par capitalisation, l'Etat apportant son aide sous forme de défiscalisation. Vous vous y opposez pour des raisons idéologiques, car vous refusez la capitalisation, que vous accordez cependant aux catégories que vous avez toujours outrageusement privilégiées. Ayant été fonctionnaire, j'aurais pu bénéficier de la Préfon, mais l'injustice et l'inégalité, ça m'éc_ure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe RPR ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

    Mme Jacqueline Fraysse - La droite sénatoriale a naturellement modifié ce projet sur des points essentiels, dans une belle convergence, qui ne surprendra personne, avec les projets du MEDEF. Elle persiste en premier lieu dans son hostilité aux 35 heures, dont elle conteste le financement, effectivement contestable, par la sécurité sociale, ce qui lui fait supprimer les affectations de ressources au FOREC, mais non les exonérations accordées aux employeurs. Ce qu'elle ne dit pas, en revanche, c'est comment elle entend les financer et quelles dépenses elle veut réduire.

    La droite cherche à brouiller les pistes en alternant les attitudes démagogiques et les actes qui révèlent son vrai visage : ainsi de notre amendement permettant aux salariés qui ont cotisé quarante ans de prendre leur retraite à taux plein avant soixante ans, qui a été voté à l'unanimité en commission, avant d'être jugé irrecevable et remplacé en première lecture par une disposition de portée plus limitée, prolongeant l'allocation d'attente servie aux chômeurs ou érémistes, disposition ensuite supprimée par la majorité de droite du Sénat ! Nous avons évidemment redéposé notre amendement, en espérant que le Gouvernement en lèvera le gage afin qu'il puisse être mis en discussion. Si chacun met ses discours en harmonie avec ses actes, je ne doute pas qu'il sera adopté...

    Sur les retraites toujours, la droite réaffirme son attachement aux fonds de pension, pourtant largement responsables des plans de licenciement et des fermetures d'entreprises qui secouent tant l'opinion. Elle regrette, par la voix du rapporteur du Sénat pour l'assurance vieillesse, la revalorisation excessive des pensions, quand bien même celles-ci ont perdu de leur pouvoir d'achat du fait de la loi Balladur supprimant leur indexation sur les salaires et modifiant la durée de référence pour leur calcul.

    Dans le domaine de la politique familiale, la droite ne propose pas davantage d'améliorations, et si elle se dit en accord avec notre proposition de verser les allocations familiales dès le premier enfant, elle n'en vote pas moins contre.

    S'agissant enfin de l'assurance maladie, on comprend bien que la droite s'inquiète de ce qu'elle appelle la dérive des dépenses de santé, et qui l'avait amenée à adopter le plan Juppé. C'est la même logique qui lui fait aujourd'hui rêver, tout comme le MEDEF, de privatiser la sécurité sociale. Décidément, la protection sociale à la française, qui permet à chacun, cadre ou femme de ménage, chômeur ou salarié, ajusteur ou avocat, d'accéder aux mêmes soins dans des services hospitaliers de qualité, n'est pas de leur goût ! Dans le système que veulent la droite et le MEDEF, le niveau et la qualité des soins seraient fonction de la cotisation que l'on pourrait s'offrir dans le cadre d'une assurance privée. On ne peut laisser sans réaction ces attaques gravissimes contre le droit de chacun à recevoir les soins que permettent les connaissances médicales et scientifiques actuelles (Interruptions sur les bancs du groupe DL).

    C'est pourquoi nous insistons tant pour que soit rendue aux assurés sociaux la gestion de la sécurité sociale, et rétablie l'élection des administrateurs des caisses. Le Gouvernement avait pris, l'an passé, l'engagement d'organiser une concertation avec les organisations syndicales. Où en est-elle ?

    Pour les mêmes raisons, nous avons été choqués, comme beaucoup de nos concitoyens, de la précipitation avec laquelle le Gouvernement a accordé 3 milliards, dont 1,7 en une seule journée, aux patrons des cliniques privées, qui s'étaient mis en grève sous couvert de défendre leurs infirmières, moins payées que dans le public. Nous sommes sensibles à leur soudaine préoccupation, mais qui nous garantit que l'argent ira bien aux infirmières et aux autres catégories sous-payées ? Nous avons bien noté que des conditions de transparence ont été posées, mais pourra-t-on s'assurer qu'elles sont bien respectées ?

    L'annonce du plan d'aide aux cliniques privées, qui a surpris ses bénéficiaires eux-mêmes par sa rapidité et son ampleur, a été reçue comme un camouflet par les salariés des usines condamnées à fermer et a heurté les personnels des hôpitaux publics, qui luttent depuis des mois et des mois pour préserver leurs conditions de travail, la qualité des soins et la sécurité des patients. Qu'ont-ils obtenu en effet, pendant tout ce temps ? Le protocole de mars 2000 prévoyait 2 milliards de francs par an pendant trois ans pour le remplacement des personnels, mais les 2 milliards de 2001 viennent seulement d'être inscrits au collectif, de sorte que les établissements ont été obligés, en attendant, soit d'emprunter, soit de renoncer à remplacer les absents, et les 2 milliards de 2002 ne figurent pas dans la loi de finances initiale.

    Nous avons également obtenu, non sans peine, des moyens supplémentaires ces dernières semaines. Sur les 2 milliards de francs de mesures dites « nouvelles » financées par la sécurité sociale - sans qu'aucune recette supplémentaire soit créée, mais tant mieux, après tout, si la conjoncture le permet ! - la moitié viendrait abonder les dotations des hôpitaux, qui malgré cela n'atteindront pas les 3,6 % d'augmentation annoncés, et l'autre le fonds de modernisation des établissements de santé. Un troisième milliard, versé par l'Etat, irait au FIMHO, mais la dotation de celui-ci avait été préalablement rognée de 200 millions sous le fallacieux prétexte que tel serait le montant des sommes non dépensées au cours de l'exercice précédent : 200 millions économisés en 2001 malgré l'immensité des besoins non satisfaits, et 200 millions ôtés en 2002, voilà qui amoindrit singulièrement le fameux milliard promis. Et encore ne s'agit-il que d'autorisations de programme, les crédits de paiement étant augmentés de 100 millions pris sur les crédits du RMI !

    Ces choix comme ces procédés sont surprenants et regrettables de la part d'un gouvernement de gauche qui dit vouloir lutter contre l'exclusion et les inégalités ; ils sont d'autant plus incompréhensibles que l'impôt sur les sociétés est simultanément allégé de plus de 9 milliards de francs. Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que le doute s'installe, quand ce n'est pas, chez certains, la colère. De même, la réforme promise de l'assiette des cotisations patronales n'a jamais vu le jour, malgré toutes les pistes de réflexion et de travail ouvertes par notre groupe pour élargir le financement de la sécurité sociale et le rendre plus juste.

Quant à la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière, non content de signer un accord ultra-minoritaire, le Gouvernement a refusé d'associer l'ensemble des organisations syndicales au comité de suivi, ce qui serait pourtant la moindre des choses. Ce comportement, qui ne peut que cristalliser les conflits, est dangereux pour toute la gauche, et s'obstiner à ne pas écouter ce que disent les médecins, les personnels de santé, les gestionnaires d'établissements, est une faute. Il faut se rendre à l'évidence : dans de très nombreux cas, le retard accumulé est tel que le nombre de postes supplémentaires prévus dans le cadre de la réduction du temps de travail est inférieur à ceux qui manquent déjà : 130 au lieu de 500 à l'hôpital Nord de Marseille, 500 sur 1 000 au CHU de Bordeaux, 380 pour tout le département de l'Hérault au lieu de 450 pour le seul CHU de Montpellier. En de nombreux endroits, donc, l'application de 35 heures entraînera des fermetures de services.

Comment voulez-vous, dans ces conditions, redonner confiance aux hospitaliers et à tous ceux qui aspirent à plus d'équité et à l'accès au progrès pour tous ?

Quel message allons-nous transmettre ? Si, aujourd'hui, nous nous permettons ces propos sévères, c'est parce que nous poursuivons les mêmes objectifs : le droit aux soins pour tous, la réduction du temps de travail, l'emploi, la solidarité et la lutte contre les exclusions. Cela implique responsabilité, cohérence, et franchise aussi. C'est pour cela que nous vous disons qu'à l'hôpital, çà ne va pas, çà ne va pas du tout. Nous prenons acte des avancées obtenues, mais elles sont encore loin des attentes et des besoins (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Patrick Delnatte - A l'occasion de cette nouvelle lecture, je souhaiterais évoquer la branche famille, dans laquelle le Gouvernement se livre à de funestes man_uvres financières.

Les quelques mesures emblématiques qu'il agite, tel le congé de paternité, qui n'est qu'un rattrapage par rapport à nos voisins européens, ou la rallonge au Fonds d'investissement pour la petite enfance ne servent en effet qu'à dissimuler l'essentiel : le détournement de quelque 14 milliards de francs de la branche famille.

La famille étant loin d'être une priorité pour lui, le Gouvernement ponctionne en effet cette branche de 5 milliards pour le fonds de réserve des retraites, de 3 milliards pour le financement des 35 heures, via le FOREC, et de 6 milliards pour les majorations de pension pour enfant. Ces 6 milliards sont une nouvelle charge indue pour la CNAF, car le supplément de retraite des familles nombreuses est incontestablement une prestation vieillesse qui aurait dû demeurer à la charge du fonds de solidarité vieillesse, si seulement vous ne l'aviez pas lui-même siphonné au profit du FOREC. Il s'agit en effet de prendre acte du fait que les familles qui élèvent des enfants ont plus de difficultés que les autres à se constituer un patrimoine.

A terme, le coût global de ces majorations est évalué à quelque 40 milliards de francs.

Rappelons pourtant qu'en matière de charges indues, la branche famille supporte déjà la gestion de l'allocation adulte handicapé et du RMI.

Ce n'est pas la première fois que ce Gouvernement organise l'assèchement des excédents de la branche famille. En 2000, il avait déjà détourné 2,8 milliards pour les 35 heures et 3 milliards pour le fonds de réserve des retraites. En 2001, 7,1 milliards ont été ponctionnés au profit indirect des 35 heures, via le Fonds de solidarité vieillesse, qui avait lui-même perdu des recettes au profit du FOREC. Mais les 14 milliards de 2002 ont valu à ce texte d'être présenté comme une « agression contre les familles » par le président de l'Union nationale des associations familiales, M. Hubert Brin.

Le Gouvernement prend allègrement les excédents de la branche famille pour une variable d'ajustement des retraites et des 35 heures, en contradiction complète avec la loi de 1994 qui avait instauré l'autonomie des branches.

Face à une réalité si affligeante, rêvons un peu.

Imaginons que, fidèle à toutes ses belles paroles, la gauche décide finalement de renoncer à siphonner les excédents de cette branche.

Elle pourrait s'en servir, par exemple, pour baisser les cotisations. Mais même en rêve, il est difficile d'imaginer qu'une telle idée puisse effleurer un responsable de la majorité plurielle.

D'autres utilisations ont toutefois été évoquées lors de la première lecture, dont l'intérêt est évident à l'heure où la France enregistre un renouveau démographique.

Les sénateurs communistes ont, par exemple, proposé l'extension des allocations familiales dès le premier enfant. Le nombre des ménages ayant un seul enfant a en effet fortement augmenté. Cette proposition traditionnelle du groupe communiste a été chaque année rejetée compte tenu de son coût : 14 milliards de francs. Mais pour 2002, cette objection tombe, puisqu'il s'agit précisément de la somme qui est prélevée sur la branche famille ! On peut donc comprendre l'amertume des familles.

D'autres propositions n'ont pas cette ampleur. Celle par exemple de Bernard Accoyer, à laquelle vous n'avez pas apporté de réponse, vise à augmenter les indemnités journalières servies aux femmes enceintes en arrêt de travail pour pathologie au cours de la grossesse ou à la suite de l'accouchement. D'ailleurs, pour le bien de la mère, comme pour celui de l'enfant, ne faudrait-il pas envisager de prolonger le congé de maternité, comme cela se fait dans d'autres pays ?

Le Gouvernement a disposé de façon discrétionnaire et unilatérale des finances de la branche sans jamais tenir compte du point de vue du mouvement familial. Celui-ci n'a pas pour vocation d'être systématiquement mis devant le fait accompli. Aussi est-il salutaire que le texte, tel qu'il résulte de l'examen du Sénat, se préoccupe de rendre la parole aux partenaires familiaux.

Un amendement a en effet donné au conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales la faculté de se prononcer sur l'utilisation des excédents éventuels de la branche famille.

La Haute Assemblée a bien évidemment adopté les quelques mesures par lesquelles le Gouvernement pensait faire avaler la pilule du détournement : la création d'un congé de paternité, son financement et la suppression du délai de carence pour le bénéfice de l'allocation de présence parentale.

Mais nous souhaitons que les excédents soient eux aussi utilisés pour relancer une politique familiale volontariste. Il est notamment nécessaire de rétablir les plafonds du quotient familial et de l'AGED, de créer une allocation de libre choix de garde pour que les familles concilient vie professionnelle et vie familiale, de mettre en place un compte épargne temps famille et de s'atteler à la reconnaissance du rôle des grands-parents.

Ce texte en est très loin, et le groupe RPR ne pourra donc lui apporter ses suffrages (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Pascal Terrasse - La présence de tous les courageux qui sont ici ce soir alors que nos collègues maires festoient dans la capitale montre combien les lois de financement de la sécurité sociale sont importantes : elles pèsent en effet plus lourd que le budget de l'Etat lui-même.

Le projet que nous examinons aujourd'hui est dense. Il permet de pérenniser une politique sociale qui, depuis 1997, a fait ses preuves : que ce soit dans les domaines de l'emploi, de la lutte contre le chômage ou de l'assurance maladie, elle a permis à la sécurité sociale de bénéficier d'un financement stable et durable. Le régime général s'équilibre par exemple depuis 1999.

Je souhaiterais revenir sur l'amendement créant l'allocation équivalent retraite, pour les demandeurs d'emploi ayant acquis 40 annuités avant l'âge de 60 ans. Les personnes pourront bénéficier d'un minimum garanti d'au moins 5 750 francs, sous une condition de ressources de 13 000 francs par couple. En comparaison, un retraité qui a été rémunéré au SMIC pendant ses 40 ans de cotisation touche au total, retraite complémentaire comprise, environ 4 400 francs.

Mais cette mesure s'insère dans un débat plus large : celui de la retraite dès quarante annuités, quel que soit l'âge.

Il paraît difficile d'être opposé à cette idée, mais pour ma part, je ne souhaite pas qu'une telle réforme soit réalisée par un simple amendement. Chacun a conscience de l'épuisement que peuvent ressentir ceux qui travaillent depuis l'âge de 14 ou 16 ans, mais il faut éviter toute précipitation.

Le Conseil d'orientation des retraites a mené la réflexion, en partenariat avec le Gouvernement, les partenaires sociaux et les représentants des régimes. Il remettra son rapport au Premier ministre le 6 décembre. Il paraît sage d'attendre ses analyses avant d'adopter une quelconque mesure, d'autant que la situation a évolué dans un sens favorable. En 1997, le déficit du régime général ne permettait même pas d'envisager cette réforme. C'est dire le chemin parcouru.

Mais compte tenu de son coût, estimé à 50 milliards, et des aménagements considérables nécessaires, « les 40 annuités » ne peuvent être mises en place de manière bâclée.

En outre, l'allocation équivalent retraite est un premier pas important. Elle s'adresse aux populations fragilisées, et notamment aux chômeurs de longue durée. En 1999, le taux d'emploi pour les 55-64 ans s'élevait à 34 %. C'est dire combien une prise en charge spécifique s'imposait. L'AER concerne essentiellement le secteur de l'industrie, fortement touché par la crise et où les chances de conserver son emploi après 50 ans sont moins élevées qu'ailleurs. Ayant commencé à travailler jeune, les salariés de l'industrie ont souvent plus de 40 ans de cotisations avant 60 ans. La nouvelle allocation est également supérieure à l'allocation spécifique d'attente.

En première lecture, vous affirmiez que pour garantir les retraites il sera nécessaire de formaliser le taux de remplacement. Actuellement le taux de remplacement brut est de 55 % à 70 % pour les salariés du secteur privé. Selon le COR, il sera de 45 % à 57 % en 2040 si les règles actuelles sont toujours en vigueur. Certes, la conjoncture, la démographie, l'évolution des salaires peuvent modifier la situation. Mais nous avons le devoir de garantir la dignité de ceux qui ont travaillé toute leur vie, et donc un montant minimum des pensions de retraite. Le fonds de réserve permettra de financer en grande partie la baisse du taux de remplacement, sa dotation finale étant désormais assurée.

Par un même souci de dignité, il faut permettre aux personnes âgées de conserver leur place dans notre société. Je me réjouis de la parution rapide des décrets d'application de la loi du 20 juillet 2001, fruits de la concertation entre les parlementaires et le Gouvernement, qui permettra de mettre en _uvre l'allocation personnalisée d'autonomie, égalitaire et universelle, au 1er janvier 2002, comme vous vous y étiez engagée. Prochainement une loi rénovera l'action sociale et médico-sociale, et enfin, le Gouvernement consacre 200 millions d'euros à la prise en charge des autistes et des polyhandicapés. La volonté de réforme du secteur médico-social était ambitieuse, les promesses sont tenues pour l'essentiel.

Jamais un Gouvernement n'a fait autant pour le maintien des personnes âgées à domicile. Pour qu'il ait lieu dans de bonnes conditions, il faut aussi améliorer les conditions de travail, les revenus des salariés et la professionnalisation des associations prestataires de services. L'APA répond pour l'essentiel aux demandes des associations. D'autres mesures sont annoncées : l'augmentation du taux horaire facilitera le passage aux 35 heures ; en complément nous avons déposé en première lecture un amendement allégeant les coûts pour les associations prestataires.

Quant à l'APA pour les personnes en établissement, elle est complétée par une réforme de la tarification. Les services déconcentrés de l'Etat ont été dotés de 1,2 milliard de francs par an pour l'appliquer. Mais ils ont adopté une logique purement arithmétique très contraignante pour les établissements. Comment valoriser le travail d'un médecin coordinateur lorsqu'il perçoit une vacation de moins de 80 francs de l'heure charges comprises ?

M. François Goulard - C'est très vrai.

M. Pascal Terrasse - Il est nécessaire d'augmenter le montant des vacations, de modifier le statut des pharmacies à usage interne, de valider les acquis professionnels, de mieux coordonner les soins infirmiers.

Enfin, j'insiste sur la nécessité d'inscrire la maladie d'Alzheimer sur la liste des maladies de longue durée prise en charge par la sécurité sociale, c'est-à-dire à l'article D 322-1 du code de la sécurité sociale. Je sais que M. Kouchner et vous-même êtes sensibles à cette question.

Ce projet montre que le Gouvernement est déterminé à satisfaire les besoins sociaux essentiels des Français. L'excédent persistant pour 2002 confirme le retour à l'équilibre des comptes sociaux et le bien-fondé des réformes menées depuis quatre ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - Les sénateurs, dans leur sagesse, ont grandement amélioré ce projet. Ils ont revu le financement du FOREC et restitué 30 milliards à l'assurance maladie, rappelant à l'Etat qu'il doit financer lui-même les exonérations qu'il décide. Ils se sont interrogés sur l'application des 35 heures dans les hôpitaux, ont supprimé les sanctions collectives appliquées aux médecins, apporté d'autres améliorations encore.

Le groupe UDF serait heureux d'adopter leur texte. Mais la CMP ayant échoué, la commission nous propose de revenir au texte voté par l'Assemblée. Nous ne pouvons que reprendre nos critiques contre un tel texte qui ne prépare pas l'avenir et ne répond nullement aux attentes.

En premier lieu, ces comptes ne sont pas sincères. Les recettes sont surestimées, fondées sur des hypothèses de croissance de 2,5 % et d'augmentation de la masse salariale de 5 %, alors que l'OCDE et le FMI prévoient une croissance entre 1,3 % et 1,6 %. N'ayant pas profité de la croissance pour réaliser les réformes de fond, - faute dramatique - le gouvernement Jospin, telle la cigale, se trouve aujourd'hui bien dépourvu. Il n'en affiche pas moins un optimisme bat.

Or l'équilibre sera d'autant moins atteint que les dépenses sont sous-évaluées, sinon pour les branches famille et vieillesse, du moins pour la branche maladie. Il est en effet irréaliste de proposer un ONDAM à 3 % pour les dépenses de médicament, alors qu'elles augmentent de 6 à 7 % dans les autres pays.

En second lieu, le FOREC n'est toujours pas opérationnel. Ce fonds spécial financera les exonérations des cotisations patronales que l'Etat devrait prendre en charge sur son propre budget. L'UDF vous reproche d'avoir annulé la dette du FOREC pour 2000 et d'imputer la perte correspondante aux régimes de sécurité sociale en rouvrant des comptes déjà clos et approuvés, au mépris de tous les principes comptables. Vous avez affirmé avoir agi ainsi à la demande de la Cour des comptes. Au contraire, elle demande que ces sommes soient réaffectées dans les comptes du FOREC pour 2001.

Par ailleurs, notre groupe considère que le détournement du produit des taxes sur les alcools et le tabac est inadmissible. Elle doivent financer la prévention de deux fléaux qui font chacun 60 000 morts par an. Alfred Recours fait valoir que ce produit reste finalement affecté à l'assurance maladie, puisqu'il s'agit de compenser les exonérations de cotisations. Argument intelligent, mais fallacieux : si l'Etat n'avait pas décidé les 35 heures, il n'aurait pas eu à opérer ce détournement qui a motivé le départ du MEDEF et le vote négatif du conseil d'administration de la CNAM. Encore une fois, c'était à l'Etat de financer lui-même les conséquences de ses décisions, laissant à l'assurance maladie les moyens de développer la prévention.

En troisième lieu, nous critiquons le fait que vous ayez manqué l'occasion de répondre aux besoins de notre système de santé qui est reconnu comme le meilleur du monde, mais est néanmoins au bord de l'explosion. En effet, vous n'avez ni clarifié les responsabilités, ni répondu aux questions posées et vous avez fixé l'ONDAM, si l'on ose dire « au pifomètre » et de façon irréaliste. Pour 2001, les dépenses ont été supérieures de 17 milliards à ce que prévoyait l'ONDAM. Pour 2002, le déficit prévu de 13 milliards sera certainement dépassé.

D'abord, les responsabilités ne sont pas clarifiées. La réforme de 1996 prévoyait la contractualisation du système de santé. En réalité son étatisation est presque complète, le Gouvernement étant responsable des hôpitaux, des cliniques, du médicament, d'une large part de la médecine ambulatoire. Le ministre répartit les enveloppes, y compris au niveau régional, selon des critères qui n'ont rien de transparent.

L'objectif de dépenses déléguées n'a été déterminé que le 1er avril 2001. N'est-ce pas nier le rôle de la CNAM ? Allez-vous arbitrer le conflit entre le conseil d'administration de la caisse et son directeur au sujet de la revalorisation des actes des kinésithérapeutes ? La loi de modernisation de la santé devait clarifier les rôles respectifs de l'Etat, du Parlement, des caisses, des professionnels. Elle ne sera jamais votée.

L'UDF s'est prononcée clairement pour une régionalisation des politiques de santé, l'Etat demeurant garant de l'équité et de la définition des priorités de santé publique.

En second lieu, vous ne répondez pas aux questions posées.

Le Parlement est-il pour vous le lieu de la concertation et du contrôle de l'exécutif ou ne s'agit-il pour vous que d'un mauvais moment à passer ? Je vous ai interrogée à plusieurs reprises en première lecture sur le budget des hôpitaux et la prise en compte de l'activité réelle, la revalorisation des actes médicaux et infirmiers et les cliniques. Nous n'avons pas eu le début de l'amorce d'une réponse.

M. Claude Evin, rapporteur - Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Luc Préel - Les cliniques, dont j'ai rappelé le rôle essentiel en chirurgie, obstétrique et cancérologie, sont ignorées par le rapport annexé, et mon amendement explicitant leur rôle a été rejeté. De nombreux établissements connaissent une rentabilité quasi-nulle et une pénurie de personnel. Alors que leur grève menaçait de se durcir, vous n'avez fait aucune ouverture, et n'avez pas répondu aux vraies questions qui étaient posées. Vous avez préféré aller à l'affrontement et leur proposer 1,7 milliard. A quoi sert le Parlement ?

Vous refusez de même de prendre en compte l'activité des hôpitaux et de satisfaire la demande de rebasage de la FHF et des directeurs. Les hôpitaux dont l'activité augmente sont pourtant étranglés par la hausse des prix des médicaments et des prothèses. Le rebasage s'impose donc si l'on veut maintenir la qualité des soins et éviter la sélection des patients ou le licenciement de personnels.

Les 35 heures, mesure phare du Gouvernement depuis quatre ans et demi, sont imposées aux entreprises au 1er janvier 2002. Quid des hôpitaux, qui souffrent d'une pénurie en infirmières et pour certaines spécialités ? Les 12 000 postes à créer dans l'année 2002 seront-ils pourvus et financés ? Le compte épargne-temps tient plus de la rustine que de la véritable solution.

Vous avez annoncé un complément de 3,9 milliards pour les hôpitaux, mais si l'on prend en compte le solde du FMES, l'effort se limite à 2,9 milliards. L'abondement des dotations hospitalières aurait été préférable à celui des fonds.

Alors que Martine Aubry voulait renouer des relations de confiance avec les professionnels de la médecine de ville, ceux-ci sont aujourd'hui las de jouer les boucs émissaires. Ils s'inquiètent de la démographie, ont soif de reconnaissance. Ils demandent la suppression des sanctions collectives et des lettres-clés flottantes et la revalorisation des actes. S'agissant de cette dernière, je n'ai obtenu aucune réponse.

Les médecins ont entamé une grève des gardes de nuit et envisagent une grève des week-ends. Allez-vous les entendre, tout comme les infirmières qui menacent de les suivre ?

En première lecture, vous avez présenté un amendement devenu article 10 A, dont la version définitive nous a été transmise hier. Vous semblez revenir à une politique conventionnelle et aller vers une maîtrise médicalisée grâce aux bonnes pratiques médicales, aux RMO... L'intention est bonne. Mais l'amendement sera-t-il réellement applicable ?

Il est ambigu, confus et très compliqué, avec trois étages. Il y manque un principe fondamental : la fixation d'un FONDAM réaliste, qui faciliterait tout le reste.

D'autre part, la convention est validée par la signature d'un syndicat même minoritaire. Il est indispensable d'obtenir la signature de syndicats représentant plus de 50 % de la profession, faute de quoi le système est voué à l'échec.

En outre, les négociations auront lieu sous la menace du maintien des sanctions collectives.

Est-ce ainsi que l'on noue des relations de confiance ? Est-il souhaitable, enfin, d'aller vers des contrats individuels ?

Je souhaiterais que vous apportiez aujourd'hui des réponses au Parlement, et les écouterai avec attention, car nous sommes aujourd'hui très inquiets de la situation où vous avez conduit notre système de santé.

Yves Bur et Patrick Delnatte se sont excellemment exprimés sur la famille.

Je réitère notre opposition à la ponction des excédents de la branche famille au profit de la branche retraite, décision inadmissible.

Vous devriez profiter de ces excédents pour mener une réelle politique familiale, indispensable à l'avenir de notre pays.

La seule véritable réforme des retraites a été entreprise par Edouard Balladur et Simone Veil. Où en serions-nous si elle n'avait pas été initiée ?

Nous sommes tous attachés à la retraite par répartition, mais nous savons que le papy boom à partir de 2005 va poser problème.

Vous avez créé des commissions et des groupes de travail pour perdre du temps, vous avez manqué de courage.

Le COR va faire des propositions que vous n'aurez pas le temps d'appliquer. Tout au plus avez-vous créé le fonds de réserve, dont l'alimentation est incertaine : prix de vente des licences UMTS divisé par huit, privatisation d'ASF qui finance également le ferroutage... il y a de quoi être inquiet.

Enfin, aucune mesure en faveur des conjoints survivants dont les demandes sont pourtant connues, n'est proposée cette année.

Je regrette que vous reveniez intégralement au texte voté en première lecture, sans tenir compte de l'avis du Sénat.

L'UDF votera donc contre ce texte. J'espère néanmoins obtenir des réponses de votre part (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Odette Grzegrzulka - La CMU - sujet qui m'est cher - a fait l'objet de précieuses avancées en première lecture. Celles-ci assureront un meilleur accès aux soins des plus démunis. Je vous remercie d'avoir accepté un amendement permettant aux enfants mineurs de parents étrangers de bénéficier de la CMU au lieu de l'aide médicale d'Etat. Il reste à régler le problème de leur couverture complémentaire. Je pense que vous nous renverrez à l'aide médicale d'Etat. Cette première avancée a en tout cas été reconnue par les associations.

Vous avez également accepté de faire bénéficier du tiers-payant les personnes sortant du dispositif de la CMU.

J'ai annoncé cet après-midi ces mesures au Conseil de surveillance de la CMU, que j'ai l'honneur de présider et où siège mon collègue Jean Rouger, et qui réunit l'Etat, les organismes complémentaires, la CNAM et les associations. Les participants m'ont chargée de relayer leurs préoccupations.

Vous avez évoqué en première lecture l'aide à la mutualisation, qui permettrait aux ex-bénéficiaires de la CMU de ne pas retomber dans le droit commun. Cela concerne 700 000 personnes, 180 000 de plus si l'on tient compte de celles qui touchaient entre 3 600 et 4 000 F, ce que souhaite le Conseil de surveillance. La mesure est jugée intéressante, même si des difficultés dans l'accès à la prise en charge sont prévisibles.

Les partenaires mutualistes avec lesquels vous négociez souhaitent une réévaluation du montant du contrat proposé pour bénéficier de l'aide à la mutualisation. Ils ont bon espoir d'être entendus. Ce type de dispositif est déjà mis en _uvre avec succès dans plusieurs départements par une cinquantaine de caisses.

J'ai rendu compte au Conseil de surveillance de l'échec en première lecture de nos propositions d'allégement des charges des handicapés en matière de forfait hospitalier.

Vous aviez proposé en commission un amendement que nous avons rejeté car il consistait à exonérer les handicapés du forfait hospitalier seulement à partir du troisième mois de séjour. Je peux vous dire que tous ceux que j'ai écoutés cet après-midi pendant deux heures trouvent profondément injuste qu'un handicapé ait à payer le forfait hospitalier à cause d'un trop perçu de 50 francs par mois. Il me semble que nous avons les moyens de leur apporter une réponse satisfaisante puisque nous avions prévu 6 millions de bénéficiaires de la CMU et que nous n'en comptons à ce jour que 4,5 millions. Ce n'est pas parce que les handicapés ne manifestent pas dans la rue qu'il faut les oublier. En tant que députée de gauche, il m'est pénible de constater que la rigueur budgétaire conduit à des décisions cyniques...

M. François Goulard - Très bien.

Mme Odette Grzegrzulka - J'espère donc que la voix des handicapés et des membres du conseil de surveillance de la CMU sera entendue. Et puisque l'un des axes de la politique du Gouvernement envers les handicapés a pour objectif de changer le regard que la société porte sur eux, je voudrais dire qu'il ne s'agit pas de porter des lunettes roses pour les regarder mais plutôt de faire ce qu'il faut pour les aider à voir la vie en rose. Nous comptons donc sur vous, Madame la ministre, c'est un honneur pour un parlementaire que d'enrichir un texte grâce au dialogue avec le Gouvernement, surtout lorsque le but est d'améliorer la vie des plus défavorisés. C'est un honneur aussi pour moi que me faire le porte-parole des partenaires de ce dispositif historique et précieux qu'est la CMU. Je souhaite donc vraiment être entendue et que le Gouvernement nous apporte au moins une réponse partielle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - Bravo Odette !

M. François Goulard - Notre opinion sur ce PLFSS n'a évidemment pas changé entre les deux lectures et si les choses ont évolué, ce n'est malheureusement pas en mieux. En témoigne l'actuelle révolte des professions de santé et la succession de conflits - internes, médecins généralistes... Et puis il y a eu l'affaire des cliniques privées. Nous avions à plusieurs reprises attiré l'attention sur les problèmes financiers, mais ces problèmes ont été niés par la majorité et par les rapporteurs...

M. Claude Evin, rapporteur - Mais non.

M. François Goulard - Face au mouvement très résolu de la profession, le Gouvernement a enfin reconnu le problème. Mais je ne trouve pas très convenable de tenir deux discours si différents à quelques jours d'intervalle. D'autant que le Gouvernement a fait preuve de beaucoup de mauvaise foi. N'a-t-on pas entendu dire que la faiblesse des salaires des infirmières était imputable aux fortes rémunérations des médecins, alors que les uns et les autres n'émargent pas au même budget ? Imputable aux actionnaires, ensuite, alors que la plupart des établissements sont en perte.

L'actuelle pénurie d'infirmières et l'attrait qu'a sur elles le statut public crée, de fait, de grosses difficultés pour les établissements privés. Cette pénurie rend d'ailleurs encore plus absurde le contingentement d'actes que subissent les infirmières libérales.

Les mesures adoptées par le Gouvernement ne sont pas à la hauteur des difficultés rencontrées et leur inspiration me semble contestable car elles instaurent une nouvelle tutelle alors qu'il faudrait des mesures tarifaires générales.

Autre point qui a évolué défavorablement : l'équilibre financier du PLFSS lui-même. Déjà sujet à caution au départ, il apparaît encore plus douteux aujourd'hui, d'abord à cause des dépenses qui se sont ajoutées, ensuite à cause des perspectives économiques qui se sont assombries. Voyez les récentes annonces du FMI.

Mais plutôt que de réitérer nos critiques, je voudrais esquisser quelques perspectives. Car c'est bien au Parlement que nous devrions débattre de l'avenir de la protection sociale. Au lieu de quoi, une organisation patronale fait la une des journaux avec ses projets concernant cette dernière. L'inaction du Gouvernement pendant cinq ans explique que le débat se soit ainsi déplacé...

M. Alfred Recours, rapporteur - Les carences de l'opposition, plutôt.

M. François Goulard - Non, nous avons constamment avancé des propositions, mais elles n'ont jamais été prises en considération. A quelques mois d'échéances importantes, je voudrais donc les rappeler.

Un mot du FOREC, d'abord. A l'avenir, nous ne pourrons pas supprimer les dépenses correspondant aux allégements de charges qui ont été accordés, d'une part parce qu'on ne revient pas sur un engagement de l'Etat, d'autre part parce que les 35 heures font peser de telles charges sur les entreprises que ces allégements sont indispensables. D'une manière générale, les allégements de charge jouent en faveur de l'emploi, si du moins ils ne constituent pas la compensation imparfaite d'une hausse du coût de la main d'_uvre. Mais il faudra revoir leur mode d'attribution et ne plus les subordonner à des accords sur les 35 heures...

M. Bernard Accoyer - Très bien !

M. François Goulard - ...au demeurant très mal perçus dans les entreprises. Il faudra les élargir à toutes les entreprises, leur donner un caractère permanent et les inclure dans le barème des charges sociales.

Autre sujet délicat : les retraites. Nous verrons bientôt, lors de l'examen d'une proposition de loi communiste, le Gouvernement refuser à des salariés qui comptent quarante ans de cotisation mais qui n'ont pas encore soixante ans le droit de partir en retraite. Mais nous le verrons dans le même temps maintenir des régimes spéciaux de plus en plus en décalage par rapport au droit commun. Je pense que le Gouvernement aura du mal à expliquer aux Français qu'il refuse une retraite modeste à un salarié qui a commencé à travailler à quinze ans et qui a cotisé quarante ans, alors qu'il autorise un agent de telle ou telle entreprise publique à prendre sa retraite à taux plein à cinquante deux ou cinquante trois ans.

Il est pour le moins désolant de voir ce gouvernement, qui a tergiversé pendant cinq ans, renvoyer à la prochaine législature la réforme de notre système de retraite. Et quelque peu surréaliste d'entendre le Conseil d'orientation prôner maintenant seulement un alignement sur le régime des salariés pour ce qui est de la durée de cotisation.

Nous voudrions quant à nous faire prévaloir un principe de clarté, afin que l'on sache qui paie quoi et qui reçoit quoi. Nous voudrions aussi une caisse de retraites des fonctionnaires qui fasse apparaître clairement les cotisations versées par l'employeur - c'est-à-dire l'Etat - et les pensions perçues.

Deuxième principe à faire prévaloir : l'équité. Sachant que nous allons vers des années très difficiles, il est indispensable que les Français soient égaux devant la retraite.

Le troisième principe est celui de responsabilité : il faut que les partenaires sociaux soient responsables demain - comme ils le sont partiellement aujourd'hui - de l'équilibre des régimes de retraite ; ils l'ont été, s'agissant des régimes complémentaires de l'AGIRC et de l'ARRCO, au moins autant que l'Etat, et c'est un euphémisme. Impliquons les partenaires sociaux ; affirmons ce principe de responsabilité. Au-delà de ces principes, la mise en _uvre d'un étage de capitalisation s'impose, et depuis longtemps.

Un mot sur les accidents du travail, sujet trop peu évoqué dans nos débats. Le moment est sans doute venu de remettre en ordre une législation ancienne et complexe, qui a constitué au début du siècle dernier un progrès social estimable, mais qui montre aujourd'hui ses limites. Il est temps d'affirmer un véritable droit à la réparation intégrale des préjudices subis à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, comme on l'a fait - après combien d'années - pour l'amiante. J'ai déposé d'autre part un amendement en vue de réduire le délai de deux ans aujourd'hui imposé au conjoint survivant avant qu'il puisse prétendre à des droits au titre de son défunt victime d'un accident du travail ; la législation actuelle est trop contraignante.

Concernant l'assurance maladie, nous avons eu droit à beaucoup d'ironie condescendante sur le plan Juppé et l'hostilité qu'il a soulevée dans les professions de santé. Mais depuis cinq ans vous vous êtes coulés dans les ordonnances Juppé sans rien y changer, et l'hostilité est devenue rébellion. Demain la première tâche sera de restaurer la confiance, et de remédier aux inadmissibles pénuries qui affectent certaines spécialités médicales. Le préalable, ce sera aussi de retrouver un minimum de justice pour des professions sacrifiées, les infirmières notamment.

Ensuite, il faudra rebâtir, non pas à travers le filtre réducteur de l'entreprise, comme le pense un organisme patronal, mais avec un objectif : conforter pour tous les Français un régime d'assurance maladie qui leur assure, quelles que soient leurs ressources, un égal accès aux soins que permet la médecine actuelle. Décentralisation, montée en puissance de la mutualité, y compris pour l'assurance au premier franc, mise en place de la part de l'assurance maladie d'un comportement d'acheteur intelligent de soins - ce qui n'est pas aujourd'hui le cas -, retour à une gestion paritaire et responsable à l'opposé de la gestion bureaucratique d'aujourd'hui : voilà les orientations de demain. Un chantier considérable s'ouvre pour notre protection sociale, qu'il faut conforter, sauvegarder, sauver même d'un désastre annoncé. L'inaction du Gouvernement condamne à terme ce pilier essentiel de notre pacte social (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Catherine Génisson - En nous proposant de rétablir le texte adopté par notre Assemblée en première lecture, Madame la Ministre, vous réaffirmez notre attachement au principe de solidarité et de complémentarité, avec le développement de la qualité de notre système mixte de soins et le renouvellement du contrat entre l'Etat et les partenaires sociaux pour une gestion solidaire de la sécurité sociale. Vous nous proposez un amendement qui vise à rénover le système conventionnel et le dispositif de régulation des dépenses. Je vous remercie de nous permettre ce débat de clarification.

Je souhaite aborder par ailleurs la question de l'accès aux soins dentaires. C'est un droit fondamental pour nos concitoyens. Depuis 1997 des mesures significatives ont été prises par le Gouvernement, en particulier pour la prévention. Celle-ci doit être la plus précoce possible. Nous avons dans ce projet adopté un amendement du Gouvernement qui instaure l'obligation d'un examen bucco-dentaire à six et douze ans. A cette occasion le scellement des sillons, opération préventive récemment admise au remboursement, pourra être proposé. Le coût de la mesure est de 300 millions de francs. Mais surtout la création de la couverture maladie universelle a permis à de nombreux patients d'accéder à des soins dont ils étaient écartés. Cette avancée est confortée par la levée du plafond de dépenses.

A l'article 15, la suppression du caractère systématique de l'entente préalable, notamment pour les soins dentaires, est une réforme intéressante. Elle supprimera un des principaux éléments d'opacité, pour les assurés, des conditions de prise en charge.

Michel Yahiel vous a récemment rendu un rapport très complet sur la prise en charge des soins dentaires. Il montre que l'accès à ces derniers est une des principales causes d'inégalité sociale en matière de santé : les soins dentaires constituent près de la moitié des cas de renoncement aux soins.

L'axe de la réforme proposée est le développement vigoureux des soins préventifs et conservateurs en substitution d'un recours parfois abusif aux soins prothétiques. Cela nécessite un investissement important ; aujourd'hui la dépense dentaire représente moins de 2 % des charges de l'assurance maladie. Les professionnels et les acteurs de la protection sociale ont beaucoup travaillé sur le sujet. Ils sont ouverts à une réforme qui allie revalorisation, révision d'une nomenclature obsolète et encadrement des tarifs prothétiques. Vos mesures sont un premier pas important vers une meilleure prise en charge. Vous êtes en négociation, Madame la Ministre, avec les professionnels de la chirurgie dentaire : pouvez-vous nous informer de l'état de ces discussions ? Car nous avons le devoir d'assurer une meilleure prise en compte de ce qui est à la fois un enjeu de santé publique et une priorité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Morange - Quand ce projet nous a été présenté, je me suis étonné et agacé de cette véritable fiction des comptes sociaux. Cette nouvelle mouture, finalement peu nouvelle, n'a pas gagné en réalisme et ne mérite pas plus de crédit. Je n'en prendrai qu'un exemple, et il est stupéfiant. Quand Mme Guigou nous soumet, sur son propre projet de loi, un amendement très justement nommé « esquisse », elle révèle toute l'imprécision et le manque de préparation de ce texte : on se demande, ahuri, s'il s'agit bien de financer les dépenses de la nation dans le domaine le plus précieux, le plus délicat, à savoir le bien-être des Français, et si cette question peut sérieusement souffrir le flou artistique.

Plus généralement, ce Gouvernement est très optimiste : il nous promet une croissance de près de 2,5 %, quand toutes les instances internationales et spécialisées, dont le FMI qui prévoit 1,3 %, lui conseillent de réviser ses prévisions. Or ce Gouvernement est débordé par les dépenses qu'il a initiées mais sous-estimées depuis plusieurs années, notamment les 35 heures qui, au lieu des excédents annoncés au printemps, ont conduit à un déficit de plus d'un milliard d'euros, toutes branches confondues, pour le régime général en 2001.

Poursuivant dans cette voie dangereuse, on voudrait nous faire admettre que les comptes sociaux seront en excédent de 1,051 milliard d'euros, et ce grâce à différents artifices budgétaires. Mais peut-on encore raisonnablement compter, comme le dit le Gouvernement, sur une progression de 5 % de la masse salariale, sur une croissance économique de 2,5 % et sur une hausse des dépenses de santé limitée à 3,8 %, quand cette dernière était déjà de 5,5 % en 2000 ? Et tout cela sans régulation, alors que nous enclenchons à présent le mécanisme de financement des 35 heures pour les personnels de santé...

Il est regrettable que le Gouvernement, déjà très critiqué pour le manque de sincérité de son projet de budget pour 2002, ne s'imprègne pas plus, en matière sociale, de l'esprit de la loi organique entrée en vigueur le 1er août 2001. Non seulement on peut douter que le présent projet ait été établi « compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler», mais encore le Gouvernement a trahi sa sincérité au moyen de nombreuses « pompes à finances » qui siphonnent le budget de l'Etat et les comptes sociaux, dans une totale opacité, pour financer les projets éminemment politiques et électoralistes de la gauche plurielle.

Dans son rapport pour l'année 2000, la Cour des comptes n'a d'ailleurs pas manqué de demander au Gouvernement une clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Elle a conclu à l'extrême fragilité des comptes de cette dernière, qui ne reposaient que sur une conjoncture exceptionnelle et une charge des retraites faible, sans qu'un large excédent soit enfin dégagé, si bien, je cite, que « les conditions d'un équilibre pérenne ne sont pas réunies ». La majorité sénatoriale s'est également émue, à juste titre, de cette opération de transferts budgétaires, compliqués à dessein, qui masquent mal une ponction massive sur la sécurité sociale.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est devenu une véritable loi de financement des 35 heures, qui met en péril les comptes sociaux dans un contexte économique dégradé, manifeste l'impéritie budgétaire du Gouvernement et révèle l'incapacité de la gauche à réformer pour garantir l'avenir de notre protection sociale. On y retrouve une vision strictement comptable, de plus tout à fait sous-estimée, des besoins sanitaires des Français. Seule une évaluation des besoins à partir de données médicales fiables doit déterminer nos priorités et permettre de définir les moyens financiers nécessaires. En outre le vieillissement de la population, les progrès de la science et le désir de santé et de confort de nos concitoyens vont bien au-delà des prévisions du Gouvernement, sans compter la prolifération normative et la judiciarisation de la pratique médicale. Il y a déjà une inadéquation entre l'offre et la demande de soins, et on nous propose de la creuser !

Nos amis sénateurs ont d'ailleurs voulu supprimer l'ONDAM, estimant qu'il était illusoire de voter un objectif dont on sait à l'avance qu'il sera dépassé car il est basé sur des hypothèses irréalistes. Le Gouvernement ne veut pas le comprendre et s'enferme une fois de plus dans une vision dogmatique.

Ce n'est certes pas le fameux amendement présenté par Mme la Ministre des affaires sociales dans l'article 10A qui nous démentira : les syndicats médicaux majoritaires le rejettent, car il est dominé par une logique budgétaire et d'encadrement coercitif, malgré une malheureuse tentative de maquillage dans le cadre conventionnel. Nombre d'entre eux voient même dans la rédaction complexe de cet amendement la voie ouverte à l'apparition d'un conventionnement individuel, ce qui n'est pas acceptable.

Même la CNAM estime que la fixation annuelle de l'ONDAM ne repose ni sur des priorités sanitaires clairement affichées ni sur un contenu médical identifiable, et ne met pas davantage fin au cloisonnement entre soins hospitaliers et ambulatoires, d'une part, et honoraires et prescriptions, d'autre part.

Il est grand temps d'abandonner ce système injuste et inefficace de régulation autoritaire, que le Gouvernement fait mine de dénoncer sans toutefois l'abroger, et qui pénalise aveuglément les professionnels de santé et entrave la liberté de choix des patients. A quel autre corps professionnel oserait-on demander une démarche de qualité, dans des conditions souvent difficiles, tout en mettant quotidiennement en jeu leur responsabilité, non seulement individuelle, mais encore collective ? Établissons enfin un climat de confiance avec les professionnels de santé, dans un cadre conventionnel où seules seraient opposables les bonnes pratiques médicales.

Les manifestations répétées des personnels de l'hospitalisation publique et privée et de tous les praticiens désespérés ont si peu interpellé le Gouvernement que celui-ci, pourtant prompt à trouver les fonds nécessaires au financement de ses projets électoralistes et démagogiques, n'a déniché que sous la pression irrésistible de la rue les deniers dont l'hôpital public et les cliniques avaient besoin. Et encore cet effort ne suffira-t-il pas, dans le secteur public, à financer à la fois le passage aux 35 heures, les recrutements rendus d'ores et déjà indispensables par la pénurie d'infirmières, et les investissements nécessaires à la sécurité des installations et des patients. Quant aux cliniques, au bord du gouffre, il a fallu attendre que 60 % d'entre elles soient proches du dépôt de bilan pour y financer la remise à niveau des rémunérations des infirmières.

Le FOREC n'a pas atteint l'équilibre, compte tenu de la sous-estimation des dépenses et de l'insuffisance des recettes. L'article 5, que le Sénat a supprimé, annule de façon rétroactive sa dette à l'égard des régimes de sécurité sociale pour 2000, mettant en cause l'équilibre financier de celui-ci, qui passera d'un excédent de 4,3 milliards à un déficit de 10,7 milliards. Quant au déficit du FOREC lui-même, il est en réalité de 30 milliards : tel est le coût véritable, non compensé par l'Etat, de la réduction du temps de travail pour les régimes sociaux. En 2002, ce sont 18 milliards de taxes nouvelles qui lui seront affectées, et la sécurité sociale aura contribué, en trois ans, pour près de 85 milliards de francs au financement des 35 heures, réforme qui relève pourtant de la politique de l'emploi et non de la protection sociale. Et pour ce faire, le Gouvernement, qui se veut le champion de la concertation et de la démocratie sociale, n'a même pas cru devoir recueillir l'assentiment de la CNAM, de la CNAV, de la CNAF ni des partenaires sociaux...

La politique du médicament se résume à une application comptable et malthusienne, dont toute vision sanitaire est absente, ainsi qu'en témoigne l'amalgame fait cet été entre les médicaments rendant un service médical insuffisant et les molécules innovantes à forte valeur ajoutée. La modification incessante, voire rétroactive, des règles et des procédures décrédibilisent le Gouvernement aux yeux de l'industrie pharmaceutique nationale et internationale, et pénalise la recherche et la production françaises, qui risquent fort de se délocaliser.

Les soins de ville, enfin, n'intéressent pas davantage le Gouvernement, qui a insuffisamment augmenté leur dotation, malgré la paupérisation scandaleuse des professions de santé, dont les rémunérations indigentes sont une insulte à leur compétence et à leur dévouement. La démission des pouvoirs publics devant l'insécurité physique des praticiens dans certains endroits, son refus de légiférer après certaines décisions de la Cour de cassation, tel l'arrêt Perruche, sont autant de signes de mépris supplémentaires à leur endroit.

Loin d'être animé du désir profond de répondre aux aspirations et aux souffrances des Français, ce projet est révélateur d'une politique qui cache mal les déséquilibres structurels auxquels aucune réforme de fond n'est venue s'attaquer. La gauche n'a pas su utiliser les recettes exceptionnelles dégagées par la croissance internationale, préférant en consacrer une part importante à augmenter les dépenses publiques et à financer le projet, très politicien, des 35 heures. A force de man_uvres, elle a privé notre pays de toute marge de man_uvre, au point de devoir renoncer à la politique conjoncturelle active dont elle aurait pourtant besoin aujourd'hui. Tel est le prix qu'elle fait payer, pour s'être maintenue cinq ans aux affaires, aux professionnels de santé, aux forces vives de la nation et à la population toute entière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Foucher - Ayant dénoncé, en première lecture déjà, les montages financiers complexes et les chiffres brouillés de ce projet, les mots commencent à me manquer pour décrire l'enchevêtrement de mesures nouvelles qui nous est proposé ce soir. Nos collègues sénateurs ont eux aussi dénoncé de façon virulente la complexité des dispositifs et la divergence entre les objectifs annoncés et ceux qui seraient réalistes. Le Gouvernement trompe les Français, car il sait pertinemment qu'il n'a pas les moyens de financer ses choix, pour avoir laissé passer, pendant la période des vaches grasses, l'occasion d'affermir les comptes sociaux et d'entreprendre les réformes nécessaires pour assurer l'avenir de notre protection sociale. Est-il bien raisonnable de tabler, alors que l'on s'oriente vers la récession plutôt que vers l'embellie, sur une augmentation de la masse salariale ?

Mais le Gouvernement n'a entendu ni nos avertissements ni ceux du Sénat, puisqu'il a encore ajouté, depuis la première lecture, des mesures nouvelles, qui concernent les médecins, les cliniques, l'hôpital, le médicament. Certaines sont certes légitimes, et même nécessaires, mais elles auraient pu figurer dans le projet initial. Le problème de fond, c'est que ce texte n'est pas un texte mûrement réfléchi et préparé, mais un catalogue de mesures prises sous la pression de la rue, et s'il est regrettable que le Parlement ne soit pas le premier informé des intentions du Gouvernement, c'est sans doute que ce dernier ne sait pas lui-même à l'avance ce qu'il envisage de faire...

Prenons l'exemple de l'« amendement-esquisse » sur les relations conventionnelles avec les médecins. La disposition votée en première lecture était une coquille vide, que l'on nous propose maintenant de remplir, mais sans répondre aucunement aux attentes des professionnels qui avaient fondé quelques espoirs sur le « Grenelle de la santé ». Ce système à trois niveaux, avec accord-cadre, conventions par profession et engagements individuels, laisse de côté la question essentielle : la juste rémunération de l'acte médical lui-même. Il s'agit du simple maquillage conventionnel d'un encadrement coercitif qui ne permettra même pas, qui plus est, de maîtriser les dépenses.

Tous les outils sont pourtant là pour mettre sur pied un système garantissant la pérennité de notre protection sociale dans les meilleures conditions : conférence nationale de la santé, rapport de la Cour des comptes, rapport de la CNAM, « Grenelle de la santé »... Mais le Gouvernement n'en tient aucun compte, et réagit tardivement, au coup par coup. C'est ainsi qu'il a fallu une grève dure et l'inquiétude de millions de patients, pour qu'il recherche, après des mois d'atermoiements, une solution à la situation difficile des cliniques, dégageant sous la pression de la rue 1,7 milliard dont il ne disposait pas quelques jours avant, lors de la première lecture du présent projet !

M. Bernard Accoyer - Et dont il ne dispose toujours pas !

M. Jean-Pierre Foucher - La solution est toute trouvée : ce sera à la charge de l'assurance-maladie !

Même chose pour le plan Biotox, dont l'utilité n'est évidemment pas en cause, mais dont le financement est plus que contestable : une fois encore, la CNAM sera seule mise à contribution, pour 1,3 milliard de francs, échelonnés sur cinq ans, la part prélevée au titre de 2001 l'étant rétroactivement !

Quant aux 3,9 milliards de crédits supplémentaires octroyés aux hôpitaux publics, ils serviront à y financer les 35 heures, et non pas l'amélioration de la qualité des soins.

Dans le domaine du médicament, enfin, le Sénat a été saisi tardivement d'un amendement que sa commission n'a pu examiner, et qui aurait dû figurer dans le projet sur les droits des malades, puisqu'il met fin à la liberté des prix à l'hôpital en assujettissant tous les produits de réserve hospitalière, y compris ceux bénéficiant d'une autorisation temporaire d'utilisation, à l'inscription sur une liste de produits à prix administrés. Cela aura pour conséquence de retarder l'introduction des molécules innovantes à l'hôpital. Etait-ce vraiment le but recherché ?

M. Bernard Accoyer - C'est scandaleux !

M. Jean-Pierre Foucher - Au lieu de pouvoir discuter sérieusement du financement de la sécurité sociale, nous sommes contraints par l'attitude générale du Gouvernement à dresser un réquisitoire contre une gestion sinueuse et faussée : on nous parle d'excédents quand les déficits sont avérés, on comble ceux-ci en ponctionnant des postes qui n'ont rien à voir, ou en échafaudant des montages embrouillés, tel le FOREC, si bien que le Parlement est tenu de voter des mesures non financées, de retirer aux uns pour donner aux autres, d'adopter un objectif de dépenses parfaitement irréaliste. Pour toutes ces raisons, le groupe UDF ne peut que voter contre ce projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

La discussion générale est close.

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MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Bernard Accoyer - Cette seconde lecture nous offre l'occasion de jeter un regard sur l'action du Gouvernement durant cette législature qui touche à son terme.

Hélas, quelques mots suffisent à définir l'action du gouvernement Jospin en matière de protection sociale : gaspillage de la croissance, renoncement à réformer, détournement des fonds au profit des 35 heures.

M. Jean-Luc Préel - Quel bilan !

M. Bernard Accoyer - Le Sénat, grâce à un travail particulièrement approfondi, a pu démasquer les man_uvres. Il a souligné l'absence de réalisme du texte et, pour tout dire, son insincérité. Il a chiffré les détournements et les déficits réels. Mais comme ses conclusions ne s'inscrivent pas dans la propagande du Gouvernement, la commission, à ses ordres, a décidé de rétablir le texte de l'Assemblée nationale.

Ce PLFSS ne répond, pour aucune des trois branches de la sécurité sociale, ni aux besoins, ni aux réalités. Les chiffres pris en compte pour l'équilibre financier sont soit sous évalués, pour les dépenses, soit surévalués, pour les recettes. La manipulation est tellement grossière que les trois conseils d'administration des branches maladie, famille et vieillesse se sont chacun exprimés contre ce texte. Pourquoi une telle absence de sincérité, pourquoi vouloir tromper les Français ? Parce que le Gouvernement, ayant constaté que l'UNEDIC ne céderait pas à ses pressions pour financer les 35 heures, a décidé de passer outre. Pour rendre sa manipulation moins apparente, il procède en trois étapes. D'abord, masquer les déficits qu'il a cumulés, en particulier dans la branche maladie, depuis des années. Ensuite, détourner les ressources de la sécurité sociale. Enfin, présenter un projet de loi de financement irréaliste.

En créant le FOREC, en le baptisant surtout, de manière pernicieuse, fonds de réforme des cotisations patronales, le Gouvernement résume sa malhonnêteté. Il n'y a en effet pas de réforme des cotisations patronales ! Mais ce fonds, un des nombreux qu'il a créés, regroupe deux fonctions choisies à dessein pour entretenir la confusion. Il est chargé à la fois des allègements de charges sur les bas salaires et des allègements de charges pour les 35 heures. L'amalgame est trompeur. Les premiers, mis en place par le gouvernement Juppé, étaient destinés à favoriser l'emploi des salaires, et donc à créer plus de travail, plus de richesses et donc plus de partage. D'ailleurs, ces allègements étaient financés. Mais ceux des 35 heures s'appuient sur le programme socialiste de 1997, élaboré dans la précipitation, et surtout sur une de ses formules qui soulèverait l'admiration si elle n'avait des conséquences aussi tristes : « Travailler moins pour travailler tous ». Ce slogan est marqué par un vice fondamental : il implique que la France ne pourra déployer tout son talent pour créer des richesses, avancer, se surpasser, bref, partager davantage.

M. Alain Néri - Il fallait y penser avant la dissolution !

M. Bernard Accoyer - Ce renoncement s'accompagne, pour les 35 heures, d'un manque de crédits. Voilà pourquoi on veut confondre ces deux mesures si différentes, dont une seule a un but véritablement socioéconomique.

M. Philippe Nauche - Un million de chômeurs de moins !

M. Bernard Accoyer - Si vos résultats étaient à la hauteur, ce ne serait pas si grave. Mais en matière de réduction du chômage, contrairement à ce que vous nous répétez, tous les pays de l'Union ont fait mieux que nous, excepté l'Italie. Et quant au pouvoir d'achat, que vous avez bloqué à cause des 35 heures au grand dam des Français, l'Italie vient de nous passer devant !

M. Alain Néri - C'est de la désinformation et de la propagande.

M. Bernard Accoyer - Une loi organique a été votée en 1994 parce que, déjà, la gauche avait détourné les recettes des différentes branches pour les utiliser dans d'autres domaines. Mais en contradiction flagrante, aucune des exonérations n'ont été compensées par l'Etat. Malgré ce texte, les comptes sociaux continuent à être plombés par les 35 heures. Mais qui peut contester que la branche maladie a besoin de moyens supplémentaires pour mieux rembourser les actes médicaux, les médicaments et les prothèses, pour soutenir les hôpitaux et permettre aux cliniques de survivre ?

M. Philippe Nauche - Et le plan Juppé ?

M. Bernard Accoyer - Les 60 milliards des 35 heures, c'est là qu'il fallait les mettre ! Qui peut contester que la branche famille a besoin de moyens pour que les femmes qui veulent avoir des enfants puissent nourrir la protection sociale par la solidarité entre les générations ? Vous nous dites que vous êtes les défenseurs du régime par répartition, mais en refusant d'encourager les nouvelles générations, vous en détruisez le principe même ! Vous accusez l'opposition de vouloir mettre à bas ce mécanisme auquel nous sommes particulièrement attachés, mais qu'avez-vous fait pour le sauver ? Et, en comparaison, qu'a accompli la droite, courageusement, malgré les répercussions électorales, pour préserver l'avenir des retraites ?

M. Claude Evin, rapporteur - Bof...

M. Bernard Accoyer - Les déficits que la branche maladie a accumulés entre 1998 et 2001 s'établissent, contrairement à ce que Mme la ministre nous dit, à 61,3 milliards de francs. Les comptes sociaux accusent eux un déficit de 6,7 milliards. Cela ne ressemble pas à ce que vous répétez avec impudence... C'est pourquoi vous devez vous livrer à des man_uvres pour maquiller les comptes. Ainsi, à l'article 5, c'est la bagatelle de 15 milliards de francs que vous subtilisez aux dépens des comptes sociaux. Rappelez-vous : en 2000, le PLFSS finance déjà les 35 heures. L'UNEDIC s'est révoltée et Mme Aubry doit trouver un autre financement. On décide donc que les 15 milliards seront compensés par un versement de l'Etat au FOREC.

Mais pendant deux ans et demi, le FOREC n'a pas été créé - nous avons eu la joie d'apprendre sa naissance la semaine dernière. En conséquence de ce retard, le Gouvernement n'a pas pu verser ces 15 milliards. Prétextant que la Cour des comptes et même le Conseil constitutionnel s'en étaient émus, le Gouvernement propose d'annuler ces 15 milliards. Il le fait sur les comptes de 2000. Pourquoi n'est-ce pas sur les comptes 2001, en bonne règle comptable ? C'est qu'au moment d'établir les comptes consolidés 2001, donc au printemps 2002, il y a des échéances électorales. Le Gouvernement se livre donc à une véritable délinquance financière. Un comptable public qui procèderait ainsi serait sanctionné, un comptable privé serait poursuivi. Voilà comment les comptes de la sécurité sociale sont faussés et conduits au déficit.

Vous avez détourné pour 40 milliards de la branche famille - la dernière fois, c'était 60 milliards que la gauche avait prélevés pour combler les déficits

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis - Vous avez laissé un déficit de 14 milliards.

M. Bernard Accoyer - Parlons-en, des déficits, même si cela doit faire de la peine à Mme le ministre, dont on sait qu'elle a l'émotion facile... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). En 1996, la gauche a laissé un déficit de 110 milliards. La ministre des affaires sociales affirme de façon péremptoire que la droite a créé des déficits et que la gauche a rétabli les comptes. Mais comparons les conditions : en 1993, le PIB a diminué de 0,9 %, la masse salariale n'a pas augmenté. De 1997 à 2000, le PIB a augmenté, grâce à la croissance internationale, de 3 % par an et la masse salariale en moyenne de 6 %. La droite a eu le courage de faire des réformes dans une période extrêmement difficile, vous avez gaspillé les fruits de la croissance.

M. Alain Néri - Qu'on rappelle Juppé, les gens redescendront dans la rue.

M. Bernard Accoyer - 10 % des recettes de la branche famille ont été détournées depuis 1998. S'il avait appliqué la loi organique de 1994, séparant les branches et exigeant la compensation des exonérations de charges, le Gouvernement aurait dégagé un excédent de 35 milliards au lieu d'un déficit de 7 milliards. Pour le fonds de solidarité vieillesse, qui est à l'équilibre, l'excédent aurait été de 18 milliards. Mais le FOREC, lui, aurait été en déficit de 35 milliards. On voit bien que c'est le financement des 35 heures qui a pesé sur les comptes de la sécurité sociale.

En 2001 vous détournez encore 7,1 milliards de la branche famille, le produit de la fiscalité sur le tabac, la taxe sur les alcools, - n'auraient-elles pas de meilleurs usages ? - la taxe sur l'assurance des véhicules terrestres, pour le FOREC. Au total, 88 % des dépenses dues aux 35 heures sont financés sur la sécurité sociale.

La manipulation la plus grave porte bien sur les comptes de 2002. Les recettes sont surévaluées. Qui croit encore que la croissance sera de 2,5 % ? M. Fabius, qui s'en tient à 2,1 % est optimiste, car le FMI considère que ce sera 1,3 %. Quant à l'hypothèse d'une augmentation de la masse salariale de 5 %, elle est irréaliste, avec les licenciements économiques et l'augmentation du chômage. Un point de masse salariale en moins, c'est 10 milliards de cotisations, un point de croissance en moins c'est 34 milliards de recettes fiscales qui ne rentrent pas. Si la croissance atteint un taux intermédiaire entre les prévisions de M. Fabius et celles du FMI, il manquera 20 milliards de cotisations et 10 milliards de CSG. Or les dépenses sont sous-évaluées. En 1998, elles ont excédé l'ONDAM de 9,8 milliards, en 1999 de 10,2 milliards, en 2000 de 17,4 milliards, en 2001 de 17 milliards. Pour 2002, on peut escompter un dépassement de 16 milliards. Entre les recettes qui ne seront pas là et les dépenses en dépassement, il faut s'attendre pour 2002 à un déficit de 30 à 40 milliards.

L'absence de politique familiale est particulièrement déplorable. Les 35 heures sont financées sur la sécurité sociale. 40 milliards ont été détournés de la branche famille de 1998 à 2001, on a économisé 31 milliards sur les prestations. Est-ce là une politique de la famille ? Voyons votre bilan : mise sous condition de ressources des allocations familiales, abaissement du quotient familial, diminution de l'AGED, réduction de la déduction fiscale pour l'emploi à domicile, plafonnement de la demi-part pour une personne seule ayant élevé des enfants, diminution du montant déductible de la pension alimentaire versée aux enfants majeurs, baisse de l'abattement par enfant marié rattaché. Ce bilan doit être lourd à porter, et nous n'en sommes pas fiers pour notre pays.

Vous avez aussi chargé la barque de l'assurance maladie en rajoutant 3 milliards pour l'hôpital afin de vous assurer l'abstention des communistes en première lecture, 1,7 milliard pour l'hospitalisation privée - ce qui est d'ailleurs insuffisant -, et 1,4 milliard pour Biotox, comme si la lutte contre le terrorisme dépendait de l'assurance maladie. Notre système de santé est en crise. Médecins, internes, infirmières qui n'en peuvent plus des quotas, chez tous le malaise, la crise morale est générale. Vous l'aggravez en ne légiférant pas face à l'arrêt Perruche pour arrêter la judiciarisation de la médecine. A petit feu, vous étouffez la médecine française. Les jeunes qui veulent entrer dans la carrière sont repoussés à 90 %, et vous faites venir des médecins de pays extérieurs à l'Union européenne.

M. Alain Calmat - C'est Mme Veil qui en a pris l'initiative.

M. Bernard Accoyer - Je rappelle les chiffres à nos collègues et aux Français : si 8 000 médecins pourvus d'un diplôme non communautaire exercent à l'hôpital public, ils sont 4 000 en médecine libérale. Dès lors se pose le problème de l'accès à l'information. Ces médecins sont souvent des spécialistes pointus, à qui l'indispensable vision généraliste fait défaut. Mais seuls les mieux renseignés le savent. Ainsi rendez-vous notre système de soins de plus en plus invivable, pour les professionnels comme pour les patients.

M. Alain Calmat - Qui a établi le numerus clausus ?

M. Bernard Accoyer - Vous avez proposé un amendement « esquisse » destiné à refonder les rapports conventionnels. Mais la concertation, c'est une approche partagée des problèmes ! Votre amendement ne répond ni aux aspirations des professionnels, ni à l'intérêt des malades. Demeure le plus insupportable : l'esprit comptable, les sanctions... Vous ouvrez la négociation avec les praticiens en leur mettant le revolver sur la tempe, pour reprendre la formule de leurs syndicats. Quant à l'hôpital public, il traverse une crise sans précédent...

M. le Président - Monsieur Accoyer, pourriez-vous envisager de conclure ?

M. Bernard Accoyer - La France se situe désormais entre la Turquie et la Grèce pour les équipements lourds. A quoi vous ajoutez l'application forcenée, dogmatique, des 35 heures. Cette culture du non-travail que vous instillez à la nation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) que donnera-t-elle à l'hôpital ? Les soins ne pourront plus être dispensés : les infirmières, les aides-soignantes et les médecins nécessaires font défaut. Les 35 heures sont inapplicables à l'hôpital, ce qui exaspère les professionnels et les patients. On m'a cité le cas d'une infirmière qui, après huit heures en chirurgie lourde, devait remplacer une collègue malade pour la même durée... (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Alors que les hôpitaux affrontent les pires difficultés, vous vous contentez d'apporter de l'argent là où il n'y en a pas besoin. Vous avez renoncé aux réformes de structure. Les cliniques privées, indispensables au service public de l'hospitalisation...

Mme Odette Grzegrzulka - Certaines.

M. Bernard Accoyer - ...assurent 50 % des actes chirurgicaux et des accouchements. Rien n'a été fait pour elles, si bien qu'elles dégagent des marges négatives (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je vous demande de conclure.

M. Bernard Accoyer - Je suis sans cesse interrompu par une majorité sans doute en proie à la culpabilité. La France est en guerre contre l'industrie pharmaceutique : est-ce le moment de l'inciter à fuir ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Vous savez bien, pour avoir rencontré ses représentants, qu'il faut une politique conventionnelle... (« Et la psychiatrie ! » sur les bancs du groupe socialiste) Parlons-en ! Je me bats depuis cinq ans pour faire reconnaître que les drogues illicites sont nocives pour la santé mentale ; il est vrai que nous avons un ministre délégué à la santé qui avait signé « l'appel du 18-joint »... Or, j'ai là une dépêche de l'AFP faisant état d'une étude de l'INSERM, laquelle montre qu'une consommation importante de cannabis entraîne des troubles du langage (Rires sur les bancs du groupe socialiste), une augmentation du temps de réaction, voire des attaques de panique et, dans un cas sur mille, des psychoses.

M. le Président - N'abusez pas de ma générosité.

M. Bernard Accoyer - Le Gouvernement a démissionné sur les retraites.

Qu'avez-vous conclu des travaux du Conseil d'orientation des retraites ? Que rien ne pourrait être fait avant les élections. Quel aveu !

Le fonds de réserve des retraites ne couvrira pas les besoins. Les trois quarts de ses recettes ont été détournés au profit des 35 heures. Ce texte ne peut donc qu'être renvoyé en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Claude Evin, rapporteur - Il est délicat de faire la part, dans les propos de M. Accoyer, de la sincérité et de la logorrhée schizophrénique. Il est opposé la politique du Gouvernement, soit, cela ne saurait justifier le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alfred Recours, rapporteur - Je n'ai rien à ajouter à cette excellente déclaration.

M. Pierre Menjucq - Ce qui justifie le renvoi en commission, c'est que la sincérité budgétaire n'est pas respectée, quelles que soient les modifications improvisées entre la première et la deuxième lecture. Enfin, j'ai le sentiment que les difficultés des médecins de campagne sont gravement négligées.

M. Bernard Accoyer - Je n'ai pas eu le temps d'en parler !

M. Pierre Menjucq - Nous, les élus ruraux, nous les connaissons hélas. Nous craignons que vous ne prépariez aux Français des lendemains qui déchantent, et même que vous enterriez d'avance notre garantie sociale. Voilà pourquoi nous voterons le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; murmures sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Delnatte - Notre collègue Accoyer a brillamment résumé les trois vices de ce projet : manipulation, détournement, insincérité. Ce ne sont pas là des fantasmes de l'opposition : écoutez la Cour des comptes, les partenaires sociaux, le FMI, l'OCDE, tous démontrent que vous naviguez dans le virtuel, ne parvenant plus à maîtriser votre système. Oui, la copie est à revoir complètement, et il faut donc voter le renvoi en commission.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 22 novembre, à 9 heures.

La séance est levée à 0 heure 15.

            Le Directeur-adjoint du service
            des comptes rendus analytiques,

            Louis REVAH

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ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 22 NOVEMBRE 2001

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ( n° 3390).

MM. Alfred RECOURS, Claude EVIN, Denis JACQUAT et Mme Marie-Françoise CLERGEAU, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport n° 3395).

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT-ET-UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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