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Session ordinaire de 2001-2002 - 48ème jour de séance, 111ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 15 JANVIER 2002

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

Sommaire

      FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ 2

      DÉCLARATION D'URGENCE 2

      JOURNÉE DU SOUVENIR À LA MÉMOIRE
      DES VICTIMES DE LA GUERRE D'ALGÉRIE
      ET DES COMBATS DU MAROC ET DE TUNISIE 2

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 29

      JOURNÉE DU SOUVENIR À LA MÉMOIRE
      DES VICTIMES DE LA GUERRE D'ALGÉRIE
      ET DES COMBATS DU MAROC ET DE TUNISIE (suite) 29

      ARTICLE PREMIER 29

      ART. 2 36

      A N N E X E ORDRE DU JOUR 40

La séance est ouverte à neuf heures.

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FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

M. le Président - Par lettre du 8 janvier 2002, M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Jean-Pierre Baeumler, député du Haut-Rhin, prenait fin le 12 janvier 2002.

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DÉCLARATION D'URGENCE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence de la proposition de loi complétant la loi du 15 juin 2000.

Acte est donné à cette communication.

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JOURNÉE DU SOUVENIR À LA MÉMOIRE DES VICTIMES DE LA GUERRE D'ALGÉRIE ET DES COMBATS DU MAROC ET DE TUNISIE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bernard Charles et plusieurs de ses collègues relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir. Le rapport de la commission des affaires culturelles et familiales porte également sur les propositions de MM. Bocquet et Néri et plusieurs de leurs collègues.

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteure de la commission des affaires sociales et familiales - Le 19 mars 1962, à midi, le cessez-le-feu conclu la veille lors des Accords d'Evian, entrait en vigueur et mettait fin aux « opérations militaires et à la lutte armée » sur l'ensemble du territoire algérien. Ce faut aussi, comme le dit Jean Lacouture, « le premier jour où la France ne fut en guerre contre aucun peuple ».

À l'époque, la nouvelle procure soulagement et émotion des deux côtés de la Méditerranée, tant ces longues années ont été porteuses de deuils et d'atrocités.

Malheureusement, ce ne fut pas le cessez-le-feu pour l'OAS qui, se mettant hors-la-loi de la République, poursuivit sa politique de terreur jusqu'en juin 1962.

Après l'indépendance de l'Algérie, reconnue par la France le 3 juillet 1962, la violence se déchaîna à nouveau, notamment à l'encontre des Harkis, honteusement abandonnés à leur sort, et entre les différentes factions algériennes en lutte pour le pouvoir.

Le bilan de cette guerre fut terrible, sur tous les plans. En Algérie, la guerre d'indépendance a causé la mort de centaines de milliers de personnes, occasionné le déplacement de millions de paysans, et déstructuré l'économie. En France, les victimes furent moins nombreuses mais le traumatisme tout aussi profond : deux millions de soldats ont traversé la Méditerranée entre 1955 et 1962, dont une majorité d'appelés, souvent très jeunes. D'autres préférèrent la prison, la clandestinité. Environ 30 000 sont morts, ceux qui sont revenus portent en eux des souffrances indélébiles.

Certains de ces anciens d'Algérie siègent sur ces bancs, à commencer par vous-même, Monsieur le ministre, et beaucoup nous écoutent aujourd'hui avec attention et émotion.

Toutes ces victimes méritent notre respect, notre devoir de mémoire et notre volonté de réparation autant que faire se peut.

Politiquement, le conflit a profondément troublé la classe politique de l'époque. Il a précipité la chute de six présidents du Conseil, l'effondrement de la IVe République, et l'avènement de la Ve République en septembre 1958, sous l'égide du général de Gaulle.

Pourtant, cette guerre est restée un sujet tabou et controversé. Comme l'écrit l'historien Benjamin Stora, « la guerre finie, d'un côté comme de l'autre de la Méditerranée, on s'efforcera d'en effacer les traces sanglantes, réelles. En France, aucune commémoration ne viendra perpétuer le souvenir des combattants de tous bords et la chaîne des amnisties successives construira l'oubli d'un conflit inavouable ».

Et ce, en dépit des multiples ouvrages parus depuis sur le sujet et des polémiques récurrentes sur la question de la torture, dénoncée courageusement à l'époque par certaines personnalités comme le général de la Bollardière ou le comité Maurice Audin, ravivées récemment par les déclarations scandaleuses du général Aussaresses, dont le procès pour « apologie de crimes de guerre » sera jugé la semaine prochaine.

Depuis quelque temps, les jeunes générations, en Algérie comme en France, manifestent avec force un besoin de reconnaissance, de vérité et de justice, victimes qu'elles sont d'une histoire coloniale occultée ici, ou d'une guerre d'indépendance mythifiée là-bas.

Le Parlement n'est pas resté à l'écart de ce mouvement. En juin 1999, à l'initiative du groupe socialiste, il a adopté à l'unanimité une proposition de loi reconnaissant l'état de guerre en Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc.

Nous devons poursuivre cette démarche salutaire en instituant un moment commémoratif, qui permette à tous les Français, à la République, fondée sur l'humanisme, de se souvenir de la guerre d'Algérie, dénoncer les horreurs de toute guerre et les errements du colonialisme.

C'est pourquoi le groupe Radical Citoyen Vert soumet à votre approbation cette proposition de loi officialisant le 19 mars comme journée du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie. Elle fait l'objet d'un examen commun avec les propositions de loi similaires des groupes socialiste et communiste. Certains collègues de l'opposition ont d'ailleurs déposé des propositions allant dans le même sens.

Nous n'ignorons pas que la date du 19 mars ne fait pas l'unanimité. Je rappellerai tout de même que 20 000 communes commémorent d'ores et déjà chaque année le souvenir de la guerre d'Algérie à cette date et que c'est une revendication forte de la majeure partie du monde combattant, de la FNACA notamment.

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - C'est faux ! C'est mensonger !

Mme la Rapporteure - Cette date suscite l'inquiétude, voire le rejet de ceux qui ont été victimes de ce conflit après le 19 mars 1962, rapatriés et surtout Harkis. Encore une fois, nul ne conteste ici leurs souffrances et, oui, il faut dire que les Harkis ont été maltraités sur le sol français pendant des années et que, même si des mesures ont été prises pour permettre une meilleure intégration des jeunes générations et qu'une journée du souvenir leur a été dédiée en septembre dernier, le travail de reconnaissance et de réparation à leur égard n'est pas achevé.

Rappelons néanmoins qu'après le 11 novembre 1918, et surtout après le 8 mai 1945, il y eut aussi bien des morts et des règlements de compte sanglants. Ces deux dates, qui formalisent l'arrêt des combats, symbolisent néanmoins le souvenir des deux guerres mondiales et rendent hommage à toutes leurs victimes.

M. Rudy Salles - On pourrait aussi commémorer l'armistice de 1940 !

Mme la Rapporteure - Il en irait de même pour le 19 mars qui, loin de faire un tri arbitraire entre les victimes, fonde au contraire un acte fort de la République française, adopté massivement par référendum le 8 avril 1962, en faveur de la paix et du droit des Algériens à l'autodétermination. L'historien Jean Lacouture rapporte même que, durant la retraite du général de Gaulle, il arrivait aux visiteurs d'évoquer devant lui « l'homme du 18 juin ». Et le général de s'irriter : « Eh quoi !, disait-il, rien depuis lors ? Et l'homme du 26 août 1944 ? Et celui du 8 janvier 1959 ? Et celui du 19 mars 1962, point final à 26 ans de guerres ininterrompues ? ».

Ainsi, le 19 mars ne signe ni une victoire ni une défaite militaire, mais une démarche politique salutaire et largement approuvée, qui fit dire au Premier ministre de l'époque, Michel Debré : « Nous touchons à la fin d'une épreuve douloureuse. Malraux a parlé de victoire, mais il s'agit plutôt d'une victoire sur nous-mêmes. Maintenant, tout dépendra de ce que sera la France ».

Ainsi, quelle que soit l'évolution politique des uns ou des autres sur la nécessité de mettre fin à cette guerre, quelles que soient les catégories de victimes, le 19 mars apparaît bien comme la date qui a le plus de sens et de légitimité.

Quelles seraient, sinon, les alternatives ?

Le 16 octobre, date du transfert des cendres du soldat inconnu d'Afrique du Nord à Notre-Dame-de-Lorette ? Si rien n'empêche ceux qui s'y rendent de perpétuer cette cérémonie, cette date n'a aucune signification par rapport au déroulement de la guerre d'Algérie.

Le 11 novembre, institué comme memorial day à l'américaine pour rendre hommage à tous les soldats morts pour la France ? Là aussi, les Français ont montré leur attachement à la date du 8 mai, que cette proposition faisait disparaître.

Le 28 septembre, comme le propose notre collègue Yves Fromion ? L'avènement de la Vème République, permettez-moi de vous le rappeler, fait bien moins l'unanimité que le 19 mars !

Alors, le statu quo, qui revient à laisser chaque catégorie de victimes au sein de son association commémorer la date qui lui convient, sans qu'à aucun moment la nation tout entière fasse son devoir de mémoire et assume ses responsabilités ?

Cette proposition, confortable à court terme, me semble catastrophique à moyen et à long terme. Une fois ces générations disparues, qui rappellera à la République la nécessité de faire face à son histoire, aussi pénible soit-elle parfois ?

Enfin, le Parlement, émanation du peuple français, n'est-il pas fondé à exercer pleinement ses responsabilités, lui, qui, hélas, les abandonna en mars 1956 en votant les « pouvoirs spéciaux », avec toutes les conséquences que l'on sait ? « Pouvoirs spéciaux », algériens cette fois-ci, et état d'urgence toujours en vigueur dans l'Algérie de 2002 !

Je voudrais en conclusion évoquer l'impact positif de la démarche que nous effectuons aujourd'hui, pour le présent, mais aussi pour l'avenir des relations franco-algériennes et insister sur sa dimension pédagogique à l'intention des jeunes générations.

Quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie, bien des questions restent en suspens et traduisent le malaise qui persiste dans nos sociétés : le statut des Algériens en France, leurs droits en matière d'immigration restent problématiques. Les accords franco-algériens en la matière ne sont toujours pas appliqués, l'avenant du 11 juillet dernier signé par les deux gouvernements n'ayant pas encore été soumis à la ratification du Parlement.

Malgré les mesures prises pour lutter contre les discriminations et le racisme, la jeune génération peine à trouver sa place et sa reconnaissance dans la société française. Les événements du 11 septembre, les conflits non résolus du Moyen-Orient ont à nouveau mis en évidence les difficultés de compréhension entre le monde musulman, le monde arabe et les sociétés occidentales.

M. Rudy Salles - Vous êtes à côté de la plaque !

Mme la Rapporteure - Nous ne pourrons progresser dans tous ces domaines qu'en luttant contre l'oubli, la pauvreté et l'ignorance, sur lesquels s'appuient toujours le fanatisme et l'intolérance.

Faciliter et favoriser le travail des historiens français et algériens en rendant les archives encore plus accessibles, donner toute sa place à la guerre d'Algérie et à l'histoire de la colonisation dans les manuels scolaires, encourager le dialogue entre les sociétés civiles françaises et algériennes, que des raisons d'Etat qui ne sont pas toujours raisonnables empêchent trop souvent : c'est à tous ces objectifs, aussi, que cette commémoration peut et doit être utile.

Notre débat va donc bien au-delà d'une dispute qui pourrait sembler obscure et dépassée sur le choix d'une date de commémoration. L'affluence du public montre qu'il s'agit bien de franchir une étape importante dans la reconnaissance d'un conflit meurtrier et de contribuer ainsi à une réconciliation illusoire aussi longtemps que persisteront le déni et les ranc_urs, mais possible si l'histoire est assumée (Protestations sur certains bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Pour toutes ces raisons, je vous invite, au nom de la commission, qui a approuvé cette proposition, à franchir cette étape ensemble. Nous rappellerons ainsi une date historique et, en même temps, la nécessité de respecter, en Algérie comme en France, les principes de la déclaration universelle des droits de l'homme. Faisons donc en sorte qu'enfin le 19 mars soit commémoré avec toute la solennité requise, en mémoire de l'ensemble des victimes de la guerre d'Algérie et des combats d'Afrique du Nord, et saluons ainsi la victoire de la raison sur la folie meurtrière, en un geste enfin accompli de réconciliation, d'apaisement, de vérité et de justice (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

Plusieurs députés UDF, RPR, DL - Ce sont des mots !

M. Philippe de Villiers - C'est une honte !

M. Bernard Charles - Pas ça ! Pas vous !

M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants - En octobre 1999, le Parlement a adopté à l'unanimité une loi reconnaissant l'état de guerre en Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc pendant la période 1952-1962. Désormais, la France ne parlerait plus simplement de « maintien de l'ordre » au cours de ces années dramatiques. La guerre d'Algérie était ainsi réintroduite dans la mémoire collective, dans le souci de reconnaître les faits et de favoriser la cohésion nationale. L'inauguration du mémorial du quai Branly participera de ce processus.

Cela, pourtant, n'a pas suffi à apaiser les esprits, et c'est pourquoi une proposition est soumise à votre assemblée, qui tend à reconnaître le 19 mars comme journée nationale du souvenir à la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie et des combats en Afrique du Nord. Il faut dire que la question est éludée depuis des années, au point qu'il n'y a pas eu de débat à ce sujet au sein des associations d'anciens combattants.

M. Yves Fromion - C'est là que le bât blesse !

M. le Secrétaire d'Etat - Faut-il donc, alors que 40 ans se sont écoulés, continuer d'éluder ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Non !

M. le Secrétaire d'Etat - Comment concevoir qu'au terme de quatre décennies, la France ne soit pas parvenue à se réconcilier avec elle-même ?

M. Philippe de Villiers - Et les porteurs de valises ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. le Secrétaire d'Etat - C'est que la guerre d'Algérie demeure si douloureuse qu'on la redécouvre périodiquement, au gré de « coups » médiatiques, tout en continuant d'occulter le fait que les violences ont duré dix ans et mis un terme à une colonisation de 132 ans.

L'histoire des relations entre la France et le peuple algérien est une suite d'occasions manquées.

Le 4 juin 1958, le général de Gaulle affirmait à Alger : « Je déclare qu'à partir d'aujourd'hui, il n'y a que des Français à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs ». La réalité est toutefois plus complexe, car la France, quels que soient les régimes et les gouvernements, n'est pas parvenue à assimiler les 9 millions d'Algériens vivant dans nos trois départements d'outre-Méditerranée, qui aspiraient pourtant, depuis plus d'un siècle, à entrer dans la cité française. Pour cela, ils n'ont pas hésité à s'acquitter de leurs devoirs, dont le plus important, « l'impôt du sang », pendant les deux conflits mondiaux. En contrepartie ils n'ont pas obtenu les droits correspondant à l'ampleur de leurs sacrifices, contrairement à ce qui leur avait été promis.

Il y eut, certes, le projet Blum-Viollette octroyant la pleine citoyenneté à 21 000 Français musulmans, mais il avorta sous la pression des ultras européens et d'indépendantistes radicaux.

Il y eut aussi les réformes de 1946-1947, qui accordèrent aux Algériens une représentation séparée. Toutefois, le principe d'égalité « un homme, une voix » ne fut pas respecté, au désespoir des nationalistes modérés.

Parlant des Algériens, Maurice Viollette, ministre d'Etat du Front populaire, avait pourtant averti : « Si vous ne leur donnez pas une patrie, ils s'en feront une autre ».

De fait, les blocages économiques, sociaux et politiques vont entraîner un nombre croissant d'Algériens à considérer que l'indépendance est la seule solution, et les espoirs déçus vont susciter des violences inouïes. Pendant une dizaine d'années, la haine et la folie s'emparent des esprits, à mesure que, selon les mots d'Albert Camus, « chacun s'autorise du crime de l'autre pour aller plus loin ».

Je n'ai pas l'intention de dresser le catalogue des actes de barbarie, mais je dois rappeler que cette guerre de décolonisation qui ne voulait pas dire son nom fut d'autant plus effroyable qu'elle prit le caractère d'une double guerre civile franco-française et algéro-algérienne, durant laquelle des atrocités ont été commises de part et d'autre.

Il ne s'agit pas pour moi de prendre parti dans une guerre des mémoires, car la tâche du politique est d'envisager l'histoire avec courage et lucidité, sans que cet exercice débouche sur la culpabilité ou sur la paralysie, et encore moins sur la repentance. Il doit, au contraire, inspirer l'action.

Je n'instruis pas un dossier judiciaire pour inculper ou disculper tel ou tel acteur de ce drame que la République, dans sa grande sagesse, a couvert par les lois d'amnistie.

Les soldats du contingent rappelés ou appelés, l'immense majorité des militaires ayant servi en Algérie n'ont pas été impliqués dans les exactions dénoncées et condamnées en leur temps. Ils n'ont pas à se sentir coupables, non plus que les officiers et les soldats de carrière qui ont fait leur devoir avec honneur. Ils n'ont pas à se sentir coupables, ceux qui ont sauvé la République en s'opposant au putsch.

Il n'en reste pas moins qu'entre 1954 et 1962 la violence a entraîné la répression qui justifie la violence. Dans cet engrenage fatal, la confusion des esprits et des valeurs a parfois été grande, et le bilan de cette guerre a été terrible puisque le conflit aurait fait près de 500 000 victimes. Il a aussi conduit au déplacement de millions de paysans et déstructuré l'économie algérienne.

En France, le traumatisme a été profond. Près de deux millions de jeunes métropolitains dont l'enfance ou l'adolescence avait été marquée par la deuxième guerre mondiale ont traversé la Méditerranée. Toute une génération fut impliquée dans la guerre, sans en comprendre tous les enjeux.

Un million de « pieds-noirs » ont quitté le pays qu'ils aimaient et où certaines familles vivaient depuis plusieurs générations.

Une République s'est effondrée et une autre l'a remplacée.

Rien d'étonnant, donc, si une fois la guerre finie, tout a été mis en _uvre pour effacer les traces sanglantes des deux côtés de la Méditerranée.

En France, aucune date commémorative n'a été fixée pour perpétuer le souvenir des combattants de tous bords de cette « guerre sans nom ». Occultée, la guerre d'Algérie n'a pas suscité la réflexion nécessaire. Le travail de deuil s'en trouve inachevé, et les mémoires demeurent encombrées par les remords, et les souffrances enkystées.

C'est pourquoi, après qu'au cours de cette législature votre assemblée a reconnu à l'unanimité la guerre d'Algérie, le Parlement doit maintenant consacrer avec la même très large approbation une journée de recueillement et de souvenir.

La tradition républicaine veut qu'une date commémorative reprenne une date historique marquant la cessation officielle des hostilités, sinon la fin des combats eux-mêmes. Ce fut le cas avec le 11 novembre pour la guerre de 1914-1918, et avec le 8 mai pour la guerre de 1939-1945. Pour la guerre d'Algérie, le 19 mars est la date du cessez-le-feu officiel qui accompagne les accords d'Evian. Elle me paraît devoir être affirmée.

Lorsque le cessez-le-feu, conclu la veille, devient effectif le 19 mars à midi, c'est le soulagement en métropole. Chacun des appelés alors en service se souvient avec précision de ce qu'il faisait lorsque la nouvelle lui est parvenue. Cette date a donc une forte charge symbolique pour toute une génération : pour les deux millions de jeunes Français qui ont dû traverser la Méditerranée pour être impliqués dans la guerre qu'ils n'avaient pas voulue, c'est la fin d'une guerre cruelle où nombre de leurs camarades sont tombés.

Pour eux, c'est l'annonce du retour en France et d'une paix retrouvée. C'est également devoir réapprendre le quotidien en affrontant les souvenirs et les traumatismes profonds qui en découlent.

M. Philippe de Villiers - C'est scandaleux ! Et les Harkis ?

M. le Secrétaire d'Etat - Le cessez-le-feu officiel, toutefois, n'apporte pas immédiatement la paix, même s'il est indéniable que l'Armée française n'a pas subi une défaite en Algérie. Preuve en est que l'Armée de libération algérienne ne contrôlait pas le pays et se trouvait en terres étrangères.

Pour certains, cependant, le cessez-le-feu correspond à un basculement déchirant.

Pour nos compatriotes français d'Algérie, rapatriés, c'est l'abandon de leur terre natale aimée, de leurs racines, de leurs souvenirs, de leurs cimetières.

Pour les Harkis, qui n'envisageaient pas d'autre avenir que dans la France, cette fidélité fut un choix pour lequel ils ont payé un lourd tribut.

M. Philippe de Villiers - Ils ont été égorgés !

M. le Secrétaire d'Etat - Rejetés des terres qui les avaient vus naître, ils ont trop souvent fait l'objet d'un autre rejet dans leur terre d'accueil. Aujourd'hui, leurs enfants revendiquent légitimement la reconnaissance de la France à l'égard de leurs pères, et leur propre intégration.

Mais une mémoire ne doit pas occulter une autre réalité. La nation française a entériné les accords d'Evian le 8 avril à l'écrasante majorité de 90,71 % des votants - un véritable plébiscite qui transcende les clivages politiques. Comment ne pas reconnaître la forte charge symbolique de cette date pour la majorité des Français vivant en 1962 ? Il ne s'agit pas de faire l'impasse sur les souffrances et les traces indélébiles laissées par la guerre (Interruptions sur les bancs du groupe UDF), mais au contraire de les sublimer dans le rituel républicain d'une commémoration officielle. Il faut sortir de l'enfermement des traumatismes individuels et faire en sorte que la nation tout entière assume, dans sa mémoire collective, la guerre d'Algérie.

Conscient de cette obligation morale, je suis convaincu que la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie doit désormais s'accompagner d'un temps de mémoire (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Tous les acteurs, dans leur diversité, doivent pouvoir témoigner des épreuves endurées pendant et après les combats pour parachever leur travail de deuil. En ce début de XXIe siècle, la République française, démocratie apaisée, s'honorerait à assumer son histoire et à intégrer un passé trop longtemps occulté, contribuant ainsi à la réconciliation entre le peuple algérien et le peuple français.

Ce serait l'occasion de délivrer aux jeunes générations un message de paix et de dénoncer l'absurdité d'affrontements qui ont bouleversé l'existence de millions de personnes d'horizons divers. Pour ces jeunes générations, cette guerre est difficile à comprendre tant elle semble prendre à défaut les valeurs de la République. Le rassemblement de la nation en souvenir de toutes les victimes de cette période pourrait offrir un moment fort de dimension pédagogique et citoyenne.

C'est aussi un moyen d'évoquer sous tous ses aspects la guerre d'Algérie et de lutter ainsi contre l'oubli. « Qui sait si la lutte qui se termine et le sacrifice des morts tombés des deux côtés n'auront pas, en définitive, aidé les deux peuples à mieux comprendre qu'ils sont faits, non pour se combattre, mais pour marcher ensemble sur la route de la civilisation ? » a dit Charles de Gaulle (Vives interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF), Messieurs les députés, Charles de Gaulle, aujourd'hui, appartient à l'histoire de France et à tous les Français ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) Le choix du 19 mars comme date commémorative est un jalon sur cette « route de la civilisation ».

La nation, par la volonté de ses représentants, a donné en 1999 sa dignité à la troisième génération du feu. Aujourd'hui, il vous revient d'octroyer à tous le droit de commémorer les victimes de la guerre d'Algérie pour qu'enfin la nation, réconciliée avec toutes les mémoires, puisse mettre un terme définitif à cette guerre (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Georges Sarre - Je sais quelle émotion entoure cette proposition de loi. Je la partage. Son examen est, pour notre pays, un moment grave et solennel.

Que ceux qui croient qu'il s'agit de mettre un point final à un chapitre douloureux de notre passé commun en oubliant l'engagement sincère des ultimes victimes de cet épilogue tragique se détrompent. Si nous ne sommes pas capables de regarder en face, sans complaisance, tous les aspects de notre histoire, qui le fera à notre place et comment ?

Certains sont toujours prêts à saisir toutes les occasions qui se présentent pour flétrir la France, pratiquant l'amalgame à outrance et laissant croire que nous, qui étions là-bas, fûmes tous tortionnaires (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF).

Notre but est au contraire de faire triompher la vérité, en plaçant l'histoire de la France en Algérie dans sa juste perspective. C'est à ce prix que la nation dans son ensemble pourra apprécier, avec un recul suffisant, la longue histoire de la colonisation (Mêmes mouvements) et honorer les souffrances de tous, par exemple celles des Harkis, dont l'abandon est injustifiable (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR).

C'est à ce prix que nous rendrons aux Pieds-noirs la légitime fierté de l'_uvre accomplie par leurs aïeux. C'est sur ces bases que doit être apprécié le long cheminement du peuple algérien.

Cette exigence de vérité vaut aussi pour les générations futures. On n'enseigne plus à ces jeunes, qui ont pourtant soif d'idéal et de repères, le souvenir du sacrifice consenti, au nom de la France, par tant de générations de jeunes. On ne leur enseigne pas le contexte réel, les déchirements cruels qu'engendra cette période pour des millions d'hommes et de femmes, et c'est préoccupant. Il y a quarante ans et plus, il n'était pas facile d'avoir vingt ans dans les Aurès.

Il faut donc dire toute la vérité, en particulier aux jeunes issus de l'immigration algérienne nés sur notre sol. C'est ainsi que nous les aiderons à trouver toute leur place dans notre nation. Il faut leur dire qu'entre ceux qui défendent une conception superficielle de la nation et ceux qui renient en bloc notre appartenance à une nation citoyenne, l'écrasante majorité de notre peuple est attachée à cette nation républicaine ouverte, généreuse et en éternel mouvement. Il est anormal et même étrange que la France ne commémore pas officiellement, dans le recueillement et le respect de tous, la fin d'une guerre qui, grâce à notre vote unanime, porte enfin son nom !

C'est pourquoi vous avez été nombreux, chers collègues, à droite comme à gauche, à déposer des propositions de loi convergentes instituant le 19 mars en journée de recueillement, comme le souhaitent aussi de nombreux anciens combattants d'Afrique du Nord et leurs associations, dont la FNACA, forte de plus de 370 000 membres (Interruptions sur divers bancs).

L'officialisation de la date du 19 mars 1962 est donc un acte hautement symbolique. Il s'agit bien, au nom de la République, d'honorer tous ceux qui sont morts dans cette guerre. Car c'est la République qui a su alors, malgré les doutes et les erreurs, se relever d'une terrible épreuve, en restant fidèle à ses propres valeurs.

Quoi que l'on puisse penser des accords d'Evian et de leur application ultérieure, cette date du 19 mars et l'ordre du jour du général Ailleret marquent bien la fin officielle de l'engagement de l'Armée de la France. C'est bien le gouvernement de la République qui a décidé de tirer toutes les conséquences de l'effondrement d'un rêve pour certains, d'un mythe pour d'autres, celui d'une Algérie française.

Entre le débarquement de Sidi Ferruch en 1830 et les accords d'Evian, que d'occasions ont été manquées pour éviter le drame final !

C'est à la lumière d'une connaissance objective de la situation qu'il faut comprendre le choix de l'homme d'Etat, du grand Français que fut le général de Gaulle.

Certains d'entre nous, à l'époque, n'auraient peut-être pas partagé ses convictions. Mais sa légitimité et son courage ne souffrent, quarante ans plus tard, aucune mise en cause. Chacun sait quelles hésitations marquèrent sa propre évolution. Peu d'hommes auraient eu, comme lui, la force de prendre tous les risques.

Refuser cette officialisation au motif que la date du 19 mars ne serait pas la bonne, ce serait condamner le peuple français qui vota « oui » massivement aux deux référendums qui conduisirent à l'indépendance de l'Algérie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Oui, la guerre d'Algérie a bien pris fin le 19 mars 1962. Toute autre interprétation des faits serait fallacieuse et ne permettrait pas de rendre justement hommage à ceux qui en ont souffert, de mieux respecter la tragédie des soldats, des Harkis et des Pieds-noirs. L'Algérie est aujourd'hui un pays ami, avec lequel la France doit construire une grande politique de coopération.

Plutôt que de ressasser des griefs réciproques, tournons-nous courageusement vers l'avenir ! Je suggère à ce propos qu'une commission d'historiens français et algériens travaille à écrire cette histoire commune, de façon complète et impartiale.

Se contenter de quelques manifestations de repentance périodiques est trop facile. Il l'est moins d'affronter la réalité avec objectivité. C'est la voie que nous avons choisie, car seule elle nous permettra de refermer à jamais des plaies anciennes, de rétablir la concorde et de regarder vers l'avenir, en reconnaissant que leur histoire commune, marquée de tant de souffrances et de deuils, a aussi créé entre la France et l'Algérie des liens que rien n'effacera.

Après avoir donné son nom à cette guerre, nous vous invitons donc à en marquer solennellement le terme pour _uvrer à la réconciliation nationale et permettre à notre pays de jouer tout son rôle dans le monde en faveur de la paix et de la prospérité (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Michel Meylan - Le groupe DL et indépendants votera contre la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et sur quelques bancs RPR et UDF). C'est à nos yeux une question de cohérence, de vérité et d'honnêteté.

Nul ici ne conteste la nécessité de choisir une date de commémoration. Mais il faut qu'elle rassemble, or le choix du 19 mars divise. Il suscite une telle opposition qu'il a provoqué la création dans le monde combattant d'un front uni du refus (Protestations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). Deux associations seulement font du lobbying en faveur du 19 mars. Toutes les autres ont dit et écrit leur opposition. Chaque groupe du Parlement est divisé.

Un député communiste - Pas le nôtre !

M. Michel Meylan - Seul Georges Colombier l'a relevé dans sa proposition de loi.

Et ne faut-il pas associer dans le souvenir le peuple algérien ? Mais lui non plus n'est pas unanime. Il ne s'agit pas de célébrer une victoire ou une défaite, dit Mme Aubert. Mais comment devons-nous réagir quand la République algérienne émet en 1997 un timbre commémorant le 19 mars 1962 comme fête de la victoire ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Comment les parlementaires doivent-ils réagir quand le Président de la République algérienne déclare, ici même, qu'aux yeux de l'opinion de son pays, les Harkis sont des collabos ?

M. Claude Goasguen - Et à la télévision française !

M. Michel Meylan - Comment nous, anciens d'AFN, devons-nous réagir quand le centre d'études algérien choisit le 16 octobre, date de l'inhumation du soldat inconnu de la guerre d'Algérie, pour organiser à Paris une manifestation et la projection d'un film en hommage aux porteurs de valises ? Comment les citoyens doivent-ils réagir quand le maire de Paris organise une manifestation à la mémoire des nombreux Algériens victimes de la répression policière du 17 octobre 1961 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) sans évoquer la mémoire des nombreux policiers victimes du FLN ni le souvenir des Algériens rackettés, violentés par le FLN s'ils ne payaient pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Le choix du 19 mars ravive bien des blessures. Jusqu'à son départ en octobre dernier, M. Masseret a toujours dit que, faute d'accord dans le monde combattant, le Gouvernement continuerait de participer aux cérémonies du 19 mars et du 16 octobre. Ce qui était vrai il y a quelques mois ne le serait donc plus aujourd'hui ? S'il s'agit d'un choix politique du Gouvernement, ayez le courage de vous en expliquer !

Nous sommes aussi opposés à ce choix par souci de la vérité. Prétendre que le 19 mars est la date la plus légitime, c'est réécrire l'histoire. Or accomplir un devoir de mémoire, c'est se souvenir de tout. Se souvenir que le 19 mars, pour nous c'était d'abord la quille, mais aussi que la guerre ne s'est pas arrêtée à cette date ni même le 2 juillet. Se souvenir des soldats du contingent blessés ou tués après cette date

M. Alain Néri - Par l'OAS.

M. Michel Meylan - En particulier des Moghaznis, des membres des sections administratives spécialisées et des groupes mobiles de sécurité. Ces supplétifs représentaient 225 000 hommes en armes à la veille du cessez-le-feu. C'est se souvenir que les garanties offertes aux populations par les accords d'Evian n'ont pu être respectées, faute pour le FLN et le GPRA de les faire appliquer, et que les Français de souche européenne et de souche nord-africaine ont dû, par navires entiers, tout quitter et tout perdre, jusqu'à leurs racines.

M. Jean-Pierre Brard - À cause de l'OAS.

M. Michel Meylan - Se souvenir enfin des 150 000 Harkis et des 25 000 Pieds-noirs abandonnés et livrés aux tortures et aux massacres du FLN après le 19 mars.

M. Claude Goasguen - Absolument !

M. Michel Meylan - Quand, en France, on débat de la torture en Algérie et on instruit le procès à charge de l'Armée française, que l'on se souvienne de la torture appliquée à ceux qui avaient choisi la France !

M. Jean-Pierre Brard - Vous défendez Aussarresses ?

M. Michel Meylan - Faire du 19 mars une journée de commémoration, ce serait les tuer une seconde fois (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

On pouvait tout aussi légitimement envisager d'autres dates. Pourquoi pas le 16 octobre, anniversaire de l'inhumation du soldat inconnu d'Afrique du Nord, le 10 juin date à laquelle l'Assemblée a approuvé à l'unanimité la proposition de loi portant reconnaissance de l'état de guerre en Algérie ou le 18 octobre, date de sa promulgation, le 25 septembre, journée nationale d'hommage aux Harkis ?

M. Yann Galut - Bref, toutes les dates sauf celle-là !

M. Michel Meylan - Nous aurions pu insister pour une de ces dates, mais ne l'avons pas fait, conscients qu'il n'y avait pas de consensus.

Enfin si nous sommes hostiles non pas à une commémoration mais au choix du 19 mars, c'est par honnêteté intellectuelle. Ne confondons pas devoir de mémoire et surenchère électorale (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR). Le 19 mars est un serpent de mer qui réapparaît à quelques mois des élections - et l'on sait bien le poids de telle ou telle association d'anciens d'AFN dans les circonscriptions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Mais la guerre d'Algérie n'est pas un fonds de commerce, le vote de nos camarades n'est pas à acheter !

M. Henri Cuq - Très bien !

M. Michel Meylan - Après avoir réclamé l'extension de la période d'attribution du titre de reconnaissance nationale pour les opérations qui ont eu lieu jusqu'au 1er juillet 1964, comment nous dire aujourd'hui que tout s'est terminé le 19 mars 1962 ?

Mettre en avant une enquête IFOP est pitoyable. Je pourrais citer un sondage IPSOS qui n'aboutit pas aux mêmes conclusions. Je ne le ferai pas, car ce qui compte c'est d'abord l'avis des anciens d'AFN. Or l'énorme majorité des associations sont contre le choix du 19 mars (Protestations sur les bancs du groupe communiste).

Se retrancher derrière un accord entre groupes parlementaires ne vaut pas mieux. Les intérêts électoraux de certains ne leur donneront pas raison devant l'histoire. D'ailleurs, Monsieur le ministre, laisser entendre qu'à vos yeux il y aurait de bonnes lois votées à l'unanimité et des lois au rabais votées à 51 %, c'est mépriser les parlementaires.

M. Yann Galut - Ils vont s'exprimer !

M. Michel Meylan - En n'ayant pas le courage de reprendre cette proposition à son compte, le Gouvernement avoue d'ailleurs qu'il sait ne pas obtenir l'unanimité que votre prédécesseur exigeait.

Ancien d'AFN, je refuse d'être un porteur de valises de l'histoire. Ce n'est pas avec des lois de papier ou des breloques que le Parlement rachètera notre jeunesse perdue. L'égalité entre générations du feu ne signifie pas uniformité. On galvaude la guerre d'Algérie et le message des anciens d'AFN dans de basses revendications matérielles. Combien de fois ai-je entendu dans les couloirs de l'Assemblée : « Qu'on leur donne leur 19 mars si ça peut leur faire plaisir ! Comme ça, ils nous foutront la paix ! » (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Au lieu de petits arrangements avec l'histoire, préoccupons-nous de l'avenir. Quand je vois le Gouvernement inerte devant des jeunes Français sifflant la Marseillaise, je me dis que c'est là qu'il faut porter l'effort (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR), sur l'intégration dans la République. Quand je vois les populations algériennes massacrées par les intégristes, je me dis qu'il faut le porter sur la réconciliation entre nos peuples. Quand je vois de jeunes Français issus de l'immigration abusés par des imams de rencontre, je me dis qu'il faut reconnaître et soutenir un islam français respectueux de la laïcité républicaine. Et devant la désespérance des Harkis, je me dis que ce qu'il faut faire plutôt, c'est honorer la dette de la France.

Plusieurs députés socialistes - Qu'avez-vous fait pour eux ?

M. Michel Meylan - La Méditerranée est en arabe « la mer blanche du milieu ». Elle peut être un trait d'union entre le peuple français et le peuple algérien. Ne les divisez pas à nouveau en choisissant de commémorer le 19 mars.

Peut-être un jour serons-nous à même de prendre plus de recul. Alors nous considérerons qu'il n'y avait pas des catégories de combattants, mais des hommes et des femmes qui, à leur place et en leur temps, ont avec courage défendu leur idéal. Alors, dans la mémoire collective il n'y aura plus de bonnes ni de mauvaises guerres, alors seulement la nation communiera dans le souvenir des Français morts au service de leur pays. Alors enfin elle trouvera une date unique pour le commémorer, et nos débats actuels paraîtront bien dérisoires (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR et certains UDF).

M. Alain Néri - En juin 1999, à l'initiative du groupe socialiste, le Parlement adoptait à l'unanimité une proposition de loi reconnaissant l'état de guerre en Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc. Cette reconnaissance officielle permet de mieux comprendre ce qu'ont vécu les appelés, les rappelés, les maintenus, les militaires de carrière, les rapatriés, les Harkis, bref tous les acteurs de ce drame historique, qu'ils soient européens ou maghrébins, civils ou militaires. Le débat solennel et grave qui l'accompagna, tout à l'honneur de la représentation nationale, fut l'occasion d'évoquer les traumatismes, les souffrances et les incompréhensions qui ont marqué cette guerre et qui durent encore près de quatre décennies après la fin des combats.

Une première étape dans la réappropriation de notre passé a donc été franchie avec la promulgation de la loi du 18 octobre 1992. Notre volonté de renforcer le devoir de mémoire nous invite aujourd'hui à en franchir une nouvelle.

Par la volonté de ses représentants, la nation a donné en 1999 sa dignité à la troisième génération du feu et l'officialisation de la guerre d'Algérie, longtemps sujet tabou, a rendu la parole à tous ceux qui souffraient du silence. Aujourd'hui il s'agit d'évoquer la guerre d'Algérie dans sa dimension la plus large et de reconnaître que notre passé colonial a profondément marqué notre pays, les populations d'Algérie et de métropole ainsi que leurs descendants. Nous avons le devoir d'assumer collectivement et dans l'unité l'héritage de notre histoire. Conscients de cette obligation morale à l'égard de tous ceux qui ont eu à en souffrir, nous sommes convaincus que la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie doit s'accompagner d'un temps de mémoire. Tous les acteurs concernés doivent pouvoir témoigner des épreuves endurées pendant et après les combats et il faut rappeler sans cesse les réalités et les conséquences d'une guerre dont on a trop longtemps nié l'existence.

Le 26 avril 2001, le Premier ministre Lionel Jospin avait donc souhaité que « soit faite toute la lumière nécessaire sur cette guerre de décolonisation, qui fut une guerre civile, et durant laquelle des atrocités ont été commises de part et d'autre ». « Aucune victime, disait-il, ne doit être oubliée, ni du côté algérien, ni du côté français. Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas non plus ignorer les massacres dont les Harkis ont été victimes. Ce travail de vérité constitue un ciment puissant pour notre communauté nationale, car il lui permet d'édifier de plus solides fondations pour son avenir ».

A l'aube du XXIe siècle, la République française s'honorerait d'assumer son histoire en intégrant dans la mémoire nationale un passé trop longtemps enfoui, tout en délivrant aux jeunes générations un message de paix et en dénonçant l'absurdité d'affrontements qui ont bouleversé à jamais la jeunesse et l'existence de millions d'hommes et de femmes.

Pour répondre à cet objectif légitime et salutaire, il nous apparaît désormais possible et indispensable d'envisager que la nation se rassemble autour d'une journée de recueillement et de mémoire en souvenir de toutes les victimes civiles et militaires de cette période de notre histoire où des vies personnelles et des destinées familiales et collectives ont basculé.

La guerre d'Algérie, par sa spécificité historique et ses drames, par le climat passionnel et douloureux qui s'y rattache, a trop longtemps été entourée de non-dit. Aujourd'hui, il est de notre responsabilité de dire l'histoire et d'inscrire durablement l'évocation de cette guerre dans notre mémoire collective. Car oui, au même titre que les deux conflits mondiaux, la guerre d'Algérie appartient à notre histoire. Oui, après sa reconnaissance officielle, elle doit trouver sa journée de recueillement et de mémoire pour se souvenir. Quarante ans après le cessez-le-feu, il est temps que la représentation nationale tranche sur ce sujet après un débat qui doit être conduit dans la dignité et la lucidité. Oui, il est temps de rendre à la troisième génération du feu toute sa place parmi les anciens combattants des autres conflits. Ils ont droit eux aussi à la reconnaissance de leur sacrifice par la nation, lors d'une journée de recueillement qui leur soit spécifiquement consacrée. Oui, il est indispensable qu'il y ait une date de recueillement et de souvenir car cette guerre qui, trop longtemps, fut une guerre sans nom, ne doit pas devenir une guerre sans date pour l'hommage aux victimes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Oui, il faut que la nation rassemblée puisse remplir son indispensable devoir de mémoire envers les anciens combattants d'Afrique du Nord. Les anciens combattants de 14-18 ont le 11 novembre, ceux de 39-45 ont le 8 mai. Il nous reste à choisir la date qui marquera le recueillement pour la troisième génération du feu : cela ne peut se faire au petit bonheur la chance car il serait dérisoire de choisir une date sans fondement historique. Une réflexion approfondie me conduit à retenir le 19 mars, date officielle du cessez-le-feu en Algérie et non pas de la fin de la guerre d'Algérie. Il ne s'agit pas de fêter une victoire ou une défaite mais simplement de rendre hommage, de se recueillir, de se souvenir (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). En effet, ce n'est pas une date de défaite pour la France car l'Armée française n'a pas subi de défaite en Algérie. Simplement, pour la première fois de l'histoire, deux belligérants ont décidé de cesser le feu et d'engager des négociations, ratifiées ensuite par référendum.

Pour les soldats, leurs familles et leurs amis, pour tous ceux qui ont eu vingt ans dans les Aurès et qui dans un élan patriotique ont su se dresser pour défendre la République, cette date marque la fin d'une guerre cruelle où nombre de leurs camarades sont tombés. Elle marque l'annonce du retour en France, la paix retrouvée, le réapprentissage du quotidien malgré les traumatismes.

Pour les autres, elle marque l'accélération du drame. Pour nos compatriotes français d'Algérie rapatriés, ce fut l'abandon de la terre natale et le déracinement. A défaut d'effacer leur préjudice moral, il serait juste que la nation s'efforce de régler définitivement leur préjudice matériel en leur accordant une juste indemnisation.

M. Alain Fabre-Pujol - Très bien !

M. Alain Néri - Pour les Harkis, le choix de la fidélité fut lourd de conséquences. Les uns, honteusement abandonnés, furent massacrés. Les autres, rejetés des terres qui les avaient vus naître, connurent trop souvent un nouveau rejet sur leur terre d'accueil. Parqués dans des camps, ils furent l'objet d'une discrimination inacceptable. Aujourd'hui, leurs enfants revendiquent légitimement la reconnaissance de la France vis-à-vis de leurs pères. Je propose donc de créer un institut qui permettrait de mieux connaître l'histoire des Harkis, de rétablir la vérité historique, de faire le bilan de l'action de la France à leur égard depuis quarante ans et de prendre enfin en compte leurs justes revendications pour réparer ce qui peut encore l'être.

Pour tous, ce fut la guerre, la violence, les haines, les peurs, les souffrances, le rejet, l'incompréhension, les silences. Mais la journée du souvenir permettra de renforcer la cohésion nationale et constituera un acte de réconciliation, conforté par l'édification à Paris, quai Branly, du mémorial de la guerre d'Algérie. Nous proposons donc que le 19 mars devienne une journée nationale de recueillement en souvenir de toutes les victimes de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

Je vous demande donc de bien vouloir adopter la présente proposition de loi. Et de le faire dans un esprit de rassemblement qui doit se vérifier à travers un vote solennel et massif de l'Assemblée nationale, vote solennel que j'ai demandé et qui aura lieu mardi 22 janvier.

Au milieu de cet océan de sang et de larmes qui s'étend avant et après le 19 mars, cette date historique doit être le signal du rassemblement de la nation. Réunis ce jour-là au pied des monuments aux morts, rassemblés dans la même ferveur, nous rendrons hommage aux victimes, à toutes les victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie. C'est cela aussi, la grandeur de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Yves Fromion - On ne peut évoquer la guerre d'Algérie sans que la pensée se tourne d'abord vers ceux qui en furent les victimes. Il s'agit en premier lieu des combattants de nos forces armées. Vingt-cinq mille d'entre eux environ tombèrent au champ d'honneur, dont plus de 6 000 appelés. Plusieurs dizaines de milliers de nos soldats furent blessés ou touchés dans leur intégrité physique. Je veux aussi parler des membres des unités supplétives de Harkis, dont sans doute plus de 60 000, selon les chiffres officiels, périrent dans un effroyable génocide. On ne peut pas oublier non plus les victimes civiles dénombrées par milliers, notamment après le cessez-le-feu. Il faut enfin évoquer nos concitoyens Pieds-noirs, contraints pour plus d'un million d'entre eux à un exode terrible, qui signifia pour beaucoup la brisure inexorable d'une vie.

M. Jean-Pierre Brard - À cause de l'OAS !

M. Yves Fromion - L'hommage et la sollicitude de la nation doivent aller à chacun de ceux qui furent marqués dans leur chair ou dans leur c_ur par le drame algérien. On ne peut donc que s'associer à la démarche des organisations représentatives d'anciens combattants d'Afrique du Nord pour que soient honorés, dans la dignité et l'union, la mémoire et le sacrifice de leurs compagnons d'armes. Regrettons que la nation n'ait pu se rassembler autour d'une date consensuelle.

L'Assemblée nationale est appelée à délibérer sur une proposition de loi qui vise à trancher dans une matière où les sensibilités sont à vif. À l'origine de cette initiative, il y a l'engagement pris par M. Jospin en 1995, puis en 1997, de reconnaître officiellement la date du 19 mars comme journée de commémoration de la fin de la guerre d'Algérie. Nous sommes donc conviés à honorer une promesse électorale faite à une fraction du monde combattant.

L'affaire est délicate, tellement même que M. Jospin s'en est prudemment dessaisi au profit, si j'ose dire, de ses députés, lesquels dans un bel élan pluriel ont déposé une trinité de textes identiques.

La prudence tactique de M. Jospin trouve-t-elle son origine dans l'opposition que manifesta toujours François Mitterrand à l'égard du 19 mars ? Rien n'est moins sûr. Il y aurait plutôt été incité par le refus résolu de son ancien secrétaire d'Etat aux anciens combattants, M. Masseret, de donner satisfaction aux tenants de la reconnaissance de cette date. Le nouveau secrétaire d'Etat, lui-même signataire de la proposition de loi qui nous occupe, a fini par admettre, au terme de quelques déclarations contradictoires, que le Gouvernement donnerait une suite à une éventuelle initiative parlementaire dès lors que celle-ci recueillerait une majorité de 70 % à l'Assemblée nationale. Ce chiffre, qui inaugure la pratique de la majorité qualifiée dans notre assemblée, résulte à l'évidence d'une mathématique politicienne dont il sera intéressant de percer un jour le mystère (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Pour donner au débat un tour encore plus aléatoire, une importante organisation d'anciens combattants a cru utile de menacer de ses foudres électorales les députés par trop indociles.

On sourirait de cette palinodie si elle n'avait pour témoins muets les 36 000 monuments aux morts des communes de France.

En 1995, M. Jospin avait déclaré : « Il me semble indispensable aujourd'hui d'aborder cette période avec lucidité et réalisme dans un souci de justice et d'apaisement ». Est-ce bien ce qu'on nous propose de faire ? Le 19 mars 1962 peut-il se comparer au 11 novembre 1918 ou au 8 mai 1945 ?

Les faits sont clairs. Le cessez-le-feu du 19 mars 1962 n'est pas la conséquence d'une capitulation militaire de l'adversaire de la France, comme en 1918 ou en 1945, mais un acte d'essence purement politique. Les gaullistes le savent mieux que quiconque. Le FLN n'a pas sollicité l'arrêt des combats ; il n'y a d'ailleurs pas souscrit, bien que son dispositif militaire, rejeté pour l'essentiel hors des frontières, ait été réduit à néant sur le terrain. Ce cessez-le-feu fut pour nos armées une victoire sans victoire puisqu'elles allaient être contraintes de céder la place aux troupes du FLN. Il fut et restera le point focal d'une interrogation sans réponse sur la justification des peines, des souffrances, des morts consenties pendant des années pour obéir à la République.

Sans doute le FLN algérien revendique-t-il aujourd'hui que le 19 mars soit fêté en Algérie, à l'instar du 11 novembre ou du 8 mai en France. Devons-nous prêter la main à une telle imposture ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) La République doit-elle consentir à tant de dérision ? Doit-on infliger une nouvelle avanie à nos soldats et à nos morts alors que de l'autre côté de la Méditerranée on voudrait les faire passer pour des barbares ou des nazis ? La lucidité et le réalisme que M. Jospin appelait de ses v_ux commandent de répondre par la négative.

Le 19 mars est une date lourde de bien d'autres significations terribles.

Ce fut le début du génocide dont furent victimes les Harkis et les populations musulmanes soupçonnées de fidélité ou de sympathie envers la France. Ils furent des dizaines de milliers, sans doute plus de 100 000, à être martyrisés puis assassinés par le FLN qui voulait éradiquer toute trace de présence française au sein du peuple algérien. Comme l'a rappelé le Président de la République le 25 septembre dernier lors de la journée consacrée aux Harkis, « pour les populations civiles, le 19 mars 1962 a marqué la fin des hostilités militaires, mais pas la fin des souffrances. D'autres épreuves, d'autres massacres sont venus s'ajouter aux peines endurées pendant plus de sept ans. Qu'elles soient tombées avant ou après le cessez-le-feu, nous devons à toutes les victimes l'hommage du souvenir. Oublier une partie d'entre elles, ce serait les trahir toutes ».

Quel sens peut donc avoir aujourd'hui l'anniversaire d'un cessez-le-feu virtuel pour le FLN et entaché d'autant d'horreurs et de crimes ? Ne donne-t-on pas le sentiment qu'en solennisant le 19 mars, on tente d'exorciser le sentiment de culpabilité qui nous habite au regard des événements qui marquèrent le sol algérien après cette date ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR)

La commémoration du 19 mars a toujours été ressentie et comprise par les Harkis et leurs familles installés en France comme une mise à l'écart de la communauté nationale. On ne saurait donc en accepter l'officialisation.

Enfin, et ce n'est pas la moindre des choses, cette date représente pour les Pieds-noirs la date à partir de laquelle leur vie a basculé. Attachés à une terre qu'ils avaient fécondée et qu'ils avaient cru pouvoir considérer comme leur, puisque la République s'en était portée garante, ils furent contraints après le 19 mars 1962 de tout abandonner. Ils laissèrent leurs maisons, leurs entreprises, leurs emplois, leurs cimetières. Ils abandonnèrent même les monuments aux morts où figuraient les noms de ceux qui, lors des guerres de 14-18 et de 39-45, apportèrent un si puissant concours à la victoire et à notre liberté.

Les Pieds-noirs n'avaient sans doute jamais imaginé qu'ils seraient forcés à l'exode. Ils avaient bâti leur vie dans ce qui fut pour eux la France d'Algérie. La plupart se sont attachés à reconstruire une existence nouvelle. Aucun n'a pu oublier. Toutefois, le temps aidant, les souffrances ont commencé à s'apaiser. Faut-il aujourd'hui prendre la responsabilité de raviver les souvenirs, de rouvrir les plaies, de nourrir les ranc_urs ? Qui peut ignorer que le 19 mars est pour les rapatriés d'Algérie la pire date qui soit ?

Non, vraiment, le 19 mars ne peut être le symbole de concorde nationale indispensable à la digne expression du devoir de mémoire. La lucidité et le réalisme - à moins qu'il ne soit confondu avec le cynisme - ne peuvent nous convaincre de suivre M. Jospin dans son initiative.

Où est donc l'apaisement ? Jamais sans doute un clivage aussi profond, un antagonisme aussi irréductible ne s'étaient manifestés entre des associations patriotiques jusqu'alors rassemblées sous la fière devise « unis comme au front ». Le débat qui nous est proposé aujourd'hui n'aurait jamais dû avoir lieu, tant les conditions dans lesquelles il se déroule sont contraires à la tradition républicaine (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Le Président de la République, dans la continuité des positions prises par ses prédécesseurs François Mitterrand et Valéry Giscard d'Estaing, a exprimé les plus grandes réserves à l'endroit de toute initiative qui ne ferait pas l'objet d'un consensus national. C'est le bon sens même.

Or une seule association combattante se déclare en faveur de l'officialisation du 19 mars. Certes elle est fortement représentative, mais elle est isolée.

J'appelle l'attention des autres combattants sur l'impact très négatif auprès de l'opinion publique, et notamment des jeunes, que pourrait avoir l'étalage des discordes. Les cérémonies patriotiques ne font guère recette de nos jours ; l'opinion s'accorde à reconnaître que les anciens combattants, derrière leurs drapeaux, symbolisent l'unité nationale. Cette image va-t-elle se briser et cette légitimité se dissoudre ? C'est à eux qu'il appartient d'apporter la réponse en assumant leurs responsabilités.

Quant au Parlement, son rôle ne consiste pas à s'accommoder des divisions au sein de la nation, non plus qu'à les exacerber. La proposition de loi qui nous est soumise est exécrable en ce sens qu'elle porte en germe la désunion au c_ur même de la nation dans ce qu'elle a de plus sacré : la mémoire.

Nous, députés, sommes aujourd'hui les otages ou les victimes d'une man_uvre qui dessert notre communauté nationale. Nous devons en être conscients et rechercher l'apaisement en écartant la proposition qui nous est présentée (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Pour justifier sa démarche, M. Jospin nous a parlé de justice. Mais est-il juste et légitime que la République réserve aux seuls combattants d'Afrique du Nord son hommage et sa reconnaissance ? En quoi serait-il juste que des dizaines de milliers de soldats, d'agents de l'Etat, de civils, morts en Indochine ou à l'occasion de tous les épisodes de la longue histoire de la colonisation, soient victimes d'une sorte d'oubli honteux ? Nombre d'entre eux n'ont fait que remplir les missions pour lesquelles la République les avait mandatés.

Le débat d'aujourd'hui n'aboutit qu'à lever la nation contre elle-même. Il se présente dans des conditions qui meurtrissent inutilement et cruellement ceux qui ont été les témoins, les acteurs, les victimes du drame algérien. Il est la conséquence d'un engagement inconsidéré. Il est aussi la conséquence d'un manque de réel empressement du Gouvernement pour faire émerger un consensus sur une formule permettant au devoir de mémoire de s'exprimer dans des conditions conformes aux traditions républicaines. Le RPR s'oppose à cette tentative de division de la nation comme il s'oppose à ce que le devoir de mémoire soit asservi aux ambitions électorales de M. Jospin (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; huées bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean Vila - Le texte qui vient en discussion aujourd'hui fait suite aux propositions de loi du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste, auxquelles on aurait pu également joindre celle de notre collègue Alain Marleix, membre du RPR, et de Jean-Pierre Soisson, membre de Démocratie libérale (« Eh oui » ! sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

C'est dire le très large consensus sur la date du 19 mars comme journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie.

Le 19 mars 1962, victoire de la paix gagnée en France par tous ceux qui ont lutté contre la colonisation et le racisme, pour la fraternité entre les peuples, contre les coups d'Etat contre la République. Honneur aux soldats du contingent qui n'ont pas craint de refuser les ordres putschistes de leurs chefs militaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

La paix en Algérie a fait beaucoup d'heureux, bien sûr le peuple algérien, mais aussi les soldats envoyés à la guerre. Présent le 19 mars 1962 en Algérie, j'ai vécu le grand bonheur des appelés à l'annonce du cessez-le-feu.

Heureuses les familles des soldats et une grande majorité du peuple français ! Nous ne pouvons oublier les « Pieds-noirs » nés « là-bas » et revenus vers la terre de leurs aïeux, qui vivront toujours l'arrachement à leur « terre natale », victimes d'une histoire faite de trop de sang versé et de haine.

Jules Roy écrivait à l'occasion du trentième anniversaire du cessez-le-feu en Algérie : « Ce n'est qu'aujourd'hui, en 1992,... que les anciens bidasses d'alors osent dire ce qu'ils ont vu et ressenti... La France en avait assez et voulait qu'on fasse la paix avec des gens qu'on avait dépossédés ». Contrairement à une formule inventée pour les besoins d'une mauvaise cause, écrit-il en substance, l'Algérie n'était pas la France puisque, pour les indigènes, il n'y eut jamais ni égalité, ni liberté, ni fraternité et que les Français de là-bas furent victimes des seules puissances qui possédaient tout, finance, presse et politique.

Un député de droite - C'est faux !

M. Jean Vila - « Plus de guerres coloniales, camarades, plus jamais ! poursuivait-il. Vous me direz « Des colonies, on n'en a plus ». Détrompez-vous. Nous en avons encore, de nombreuses chez nous et à travers le monde, où les pauvres s'échinent pour les riches, où des fils d'anciens Harkis, trompés et abandonnés par nous, vivent comme des lépreux d'autrefois parce que leurs pères ont cru à nos mensonges de colonisateurs ».

M. Claude Goasguen - Vous ne manquez pas de culot ! Et le Goulag, alors !

M. Jean Vila - Dès la fin de la guerre d'Algérie, les associations d'anciens combattants ont mené des actions afin qu'une date commémorative soit instituée - entre autres, la FNACA et l'ARAC.

L'ARAC souhaite naturellement l'officialisation du 19 mars 1962 comme journée du souvenir. Elle en appelle au consensus de toutes les associations d'anciens combattants concernées, au respect et à la tolérance de tous, conditions nécessaires à la mémoire de ce que les anciens combattants ont vécu en commun.

Certaines périodes se révèlent en effet déterminantes pour le destin d'une nation. Il en va ainsi des pages de notre histoire écrites avec le sang et des larmes de femmes et d'hommes qui ont porté dignement les couleurs de notre pays. La fin de tous ces conflits a toujours été une victoire de la sagesse : la guerre est un mal qui déshonore le genre humain.

Trop d'êtres sont morts pour que quiconque arrache ces pages d'un livre que l'on ne doit pas refermer. Chaque citoyen se doit de respecter leur sacrifice.

Le combattant, assurément, est le plus concerné par le souvenir de ses frères d'armes tués, blessés ou disparus ; sa voix est la mieux qualifiée pour s'élever en faveur d'une vie sans haine ni violence. Mais c'est l'ensemble de nos concitoyens qui se reconnaissent dans des cérémonies patriotiques officielles : un peuple oubliant son passé n'a pas d'avenir.

Pour les guerres mondiales, les dates symboliques retenues sont tout naturellement celles du cessez-le-feu. Elles sont certes porteuses d'espérances communes, mais chacune possède un message particulier, ce qui doit nous conduire à écarter l'idée d'une journée unique du souvenir qui trahirait la mémoire collective de notre peuple.

Pour la guerre d'Algérie, la question de la reconnaissance officielle d'une journée nationale du souvenir et de recueillement dédiée à la mémoire des morts civils et militaires se pose avec acuité.

Le cessez-le-feu du 19 mars 1962 marque bien l'arrêt officiel de cette guerre ; il constitue un enjeu pour la mémoire française qui désormais n'identifie plus que cette date et celle de la Toussaint sanglante, le 1er novembre 1954.

Après un débat de haute tenue, où ont prévalu consensus et devoir de mémoire, le Parlement unanime a voté la loi reconnaissant la guerre d'Algérie.

Nous avons su mettre le langage officiel en conformité avec le langage courant, conscients qu'une société ne peut vivre sans références à des valeurs.

La nation, qui rend ainsi sa dignité au citoyen combattant, doit également affirmer sa volonté d'honorer dignement la mémoire des victimes civiles et militaires en leur dédiant une journée nationale du souvenir et de recueillement.

Si, après le cessez-le-feu, il nous faut déplorer des morts que nous ne saurions oublier, si nous condamnons les drames qui incombent alors, pour une bonne part, à l'OAS ou au FLN, la majorité des soldats du contingent n'est pas concernée. Il est temps que se taisent les quelques détracteurs fossilisés dans les ranc_urs du passé. En bonne démocratie, c'est la majorité qui doit prévaloir.

Nous savons que d'abominables règlements de comptes eurent lieu après le cessez-le-feu officiel, mais il va de soi que nous unissons les victimes dans le même hommage, en particulier les Harkis, persécutés non seulement au lendemain du cessez-le-feu, mais dans les mois qui ont suivi l'indépendance de l'Algérie.

Il ne s'agit pas de célébrer une défaite, mais de rendre hommage à l'ensemble des victimes.

Aujourd'hui, les conditions sont réalisées pour officialiser le jour anniversaire du cessez-le-feu proclamé en Algérie le 19 mars 1962, et légitimé par la volonté populaire dès le 8 avril de la même année. 90,7 % des Françaises et des Français approuvaient la fin de la guerre d'Algérie lors du référendum organisé à l'initiative du général de Gaulle. Le 19 mars rencontre une adhésion massive de tous les courants politiques confondus et s'affirme bien comme la seule date commémorative en hommage aux morts civils et militaires de cette guerre. Aucune autre date ne saurait s'y substituer.

Plus de la moitié des conseils municipaux, quarante conseils généraux de toutes sensibilités ont déjà adopté un v_u qui va dans ce sens. Le nombre de communes inaugurant des artères du « 19 mars 1962 - fin de la guerre d'Algérie » est en constante progression.

L'enquête d'opinion réalisée par l'IFOP les 12 et 13 novembre 1999 conforte cette volonté nationale, tout particulièrement chez les jeunes de 15 à 24 ans. Ce même sondage indique que 88 % des Français pensent que le Président de la République et le Premier ministre doivent participer aux cérémonies du 19 mars.

La commémoration, instant privilégié de réflexion, renforce les liens entre générations et présente une dimension pédagogique fondamentale.

Au-delà des anciens combattants d'Algérie, la date du 19 mars appartient à notre peuple, à son histoire, à tous ceux qui sont épris de paix.

Nous avons l'exigence du devoir de mémoire. Nous avons pour mission de faire vivre les valeurs de civisme et de citoyenneté, éléments fondateurs de toute démocratie.

C'est pour toutes ces raisons que le groupe communiste et apparentés votera pour l'adoption de ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV).

M. Rudy Salles - En préambule, permettez-moi, Monsieur le ministre, de vous rappeler les propos que vous avez tenus ici même le 7 novembre dernier et qui ont suscité une vive émotion parmi les anciens combattants. Après avoir largement répété que le débat sur la fixation d'une date de commémoration nationale est une mesure législative qui, par sa nature, doit bénéficier d'une large majorité, vous avez déclaré : « Je proposerai dans quelques jours au Premier ministre de demander à des groupes d'inscrire dans le cadre de leur niche parlementaire la discussion des textes qui ont été déposés. S'il ne se dégage pas sur ces bancs une majorité qui transcende les clivages partisans, on s'arrêtera là ; cela voudra dire que la nation rassemblée ici n'aura pas eu la possibilité de trancher normalement un débat de cette importance ». Pensez-vous, Monsieur le ministre, que se soit manifesté depuis ces déclarations un rassemblement de la nation propice à un tel débat ?

Pensez-vous que 40 ans après les tensions qui ont amené notre pays au bord de la guerre civile, il faille les raviver et dresser les Français les uns contre les autres ?

Un député communiste - C'est vous qui le faites !

M. Rudy Salles - Vous le savez bien, la quasi-unanimité de la famille combattante française rejette cette date du 19 mars, (Protestations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste) célébrée par les Algériens comme la victoire du FLN sur la France (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). Cette date, qui fut celle du cessez-le-feu appliqué dans les départements français d'Algérie, faisait suite aux accords d'Evian, ratifiés unilatéralement par la France, le gouvernement provisoire de la République algérienne ayant refusé de s'engager.

Pour autant, sans remettre en cause ces accords - qui n'ont pas été respectés -, comment ignorer les terribles massacres qui se produisirent après le 19 mars et jusqu'à l'été 1962 et même au-delà ?

Un député communiste - Et avant, avec le général Aussaresses !

M. Rudy Salles - N'est-ce pas, d'ailleurs, sur proposition de ce même gouvernement que nous avons voté le 18 octobre 1999 la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie, du 1er novembre 1954 au 2 juillet 1962 ? N'est-ce pas également pour les mêmes raisons que les associations d'anciens combattants, à l'époque toutes unies, ont accepté que la carte du combattant couvre la période allant du 1er novembre 1954 au 2 juillet 1962 ?

Peut-on occulter par une nouvelle loi les derniers mois, les plus sanglants et les plus douloureux, de la guerre d'Algérie ? 150 000 Français de souche nord-africaine - dont 75 000 Harkis - et 5 000 Européens disparurent dans des conditions indescriptibles.

Peut-on occulter par une loi la fusillade de la Grande Poste, le 26 mars 1962 ou les massacres de la Saint-Barthélémy à Oran le 5 juillet 1962 qui firent tant de victimes dont beaucoup de femmes et d'enfants ? Célèbre-t-on Sedan ou l'armistice de 1940, comme le demandait à juste titre le doyen de l'Assemblée nationale, Charles Ehrmann, qui est professeur d'histoire ?

Au nom de tous ces morts, la pudeur et le respect devraient être la règle. Au lieu de cela, la célébration du 19 mars entraînerait le mépris et l'oubli des victimes civils innocentes assassinées en quelques mois, alors qu'elles furent six fois et demie plus nombreuses que ne le furent les pertes militaires en huit ans, sans oublier l'exode de plus d'un million de Français !

On voit bien, pourtant, que la perte de l'Algérie...

M. Jean-Pierre Brard - L'indépendance de l'Algérie !

M. Rudy Salles - On voit bien que la perte de l'Algérie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), symbolisée par la date du 19 mars, est vécue comme un moment douloureux par les Français qui, pendant 132 ans, ont aimé cette terre et l'ont fait fructifier. Et l'on voit aussi que le traumatisme a des conséquences sur la cohabitation entre les communautés françaises et maghrébines. Aussi, Monsieur le ministre, alors que l'intégration des Français issue de l'immigration est si difficile, alors que nous devons y travailler, ne devrions-nous pas rappeler à ces jeunes ce que la France a réellement vécu ? Ce serait une grave erreur de prendre, au lieu de cela, une mesure dangereuse, indigne de la France et des Français (Vives protestations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste) et bien loin de répondre au souci d'apaisement et de clarification que notre rapporteure appelle de ses v_ux.

Tout cela, nos trois derniers Présidents l'ont compris : Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac bien sûr, mais aussi François Mitterrand qui, le 24 septembre 1981, désavoua publiquement son ministre des anciens combattants en déclarant : « S'il s'agit de marquer le recueillement national et d'honorer les victimes de la guerre d'Algérie, je dis que cela ne peut pas être le 19 mars » (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Enfin, puisqu'une seule association est favorable à cette date, permettez-moi de m'interroger sur la signification d'une telle proposition, qui, compte tenu du calendrier législatif, n'a aucune chance d'aboutir sauf, bien sûr, si le Gouvernement veut lui donner une importance particulière, ce dont nous devrions alors avoir connaissance aujourd'hui. À quoi cela sert-il ? À qui cela profite-t-il ? S'agit-il de donner un signe à un pays étranger, alors même que la fixation d'une date commémorative ne devrait relever que de considérations strictement nationales ?

Je n'ai pas oublié que M. Bouteflika, Président de la République algérienne, a formulé dans notre enceinte une critique en règle de la présence française en Algérie, ce qui était parfaitement inadmissible et m'a conduit à quitter l'hémicycle. Comme beaucoup de mes collègues, je m'attendais à un discours de réconciliation, que j'aurais applaudi sans réserve. Je n'ai pas oublié non plus les propos que le Président Bouteflika a tenus, le lendemain, sur France 2, traitant nos amis les Harkis de « collabos » ! Ce jour-là, comme beaucoup d'autres, je me suis senti moi-même un Harki ! (Protestations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - C'est incroyable !

M. Rudy Salles - Alors, non, Monsieur le ministre, nous ne sommes pas en mesure de trancher. Une telle mesure doit transcender le simple cadre législatif et recueillir l'adhésion de l'ensemble de la nation et du monde combattant, lequel par respect pour nos institutions, s'est abstenu de faire pression sur la représentation nationale.

La démarche du politique ne peut être de créer ou d'alimenter une polémique, qui serait indigne au regard de toutes les victimes. En mémoire de ces événements tragiques, la représentation nationale doit chercher à réconcilier et non créer une ligne de fracture.

Profondément attaché au devoir de mémoire et estimant qu'un peuple oubliant son passé n'a pas d'avenir, le groupe UDF considère bien sûr indispensable d'honorer les victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie (« Ah ! » sur les bancs du groupe communiste). Toutefois, cela ne peut se faire que dans un esprit de rassemblement, seul propice au recueillement et au souvenir. En effet, nous refusons que nos monuments aux morts soient le théâtre de manifestations de toutes sortes (Protestations sur les mêmes bancs) comme l'on pourrait s'y attendre si la date du 19 mars était retenue. Il appartient au monde combattant de se retrouver pour proposer la date consensuelle que nous appelons de nos v_ux.

Mme Odette Grzegrzulka - Laquelle ?

M. Rudy Salles - Pour conclure, je considère qu'il est inopportun de légiférer et je vous indique que le groupe UDF votera très largement contre cette proposition (Applaudissements sur certains bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Hélène Mignon - On peut, avec des « si », se laisser aller à des rêves merveilleux, mais on ne peut refaire l'histoire. Et quels que soient nos souvenirs personnels, quelle que soit notre analyse des causes de la guerre d'Algérie, le constat est malheureusement général : la décolonisation a été ratée. Mais il s'agit d'un autre débat, qui pourra avoir lieu ailleurs, après que les historiens français et algériens auront fait leur travail.

Aujourd'hui, nous nous retrouvons, dans notre diversité, pour assumer le devoir de mémoire et reconnaître officiellement, dans le recueillement, qu'une guerre qui porte enfin son nom a marqué toute une génération, des deux côtés de la Méditerranée. Le 19 mars n'est pas un jour de joie ni de fierté, mais ce fut un moment privilégié. Le cessez-le-feu était attendu par des centaines de milliers de personnes silencieuses, qui ne se manifestaient pas, elles, par la violence. Enfin, les parties s'étaient retrouvées autour d'une table et les armes étaient restées au vestiaire !

D'évidence, tous ceux qui ont vécu cette guerre de près en gardent à jamais la mémoire et, parfois, la trace dans leurs corps. L'Algérie nous habite, sans que nous ayons besoin d'une journée spécifique du souvenir.

Mais nous devons penser aussi à ceux qui ont perdu la vie dans les combats, à cause des attentats et des tortures, à ceux qui ont disparu, à ceux qui ont été mutilés, ou exécutés de manière expéditive. Nous devons, dans la dignité, leur rendre hommage, comme nous devons le faire pour tous ceux qui ont souffert au Maroc et en Tunisie.

Je pense, disant cela, à tous ces Pieds-noirs descendants d'Alsaciens et de Lorrains partis après 1870, à tous ces communards exilés mais aussi à ces petites gens que la pauvreté avait contraint à traverser la Méditerranée depuis l'Italie et l'Espagne.

Je pense aussi à ces Algériens dont les grands-pères et les pères ont participé aux combats des deux guerres mondiales et dans les familles desquels ont été recrutés les supplétifs - les Harkis qui ont été trompés et lâchement abandonnés. C'est en leur compagnie que je récitais, sur les bancs de l'école « Nos ancêtres les Gaulois »...

M. Rudy Salles - Quel cliché !

Mme Hélène Mignon - C'est ce qui se passait, et c'est ainsi que commence l'humiliation !

Je pense aussi aux parents des jeunes appelés qui ne sont pas revenus d'une guerre dont ils ne comprenaient pas l'enjeu. Je pense, encore, à tous ces fonctionnaires venus assurer le service public, et en particulier aux enseignants, qui ont payé un lourd tribut. Nous savons combien fut difficile la réinsertion de tous ces déracinés en métropole, dans un environnement rarement amical, et parfois franchement hostile. Quant aux Harkis, ils ont pour la plupart laissé au pays une famille et des camarades de combat dont certains, malheureusement, ont été pris en otage. Leurs justes revendications doivent être entendues.

Il est exact qu'après le 19 mars des exactions ont été commises parce que, hélas, l'OAS et certains membres du FLN n'avaient pas compris ce qu'est un cessez-le-feu. Mais considérer que la date du 19 mars doit être celle du recueillement et du souvenir, ce n'est pas oublier, c'est avoir la volonté de dire que nous voulons nous battre, ensemble, pour les valeurs qui fondent la République : liberté, égalité, fraternité et, ajouterai-je, tolérance. Je ne doute pas que si elles avaient été respectées en Algérie, nous serions encore nombreux à vivre de l'autre côté de la Méditerranée.

C'est en toute connaissance de cause que je voterai ce texte, en sachant que le 19 mars a marqué un tournant dans l'histoire de notre pays (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Guy Teissier - La France doit-elle reconnaître la date du 19 mars comme journée officielle de la commémoration de la fin de la guerre d'Algérie ? La proposition qui nous est faite en ces termes risque de raviver inutilement une page tragique de notre histoire, alors que les cicatrices ne sont pas encore refermées (Protestations sur de nombreux bancs du groupe communiste). Oh, je tiens les comptes, y compris ceux des millions de morts du Goulag (Huées sur les mêmes bancs). Je ne me sens ni l'âme d'un censeur ni celle d'un historien à la recherche d'une justification de notre passé, et je trouve respectable que les anciens combattants en Afrique du Nord veulent honorer ceux qui sont morts pour la France. Je considère, aussi, que le devoir de mémoire est une nécessité, pour rendre hommage, dans la dignité du recueillement, à nos disparus.

Mais l'homme que je suis, pour qui la guerre d'Algérie a été le moteur de son engagement politique, se doit de contribuer à la définition d'un hommage solennel pour tous les Français, militaires et civils, morts durant ce conflit.

Or, le 19 mars ne constitue pas, à mes yeux, que la date anniversaire des accords d'Evian et en aucun cas la date anniversaire de la fin du conflit tant les armes ont parlé, tant les hommes ont souffert, tant la mort a fauché après cette date. Nous ne devons pas oublier les victimes du siège de Bab-el-Oued le 23 mars 1962, ni celles de la fusillade de la Grande Poste le 26 mars, ni l'horrible élimination du commando Georges le 27 avril.

Nous ne devons pas oublier non plus la Saint-Barthélémy du 5 juillet 1962 à Oran, où 2 000 Européens furent martyrisés. Entre le 19 mars et l'automne 1962, 150 000 Français d'origine nord-africaine et 5 000 Européens disparurent dans des conditions indescriptibles, ainsi que 300 jeunes du contingent. Ces 150 000 personnes font aussi partie de l'histoire de la guerre d'Algérie (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Je vous engage à lire, au sujet de ces disparitions, l'ouvrage très documenté du capitaine Leclair.

Ces témoignages, nous pourrions les multiplier à l'infini.

Pour la France, outre que le 19 mars ne marque pas la fin des hostilités contre ses ressortissants, cette date représente surtout sa défaite (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et n'a rien de commun avec la liesse de consensus national de 1918 et de 1945.

Aussi, pas plus que nous ne commémorons le désastre de Sedan, ni l'armistice de 1940, ni les accords signés le 21 juillet 1954 à Genève pour mettre fin aux combats en Indochine, nous ne devons commémorer le cessez-le-feu en Algérie (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Je n'ai pas été élu député de la République pour trahir nos compatriotes, qu'ils aient été Européens ou Harkis, civils ou militaires (Mêmes mouvements). Je n'ai pas été élu, pour insulter leur mémoire ni pour refaire l'histoire de notre pays.

Notre rôle, à tous, est, au contraire, de contribuer à pacifier une polémique devenue stérile. Il serait injuste de ne rendre un hommage officiel qu'aux seuls victimes de la guerre d'Algérie, en oubliant celles de la guerre d'Indochine ou celles de Mauritanie, du Tchad, du Liban, du Golfe. Les morts pour la France de la guerre d'Indochine furent trois fois plus nombreux que ceux de la guerre d'Algérie. Faut-il s'en désintéresser sous prétexte qu'il s'agissait de soldats professionnels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL)

Chers collègues, ne cédez pas à des tentations bassement politiciennes !(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Vos beuglements confirment mes propos !

Comme la majorité des membres du groupe Démocratie libérale, je ne voterai pas cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jacques Limouzy - Il y a 34 ans, en juillet 1968, je me trouvais à cette même tribune comme rapporteur du projet de loi d'amnistie générale pour les faits liés aux événements d'Algérie. J'avais en face de moi le Garde des Sceaux Capitant, Jean Foyer, aussi Gaston Deferre qui apportait le soutien du groupe socialiste à mon rapport. Celui-ci se terminait ainsi : « Puisse la décision souveraine de cette assemblée en attendant... la sérénité de l'histoire débarrasser les événements et leurs suites des passions qui les ont trop longtemps agités » (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

C'était six ans après 1962. Nous sommes aujourd'hui 40 ans après, et je me retrouve à la même tribune ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Or la sérénité de l'histoire n'est toujours pas au rendez-vous et vos textes n'y contribuent pas !

On a bien voulu faire de ces événements une guerre et les guerres, heureusement, finissent. Mais les douloureux événements d'Algérie n'en finissent pas de finir ! Or avec cette date, vous allez continuer de nous diviser, vous allez réveiller des souvenirs sanglants, jeter des braises sur des plaies à peine fermées. Vous voulez cette date et rien d'autre. C'est une honte car vous n'avez aucune argumentation sérieuse mais des raisons subalternes, voire inavouables (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous pensez vous faire payer par quelques électeurs, même pas le vote, mais le dépôt de cette proposition de loi (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Pauvre calcul ! Misérable profit ! Sombre erreur ! En tout cas, je n'ai jamais perdu une voix là-dessus - et j'en suis à ma neuvième élection législative ! (Interruptions sur divers bancs)

Croyez-vous sortir de cette affaire avec un certificat de bonne conduite ? (« oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) Détrompez-vous, ça restera sur vous ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Je vous rappelle ce qui s'est passé ici après le 19 mars 1962. Le 26 avril et le 30 mai, le nouveau Premier ministre, Georges Pompidou, faisait à cette tribune deux déclarations car la situation née du 19 mars était grave : le cessez-le-feu était sans cesse violé, les garanties bafouées, on constatait toutes sortes d'exactions, d'internements arbitraires, de rapts, de massacres. En fait, quatre personnes seulement pouvaient considérer le 19 mars comme une libération : Ahmed Ben Bella, Mohammed Khider, Ait Ahmed et Mohammed Boudiaf, élargis ce jour-là.

Alors que prétend-on célébrer ? Un cessez-le-feu ? Rien de plus faux ! « Le cessez-le-feu n'est pas la paix » avait déclaré Ben Kedda, au nom des négociateurs du FLN et cela s'est vérifié.

Alors retournez plutôt à cette niche parlementaire faire de meilleurs textes, moins empreints d'électoralisme, moins insultants pour les morts, plus aptes à réunir les Français - ceux d'hier, qui ont vécu douloureusement ces événements, et ceux d'aujourd'hui qui veulent en faire, pour l'histoire, une lecture cohérente et une lecture nationale.

L'immense majorité de ceux qui ont servi en Algérie l'a fait avec honneur et la reconnaissance qui leur est due ne doit pas s'exprimer par une date contestée.

Qu'une association défende cette date, rien de plus normal. Mais elle n'a pas le droit d'obliger les autres à prendre le même chemin. La loi ne peut forcer les consciences, elle devrait se borner à constater un consensus national. Or celui-ci n'existe pas !

Je connais bien la question algérienne, car je suis le dernier d'entre nous à avoir exercé des fonctions publiques en Algérie... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Julien Dray - Et moi je fus le dernier à quitter l'Algérie !

M. Jacques Limouzy - Lorsque je suis entré à l'Assemblée nationale, l'Algérie était encore une grande querelle. Un million et demi d'entre nous avaient regagné une métropole que, pour la plupart, ils ne connaissaient pas. Certains, hélas, trouvant trop lourd le fardeau à accepter, avaient tenté de poursuivre un combat en s'égarant dans des défaillances condamnables.

Il fallut pourtant que la France continue sans l'Algérie. De tout cela, l'Assemblée nationale était bien consciente lorsqu'elle vota sur mon rapport l'amnistie générale. Mais pas un d'entre nous, quels que soient ses sentiments et convictions, n'aurait alors songé à célébrer ce 19 mars.

Ce texte est insultant. Il insulte les espérances déçues d'alors, la gloire de beaucoup dans le malheur et jusqu'à nos erreurs, auxquelles nous tenons, figurez-vous !

Aussi mon groupe votera contre ces textes.

Vous êtes libres de vous déshonorer, mais ne nous demandez pas de le faire avec vous car, étant donné ce que nous savons, ce que nous avons accepté, ce que nous sommes, nous serions, en votant ce texte, beaucoup plus condamnables que vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Birraux - Cette proposition de loi, inscrite à un ordre du jour déjà très chargé, déchaîne les passions et remplit les tribunes comme jamais, au point qu'il a fallu retransmettre la séance publique dans d'autres salles.

J'avais 16 ans en 1962 et n'ai pas participé à la guerre d'Algérie. C'est en outre la première fois que j'interviens à propos des anciens combattants. Mais toujours j'ai entretenu des relations de confiance avec leurs organisations, dans le respect de leurs souffrances et de leurs valeurs.

Pourquoi une telle mobilisation ? C'est que quarante ans après la guerre d'Algérie, cette période est encore douloureuse, comme l'ont montré les remous de ces derniers mois. Alors, ne faut-il pas laisser l'histoire cicatriser les plaies ?

Pourquoi choisir le 19 mars, plutôt que le 16 octobre ou le 10 juin ? Un cessez-le-feu a été signé à cette date, mais les combats n'ont pas cessé, les exactions ont continué et 150 000 Harkis et 25 000 autres Français d'Algérie en ont été victimes. Et pouvons-nous retenir comme journée du souvenir une date que l'autre partie commémore comme une victoire ? Comme l'a rappelé le Président de la République le 25 septembre 2000, le 19 mars a marqué la fin des événements militaires, pas celle des souffrances pour les populations civiles. Qu'elles soient tombées avant ou après le 19 mars, nous devons le même hommage aux victimes. Oublier une partie d'entre elles, ce serait les trahir.

Alors, pourquoi légiférer ? Le devoir de mémoire a été en partie accompli avec la reconnaissance de l'état de guerre et presque toutes les associations sont contre le choix du 19 mars. Est-il raisonnable d'ouvrir une querelle fratricide ? Une commémoration doit rassembler, non diviser,...

M. Jacques Myard - Très bien !

M. Claude Birraux - ...comme le rappelait votre prédécesseur, M. Masseret (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR), qui se refusait à fixer une date tant qu'un consensus ne se serait pas dégagé au sein du monde combattant.

M. Franck Dhersin - Il avait raison !

M. Claude Birraux - Créer une polémique sur ce thème, n'est-ce pas indigne au regard des 30 000 morts et des 300 000 blessés dans les combats d'Algérie et d'Afrique du nord ? Monsieur le ministre, faites preuve de sagesse, ne nous demandez pas de légiférer sur ce sujet délicat, par respect pour les victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) et alors que les blessures demeurent vives, pour ne pas nous détourner du recueillement dans l'unité (Mêmes mouvements).

M. Jean-Pierre Blazy - Je me réjouis que cette proposition vienne enfin en examen ; c'est l'aboutissement de l'action persévérante de nombre d'entre nous, en particulier d'Alain Néri, pour instaurer une journée commémorative en mémoire de toutes les victimes, en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Sur de nombreux bancs, je crois, nous partageons la volonté de mémoire, mais aussi le souci de la réconciliation.

Le devoir de mémoire, nous avons commencé à le remplir en 1999, en reconnaissant à l'unanimité l'état de guerre.

M. Jacques Myard - Mais nous étions tous d'accord.

M. Jean-Pierre Blazy - Je l'ai rappelé. Il faut poursuivre, dans la logique de l'histoire vécue par les combattants et toutes les victimes, quel que soit leur camp, d'une histoire enseignée depuis longtemps : le 19 mars, comme le 11 novembre (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL) et comme le 8 mai 1945, est une date de cessez-le-feu. Nous le savons, ce n'est pas la fin des hostilités, tout comme il y a eu encore des morts, des blessés, des souffrances après le 11 novembre 1918 et après le 8 mai 1945. La date du 19 mars doit être retenue parce que c'est celle du cessez-le-feu avant d'être celle d'une défaite pour les uns ou d'une victoire pour les autres.

M. Jean Bardet - Faire une comparaison avec la victoire de la liberté sur le fascisme, quelle honte !

M. Jean-Pierre Blazy - De nombreux élus, dans de nombreuses villes, commémorent déjà le 19 mars, ainsi que de nombreuses associations d'anciens combattants, au premier rang desquelles se trouve la FNACA. Cette troisième génération du feu mérite pleinement la reconnaissance de la nation, les militaires de carrière et surtout les soldats du contingent, qui ont su, aux heures les plus sombres du conflit, porter très haut l'idéal de la République en refusant de suivre les généraux factieux (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et de nombreux bancs du groupe socialiste).

Au-delà, s'impose la nécessité de la réconciliation.

M. Jacques Myard - C'est réussi !

M. Jean-Pierre Blazy - Pour la très grande majorité des Français, le 19 mars n'est plus une date qui divise. Le courage, aujourd'hui, c'est d'assumer totalement notre histoire, celle d'une guerre de décolonisation dont on a trop longtemps tu le nom, sans reconnaître les horreurs commises de part et d'autre, et jusqu'en métropole lors des événements d'octobre 1961 à Paris. Sans doute cette incapacité à assumer complètement le conflit explique-t-elle en partie l'ambiguïté de nos relations avec l'autre rive de la Méditerranée, les difficultés d'intégration d'originaires du Maghreb, celles que nous avons toujours à concevoir un islam français. Je pense également aux Harkis que nous avons trop longtemps oubliés, en leur faisant de belles promesses.

En allant au terme de la démarche engagée avec la reconnaissance de l'état de guerre, en adoptant le 19 mars comme journée de commémoration, nous accomplirons le devoir de mémoire et de reconnaissance à l'égard de tous ceux qui ont combattu dans nos armées, qui ont souffert et qui sont morts, à l'égard de leurs familles également, ainsi que le devoir de réconciliation entre Français de France et Français d'Afrique du Nord, entre peuples de part et d'autre de la Méditerranée, cette mer au milieu des terres et donc au milieu des peuples (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Lionnel Luca - C'est la première fois que le Parlement va débattre d'une proposition fixant une journée pour commémorer nos morts qui va diviser la nation, le monde combattant et la représentation nationale. Pour le 11 novembre en 1922, pour la journée du souvenir de la Déportation en 1954, pour le 8 mai en 1979 et 1981, récemment encore pour retenir le 16 juillet comme journée du souvenir des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France, l'unanimité a prévalu.

En réponse à une question que je lui posais le 6 décembre 2000, votre prédécesseur indiquait d'ailleurs que pour commémorer la guerre d'Algérie, comme pour les précédents conflits, il fallait que l'Assemblée adopte à l'unanimité une date unique rassemblant tous les Français. Mais observant que les conditions n'étaient pas remplies et ne le seraient pas dans un avenir proche, il concluait que mieux valait attendre.

M. Jacques Myard - Il était bon, ce ministre !

M. Lionnel Luca - Les anciens combattants sont divisés, majoritairement hostiles au choix de cette date. L'union nationale des combattants, la fédération nationale des combattants et prisonniers de guerre d'Algérie, Tunisie et Maroc nous l'ont écrit, et je me fais le porte-parole du comité de vigilance et d'action des anciens combattants de mon département, qui rassemble les anciens combattants, nos frères Harkis, les rapatriés - au total 42 organisations.

Quelle responsabilité prenez-vous là ? Celle de la division et des querelles. Dans quel but ? Pour quel intérêt ? Après quinze ans d'exercice du pouvoir sur les vingt dernières années, vous avez attendu qu'on arrive à cinq semaines de la fin de la législature et à deux mois d'échéances décisives pour inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour.

« Devoir de mémoire et de justice », dites-vous, mais retenir le 19 mars, c'est nier le fait qu'il y a eu plus de morts après cette date qu'avant. Elle relève donc plus du droit à l'oubli... « Ni défaite, ni victoire », dites-vous encore. Mais enfin ce serait la première fois que la France retiendrait une date qui ne célébrerait pas la victoire de ses troupes. Et que vous le vouliez ou non, de l'autre côté de la Méditerranée, cette date marque bien une victoire, comme en témoigne un timbre émis en 1997.

Mais plus qu'une défaite pour la France, c'est surtout un échec que rappelle cette date, car les accords d'Evian furent violés. Ils prévoyaient que nos compatriotes d'Algérie pourraient rester, on sait ce qui en advint.

Plusieurs députés socialistes - Par la faute de l'OAS !

M. Lionnel Luca - Dès le 26 mars, la fusillade de la rue d'Isly fit couler du sang français. On ne peut donc pas faire comme si le 19 mars avait mis fin aux drames.

Les Présidents de la République successifs l'avaient bien compris. Charles de Gaulle, d'abord, mais aussi Valéry Giscard d'Estaing, qui déclarait le 19 mars 1980 : « L'anniversaire des accords d'Evian n'a pas à faire l'objet d'une célébration ». Et François Mitterrand affirmait le 24 septembre 1981 : « S'il s'agit de marquer le recueillement national et d'honorer les victimes de guerre, je dis que cela ne peut pas être le 19 mars ». Et Jacques Chirac, le 25 septembre 2001 : « Qu'elles soient tombées avant ou après le cessez-le-feu, nous devons à toutes les victimes l'hommage du souvenir. Oublier une partie d'entre elles serait les trahir toutes ». Lionel Jospin avait par ailleurs écrit le 8 mai 1997 au président de la fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie - si j'en crois la lettre de M. Masseret - qu'il était préférable de ne pas sanctuariser la date du 19 mars au détriment d'autres.

Vous nous dites que l'état de guerre en Algérie a été reconnu par un vote unanime, mais je vous rappelle que nous avons alors clairement visé la période s'étendant du 1er janvier 1952 au 2 juillet 1962. Pourquoi nous renier quelques mois plus tard ?

Mme la rapporteure nous dit que ce sera « un signal fort adressé au peuple algérien » et un « acte majeur de décolonisation ». Je déplore ce besoin de cultiver le masochisme national, cette obsession de la contrition et de la repentance. Vous êtes vraiment les nouveaux flagellants ! Et là où vous voyez un signal fort, je vois surtout un signe de notre faiblesse !

Quant à l'examen objectif et exhaustif que nous annoncent les partisans de cette date, il constituerait une bonne nouvelle car trop souvent les choses ne sont vues que d'un seul côté. Il serait bon que l'on parle aussi des exécutions et des mutilations subies par nos soldats et nos compatriotes d'Algérie, il serait utile de créer une commission d'enquête sur la tragédie d'Oran, en juillet 1962, et d'évoquer l'action de certains métropolitains, porteurs de valises notoires, auprès du FLN ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Votre prédécesseur, Monsieur le secrétaire d'Etat, assurait que rien ne serait possible tant que les associations ne se mettraient pas d'accord sur une date. « En l'état actuel des choses, disait-il, le Parlement ne pourrait se prononcer à l'unanimité, contrairement à ce qu'il a fait pour retenir les dates du 8 mai et 11 novembre ». Or, l'intérêt de la nation, poursuivait-il, exige que la date susceptible d'être retenue rassemble et fédère. Pourtant, aujourd'hui, vous en choisissez une qui divise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, quelques bancs du groupe UDF et du groupe DL)

M. François Rochebloine - Le débat de ce matin, fait suite à une initiative parlementaire et nous pouvons nous réjouir que le Parlement puisse se saisir de sujets tels que celui-ci, qui ne relèvent pas de l'actualité immédiate ou de la seule fonction législative mais nous amènent à donner du sens à l'action.

Loin de considérer ce texte comme de portée secondaire, je crois que son adoption serait l'aboutissement naturel d'un processus long et complexe de reconnaissance, en particulier pour tous ces appelés du contingent qui ont participé à la guerre d'Algérie, et dont certains siègent aujourd'hui sur ces bacs.

Il va de soi que je le voterai, étant signataire avec Georges Colombier d'une des propositions ayant le même objet, proposition de loi cosignée par vingt-deux collègues des groupes UDF, DL et RPR... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Si nous avons retenu la date du 19 mars, c'est qu'elle nous paraît la plus appropriée. Connaissant bien la diversité des sensibilités du monde combattant et conscient que près de quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie, la France reste divisée sur cette période trouble de son histoire, je n'ignore pas les oppositions que peut soulever ce choix, et je peux comprendre la réaction hostile des victimes de ce qui fut une tragédie : la tragédie d'une décolonisation ratée, inscrite dans les pages les plus sombres de notre histoire contemporaine.

Je n'ai pas l'intention de récrire l'histoire aujourd'hui et ne souhaite pas participer à des polémiques indignes au regard des 30 000 soldats tués et des 300 000 soldats blessés lors des combats en Algérie, Maroc et Tunisie. Mais une commémoration suppose une date. Avons-nous le droit d'en priver la troisième génération du feu ?

Chaque année, le 19 mars, est l'occasion de rassembler autour de nos monuments aux morts des Français de toute origine, de toute sensibilité, et de rendre hommage à ceux qui sont tombés au champ d'honneur.

Longtemps, j'ai pensé que le choix de la date devait faire l'objet d'un consensus. Mais le temps passe et je crois qu'il relève désormais de la responsabilité du Parlement de trancher, d'autant plus qu'il a voté en 1999 à l'unanimité, une loi reconnaissant officiellement l'état de guerre en Algérie. Il est donc naturel d'introduire dans notre calendrier une journée commémorative spécifique.

Or, il nous faut constater en toute objectivité que la référence au 19 mars tend à s'imposer dans la conscience nationale comme une date historique (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et plusieurs bancs du groupe UDF). Des milliers de communes ont déjà des lieux publics dédiés au 19 mars et des milliers de conseils municipaux ont reconnu cette date par l'adoption de v_ux.

Disant cela, je ne porte pas de jugement sur les événements et sur leurs auteurs. Laissons le soin aux historiens d'écrire l'histoire de cette dramatique guerre d'Algérie, qui n'en finit pas de produire ses effets désastreux, au point d'être certainement à l'origine de l'une des crises majeures de la société française contemporaine.

M. le Président de la commission - Très juste. !

M. François Rochebloine - Dramatique, elle le faut assurément pour tous ces Harkis, lâchement abandonnés par la France ou entassés dans des camps ; et pour ce million de Pieds-noirs, qui furent contraints à l'exode dans les circonstances que l'on sait.

Mais il ne faut pas confondre commémoration et célébration (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Il ne s'agit pas de consacrer la victoire des uns ou la défaite des autres. Le 19 mars 1962, c'est la proclamation en Algérie d'un cessez-le-feu, fruit des accords d'Evian, qui furent approuvés à 90,71 % par le peuple français, lors du référendum du 8 avril 1962 proposé par le général de Gaulle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Un député DL - Les Français d'Algérie n'ont pas été appelés à voter !

M. François Rochebloine - Personne n'oublie cependant que les combats sur le terrain ne cessèrent pas immédiatement, loin s'en faut, puisque malheureusement d'innombrables exactions furent commises dans les semaines et les mois qui suivirent, faisant de l'année 1962 une année particulièrement dramatique en Algérie, avec un déchaînement de violence sans précédent.

Je me permets de renvoyer ceux qui pensent que cette commémoration pourrait être interprétée autrement que je n'ai dit, à ce que les Poilus voulurent faire du 11 novembre : une commémoration au service de la paix (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Je sais que la plupart des organisations représentatives d'anciens combattants ne souhaitent pas l'institution d'une journée unique de commémoration, ce que je comprends parfaitement. Mais au-delà des anciens combattants d'Algérie, la date du 19 mars appartient à notre peuple, à son histoire, à tous ceux qui sont épris de paix. Nous avons un devoir de mémoire à remplir. Nous avons pour mission de faire vivre les valeurs de civisme et de citoyenneté, éléments fondateurs de notre démocratie. C'est pourquoi je voterai, comme plusieurs autres membres du groupe UDF...

M. Jean-Jacques Jégou - Très peu !

M. François Rochebloine - ...cette proposition de loi (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDF, du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean-Paul Durieux - Ce débat justifie tout à la fois dignité et respect mutuel. Nous devons savoir surmonter nos passions, assumer lucidement l'histoire et proposer les voies de la réconciliation et de la paix.

Aucun de nos destins individuels, fait d'épreuves, de joies et de douleurs, ne peut être oublié. Mais au-delà d'eux s'impose le destin de notre communauté nationale. Prenons aujourd'hui le temps du recueillement et du souvenir, songeons à tous ceux qui, acteurs des heures sans doute les plus déchirantes de notre histoire nationale, éprouvent un besoin d'apaisement et de réconciliation.

Songeons aux jeunes hommes du contingent, venus de nos villes et de nos villages, qui au moment où ils devaient construire leur vie ont découvert la guerre dans une terre inconnue. Songeons aussi à l'armée française, à laquelle la République avait demandé de se battre sur de nombreux terrains - le 8 mai évoque aussi, pour un certain nombre d'entre nous, le 8 mai 1954. Songeons également à nos frères harkis, abandonnés par la nation après le 19 mars. Nous ne saurions oublier non plus les Pieds-noirs, qui découvraient, effrayés, la nécessité d'abandonner une terre qui était la leur (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Yves Fromion - « Effrayés », le mot est faible ! Terminez donc votre homélie !

M. Jean-Paul Durieux - Si nous avons choisi le 19 mars,...

M. Yves Fromion - Qui, « nous » ?

M. Jean-Paul Durieux - ...dans un effort de raison, c'est parce que nous ne voulons pas laisser le temps faire ce choix.

M. Yves Fromion - Pourquoi choisissez-vous pour les autres ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Paul Durieux - Le 19 mars est une date que l'histoire imposera de toute façon, et nous n'y pouvons rien. On ne se recueille jamais aussi bien que lorsqu'on est étreint par la douleur.

M. Jean-Pierre Dupont - Surtout s'il y a unanimité !

M. Jean-Paul Durieux - Le Lorrain que je suis sait que rien n'est plus fort que de retrouver, épaule contre épaule, les ennemis de février 1916 au pied de l'ossuaire de Douaumont.

En choisissant la date du 19 mars, nous faisons nôtres les cimetières abandonnés d'Algérie (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean Bardet - N'importe quoi !

M. Jean-Paul Durieux - Nous faisons nôtres les destins déchirés de ceux qui ont été amenés à quitter cette terre.

M. Jean Bardet - C'est le contraire !

M. Jean-Paul Durieux - Et nous pensons à nos morts du contingent et de l'armée, aux victimes de la fusillade de la rue d'Isly. Réécoutez la bande, vous entendrez un appel déchirant, bouleversant : « Halte au feu ! » (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Sachons, conscients de nos responsabilités, choisir plutôt que subir une date, en faisant appel à l'union nationale et à la réconciliation (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Patrick Ollier - C'est de la provocation !

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FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 31 janvier inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents. Il sera annexé au compte rendu de la présente séance.

La procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion de sept projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant la ratification de conventions internationales, inscrits à l'ordre du jour du mardi 29 janvier.

Enfin, la Conférence des présidents a décidé, en application de l'article 65-1 du Règlement, que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues complétant la loi du 15 juin 2000 auraient lieu le mardi 29 janvier, après les questions au Gouvernement.

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JOURNÉE DU SOUVENIR À LA MÉMOIRE DES VICTIMES DE LA GUERRE D'ALGÉRIE ET DES COMBATS DU MAROC ET DE TUNISIE (suite)

M. le Président - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du Règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

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ARTICLE PREMIER

M. Claude Goasguen - Vous le savez bien, Monsieur le ministre, le paradoxe veut qu'une journée du souvenir ne soit pas tournée vers le passé, mais vers le présent et l'avenir. Il est de tradition qu'elle soit une journée d'unanimité.

Nous avions ici un v_u unanime, qui était de célébrer la mémoire des victimes militaires et civiles des guerres coloniales, en Afrique du Nord mais aussi en Indochine.

Vous n'avez pas choisi cette voie, préférant mélanger deux questions, la consécration d'une journée à la mémoire de ces victimes et la réconciliation avec l'Algérie. Ce mélange n'est pas neutre. Il va de soi qu'en procédant ainsi, vous n'avez pas obtenu l'unanimité. Si ce texte était voté, on aurait l'impression qu'une moitié des Français appelle à cette journée du souvenir, contre une autre. C'est évidemment le contraire de ce que nous devons tous souhaiter.

En outre, il n'est pas de tradition de célébrer des actes qui ne correspondant pas à un moment d'exultation et de victoire pour la nation, ni des actes diplomatiques non respectés. Il est normal que les Algériens célèbrent ce qui pour eux est une victoire ; il est normal que les Allemands célèbrent leur victoire de 1870 ; il est normal que les Anglais donnent le nom de Waterloo à une gare de Londres. A l'inverse, on ne peut pas reprocher aux Allemands de ne pas célébrer le 8 mai, le moment où l'Allemagne a été vaincue, même s'il s'agissait d'une victoire sur les nazis.

M. Didier Chouat - N'importe quoi !

M. Claude Goasguen - Le 8 mai n'est pas une fête allemande, Monsieur Chouat, c'est comme cela !

Vous avez honte d'un certain passé de la France (Exclamations sur les bancs du groupe communiste). Oui, vous avez honte du passé colonial de la France.

Eh bien, Monsieur le ministre, je vous demande, si vous avez le sens de l'intérêt général, de retirer ce texte, puis de procéder au travail de mémoire indispensable et que nous réclamons tous, que le Premier ministre avait lui-même évoqué l'an dernier. Une commission paritaire d'historiens français et algériens doit permettre de consulter les archives algériennes comme les archives françaises.

Si vous ne faites pas ce geste, c'est que votre proposition constitue un acte profondément cynique ! Elle n'ira pas au terme de la navette parlementaire ; elle s'inscrit dans un climat préélectoral, elle divise ! Ne parlez pas d'unité quand il s'agit d'intérêts politiques, d'une man_uvre (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR) ! Vous voulez attirer un certain électorat en leur faisant miroiter des promesses ; vous vous êtes servis des anciens combattants ! (Protestations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste) Il n'y a pas si longtemps, au Stade de France (Protestations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)... Je suis ravi d'entendre les porteurs de valises dire que j'ai tort ! Cette affaire n'est qu'une man_uvre électorale (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Patrick Bloche - La proposition de loi dont nous débattons s'inscrit dans le travail sans cesse repoussé que la France entreprend vis-à-vis de son passé colonial.

En 1999, le Parlement unanime a reconnu qu'il y avait bien eu une guerre en Algérie. Finis, les euphémismes et les appellations alambiquées. Le 25 septembre dernier, un hommage de la nation a, enfin, solennellement été rendu aux Harkis. Un mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie est programmé quai Branly.

Depuis des années, plus de la moitié des conseils municipaux, des dizaines de conseils généraux ont choisi le 19 mars comme date commémorative. À Paris, la nouvelle municipalité a décidé l'édification d'un monument en mémoire des Parisiens ayant combattu en Afrique du Nord. Elle a ainsi fait preuve de maturité historique en inscrivant dans la mémoire parisienne toutes les dates qui firent de la capitale une ville au bord de la guerre civile, telle celle, funeste, du 17 octobre 1961. La France regarde son passé en face, un passé fait d'héroïsme et de souffrances, dont celles des jeunes Français qui eurent vingt ans dans les Aurès. C'était une cause perdue, autant qu'une impasse politique.

Puisqu'il y a bien eu une guerre d'Algérie, la nation se devait de choisir une date de recueillement. Des massacres eurent lieu après le 19 mars, nous le savons. De même, des hommes et des femmes ont péri le 11 novembre 1918 et le 8 mai 1945. Si le 19 mars 1962 a signifié la fin des souffrances pour certains, il a marqué le début des drames pour d'autres. Mais cela doit-il empêcher le choix d'une date appartenant à l'histoire pour un acte de mémoire au présent ?

En ce qui concerne la guerre d'Algérie, certaines plaies sont encore vives - la parole ayant été trop longtemps interdite, le travail de deuil ne pouvait s'opérer autour d'aucune date commémorative. C'est pourquoi, quarante ans après, resurgissent les débats sur la torture, les viols, les massacres, les disparitions, et ils rencontrent des échos particulièrement douloureux.

Doit-on encore prolonger cette guerre de quarante ans ? N'a-t-on pas assez opposé, en France, des communautés ayant déjà payé un lourd tribut durant cette guerre, et qui, pourtant, avaient vécu sur le même sol pendant des décennies ? N'est-il pas préférable d'écouter les survivants, de rendre hommage aux victimes - civiles et militaires, d'origine européenne ou maghrébine -, aux anciens combattants, aux Harkis et aux rapatriés ? N'est-il pas temps de rendre la parole aux témoins, à ceux qui devaient se taire pour cause d'amnésie, par fanatisme politique ou encore par suite d'une mémoire volontairement sélective ?

Certains croient que cette proposition de loi cherche à « réveiller les haines », à effacer des disparus de nos pensées ou encore à masquer des erreurs. Elle ne fait que restaurer le devoir de mémoire, de recueillement et de vérité de tous les Français à l'égard de toutes les victimes. Il s'agit de permettre à tous leurs descendants de se construire un avenir commun. Tel est l'objet des deux articles de cette proposition de loi. Tel sera le sens de notre vote.

M. Gérard Fuchs - Le 18 octobre 1999, la loi française reconnaissait qu'il y avait bien eu « guerre » en Algérie. Dès lors, la question ne pouvait plus être évitée : quelle date devait marquer le souvenir du conflit ? Aujourd'hui, on nous propose le 19 mars et je voudrais expliquer pourquoi je soutiens cette proposition.

Tout d'abord, dans un débat qui ressuscite les passions, évitons un mauvais procès. La proposition de loi ne présente pas le 19 mars comme la fin de la guerre d'Algérie, mais comme la meilleure date à retenir pour nous souvenir et honorer nos morts. Nous savons tous ici qu'il y eut de nombreuses victimes après cette date. Des soldats français ont été tués dans les affrontements avec l'OAS ; des Pieds-noirs, notamment dans l'Oranais, ont été victimes d'exécutions au lendemain de l'indépendance. Surtout, les Harkis ont été massacrés par dizaines de milliers parce que nous les avions désarmés et abandonnés. Chers collègues, cette page sera toujours à mes yeux l'une des pages les plus honteuses de l'histoire de France. J'entends parfois, ici ou là, des commentaires négatifs sur les motifs de leur enrôlement. Ils n'étaient sans doute pas tous politiques. Mais la France avait pris à leur égard un engagement qu'elle n'a pas tenu.

Alors, personne ne peut dire ici à quel moment est survenue la fin de la guerre. Pour son début, il n'y a pas de doute : ce fut le 1er novembre 1954, notamment dans les Aurès. Une réflexion sur la raison de cet événement me permettra de faire comprendre mon choix du 19 mars. Le 1er novembre 1954, l'Algérie est considérée comme française, formée de trois départements. Mais, comme me l'a dit récemment un électeur de ma circonscription, marié à une fille de Harki, « l'Algérie était française mais les Algériens ne l'étaient pas ». Rappelons-nous la réalité de l'époque : les deux collèges, français et algérien ; les élections régulièrement truquées depuis 1945, au vu et au su de tous. En bref, un véritable apartheid politique, parfois même prolongé sur le plan social !

Plusieurs députés de droite - Qui, alors, était au pouvoir ?

Plusieurs députés socialistes - Peu importe !

M. Gérard Fuchs - En 1945, les anciens combattants originaires d'Afrique du Nord, lorsqu'ils retournent chez eux, nourrissent un immense espoir : après s'être battu à l'égal des métropolitains, ils sont convaincus que la République va enfin leur accorder la même égalité dans la paix. En 1954, cet espoir n'existe plus : les événements de Sétif ont eu lieu, et tout ce que je viens de rappeler.

On dira qu'ils ne furent qu'une poignée d'hommes à prendre alors les armes : c'est vrai. La suite a montré qu'ils n'incarnaient pas un simple mouvement de révolte, mais les aspirations profondes d'un peuple voulant voir reconnaître sa dignité et peu à peu persuadé que seule l'indépendance pouvait la lui apporter.

Le 19 mars 1962 fut le jour du cessez-le-feu convenu entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République algérienne. Il mettait fin à ce qui avait déclenché la guerre en reconnaissant l'indépendance de l'Algérie. Le 19 mars ne fut pas, je l'ai dit, la fin de la guerre et encore moins la fin des atrocités. Mais y a-t-il une autre date qui fasse sens ?

Plusieurs députés de droite - Oui !

M. Gérard Fuchs - J'ai longuement réfléchi à cette question. Reconnaître aujourd'hui le 19 mars, c'est reconnaître notre histoire, avec ses pages de fierté et ses zones d'ombre.

La France avait fait beaucoup en Algérie, mais pas tout ce qu'elle aurait dû. C'est ce message, d'abord, que je veux voir légué aux générations à venir. J'espère que nous serons aujourd'hui très nombreux à le porter.

M. Raymond Forni remplace M. Pierre Lequiller au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Je désirais intervenir sur cet article premier afin que chacun comprenne bien pourquoi nous souhaitons que la République française institue une journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de la Tunisie.

Pendant plus de dix ans, dans une guerre sans nom, des milliers de Français, appelés du contingent et militaires de carrière, s'affrontèrent avec une partie du peuple algérien.

Ces hommes et ces femmes ont porté avec courage les couleurs de notre République : ils n'ont pas droit encore aujourd'hui à la reconnaissance officielle de la nation. Ils exigent - et on les comprend - qu'une journée nationale du souvenir soit instaurée. Quarante ans après, il me semble qu'il est grand temps !

Un premier pas a été franchi, puisque le Parlement unanime a voté la loi du 18 octobre 1999 reconnaissant qu'il s'agissait d'une guerre, avec toutes ses horreurs subies par des milliers de Français, combattants civils et militaires, Harkis, rapatriés d'Algérie.

Cette journée du souvenir doit être consacrée à tous, car tous ont souffert.

Une polémique s'est développée à propos de la date du 19 mars. Certains - souvent des militaires - observent que l'on ne commémore pas une défaite. Mais contrairement à ce que vient de dire M. Goasguen, les accords d'Evian ne sanctionnent pas une défaite militaire, ils constituent un compromis politique. Les accords d'Evian réglaient les modalités du passage du cessez-le-feu au scrutin d'autodétermination et organisaient les futures relations entre la France et la République algérienne sur tous les plans. Ils furent ratifiés le 8 avril par les Français, qui se prononcèrent en leur faveur à plus de 90 %. Mais l'OAS s'attacha à les rendre inapplicables et les attentats continuèrent après le 19 mars. Cela étant, la première guerre mondiale a-t-elle pris fin le 11 novembre et la suivante le 8 mai ?

Il faut mettre fin à ces polémiques stériles. Aux associations d'anciens combattants de l'Armée française je dis, avec d'autant plus de force que je suis la fille d'un militaire de carrière ayant combattu en Algérie, que cette date est celle du recueillement, celle qui permettra à tous les Français d'honorer la mémoire de tous les morts, civils et militaires, quelle que soit la date de leur décès.

Aux Harkis, qui ont combattu aux côtés de la France, je dis qu'ils ont été lâchement abandonnés et que nous leur devons réparation. Réparation pour les massacres dont ils ont été les victimes en Algérie dans une indifférence presque générale, réparation pour la façon dont ils ont été traités lorsqu'ils ont pu s'installer en France. Quant aux Français d'Algérie, qui ont dû tout abandonner devant tant de violence, je sais qu'ils comprennent cette exigence de mémoire.

Nous avons pour mission de faire vivre, ensemble, les valeurs de civisme et de citoyenneté qui fondent toute démocratie. Ensemble, nous nous souviendrons et rendrons un hommage solennel, chaque année, le 19 mars, à tous ceux qui sont morts pour la France lors de cette terrible décennie.

A Tarbes, sur le monument honorant tous les combattants, de toutes les guerres, figure l'inscription : « Ni haine, ni oubli ». Il doit en être ainsi, et c'est pourquoi il est de notre devoir de voter cette loi (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - La parole est à M. Mariani, que je prie comme ses collègues, de respecter strictement son temps de parole afin que nous puissions achever nos travaux en respectant l'horaire prévu.

M. Thierry Mariani - Après qu'en octobre 1999 le Parlement eut marqué une étape importante de notre histoire en reconnaissant que le conflit algérien avait bien constitué une guerre, l'institution d'une journée officielle du souvenir commémorant la mémoire des combattants et des victimes de cette guerre aurait une haute valeur symbolique. Encore faut-il que la date retenue rassemble la nation au lieu de la diviser, ce qui serait le cas si la proposition était adoptée.

En effet, ce texte a semé le désarroi au sein des associations d'anciens combattants. À propos d'un sujet aussi peu consensuel, le calcul politique, à quelques mois des élections, n'est que trop évident. Vous ne pouvez ignorer que de nombreuses associations d'anciens combattants ressentiraient le choix du 19 mars comme une offense faite aux morts et aux blessés de la guerre d'Algérie, et nous savons tous que les combats ont continué plusieurs mois après la date du cessez-le-feu. Les estimations officielles font état de 3 018 civils européens disparus après le 19 mars, mais certaines associations avancent le chiffre de 9 000 morts.

Nul ne peut, non plus, oublier le drame vécu par une population attachée à la France et qui fut condamnée à l'exode ou à des violences inhumaines : on estime entre 30 000 et 150 000 le nombre de Harkis enlevés et assassinés après le 19 mars 1962. Les rescapés, qui se sont déjà sentis profondément humiliés lorsque le Président Bouteflika les a traités de « collabos », le seraient une seconde fois si la date du 19 mars était retenue.

Le Président de la République a rappelé cet épisode tragique de notre histoire lors de la journée d'hommage national aux Harkis, le 25 septembre 2001, insistant sur le fait que, « pour les populations civiles, le 19 mars 1962 a marqué la fin des hostilités militaires, mais pas la fin des souffrances. D'autres épreuves, d'autres massacres sont venus s'ajouter aux peines endurées pendant plus de sept ans. Qu'elles soient tombées avant ou après le cessez-le-feu, nous devons à toutes les victimes l'hommage du souvenir. Oublier une partie d'entre elles, ce serait les trahir toutes ».

Comment, d'autre part, oublier que des dizaines de milliers de familles européennes, fuyant les combats, ont dû quitter dans le déchirement la terre où elles étaient nées ? Contraintes d'abandonner tous leurs biens, elles se sont retrouvées dans le dénuement le plus complet. Evoquez devant elles la date du 19 mars, et vous mesurerez la douleur que ce souvenir évoque encore !

En hommage à tous ces morts et à toutes ces familles sacrifiées, il est de notre responsabilité de ne pas ouvrir la voie à la reconnaissance de la date du 19 mars comme la journée du souvenir. Or en cette matière, le consensus est indispensable, et il ne sera obtenu que par la concertation. Et c'est parce qu' « oublier une partie des victoires ce serait les trahir toutes » que je voterai contre cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et sur certains bancs du groupe UDF).

M. Jean Bardet - Qu'il s'agisse du 14 juillet, du 11 novembre ou du 8 mai, ces trois dates commémoratives marquent des victoires. Il en va tout autrement du 19 mars, qui rappelle la signature du cessez-le-feu accompagnant les accords d'Evian. Ces accords ne traduisent pas une victoire de la France, et encore moins une victoire de l'Algérie : il suffit, pour s'en convaincre, d'observer ce que l'Algérie est devenue quarante ans après le départ des Français (Protestations sur les bancs du groupe communiste).

Chacun sait, d'autre part, que les armes n'ont pas cessé de parler le 19 mars 1962. L'eussent-elles fait que cette date aurait convenu à tous. Mais qui ignore que 50 000 Harkis ont, par la suite, été sauvagement massacrés, et souvent leurs familles ? Ils avaient cru, pourtant, en la parole de la France, et il est scandaleux de les avoir assimilés, comme a cru pouvoir le faire le Président Bouteflika, aux collaborateurs des nazis.

Comment occulter le fait que deux millions de nos compatriotes ont dû quitter l'Algérie précipitamment, de peur de se faire massacrer ? Qui a oublié le sinistre slogan « La valise ou le cercueil » ? Et ce n'est pas des gros colons qu'il s'agissait - ceux-là étaient partis depuis longtemps - mais de gens modestes, bien souvent descendants d'Alsaciens ou de Lorrains qui avaient choisi l'exil après 1870 parce qu'ils voulaient rester Français.

Vraiment, comment justifier le choix du 19 mars ? Cette date ne commémore pas une victoire, ce n'est pas une « date-clef », et elle n'est pas acceptée par toutes les associations d'anciens combattants qui, pour certaines, préféreraient le 16 octobre, date anniversaire de l'inhumation du soldat inconnu d'Afrique du Nord. Au lieu de lancer une polémique, pourquoi ne pas avoir attendu qu'elles se mettent d'accord ? Devez-vous absolument, pour des raisons politiciennes, mécontenter les uns pour satisfaire les autres ? Alors que nous sommes peut-être à la veille d'une troisième guerre mondiale (Protestations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste), est-ce une priorité raisonnable ? L'action du Gouvernement ne devrait-elle pas plutôt être dirigée vers l'éradication de la pauvreté et de l'analphabétisme dans les pays en voie de développement, pour contrer les tendances extrémistes qui s'expriment avec force ?

Je ne voterai pas ce texte, dont les motivations sont d'ordre électoraliste. Mais puisqu'il est à l'ordre du jour, et puisque les associations d'anciens combattants ne sont pas toutes du même avis, je propose que nous nous en tenions aux trois dates que j'ai évoquées au début de mon propos, et qui elles ont un sens (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Georges Colombier - Cette proposition de loi me permet d'aborder, à titre personnel, une question extrêmement sensible, sur laquelle notre démocratie ne peut faire l'impasse.

Le débat sur la légitimité du choix du 19 mars comme date officielle de souvenir et de recueillement à propos de la guerre d'Algérie a peu d'implications juridiques ou financières, mais il se révèle très délicat, tant les cicatrices de la guerre d'Algérie sont longues à se fermer. Je m'efforcerai, pour ma part, de le dépassionner, afin que l'esprit de réconciliation l'emporte.

En tant qu'ancien conscrit d'Algérie, je comprends cette hypersensibilité : j'ai donné les meilleures années de ma jeunesse à la nation et j'estime que nous avons droit au souvenir et au recueillement, ce qui n'est d'ailleurs contesté par personne. Un peuple qui oublie son passé n'a pas d'avenir. Chaque citoyen a le devoir de rendre hommage à ceux qui ont combattu pour la nation. Mais au-delà du souvenir, les journées commémoratives sont également porteuses d'espérances communes pour la paix. Tout a été dit sur les trois millions de soldats mobilisés, les 300 000 blessés, les 30 000 morts de la guerre d'Algérie. Notre pays a néanmoins attendu 37 ans pour reconnaître qu'il s'agissait d'un état de guerre.

Ce préalable permet aujourd'hui d'aller plus loin et d'instituer une journée du souvenir. C'est pourquoi une vingtaine de parlementaires de l'opposition, dont M. Rochebloine et moi-même, avons déposé le 22 juin 2000 - pour ma part, je l'avais fait dès 1992 - une proposition de loi en faveur du 19 mars. Nous soutenons donc cette initiative.

Cet engagement personnel en faveur du 19 mars m'a néanmoins permis de mesurer la violence des réactions des opposants à cette date. Je ne peux rester imperméable à ces arguments. Les accords d'Evian, qui prévoyaient l'amnistie générale, n'ont pas été respectés puisque des centaines de milliers de Harkis et plusieurs milliers de Français d'Algérie ont été massacrés après le cessez-le-feu. Mais c'est justement parce que la France doit assumer aussi cette période sombre de son histoire, dans toute sa complexité, et que les anciens combattants doivent transmettre un message de paix aux futures générations, qu'il faut nous rassembler aujourd'hui sur la signification du drame algérien.

Or, aucune autre date que le 19 mars 1962 ne permet de bien « cristalliser » l'événement. Les Français le savent bien, et ce n'est pas un hasard si 19 000 conseils municipaux se sont déjà exprimés en faveur de cette date, dont 439 des 534 communes de l'Isère. La mémoire des hommes a besoin de repères précis pour intégrer les leçons de l'histoire, que ces souvenirs soient agréables ou tragiques.

Mais pour convaincre les opposants à cette date, nous devons les persuader que nous ne souhaitons ni commémorer une défaite, ni fêter une victoire, mais simplement rendre hommage aux victimes civiles et militaires tombées avant et après le 19 mars (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Le choix du 19 mars n'efface en aucun cas les événements tragiques ultérieurs, ni les souffrances endurées par les Harkis et les rapatriés. Nous souhaitons transmettre un message aux générations futures sur la complexité du conflit algérien. Une commémoration annuelle réunissant toutes les parties au conflit permettrait de mieux communiquer avec nos enfants et de leur expliquer ce qu'a été réellement cette guerre. Au-delà des anciens combattants d'Algérie, la date du 19 mars appartient à notre peuple, à notre histoire, à tous ceux qui sont épris de paix. Nous avons le devoir de faire vivre les valeurs de citoyenneté et c'est pourquoi je soutiens ce texte (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDF et du groupe DL et sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jacques Myard - L'histoire de France comporte des pages d'ombre, mais aussi de nombreuses pages de lumière. La France est restée 132 ans en Algérie. Il est exact qu'elle y imposa sa présence par la force, mais il ne sert à rien de réécrire l'histoire : nous aussi, nous avons subi certaines influences d'autres nations.

La France a accompli en Algérie une _uvre de civilisation dont elle doit être fière.

Trop jeune pour être appelé sous les drapeaux, j'ai connu l'Algérie en 1973, comme jeune attaché d'ambassade. J'ai alors compris les passions que suscitait cette terre, qui porte en elle-même le destin tragique de l'intolérance des hommes. Oui, j'ai aimé Alger qui s'ouvre comme un baiser sur la mer, j'ai aimé ce peuple attachant qui souffre toujours du fanatisme. J'ai été bouleversé, en avril 1974, alors que j'accueillais à l'ambassade les très nombreux Algériens venus signer le livre de condoléances après la mort de Georges Pompidou, d'apprendre qu'un chef de village FLN avait fait quatre heures de route pour témoigner de son amour pour la France. Un homme s'est mis au garde-à-vous devant moi, se présentant comme un ancien combattant de l'Armée française - cette armée-là n'était pas une armée d'occupation !

Alors pourquoi réveiller des querelles qui séparent, faire revivre des guerres civiles ? Pourquoi tenter de donner une légitimité à une date qui porte une ombre prémonitoire sur les événements douloureux qu'a connus l'Algérie depuis quinze ans et qui ont fait plus de morts que ceux de 1954 à 1962 ? Le terrorisme islamique a des racines anciennes ; on devrait, avant d'agir, y réfléchir un instant ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Oui au devoir de mémoire, non aux querelles permanentes que vous voulez nous imposer pour ressouder votre électorat !

Ce texte est inopportun car il consacre la date d'un règlement de comptes, et non pas celle d'une réconciliation. Un texte de cette nature exigeait l'unanimité. Cette proposition est une faute contre la tolérance (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Lionnel Luca - L'intitulé de l'article premier ne peut que me satisfaire car il pose le principe d'une journée du souvenir. Mais je regrette qu'on n'ait pas adopté pour cette proposition de loi la même méthode que pour le mémorial qui doit être inauguré cette année, méthode qui a permis de réaliser l'unité du monde combattant : à partir de février 1998, six associations ont tenu une dizaine de réunions avant de parvenir à une dénomination commune pour ce mémorial. Plutôt que de proposer une date, ce qui est l'objet de l'article 2, mieux vaudrait en rester à l'article premier, qui recueille l'unanimité.

Il est dommage que ce texte oublie les anciens d'Indochine, qui huit années durant ont mené un combat au moins aussi difficile.

M. le Président - L'amendement 1 tend à supprimer l'article.

Mme la Rapporteure - La commission est défavorable à l'amendement de suppression de M. Estrosi. Sous prétexte de vouloir défendre une certaine catégorie de victimes, il les renvoie toutes dans l'oubli.

Estimer qu'il n'y a pas lieu de légiférer sur cette question, c'est une démission du Parlement (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. le Secrétaire d'Etat - Vous venez d'avoir un débat important et de grande qualité. Il faut maintenant aller jusqu'au bout et voter cette loi.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement de suppression.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

M. Rudy Salles - Rappel au Règlement ! Nous avions demandé la parole pour une explication de vote sur l'article premier. Mais vous l'avez mis immédiatement aux voix !

Bien entendu, nous sommes favorables, à ce que l'on instaure une journée de commémoration. Si nous n'avons pas voté l'article premier, c'est qu'il est indissolublement lié à un article 2 fixant sa date au 19 mars. Sur un sujet de cette importance, vous auriez pu laisser les groupes s'exprimer (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - Sans que vous me les expliquiez, j'avais compris les motivations qui ont conduit l'Assemblée à adopter à la quasi unanimité l'article premier.

M. Pierre Micaux - Pas tous !

M. le Président - J'ai bien vu qu'au moins deux députés étaient contre.

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ART. 2

M. Claude Goasguen - Sur l'article premier, nous avons été un certain nombre à nous abstenir car nous sommes favorables à l'établissement d'une journée du souvenir pour toutes les victimes des guerres coloniales. Sur l'article 2, les choses sont plus simples.

D'abord, retenir la date du 19 mars contredit le titre même du projet : les accords d'Evian ne concernent ni la Tunisie ni le Maroc.

Surtout, après le 19 mars, le cessez-le-feu a été appliqué par la France seule. L'armée de libération nationale est alors entrée en Algérie, les massacres ont commencé et l'ALN a pris Alger le 3 août. Laisser croire aux Français que les signataires algériens des accords d'Evian ont respecté le cessez-le-feu est une malhonnêteté historique (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

D'autre part, comment accepter qu'on n'inclut pas dans l'énumération des victimes les 700 militaires, les 2100 pieds-noirs, un nombre incalculable de Harkis qui ont été assassinés parce que les Algériens ne respectaient pas les accords ?

Enfin, ceux qui avaient de la famille, des amis de l'autre côté de la Méditerranée se souviennent que c'est à partir des accords d'Evian qu'a commencé l'exode, véritable épuration ethnique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Vous qui luttez maintenant contre les épurations ethniques qui ont lieu ailleurs, comment pouvez-vous accepter celle qui a eu lieu en Algérie ? Ayons la décence de ne pas célébrer l'échec de notre diplomatie et une tache pour les dirigeants algériens de l'époque. La paix se fait à deux, le devoir de mémoire se partage, il n'est pas une repentance systématique. Nous voterons contre.

M. le Président - S'inscrire sur l'article n'autorise pas à rouvrir le débat général. Cela vaut pour tous.

M. Gérard Lindeperg - Par un vote unanime en 1999, l'Assemblée a, à l'initiative du groupe socialiste, qualifié de « guerre », comme il le fallait, un événement dramatique de notre histoire. Il est logique d'aller au bout de notre démarche avant la fin de cette législature.

Quarante ans après, le drame est encore présent dans les corps, les c_urs et les esprits. Mais rien n'est pire que le silence qui étouffe la mémoire, que l'hypocrisie qui occulte la vérité. C'est pourquoi nous devons instituer cette journée du souvenir en mémoire de toutes les victimes, Harkis comme Pieds-noirs, de tous ceux qui durent quitter une terre où souvent ils étaient nés et où ils laissaient leurs morts.

Je pense surtout à une génération de jeunes Français, jetés dans une guerre coloniale dont ils ne partageaient pas les objectifs. Pour ma part, appelé au service militaire en janvier 1962, je devais gagner l'Algérie en mai. Survint le 19 mars, et ma compagnie resta en métropole. Croyez-moi, l'annonce du cessez-le-feu a été pour nous un moment de grande émotion. J'ai d'abord pensé à ceux qui de 1954 à 1962 avaient été sacrifiés à cette guerre qui ne voulait pas dire son nom. Bien sûr nous n'avons pas vécu ce 19 mars dans l'allégresse qui fut certainement celle du 11 novembre ou du 8 mai, celle de la victoire sur un ennemi nous menaçant. Mais je l'ai vécu comme la fin d'un immense gâchis humain, d'un drame qui a marqué une génération jetée contre son gré dans un combat perdu d'avance car contraire à la démocratie, aux valeurs de la République et de l'indépendance nationale. S'il gardait le goût amer de jeunes vies brisées, nous ne pensions pas qu'il faudrait attendre 40 ans pour en voir reconnaître la signification officiellement.

Commémorer le 19 mars ce ne sera pas commémorer une victoire ou une défaite, mais se souvenir et rendre hommage à toutes les victimes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Il serait utile de tenir compte de mes observations. Monsieur Luca. Vous êtes inscrit sur l'article, mais on vous a déjà beaucoup entendu. Tenez-vous à vous exprimer encore ? (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) Faites-moi confiance pour respecter l'équilibre.

M. Lionnel Luca - Merci. J'ai cru un instant que vous ne me donneriez pas la parole.

M. Jean Auclair - Il est sectaire !

M. le Président - Monsieur Auclair, je n'ai pas de leçon à recevoir de votre part, vous auriez beaucoup à apprendre.

M. Henri Cuq - Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. le Président - Que je n'accepte pas d'être mis en cause par M. Auclair, pas plus que par quiconque.

M. Lionnel Luca - Force est de constater que l'unanimité n'existe pas. On fait état d'un sondage. Un autre sondage réalisé pour les anciens combattants indique que 49 % des Français aimeraient qu'on choisisse une autre date que le 19 mars. J'observe que ? lorsque nous avons reconnu officiellement l'état de guerre en Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc et donné les droits correspondants aux anciens combattants, c'était pour la période entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962. Il est donc surprenant de vouloir commémorer un cessez-le-feu antérieur à cette date et qui, de toute façon, n'a pas été observé (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

Vous n'auriez pas dû repousser sans examen la possibilité d'une autre date. Ainsi, le 5 juillet. Le 5 juillet 1830, c'est la prise d'Alger (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le 5 juillet 1962, ce sont les 3000 victimes innocentes du massacre d'Oran, si longtemps oubliées. Mais je ne veux pas être provoquant. En revanche, le 16 octobre est la date de l'inhumation du soldat inconnu d'Afrique du Nord, honorée par les associations et les élus.

De toute façon, le débat n'est pas clos. Je souhaite ardemment qu'il soit repris, dans une autre législature, avec une autre majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Rudy Salles - Instaurer une commémoration pouvait faire le consensus, la date du 19 mars nous divise. Celle du 16 octobre aurait recueilli un accord beaucoup plus large.

J'ai cité ce matin François Mitterrand, qui était foncièrement hostile à la proposition que vous faites aujourd'hui. Je remarque que le président du groupe socialiste, Monsieur Ayrault est absent.

Plusieurs députés socialistes - Il était là tout à l'heure !

M. le Président - Ne commençons pas à faire la liste des présents et des absents !

M. Rudy Salles - Je ne critique pas M. Ayrault et je veux au contraire citer ce qu'il a déclaré ce matin aux journalistes, dans la salle des Quatre Colonnes : « Si nous n'avons pas une majorité des deux tiers des inscrits, cela voudra dire que le débat n'est pas mûr et nous en resterons là ». Je félicite M. Ayrault de cette déclaration rapportée par l'AGP et j'invite les socialistes à suivre leur président de groupe. Le débat n'est en effet pas mûr, il n'est pas serein, mieux vaut le clore le plus vite possible (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Yves Fromion - Personne ne saurait s'opposer à l'instauration d'une journée de recueillement mais nous ne pouvons pas accepter les conditions dans lesquelles ce débat est venu et se déroule, pas plus que nous ne pouvons accepter qu'il entérine les divisions du monde combattant et accentue celles de la nation.

M. le Président - J'appelle l'amendement 2, de suppression. Quel est l'avis de la commission ?

Mme la Rapporteure - Avis défavorable. Faudra-t-il attendre encore quarante ans, Monsieur Fromion ?

M. Yves Fromion - Pourquoi pas ?

Mme la Rapporteure - Le 19 mars est incontestablement une date historique et je m'étonne de votre position car je pensais que le RPR se référait un tant soit peu au gaullisme...

Le 19 mars sera une journée de recueillement et du souvenir, en mémoire de toutes les victimes de la guerre d'Algérie, y compris, cela va de soi, les rapatriés et les Harkis.

M. Yves Fromion - Cette date, ils n'en veulent pas !

Mme la Rapporteure - Mais elle concerne toute la société française et elle est largement approuvée (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Cette commémoration sera l'occasion d'initiatives nouvelles pour poursuivre le travail des historiens sur cette période et pour répondre à toutes les questions qui se posent aujourd'hui (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Le19 mars 1962 est la seule date qui ait un véritable sens historique et le référendum du 8 avril 1962 a montré l'adhésion massive de la France à ce moment-là.

Une nation qui refuse d'assumer son passé ne peut pas appréhender le présent ni préparer l'avenir. Je souhaite donc que nous allions jusqu'au bout de notre démarche. Vous verrez qu'elle emportera au bout du compte une plus large adhésion que vous ne croyez.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous avons achevé l'examen des articles.

Je précise que le titre adopté par la commission est ainsi rédigé : « Proposition de loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ».

Je rappelle enfin que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition auraient lieu le mardi 22 janvier, après les questions au Gouvernement.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 05.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                Louis REVAH

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A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 31 janvier 2002 inclus a été ainsi fixé en Conférence des présidents :

Cet APRÈS-MIDI à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures,
et MERCREDI 16 JANVIER à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

_ Projet relatif à la bioéthique.

JEUDI 17 JANVIER à 9 heures :

_ Proposition de MM. Bernard ACCOYER, Patrick OLLIER et plusieurs de leurs collègues visant à dédommager les commerçants de proximité et artisans pour la mission qui leur a été confiée d'introduction et de diffusion auprès du public des pièces et billets en euro ;

    (Séance réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)

à 15 heures et à 21 heures, et, éventuellement, VENDREDI 18 JANVIER à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

_ Suite du projet relatif à la bioéthique.

MARDI 22 JANVIER à 9 heures :

_ Questions orales sans débat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de M. Bernard CHARLES et plusieurs de ses collègues relative à la reconnaissance du 19 mars comme Journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie ;

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet relatif à la bioéthique ;

_ Proposition de M. Jean-Marc AYRAULT et plusieurs de ses collègues complétant la loi du 15 juin 2000.

MERCREDI 23 JANVIER à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

_ Suite de la proposition de M. Jean-Marc AYRAULT et plusieurs de ses collègues complétant la loi du 15 juin 2000 ;

_ Sous réserve de son dépôt, projet modifiant la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion.

JEUDI 24 JANVIER à 9 heures :

_ Proposition de M. Jean-Marc AYRAULT et plusieurs de ses collègues renforçant la lutte contre les différentes formes de l'esclavage aujourd'hui ;

    (Séance réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)

à 15 heures et, éventuellement, à 21 heures :

_ Éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 29 JANVIER à 9 heures :

_ Questions orales sans débat ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et, éventuellement, à 21 heures :

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi de M. Jean-Marc AYRAULT et plusieurs de ses collègues complétant la loi du 15 juin 2000 ;

_ Projet autorisant l'approbation de la convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés (ensemble une annexe) ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Botswana en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à la convention de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole d'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à l'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en matière de sécurité sociale ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République arabe d'Égypte en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 19 juin 1980 ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification des amendements à la Constitution de l'Organisation internationale pour les migrations ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole relatif aux zones et à la vie sauvage spécialement protégées à la convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin de la région des Caraïbes (ensemble trois annexes) ;

    (Ces douze derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée)

MERCREDI 30 JANVIER à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

_ Projet relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

JEUDI 31 JANVIER à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

_ Éventuellement, suite du projet relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.


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