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Session ordinaire de 2001-2002 - 49ème jour de séance, 114ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 16 JANVIER 2002

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

LICENCIEMENTS DANS LE GROUPE VALEO 2

CRISE VITICOLE EN LANGUEDOC-ROUSSILLON 2

VIOLENCES À MULHOUSE 3

RENFORCEMENT DES MOYENS
DE LA GENDARMERIE 3

PROFESSIONS DE SANTÉ 4

PRIME POUR L'EMPLOI 5

SITUATION À MADAGASCAR 6

CRISE DES MÉDECINS 6

ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE 7

MALAISE DES PROFESSIONS DE SANTÉ 8

DROIT D'ASILE 8

GENS DU VOYAGE 9

INSÉCURITÉ À PARIS 9

BIOÉTHIQUE (suite) 10

ERRATUM 31

La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

LICENCIEMENTS DANS LE GROUPE VALEO

M. Gérard Hamel - Monsieur le Secrétaire d'Etat à l'industrie, le groupe Valeo a annoncé la suppression de 1 440 emplois en France, dont 337 sur le site de Dreux. Son activité de câblage doit être transférée dans le Maghreb. Voilà donc un groupe industriel de plus qui délocalise sa production. Chacun sait que certaines décisions prises depuis 1997 n'y sont pas pour rien (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur le Secrétaire d'Etat, la prime de licenciement des salariés de Moulinex a été majorée par l'Etat, en fonction de l'ancienneté. Même si les situations juridiques et financières ne sont pas comparables, pouvez-vous prendre l'engagement que les salariés de Valeo seront traités de la même manière ? Ce serait équitable, car ils ne sont pas moins méritants que ceux de Moulinex (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - L'équipementier Valeo a en effet annoncé la suppression de 1 440 emplois en France, ainsi que de nombreux licenciements dans d'autres pays de l'Union européenne. Cette entreprise souhaite réorganiser son activité de câblage, car ses prix dans ce secteur ne sont pas compétitifs. Elle souhaite toutefois se donner un délai de 18 mois pour rechercher, avec les salariés concernés, des solutions de reclassement professionnel et de diversification.

Il importe que le groupe respecte scrupuleusement les dispositions applicables en matière de licenciements économiques : la loi de modernisation sociale, qui vient d'entrer en vigueur en France, apporte des garanties qui n'existent pas dans d'autres pays de l'Union européenne.

Valeo a les moyens de se diversifier. Le Gouvernement sera vigilant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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CRISE VITICOLE EN LANGUEDOC-ROUSSILLON

M. Patrick Malavieille - Mes collègues Clary, Liberti et Vila s'associent à ma question.

Monsieur le ministre de l'agriculture, les viticulteurs de la région Languedoc-Roussillon manifestent cet après-midi à Béziers, et le groupe communiste est solidaire de leur combat : la viticulture méridionale traverse en effet une crise très grave.

Ces viticulteurs ont fait de gros efforts sur la qualité comme sur les volumes. Or, leur travail risque maintenant d'être anéanti par la mondialisation libérale : il est urgent de les entendre. Je pense en particulier aux producteurs de vins de table.

Le 25 septembre dernier, vous leur avez annoncé un « plan pour répondre aux difficultés et préparer l'avenir ». Ces viticulteurs, comme nous, l'avaient apprécié. Mais ils veulent des actes. Il faut mettre en _uvre rapidement les mesures sociales et fiscales annoncées. Il est urgent de distiller et de préparer la reconversion d'une partie du vignoble. Les viticulteurs sont prêts à suivre un plan d'adaptation et à revoir l'organisation commune du marché du vin. Ils souhaitent connaître vos engagements (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe RCV).

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - La crise que traverse la viticulture en Languedoc-Roussillon est en effet préoccupante. De nombreux élus, comme Mme Lazerges et M. Barrau, s'en sont inquiétés auprès de moi.

Le plan que j'ai annoncé le 25 septembre a été bien accueilli, par les élus et par les professionnels. Depuis, que s'est-il passé ?

Un député RPR - Rien !

M. le Ministre - Je ne peux laisser dire cela. Il était prévu de distiller 4,5 millions d'hectolitres pour les transformer en alcool de bouche. Déjà 2,5 millions d'hectolitres l'ont été et le processus se poursuivra jusqu'au 31 janvier. Il faut en outre obtenir de Bruxelles une distillation de crise. Je l'ai demandée. J'ai bon espoir que la Commission réagisse début février.

Contrairement à ce que disent certains, des aides d'un montant total de 100 millions d'euros ont déjà été versées. Toutes les aides prévues n'ont pas encore été distribuées, mais le plan est en train d'être mis en _uvre.

Tous les engagements pris seront tenus et le plus vite sera le mieux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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VIOLENCES À MULHOUSE

M. Francis Hillmeyer - Monsieur le Ministre de l'intérieur, Mulhouse est devenue le théâtre de violences particulièrement graves. Des bandes rivales de jeunes cagoulés et armés de battes de base-ball s'affrontent régulièrement dans le centre-ville. On assiste à des scènes qui font ressembler Mulhouse à une cité en situation insurrectionnelle. Quand les CRS interviennent pour rétablir l'ordre, la guerre des gangs se retourne contre les forces de police.

Cela ne peut plus durer.

Les riverains, les commerçants sont révoltés. Le Procureur de la République a déploré le manque de moyens de la justice. Les responsables de la police regrettent que la loi ne leur permette pas de mettre en garde à vue les suspects. Ils réclament le rétablissement de la loi anticasseurs. En effet, comment prouver le flagrant délit et confondre les meneurs en cas de violences collectives ? La loi sur la présomption d'innocence n'a fait qu'aggraver les difficultés. Les aménagements que vous allez y apporter n'y changeront rien. Il faut que tout « témoin », comme vous appelez les suspects, puisse être mis en garde à vue. L'accepterez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Je vous demande d'excuser Daniel Vaillant, retenu au Sénat.

La semaine dernière à Mulhouse, les forces de l'ordre se sont déployées rapidement dans le centre-ville, ce qui a permis de refouler ces bandes. Elles ont ensuite investi les autres quartiers et le calme est revenu vers 23 heures.

Vous avez raison de vous inquiéter de tels comportements. Nous devons tous réagir (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR), et les forces de police sont sur le terrain. L'Assemblée modifiera la semaine prochaine la loi sur la présomption d'innocence. Enfin, dans les quartiers, éducateurs, policiers et élus, nous pouvons agir ensemble pour faire reculer la délinquance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

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RENFORCEMENT DES MOYENS DE LA GENDARMERIE

M. Alain Tourret - La gendarmerie est un corps d'élite qui assure la sécurité en milieu rural. Suite aux revendications qu'elle a fait connaître fin 2001, le Gouvernement a annoncé un plan de modernisation et la création de 3 000 emplois de sous-officiers. Je souhaiterais, Monsieur le ministre de la défense, quelques précisions (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

En ce qui concerne les équipements, à quelle date les pistolets datant des années 50 seront-ils remplacés, sachant que les Beretta annoncés se sont révélés dangereux pour leurs utilisateurs ? Quand la fourniture des gilets pare-balles sera-t-elle effectuée ?

A quelle date les gendarmeries disposeront-elles toutes de moyens de télécopie sur leurs propres lignes, au lieu de devoir s'adresser aux mairies ?

En ce qui concerne les personnels, quand votre engagement d'assurer la présence d'au moins un gendarme pour 1 000 habitants sera-t-il tenu, en particulier dans le Calvados ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Monsieur le Ministre, vous êtes écouté par la gendarmerie. Nous attendons la réponse à nos légitimes préoccupations.

MM. Franck Dhersin et Jean-Pierre Soisson - Très bien !

M. Alain Richard, ministre de la défense - Vos questions sont précises, mes réponses le seront aussi. En ce qui concerne les armes individuelles, les pistolets Beretta sont utilisés depuis dix ans dans la gendarmerie et il y a eu au total trois accidents de tir. Par précaution, il a été décidé de les faire réviser et ces armes sécurisées seront remises au personnel d'ici la fin de juin.

L'actuel modèle de gilet pare-balles donne satisfaction, mais tout le personnel n'en bénéficie pas ; 50 000 gilets de nouvelle génération font actuellement l'objet d'un marché en procédure d'urgence et la commande sera passée vers la mi-2002. La fourniture s'effectuera fin 2002 et en 2003.

En ce qui concerne la télécopie, 800 brigades territoriales sur 3 500 en sont déjà dotées, les autres le seront d'ici le milieu de l'année 2003.

Pour les personnels, je précise que les gendarmes en activité sur le terrain sont au nombre de 63 000 pour 31,5 millions d'habitants concernés, soit une moyenne bien supérieure à un gendarme pour 1 000 habitants. Mais certaines brigades sont encore en dessous de ce taux ; en outre, pour les zones les plus chargées, notre objectif est de parvenir à un gendarme pour 800 habitants. Les créations de postes vont se poursuivre jusqu'en 2004, et dès l'année prochaine l'objectif sera atteint pour les brigades les plus chargées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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PROFESSIONS DE SANTÉ

M. Michel Herbillon - Madame la Ministre de la solidarité, les temps sont durs pour vous ! Que de problèmes et de déconvenues ! En moins d'un mois, deux de vos textes importants ont été censurés par le Conseil constitutionnel, ce qui prouve un manque de rigueur.

En outre, vous êtes incapable d'anticiper et de régler à froid les revendications légitimes des professions de santé. Le malaise est général : infirmières, internes, biologistes, gynécologues, dentistes, échographistes, chirurgiens... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) - cette liste n'est même pas complète ! (Mêmes mouvements)

Aujourd'hui, pour se faire entendre, les médecins généralistes doivent recourir à la grève. Au lieu de régler ce conflit, vous vous déchargez sur la CNAM et pariez sur le pourrissement du mouvement. Les négociations sont dans l'impasse, un seul syndicat y participe.

Face à la multiplication des tarifs sauvages et à la menace d'une journée sans médecins le 23 janvier, les Français attendent que vous preniez enfin vos responsabilités. Allez-vous engager une véritable négociation tripartite, associant le Gouvernement, la CNAM et tous les représentants des médecins ? Allez-vous revaloriser le tarif des consultations et celui des visites à domicile, bloqué depuis huit ans ? Pourquoi refusez-vous de comprendre que ces professions de santé attendent du Gouvernement un signe de reconnaissance pour l'exercice de plus en plus difficile de leur métier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je suis très touchée de votre compassion, mais rassurez-vous, je vais très bien (Exclamations sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF), malgré une rhino-pharyngite qui m'a amenée à recourir aux soins de mon médecin généraliste, que je remercie ! Cette profession est présente jour et nuit, c'est vrai, pour aider les familles.

Quant à ce que j'ai fait - avec Bernard Kouchner -, je vous rappellerai simplement le bilan de l'année écoulée. En mars, un protocole avec les 750 000 employés des hôpitaux publics, qui se traduira par des augmentations pouvant atteindre 3 000 F par mois pour les infirmières en fin de carrière. Nous avons augmenté fortement l'aide publique à l'hôpital, mais aussi aux cliniques, pour permettre à celles-ci de mieux rémunérer leurs infirmières (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Nous avons signé des accords avec de nombreuses professions - hier encore avec les chefs de clinique. En ce qui concerne les médecins généralistes, un contrat de progrès a été signé hier entre l'un de leurs deux syndicats, MG-France, et les trois caisses primaires d'assurance-maladie. Cet accord comporte un plan de revalorisation qui va augmenter les rémunérations des généralistes de 4,8 milliards de francs - 730 millions d'euros - sur trois ans, auxquels s'ajoutent 500 millions de francs - 76 millions d'euros - pour ceux qui prescriront davantage les médicaments génériques.

En outre, votre assemblée a voté des aides à l'installation dans les zones rurales et les quartiers difficiles, des crédits pour mettre sur pied des maisons médicales et des réseaux, ainsi que la réforme des études médicales qui permettra aux généralistes, à terme, de bénéficier de la même formation et de la même rémunération que les spécialistes.

Des réunions techniques sont prévues la semaine prochaine pour finaliser l'accord-cadre, auquel, je l'espère, s'associera le deuxième syndicat de généralistes car il apporte à ces derniers des améliorations conséquentes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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PRIME POUR L'EMPLOI

M. Jean Rouger - Ma question concerne la prime pour l'emploi.

M. Sarkozy affirmait dernièrement que le Gouvernement avait contribué à dissuader les Français de travailler (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe du RPR) et que lui désirait remettre la France au travail ! (Interruptions sur divers bancs)

Manifestement la finalité de certaines actions menées depuis 1997 en faveur de l'emploi et de la solidarité lui échappe.

La prime pour l'emploi, comme la possibilité de cumuler salaire et RMI pendant un certain temps, visent évidemment à promouvoir une société du travail, du travail pour tous, et à lever les freins au retour à l'emploi pour les salariés les moins payés.

La prime pour l'emploi a été payée pour la première fois en 2001, un supplément sera versé au début de 2002 mais à quelle date le chèque sera-t-il envoyé ?

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - La prime pour l'emploi est une mesure positive sur le plan social, fiscal et économique. Vous avez voté une première prime, réglée en septembre, puis dans le collectif budgétaire vous avez décidé de la doubler. Les versements ont commencé à la fin de l'année dernière et vont se terminer après-demain. Ils concernent 8,7 millions de foyers, en majeure partie des jeunes et des parents isolés, qui recevront en moyenne 144 €.

Sur le plan social, c'est une mesure de justice envers les travailleurs à revenus modestes. Sur le plan économique, c'est un encouragement au travail et l'un des éléments qui soutiennent la consommation et la croissance. C'est pourquoi il s'agit d'une réforme d'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et de nombreux bancs du groupe communiste).

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SITUATION À MADAGASCAR

Mme Michèle Rivasi - Les membres du groupe d'amitié France-Madagascar que je préside s'inquiètent de la situation politique dans l'île. Suite au premier tour des élections présidentielles, la tension est vive dans l'attente de la proclamation des résultats par la Haute cour constitutionnelle. Après les manifestations violentes d'Antananarivo, le calme est revenu, mais il demeure précaire. Dans une déclaration commune, les ambassadeurs de six grands pays de l'Union européenne demandent que les élections se déroulent normalement. Ces événements compromettent la paix civile et le léger frémissement de la croissance économique, qui se dessinait, avec un taux estimé à 6,5 % par la Banque mondiale. La France est le premier partenaire de Madagascar, où résident 20 000 de ses ressortissants. Quelle aide pourrait-elle proposer pour contribuer à un déroulement pacifique des opérations électorales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Nous sommes bien sûr très attentifs à la situation de Madagascar, avec laquelle nous avons des relations privilégiées et où habitent 30 000 Français. Le scrutin du 16 décembre s'est déroulé dans le calme et avec un taux de participation élevé ; mais le très long délai qui s'est écoulé avant la proclamation des résultats par la Haute cour constitutionnelle le 27 janvier, - dû en partie aux difficultés de déplacement - a entraîné une certaine nervosité. Les estimations divergent. Selon le ministère de l'intérieur, le candidat de l'opposition aurait recueilli 46 % des voix, mais lui-même en revendique plus de 50 %. Dans ce contexte, le 7 janvier des incidents avec les forces de l'ordre ont fait des blessés.

Nous demandons le respect de l'état de droit par tous les candidats et le maintien de la paix civile, ce qui passe par la poursuite du processus électoral selon ces principes. Nous l'avons fait savoir aux principaux intéressés, et ils ne nous ont pas fait d'autre demande. Je ne crois pas qu'il faille s'ingérer davantage dans la vie de Madagascar. L'actuel président s'est engagé à respecter le verdict des urnes (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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CRISE DES MÉDECINS

M. Jean-Claude Guibal - Le mécontentement des médecins généralistes s'amplifie et de nombreux spécialistes les soutiennent, qui vont se joindre à la journée « 24 heures sans toubib » du 23 janvier pour protester contre l'immobilisme du Gouvernement, incapable de répondre à des demandes légitimes.

A vous entendre parler comme vous l'avez fait d'une enveloppe bloquée et de mesures qui sont autant de chèques tirés sur l'avenir, nous constatons que, comme souvent, vous faites beaucoup d'annonces mais prenez peu de décisions.

Pendant quatre ans, les recettes fiscales ont été exceptionnelles. Nous cherchons en quoi vous en avez affecté une partie à la santé des Français et à ceux qui s'en occupent.

Vous placez de grands espoirs dans un « accord de progrès ». Mais son avenir nous semble fort compromis, dès lors que le principal syndicat de la profession a pris fermement position contre. Le blocage actuel reflète votre inaptitude au dialogue, à moins qu'il ne résulte de la prétention du Gouvernement à avoir toujours raison. Enfin, vous ne pouvez vous défausser sur la CNAM de votre responsabilité politique dans ce conflit.

Allez-vous enfin entendre les généralistes qui se mobilisent massivement, et permettre l'ouverture d'un dialogue social digne de ce nom ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - C'est justement parce que je crois au dialogue social (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) que je crois qu'il faut laisser aux partenaires sociaux les responsabilités qui sont les leurs. Le Président de la République y a assez insisté depuis 15 jours, vous devriez mieux l'écouter. Je laisse donc aux partenaires sociaux qui gèrent la CNAM, comme la loi que vous avez votée le prévoit, le soin de négocier les rémunérations des médecins.

Pour autant, le Gouvernement ne se désintéresse pas des professions de santé, bien au contraire. Nous avons établi le cadrage de ces discussions car le Gouvernement est responsable devant le Parlement de l'enveloppe votée par celui-ci conformément à des dispositions prises sous des gouvernements que vous souteniez, et que nous avons heureusement assouplies. Nous avons organisé un « Grenelle de la santé, » où pour la première fois depuis des années tous les professionnels libéraux, médecins, infirmières, kinésithérapeutes, ont pu venir parler de leurs vrais problèmes : l'insuffisance de professionnels libéraux, leur mauvaise répartition, l'organisation des gardes et des urgences. Sur tous ces points nous avons avancé, comme sur la revalorisation.

Je ne crois donc pas que vous soyez très bien placés pour nous reprocher de ne pas avoir fait assez. Lorsque nous sommes arrivés en 1997, les crédits pour les hôpitaux étaient trois fois moins importants qu'ils ne le sont cette année (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR), les rémunérations n'avaient pas été revalorisées depuis très longtemps, les médecins étaient sanctionnés financièrement (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL et sur certains bancs du groupe UDF). Vous n'avez vraiment pas de leçon à donner sur ce que nous avons fait de la croissance (Huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et sur certains bancs du groupe UDF). Nous avons financé de grandes réformes sociales. Nous avons financé la CMU (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste), les 35 heures, l'allocation personnalisée d'autonomie. Nous avons diminué de 80 milliards de francs le déficit budgétaire de l'Etat, rétabli l'équilibre de la Sécurité sociale. Nous pourrons en effet comparer nos bilans devant les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et sur certains bancs du groupe UDF).

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ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE

Mme Laurence Dumont - Depuis le 1er janvier, date de la mise en application de l'allocation personnalisée d'autonomie, ce nouveau droit offert à toutes les personnes âgées et parfois dépendantes, nous recevons chaque jour des demandes d'information. C'est qu'à la différence de la prestation spécifique dépendance mise en place par le gouvernement Juppé, elle répond aux besoins de nos aînés. Dans le Calvados, on compte plus de 8 000 bénéficiaires de l'APA contre 2 300 pour la PSD, et plus de 3 000 emplois directs sont induits pour la Basse Normandie. C'est peut-être pour cela que des présidents de conseils généraux, comme celui de mon département, essaient de récupérer le bénéfice de cette mesure, ce qui est une façon de rendre hommage à la majorité et au Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste). A nos yeux, l'aide apportée aux anciens est aussi une mesure de progrès social. Pouvez-vous faire le point sur la mise en place de la nouvelle allocation ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Oui, la croissance sert aussi à cela, à aider les anciens en difficulté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Jamais une campagne d'information comme celle que nous avons mise en place sur l'APA n'avait entraîné une telle demande : chaque jour, 2 500 personnes téléphonent au numéro vert. Dès le mois de décembre, la grande majorité des conseils généraux ont distribué les formulaires et lancé des campagnes de communication. Sur certains panneaux, il arrive même que l'on ajoute un « d » -comme « départementale » au sigle APA, ce qui n'avait pas été le cas pour la prestation précédente... J'y vois une preuve de l'importance de cette allocation et le signe qu'elle répondait bien à un besoin essentiel.

Il faut cependant rappeler, quelle que soit l'implication des conseils généraux, que c'est une loi de la République qui a mis en place ce droit universel et égal sur l'ensemble du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Il faut aussi rappeler l'importance de l'investissement au niveau national : en 2002, 816 millions d'euros viendront accompagner l'effort des conseils généraux. Avec l'APA, nous répondons à l'attente des populations et des professionnels (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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MALAISE DES PROFESSIONS DE SANTÉ

M. Jean-Luc Préel - Madame la Ministre de l'emploi et de la solidarité, notre système de santé est encore performant grâce au dévouement et à la compétence des professionnels, mais votre gestion du secteur, depuis cinq ans, est désastreuse, et chacun constate avec inquiétude l'ampleur de la crise. Vous n'avez pas su anticiper les difficultés, notamment pour la démographie médicale, de sorte que plusieurs spécialités et de nombreux points du territoire connaissent une pénurie inquiétante. Vous avez préféré la crise à la prévention, vous attendez les conflits et les grèves pour réagir.

Aujourd'hui, tous les professionnels libéraux sont désabusés. Ils demandent plus de considération, et une juste rémunération de leur travail, mais vos relations avec eux sont détestables. Un accord va sans doute être obtenu avec un syndicat très minoritaire, mais cela ne suffira pas à rétablir la confiance. Puisque c'est vous qui, en réalité, imposez vos décisions à la CNAM, que comptez-vous faire en ce sens ? J'espère une réponse précise et sans polémique et vous en remercie d'avance (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Parler sereinement des problèmes de santé publique, je ne demande que cela. Et c'est dans cet esprit que j'ai réuni le « Grenelle de la santé » qui fonctionne depuis un an et qui a déjà débouché sur plusieurs dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale. Le dialogue n'a jamais été rompu, je l'ai même revitalisé (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). Bernard Kouchner et moi-même avons constamment maintenu le contact, que ce soit avec les hôpitaux ou avec les libéraux. Ce soir, par exemple, je reçois un des principaux syndicats d'infirmières.

Mais lorsque la CNAM négocie, je la laisse négocier. Je recherche le dialogue mais je respecte les compétences de la CNAM - et j'assume entre temps toutes mes responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DROIT D'ASILE

M. Jean-Michel Marchand - Le contexte international s'est profondément modifié depuis le 11 septembre dernier mais avant comme après cette date, la pauvreté n'a cessé de croître et de toucher de plus en plus de peuples. La mondialisation accentue les disparités économiques, sociales et sanitaires.

Dans ce contexte, la note du ministère des affaires étrangères sur l'asile en France a inquiété les défenseurs des droits des étrangers, qui se demandent si certains des points qu'elle contient n'ont pas pour objet de remettre en cause la Convention de Genève.

Malgré les mesures prises pour limiter les flux d'immigrés, le nombre de demandeurs d'asile augmente. Ils ne fuient plus seulement les menaces politiques mais aussi les persécutions des fondamentalistes, le chômage, la misère ou des pratiques sociétales d'un autre âge comme l'excision.

Il faut prendre en compte cette situation nouvelle et répondre à tant de douleurs. Or, les dispositifs d'accueil des grandes métropoles sont saturés. Ce sont maintenant les villes de province qui prennent le relais, mais les services de l'Etat sont débordés, de même que les associations. L'instruction des dossiers prenant de plus en plus de temps, les demandeurs d'asile se retrouvent dans des situations intolérables. Il faudrait dégager des moyens supplémentaires pour que notre politique d'accueil devienne plus respectueuse des droits des personnes. Que compte faire le Gouvernement en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - L'accroissement du nombre des demandeurs d'asile ces dernières années est moins dû à une dégradation de la situation politique dans les pays d'origine qu'à une pression migratoire d'ordre économique et à l'organisation de filières d'immigration clandestine.

Face à cet afflux, nous avons réagi. D'abord en augmentant de 40 %, par rapport à l'an passé, le nombre de places d'hébergement - nous disposons de 5 300 places. Ensuite, en renforçant les effectifs de l'OFPRA ainsi que des services de préfecture qui reçoivent les dossiers. Le but était de réduire les délais d'instruction des demandes. Nous avons, en troisième lieu, adopté le principe d'une réforme de la procédure : il s'agit de confier à l'OFPRA la responsabilité de l'instruction des demandes, qu'il s'agisse de l'asile conventionnel - Convention de Genève - ou de l'asile territorial, le but étant d'éviter des demandes abusives et des détournements de procédure. Enfin, l'Europe des Quinze travaille à une harmonisation des instruments juridiques.

Le Gouvernement continuera de conduire une politique ferme contre les trafiquants et les filières d'importation irrégulière, qui entravent l'application des conventions internationales. Il importe que les vrais demandeurs d'asile ne soient pas pénalisés par les demandes infondées. L'enjeu est bien de préserver le droit d'asile pour les vrais demandeurs, ceux qui sont persécutés chez eux. Cela correspond à la tradition séculaire de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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GENS DU VOYAGE

M. Jean-Pierre Kucheida - Ma question porte sur les difficultés rencontrées par les communes, suite au stationnement anarchique des gens du voyage sur des terrains publics ou privés non destinés à cet usage. Comme beaucoup de maires, je suis continuellement interpellé par mes administrés à propos de cette occupation illicite et des nuisances qu'elle occasionne.

La loi du 5 juillet 2000 renforce les moyens des maires pour lutter contre ces installations anarchiques, à condition du moins qu'il existe sur le territoire communal une aire d'accueil aménagée, ce qui est le cas chez moi. Les procédures prévues par ce texte - constat d'huissier, ordonnance de référé, tentative d'évacuation à l'amiable et concours de la force publique, si celle-ci échoue - ne sont efficaces qu'à trois conditions : que les communes ayant aménagé une aire ne restent pas isolées, ce qui suppose que les schémas départementaux prévus voient le jour et que les préfets prennent leurs responsabilités ; que l'exécution des procédures soit suffisamment diligente ; que la durée d'application du référé pour un terrain donné soit au moins d'un an, sans quoi, si les nomades reviennent quelques jours après leur départ, le maire doit recommencer toute la procédure (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Que compte faire le Gouvernement pour que les schémas départementaux de stationnement des gens du voyage sortent selon le calendrier prévu ? Et quels moyens supplémentaires donnera-t-on aux maires pour faire respecter le droit en vigueur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs groupe du RPR)

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice - Les conseils généraux devaient rendre leur copie avant le 6 janvier 2002. Un tiers seulement des schémas départementaux pourront être approuvés en janvier, un autre tiers le seront au cours du premier semestre, et le dernier avant la fin de l'année. Dès lors que ces schémas existent, la loi de juillet 2000 peut s'appliquer, et tout stationnement illégal peut faire l'objet d'une procédure immédiate.

Depuis la loi de juillet 2000, on a adjoint à l'appel au préfet, à la force publique ou au procureur, une procédure de référé heure par heure, qui est applicable dans votre département et dans l'arrondissement de Lens. Le référé doit donc être rouvert si les nomades se réinstallent dans l'heure suivante. Il semble que ce référé heure par heure ne soit pas encore appliqué dans certains départements. Je vais donc rappeler clairement à l'ensemble des procureurs que seule cette procédure peut contraindre les nomades à se rendre dans l'aire aménagée pour eux. La solution reste cependant impraticable dans les départements ou arrondissements où aucune aire n'a été aménagée. Je demande donc instamment aux départements qui n'ont pas finalisé leur projet de le faire au plus tôt et d'aménager enfin les aires (Applaudissements sur plusieurs bancs).

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INSÉCURITÉ À PARIS

Mme Nicole Catala - Ma question s'adresse à M. le Ministre de l'intérieur, qui semble malheureusement absent.

Le procureur de la République de Paris a annoncé hier que la criminalité dans la capitale avait augmenté de 5,6 % en 2001, soit presque trois fois plus qu'en 2000. Les statistiques sont incontestables : la situation ne cesse de se dégrader.

Qu'on ne nous parle plus de « sentiment d'insécurité » : l'insécurité, nos concitoyens la subissent désormais au quotidien. Les chiffres sont d'autant plus inquiétants qu'ils auraient dû diminuer avec la mise en _uvre du plan Vigipirate.

Quelles conclusions tirez-vous de ce constat et quels remèdes nous proposez-vous ?

La police de proximité, que vous évoquez si souvent, est-elle un succès ou un échec ? Quelles mesures prendrez-vous pour permettre aux Parisiens de circuler et de vivre sans crainte ? Accroîtrez-vous, et dans quelle mesure, les effectifs de la police à Paris ?

Le responsable de la sécurité, c'est vous. Comment allez-vous enfin assumer cette responsabilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Je vous rappelle que Daniel Vaillant défend actuellement au Sénat le projet de loi sur la démocratie de proximité.

Les statistiques de la délinquance en 2001, sur les zones de police et de gendarmerie, seront connues fin janvier. Le ministre de l'intérieur avait déjà présenté des éléments à la fin du premier semestre : nous agissons donc en toute transparence.

Les chiffres relatifs aux infractions constatées par la police méritent une analyse sérieuse et sans arrière-pensée. C'est pourquoi le ministre de l'intérieur a chargé MM. Caresche et Pandraud de définir un outil statistique mieux adapté à la mesure de la délinquance. Ils rendront leur rapport la semaine prochaine.

S'agissant de l'action du Gouvernement, je vous rappelle qu'il a profondément réformé la police nationale avec la « police de proximité » et étoffé la présence des forces de police sur le terrain, à Paris en particulier (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR).

C'est ce Gouvernement qui a établi un partenariat et les contrats locaux de sécurité, renforcé les effectifs de police et fait adopter la loi sur la sécurité quotidienne (Même mouvement). Vous ne pouvez le nier !

M. Pierre Lellouche - Voyez le résultat !

M. le Ministre - Nous luttons contre l'insécurité, à Paris comme ailleurs, et les résultats vous seront communiqués. Mais l'insécurité et la violence ne doivent pas donner lieu à une exploitation grossière (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 25, sous la présidence de Mme Catala.

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

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BIOÉTHIQUE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet relatif à la bioéthique.

M. Pascal Clément - Il y a quelque gageure, je ne l'ignore pas, à parler de la bioéthique en cinq minutes.

Je me bornerai à énoncer quelques principes relatifs à la thérapie cellulaire, qui ne sont sans doute pas majoritaires ici.

Face aux progrès de la science, les médecins souhaitent que la loi n'ait pas pour fonction principale de sanctionner.

Beaucoup de médecins voudraient qu'aucune pratique ne soit interdite dès lors qu'elle a pour objectif de soigner. Autrement dit, la finalité justifie les moyens.

L'exploitation des cellules souches adultes paraît incontestée, parce qu'elle met en relation deux personnes conscientes, qui sont d'accord pour partager une partie de la vie.

Vous allez jusqu'à autoriser l'utilisation des embryons surnuméraires. Certains me répondront qu'ils sont de toute façon appelés à être détruits. Mais leur finalité était tout de même la procréation. En changeant de finalité, on change de philosophie. S'il est permis d'utiliser ces embryons pour faire du bien à autrui, qu'est-ce qui s'opposerait à ce qu'on fasse d'eux des esclaves, des êtres humains de seconde zone ? Jusqu'où peut-on utiliser ces embryons ?

Kant, en faisant de toute personne une fin et non un moyen, a réfuté l'utilitarisme. Or ce projet renoue avec la philosophie utilitariste.

Les bouddhistes, les musulmans, les catholiques, les orthodoxes ne peuvent accepter de telles dispositions. Les juifs et les protestants l'acceptent sous certains conditions (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Il y a là un vrai débat. Je ne prétends pas que ceux qui l'ont tranché aient tort. Mais ils nous font courir un risque analogue à celui que suscitait l'arrêt Perruche. Il ne faut pas en effet que la recherche aille jusqu'à nier la vie. On en arriverait à supprimer toute vie qui ne serait pas jugée digne d'être vécue.

Nous évoluons vers un système qui, sans dire son nom, est peu ou prou eugéniste. Après la légalisation de l'IVG, puis la prolongation du délai à douze semaines, nous repoussons encore à plus tard le respect de la personne humaine, qui ne sera plus garanti qu'après la naissance. En amont de celle-ci, tout sera permis. Je ne suis pas sûr que vous ayez tort, mais il y a là un problème et je voulais le soulever (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Nous abordons enfin la révision des lois de bioéthique de juillet 1994, avec un retard que nous regrettons tous, puisque l'une de ces lois prévoyait elle-même que cette révision aurait dû intervenir il y a deux ans.

Ce retard montre la lourdeur du processus législatif sur des sujets qui ne se prêtent pas à des interventions rapides du législateur. S'agissant du vivant, on ne peut légiférer à la hâte, mais l'évolution rapide de la science nous incite par ailleurs à légiférer sans trop attendre. Nous devons donc, entre ces deux nécessités, trouver un juste milieu.

Nous sommes appelés à autoriser la recherche sur l'embryon et ses cellules. Je n'aborderai pas ce sujet, qui a déjà fait l'objet de longs développements de la part du rapporteur et du président de la commission spéciale, dont j'approuve les propos. En revanche, il me semble souhaitable de nous attarder sur l'assistance médicale à la procréation.

L'AMP est en effet le parent pauvre de nos discussions, alors que le présent projet vise d'abord à tirer des leçons de l'application des lois de bioéthique, lesquelles ont posé les règles qui la régissent.

Nous devons nous interroger sur les faiblesses de la loi en vigueur afin d'améliorer les conditions de recours à l'AMP. N'oublions pas, en effet, qu'au c_ur de ces activités médicales et biologiques se trouvent d'abord des hommes et des femmes qui souhaitent avoir un enfant.

On ne redira jamais assez combien longs et difficiles sont les parcours des couples qui s'engagent dans l'AMP.

Il me semble essentiel d'assurer un meilleur suivi et de garantir un véritable contrôle, sur le terrain, des centres d'AMP. Ce rôle devrait être rempli par la future agence, dont la création est prévue à l'article 16 et qu'il faudra doter de moyens conséquents. On ne doit pas traiter un établissement où sont pratiqués des transferts d'embryons comme n'importe quel établissement.

S'agissant des conditions de recours à l'AMP, l'article 18 du projet modifie certaines règles et je m'en félicite. Il permettra à un couple « sérodifférent » de pouvoir accéder à l'AMP dans des conditions satisfaisantes. La commission spéciale a adopté, à l'initiative de Mme Roudy, un amendement visant à aligner les conditions de vie commune exigées des concubins sur celles des couples mariés, ce dont je me réjouis.

Il nous faudra aussi corriger la faiblesse de la représentation de la société civile dans les processus de suivi ou de contrôle. A ce sujet, il faudra veiller à ce que le haut conseil de la future agence donne une place satisfaisante aux femmes.

Il nous faudra encore combler les lacunes des lois de 1994.

Le devenir des embryons conçus dans le cadre d'une AMP doit être précisément défini lorsque les parents ont mis fin à leur projet parental. Je me félicite, à cet égard, que l'article 18 le fasse clairement. Je vous rappelle en effet que la loi de juillet 1994 prévoyait la destruction des embryons existant sans projet parental depuis plus de cinq ans, mais restait silencieuse sur les embryons qui ont été conçus et congelés depuis. Or, même les embryons de plus de cinq ans existant avant 1994 n'ont pas été détruits, en raison vraisemblablement d'une carence de l'autorité réglementaire. C'est pourquoi nous nous trouvons avec plus de 30 000 embryons surnuméraires.

Deuxième lacune à combler, celle du régime juridique applicable au prélèvement et à l'utilisation de cellules ou de tissus embryonnaires ou f_taux issus d'interruptions de grossesses. Actuellement, nous sommes sur ce point en situation de vide juridique, la loi de 1994 ayant seulement défini un dispositif pour les résidus opératoires et le placenta. Je me félicite donc de ce que contient l'article 20, qui permettra à chaque femme placée dans cette situation douloureuse d'être informée sur la possibilité d'un tel prélèvement et de pouvoir s'y opposer.

Troisième lacune, il s'agit de l'insuffisance, dans notre pays, du don de gamètes. L'article 8 du projet tend à doubler le nombre d'enfants issus d'un même don, mais il n'apporte aucune solution quant à l'insuffisance de dons d'ovocytes. Un amendement a été adopté par la commission spéciale, mais je souhaiterais connaître les solutions envisagées par le Gouvernement.

Enfin, autre lacune qu'il nous est possible de combler, c'est la possibilité de donner à une femme le droit que lui soient transférés ses embryons après le décès de son mari ou de son compagnon dès lors que celui-ci a consenti de son vivant à ce transfert. Un amendement adopté par la commission spéciale à l'initiative de son rapporteur et de son président vise à autoriser le transfert post mortem dans des conditions bien précises. J'y suis, pour ma part, tout à fait favorable. Le jugement en cassation - rendu dans une affaire qui a fait couler beaucoup d'encre - qui a refusé à une femme devenue veuve le transfert de ses embryons m'a personnellement choquée. Comment refuser à une femme de terminer son parcours d'AMP alors que ces embryons lui appartiennent, alors qu'ils sont issus de la fécondation de ses ovocytes et qu'ils sont donc la première concrétisation d'un projet parental ? N'est-il pas cruel de proposer à cette femme soit la destruction de ces embryons, soit le transfert à un autre couple. Ce serait faire d'eux des embryons orphelins biologiques de père et de mère alors que leur mère biologique les réclame ! Je suis donc favorable à l'autorisation du transfert post mortem dès lors que le dispositif proposé est bien encadré.

Pour autant, il faut reconnaître qu'en tant que législateurs nous ne pourrons apporter de solution à tous les problèmes, car il y a dans ces questions une dimension humaine qui échappe à la loi. Telle est, à mon avis, la spécificité des lois de bioéthique.

Les députés radicaux de gauche voteront ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean Bardet - En 1994, l'Assemblée nationale a voté les premières lois sur la bioéthique et je me suis abstenu. Non que je sois contre, mais parce que la bioéthique ne peut se limiter à des énumérations de ce qui est interdit et de ce qui est autorisé sans aucun fil conducteur. Tout ce qui n'est pas interdit dans cette loi est donc autorisé !

Des lois sur la bioéthique, si on doit en faire, doivent répondre à trois impératifs : elles doivent être générales, valables à toutes les époques et universelles.

Elles doivent être générales et suffisamment larges pour s'appliquer à un maximum de cas de figures présents et à venir, sans qu'il soit nécessaire de les réviser en fonction des avancées de la science. Cette loi bioéthique porte essentiellement sur le clonage humain, c'est du moins ce que le grand public en retient. Mais pas un mot sur d'autres techniques de reproduction. Est-on sûr que la parthénogenèse ne sera pas un sujet d'actualité dans quelques années, de même que la fusion de deux ovocytes ou de deux spermatozoïdes ? Seules des lois très larges pourraient répondre à ces questions et à d'autres.

Paul Milliez disait que l'éthique médicale consistait à soigner « non seulement avec sa science, mais aussi avec son c_ur ». Ce mode d'exercice ne s'enseigne pas, il se vit. On pourrait ajouter : il ne se légifère pas. Ou si on doit légiférer, la loi pourrait se résumer à une phrase : « Tout ce qui est fait pour l'homme est bon, tout ce qui va à son encontre est mauvais ».

Mais comme les hommes sont différents, dans ce domaine la loi ne peut être la même pour tous. Quels que soient nos jugements sur l'avortement, l'euthanasie, nos décisions sont et ont toujours été personnelles, dans le secret de notre conscience.

Le deuxième impératif d'une loi sur la bioéthique est d'être valable à toutes les époques. L'éthique, comme la vérité, est une et absolue et ne change pas d'un siècle à l'autre.

Que d'erreurs, que de crimes n'a-t-on pas commis au nom d'une éthique qui, bien souvent, n'avait comme support que l'ignorance, les tabous religieux quand ce n'était pas l'ambition personnelle ou la mauvaise foi ! On se souvient de Galilée, jeté en prison par l'Inquisition, de ces médecins déterrant des cadavres la nuit pour les autopsier, bravant l'excommunication promise en 1300 par le pape Boniface VIII. Chaque siècle a vu les savants s'entre-déchirer dans des débats où les arguments scientifiques venaient bien souvent étayer a posteriori des prises de position éthiques ou philosophiques.

Au XVIIe siècle, Harvey a eu des discussions mémorables sur la circulation du sang. Primerose affirmait qu'Aristote avait déjà tout observé sur le sujet et Guy Patin écrivait que ce débat ne concernait pas les chirurgiens... Il a fallu attendre Descartes pour qu'enfin les thèses des « circulateurs » triomphent.

Rappelons les discussions entre Pasteur et Laennec ou Charcot au XIXe siècle : la remise en cause de la théorie de la « génération spontanée » soulevait en fait la question de l'origine de la vie, et c'est pour cela qu'elle était combattue avec tant de vigueur. Après la conférence de la Sorbonne de 1864, où la thèse de la génération spontanée a été définitivement condamnée, Pasteur a été consacré génie et bienfaiteur de l'humanité. Et pourtant c'est lui qui proposait à l'empereur du Brésil de se servir des condamnés à mort pour expérimenter son vaccin contre la rage... De quel côté est l'éthique ? Qui actuellement approuverait l'utilisation sur le jeune Joseph Meister d'un vaccin contre la rage dont la préparation ne correspondait nullement à nos règles de sécurité ? Je ne dis pas cela pour ternir la mémoire de Pasteur mais pour souligner le caractère relatif de l'éthique.

Toujours au XIXe siècle, après que le grand chirurgien français Dupuytren eut essayé de sauver le duc de Berry, frappé d'un coup de couteau dans le c_ur, le non moins célèbre chirurgien de Vienne, Théodore Bilroth, écrivait : « Le chirurgien qui tenterait de suturer une blessure du c_ur perdrait le respect de ses collègues ». Et en 1896, Sir Stephen Paget estimait que la chirurgie du c_ur avait « atteint les limites imposées par la nature ». On était à nouveau dans le domaine de l'essence même de la vie. Et pourtant, quelques mois plus tard, le docteur Ludwig Rehn réussissait la première suture du c_ur.

Des débats analogues ont eu lieu, un siècle plus tard, lors des premières transplantations cardiaques. Le docteur Barnard, au Cap, a tenté la première transplantation cardiaque chez l'homme le 3 décembre 1967, alors que son maître, le docteur Shumway, de Palo-Alto, n'avait pas osé.

Et pourtant la première transplantation cardiaque chez le chien avait été faite dès 1905 par Alexis Carrel, la première transplantation du rein chez l'homme en 1959 par Jean Hamburger. Quelle différence y a-t-il entre ces diverses opérations, sinon des problèmes éthiques relevant plus du subjectif, voire du mystique que de l'objectif ?

De Barnard et Shumway, lequel des deux avait respecté l'« éthique » de l'époque ? Quelles auraient été les lois sur la « bioéthique » si le Parlement en avait discuté en 1966, alors que l'on parlait de greffe cardiaque sans en faire ? Les greffes cardiaques auraient-elles été autorisées alors que la définition de la mort cérébrale n'était pas acceptée de tous et que le traitement du rejet n'en était qu'à ses débuts ? Ce n'est qu'en 1980 que l'usage de la cyclosporine a fait passer le taux de survie des patients de 20 % à 80 %. A quoi servirait la prouesse chirurgicale du docteur Barnard si la cyclosporine n'avait pas été découverte ? Mais l'aurait-elle été si la première greffe cardiaque n'avait pas été faite ?

Le XXe siècle a donné lieu à de nombreux débats éthiques, dont certains ont été résolus par la loi. Certaines pratiques devenues légales sont-elles, de ce fait, éthiques et, à l'inverse, étaient-elles éthiques avant d'être légales ?

En 1942, la dernière femme guillotinée en France l'a été pour avoir pratiqué un avortement. En 1974, Simone Veil a fait voter la loi sur l'interruption volontaire de grossesse. L'éthique a-t-elle changé pour autant ? D'ailleurs, bien avant les lois Veil, des médecins avaient pratiqué des IVG ; les uns l'ont fait en toute impunité, les autres ont été condamnés. « Selon que vous serez puissant ou misérable »...

Quand le professeur Paul Milliez, déclarait au procès de Bobigny, en 1972, qu'il avait fait des avortements, était-il un précurseur ou un provocateur profitant de sa position de mandarin ?

De même les médecins qui affirment avoir pratiqué l'euthanasie sont-ils des précurseurs ou des provocateurs ? Pendant ce temps, l'infirmière de Mantes-la-Jolie est en prison. Là aussi, l'éthique va-t-elle changer ? Mais peut-on encore parler d'éthique, qui varie au gré des lois ?

La troisième règle de la bioéthique est l'universalité.

A quoi bon, à l'époque de la mondialisation, faire des lois en France si elles ne sont pas les mêmes ailleurs ?

L'avortement, interdit en Irlande, est autorisé dans la plupart des autres pays européens, mais dans des limites très variables.

L'euthanasie, interdite en France est admise aux Pays-Bas.

La procréation médicalement assistée chez des femmes ménopausées est interdite en France mais autorisée aux Etats-Unis - on connaît le cas de cette femme de 62 ans, revenue accoucher en France.

Si le clonage reproductif semble être condamné par tous, peu de pays ont légiféré sur ce sujet.

Quant au clonage à visée thérapeutique, il est autorisé en Angleterre.

De tous ces pays qui ont légiféré différemment, peut-on dire que les uns sont plus éthiques que les autres ?

Peut-on admettre que l'éthique change d'un pays à l'autre, d'un siècle à l'autre ? Et si la réponse est non, peut-on légiférer sur des sujets aussi mouvants au risque d'être désavoués plus tard ?

L'éthique est la base même de la médecine, mais en faisant entrer l'éthique dans la loi, ne jouons-nous pas le rôle de l'Inquisition au Moyen-Age ?

Alors, faut-il encadrer la recherche médicale et biologique ? Sans doute, mais appelons ce projet de loi « diverses mesures visant à encadrer la recherche médicale et biologique ». Ne lui donnons pas de dimension éthique au sens universel du terme (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Pierre Hellier - En 1994, la France fut l'un des premiers pays à se doter de lois bioéthiques. L'évolution de la science a bousculé les choix faits alors et donné une dimension nouvelle aux questions touchant à la signification de la vie et à la place de l'homme dans la nature. Il nous faut chercher à maîtriser les conséquences de ces évolutions.

Au sein de la mission d'information, nous avons travaillé plusieurs mois sur ces sujets très sensibles. Le Parlement doit aujourd'hui trancher et c'est difficile.

Le projet de loi appelle un débat à la hauteur des enjeux : il s'agit de trouver un équilibre entre le droit des malades au progrès scientifique et les principes éthiques limitant la recherche. Mais je crains que le calendrier retenu par le Gouvernement ne permette pas un débat serein. Sans cesse repoussée, cette réforme indispensable est maintenant présentée dans un contexte préélectoral et ne pourra être adoptée pendant cette législature. Pourtant elle va révolutionner notre approche de la bioéthique et méritait plus d'attention...

En vue de faciliter les dons d'organes, le projet élargit le champ des donneurs vivants à toute personne majeure ayant un lien étroit avec le receveur. Mais l'opération peut avoir des conséquences très graves sur la santé du donneur. Et on risque de voir se développer la commercialisation des organes. Je pencherais plutôt pour le développement des dons d'organes par des personnes décédées.

Le projet légalise, sous certaines conditions, les recherches sur l'embryon interdites par les lois de 1994. Si le but thérapeutique est louable, les moyens sont contestables : l'utilisation des embryons surnuméraires obtenus par fécondation in vitro transforme l'embryon en matière première. Il vaudrait mieux utiliser les cellules-souches prélevées dans les tissus adultes, qui ne posent pas les mêmes problèmes éthiques.

Le clonage reproductif est interdit. Mais la sanction pénale prévue - vingt ans de réclusion - est insuffisante. On pourrait introduire la notion de crime contre l'humanité, imprescriptible, et ayant valeur internationale.

En revanche, le projet n'évoque pas le clonage thérapeutique. Des pays comme la Grande-Bretagne et Israël l'ont déjà autorisé pour la recherche. La France devra prendre position. Mais cette technique nécessitant beaucoup d'ovules, il pourrait se créer un marché et ces embryons clonés seraient facilement utilisés pour la reproduction.

S'agissant de la PMA, on veut encadrer les techniques de stimulation ovarienne en raison des risques qu'elles présentent pour la femme. Il n'est donc pas logique d'appliquer un régime juridique différent selon que la stimulation précède ou suit l'assistance médicale à la procréation.

Enfin, il aurait fallu aborder dans le texte la question des brevets du génome humain. La directive européenne de 1998, qui pourrait en donner la possibilité, n'a toujours pas été revue malgré les demandes de la France. En biotechnologie, il faut que seuls les produits et les procédés soient brevetables.

Dans un contexte en rapide évolution, nous devons par la loi condamner l'instrumentalisation du vivant, accompagner les progrès de la science, rechercher l'intérêt général. Mais ces dispositions, si elles se limitent au niveau national et même européen, risquent d'être inefficaces. Il faudra rapidement mettre en place des règles d'éthique au niveau international.

Je vous ai fait part de mes convictions personnelles. Je m'abstiendrai sur ce texte essentiel mais qui présente trop d'incertitudes (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) .

M. Georges Sarre - Les lois bioéthiques de 1994 devaient être révisées en 1999. En 2002, les avancées des biotechnologies rendent cette révision plus nécessaire encore. Le législateur ne doit pas freiner la recherche : quand un espoir peut être apporté aux malades, il faut s'en réjouir. Mais le débat a une portée plus large, et nous devons faire la loi au service de l'homme.

Toute la question est de concilier le progrès de la recherche qui profitera aux malades, la compétitivité nécessaire pour éviter que ne se forment des monopoles dans ce domaine crucial et l'exigence humaniste.

Nous condamnons unanimement le clonage reproductif, mais bien d'autres questions ne sont pas tranchées et je veux en évoquer quelques-unes.

Le projet autorise la recherche sur les embryons surnuméraires, voués à la destruction par l'abandon du projet parental. Cela ne met pas en danger, me semble-t-il, le respect dû à l'humain. Si la recherche aboutit à la destruction d'un tel embryon, il y était de toute façon voué. Mais elle doit être d'autant mieux encadrée que les scientifiques ne sont pas unanimes sur les possibilités de thérapie génique. Elle reste expérimentale, mais les perspectives thérapeutiques offertes par les thérapies cellulaires géniques et les cellules souches, c'est-à-dire ce qu'on appelle la médecine régénératrice, pourraient accroître de 25 % la valeur du marché pharmaceutique d'ici vingt-cinq ans. Il y a là de quoi susciter les pires convoitises.

C'est pourquoi la France doit prendre position clairement sur la brevetabilité du vivant. Il faut revoir l'article 5 de la directive européenne de 1998 qui risque de permettre à des sociétés en majorité américaines de s'attribuer le monopole de l'exploitation du génome humain, et au moins essayer d'établir un contrôle d'ordre éthique sur les offices qui délivrent les brevets. Le corps humain ne peut être commercialisé, c'est là un principe élémentaire et nous devons donc tout faire pour éviter les trafics d'organes qui se feront toujours au détriment des plus pauvres.

Menons ce débat en dehors de toute idéologie, avec le souci d'encadrer des avancées scientifiques dont nous ne mesurons pas encore la portée. Ainsi nous permettrons à la recherche française de progresser en conformité avec les idéaux que notre pays a toujours défendus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Perrut - Même si ce texte présenté tardivement ne pourra être adopté avant la fin de la législature, je me félicite que nous abordions de nouveau les problèmes de bioéthique que nous avions été les premiers à encadrer avec les lois de 1994.

Devant nos yeux émerveillés et inquiets, les évolutions de la bioéthique offrent un espoir formidable de vaincre des maladies incurables. Mais vos propositions sont encore prématurées car la réflexion sur l'utilisation des embryons n'est pas assez avancée. Les découvertes de la science bouleversent nos repères éthiques et nous obligent à nous demander dans quelle société nous voulons vivre.

Le projet libéralise la recherche sur l'embryon, comme le demandent les chercheurs, et en fonction des réponses des organismes d'éthique consultés. Mais on ne peut se limiter à énumérer les avantages escomptés par la recherche médicale. Heureusement le clonage reproductif est interdit. Mais sur le clonage thérapeutique, il serait grave de laisser croire par notre silence que nous laissons le débat ouvert. Je suis opposé au clonage thérapeutique car, techniquement, il peut constituer la première étape du clonage reproductif et entraîner la création d'un marché d'ovocytes et leur commercialisation.

En revanche, le projet autorise la recherche sur l'embryon conçu in vitro. C'est rompre avec l'idée que le législateur se faisait jusqu'ici du respect de l'embryon humain. Il ne sera plus respecté en fonction de sa nature propre, mais d'un projet parental, faute duquel il peut être détruit ou utilisé pour la recherche. On ne peut le réduire ainsi au désir de ses géniteurs, alors que c'est le point de rencontre entre l'humain et l'invisible. Il me semble quant à moi essentiel de considérer tout embryon comme appartenant à l'humanité. Le stade embryonnaire représente en effet le commencement de toute vie. Il est vrai qu'un embryon n'inspire pas la même émotion qu'un f_tus ou un nouveau-né, mais faut-il se fier à son seul aspect pour lui concéder ou non sa dignité et lui accorder ou non notre respect ? Sera-t-il respecté si on peut l'utiliser en laboratoire comme objet de recherche, comme matériau même ?

Le but de la recherche ne peut pas nous laisser indifférent, c'est vrai, puisqu'il s'agit de déboucher à terme sur la médecine régénérative.

Peut-on se priver du progrès ? Peut-on préférer la destruction pure et simple de l'embryon à la destruction profitable à autrui ? Peut-on considérer l'embryon - ou le pré-embryon, comme disent certains - comme un gisement de cellules ?

Je crains qu'une telle approche nous amène à définir par la suite des seuils d'humanité, en-deçà desquels certains individus - malades ou gravement handicapés - n'appartiendraient pas au genre humain. Mieux vaut trouver d'autres voies et en particulier explorer, en s'en donnant les moyens, celle des cellules souches adultes, qui ne posent, elles, aucun problème éthique et qui ouvrent de formidables perspectives thérapeutiques.

Le projet comporte d'autres ambiguïtés. Les dispositions relatives au don d'organes, par exemple, me font craindre des dérives en ce qui concerne les donneurs vivants. Le risque de vente d'organes est également à prendre en considération.

Celles relatives aux empreintes génétiques post mortem et à la filiation suscitent des interrogations quant à l'atteinte portée aux droits fondamentaux que sont le respect de la volonté et je dirais aussi le respect de la sépulture. N'y aura-t-il pas rupture d'égalité selon que la personne décédée est incinérée ou enterrée ?

Je m'interroge aussi sur l'implantation d'embryons post mortem, qui crée d'immenses difficultés psychologiques.

Enfin, je regrette que le texte n'aborde pas la brevetabilité du génome humain.

Nul ne peut prétendre détenir la vérité sur les sujets qui nous occupent aujourd'hui, car la science semble aller plus vite que les consciences. Parce que l'homme ne s'est pas trouvé jusqu'ici en situation d'être à la fois la fin et le moyen de son action. Parce que l'homme n'a jamais cessé de se demander quand il commence et finit d'exister.

Les techniques évoluent vite mais nous, législateurs, devons préférer les principes aux pratiques et nous montrer vigilants et prudents. Ne légiférons pas à la hâte.

Pour toutes ces raisons, je ne pourrai vous suivre, Monsieur le ministre, dans la voie que vous nous proposez aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe DL).

Mme Martine Lignières-Cassou - C'est un beau texte que nous examinons aujourd'hui car, qu'il s'agisse de procréation assistée, de don d'organes ou de recherche, il nous parle de la finalité de la médecine qui est de soulager la souffrance et d'apporter du bien-être. En accompagnant l'évolution de la médecine et en essayant même de l'anticiper, nous faisons _uvre intelligente et nous assumons notre responsabilité de législateur. Nous l'assumons d'autant plus que nous évaluons la loi précédente. Je note à ce propos la contradiction qu'il y a à nous reprocher à la fois de le faire avec deux ans de retard et de « légiférer à la hâte ».

Nous légiférons en tout cas à l'aune de trois principes : les droits de la personne humaine, la liberté de recherche qui est une forme de liberté de penser - et le droit à la santé. Le débat montre bien que l'équilibre entre eux dépend pour chacun de nous de ses propres convictions philosophiques ou religieuses. Chacun de nous est interpellé dans sa représentation de la science et dans sa croyance en l'humanité et en l'avenir. Mais dans une république laïque, le législateur n'est pas là pour imposer ses convictions à l'ensemble de la société.

Je voudrais exprimer la tension entre ces droits en prenant l'exemple de l'AMP. Cette discipline, qui répond au désir d'enfant des couples, n'a qu'une vingtaine d'années et certaines de ses techniques sont encore mal maîtrisées, je pense en particulier au prélèvement d'ovocytes, qui nécessite un acte chirurgical après traitement. La loi met sur le même plan le prélèvement des gamètes féminines et masculines, alors qu'à l'évidence les hommes et les femmes ne sont pas égalité devant cette pratique. Pour les femmes, le procédé est complexe, lourd et ne va pas sans risque. Je pense aussi à l'Icsi, qui a été lancé sans expérimentation préalable.

Il importe d'informer les personnes concernées aussi complètement que possible sur les techniques, les risques et les taux de réussite. On ne dit pas assez que ce dernier ne dépasse pas 20 % dans le cas d'une PMA.

Il importe parallèlement de poursuivre la recherche, et en particulier d'améliorer la technique du prélèvement, clé du clonage thérapeutique.

Toutes ces questions mettant en jeu notre représentation de la vie, il serait bon que nous regardions du côté des Etats-Unis : des groupes d'éthique s'y mettent en place, constitués de façon pluridisciplinaire - avec des psychologues bien sûr, mais aussi des philosophes, des anthropologues... Et ces groupes apportent une aide à la décision tant aux médecins qu'aux patients. Un tel accompagnement serait fort utile dans les démarches d'AMP.

Deux réflexions pour conclure. Alors que la famille a beaucoup évolué et que les rôles parentaux peuvent être exercés par d'autres personnes que les géniteurs, les conditions d'accès à l'AMP restent très rigides, comme si les lois de la nature devaient toujours fonder la norme sociale. Au nom de ces lois, on ne débat pas de l'ouverture de ces techniques aux célibataires ou aux couples homosexuels. La question de la qualité des relations entre ceux qui, dans notre société, ont droit à l'enfant et ceux qui ne l'ont pas finira par se poser.

Par ailleurs, les couples qui tentent une AMP ne devraient pas être empêchés d'engager parallèlement une démarche d'adoption. Or, il semblerait que les services sociaux refusent de prendre en compte une telle demande tant que le couple n'a pas fait le deuil d'un enfant biologique. Les deux démarches - AMP et adoption - ne devraient pourtant pas s'exclure. Elles montrent en effet l'une et l'autre à quel point être parent est un choix philosophique et social avant d'être un acte biologique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Guibal - En actualisant la loi relative à la bioéthique, nous allons engager notre responsabilité dans le domaine le plus fondamental qui soit, celui qui met en jeu la nature de l'homme.

Le présent projet a pour objet de fixer les limites que ne doit pas dépasser la science pour respecter la dignité de l'être humain. Nous avons donc à nous poser la question de savoir si nous voulons respecter la vie en général, l'être humain en particulier ou la personne humaine exclusivement. Nous sommes nécessairement amenés à nous interroger sur le moment à partir duquel nous estimons être en présence d'un être humain.

La science ne nous sera pour ce faire d'aucun secours car elle peut décrire mais ne définit pas. Nous devrons donc forger nos propres critères en fonction de l'idée que nous nous faisons de l'homme. Ce faisant, nous révélerons les fondements de notre civilisation.

Les civilisations ne se caractérisent-elles pas, en effet, par les limites qu'elles s'imposent et la manière dont elles traitent l'être humain ? Où trouver nos repères, sinon dans la philosophie et la théologie, qui donnent sens aux valeurs que le législateur traduit en règles de droit ?

La définition d'une norme générale se heurte à l'éclatement de nos systèmes de valeur.

Le débat démocratique débouche difficilement sur un choix éthique unique. C'est donc sur un débat dialectique que s'est construite la bioéthique. Jürgen Habermas appelle cela l'agir communicationnel, les Américains l'éthique procédurale, et c'est ainsi que fonctionne le Comité consultatif national d'éthique depuis 1983.

Devons-nous pour autant nous résigner à un univers flou ? Face à une science triomphante et à des marchés prometteurs, une éthique flottante risque de cautionner de futures transgressions. Les droits de l'homme et le respect de sa dignité constituent pourtant des valeurs universelles. La loi de 1994 interdit toute atteinte à la dignité de la personne et garantit, après la loi sur l'IVG de 1975, le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.

D'autres valeurs courantes, qui s'appellent bonheur et santé, peuvent cependant entrer en conflit avec elles. N'avons-nous pas légalisé en leur nom l'avortement et la procréation médicalement assistée ?

N'en venons-nous pas aujourd'hui à envisager de permettre l'expérimentation sur les embryons surnuméraires ? Se pose dès lors la question de la nature, et donc du statut, de l'embryon, éludée jusqu'à présent, si le temps n'est pas venu de la trancher, nous ne pourrons nous y soustraire longtemps.

L'homme prométhéen est désormais confronté à lui-même : la nature est désormais suspendue à la démesure de son projet, et il risque lui-même de s'en voir transformé, voire de changer son être. « C'est Prométhée littéralement déchaîné » nous dit Hans Jonas. Peter Sloterdijk défend au contraire l'idée d'une « domestication » de l'homme par les manipulations génétiques permettant de réguler l'espèce humaine autrement que par l'éducation traditionnelle. L'humanité passerait ainsi du fatalisme de la naissance à la naissance choisie et à la sélection prénatale.

Nous ne pouvons légiférer sur les possibilités qu'ouvrent les biotechnologies sans nous prononcer sur l'idée que nous nous faisons de l'être humain et de sa dignité. Eluder cette question serait renoncer à notre responsabilité, sceller l'inanité du politique et signer la défaite de la pensée.

Il faut donc prendre parti. Autant le faire dans la cohérence, c'est-à-dire en respectant, dans l'énoncé de ce qui est autorisé et refusé, les principes qui sont les nôtres.

Permettez-moi de poser comme premier postulat que la vie est préférable au néant et que le premier devoir de l'homme est de ne pas se détruire lui-même. Permettez-moi aussi de considérer que la vie est un processus évolutif continu, dès l'instant où les gamètes de l'homme et de la femme ont constitué un nouveau noyau.

Selon Axel Khan, le concept opérationnel pour la réflexion éthique est celui d'une entité évolutive continue, débutant à l'_uf et se transformant progressivement en ce qui sera un nouveau-né. Toute discontinuité dans ce processus semble artificielle et établie pour justifier a posteriori des catégories légales.

Sauf à nous révéler nietzschéens et à assumer l'absence de tout fondement, sur quel critère autre que le respect de la vie de l'être humain bâtirions-nous nos catégories légales ?

Si la vie est un processus continu, comment dénier sa dignité à l'embryon ? Et si l'embryon doit bénéficier de la dignité inhérente à l'homme, comment ne pas en déduire qu'il doit être traité en sujet et non en objet, comme une fin et non comme un moyen ?

Telle n'est pas la voie que le législateur a choisie jusqu'à présent. En autorisant des exceptions aux principes qu'il énonçait, en légalisant l'IVG et l'AMP, en n'accordant de dignité à l'embryon que par référence à un projet parental, il a fait prévaloir les attentes du corps social sur le caractère sacré de la vie, prenant ainsi le risque de diviser la société au détriment de l'humanité.

Il est vrai que les hommes ont rarement renoncé à utiliser les découvertes qui amélioraient leur sort.

L'histoire de la médecine en témoigne. Il est également vrai que la morale s'est le plus souvent adaptée aux « progrès » de la science. En ira-t-il ainsi dans le domaine qui nous occupe ? La contradiction entre nos valeurs et certaines pratiques ne sera en tout cas pas durablement soutenable.

Au train où nous allons, il se peut que ce soient nos valeurs qui aient à évoluer. J'espère seulement que le respect de la dignité humaine restera au centre de notre éthique, même s'il faut pour cela redéfinir ce que nous entendons par respect de la dignité humaine.

Nous aurons sans doute à explorer une voie qui concilie idéalisme et pragmatisme. Nous pourrions y parvenir en considérant que tout ce qui accroît la liberté de l'homme est conforme au respect de sa dignité, et que ne l'est pas tout ce qui la réduit.

Mais c'est là affaire de philosophes. Et ils ont malheureusement manqué à la liste des personnalités que nous avons auditionnées.

Pour l'heure, adopter une attitude restrictive ne voudrait pas dire que l'on méconnaît les espoirs mis dans les biotechnologies, ni les enjeux économiques que représente un marché potentiel de l'ordre de quelques dizaines de milliards de dollars.

Si nous voulons que la loi mérite son qualificatif de bioéthique, n'hésitons pas à interdire la création d'embryons à des fins scientifiques et le clonage, qu'il soit reproductif ou thérapeutique.

Envisageons tout au plus - mais je ne le ferais qu'avec une grande réticence - d'autoriser dans des cas exceptionnels et pour une durée limitée, l'expérimentation sur les embryons surnuméraires voués à la destruction.

Concentrons nos moyens de recherche sur les cellules souches adultes afin de prendre de l'avance dans une voie qui réconcilie la science et l'éthique.

Nous sommes à peine entrés dans le monde bouleversant des biotechnologies, et celles-ci tâtonnent encore. Ne prenons pas le risque, en sacralisant la science et pour répondre à une demande impatiente, de porter irrémédiablement atteinte à nos valeurs, qui sont celles de l'humanité de l'homme (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Marie Le Guen - Ce texte, qui compte parmi les plus importants à l'orée de ce nouveau millénaire, nous projette justement dans le XXIe siècle. Nous abordons avec une certaine forme d'incertitude des questions concernant la santé, la reproduction de l'être humain et notre économie.

Contrairement à nombre de mes collègues, je pense que nous devons le faire avec confiance. Non avec une confiance béate, car les sciences n'apportent pas d'elles-mêmes un progrès de la société, mais sans crainte, puisque l'usage dramatique qui a pu en être fait au XXe siècle est imputable non aux sciences elles-mêmes, mais aux hommes, à un défaut de conscience.

Quel bilan tirer de la loi de 1994 ? Sans doute avons-nous été trop vigilants en faisant de la recherche sur l'embryon un tabou, et ne l'avons-nous pas été à propos de l'AMP ?

Faisons confiance à nos chercheurs, dont la compétence est grande. La communauté scientifique nous a très tôt demandé de légiférer : elle pressentait la nécessité d'un dialogue sur les usages sociaux des progrès scientifiques. Car ce n'est pas tant la recherche qui est en cause que l'usage qui en est fait par la société. N'instruisons donc pas le procès de la science, demandons-nous quel usage la société peut en faire. Dépassons les idées reçues : c'est à nous-mêmes dans notre façon d'envisager cet usage, et non à la recherche que doit s'appliquer le principe de précaution.

Voici quelques commentaires sur la façon dont nous allons légiférer.

Nous traitons une matière nouvelle, qui appelle des réponses nouvelles. Aussi les lois sur la bioéthique ont-elles moins pour fonction d'interdire que d'encadrer. Nous ne prétendons pas détenir la vérité : nous travaillons simplement à favoriser le progrès pour l'humanité.

Il nous faut pour cela accepter l'idée de l'évolution. Les grandes lois de la République jadis adoptées nous paraissent éternelles. Aujourd'hui, la loi moderne doit accepter l'évolution et le dialogue avec la société.

En second lieu, il faut savoir mener ce dialogue, sans chercher à toutes forces le consensus, mais dans le respect des positions de chacun. Dans ce débat comme dans d'autres, une majorité et une minorité se formeront. Quelle que soit cette majorité, elle a vocation à intégrer dans sa propre démarche le respect de la minorité, sans pour autant s'aligner sur elle. Telle est l'alchimie de la démocratie, qui ne peut pas non plus s'accommoder du refus total du dialogue.

Pourquoi ne pas profiter de ces matières nouvelles pour amorcer une manière de modernisation de l'Etat ? La création de la nouvelle agence est une forme de réponse : il s'agit de doter le pouvoir politique d'un outil efficace. Mais la responsabilité des politiques est entière, conformément à une demande sociale de plus en plus fortement exprimée. Enfin, l'aspect international du problème s'impose à nous. La France a la prétention de pouvoir parler au monde entier de la liberté et des droits de l'homme. Mais nous vivons dans un monde totalement ouvert. Si donc nous parlons au monde, en évitant de le faire de façon péremptoire, nous devons aussi entendre tout ce qu'il a à nous dire. Les lois que nous allons élaborer ne devront être ni hypocrites ni complaisantes, ni autarciques ni alignées.

Au total, il est important que nous sachions nous parler. Pour ma part, j'ai confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Bur - Les perspectives de la bio médecine nous ouvrent des horizons qui suscitent fascination et crainte. Alors qu'un long chemin reste encore à parcourir avant que l'on puisse mettre les découvertes récentes au service de la thérapeutique, les scientifiques nous incitent à dépasser les réticences éthiques et l'encadrement législatif élaboré en 1994 pour ouvrir les voies de l'eldorado biotechnologique.

Face aux maladies et aux handicaps, la compassion nous pousserait à élargir le champ des espoirs thérapeutiques. Pourtant, nous savons bien que des règles sont indispensables, sauf à prendre le risque d'égarements tragiques. C'est bien ce risque qui légitime ce débat dont nous mesurons la gravité, mais aussi les limites. Nous avons été nombreux à regretter que le débat législatif n'ait pu être engagé dans le temps imparti par les lois de 1994. Aujourd'hui pourtant, nous avons le sentiment que la discussion demeure prématurée dans certains domaines comme le clonage thérapeutique, tant nos réflexions actuelles risquent de devenir rapidement caduques.

Dès lors, le débat législatif est-il encore justifié, ou ne sert-il pas d'alibi pour franchir en toute bonne conscience certains tabous ?

Le débat bioéthique ne serait-il qu'« un jardin d'acclimatation » selon l'historienne Nadine Fresco, ou un bureau de relations publiques des nouvelles biotechnologies ?

Le fait même de débattre sur la nécessité de qualifier le clonage reproductif de crime contre l'humanité ne prépare-t-il pas l'acceptabilité d'un clonage rebaptisé transfert nucléaire à vocation thérapeutique, dont les premières étapes se confondent avec le clonage reproductif ?

Supprimer la périodicité quinquennale pour la révision des lois bioéthiques est à cet égard significatif. En confiant à une nouvelle agence une fonction de veille et de proposition, le politique court le risque d'être amené à entériner les évolutions de la recherche validées au préalable par cette agence et de se dessaisir d'un temps de réflexion indispensable.

Notre débat se concentre sur l'utilisation de l'embryon au service d'un espoir thérapeutique, auquel les derniers résultats semblent donner corps. Pouvons-nous renier le principe kantien selon lequel l'être humain est une fin et jamais un moyen ? La question que nous devons trancher concerne en effet le statut de l'embryon qui, porteur dès sa conception des potentialités humaines, protégé par la loi, subit pourtant un sort variable en l'absence de projet parental.

Pour nous, les embryons surnuméraires orphelins sont déjà condamnés. Aussi leur utilisation, après accord des géniteurs, dans un but de recherche médicale, paraît compatible avec le respect dû à la nature humaine de l'embryon. Cette recherche pourra porter sur une meilleure connaissance des premiers stades de la vie, mais aussi sur l'utilisation des fameuses cellules-souches dont les potentialités nourrissent d'immenses espoirs. Pour autant, il ne saurait être question de créer des embryons dans le seul but de pourvoir aux besoins de la recherche thérapeutique. La future agence devrait y veiller.

De même, le recours à ces embryons orphelins ne doit pas ralentir les efforts de recherche sur les cellules souches adultes, qui présentent l'avantage de pouvoir contourner les barrières immunitaires.

Ce choix me semble le moins hypocrite, car je n'imagine pas que nous puissions donner suite aux demandes de chercheurs d'importer des cellules souches embryonnaires tout en leur refusant le prélèvement sur nos embryons surnuméraires. De même, il serait hypocrite d'attendre que d'autres pays aient validé les recherches sur les cellules souches embryonnaires pour bénéficier de leurs acquis.

Nous n'aborderons pas l'épineux problème du clonage à vocation thérapeutique. Je considère ce choix comme raisonné en l'état actuel des besoins de la recherche sur les cellules souches. En effet, le recours au transfert nucléaire sur des ovocytes pose une série de problèmes éthiques graves. Les techniques actuelles ne sont pas exemptes d'innocuité. De plus, se poserait inévitablement la question de l'indemnisation de la donneuse et même de la commercialisation des ovocytes, qui nous paraissent inacceptables, sauf à remettre en question le principe que le corps humain est inaliénable.

Cela dit, accepter le clonage à vocation thérapeutique, c'est toutefois transgresser la règle de la reproduction sexuée, consubstantielle de l'humanité de l'être humain. Nous ne mesurons pas encore les conséquences d'une telle révolution. Il n'existe, à ce jour, aucune volonté de franchir ce pas. L'expérimentation animale n'a pas permis de valider l'intérêt de ces recherches et de transposer les techniques aux cellules humaines.

Nous devons, en tout cas, condamner sans appel toute tentative d'explorer le clonage reproductif, car la photocopie d'êtres humains est moralement inacceptable. Il ne suffit pas de s'en tenir à une condamnation nationale, il faut s'efforcer de bâtir un droit international assorti d'un droit d'ingérence. Une qualification de crime contre l'humanité me paraît particulièrement adaptée pour stigmatiser une démarche qui tend à nier le caractère unique de tout être humain.

Les démarches engagées auprès de l'ONU sont un premier pas. Une première étape a été franchie avec l'adoption par le Conseil de l'Europe de la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, plus connue sous le nom de convention d'Oviedo. Or, à ce jour, la France n'a pas ratifié cette convention, qui ne l'a été que par sept pays. Pour asseoir la crédibilité de nos démarches internationales, la ratification de cette convention s'impose.

A cet égard, nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement.

En nous engageant dans ce débat qui transcende les clivages politiques, nous devons avoir à l'esprit cette phrase de Hans Jonas « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre ».

Parce que les principes d'humanité ne sont pas remis en cause par ce projet de loi, qui permettra de mieux soigner les personnes qui souffrent, je voterai ce texte en toute conscience (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste).

Mme Odette Trupin - Au sein de la commission spéciale, j'ai eu le privilège d'assister à l'audition d'un grand nombre de personnalités qui m'ont convaincue de la nécessité de réviser les lois bioéthiques.

Si le débat sur la bioéthique est souvent perçu comme une affaire de spécialistes, il est aussi l'affaire de tous. C'est pourquoi j'interviens, modestement, sur un problème d'une telle gravité qu'il engage l'avenir de l'humanité. Ce problème ne se limite pas à l'approche scientifique, il renvoie à des interrogations philosophiques ou, tout simplement, humaines.

Le développement des biotechnologies se traduit par des innovations à la fois fascinantes et effrayantes : greffes d'organes aujourd'hui, greffes de tissus et de cellules demain, traitement des maladies de Parkinson et d'Alzheimer, nouvelles techniques de PMA, accès au patrimoine génétique d'un individu... Tout cela donne le vertige. L'homme peut manipuler le vivant, modeler la nature, et tout cela semble s'accélérer. Quelle humilité doit être la nôtre ! J'ai beaucoup apprécié, d'ailleurs, la prudence de la commission.

Tout le débat tourne autour de la vie même, de la naissance à la mort. Des préoccupations éthiques, scientifiques, économiques et juridiques interfèrent les unes avec les autres, rendant le problème beaucoup plus complexe. Les intérêts des chercheurs peuvent entrer en conflit avec ceux de la société. Animé par une curiosité désintéressée, le scientifique peut être tenté d'aller de l'avant sans tenir compte des valeurs au nom desquelles on pourrait par ailleurs prétendre limiter sa liberté de chercheur.

Le champ scientifique n'étant pas autonome, des intérêts économiques se mêlent souvent aux recherches. Celles-ci pouvant déboucher sur des applications dont il est possible de faire commerce, le risque est grand de voir l'intérêt général sacrifié à l'intérêt particulier d'acteurs économiques puissants.

En l'absence d'une législation adaptée, c'est le juge qui dit le droit. Faut-il attendre que les problèmes se posent pour légiférer, comme nous l'avons fait suite à l'arrêt Perruche ? Je ne le crois pas. La loi doit pouvoir s'adapter sans retard aux rapides avancées de la science. Les pratiques qui nous intéressent ne relèvent pas du seul exercice de la médecine. Elles soulèvent au contraire des questions fondamentales : qu'est-ce que la personne ? Quand la vie humaine commence-t-elle ? Peut-on en faire commerce ? Peut-on intervenir sur le génome ?

Dès sa création, en 1983, le comité consultatif national d'éthique a posé deux principes essentiels : la non-commercialisation du corps humain et de ses produits et la nécessité de toujours considérer l'être humain comme une fin et jamais comme un moyen. Ce second postulat semble toutefois difficile à respecter. Les progrès de la médecine prédictive, de l'assistance médicale à la procréation, du don d'organe ou de l'utilisation des produits du corps humain ne risquent-ils pas de modifier notre idée de ce qu'est un enfant, un individu, une famille ?

Après sept années d'interruption, la confrontation de l'éthique et de la science est plus que jamais d'actualité. Mais il ne faut pas freiner la recherche en France. Ailleurs, on avance vite, et souvent sans loi.

Le respect de toute vie vaut-il qu'on ne donne pas leur chance à des personnes gravement atteintes en retardant les avancées thérapeutiques ? J'ai la conviction que non. L'agence qu'il nous est proposé de créer sera un gage de vigilance et de transparence. Faisons donc confiance aux chercheurs et donnons leur chance aux grands malades (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine Aurillac - Je veux d'abord rappeler quelques principes essentiels, auxquels nous tenons tous. Ils ne sont pas remis en question dans ce projet, mais leur méconnaissance aurait de graves conséquences.

En premier lieu, il ne doit pas être possible de prendre un brevet sur le vivant. C'est ce qu'affirme la loi française du 29 juillet 1994, reprise dans l'article L. 611-17 du code de la propriété intellectuelle : le corps humain et ses produits ne peuvent en tant que tels faire l'objet d'un brevet. On retrouve la même garantie à l'article 21 de la convention d'Oviedo.

La vie n'étant pas une marchandise, nul ne saurait prétendre en faire un monopole. On ne peut breveter une séquence de gène existant dans la nature ; celle-ci doit au contraire être portée à la connaissance de tous. Il en va de même des séquences de synthèse, qui ne sont pas des inventions, mais des reproductions de séquences naturelles.

En revanche, l'utilisation de ces séquences peut être brevetée.

Mais l'évolution du droit des brevets, en Europe comme aux Etats-Unis, a créé une situation ambiguë dont il faudrait sortir.

L'Office européen des brevets, le 8 décembre 1994, a accepté de breveter la relaxine, considérant que l'identification de cette protéine allait au-delà de la simple découverte du vivant. Pourtant, elle comporte des fragments d'ADN présents dans l'organisme.

Dans ces conditions, sera-t-il possible de breveter d'autres séquences de même provenance ?

Aux Etats-Unis, sur la base de deux brevets, la société Myriad Genetix revendique l'exclusivité en matière de dépistage du cancer du sein.

La directive européenne est totalement contradictoire. L'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas ont refusé, avec raison, de la transposer en droit interne.

Le 29 novembre dernier, le Parlement européen a d'ailleurs invité la Commission à prendre une directive pour exclure toute séquence du génome du domaine brevetable. La France doit faire en sorte que la Commission reçoive effectivement mandat de modifier ainsi le droit communautaire. C'est en effet sur la base de la directive en vigueur que se prononce la Cour de justice, dont la jurisprudence s'impose aux Etats membres.

Elle vient d'ailleurs de le rappeler, sur recours des Pays-Bas. Et puis il y a la menace de l'OMC, pour qui les préoccupations éthiques ne sont pas l'essentiel. En conclusion, même s'il est vrai que la France est en retard en matière de brevets, nous ne pouvons renoncer à nos valeurs humanistes. Nous sommes clairs au niveau national, soyons-le aussi au niveau européen pour imposer le principe infranchissable de l'exception du vivant dans le droit des brevets (Applaudissements sur plusieurs bancs).

M. Philippe Nauche - Le champ du projet de loi est vaste, les évolutions proposées dans l'ensemble satisfaisantes, qu'il s'agisse de la protection des personnes, du don d'organes, du diagnostic prénatal, de la PMA, de l'interdiction du clonage reproductif ou de la création d'une agence spécialisée.

Je limiterai mon propos à la recherche sur les cellules de l'embryon humain. Elle offre, à terme, de grands espoirs pour le traitement d'affections dégénératives aujourd'hui incurables. Quel équilibre trouver entre le respect de la vie et le droit de ceux qui souffrent ?

Le projet autorise l'utilisation aux fins de recherche de cellules-souches issues d'embryons surnuméraires, avec le consentement du couple. C'est un pas important. Cependant nous restons au milieu du gué puisque les technologies de transfert nucléaire - ce qu'on appelle le clonage thérapeutique - ne sont pas autorisées. Il y a consensus entre nous pour refuser et réprimer le clonage reproductif. Mais pour la recherche fondamentale à visée thérapeutique les trois techniques possibles devraient être explorées - cellules-souches adultes, cellules d'embryons surnuméraires issus d'une production sexuée, cellules obtenues par transfert nucléaire.

Je note que pour certains groupes de pensée, l'utilisation pour la recherche médicale de cellules d'embryons surnuméraires destinées au départ à la procréation pose plus de problèmes éthiques que celle de cellules non issues de la reproduction sexuée.

Si on se place sur le plan de notre responsabilité vis-à-vis de nos concitoyens la question est difficile. Que dirons-nous demain à nos malades si les techniques interdites chez nous aboutissent ailleurs - aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Israël, etc. - à des traitements efficaces contre des maladies aujourd'hui incurables ? Qu'ils ne peuvent accéder à ces thérapeutiques ? Qu'ils doivent aller se faire soigner à l'étranger ? Ou adopterons-nous l'attitude hypocrite d'utiliser ces traitements en jetant un voile pudique sur les procédés qui ont permis de les obtenir ?

M. Kouchner affirme, dans une tribune parue cette semaine, que la révision de la loi doit ouvrir des perspectives nouvelles pour les malades. Alors j'aimerais que nous incluions ces préoccupations cliniques dans le texte et autorisions aussi ce qu'on appelle le clonage thérapeutique.

Je préfère que nous avancions dans la transparence, en encadrant cette technique, plutôt que de la laisser se commercialiser, ailleurs (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Delnatte - Je me bornerai à quelques réflexions sur ce sujet complexe.

La qualité des travaux préparatoires menés tant par le Gouvernement que par le Parlement a, certes, permis un travail approfondi et une large consultation de la société civile.

Néanmoins, je regrette que le Gouvernement ait pris deux années de retard dans l'examen de ce texte essentiel - d'autant que cette première lecture ne pourra conduire à une adoption définitive d'ici la fin de cette législature.

Pourtant notre société attend du législateur des repères.

Nous devrions tirer les leçons de ce retard en préférant, à l'avenir, des révisions plus ponctuelles et plus fréquentes, en phase avec le rythme des évolutions scientifiques.

Légiférer sur la bioéthique consiste à affirmer ensemble la conception de l'homme et de la société que nous voulons défendre.

La civilisation occidentale repose sur une éthique qui définit l'homme comme une personne libre et devant être respectée.

Toute notre histoire est marquée par des progrès scientifiques visant à mieux connaître la nature pour la mettre au service de l'homme, notamment en luttant contre la maladie.

Parfois, il a fallu bousculer des tabous pour franchir de nouvelles étapes.

L'expérience montre que ces découvertes scientifiques peuvent aussi, malheureusement, être utilisées pour détruire la nature et nuire au genre humain.

Notre époque présente une situation inédite. La recherche biologique, en particulier la génétique, ouvre de vertigineuses perspectives, à savoir la possibilité pour l'homme de transformer l'espèce humaine, voire d'en faire une création non sexuée.

Dans ces conditions, la question fondamentale « quels moyens pour quelles fins ? » se posera chaque jour avec davantage d'acuité.

Chacun, dans cette Assemblée a ses convictions.

Mais chacun a aussi pour responsabilité de fixer les règles de fonctionnement de la société, suivant des repères perceptibles par tous.

Lorsqu'il y a contradiction entre la conviction et la responsabilité, chacun a le devoir d'_uvrer pour limiter ce qui lui apparaît injuste ou préjudiciable.

Dans ce texte, deux sujets m'interpellent tout particulièrement, la procréation et la thérapie.

Je ne reviendrai pas sur l'interdiction du clonage à visée reproductive : ce texte condamne avec fermeté et précision un fantasme destructeur de l'humanité.

En matière de PMA une double dérive est actuellement à craindre : le « droit » à l'enfant et la sélection.

Bien que le droit à l'enfant soit une aspiration croissante, on peut s'interroger sur sa compatibilité avec le respect des droits de l'enfant. Dans ce débat, ma préférence ira toujours vers l'intérêt de l'enfant.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Très bien.

M. Patrick Delnatte - La procréation doit demeurer le moyen de transmettre la vie, et les progrès techniques la facilitant sont légitimes. Mais, au-delà, le désir d'un adulte de devenir père ou mère doit-il peser davantage que le droit d'un enfant à avoir un père et une mère ? Telles sont les raisons de mes réserves concernant le transfert d'embryon post mortem.

Quant à la dérive de la sélection, elle réside dans le risque d'eugénisme tendant vers le mythe de l'enfant parfait et du « zéro défaut ».

Les précautions prévues par le texte seront-elles suffisantes ? J'en doute.

Dans le domaine de la thérapie, se pose la question de l'utilisation des embryons pour développer des cellules souches. Elle renvoie au débat sur la nature et le statut de l'embryon. La diversité des opinions scientifiques, philosophiques ou religieuses ne permet l'émergence d'aucun consensus, même en s'en tenant à la notion de « personne humaine potentielle ».

Pour le clonage à visée thérapeutique, le Gouvernement a finalement souhaité s'en tenir à l'interdiction, plus d'ailleurs pour éviter la commercialisation des ovocytes que par respect de l'embryon lui-même. Est autorisée, en revanche, l'utilisation pour la recherche médicale des embryons surnuméraires.

Le sens de la responsabilité, mais aussi le souci de précaution, auraient pu conduire à limiter les recherches à celles intéressant la santé de l'embryon. Pour le traitement des autres maladies, il aurait été plus prudent de donner la priorité à la recherche sur les cellules f_tales et les cellules souches adultes.

La pression sociale pour guérir l'incurable à tout prix est, certes, forte. Faut-il pour autant instrumentaliser l'humain et accepter que l'embryon devienne un matériau exploitable ? Le respect de la dignité humaine s'y oppose.

Des précautions s'imposent donc. Je ne suis pas sûr que celles prévues par ce texte soient suffisantes.

C'est pourquoi je ne pourrai pas l'approuver en son état actuel (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Serge Blisko - C'est avec satisfaction, teintée d'un regret, que nous abordons la révision des lois bioéthiques de 1994.

Le regret, c'est que le Parlement n'aille pas au-delà d'une première lecture alors que nous avons lancé ce débat depuis plusieurs années déjà, par la constitution d'un groupe de travail, puis d'une mission d'information, puis d'une commission spéciale.

Le temps de la préparation a été suffisamment long et sérieux pour espérer pouvoir aboutir à un texte définitif.

Ce temps de préparation nous a permis de comprendre les enjeux scientifiques, médicaux, culturels, sociaux et aussi économiques.

Je veux d'abord exprimer ma satisfaction sur les dispositions concernant la protection des personnes. Le texte réaffirme le principe du refus de discrimination fondée sur des caractères génétiques.

Le projet précise également les conditions du refus d'identification par empreintes génétiques en matière civile ; une affaire encore récente a montré combien une telle protection était nécessaire.

Le don d'organes sera facilité. Enfin, la nouvelle agence de la procréation encadrera la recherche, exercera une veille scientifique et ses rapports réguliers permettront au Parlement de réviser de façon plus souple certains aspects de cette loi.

En revanche est-il bien utile, voire prudent, d'interdire telle ou telle piste de recherche ? L'agence, justement, devrait suffire à rassurer. Nous n'avons pas besoin d'interdits, mais de repères, et de garde-fous. La complexité et le coût des techniques, la nécessaire pluralité des équipes écartent la crainte du dérapage d'un savant fou. Ce dérapage, je le trouve plutôt dans l'exposé des motifs, car, sauf dans quelques livres de science fiction, je n'ai jamais décelé aucun « fantasme d'immortalité » ni aucun « acharnement procréatif » chez les équipes de chercheurs qui mettent au point des cellules souches issues du transfert de cellules somatiques dans un ovule énucléé, c'est-à-dire ce qu'on appelle le clonage thérapeutique. Bien sûr, cet exposé des motifs serait justifié s'il s'agissait de clonage reproductif. Nous avons refusé celui-ci à l'unanimité. Ce dont il s'agit, ce n'est pas de reproduction, mais de production de cellules destinées à corriger des défauts génétiques, donc issues d'un seul des deux parents.

L'article 15 ferme donc la voie à la recherche médicale sur un certain nombre de maladies dans lesquelles il y a destruction des cellules. Il la ferme du moins aux équipes travaillant en France, et il serait navrant que nos chercheurs partent à l'étranger pour poursuivre leur travail. C'est cette crainte qu'exprime France Biotech, association qui regroupe la majorité des entreprises françaises de biotechnologie, dans un communiqué du 10 janvier.

J'y insiste, ne confondez pas reproduction et clonage thérapeutique ; dans ce dernier cas, il n'y a pas fécondation et c'est une erreur de parler d'embryon humain. Le clonage thérapeutique ne peut en aucun cas aboutir à produire des êtres humains in vitro, car la reproduction nécessite que l'on replace un embryon dans un utérus.

Mme Christine Boutin - Non.

M. Serge Blisko - Récemment, j'ai remis au nom du maire le grand prix Claude Bernard de recherches médicales de la ville de Paris au professeur Ménachet, un chirurgien cardiaque. Celui-ci, constatant les limites atteintes par les greffes d'organes a repris une formation de biologiste pour pouvoir implanter dans le muscle cardiaque des cellules souches. C'est une voie très novatrice pour traiter l'infarctus du myocarde. Si demain nous interdisons à de tels hommes une voie de recherches parce que certains ont entretenu la confusion entre clonage reproductif et clonage thérapeutique...

Mme Christine Boutin - C'est la même chose.

M. Serge Blisko - ...nous n'aurons pas fait un bon travail parlementaire. Nous aurons cédé à des peurs véhiculées par des forces politiques, sociales ou religieuses, et réitéré une erreur hélas trop fréquente, celle, pour le pouvoir politique, de vouloir limiter étroitement la recherche scientifique.

Il y a quelques siècles, l'autopsie était interdite. Je rends hommage aux médecins qui, au péril de leur vie, ouvraient clandestinement des cadavres, hommage aussi à tous ceux qui, observant le ciel, les étoiles, la nature, ont décrit ce qu'ils avaient vu et compris ; hommage à Galilée, à Giordano Bruno brûlé vif à Rome pour avoir soutenu les hypothèses de Copernic, à Michel Servet, brûlé vif à Genève et qui, à vingt ans, avait découvert la circulation sanguine, hommage à Jenner, si mal traité, à Ignaz Semmelweiss qui découvrit qu'il suffisait de se laver les mains pour éviter que les accouchées soient infectées ; à Darwin, à Pasteur, combattus par toutes les autorités de leur temps parce qu'ils mettaient les dogmes en question.

Je souhaite que de ce projet, qui contient beaucoup d'avancées, on retienne autre chose que cette crispation face à une technique d'avenir. Je le voterai, mais en regrettant qu'il reste frileux sur ce point (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henri Emmanuelli - Je voterai bien sûr cette loi de progrès, une loi capitale car chacun pressent que ce siècle sera façonné par la biologie. Jamais donc l'homme n'aura affronté une telle responsabilité face au devenir de son espèce. Aussi est-il naturel que l'on soit saisi de vertige, et que tous les points de vue philosophiques et moraux s'expriment. C'est l'honneur de la démocratie de les entendre avant de choisir.

Je ne reviens pas sur tous les aspects positifs de la loi. Mais je regrette l'absence d'ouverture vers ce que l'on appelle à tort le clonage thérapeutique, c'est-à-dire le transfert d'une cellule somatique dans un ovocyte énucléé. Nous avons déposé un amendement à ce sujet pour qu'un débat constructif ait lieu.

On connaît les arguments de ceux qui s'y opposent. D'abord ce serait ouvrir la voie, techniquement, au clonage reproductif. Mais à ce passage s'opposent des barrières morales, législatives et simplement matérielles : en l'état actuel, la science ne peut passer d'un blastocyte à un être humain sans implantation utérine. Proscrire des recherches parce qu'elles n'ont pas encore été probantes est peu rationnel. Le seul vrai problème est celui des ovocytes, car il y a effectivement des risques pour la femme donneuse, et des risques de commercialisation. Il faut être prudent, et justement c'est en édictant des règles précises qu'on le sera le plus. On sait bien que dans certains pays les craintes se réaliseront ; ce sont des pays où le contrôle médical et le contrôle social sont très inférieurs à ce qu'ils sont chez nous. Cet obstacle existe, mais, eu égard aux perspectives de recherche, je crois que nous sommes assez sages pour le maîtriser.

Pourquoi vouloir utiliser précisément ces cellules, nous dit-on encore, alors qu'il existe des cellules souches mères et des embryons surnuméraires ? C'est parce que nous ne pouvons esquiver tous les aspects liés à l'immunologie.

Je ne sais si notre amendement sera adopté. Mais je suis persuadé que s'il ne l'est pas, il ne se passera pas beaucoup de temps avant que, sous la pression des faits, des chercheurs, et aussi la pression sociale, on en vienne à autoriser la recherche à partir de cellules souches embryonnaires. Simplement, on aura perdu quelques années (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. Alain Claeys, rapporteur de la commission spéciale - Le contexte international nous préoccupe tous, qu'il s'agisse des interdits que nous fixons ou de la marchandisation du vivant.

Je crois que nous devons faire émerger un droit d'ingérence, afin que les interdits que nous fixons soient respectés au niveau international. De ce point de vue, l'initiative franco-allemande auprès de l'ONU est juste.

Quant à la marchandisation du vivant, elle constitue le problème éthique numéro un. A la demande de Jean le Garrec, j'ai fait le point sur ce sujet dans un rapport que j'ai tenu à rendre public quelques jours avant la discussion du présent projet. Je suis de ceux qui pensent que le vivant doit être traité de façon spécifique dans le domaine des brevets.

Le Gouvernement et le Président de la République avaient, on s'en souvient, demandé des explications au président de la Commission de Bruxelles sur la directive européenne consacrée à ce sujet, en particulier sur son fameux article 5 aux deux premiers alinéas contradictoires. Au vu des réponses qui leur ont été données, le Gouvernement a déposé un projet de transcription qui ne reprend pas cet article. C'est une bonne décision, mais il ne faudrait pas qu'elle nous cache la réalité : si un industriel français ou une équipe de recherche déposent un brevet à Munich, celui-ci sera examiné dans le cadre de la directive européenne. Et l'Office européen des brevets inscrit son examen des brevets dans le cadre de l'accord de Marrakech de 1994, c'est-à-dire qu'il considère le vivant comme une simple molécule.

Par conséquent, si nous voulons faire accepter l'idée que le brevet sur le vivant mérite une exception, il nous faudra déjà faire évoluer les esprits au niveau européen.

Puis nous devrons mener un combat au niveau de l'OMC, combat dans lequel nous pourrons retrouver un certain nombre de pays à nos côtés mais qui sera long. Dans mon rapport, je propose d'en rester, pour le vivant, aux brevets d'applications et d'interdire les brevets de produits.

Quelques mots enfin sur le « clonage thérapeutique ». Lorsque le Gouvernement a retiré de son projet les dispositions qui tendaient à l'autoriser, la commission a quand même organisé une Table ronde sur le sujet, publique et ouverte à la presse. Nous ne voulions pas en effet que des questions restent taboues.

Mais ne nous faisons pas de procès d'intention !

J'ai toujours bien fait la distinction entre clonage thérapeutique et reproductif. Et nous n'avons pas été influencés par je ne sais quelles considérations religieuses ou philosophiques. La mission d'information a entendu tous les points de vue mais j'ai toujours dit que la représentation nationale n'avait pas à faire un choix entre telle ou telle conception mais plutôt à trouver un équilibre entre liberté de la recherche, désir des malades d'être mieux soignés et respect de la dignité humaine.

La commission a donc dit oui à la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

Il faut en effet mener de front les deux types de travaux- sur les cellules souches adultes et sur les cellules souches embryonnaires - comme nous y invitait le professeur Gros. Les embryons surnuméraires nous le permettent. Il n'y a pas lieu donc de faire appel à cet effet au don d'ovocytes. Le risque de marchandisation serait trop grand. La commission a fait preuve de cohérence sur ce sujet concret (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche - Je me réjouis de ce débat. Certains nous disent qu'il aurait dû être organisé dans les délais prévus pour réviser la loi de 1994, mais il est difficile d'agir rapidement dans un domaine où les connaissances sont aussi mouvantes. On nous reproche de le faire en fin de législature, mais il y a un précédent, puisque la loi bioéthique elle-même avait été déposée et débattue en 1992 mais adoptée seulement sous la législature suivante, en 1994. Et puis on ne peut pas mettre en sommeil la fonction législative sous prétexte qu'une échéance approche. Fallait-il neutraliser tout un trimestre ? Non, la fin d'une législature doit être utile au législateur.

Je me réjouis de ce débat car tous ceux qui y prennent part ont montré une grande tolérance, un souci des malades, une volonté de se tenir informés des progrès de la recherche. Nul n'a prétendu détenir la vérité absolue. Il est vrai que ce type de débat appelle humilité et respect d'autrui et que toutes les opinions doivent y être entendues avec respect. Ce fut le cas, j'en suis très satisfait. Les clivages politiques traditionnels ont été dépassés et des orateurs de l'opposition - M. Bur et M. Dubernard par exemple - ont bien voulu marquer leur intérêt pour le projet et pour le travail accompli.

Je salue quant à moi celui de la mission d'information et de la commission spéciale.

Je ne peux pas répondre à tous les intervenants mais je voudrais évoquer trois points.

D'abord, la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Nous devons d'un côté veiller à ne pas réifier l'embryon, de l'autre prendre en considération le droit des malades à voir la recherche progresser et déboucher sur des thérapeutiques capables de soulager leurs souffrances ou même de les guérir. Ce sont deux impératifs éthiques.

Le débat sur les embryons surnuméraires a été très riche. Chacun y est intervenu avec sa sensibilité particulière, étant entendu qu'il est très difficile de savoir objectivement quand commence la vie.

Sur ce point, même les convictions religieuses diffèrent. Beaucoup considèrent que l'embryon résulte d'un double processus : la fécondation, suivie de l'implantation dans l'utérus. Pour reprendre le professeur Mattei, une fécondation in vitro donne une promesse d'embryon qui, en s'implantant, devient embryon, personne potentielle. Les analyses divergent : la vie commence-t-elle dès la fécondation, ou au moment de l'implantation ? Le débat est récurrent dans la communauté scientifique. Les Britanniques ne parlent de vie humaine qu'après le quatorzième jour, lorsque s'ébauche le système nerveux. C'est dans cette diversité philosophique et spirituelle que nous cherchons une solution qui convienne au plus grand nombre.

Le projet de loi autorise ainsi les recherches sur les cellules souches provenant d'embryons surnuméraires, mais les encadre strictement. Elles ne peuvent être entreprises qu'avec le consentement écrit préalable du couple concerné, à une fin médicale et en l'absence de méthode alternative d'une efficacité comparable. Les ministères de la recherche et de la santé développeront pour leur part les recherches sur les cellules souches adultes. Quant à celles sur les cellules souches issues d'embryons surnuméraires, elles ne pourront être conduites que dans le cadre de protocoles soumis à l'avis préalable et public d'un Haut conseil pluridisciplinaire comptant dans ses rangs des parlementaires. La décision finale appartiendra aux ministres de la santé et de la recherche, qui prendront en considération la pertinence du projet, son intérêt pour la santé publique et les principes éthiques. La plupart des orateurs reconnaissent la nécessité de ces recherches dans une perspective thérapeutique.

Le Gouvernement avait initialement envisagé d'autoriser une pratique encadrée du clonage thérapeutique - ou plutôt du transfert de noyau de cellules somatiques - en cas d'échec des autres techniques. Il y a renoncé dans un souci de consensus, la commission consultative des droits de l'homme et le Conseil d'Etat s'étant prononcés contre cette possibilité. Au demeurant, alors que la conviction scientifique dominante au moment de l'élaboration du texte était que les cellules souches obtenues par transfert nucléaire ne provoqueraient pas de rejet immunologique, contrairement aux cellules souches provenant d'embryons surnuméraires, depuis les connaissances ont évolué et il semble, d'après un colloque tenu à Londres en novembre, que l'avantage invoqué en faveur du transfert nucléaire ne soit pas aussi net.

Le projet de loi comporte de toute façon un dispositif de veille scientifique avec l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique, chargée d'alerter les pouvoirs publics sur la progression des techniques. J'ai été très sensible à l'intervention d'Henri Emmanuelli. Si le clonage thérapeutique s'avérait aussi, voire plus efficace que l'autre méthode, des évolutions législatives seraient immanquablement proposées. Le Gouvernement n'est pas opposé au clonage thérapeutique, mais il juge prématuré de l'autoriser aujourd'hui.

MM. Mattei, Dubernard, Laffineur et Foucher ont évoqué les greffes d'organes. La pénurie de donneurs exige d'élargir le cercle des donneurs potentiels vivants. Rappelons que 235 personnes sont mortes en 2000 faute de donneur.

Vous redoutez des pressions. Sauf cas d'urgence constaté par le procureur de la République, il reste aujourd'hui impossible de greffer à une personne l'organe de son conjoint, en dépit du lien désintéressé du mariage.

L'article 7 garantit la liberté du consentement : le donneur exprime celui-ci devant le président du tribunal d'instance ou son représentant, qui s'assure qu'il est libre et éclairé. Le consentement est révocable ; enfin l'autorisation est délivrée par un comité d'experts. Le risque de pressions me semble donc jugulé.

S'agissant de la brevetabilité, le rapporteur de votre commission spéciale a rappelé la position française sur la brevetabilité du génome humain, suite à la directive du 6 juin 1998 sur la protection juridique des inventions biotechnologiques. Les données brutes du séquençage du génome humain doivent être accessibles à tous. Les séquences nues doivent donc être mises dans le domaine public. Rappelons que c'est grâce à la recherche publique menée par le consortium public de recherche sur le génome que cette thèse a prévalu sur celle d'une société privée de recherche américaine qui voulait obtenir les brevets sur les séquences nues du génome humain.

En second lieu, la simple découverte de ce qui existe à l'état naturel n'est pas brevetable, conformément au droit commun des brevets. S'agissant enfin du génome humain, toute brevetabilité est inconcevable en l'absence de caractérisation de la fonction d'un gène déterminée expérimentalement, et de ses applications précises à des fins diagnostiques ou thérapeutiques.

Ce qui est brevetable dans les bio-technologies, comme l'a souligné M. Mattei, ce n'est pas l'aspect bio, c'est l'aspect technologie.

C'est pourquoi les ministères de la santé et de la recherche ont soutenu l'Institut Curie, l'Assistance publique de Paris et l'Institut Roussy dans leur procédure d'opposition à la délivrance, à nos yeux injustifiée, d'un brevet à la société Myriad Genetics, d'une portée excessivement large. Il n'est pas possible que des éléments du vivant soient l'objet d'une telle appropriation.

Aussi les autorités françaises ont-elles adopté en conseil des ministres un projet de transposition partielle de la directive européenne, excluant les dispositions de l'article 5, qui ne nous convient pas. Nous avons demandé à deux reprises à la Commission de Bruxelles de préciser que l'interprétation de ces dispositions correspond bien à celle qu'en fait la France.

Beaucoup de députés se sont exprimés sur la brevetabilité, en particulier le rapporteur. Je comprends parfaitement leurs préoccupations. J'ai été également sensible à l'intervention de M. Bardet sur l'équilibre à trouver entre la morale et le droit. Il est toujours difficile d'intégrer dans la loi des éléments de morale. C'est pourtant nécessaire dans bien des cas. Beaucoup de nos règles juridiques proviennent des préceptes généraux du Décalogue, qui auraient aussi bien pu figurer ailleurs tant ils sont de bon sens. Si les impératifs éthiques n'étaient pas transformés en normes juridiques, la vie en société serait une succession d'aventures très risquées.

En conclusion, je suis tout à fait attentif aux arguments soutenus par les uns et les autres avec beaucoup de bonne foi, dans le respect des convictions de chacun. Je souhaite que la discussion se poursuive dans le même esprit (Applaudissements sur tous les bancs).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 20.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            Louis REVAH

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 1ère séance du mardi 15 janvier 2002.

Page 21, dans l'intervention de Mme Hélène Mignon, au deuxième paragraphe, lire ainsi la deuxième phrase :

« Le 19 mars n'est pas un jour de joie ni de fierté, mais doit être un moment privilégié ».

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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