Session ordinaire de 2001-2002 - 57ème jour de séance, 130ème séance SÉANCE DU MERCREDI 6 FÉVRIER 2002 PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI Sommaire RÉSOLUTION ADOPTÉE QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2 POLITIQUE DU PATRIMOINE 2 CONSEILS DE LA JEUNESSE 3 CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX 3 SITUATION DES ARMÉES 4 POLLUTION DU LITTORAL BRETON 5 QUALITÉ DE L'EAU EN BRETAGNE 6 CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN 6 CANCER 7 NATALITÉ 8 DROITS DE L'HOMME EN TUNISIE 8 MAJEURS SOUS TUTELLE 9 MOYENS DE LA POLICE 10 ORDRE DU JOUR DU MARDI 12 FEVRIER 11 La séance est ouverte à quinze heures. RÉSOLUTION ADOPTÉE M. le Président - J'informe l'Assemblée qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du Règlement, la résolution sur la qualité des services dans les ports maritimes adoptée par la commission de la production est considérée comme définitive. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. Mme Françoise de Panafieu - Ma question s'adresse à Mme Tasca, ministre de la culture. Je voudrais me faire l'écho de l'indignation que soulève l'incroyable gestion de la Caisse des monuments historiques et de nos musées. Ce sont pourtant là des éléments de notre patrimoine dont l'Etat est responsable en tant que propriétaire et gestionnaire. Que dire de la nouvelle décoration, coûteuse et contestable, de l'Hôtel de Sully, siège de la Caisse des dépôts et consignations ? (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe du RPR) Cet emblème du patrimoine français se trouve défiguré aux frais du contribuable. Oui à la création, mais dans des conditions respectueuses des richesses de la nation. Et que dire des énormes investissements prévus pour reconstruire le musée des Monuments français ? Pourquoi détruire l'actuel musée pour mettre en dépôt en province des plâtres fragiles que personne ne verra ? Ces débordements sont révélateurs d'une situation grave que la Cour des comptes et l'inspection générale de votre ministère ont portée à votre connaissance. Vous connaissez le déficit chronique de la Réunion des musées nationaux, les règles de gestion courtelinesques des grands musées et les dégradations opérées sous la houlette d'un président issu du système des dépouilles socialiste ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) Gabegie, impéritie, sur fond de sous-estimation des besoins du patrimoine et de mauvaise consommation des crédits, voilà le constat ! Les images diffusées récemment par les médias ont fait mal aux Français, qui ont la passion de leur patrimoine (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Pourquoi une telle désinvolture ? Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - Je voudrais croire à la sincérité et au sérieux de votre indignation... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) Je préfère ramener les choses à leurs justes proportions. Lorsqu'il a été nommé, le nouveau président du Centre des monuments nationaux s'est vu assigner une double mission : faire connaître l'histoire et l'architecture des monuments et les ouvrir à des activités pluridisciplinaires, afin de les faire vivre et de bien les insérer dans la vie culturelle des territoires. Dans la programmation de ces activités artistiques, certains excès sont apparus. Aussi dès septembre, ai-je diligenté une inspection dont le rapport vient de m'être remis. Il fait apparaître un déséquilibre entre la mission patrimoniale, qui doit rester centrale, et les activités artistiques. J'ai demandé au conseil d'administration du Centre de réviser le budget pour rééquilibrer les activités en faveur de la mission patrimoniale. Le fonctionnement interne du Centre appelle également une réorganisation. Dès que le président m'aura remis ses réponses au rapport d'inspection, j'en tirerai les conséquences. Quant à notre politique patrimoniale, je rappellerai que les crédits, qui avaient été amputés de 33,6 % en 1997, ont été augmentés de 4,3 % par ce gouvernement, ce qui a permis d'engager des travaux remarquables à Versailles, à Vincennes, dans les cathédrales de Strasbourg et d'Amiens et en Provence. Est-ce là de la désinvolture ? J'appelle cela du redressement et un vrai respect du patrimoine, que nous aurions aimé voir mis en _uvre quand vous étiez aux affaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Roger Meï - Madame la ministre de la jeunesse et des sports, les « sauvageons » ne sont qu'une infime partie de notre jeunesse. Dans nos communes, on doit aux jeunes beaucoup d'actes et d'engagements positifs. Vous avez fait appel à leur esprit de responsabilité à travers les conseils départementaux de la jeunesse. Il y a quelques jours, vous réunissiez leur conseil national. Notre groupe a demandé la pérennisation de tous les emplois-jeunes et la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans. Cette proposition s'est traduite, dans la loi du 4 juillet 2001, par la mise en place d'une commission pour l'autonomie des jeunes. Où en sont les travaux de cette commission ? Quelles sont les perspectives et les moyens prévus pour les conseils départementaux de la jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste) Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - Samedi, en effet, 400 jeunes étaient réunis à la Mutualité pour tirer le bilan de quatre années de fonctionnement des conseils départementaux, quatre années où ils ont rencontré, à trois reprises, le Gouvernement et le Premier ministre pour commenter les avancées et faire des propositions. Ces conseils, maintenant pérennisés par la loi, montrent que les jeunes sont capables de traduire en actes leur citoyenneté si on leur ouvre les espaces nécessaires. Mme Sylvia Bassot - Tarte à la crème ! (Rires sur les bancs du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe communiste) Mme la Ministre - Samedi ils ont dialogué avec les politiques, mais aussi avec les médias, car ils aimeraient qu'on donne d'eux une autre image que celle de l'équation jeunes = violences. Ils ont décidé de consacrer le prochain festival de la citoyenneté à la question de l'autonomie des jeunes et comme la commission créée par la loi rendra son rapport à ce sujet en mars, un travail en commun pourra s'effectuer (Mouvements divers et rires sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Ces conseils ont un grand avenir car ils montrent la capacité des jeunes à présenter des propositions rigoureuses et ils nous appellent à faire une autre politique pour mieux répondre à leurs attentes (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX M. Francis Delattre - Monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous vous êtes permis, la semaine dernière, en réponse à la question d'un collègue de la gauche plurielle, un mouvement d'agressivité à l'égard de l'opposition, pour le moins contestable... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) On a bien compris qu'en nouveau rallié à la cause électorale de M. Jospin vous en rajoutiez, mais ce n'était pas très courageux car nous n'avions pas les moyens de vous répondre. Puisque vous avez fait des comparaisons fort peu flatteuses entre le camp conservateur et le camp du mouvement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), je voudrais vous parler du logement social. Pendant les quatre premières années du gouvernement Jospin, vous avez mis en chantier deux fois moins de logements sociaux que les deux gouvernements « conservateurs » précédents (Exclamations sur divers bancs). M. Jospin avait pourtant promis 180 000 logements sociaux par an... Alors je pose la question : vaut-il mieux pour les ménages modestes - ils votent d'ailleurs de plus en plus pour nous - qui sont à la recherche d'un logement social avoir affaire à un gouvernement prétendu conservateur ou à un gouvernement socialiste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF) M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Sur un point, je suis tout à fait d'accord avec vous, c'est sur l'opposition entre le camp conservateur et le camp du mouvement ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Pour le reste, vous pouvez toujours tenter, une semaine après, une séance de rattrapage, mais il me semble que sur la question relative au bilan industriel du Gouvernement, j'ai développé des arguments convaincants. En ce qui concerne le logement, ce gouvernement mène depuis quatre ans une politique active. Il est exact qu'il y a eu pour le logement social des difficultés de mise en chantier, mais les dernières orientations prises visent à les réduire. Vous savez aussi que des mesures sociales ont été prises pour faciliter l'accès des familles modestes au logement locatif et à la propriété, que la taxe d'habitation a été allégée pour elles et que de nouvelles dispositions permettent aux personnes retrouvant un emploi de ne pas être pénalisées en matière d'allocation-logement. Même s'il reste beaucoup à faire, nous avons beaucoup avancé, dans ce domaine comme dans d'autres. Ne soyez pas trop présomptueux en avançant que de plus en plus de foyers populaires vous font confiance. Vous risquez d'être démenti par les faits bientôt (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Georges Sarre - Depuis cinq ans, avec l'approbation silencieuse du chef des armées, les crédits accordés à celles-ci ne cessent de diminuer et le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Crène, vient même à ce propos d'évoquer « les pièges de la professionnalisation ». Certes, Monsieur le Premier ministre, c'est votre prédécesseur qui a amorcé ce désarmement de la France, mais le constat est aujourd'hui dramatique : notre force de frappe vieillit de jour en jour et aucun système de réserves n'est venu se substituer au service militaire cependant que soldats, marins et aviateurs grognent, demandant un effort... Depuis le 11 septembre, nous savons que les « dividendes de la paix » ne sont que funeste illusion : il était donc du devoir des autorités de préserver les capacités d'action de notre pays, ainsi que les moyens de son autonomie. Or vous n'avez pas cherché à retourner la tendance. Dans le conflit afghan, notre armée a fait pâle figure et la situation est telle que les Etats-Unis ne voient plus de raison de se concerter avec nous. L'armée française n'a pourtant pas vocation à jouer les supplétifs, et nous ne devons plus laisser recouvrir la voix de notre pays. La défense reste l'outil essentiel d'une politique extérieure indépendante, ce qui implique d'en payer le prix : il en va de la sécurité de notre République. Que compte faire le Gouvernement pour améliorer les budgets de fonctionnement, d'investissement et de recherche de nos armées ? M. Pierre Lellouche - Très bien ! M. Alain Richard, ministre de la défense - Par les problèmes qu'elle soulève, votre question est indéniablement utile au débat démocratique mais je vous mets en garde : ne nous laissons pas fasciner par l'option maximaliste qui est celle des Etats-Unis ! Pas plus que nous n'avions suivi la politique du Président Reagan, nous ne pouvons suivre celle de M. Bush, ni partager son analyse des menaces actuelles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) La France et ses partenaires européens ont une autre vision des priorités, une autre méthode (Mêmes mouvements). Nos moyens de défense sont stables et, s'agissant de préserver notre autonomie - ce qui est en effet l'essentiel -, ils restent dignes de nos ambitions. Nous avons passé commande d'un grand nombre de matériels de nouvelle génération : avions de combat et de transport, satellites d'observation, sous-marins de la force nucléaire... Evitons donc de glisser vers une désinformation à visées politiciennes (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), en passe de devenir l'un des faux-semblants de la prochaine campagne présidentielle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Les militaires de ce pays ont des aspirations et des revendications, auxquelles nous répondons par le dialogue, dans un esprit de responsabilité. Ils n'ont pas l'intention de devenir une balle de ping-pong dans le débat électoral ! Il y avait une absente dans votre question : l'Europe. Si nous voulons une politique de défense autonome par rapport aux Etats-Unis, nous devons faire le choix politique de l'Europe, avec tout ce que cela implique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). L'Europe jouera tout son rôle dans le monde si elle sait relever les défis, élaborer des projets et refuser la fascination de l'échec (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Aimé Kerguéris - Ma question, à laquelle s'associe Mme Ramonet, députée du Finistère, a trait à la pollution à répétition du littoral breton. Deux ans après la catastrophe de l'Erika, les côtes du Morbihan viennent en effet d'être à nouveau souillées par des rejets d'hydrocarbures et, à nouveau, s'est posé le problème de faire la preuve du délit et d'appliquer une sanction. Cette pollution résulterait, selon les professionnels, d'un dégazage en mer. Le dispositif actuel souffre donc de carences manifestes, et il serait donc urgent d'innover, Monsieur le ministre de l'équipement et des transports ! Pourquoi ne pas assurer la traçabilité des produits transportés par mer, ce qui permettrait d'établir incontestablement le délit et l'identité de son auteur ? L'identification par des moyens scientifiques des responsables de ces pollutions constituerait la plus efficace des préventions ! D'autre part, les avions des Douanes ne peuvent, semble-t-il, effectuer leur mission de surveillance pendant les tempêtes, particulièrement propices aux dégazages, mais pourquoi avoir abandonné la surveillance de nuit à l'aide d'infrarouges ? Lorsqu'on sait que le quart du trafic maritime mondial passe par la Manche et par le rail d'Ouessant, on ne peut qu'être effaré par la disproportion entre ce trafic et les moyens de contrôle. Les Bretons et les sapeurs-pompiers, qui se dépensent sans compter depuis trente ans pour réparer les dommages, ne veulent plus que leurs côtes continuent de subir ces outrages. Quelles mesures comptez-vous prendre pour que les coupables soient enfin reconnus et punis comme ils le méritent ? La France se doit d'être à la pointe de ce combat ! (Applaudissements sur bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Le dégazage - certains disent « déballastage » - auquel vous faites allusion est évidemment inacceptable et doit être sévèrement sanctionné, mais on ne peut laisser entendre que la France ne ferait rien pour combattre ces pollutions. Vous avez adopté une loi qui punit plus fortement ce genre de délits et nous avons accru les moyens de contrôle, d'information et de repérage de la défense nationale, de la gendarmerie, du préfet maritime et des CROSS. Par ailleurs, sous sa présidence, la France a considérablement fait progresser le dossier au sein de l'Union européenne. Dans le cas que vous citez, tout a été immédiatement mis en _uvre pour retrouver le coupable. Un navire a été immobilisé à Donges : il se trouve que ce n'était pas le bon (Sourires), mais chacun a pu constater que l'Etat était mobilisé. Quant à la traçabilité, dois-je vous rappeler que j'ai moi-même posé le problème ici, parlant de « boîtes noires » ? Nous contrôlons actuellement tous les navires qui ont passé par la zone polluée, dans les cinq jours précédant la constatation du sinistre. Si le pollueur se trouve parmi eux, soyez assuré qu'il le paiera très cher, car nous entendons bien mettre fin à ces pollutions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste) M. Kofi Yamgnane - Le 4 février, Monsieur le ministre de l'agriculture, vous avez signé à Rennes, avec votre collègue de l'environnement, un plan d'action ambitieux pour le développement pérenne de l'agriculture et pour la reconquête de la qualité de l'eau. Cent vingt représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des organisations professionnelles et des associations de protection de l'environnement et de consommateurs ont approuvé ce document, qui résulte d'une concertation approfondie. Ce plan est le bienvenu : la Bretagne est confrontée à des formes de production intensive dont certaines nuisent à la qualité de l'eau. La concentration d'animaux est parfois telle que leurs déjections réduisent à néant les efforts conjugués des pouvoirs publics et des professionnels : un tiers des captages d'eaux souterraines et des prélèvements de surface dépassent la norme fatidique de 50 mg de nitrate par litre, de sorte que chaque foyer breton doit consacrer en moyenne 458 euros par an à l'achat d'eau minérale. Il était donc urgent d'unir les efforts pour rétablir la qualité de l'eau. Pouvez-vous préciser la teneur de ce plan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - La situation en Bretagne est en effet inquiétante à cet égard, sinon catastrophique. Non seulement un tiers des puits de captage dépassent la norme fixée par l'OMS pour la teneur en nitrate, mais plus de la moitié des cantons bretons se trouvent en « zones d'excédent structurel » - c'est-à-dire, en clair, que la quantité d'animaux rapportée à la surface d'épandage est trop importante - et plus d'un Breton sur deux refuse donc tout logiquement de boire l'eau du robinet. Il y a trois ans, nous nous sommes donc lancés dans un travail fastidieux et difficile, mais qui a permis l'adoption du plan d'action que vous avez mentionné. Celui-ci prend la suite d'une charte, signée le 14 mai 2001 et accueillie, m'a-t-il semblé, avec un certain scepticisme : j'avais alors indiqué qu'avant un an, nous arrêterions des objectifs quantifiés, un calendrier et des financements. C'est ce qui a été fait lundi. Ce plan a deux mérites. D'abord il n'exclut aucune voie pour reconquérir la qualité de l'eau en Bretagne. Ensuite, il rassemble tout le monde : le conseil régional et bientôt les quatre conseils généraux, les associations de défense de l'environnement et les professionnels de l'agriculture, qui ont longtemps eu un dialogue difficile avec les défenseurs de l'environnement. Je me réjouis de ce consensus. L'Etat engagera dans ce plan 106 millions d'euros sur cinq ans. Nous sommes en passe de réussir ce que je croyais être un pari impossible : réconcilier l'environnement et l'agriculture en Bretagne. Il nous reste maintenant à appliquer scrupuleusement ce plan (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. René Mangin - Le durcissement des confrontations entre l'armée israélienne et les Palestiniens fait craindre le pire. Le Conseil de sécurité a fait part de son inquiétude. Il souligne qu'il n'y a pas de solution militaire et que la seule issue passe par la reprise du dialogue et la négociation. L'Union européenne a réitéré jeudi dernier son soutien à l'Autorité palestinienne et à son Président élu Yasser Arafat. Dimanche, Shimon Peres a évoqué une lueur d'espoir. Notre Président Raymond Forni a pris l'initiative de rassembler ici deux hommes de paix, M. Burg, Président de la Knesset, et M. Ahmed Qurie, Président du Conseil législatif palestinien (Applaudissements sur tous les bancs). Il faut rouvrir des perspectives pour répondre à l'attente des peuples israélien et palestinien. La France vient d'exprimer deux nouvelles idées : l'organisation d'élections anticipées, sur le thème de la paix, et la reconnaissance de l'Etat palestinien. Quel rôle peut jouer la France dans la solution du conflit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Le rôle de la France, vous le connaissez : nous refusons de nous laisser décourager par l'impasse où se trouve le Proche-Orient, par l'aggravation de l'engrenage, et par l'absurdité de la politique de pure répression militaire, qui ne peut pas conduire à une solution, et pas même à la sécurité. Nous saisissons toutes les occasions de débloquer la situation. Nous avons soutenu récemment les idées courageuses de Shimon Peres et d'Abou Ala, qui proposent qu'un Etat palestinien soit reconnu dès le début de tout processus de solution ; d'autre part, puisque les gouvernements américain et israélien mettent en cause la légitimité des interlocuteurs palestiniens, nous suggérons une réponse démocratiquement incontestable, des élections dans les territoires. M. Pierre Lellouche - Très bien ! M. le Ministre - Adopter ces deux propositions signifieraient que l'on est sorti du trou, de la simple répression. Il faut inverser la façon dont le conflit est traité aujourd'hui. J'espère que les deux idées françaises récentes contribueront à ce sursaut (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, sur quelques bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Mme Marie-Jo Zimmermann - 250 000 nouveaux cas de cancer se déclarent chaque année. Un décès sur trois est dû à cette maladie. Près d'un Français sur deux, déclarent les spécialistes, développera un cancer dans les années à venir. Or les moyens de lutte sont insuffisants. En particulier nous manquons d'IRM. La pénurie de cancérologues et de radiologues est d'autant plus préoccupante que les restrictions budgétaires ont pour effet de diminuer leur nombre. L'exemple du cancer vaut pour l'ensemble des problèmes de santé. Aujourd'hui, les médecins et les infirmières sont dans la rue. Demain, ce seront les malades et leurs familles qui vous demanderont des comptes. Quelles mesures précises allez-vous prendre pour leur répondre face à cette terrible maladie qu'est le cancer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Bernard Kouchner est retenu au Sénat par la discussion du projet relatif aux droits des malades, que nous voulons mieux associer aux choix de la politique de santé. Dans la politique de santé adoptée ici même, mais peut-être n'étiez-vous pas là (Vives interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), la lutte contre le cancer figure comme une priorité. Nous avons décidé d'organiser le dépistage systématique du cancer du sein chez toutes les femmes, et cela pour la première fois (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Nous entreprenons le même effort pour les cancers colo-rectaux et pour celui de la prostate. J'ai fait voter ici, dans la loi de financement de la sécurité sociale, 1,5 milliard de francs de crédits pour les traitements innovants, qui obtiennent de très bons résultats. Nous rattrapons le retard d'équipement en scanners et en IRM. Enfin, chacun reconnaît que nulle part en Europe les malades ne sont mieux soignés qu'en France. Si nous avons encore à progresser dans le domaine de la prévention, en matière curative l'OMS classe au premier rang mondial notre système de soins. L'afflux de patients anglais le prouve (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Jean-Yves Caullet - Les chiffres de la natalité et de la nuptialité que vient de publier l'INSEE nous réjouissent. La France est donc un pays où il fait bon concevoir des projets d'avenir. Voilà qui contraste heureusement avec certains discours catastrophistes de la part de ceux qui peinent à construire des projets pour l'avenir qu'ils prétendent offrir aux Français. Voilà un démenti cinglant infligé à toutes les Cassandres qui annonçaient ici la fin du mariage avec l'adoption du Pacs, ou en toute occasion, la fin de la famille. Or l'un et l'autre se portent bien, et j'y vois aussi le résultat d'une politique favorisant le pouvoir d'achat et la réappropriation du temps pour la famille grâce à la RTT (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Quelle est au juste notre situation par rapport à celle de nos voisins ? Quel est à vos yeux le facteur déterminant de cette évolution ? Qu'attendez-vous du congé de paternité, que j'envie avec nostalgie aux pères d'aujourd'hui ? Comment comptez-vous conforter cette évolution favorable en 2002 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées - L'augmentation du nombre des naissances est une excellente nouvelle. Elle témoigne de la grande vitalité de ce pays, de sa confiance en l'avenir et de sa générosité (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Bien sûr, Messieurs, le mérite en revient d'abord aux femmes qui mettent au monde ces enfants, et à leurs conjoints, sans lesquels rien ne serait possible (Sourires). Le Gouvernement accompagne ce désir d'enfant en répondant aux attentes profondes des familles (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Jamais autant de places de crèches n'ont été créées. La diminution du temps de travail permet aux parents de s'occuper davantage de leurs enfants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Jamais on n'a mieux concilié la valeur de l'enfant et la liberté pour les femmes de travailler. M. Pierre Lellouche - Merci, papa Jospin ! Mme la Ministre déléguée - Jamais on n'a autant travaillé à l'égalité parentale en revalorisant le rôle des pères et à l'égalité professionnelle en défendant le droit des femmes à l'égalité salariale. La France est dans une situation exceptionnelle en Europe puisque c'est là que les naissances sont les plus nombreuses et que le taux d'activité des femmes est le plus élevé (Applaudissements sur bancs du groupe socialiste). Voilà un net démenti donné par les Français à ceux qui disaient que le Pacs allait ruiner le mariage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Jamais le nombre de mariages n'a été aussi élevé chez nous. Non, la France n'est pas en déclin. Sa vitalité démographique montre qu'elle aura envie, peut-être, de continuer avec ceux qui accompagnent ce regard optimiste vers l'avenir (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements ironiques sur les bancs du groupe du RPR). M. Pierre Lellouche - Ségolène, encore un bébé ! M. Georges Hage - La situation des libertés et des droits de l'homme en Tunisie est extrêmement préoccupante (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). En témoigne la condamnation extrêmement lourde, le 2 février, de M. Hammami et de trois autres opposants. Le déroulement même du procès constitue à l'évidence un déni de droit caractérisé. Ces militants du parti communiste des ouvriers de Tunisie, auxquels se plaît à rendre hommage le tenant de l'internationalisme prolétarien que je demeure (Mêmes mouvements), ont eu le courage de sortir de la clandestinité pour affronter au grand jour le régime liberticide du Président Ben Ali, dans un procès qu'ils savaient perdu d'avance. Est-il meilleure exemple de vertu citoyenne ? Ben Ali les a condamnés à onze ans d'emprisonnement, à l'issue d'un procès niant les droits les plus élémentaires de la défense, ainsi que l'a souligné Pierre Lyon-Caen, l'un des plus hauts magistrats français. L'interdiction d'exercer faite au juge Yahyaoui confirme, si besoin était, le mépris des règles essentielles de l'état de droit. N'y a-t-il pas lieu, mes chers collègues, de s'interroger sur l'émergence précaire du droit dans les trois pays d'Afrique du Nord hier colonisés, et de contribuer ainsi à la philosophie de l'histoire, dut-elle être autocritique ? Pour l'heure, Monsieur le ministre des affaires étrangères, avez-vous l'intention d'intervenir auprès des autorités tunisiennes pour obtenir la levée des sanctions infligées à M. Hammami, à ses camarades et à M. Yahyaoui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - M. Hammami a été condamné le 2 février au motif d'activités contraires à la loi tunisienne. Je ne porte pas d'appréciation sur ces activités, pas plus que sur le verdict, mais je suis vraiment préoccupé par les informations que j'ai reçues sur la manière dont le procès s'est déroulé. J'ai donné instruction à notre ambassade de continuer à suivre la situation avec attention, comme nous le faisons dans tous les cas de cette nature, quel que soit le pays. J'ai déjà eu l'occasion de dire, y compris aux plus hautes autorités tunisiennes, que la Tunisie, en raison même des remarquables progrès qu'elle a réalisés dans le domaine économique et social, pourrait se permettre, dans son intérêt même, une plus grande ouverture en matière de libertés publiques. C'est ce que nous souhaitons de ce pays ami ; il va de soi que la situation des droits de l'homme fait partie intégrante de notre dialogue politique avec lui (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Alain Vidalies - La situation des majeurs sous tutelle mérite une attention particulière dès lors qu'elle concerne plus de 500 000 personnes et que chaque famille peut être un jour confrontée au problème. Le rapport d'inspection demandé par le Gouvernement a mis en évidence des dysfonctionnements et la nécessité d'assurer la protection de la personne et pas seulement de ses biens, de parvenir à un meilleur équilibre entre la protection médico-sociale et la protection judiciaire, de permettre une révision périodique des mesures, enfin d'harmoniser la formation et le statut des personnes ou des structures chargées de cette mission de service public. Son dépôt a permis au Gouvernement d'engager la concertation indispensable avec les associations qui représentent les intérêts de ceux que notre code civil qualifie d'incapables majeurs, terme qui à lui seul révèle les efforts à entreprendre pour respecter leur dignité et leurs droits. Vous avez, Madame la Garde des Sceaux, annoncé un projet de réforme. Pouvez-vous informer la représentation nationale des mesures envisagées par le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe RCV). Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice - Le nombre de personnes concernées va en effet aller croissant, du fait de l'augmentation de l'espérance de vie. Nous devons faire beaucoup mieux pour les aider à vivre normalement. Qu'il s'agisse d'un jeune majeur ou d'une personne âgée, la première chose à faire est de l'informer du pourquoi de la mesure qui est prise. Le mot « tutelle » lui-même est une atteinte à la liberté individuelle et suscite parfois un sentiment de honte ou de culpabilité ; c'est pourquoi il faut permettre aux personnes d'avoir accès à leur dossier si elles le peuvent, d'être assistées par un mandant ou par un avocat lors de l'audience au tribunal d'instance, mais aussi de demander une révision - car on peut parfois retrouver ses facultés. Il faut aussi leur donner le droit de vote quand c'est possible : ce n'est pas parce qu'une personne n'est pas capable de gérer ses biens qu'elle ne peut plus avoir une appréciation du monde. Notre volonté première est, au-delà de l'assistance aux biens, de reconnaître la personne. Par ailleurs, il faut nous préoccuper de la gestion des associations, qui jusqu'à présent ont souvent vécu avec les intérêts des comptes pivots. Nous considérons qu'il faut un compte bancaire par personne ; dès lors, Mme Guigou propose d'expérimenter en 2002 dans deux régions un financement des associations sur la base d'une programmation pluriannuelle. Il faut aussi former ceux et celles, que je salue, dont la charge est d'entourer ce demi-million de personnes qui deviendront bientôt un million. Il est en effet plus difficile de gérer l'angoisse et le mal-être que de s'occuper de payer les factures. Or, il en va de l'honneur de la République de respecter la dignité et les libertés de chacun (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). M. Thierry Lazaro - Alors que la délinquance ne cesse de s'accroître, les moyens de la police, contrairement à ce que vous prétendez, ne suivent pas. Les policiers ne comptent plus les voitures, motos, fourgonnettes inutilisables ; ils n'ont pas les moyens de les remettre en état, pas même d'effectuer les réparations mineures. Les ordinateurs sont très souvent hors d'usage. Il faut dire que, M. Fabius ayant considéré que la police était surdotée en matière de crédits informatiques, ils ont été réduits pour payer les primes des gendarmes... Allez-vous enfin donner à la police nationale les moyens de remplir ses missions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Les chiffres de la délinquance pour 2001, c'est vrai, ne sont pas bons. Mais ils sont meilleurs pour le second semestre, et j'espère que cette tendance va se confirmer ; en janvier à Paris, la hausse a été de 0 %. Mais ce sujet mérite mieux que l'exploitation électorale (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'insécurité n'est pas une exception française ; nous sommes plutôt en deçà des chiffres de nos voisins. Il nous faut néanmoins faire davantage, et c'est ce que nous faisons. Nous avons considérablement augmenté les crédits alloués à la police nationale et ses effectifs, développé la police de proximité et le partenariat. M. Renaud Muselier - Ca ne marche pas ! M. le Ministre - Si, ça marche ! Et ce n'est pas en critiquant la police nationale et le Gouvernement que vous ferez avancer les choses ! Les crédits informatiques sont exactement conformes aux besoins. Le budget de la police n'a jamais autant augmenté. En 1996, il avait baissé ! Les Français attendent autre chose que l'exploitation électorale de l'insécurité. Ils attendent que tous ensemble, nous luttions contre cette véritable injustice sociale ! M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement. Prochaine séance mardi 12 février à 9 heures. La séance est levée à 16 heures. Le Directeur du service ORDRE DU JOUR A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE 1. Questions orales sans débat. 2. Fixation de l'ordre du jour. A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE 1. Questions au Gouvernement. 2. Discussion, soit du texte élaboré par la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé. 3. Discussion, soit du texte élaboré par la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, de la proposition de loi portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie. A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance. Le Compte rendu analytique Préalablement,
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