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Session ordinaire de 2001-2002 - 62ème jour de séance, 139ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 20 FÉVRIER 2002

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

SOUHAITS DE BIENVENUE
A UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

DISPARITION DU SENS CIVIQUE 2

PÉRENNITÉ DES EMPLOIS-JEUNES 3

SYSTÈME DE SOINS 4

COMMISSIONS DE CONTRÔLE DES FONDS PUBLICS 5

ENTRÉE EN VIGUEUR DE L'ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE 5

SÉCURITÉ SANITAIRE ENVIRONNEMENTALE 6

ACCUEIL DES JEUNES ENFANTS 7

AGENCE DE SÉCURITÉ SANITAIRE
ENVIRONNEMENTALE 8

SUITES DU CYCLONE À LA RÉUNION 8

LUTTE CONTRE L'ABSTENTION 9

LOI SUR LA CHASSE 9

RELATIONS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE
ET LES ÉTATS-UNIS 10

ALLOCUTION DU PRÉSIDENT 11

PETITES ENTREPRISES ET ARTISANAT (suite) 12

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 12

AVANT L'ARTICLE PREMIER 24

La séance est ouverte à quinze heures.

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SOUHAITS DE BIENVENUE A UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par M. Daniel Valtchev, président de la commission de l'intégration européenne de l'Assemblée nationale de la République de Bulgarie (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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DISPARITION DU SENS CIVIQUE

M. Charles Ehrmann - Monsieur le Premier ministre, en cette dernière séance de questions au Gouvernement de la législature, c'est en tant que doyen de l'Assemblée que je m'exprimerai. Elu presque sans discontinuer depuis 1976, j'ai été très heureux de siéger parmi vous pour remplir ma mission de législateur. Je souhaite, par cette dernière question, vous manifester la tristesse qu'inspire à l'ancien professeur agrégé d'histoire et géographie que je suis (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR, du groupe UDF et sur divers bancs) la perte de sens civique de la société française. Nous étions, Monsieur le Premier ministre, vingt-cinq reçus l'année de mon agrégation, en histoire et géographie. L'an dernier, ils étaient trois cents en histoire et quatre-vingt en géographie ! (Mêmes mouvements)

Or je suis choqué par le manque de respect grandissant des jeunes et des familles envers les enseignants et par la montée de la violence. L'école est le lieu de l'apprentissage des connaissances et des valeurs. Ne lui manque qu'une pratique plus assidue du sport. Pourquoi les pouvoirs publics ne luttent-ils pas davantage contre la montée de la violence dans les villes et même les campagnes ? Je pense sincèrement que la démocratie est menacée quand la sécurité quotidienne n'est plus garantie. Ancien adjoint qui a beaucoup _uvré pour le sport à Nice, ancien résistant et orphelin de la guerre de 1914-1918, j'ai été profondément blessé par les sifflements qui ont accueilli la Marseillaise lors d'un match (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et sur quelques bancs du groupe UDF). Je suis triste de voir des gendarmes, défenseurs de l'ordre, dénoncer dans la rue l'insuffisance de leurs moyens (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et d'entendre la grogne monter dans l'armée, dont le budget a constamment régressé (Mêmes mouvements). Mon rôle de doyen est d'appeler les Français à renouer avec le civisme et le patriotisme, pour manifester leur communauté de destin. Mais la dégradation du sens civique, des valeurs et de la sécurité me donnent le sentiment que le Gouvernement n'assure pas pleinement ses responsabilités. Et puisque je suis votre doyen permettez-moi de vous souhaiter à tous d'atteindre quatre-vingt-dix ans dans mon état, en gardant comme moi la passion de la France, de la République et de l'Europe ! (Mmes et MM les députés DL, RPR et UDF se lèvent et applaudissent ; applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - C'est un plaisir, Monsieur le Doyen, que de répondre moi-même à la première question de cette dernière séance de questions d'actualité de cette législature, que vous avez voulu m'adresser directement. Je ne vous répondrai pas comme un collègue, maître de conférences s'adressant respectueusement à un agrégé, mais comme Premier ministre. C'est pour moi l'agréable occasion de vous saluer tous et de vous dire au revoir.

Un député RPR - Adieu ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Premier ministre - Je quitterai en effet cette fonction dans quelques mois. Durant cinq ans, chaque mardi et chaque mercredi, sauf déplacement exceptionnel, j'ai répondu, ici, à vos questions, avec les membres du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe RCV). Mon propos n'est pas de dresser devant vous un bilan politique. Que M. Ehrmann, dont je ne partage pas toutes les vues, soit sûr que je partage en revanche son engagement en faveur de l'esprit de civisme, du respect de nos règles et des valeurs de la République, que le débat qui va s'engager permettra, je l'espère, d'approfondir (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste). A l'occasion des 187 questions d'actualité auxquelles j'ai répondu, vous m'avez parfois, Mesdames et Messieurs de l'opposition, mis en difficulté.

Un député RPR - C'est normal !

M. le Premier ministre - Que je réponde, oui, non que je sois mis en difficulté : vous avez parfois été efficace ! Je me souviens même vous avoir adressé une fois des excuses. Mais je garde aussi en mémoire certaines répliques que je vous ai courtoisement assénées, qui n'étaient pas tout inefficaces (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste). J'ai en tout cas très souvent souhaité répondre à vos questions, témoignant ainsi du respect que je porte, avec le Gouvernement, à l'Assemblée nationale.

Un député RPR - C'est la loi !

M. le Premier ministre - Il y a eu des moments de drame et d'émotion, comme le jour où notre ami Michel Crépeau a été frappé ici. Nous avons su communier dans le deuil et l'indignation après l'assassinat du préfet Erignac. Le reste du temps, le débat et l'échange ont prévalu comme il se doit. Au moment où je vous quitte, je veux remercier la majorité et saluer l'opposition et la représentation nationale tout entière. Je remercie Laurent Fabius qui fut notre premier Président et Raymond Forni qui lui a succédé. Je remercie l'ensemble des personnels de l'Assemblée nationale pour leur assiduité et leur professionnalisme (Applaudissements sur tous les bancs). Chacun avec vos convictions, dans la majorité ou dans l'opposition, vous avez été des acteurs vivants de cette onzième législature. En mon nom personnel, et au nom du Gouvernement, je salue à travers vous et devant tous ceux qui nous écoutent, au-delà de cet hémicycle, le rôle essentiel du Parlement dans la vie démocratique de notre pays. Je souhaite à tous bonne chance (Mmes et MM. les députés socialiste et de nombreux députés RCV se lèvent et applaudissent longuement ; applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Georges Hage - Bla-bla-bla.

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PÉRENNITÉ DES EMPLOIS-JEUNES

M. Yves Rome - Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, les Français constatent depuis cinq ans les effets positifs de l'ambitieux dispositif des emplois-jeunes, mis en _uvre avec détermination, dès le début de la législature pour rompre avec l'ère des reniements. Je me réjouis aujourd'hui que les élus locaux et nationaux, y compris des plus sceptiques, aient mobilisé toutes les énergies en faveur de ce projet d'envergure. Chacun en mesure les bénéfices et personne n'entend renoncer à ce qui demeure, avec les 35 heures, l'emblème des engagements pris par le gouvernement de Lionel Jospin pour lutter contre le chômage.

Un député RPR - Vous plaisantez !

M. Yves Rome - Grâce à ce programme, près de 350 000 jeunes sont entrés dans la vie active dans les collectivités territoriales, les établissements publics, les associations, l'Education nationale, la police ou la justice. Cinq ans après, la plupart de ces emplois qui répondent à des besoins nouveaux seront consolidés. Pour préserver cette mesure-phare, vous venez de proposer un plan. Pouvez-vous nous faire part de ses premiers résultats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - En 1997, ici même, le Premier ministre a pris l'engagement de rendre l'espoir aux jeunes en s'attaquant résolument au chômage, et c'est ce que le Gouvernement a fait. C'est ainsi que sur les 600 000 jeunes qui étaient au chômage en 1997, 208 000 ont retrouvé un emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). C'est une volonté politique traduite en actes que reflètent ces deux nombres. De fait, ce programme emplois-jeunes était sans précédent de par son ambition, sa durée et les moyens dégagés pour le mener à bien. Un tremplin était installé, qui permettait aux jeunes gens concernés de trouver, ensuite, un autre emploi, et c'est ce qui s'est passé, déjà, pour 20 à 30 % d'entre eux : ils ont trouvé un autre emploi grâce à l'expérience ainsi acquise. Nous avons, d'autre part, institué un troisième concours d'accès à la fonction publique d'Etat et à la fonction publique territoriale, en rendant possible la validation des acquis professionnels. Nous avons, enfin, décidé un plan de consolidation, qui permette de continuer à aider les collectivités locales qui n'en ont pas les moyens, les associations et les administrations à recruter des emplois-jeunes.

C'est bien le signe que la volonté politique peut changer la vie quotidienne et que la politique ne se traduit pas seulement par des discours. C'est aussi la preuve que l'on peut tenir les engagements politiques que l'on a souscrits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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SYSTÈME DE SOINS

M. Bernard Accoyer - Notre système de soins est constitué en trois secteurs : les soins ambulatoires, l'hospitalisation et l'assurance maladie. Tous trois connaissent une crise majeure.

Dans le secteur privé libéral, les mouvements de grève se multiplient depuis des mois, et ne cessent pas - celui des médecins généralistes est emblématique. L'hôpital subit de plein fouet les conséquences de plusieurs années de sous-investissement, et la RTT, inapplicable, a rendu inextricable une situation qui était déjà difficile. Quant à l'assurance maladie, elle connaît, en dépit de vos dénégations, Madame la ministre des affaires sociales, un déficit cumulé de 65 milliards de francs depuis 1997 - sans même parler du financement des 35 heures. Enfin, l'ONDAM fixé pour 2001 a été dépassé de 75 % !

Certes, c'est chose malaisée de sauvegarder notre système de protection sociale. Cependant, n'estimez-vous pas dommageable d'avoir laissé dépérir le paritarisme et le dialogue social ? N'estimez-vous pas dommageable d'avoir imposé une charge insupportable à l'assurance maladie en lui faisant financer le passage aux 35 heures ? A quelques heures de la fin d'une législative qui vous a vus au pouvoir depuis 5 ans, allez-vous continuer d'affirmer que le système de soins va pour le mieux, et que tous les problèmes qui continuent de se poser sont dus aux deux gouvernements précédents ? Ne serait-il pas temps, plutôt, d'assumer la responsabilité de l'état d'abandon dans lequel vous laissez le système de soins, garant de la santé de tous les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Entre 1993 et 1997 (Huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), le déficit cumulé de l'assurance maladie s'est élevé à plus de 200 milliards de francs. Aujourd'hui, la sécurité sociale connaît des comptes excédentaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), et s'il est vrai que l'assurance maladie est déficitaire, ce déficit est quatre fois moindre de ce qu'il était en 1996 (Mêmes mouvements). C'est dire que, depuis 5 ans, le Gouvernement a su à la fois rétablir les comptes de la sécurité sociale, au point, même, qu'ils sont désormais en excédent, financer ces très grandes mesures que sont la CMU et l'APA (Mêmes mouvements), remettre à flot les hôpitaux, revaloriser la rémunération de tous les agents de la fonction publique hospitalière, celle des infirmières des cliniques privées et celle des médecins.

Il faut continuer dans cette voie et, pour cela, les comptes de la sécurité sociale doivent continuer d'être excédentaires. Car si la sécurité sociale était, selon les termes du candidat Chirac, « en cessation de paiement », comme elle l'était en 1996, il faudrait, comme en 1996, plafonner les dépenses de santé et, comme en 1996, imposer des sanctions financières aux médecins. C'est bien pourquoi je dis, particulièrement aux professionnels de santé qui souhaitent la revalorisation de leur rémunération : « faites-nous confiance ! Car nous, nous saurons maintenir l'excédent de la sécurité sociale ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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COMMISSIONS DE CONTRÔLE DES FONDS PUBLICS

M. Daniel Paul - La Commission nationale de contrôle des fonds publics, créée après l'adoption de la proposition de Robert Hue, a tenu sa première réunion. Il reste à installer au plus vite les commissions régionales. Tout confirme en effet le bien-fondé de ce texte, et la nécessité de débroussailler le maquis des aides et de déterminer leur efficacité. On apprend en effet que les dirigeants des grands groupes se sont octroyés une augmentation moyenne de 36 % de leurs rémunérations. S'ils ont pu le faire, c'est sans aucun doute parce que leurs employés travaillent bien, et aussi parce qu'ils n'hésitent pas à licencier pour accroître la rentabilité financière de leurs entreprises, mais aussi parce qu'ils ont bénéficié d'aides publiques considérables. Dans ces conditions, on peut s'interroger sur la légitimité de la suppression, sans condition, de la surtaxe Juppé, et de la distribution, par les pouvoirs publics, de quelque 45 milliards d'euros considérés comme devant inciter à embaucher... avec les résultats que l'on sait !

D'évidence, il faut revoir l'assiette de la taxation des entreprises : taxer enfin leurs actifs, ce serait privilégier l'emploi et non le profit maximal de l'actionnaire, ou l'augmentation, choquante, des rémunérations des dirigeants.

Etes-vous prêt, Monsieur le ministre de l'économie, à engager ce chantier, en vue d'une plus grande justice sociale et d'une plus grande efficacité économique ? Et ne considérez-vous pas, comme moi, que les commissions régionales de contrôle des fonds publics, dont l'installation connaît des lenteurs inexplicables, devraient être constituées assez vite pour pouvoir se réunir au moins une fois avant les élections ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - S'agissant de la fiscalité des entreprises, nous avons cherché à favoriser l'efficacité tout en renforçant la justice sociale. Cette politique s'est traduite par la suppression de la surtaxe Juppé ou par la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, mais aussi par la taxation des dividendes des sociétés-mères ou par l'institution d'une contribution sur les bénéfices destinée à financer l'allégement des charges sur les bas salaires.

S'agissant du contrôle des fonds publics, vous savez que j'ai présidé, le 31 janvier, l'installation de la Commission nationale voulue par Robert Hue. Il y a 15 jours, le commissariat général du Plan a réuni les secrétaires généraux des commissions régionales, et je suis favorable à ce que ces instances puissent se réunir avant la fin de la législature. Elles contribueront sans aucun doute à notre effort en faveur de la croissance, de l'emploi et de la solidarité. Je saisis l'occasion que vous m'offrez pour vous remercier de votre concours (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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ENTRÉE EN VIGUEUR DE L'ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE

M. Dominique Paillé - L'entrée en vigueur de l'allocation personnalisée d'autonomie s'est traduite pour les anciens bénéficiaires de la PSD en établissement de soins par un accroissement de charges variant de 250 à 400 euros selon le degré de dépendance. La loi prévoit pourtant que les bénéficiaires de la nouvelle allocation n'auront pas à supporter d'éventuelles augmentations dues à la modification de la tarification.

Une récente circulaire fait état de votre intention d'assurer une compensation, mais la procédure envisagée reste très imprécise. Pour le seul département des Deux-Sèvres - je parle ici sous le contrôle de notre collègue Jean-Marie Morisset, président du conseil général - plus de neuf cents personnes sont concernées et 2,6 millions d'euros sont en jeu. Qui les financera ? Comment pouvons-nous rassurer les familles quant au respect des engagements que vous avez pris ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Permettez-moi tout d'abord de souligner combien l'APA est attendue des personnes âgées et de leur famille. Tous les conseils généraux reçoivent en moyenne plus de cent dossiers par jour (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

En 1995, vous aviez promis la mise en place d'une grande allocation dépendance. On a vu ce qu'il en était avec la prestation spécifique dépendance qui a marqué un recul pour la majorité des personnes âgées. Pour notre part, non seulement nous avons institué l'allocation personnalisée d'autonomie mais nous avons engagé une véritable politique en faveur des personnes âgées. Des promesses non tenues d'un côté, des actes de l'autre. Voilà bien la différence entre nous et vous !

J'en viens à votre question qui concerne d'ailleurs non l'APA, mais la réforme de la tarification. Comme la loi l'a prévu, aucune personne âgée ne doit voir ses droits remis en question ou diminués. C'est pourquoi Elisabeth Guigou et moi avons adressé un courrier à l'ensemble des conseils généraux indiquant que l'Etat mettrait en _uvre une procédure spécifique de compensation pour les établissements.

Au-delà, je souhaite vous dire ma fierté d'appartenir à un gouvernement qui, pour la première fois, sous la responsabilité de Lionel Jospin et d'Elisabeth Guigou, conduit une politique globale en faveur des personnes âgées : APA, financement de services de gériatrie dans les hôpitaux, de places d'accueil de jour et d'accueil temporaire pour les malades atteints de la maladie d'Alzheimer... Aucun gouvernement n'a jamais fait autant en ce domaine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe RCV).

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SÉCURITÉ SANITAIRE ENVIRONNEMENTALE

M. André Aschieri - Le 24 avril dernier, suite à une proposition de loi des Verts, était créée, à la quasi-unanimité, l'Agence de sécurité sanitaire environnementale. Ce texte, qui faisait suite à une mission parlementaire confiée par le Premier ministre à Mme Grzegrzulka et moi-même, a été largement enrichi des propositions du groupe d'études Santé et environnement, composé de trois députés de la majorité et de trois députés de l'opposition : Michèle Rivasi, Jean-Pierre Brard, Pierre Lellouche, Jean-François Mattei, François Loos et moi-même.

La nouvelle Agence a pour mission de déterminer les mesures de précaution et de prévention à prendre pour éviter que l'environnement nuise à la santé. Utilisation de produits toxiques comme les éthers de glycol en milieu professionnel, dioxine et pesticides dont des traces sont retrouvées dans l'alimentation, pollution atmosphérique à l'origine de bronchiolites et d'asthme, pollution maritime, effets des ondes électromagnétiques et des rayonnements ionisants, autant de dossiers sur lesquels elle aura à travailler dès sa mise en place. Après la catastrophe d'AZF, elle devra aussi aborder la question des risques industriels et technologiques.

Où en sont donc les décrets d'application de la loi instituant cette Agence ? Où en est la mise en place de l'institut de radio-protection et de sûreté nucléaire, lequel devait garantir une plus grande transparence et une plus grande indépendance dans le domaine du nucléaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Nos concitoyens sont en effet de plus en plus préoccupés des conséquences sanitaires de la dégradation de l'environnement et des pollutions de toutes sortes. Dès 1997, le Gouvernement s'est attaché à mettre en place un dispositif complet de sécurité sanitaire avec la création de plusieurs agences, l'Agence de veille sanitaire, l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence de sécurité sanitaire des aliments et, enfin, dernière-née, l'Agence de sécurité sanitaire environnementale. Celle-ci est en train d'être mise en place, dotée dès 2002 d'un budget de six millions d'euros, prélevés pour moitié sur le budget de la Santé, pour moitié sur celui de l'Environnement. Elle aura, comme vous l'avez rappelé, pour mission de déterminer les mesures de prévention, de précaution et de protection nécessaires. Tous les thèmes que vous avez évoqués figureront bien sûr à l'ordre du jour de ses travaux. Le décret d'application de la loi instituant l'Agence est en cours de signature, si bien que celle-ci pourra commencer ses travaux très prochainement, sans doute dès mars. Son siège sera situé à Saint-Maurice dans le Val-de-Marne, son président sera M. Lionel Brard et sa directrice générale Mme Michèle Védrine (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

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ACCUEIL DES JEUNES ENFANTS

Mme Marie-Françoise Clergeau - Depuis cinq ans, le Gouvernement et sa majorité ont souhaité donner une impulsion nouvelle à la politique familiale en mettant l'accent sur la solidarité, la parité, la conciliation de la vie familiale et professionnelle ainsi qu'en tenant compte de la diversité des familles. Nous avons amélioré les prestations familiales, accompagné les familles en difficulté, favorisé la socialisation et l'épanouissement des enfants et des adolescents. Afin que chacun puisse au mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, l'objectif a été d'offrir des solutions ne pénalisant pas les parents d'enfants en bas âge et de respecter la liberté des familles dans le choix d'un mode de garde. L'accueil des jeunes enfants est à cet égard déterminant. Un vaste plan de soutien à l'investissement public en faveur des crèches et des haltes-garderies a été adopté l'an passé, comportant un fonds exceptionnel d'investissement de 230 millions d'euros. L'intégralité de ces crédits a été engagée en quelques mois dans 1 600 projets qui, à terme, permettront d'accueillir 40 000 enfants supplémentaires. Ce fonds devait être doublé mais celui-ci a été bloqué suite à une décision du Conseil constitutionnel, saisi par les députés de l'opposition. Cette décision inquiète les familles comme les responsables de collectivités locales, toutes tendances politiques confondues, qui craignent de devoir abandonner les projets engagés.

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - La question !

Mme Marie-Françoise Clergeau - Quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour concrétiser ses engagements ? L'ensemble des familles de notre pays en serait rassuré (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées - Je reçois en effet de nombreux courriers de parlementaires, y compris de droite, qui, d'un côté, déposent un recours devant le Conseil constitutionnel aboutissant à l'annulation du fonds d'investissement pour la petite enfance et qui, d'un autre côté, m'écrivent pour demander le déblocage des subventions dans leur département. Vérité au Parlement, autre vérité dans les circonscriptions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Je suis heureuse de pouvoir vous annoncer que le Gouvernement a trouvé une solution pour rétablir, malgré l'obstruction de la droite, ce fonds d'investissement par le biais d'une convention qui sera signée avec la CNAF. Quarante mille nouvelles places de crèches seront donc bien ouvertes.

La brièveté du temps qui m'est imparti ne me permet malheureusement pas de dresser devant vous le bilan de la politique familiale de ce gouvernement. Je me contenterai de vous rappeler que l'Assemblée nationale adoptera demain en lecture définitive la réforme de l'autorité parentale, laquelle consacre la liberté des couples de choisir le mode de vie conjugale qui leur convient, mais aussi le droit fondamental de l'enfant à vivre en paix, à l'écart des conflits familiaux, et à être élevé par son père et par sa mère. De la famille, valeur que l'on disait de droite et en recul, nous aurons fait une valeur universelle et bien vivante car rien n'est plus important en effet que de réussir l'éducation de ses enfants. Comme l'écrivait si justement Albert Camus, « la vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe RCV).

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AGENCE DE SÉCURITÉ SANITAIRE ENVIRONNEMENTALE

M. Jean Bardet - Avant d'en venir à ma question qui s'adresse au ministre de l'environnement, je ferai observer à la ministre de l'emploi et de la solidarité que M. Accoyer lui a posé une question concernant la santé des Français et qu'elle lui a répondu budget. Je ne manquerai pas d'en faire part à l'ensemble des acteurs intéressés (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; huées sur les bancs du groupe socialiste) .

Ma question, comme celle de M. Aschieri, concerne l'Agence de sécurité sanitaire environnementale car je ne partage ni son angélisme ni l'optimisme de M. Cochet. Voilà dix mois que cette Agence a été créée mais rien n'a avancé. Les décrets d'application de la loi, nous dit le ministre, devraient être publiés en mars mais chacun sait qu'un délai extrêmement long peut s'écouler entre ceux-ci et la mise en place effective d'un organisme ! Pollution de l'air, de l'eau, des sols, produits chimiques toxiques, effets nocifs des ondes électromagnétiques, autant de dossiers pourtant urgents.

Alors, Monsieur le ministre, où en sommes-nous réellement aujourd'hui ? Au-delà des effets d'annonce, quels moyens seront donnés à cette Agence qui, pour le moment, n'est qu'une coquille vide ?

M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Nos concitoyens sont effectivement très préoccupés par les problèmes que vous évoquez.

Dès 1997, le Gouvernement a décidé de renforcer la sécurité sanitaire en créant les trois agences dont j'ai parlé, la dernière se consacrant aux relations entre la santé et l'environnement. En tant que cardiologue, vous savez que certaines maladies sont probablement d'origine environnementale. Quels sont les effets sur la santé des milliers de molécules chimiques inventées par les industriels ? Ce sera un des premiers dossiers que cette Agence examinera. Elle est dotée de 6 millions d'euros en 2002, ce qui permettra le recrutement d'une trentaine d'agents. C'est une agence d'objectifs, c'est-à-dire qu'elle confiera des missions aux organismes existants. Elle sera créée dans quelques jours et j'espère que vous pourrez vous en féliciter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SUITES DU CYCLONE À LA RÉUNION

M. Michel Tamaya - Monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, le cyclone Dina qui a frappé l'île de La Réunion les 22 et 23 janvier derniers, a provoqué d'immenses dégâts. Immédiatement, le Premier ministre nous a fait part de son émotion et a mis en place un fonds d'urgence sociale. Vous-même êtes venu sur place, 48 heures après le cyclone, exprimer votre soutien actif et dresser un premier bilan. Vous avez annoncé un effort de reconstruction de très grande ampleur. Il y a dix jours, M. Glavany, ministre de l'agriculture, est venu, à son tour, annoncer d'importantes mesures en faveur des agriculteurs sinistrés. Cette réaction forte et rapide du Gouvernement est sans précédent et je tiens à vous en remercier.

Mais aujourd'hui des mesures complémentaires s'avèrent indispensables, en direction des communes notamment. C'est pourquoi je vous demande de réaffirmer l'engagement de la nation et de nous préciser quelles mesures le Gouvernement compte mettre en place pour que La Réunion puisse se relever de cette catastrophe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Je souhaite d'abord vous dire, comme lors de mon récent passage à La Réunion, la solidarité du Gouvernement et de tous les Français à l'égard des Réunionnais, durement touchés par ce cyclone.

Dès le lendemain de la catastrophe, le Premier ministre s'est engagé et tous les services de l'Etat ont été mobilisés. Des unités de sécurité civile et des agents d'EDF ont été envoyés sur place. Des fonds d'extrême urgence ont été délégués au préfet pour venir en aide aux personnes brutalement privées de ressources.

Le temps est venu, maintenant, de reconstruire. Le 4 février, un premier arrêté a reconnu l'état de catastrophe naturelle pour 15 communes ; nous souhaitons que cette reconnaissance soit étendue à d'autres. Le 7 février, le comité interministériel de fonds de secours a décidé d'attribuer 13 millions d'euros au secteur agricole. En outre, 15 millions d'euros viennent d'être dégagés pour les collectivités locales et 4 millions d'euros pour les particuliers en situation de précarité.

Ce sont donc 32 millions d'euros qui ont été réunis en un mois. Aucune situation personnelle ou familiale grave ne sera laissée sans réponse. L'Etat reste mobilisé pour apporter à La Réunion toute l'aide nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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LUTTE CONTRE L'ABSTENTION

M. Serge Poignant - Monsieur le ministre de l'intérieur, depuis plusieurs décennies, le centre d'information civique organisait, dans les trois mois précédant les élections, une grande campagne d'incitation au vote. Aujourd'hui rien n'est fait. Hier, dans une réponse particulièrement nébuleuse et gênée, Mme la secrétaire d'Etat au budget nous a confirmé la disparition de cet organisme, ajoutant qu'il était trop tôt pour parler de la structure qui le remplacerait.

A 60 jours des élections présidentielles, avez-vous prévu une campagne d'incitation au vote ? Quand, par qui et sur quels médias sera-t-elle réalisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - Depuis la loi du 10 novembre 1997, les jeunes Français atteignant leur majorité sont inscrits d'office sur les listes électorales, c'est une innovation importante (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR).

Il n'est pas du ressort du ministre de l'intérieur d'organiser des campagnes, c'est la tâche d'un service prévu à cet effet. Pour le moment, le centre d'information civique n'est pas remplacé car la fondation annoncée par Mme Parly n'est pas encore mise sur pied.

Bien évidemment tout sera fait pour lutter contre l'abstentionnisme. Pour inciter nos concitoyens à aller voter, je vous appelle tous à mener un débat digne (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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LOI SUR LA CHASSE

M. Maxime Gremetz - Si le groupe communiste a décidé d'interroger le Premier ministre sur la chasse, c'est parce qu'il s'agit d'une grande question, touchant à un droit républicain, à la régulation des espèces et à la protection de la nature, qu'il s'agit de concilier.

Après le vote de la loi sur la chasse par le seul groupe socialiste, vous affirmiez que les décrets d'application permettraient d'aller vers une chasse « apaisée ». Il n'en est rien. Les contentieux se sont multipliés, le droit de chasse est de plus en plus amputé. En guise de dialogue avec la Commission européenne pour parvenir à un dialogue acceptable, M. Lamy, représentant le gouvernement français, fait un plaidoyer contre la législation française et les possibilités de dérogation ! C'est le monde à l'envers !

Monsieur le Premier ministre, nous vous avons interpellé à plusieurs reprises, mais nous n'avons reçu qu'hier un accusé de réception.

Nous partageons la colère des chasseurs devant les arrêtés publics, les plus restrictifs que nous ayons connus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR) Une fois de plus, nous n'avons pas été entendus et en fait de chasse apaisée, on constate une politisation accélérée de cette question (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR).

Ne pensez-vous pas qu'il faille retravailler, sur la base des études scientifiques les plus récentes, à une nouvelle loi sur la chasse, en dialogue avec la Commission européenne ? L'importance de la chasse ne mériterait-elle pas qu'un secrétariat d'Etat lui soit consacré ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe du RPR).

M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - C'est à l'honneur de ce gouvernement que d'avoir mis notre législation en conformité avec la directive européenne de 1979 par la loi sur la chasse de juillet 2000. Ce fut le premier pas.

Second pas, après une très large concertation (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) avec les élus, les chasseurs, les protecteurs de la nature, la Commission européenne, et anticipant l'annulation par le Conseil d'Etat du décret du 1er août 2000, nous avons décidé de rédiger de nouveaux décrets et arrêtés sur les dates de chasse et les espèces visées. La période de chasse a été fixée du 1er septembre au 31 janvier, sauf pour le pigeon ramier et la bécasse. La fermeture de la chasse s'est d'ailleurs bien passée.

Mais la question est évolutive et nous sommes prêts à reprendre le dialogue, sur des bases scientifiques et juridiques sûres, avec toutes les parties.

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RELATIONS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LES ÉTATS-UNIS

Mme Monique Collange - Monsieur le ministre des affaires étrangères, les réflexions et analyses européennes, parfois critiques - notamment les vôtres - suscitées par le discours du Président Bush sur « l'axe du mal », très mal perçu partout en Europe, ont provoqué de vives réactions des responsables américains.

Pouvez-vous nous donner le sentiment du Gouvernement sur ce point ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Les liens historiques que nous entretenons avec les Etats-Unis et l'amitié que nous portons au peuple américain nous poussent à rechercher des relations de coopération et de partenariat. Ce n'est que lorsque cela s'avère impossible que nous marquons notre désaccord et que nous nous résolvons à agir sans eux, si possible avec nos partenaires européens.

Depuis 1997, le Gouvernement a fait preuve à maintes reprises, notamment à propos des Balkans et du Proche-Orient, de cet état d'esprit constructif. Mais depuis un an, les Etats-Unis ont pris en matière internationale des décisions que nous avons regrettées, concernant par exemple le protocole de Kyoto, le traité sur les mines antipersonnel, le refus de ratifier le texte sur la Cour pénale internationale ou le retrait du traité ABM. Nous avons contesté ces décisions, qui ne correspondent pas à notre conception du monde, mais en gardant le sens de la mesure.

Depuis le 11 septembre, nous n'avons pas marchandé notre soutien à un peuple terriblement éprouvé. Nous avons été parmi les premiers à juger légitime la réaction américaine contre Al-Qaïda. La lutte contre le terrorisme est une impérieuse nécessité et doit être poursuivie avec énergie. Mais peut-on y ramener tous les problèmes du monde ? (« Non ! » sur plusieurs les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) La lutte contre le terrorisme ne doit-elle être menée que par des moyens militaires ? (Mêmes mouvements) Ignorer ses causes et racines profondes serait trop simpliste (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe RCV). Cela serait dangereux et inefficace.

Plusieurs autres responsables européens s'en sont inquiétés, ce qui a étonné les Américains. Mais, comme l'a dit Joschka Fischer, les alliés ne sont pas des satellites ! Et, comme l'a demandé José Maria Aznar, un débat doit se tenir sur la forme que doit prendre la lutte contre le terrorisme et contre la prolifération des armes de destruction massive. La coalition contre le terrorisme doit s'accompagner d'une coalition pour un monde équitable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV, sur plusieurs bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Ce débat, nous avons l'intention d'y participer pleinement. La puissance des Etats-Unis leur confère une responsabilité non moins exceptionnelle. Nous souhaitons qu'ils acceptent ce débat légitime et qu'ils s'engagent dans une approche multilatérale des grands problèmes du monde : le terrorisme, certes, mais aussi la pauvreté, les injustices, les tragédies régionales et la gouvernance du monde. Pour notre part, c'est cette conception de la mondialisation que nous continuerons à promouvoir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, sur de nombreux bancs du groupe RCV, sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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ALLOCUTION DU PRÉSIDENT

M. le Président - En raison de deux grands rendez-vous démocratiques, l'Assemblée nationale suspendra ses travaux demain. La session de la onzième législature n'est pas pour autant close et, jusqu'au 18 juin, des raisons graves et exceptionnelles peuvent nous conduire à siéger. Permettez-moi néanmoins de saluer dès maintenant le remarquable travail que l'Assemblée a accompli au long de cette mandature.

Nous avons ici conçu, proposé et discuté de grandes lois de la République. Nous sommes restés fidèles aux valeurs chères à nos concitoyens, dans le plus grand respect du débat démocratique. Nous avons cherché à bâtir une société plus juste, plus solidaire et plus fraternelle avec, comme seule perspective, l'intérêt de la France. Je rends hommage, sans en distinguer aucun, aux députés qui ont tous apporté leur contribution à cette noble tâche, chacun, à sa place, défendant ses convictions.

Paradoxalement, je me félicite de la vivacité de nos débats, qui témoigne de la vitalité de notre démocratie. Je garde en mémoire, comme chacun d'entre vous, que nous votons au terme de nos discussions les lois de la République une et indivisible (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

Le Parlement est devenu, au cours de cette législature, le c_ur de la vie démocratique de notre pays.

Un député RPR - Ce n'est pas nouveau !

M. le Président - Ses pouvoirs furent, me semble-t-il, mieux reconnus et ses droits mieux respectés. Le Parlement a occupé toute sa place ; c'est le fruit à la fois de votre travail et de la volonté du Gouvernement.

Je tiens en particulier à remercier les deux ministres des relations avec le Parlement qui se sont succédé, Daniel Vaillant et Jean-Jack Queyranne, pour l'attention qu'ils nous ont portée et l'efficacité dont ils ont fait preuve. Je veux évidemment aussi saluer le travail exemplaire des fonctionnaires de l'Assemblée nationale (Applaudissements sur tous les bancs). Je salue enfin avec une certaine émotion, et en le remerciant chaleureusement, le Premier ministre pour le respect constant qu'il a manifesté à l'égard de la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe RCV).

Ensemble, nous avons exercé pendant cinq ans cette importante responsabilité de voter les lois de la République. Je suis convaincu qu'ensemble, nous avons fait progresser la démocratie. Je vous en remercie et je souhaite à mon tour bonne chance à chacun (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe RCV).

La séance, suspendue à 16 h 05, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Ollier.

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

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PETITES ENTREPRISES ET ARTISANAT (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat.

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MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Jean-Paul Charié - Depuis 1981, les socialistes ont gouverné la France pendant seize années, sur les vingt-deux qui nous séparent de cette date.

M. Jean-Louis Dumont - Et ça va continuer !

M. Jean-Paul Charié - Cela devrait leur permettre d'afficher un bilan dont ils puissent être fiers vis-à-vis des petites entreprises. Or, pendant toutes ces années, les socialistes leur ont peu prêté attention ; elles n'ont jamais été pour eux une priorité.

Loi de finances après loi de finances, loi après loi - sur les 35 heures, sur les licenciements, sur la « modernisation sociale » -, ils ont refusé de tenir compte de leurs spécificités. Ils ont constamment agi comme si leur existence était négligeable pour la grandeur et le rayonnement de notre nation.

Il y a quelques semaines, vous avez refusé, Messieurs les socialistes, de tenir compte de l'évolution des charges salariales des chambres de métiers. Vous leur avez refusé le droit de mettre à niveau leurs ressources, alors qu'une chambre sur deux a des difficultés de trésorerie. Pour 2002, vous leur accordez royalement 17,53 millions d'euros, pour servir 800 000 artisans, soit 21,34 euros par artisan. A comparer aux centaines de milliers accordés pour l'implantation de Toyota ou du parc Disney.

Dans le même temps, par les taxes sur les salaires, vous reprenez aux mêmes chambres 18,29 millions d'euros. Les chambres de métiers paient donc plus à l'Etat que celui-ci ne leur donne. Si ce n'est pas scandaleux, si ce n'est pas du mépris, qu'est-ce ?

Vous avez l'an dernier prélevé 649 000 € sur l'ORGANIC et autant sur le FISAC, deux fonds créés pour aider les commerçants et les artisans. N'est-ce pas du vol ?

Vous avez refusé d'accorder aux artisans et commerçants le crédit d'impôt qui aurait marqué la reconnaissance du pays pour le merveilleux travail effectué à l'occasion du passage à l'euro.

Des milliards sont régulièrement accordés pour telle ou telle catégorie de travailleurs mais les artisans et les commerçants doivent se contenter de bonnes paroles, de promesses et d'aumônes données d'une main, reprises de l'autre.

Eu égard aux valeurs économiques, sociales, humaines et politiques de l'artisanat ainsi qu'au véritable service public qu'il rend sur l'ensemble du territoire, le comportement de l'Etat est inadmissible, indigne et méprisant. Vous allez prétendre que c'est faux et rappeler les quelques petites mesures prises pour cacher la misère. Mais les faits et - les chiffres - sont là. En seize ans, vous n'avez mené aucune vraie politique en faveur des petites entreprises alors que je n'ai cessé de vous rendre sensibles à leurs préoccupations. Durant seize ans, vous avez rejeté les grandes mesures fiscales et sociales que je réclamais pour elles.

M. Claude Gaillard - C'est vrai.

M. Jean-Paul Charié - Ces mesures, loin de constituer un privilège, n'auraient été que justice. Reprenons l'exemple cité hier par au moins trois des membres de votre majorité : le taux des cotisations sociales et des impôts des travailleurs indépendants est le même que celui des autres travailleurs mais, à la différence de ces derniers, ils cotisent sur l'ensemble de leurs marges d'exploitation : ils payent donc beaucoup plus que les autres. N'est-ce pas une injustice ? Si votre projet de loi comportait ne serait-ce qu'une seule mesure propre à corriger cette injustice, plus de la moitié des problèmes de fond du commerce, de l'artisanat et des petites entreprises seraient réglés et des pans entiers de notre économie retrouveraient confiance et enthousiasme. Mais on cherche en vain une telle mesure. Au-delà des mots, vous n'avez toujours pas l'intention de régler le problème : ce n'est pas dans votre culture.

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation - C'est faux !

M. Jean-Paul Charié - Il y a vingt-cinq ans, le PIB par habitant de la France était deux fois et demie supérieur à celui de l'Espagne, trois fois supérieur à celui du Portugal et deux fois supérieur à celui du Japon. Ces trois pays sont aujourd'hui en train de nous dépasser. En dix ans, les créations d'entreprise sont passées de 206 000 à 170 000 par an. 60 000 entreprises viables demeurent chaque année sans successeur. Le coût de la main-d'_uvre est trop élevé. Nous connaissons tous des entreprises compétentes qui ferment parce qu'elles produisent les mêmes pièces qu'ailleurs à un coût trois fois supérieur. Nonobstant votre satisfaction, en septembre 2001, le taux de chômage de la France restait supérieur à la moyenne européenne, en particulier s'agissant des jeunes de moins de vingt-cinq ans.

M. le Secrétaire d'Etat - Il a diminué de moitié.

M. Jean-Paul Charié - Notre territoire n'est plus attrayant. Tandis que les investissements français à l'étranger excèdent 15 milliards de dollars, les investissements étrangers en France stagnent à moins de 50 milliards de dollars, contre plus de 150 milliards en Allemagne. La France est en déclin. A qui la faute ? A l'incompétence des entreprises ? Non, le monde entier reconnaît le savoir-faire des salariés français.

A la démobilisation des petites entreprises ? Non ! Quand les entreprises de plus de 200 salariés ont perdu 800 000 postes de travail, celles de moins de 20 en ont créé 1,2 million. Les 22 000 entreprises artisanales du département du Nord ont créé chaque année depuis cinq ans deux fois plus d'emplois que l'usine Toyota.

M. le Secrétaire d'Etat - Enfin une vérité !

M. Jean-Paul Charié - En leur octroyant les mêmes aides qu'à Toyota, vous auriez manifesté votre volonté de les aider.

Ce déclin est-il dû à un manque de volonté des Français ? Non, près de 14 millions d'entre eux aspirent à créer leur entreprise. Ce déclin est bien imputable à votre politique étatiste ! 70 % de la richesse est prélevée par la sphère publique. Les prélèvements obligatoires sont passés de 27 % à près de 50 % du PIB entre 1973 et 2001. La France est championne du monde ! Trop de taxes, de charges, de lois, d'administration et de suspicion... La France va mal, et le mal-être grandit. Pour 8 500 morts par an sur les routes,...

M. Didier Chouat, rapporteur pour avis de la commission des finances - Le chiffre a diminué.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est la faute au Gouvernement !

M. Jean-Paul Charié - ...combien de suicides ? De 13 000 à 16 000, et 140 000 tentatives ! 30 % des salariés sont touchés par le mal-être. Par référence à des études américaines, les états de mal-être en France représentent une perte de 30 % de la production, de 72 millions de journées et de 216 milliards de francs pour les entreprises et les URSSAF.

Il est urgent de traiter ce problème.

Le comportement inhumain des clients à l'égard des fournisseurs, des donneurs d'ordre à l'égard des sous-traitants, les pratiques dignes du terrorisme économique - « tu payes ou je te vire » - avilissent les entreprises et leurs salariés. Que faites-vous pour condamner ces pressions et faire respecter le droit de la concurrence et celui que nous avons voté ?

L'image du salarié matricule et de l'employeur exploiteur donnée par les rares entreprises qui licencient quand il y a trop de travail, et traitent les hommes comme des masses salariales démoralise.

Le RPR que je suis reconnaît qu'il faut combattre sévèrement les comportements inhumains de l'économie mondiale et dénoncer ce qui avilit l'homme au profit de l'argent. Mais ce n'est pas l'entreprise qui est inhumaine, c'est l'économie mondiale. Que faites-vous pour dénoncer cet amalgame entre l'entreprise et l'économie mondiale ? Il est grave de laisser croire comme vous le faites que toutes les entreprises se comportent comme certaines multinationales.

Cette liste noire ne serait pas complète sans l'administration et ses contrôles qui s'apparentent à des perquisitions, les interdictions de travailler du type 35 heures et l'absence de vision positive.

Quand les Français incarnent les vertus du travail, source d'enrichissement, vous leur imposez la loi de l'oisiveté et l'Etat-providence. Quand ils rêvent d'une nation unie, heureuse et fière, vous développez l'ingérence. Les salariés, solidaires de leurs entreprises, n'ont plus le droit de s'accorder avec leur dirigeant sans l'accord d'une personne extérieure, d'un inspecteur du travail.

Quand, à l'extérieur des entreprises, les crimes et délits sont considérés comme des incivilités, les dirigeants d'entreprise sont constamment mis en cause et plus souvent cités devant les tribunaux, que les délinquants qui les agressent.

« Nul n'est censé ignorer la loi » : on exige donc des acteurs économiques qu'ils connaissent les lois. Mais elles sont toujours plus nombreuses, plus compliquées, plus incompréhensibles, même pour ceux qui les votent et pour ceux qui les appliquent. Qu'importe, les chefs d'entreprise doivent les connaître et les respecter.

Au lieu d'aider les entreprises, l'Etat français commence par les taxer et les contraindre ! On est bien loin de l'esprit d'entreprise qui règne en Chine, pays dont les dirigeants n'ont pas honte de proclamer « Enrichissez-vous ! ». En France, on en est resté aux discours réducteurs, contre le patronat, contre les propriétaires, contre les riches. C'est que les socialistes croient encore que l'on peut édicter la solidarité par la loi, alors que c'est l'anéantir.

M. le Rapporteur pour avis - Ça alors ! Est-ce aussi l'avis de M. Chirac ?

M. Jean-Paul Charié - Pourtant, l'une des grandes chances de la France tient à la compétence de ses salariés et des dirigeants de ses PME ! Pourquoi donc ce dénigrement systématique par l'Etat socialiste ? Une véritable révolution culturelle est nécessaire, qui mettrait l'Etat au service des entrepreneurs, délivrerait les entreprises des contraintes insupportables qui leur sont imposées et allégerait leurs charges. Nombreux sont les orateurs qui ont, au cours de la discussion générale, mis l'accent sur ces priorités ! C'est que le bilan de vos seize années de pouvoir montre une France en déclin, dans laquelle les entreprises vivent un mal-être. C'est bien pourquoi, finalement, la réalité s'impose à vous, et vous contraint à admettre que l'on ne mesure plus la puissance d'une nation à celle de son armée ou de son administration mais à celle de ses entreprises. Le temps n'est plus où le Gouvernement pouvait tout régir ! Aujourd'hui, un gouvernement, comme un chef d'entreprise, doit privilégier le dialogue pour mobiliser les énergies et libérer les initiatives. La force économique de la France, le progrès social en dépendent.

Je vous donne crédit, Monsieur le ministre, d'en être convaincu. Mais sans doute mesurez-vous aussi, à quelques mois des élections, le mécontentement légitime des dirigeants et des salariés des petites entreprises, ce qui vous pousse à afficher des intentions nouvelles. Cela ne trompera personne !

M. Nicolas Forissier - Très juste !

M. Jean-Paul Charié - Mis au pied du mur, vous commencez enfin à prendre conscience du rôle majeur des petites entreprises en France et, à quelques semaines des élections, vous reprenez, presque mot pour mot, mes propos.

M. le Secrétaire d'Etat - Je n'ai pas dévié d'un pouce dans mes déclarations depuis trente ans !

M. Jean-Paul Charié - Bravo, donc, Monsieur le ministre, d'admettre que les petites entreprises représentent un secteur de première importance, qu'elles constituent un puissant moyen de promotion des hommes et des femmes, qu'elles jouent un rôle moteur dans l'aménagement du territoire et le soutien à la croissance, et qu'elles sont parmi les plus innovants ! Bravo ! L'exposé des motifs de votre projet ne fait, après tout, que reprendre ce que je ne cesse de répéter depuis deux décennies !

Mais le plagiat ne rend pas plus compétent ! A cet égard, que M. Jospin qui, après seize années au pouvoir, ambitionne d'être Premier ministre (Rires et mouvements divers)... et Président de la République, en soit réduit à s'interroger, à deux jours de la fin de la législature, sur les mesures qu'il conviendrait de prendre en faveur de l'artisanat et des PME en dit long sur son désintérêt et son incompétence (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Seriez-vous, comme nous le sommes, proches de ces entrepreneurs et au fait de leurs aspirations, que vous auriez, dès 1997, pris les mesures volontaristes nécessaires, si bien que nous ferions aujourd'hui le bilan de votre action au lieu de débattre d'un projet démagogique. Où donc est la grande loi-cadre que 800 000 artisans, 1 700 000 commerçants et 2 millions d'entreprises de moins de 50 salariés appellent de leurs v_ux ?

Nous ferions le bilan d'une stratégie globale en faveur de la création, de la transmission et du développement des entreprises. Nous ferions le bilan de la baisse des impôts et des charges. Nous ferions le bilan de relations nouvelles, modernisées, entre l'Etat et les entrepreneurs, un Etat au service des entrepreneurs.

Après cinq ans, la France aurait pu être fière de compter un million d'entreprises en plus et moitié moins de chômeurs, d'avoir une économie prospère et un PIB par habitant en progrès.

Votre bilan, lui, est désespérant. Vous ne changez pas, vous ne changerez pas, vous resterez en décalage avec la réalité.

Imaginez un maçon qui, deux jours avant de prendre sa retraite, viendrait commencer la construction de la maison que vous lui avez commandée depuis cinq ans. Non seulement vous le jugeriez farfelu, mais lui refuseriez votre confiance et le renverriez chez lui ! Vous agissez pourtant de même en commençant, deux jours avant la fin de la dernière session parlementaire de la législature, la discussion d'un texte aussi important pour la France et les Français.

Ce comportement est certes habile mais il est de ceux qui discréditent la démocratie, affaiblissent la République. Les Français sont las des déclarations d'intention, des promesses non tenues ! C'est pourtant dans cette voie qu'avec insouciance vous continuez d'avancer.

Quel crédit pouvons-nous accorder à votre futur programme électoral lorsqu'on vous voit, deux jours avant la dernière session de la législature, prendre des mesures dont vous savez pertinemment qu'elles ne pourront jamais être votées ? Aucun ! Merci de nous en apporter la preuve. Vous vous montrez aujourd'hui à visage découvert : pour vous, la politique, c'est promettre, afficher, chercher à séduire. Peu importe la suite !

Mais ce temps de l'illusion et de la tromperie est révolu. Les Français, non plus que les petits entrepreneurs, ne veulent plus de grandes déclarations du genre : « on vous aime, on vous comprend», mais du concret. Moins de belles paroles, mais des actes !

Vous objectez que vous travaillez jusqu'au bout. Mais qu'est-ce que légiférer pour vous ? Discuter dans le vide, créer des commissions, publier des rapports, afficher des textes sans valeur législative...

M. Patrick Rimbert - Voter des lois !

M. Jean-Paul Charié - ... Pour nous, légiférer c'est n'engager la discussion d'un texte que si celle-ci peut aller à son terme et prendre le temps nécessaire pour débattre sérieusement.

Si certains en doutaient, voilà bien la différence entre votre engagement politique et le nôtre, votre éthique et la nôtre. Merci de nous donner ainsi l'occasion de la montrer.

Mme Monique Denise - Les Français jugeront.

M. Jean-Paul Charié - Vous êtes fiers, dites-vous, d'avoir fait voter 240 lois en cinq ans...

M. le Secrétaire d'Etat - 220 !

M. Jean-Paul Charié - Vous n'en savez même plus le nombre ! Vous mesurez votre efficacité au nombre de textes votés. Vous devriez pourtant savoir que les entreprises n'ont pas besoin de davantage de lois, de règlements, de contraintes mais au contraire de souplesse et de liberté. Mais de toute évidence, vous ne connaissez pas la réalité de leur monde, vous ne possédez pas la culture du monde de l'entreprise. Alors que les entreprises aspirent, légitimement, à moins de dirigisme, moins d'administration dans leur vie quotidienne, vous ne savez que leur imposer toujours plus de lois et d'emprise de la sphère publique. Alors qu'il faudrait libérer, vous ne faites que contraindre toujours davantage.

Votre projet, en décalage total avec les attentes des entreprises, n'est pas à la hauteur des enjeux. Ceux-ci sont pourtant clairs. Avec les petites et moyennes entreprises, il faut redresser la situation économique du pays.

M. le Secrétaire d'Etat - D'accord.

M. Jean-Paul Charié - Avec les petites et moyennes entreprises, il faut _uvrer à une véritable société de progrès pour l'homme.

M. le Secrétaire d'Etat - Toujours d'accord.

M. Jean-Paul Charié - Tout le pays doit se mobiliser pour faciliter leur développement. Plus elles développeront, partout sur le territoire, de services à la population, plus les Français trouveront des réponses adaptées à leurs besoins.

M. le Secrétaire d'Etat - Toujours d'accord.

M. Jean-Paul Charié - Il faut réconcilier les Français et la France avec les entrepreneurs et le monde de l'entreprise. Et je voudrais rendre ici hommage, dix ans après sa mort, à Jean Paquet, qui fut l'un des grands présidents de l'assemblée permanente des chambres de métiers. D'une économie au service de l'homme, tout animée de l'esprit d'entreprise, du goût du risque, d'engagement personnel et fondée sur la propriété privée, on est passé à un système qui assujettit les producteurs aux établissements financiers ; au capitalisme industriel a succédé le capitalisme moderne des sociétés anonymes et des multinationales dont le pouvoir s'étend à l'ensemble du monde, écrivait-il en substance. Le libéralisme sauvage, le règne de la quantité laissent peu de place à la petite entreprise, poursuivait-il, avant de conclure : « La loi du plus fort entraîne concentrations et monopoles jusqu'au stade où nous sommes aujourd'hui où se trouve même contesté le pouvoir de l'Etat d'y mettre de l'ordre. » Méditons ce texte de bon sens, dont les enseignements sont de nature à réconcilier les Français avec le monde de l'entreprise.

Une véritable révolution culturelle s'impose. Les Français sont plutôt respectueux et fiers de leurs entrepreneurs.

M. le Rapporteur - Ils ont raison !

M. Jean-Paul Charié - Il suffit de peu pour qu'ils l'expriment. Cessez de suspecter en permanence les entrepreneurs. Cessez de confondre petites entreprises et multinationales.

Le monde des entreprises est divers et complexe. Il n'y a rien de commun entre un boulanger, un commerçant de prêt-à-porter, un artisan chauffeur de taxi, un entrepreneur de transport, un industriel qui emploie 500 salariés, et pourtant, pour vous, ce sont tous des patrons de PME. Il n'y a de même rien de commun entre un chômeur qui vient de se mettre à son compte, un entrepreneur qui agrandit son usine et un autre qui cherche à la transmettre. Pourtant, vous les traitez tous d'égale façon.

Il n'y a non plus rien de commun entre les chefs d'entreprise que leur réussite rend enthousiastes et ceux qu'épuisent toutes les entraves auxquelles ils sont confrontés. Les premiers n'ont besoin de personne et souhaitent seulement qu'on les laisse tranquilles, en s'occupant le moins possible d'eux. Les seconds aspirent à prendre leur retraite, à vendre leur entreprise et découragent leurs enfants de prendre la relève. Pourtant, vous ne distinguez aucunement entre les uns et les autres.

Il n'y a pas non plus de rapport entre une entreprise de production et une autre de main-d'_uvre. La masse salariale représente moins de 20 % des charges d'exploitation dans la première quand elle dépasse 60 % dans la seconde. Elles sont pourtant soumises aux mêmes charges sociales et au même droit du travail.

Il n'y a non plus rien de commun entre le directeur d'un site de grande entreprise et un dirigeant propriétaire de sa propre entreprise. Le premier applique des directives prises ailleurs, le second est responsable, y compris sur son patrimoine personnel et familial, de ses actes. Vous les traitez pourtant de la même façon.

Vous ne tenez pas compte de cette extrême diversité, si bien que vos déclarations d'intention louables ne recouvrent plus qu'une réalité informelle.

C'est avec respect et modestie qu'il faut parler aux petites et moyennes entreprises, sans jamais oublier leurs différences, qui font leur richesse, et en veillant toujours à préserver pour chacune des espaces de liberté. Vous faites tout le contraire.

Pour conclure cette première partie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), je rappellerai qu'après seize ans sur vingt-deux au pouvoir, vous en êtes encore à demander un rapport à deux députés...

M. le Secrétaire d'Etat - Vous vous répétez !

M. Jean-Paul Charié - Vous n'avez toujours pas entendu les préoccupations des petites entreprises, alors il faut les répéter ! Si au moins vous sortiez de cet hémicycle en disant « Charié a raison ! » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), je n'aurais pas perdu votre temps ! Au lieu de nous présenter un grand projet de loi-cadre avec des mesures fortes, dignes des enjeux et des réalités des petites entreprises, vous nous demandez de légiférer sur un texte sans envergure, dont la forme, comme le fond, ne peuvent que décevoir.

Cette loi ne pourra pas être votée. Vous légiférez pour paraître.

Vous refusez d'accorder aux députés le temps d'un travail sérieux.

Il y a quelques semaines encore, à l'occasion d'autres textes, vous avez refusé de satisfaire les demandes légitimes et urgentes des artisans, des commerçants et des petites entreprises. De nombreux articles de votre projet de loi resteront des v_ux pieux. Réalité révélatrice de votre culture de l'Etat interventionniste, ce projet contient des dispositions idéologiques, dirigistes, qui entravent le développement des entreprises.

Vous continuez de ne pas traiter des préoccupations cruciales pour l'avenir des entreprises. J'ai cité la baisse des impôts et charges pour permettre aux entreprises de dégager des marges d'exploitation suffisantes pour affronter la concurrence. J'ai cité la pesanteur des administrations, votre manque de considération envers les chambres consulaires des métiers et celles du commerce et de l'industrie.

En cinq ans, vous n'avez pas touché au statut de l'élu consulaire, alors que par ailleurs, vous avez sali, dénigré ces juges consulaires (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

La liste des préoccupations des petites entreprises et des moyennes entreprises dues à votre manque de considération est longue - les rapporteurs eux-mêmes et députés de votre majorité ont passé la soirée et la nuit à l'allonger !

Mais je me concentrerai sur deux sujets : les tribunaux de commerce et le droit de la concurrence.

Votre projet de loi contre les tribunaux de commerce ne sera pas voté. Tant mieux, car il aurait eu pour conséquence d'entraver une juridiction qui fonctionne avec 30 millions de francs seulement et dont les délais de jugement sont exemplaires.

M. le Secrétaire d'Etat - Ce n'est pas le sujet du texte d'aujourd'hui !

M. Jean-Paul Charié - Quelle belle illustration de votre incompétence et de votre différence de culture avec nous que de dire que les tribunaux de commerce, qui font de la prévention pour assurer la pérennité des entreprises, ce n'est pas le sujet d'un texte intitulé « Développement des petites entreprises et de l'artisanat » !

Votre collègue Arnaud Montebourg a perdu son combat idéologique et diffamatoire contre les tribunaux de commerce, et c'est justice. Avec la future majorité, nous allons mener une vraie réforme. Nous allons développer les contrôles et les sanctions en cas de faute, intégrer les magistrats de profession, obtenir une présence effective du parquet lors des procédures collectives, augmenter les moyens budgétaires des tribunaux de commerce, élargir leur domaine de compétence au monde agricole, artisanal et associatif, améliorer les conditions de travail des greffes.

Mais avant, nous réformerons les procédures collectives et la loi sur les entreprises en difficulté. Il est trop facile de dénigrer une juridiction qui doit gérer des difficultés d'entreprises quand il est trop tard. Certes, il n'y aura jamais d'économie de marché sans entreprises en difficulté. Mais avec les tribunaux de commerce, de nombreuses formes de prévention peuvent être développées.

Tel est l'enjeu, alors que les socialistes et le gouvernement de M. Jospin ont laissé salir les juges bénévoles, qui se dévouent pour le monde du travail et des entreprises.

Je voudrais revenir maintenant sur le droit de la concurrence (« Encore ! » sur les bancs du groupe socialiste). Vos soupirs n'ont d'égal que la lassitude des commerçants et artisans face à votre incompétence !

Les 9 000 entreprises françaises, dont 7 000 PME, qui fournissent les cinq centrales d'achat de la grande distribution, ne consacrent pas moins de 30 à 45 % de leur chiffre d'affaires à régler des factures émises par les hyper et supermarchés. Je salue, à cet égard, le travail de la mission d'information sur la distribution que j'ai présidée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), avec le concours efficace de nombre d'entre vous.

Certaines de ces factures « de coopération commerciale » sont justifiées quand il s'agit de rémunérer la publicité sur un catalogue du distributeur, une tête de gondole, un service-conseil au consommateur... Mais le coût est souvent disproportionné : on exige 800 000 F d'une petite entreprise pour figurer dans un prospectus, 10 millions de francs pour avoir une commande !

M. le Secrétaire d'Etat - C'est l'objet de la loi sur les nouvelles régulations économiques.

M. Jean-Paul Charié - Nous sommes entrés dans un système de dictature économique... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Secrétaire d'Etat - C'est la vérité !

M. Jean-Paul Charié - Mais que fait votre gouvernement pour mettre fin à ces pratiques déloyales ? Les agriculteurs sont obligés de vendre leurs fruits et leurs légumes en dessous du prix de revient...

M. Gérard Gouzes - C'est ça, le libéralisme !

M. Jean-Paul Charié - Vous m'avez pourtant tous soutenu quand j'ai fait mon rapport ! Le libéralisme, l'économie de marché, ce n'est pas cela ! Nous sommes passés d'un Etat administré par la puissance publique à un Etat administré par les puissances financières, et cela, il faut le combattre. La loi NRE vous en donne les moyens, mais vous ne le faites pas, Monsieur le ministre ! Vous savez parfaitement qu'une grande enseigne exige depuis deux mois de 300 à 400 petites entreprises des sommes de 10, 15, 23 millions de France sans aucune justification, mais vous ne faites rien ! Les petites entreprises sont étranglées par ces comportements scandaleux, mais vous ne faites rien !

M. le Secrétaire d'Etat - C'est le libéralisme !

M. Jean-Paul Charié - Non, Monsieur le ministre. Le libéralisme implique une règle du jeu (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gérard Gouzes - C'est la main invisible du marché !

M. Jean-Paul Charié - Voilà encore une très grande différence entre vous et nous ! Pour vous, quand les gens volent, agressent, violent, ce sont des «incivilités ». Pour vous, les grandes entreprises qui écrasent les petites, cela s'appelle la liberté ! Eh bien non ! Il ne peut y avoir de libre concurrence sans un minimum de règles du jeu.

Si nous faisions respecter les dispositions sur les marges arrière et sur la discrimination tarifaire, les prix en France pourraient baisser d'au moins 10 %. Ce serait non seulement une moralisation des rapports distributeurs-fournisseurs, mais un gain pour tout le monde, pour les industriels et pour les clients.

Aujourd'hui il n'y a plus de concurrence sur les prix entre les grandes surfaces, les distributeurs affichent les mêmes prix de vente.

Mais vous laissez faire. Pire, vous encouragez le détournement de la loi, et je viens de comprendre, à vos réactions, qu'il s'agit d'un problème de culture. Vous auriez pu saluer mes propos ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste) J'affirme qu'il ne peut y avoir de liberté sans respect des règles du jeu, mais vous croyez le contraire.

Vous ne m'avez pas répondu hier, alors je répète ma question : nous avons voté ici une disposition, certes proposée par l'opposition, mais adoptée à l'unanimité, sur la promotion des fruits et légumes. Trouvez-vous réellement normal que derrière notre dos la direction générale de la concurrence donne par écrit des instructions inverses ? Etes-vous fiers d'appartenir à une assemblée dont l'administration se moque à ce point ? Nous avons également voté une loi sur la vente à perte. Une grande enseigne, Leclerc, vous dit tranquillement qu'elle s'assoit dessus, et que fait le Gouvernement ? Il se tait, la preuve encore aujourd'hui ! Quant aux schémas de développement commercial, qui pourraient enfin faire cesser l'opposition frontale entre les petits commerces et les grandes surfaces, deux ans après le vote de la loi, les décrets d'application ne sont toujours pas parus ! Les entreprises ont toujours autant de difficulté à se regrouper pour gagner des parts de marché. Les commerçants et artisans de centre-ville sont toujours plus concurrencés par ceux de la périphérie.

Vous parlez des soldes, peut-être faudrait-il rappeler qu'il doit s'agir d'articles qui étaient en magasin.

Un député socialiste - C'est le cas !

M. Jean-Paul Charié - Alors pourquoi ai-je entendu à la radio des commerçants dire que les soldes avaient si bien marché qu'ils s'étaient réapprovisionnés ? Qu'avez-vous fait pour sanctionner ces comportements déloyaux ?

M. le Rapporteur pour avis - C'est un discours de fin de série !

M. Jean-Paul Charié - Vous ne faites pas respecter la loi sur les soldes.

M. le Président - Il vous reste un quart d'heure.

M. Jean-Paul Charié - Vous croyez qu'il suffit de changer la date des soldes pour régler les problèmes de concurrence. L'économie de marché exige l'application intransigeante du droit de la concurrence, et c'est à l'Etat, qui défend avant tout la liberté des faibles, d'y veiller. Si l'activité des petites entreprises n'est pas soutenue, la société ne sera bientôt plus administrée par le pouvoir politique, mais par les grandes entreprises. Les PME sont chaque jour victimes du laissez-faire. Cessons de confondre bien ou mal avec légal et illégal ! Il est urgent de transformer les catégories morales et subjectives et catégories légales et objectives. L'application de la loi ne nécessite pas des moyens supplémentaires, mais une volonté politique. Si la loi sur les marges arrières et les discriminations tarifaires était appliquée, les prix baisseraient en France d'au moins 10 % ! Les marques retrouveraient leur juste place et les entreprises dégageraient les marges dont elles ont besoin pour se développer.

S'il est nécessaire de sortir du dirigisme et de restaurer l'Etat de droit, cet Etat doit être aussi stratège. Si les entreprises françaises ne peuvent sortir de leurs oppositions entre client et fournisseur ou entre grandes et petites entreprises pour rechercher des relations où chacun soit gagnant, si nous n'abandonnons pas ce sport national consistant à dénigrer nos entreprises face à leurs concurrentes européennes, votre politique en faveur des PME restera vaine. Christian Saint-Etienne a bien montré que les entreprises françaises ne peuvent se développer et gagner des parts de marché que si elles disposent d'une capacité bénéficiaire et de fonds propres importants, aptes à financer des programmes de recherche et le renouvellement de leurs produits. Selon lui, l'Etat stratège doit donc créer un environnement optimal de croissance et arbitrer dans une perspective à long terme, en maintenant la présence d'entreprises à capitaux nationaux puissantes et de nombreuses jeunes entreprises vigoureuses.

L'environnement optimal de croissance est notamment fondé sur la qualité de la main-d'_uvre. Mais comment oublier les difficultés qu'ont nos petites entreprises à trouver du personnel ? Comment ne pas s'y attaquer alors que notre taux de chômage est comparativement très élevé ? Que de nombreuses entreprises ne puissent répondre à leurs commandes par simple manque de personnel, c'est une des illustrations les plus douloureuses de l'absence d'Etat stratège. Mais comment ne pas rappeler aussi que certains travailleurs gagnent plus en restant au chômage qu'en acceptant un emploi ? Il faut avoir le courage de le dire !

M. le Secrétaire d'Etat - C'est un discours de politique générale !

M. Jean-Paul Charié - D'autres entreprises ne peuvent se permettre d'embaucher pour des raisons financières. Dans le bâtiment, par exemple, un salaire mensuel brut de 10 000 francs représente 7500 francs nets. Si l'on y ajoute les charges patronales spécifiques au secteur, il revient en tout à 20 000 francs. Combien faut-il facturer au client pour couvrir ces charges ? Le double, soit 40 000 francs, auxquels il faut ajouter les marges d'exploitation et les impôts. Pour embaucher un salarié à 7 500 francs nets, il faut donc que l'entreprise soit assurée de gagner 600 000 francs par an. Et les entreprises qui ne sont pas sûres de réaliser ce chiffre d'affaires dans l'année n'embauchent pas. C'est pourquoi nous proposons le contrat de projet. 

Pendant seize années de pouvoir, vous avez négligé le monde de l'artisanat et du commerce et vous avez laissé faire les pratiques de concurrence déloyale. Aujourd'hui, vous en êtes à vous demander ce qu'il faut faire pour les petites entreprises. Mais après seize ans, l'économie de la France est en déclin. La France va mal, et le mal grandit.

Mme Nicole Bricq - Ne prenez pas vos désirs pour des réalités !

M. Jean-Paul Charié - Bienvenue dans cet hémicycle, Madame.

Mme Nicole Bricq - Vous parlez depuis une heure et quart !

M. Jean-Paul Charié - Ce projet de loi ne traite pas les problèmes de fond. Il illustre la culture d'un Etat dirigiste mais ignore l'Etat de droit et l'Etat stratège. Il a cependant le mérite de mettre en avant les différences de vision entre les socialistes et la future majorité RPR-UDF-DL (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Compte tenu des enjeux, nous demandons son renvoi en commission.

Vous le refuserez. Cela ne nous émeut pas, car au-delà, c'est le renvoi de toute la majorité par les électeurs que nous souhaitons dans l'intérêt des entreprises, et quelque chose me dit que nous l'obtiendrons (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Alain Néri - Il n'est pas interdit de rêver !

M. le Président - M. Charié disposait d'une heure et demie, Madame Bricq, et il n'a pas épuisé son temps de parole.

Mme Nicole Bricq - C'est nous qu'il a épuisés !

M. le Secrétaire d'Etat - Je serai bref, à la fois parce que nous avons déjà discuté hier et parce que vous vous êtes beaucoup répété. Mais certaines choses m'ont choqué. Personne ne conteste votre passion - mais est-elle toujours au service du bien ? - pour le commerce et l'artisanat. Mais croyez-vous que vos arguments servent leur cause ? Est-ce en parlant sans cesse du déclin de la France que vous leur rendez justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Député de la nation, comment pouvez-vous oublier, alors que vous vous exprimez du haut d'une tribune officielle, la place de la France dans le monde ? Comment pouvez-vous oublier son taux de croissance, ses réussites à l'exportation, ses bons résultats dans la lutte contre le chômage et contre l'inflation, le fait qu'elle soit considérée comme disposant du meilleur système de santé du monde ? Vous ne jurez que par les Chinois, les Américains ou les Anglais, mais enfin je pourrais vous montrer quantité d'études comparatives qui ne sont guère à leur avantage !

Vous dites que le commerce et l'artisanat vont mal en France, alors qu'ils ne se sont jamais aussi bien portés ! 180 000 créations d'entreprise par an ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) Alors cessez de dire que la France est en déclin ! Vous jouez contre votre pays, ce n'est pas honorable.

Dans la première partie de votre exposé, vous avez parlé du rôle du commerce et de l'artisanat dans l'économie et vous avez souhaité moins d'Etat, moins de règles. Mais dans votre deuxième partie, vous vous interrogiez : que fait donc l'Etat ? Pourquoi n'y a-t-il pas plus de règles ? Pourquoi le Gouvernement ne présente-t-il pas une grande loi d'orientation ?

La régulation, c'est l'affaire des forces de progrès. La dérégulation, c'est celle des forces libérales. Nous pensons que la loi est faite pour réguler, pour protéger, pour libérer. Et c'est pourquoi nous en avons fait adopter 220.

M. Jean-Paul Charié - Pour étouffer, oui !

M. le Secrétaire d'Etat - Non, en aucun cas. Vous dites que nous n'avons pas de bilan. Mais qui a diminué la TVA après que vous l'eûtes augmenté ? Qui a fait baisser l'impôt sur les sociétés et la taxe professionnelle ? Quel est le Gouvernement qui a rénové les marchés publics pour les TPE et les PME, qui a pris des mesures sur les délais de paiement, l'allotement, le mieux-disant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Vous pratiquez l'incantation, nous, nous préférons agir. A une grande loi inapplicable, nous préférons des mesures concrètes. Etes-vous contre la protection des cautions ? Contre le statut du conjoint ? Contre le financement des entreprises ? Contre les mesures sociales en faveur des salariés ?

Cette motion de renvoi en commission a été l'occasion pour vous de causer longtemps, parfois pour ne rien dire. Nous, nous voulons agir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Sauvadet - Nous sommes d'accord sur un point : une loi sur le commerce et l'artisanat était attendue... Elle l'était même tant que l'on peut considérer qu'elle a un peu tardé et même qu'elle arrive trop tard. Présenté en fin de session, ce texte ne trompera personne et relève plus de l'intention que de l'action. Il n'a rien de fondateur.

Nous ferons tout de même des propositions pour l'améliorer car vraiment il ne va pas assez loin. Mais il serait plus sage de le renvoyer devant la commission issue de la nouvelle assemblée qui sortira des urnes.

Vous êtes un homme pragmatique, Monsieur le secrétaire d'Etat, mais le grand écart est parfois difficile à assumer. A l'heure du bilan, nous sommes bien obligés de constater que la barque des PME a été lourdement chargée. Là où de la souplesse aurait été nécessaire, le Gouvernement a imposé des rigidités supplémentaires, en particulier avec les 35 heures. Au lieu de reconnaître la diversité des entreprises, il les a toutes passées à la même toise.

Bien des sujets de fond restent à traiter : la transmission d'entreprise, la formation, la simplification de la gestion... Il faudrait aussi s'attaquer au problème des bas salaires : la France a en effet ceux qui sont à la fois les plus lourds pour l'entreprise et les moins rémunérateurs pour les salariés. Nous proposons donc d'alléger les charges qui pèsent sur eux.

Mais la question essentielle est celle-ci : comment redonner aux gens le goût d'entreprendre ? Nous voulons qu'au découragement succède l'envie d'agir. Nous voulons bien sûr nous aussi des règles du jeu, mais souples et adaptées à la diversité des acteurs de la vie économique.

Nous pensons enfin qu'un Parlement doit adopter des textes qui puissent réellement s'appliquer. Ce ne pourra pas être le cas de celui-ci. C'est pourquoi nous voterons son renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jean-Louis Dumont - L'engagement constant de M. Charié dans tous les débats relatifs à la petite entreprise, au commerce et à l'artisanat est une réalité que nous sommes unanimes à constater. Il en parle avec passion et compétence, oui, mais aussi avec un esprit polémique qui affaiblit quelque peu ses arguments.

Il a eu raison de partir de 1981, qui fut en effet l'an I de l'alternance. Mais il semble oublier les trois personnalités issues des rangs de la droite qui se sont succédé au fauteuil de Premier ministre. Les transformations qu'il appelait de ses v_ux, il ne les a pas obtenues d'eux, mais bien plutôt de nous. Les lois de finances successives, la loi MURCEF et d'autres textes ont en effet permis, par touches successives mais avec détermination, d'améliorer le statut des entreprises artisanales.

Pensons aussi à cette mesure importante qu'a été l'abaissement à 5,5 % du taux de TVA pour certains travaux du bâtiment. Elle a eu un puissant effet de levier. Il faut maintenant la pérenniser, nous comptons sur le Gouvernement pour y parvenir.

M. Charié veut renvoyer ce texte en commission. Nous pensons au contraire qu'il faut aller au bout de la discussion, examiner chaque amendement et voter, fût-ce en première lecture. La prochaine législature mènera à bien ce travail qui, au demeurant, sera fort utile pour les prochaines semaines. Je ne comprends donc pas pourquoi vous tenez à différer le débat. Le groupe socialiste votera contre cette motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Nicolas Forissier - Je regrette la vision manichéenne qui vous conduit à opposer la présente période et celle, fort brève, où l'ancienne majorité était au pouvoir. Vous vous targuez d'avoir diminué des impôts que nous avions augmentés. Revenons donc sur la période 1981-1993 et sur la situation dont nous avons hérité en 1993 : 340 milliards de déficit budgétaire, 150 milliards de déficit cumulé pour la sécurité sociale, plus de 100 milliards pour les entreprises publiques. Nous avons dû combler ces déficits sans bénéficier de la marge de man_uvre que la croissance vous a donnée - les plus-values fiscales en témoignent - depuis 1997. Allons au bout de l'honnêteté : reconnaissons que les majorités successives ont toutes apporté leur pierre à la réforme des PME.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Vous dites qu'il ne faut plus parler de déclin de la France. Soit, mais vous savez bien que la réussite des entreprises est le fruit de la croissance exceptionnelle que nous avons connues jusqu'à l'année dernière. Je vous rappelle que par comparaison avec les Etats-Unis, l'Espagne ou la Grande-Bretagne, le nombre d'entreprises rapporté à la population est inférieur de un million, en France, à ce qu'il pourrait être si l'environnement économique, juridique et fiscal était meilleur. Nous avons besoin d'une réforme approfondie en matière de création et de développement des petites entreprises. L'intervention de Jean-Paul Charié est donc justifiée : votre projet ne suffit pas à répondre aux attentes des professionnels. Achever la première lecture à l'extrême fin de la législature ne changera pas grand-chose : mieux vaut approfondir le débat en commission. Monsieur le ministre, ne dites pas sans cesse que nous ne nous intéressons qu'aux entrepreneurs. Nous sommes comme vous soucieux et des entreprises, et des salariés, et c'est ainsi que nous progresserons.

M. le Secrétaire d'Etat - Vous avez raison.

M. Nicolas Forissier - Le groupe DL votera le renvoi en commission.

M. Serge Poignant - Ce projet de loi, je le répète, manque d'envergure. Vous auriez dû avoir l'ambition de favoriser la création des petites entreprises par une vraie loi d'orientation, qu'attendaient les professionnels. Vous estimez avoir abordé les points essentiels, mais votre volonté politique ne transparaît guère dans ce texte qui laisse de côté des points aussi essentiels que les retraites ou la formation des jeunes en ces temps où il est si difficile de trouver des jeunes qualifiés. Compte tenu de la mondialisation, dont nous connaissons les effets pervers, c'est de l'avenir de notre pays qu'il s'agit.

Or ce texte - insuffisant - arrive en outre au tout dernier moment : si nous ne le renvoyons pas en commission, comment arriverons-nous à en finir l'examen d'ici demain soir ?

M. le Secrétaire d'Etat - Nous finirons ce soir.

M. Serge Poignant - Voilà la considération que vous portez à ce texte !

M. le Secrétaire d'Etat - Vous nous avez fait perdre six heures !

M. Serge Poignant - Vous vous énervez parce que vous ne savez comment aller au bout de cette discussion. Le groupe RPR votera la motion de renvoi.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Jean-Paul Charié - Je souhaite faire un rappel au Règlement fondé sur l'article 58. Vous pouvez bien refuser le renvoi en commission, le plus important à nos yeux reste le renvoi de votre majorité (Huées sur les bancs du groupe socialiste). Nous vous avons parlé de loi démagogique...

M. le Président - Tenez-vous en à un rappel au Règlement.

M. Jean-Paul Charié - J'en viens à ce qui se passe aujourd'hui dans notre République. J'évoquais votre mépris et celui de l'administration à l'égard des lois que nous avons votées (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Eh bien, M. le Premier ministre vient d'annoncer sa candidature aux élections présidentielles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) alors que nous n'avons pas achevé nos travaux : il avait pourtant promis d'en attendre le terme. Tout à l'heure d'ailleurs le Président de l'Assemblée, qui fait fi de notre débat sur les PME, a omis de rappeler que la session n'était pas terminée. Cette annonce de M. Jospin est bien la preuve d'un mépris de la représentation nationale, et nous avons le devoir de le dénoncer ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je demande une suspension de séance pour réfléchir à la réaction de nos groupes (Mêmes mouvements).

M. le Président - Je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

La séance, suspendue à 18 heures 10, est reprise à 18 heures 20.

M. le Président - J'appelle, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9 du Règlement, les articles du projet dans le texte du Gouvernement.

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AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Germain Gengenwin - L'amendement 52 est défendu.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur de la commission de la production et des échanges - L'avis de la commission est défavorable sur cet amendement comme sur les cinq amendements suivants. Définir trop précisément les entreprises aurait des conséquences dommageables, car cela créerait des effets de seuil. L'action doit prévaloir sur la définition.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis également défavorable du Gouvernement, car l'entreprise ainsi définie est une notion économique et non pas juridique.

M. Jean-Paul Charié - Une définition doit être précise ! Et pourquoi le droit français serait-il le seul à ne donner aucune définition des entreprises individuelles Il est pourtant essentiel de distinguer une entreprise employant moins de 10 salariés d'une autre qui en emploie moins de 1 000 ! Vous ne pouvez, Monsieur le ministre, engager ce débat de manière constructive en vous opposant à des amendements qui répondent manifestement aux attentes des petites entreprises ! Si vous persistez dans ce refus, mon propos était encore mieux fondé que je ne le pensais !

L'amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié - Les amendements 51, 49 et 50 tendent à définir respectivement la très petite entreprise, la petite entreprise et la moyenne entreprise. Ainsi en finira-t-on avec des amalgames dont chacun peut mesurer l'incohérence. Je ne vois pas ce qui pourrait motiver le refus du Gouvernement, sauf à penser qu'il s'oppose à ces propositions parce qu'elles émanent de l'opposition.

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur les trois amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - Ces définitions ne s'harmonisent pas avec la réglementation communautaire...

M. Jean-Paul Charié - Sous-amendez !

M. le Secrétaire d'Etat - De plus, il s'agit de définition purement déclarative. Avis, donc, défavorable pour les trois amendements.

Les amendements 51, 49 et 50, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Paul Charié - L'amendement 53 tend à définir l'entreprise saisonnière. Si vous n'étiez pas décidé à n'adopter que des mesurettes, vous accepteriez sans hésiter cette disposition qui mettrait fin à des pratiques de concurrence déloyale avérées de la part d'entreprises que l'on laisse agir au seul motif qu'elles se présentent comme saisonnières.

M. le Rapporteur - Avis défavorable de la commission à un amendement dont la pertinence n'est pas apparue flagrante. Les seuils que propose M. Charié lui sont personnels.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable pour les mêmes raisons. Je le répète, ce texte, nous l'avons d'abord voulu pragmatique

M. Jean-Paul Charié - Monsieur le ministre chargé des PME, du moins encore pour quelque temps, puisque vous allez prochainement prendre le portefeuille de l'agriculture - ce qui, soit dit au passage, en dit long sur l'importance que vous pouvez accorder à ce texte et à ce débat -, Monsieur le ministre, disais-je, puisque vous vous voulez pragmatique, pourquoi refusez-vous que figure dans ce texte une définition de la petite entreprise, de la très petite entreprise ou de l'entreprise saisonnière ? Quant aux seuils que je propose, s'ils vous paraissent inappropriés, il était possible d'en discuter en commission, et encore maintenant, de sous-amender. C'est donc par principe que vous vous opposez à ces propositions.

L'amendement 53, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié - La loi dispose que les commissions de caution peuvent être prises en charge totalement ou partiellement, mais la prise en charge est actuellement limitée à 50 %. L'amendement 99 tend à abroger cette limitation. Si vous engagez, Monsieur le ministre, à modifier en ce sens les textes réglementaires, je suis prêt à retirer cet amendement.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. D'une part, le texte traite bien du cautionnement mutuel. D'autre part, d'autres dispositifs seront envisagés dans le cadre du plan de développement des entreprises.

M. Jean-Paul Charié - Plus tard, toujours plus tard !

M. le Secrétaire d'Etat - Cette disposition relève du décret et non de la loi. Le Gouvernement ne souhaite pas modifier les dispositions actuelles du code général des collectivités territoriales sur ce point.

M. Jean-Paul Charié - Je souhaite répondre au Gouvernement sur ce sujet essentiel du financement des petites entreprises, celles-ci étant « des acteurs majeurs du paysage économique, social et humain de notre pays », comme le rappelle, à juste titre, l'exposé des motifs.

Je conviens à ce point que la disposition en question relève du décret et non de la loi que si vous pouvez me donner des assurances, je l'ai dit, je suis prêt à retirer mon amendement. Je ne demande en aucune façon que la caution porte sur la totalité du prêt, mais simplement qu'on ne la limite pas d'autorité à 50 % de celui-ci. Si vous le refusez, ce sera une nouvelle preuve que vous n'allez pas jusqu'au bout des intentions affichées dans l'exposé des motifs.

L'amendement 99, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié - Les sommes versées aux fonds de garantie par les artisans cautionnés ne sont récupérées qu'en fin d'opération, et peuvent même ne l'être jamais. Il conviendrait donc d'autoriser leur provisionnement fiscal, lequel n'aboutirait qu'à un report d'imposition, allégeant les charges de l'entreprise à un moment opportun, sans coût supplémentaire pour l'Etat. Tel est l'objet de l'amendement 111.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Jean-Paul Charié - Pour quelles raisons ?

M. le Secrétaire d'Etat - Cette mesure serait discriminatoire et contraire à l'esprit de la loi. Par ailleurs, les cotisations aux fonds de garantie ne sont pas des charges comptables et sont comptabilisées à l'actif du bilan. Votre proposition n'est donc acceptable ni sur le plan fiscal ni sur le plan comptable.

L'amendement 111, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié - Je vais avoir encore une fois l'occasion de montrer tout ce qui sépare nos convictions de celles du rapporteur et des vôtres, Monsieur le ministre, ou plutôt de celles du ministère des finances dont vous dépendez.

Dans l'intérêt même des petites entreprises, que vous prétendez défendre, il convient de traiter de la même façon entreprises individuelles et entreprises sous forme de société. C'est ce à quoi tendent les amendements 100 et 101. S'il est des mesures discriminatoires, Monsieur le ministre, ce sont bien celles réservant certains avantages fiscaux et sociaux aux seules sociétés. N'obligez pas toutes les petites entreprises à se constituer en sociétés !

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Jean-Paul Charié - Pour quelles raisons ?

M. le Secrétaire d'Etat - Les mécanismes proposés par ces deux amendements ne se justifient pas.

L'amendement 100, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 101.

M. Jean-Paul Charié - L'amendement 102, cosigné par notre président de séance, tend à porter à 50 euros le plafond de garantie des petits chèques, que la loi de finances rectificative pour 2001 a abaissé à 15 euros.

Comment prétendre défendre les petites entreprises et leur porter ainsi préjudice ? En effet, ce sont bien les petites entreprises, et non les grandes surfaces, qui sont le plus concernées par le problème, car ce sont elles qui reçoivent le plus de petits chèques. Elles ressentent cet abaissement du plafond de garantie comme un affront et en sont profondément découragées. Aussi, même si cette proposition vient de l'opposition, je vous demande de l'accepter.

M. le Président - Je n'aurais pas mieux défendu cet amendement.

M. Germain Gengenwin - L'amendement 187 corrigé a le même objet mais, plus modeste, il ne relève le plafond de garantie qu'à 30 euros.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Entre la modestie de cet amendement et l'ambition de l'autre, l'écart est tout de même considérable !

Mme Nicole Bricq - Il faudrait suivre les travaux parlementaires. La question a déjà été réglée plusieurs fois, notamment dans la loi MURCEF.

M. le Secrétaire d'Etat - Vous avez raison, les petits commerçants et les artisans rencontrent beaucoup de problèmes à cause de chèques impayés. Mais si, comme vous le proposez, le plafond de garantie était revalorisé, nul doute que les banques le feraient payer, et les petites entreprises seraient les premières à en faire les frais. Cela risquerait en outre de remettre en question le principe de la gratuité des chèques, auquel le Gouvernement est très attaché.

M. Nicolas Forissier - L'amendement de M. Gengenwin me semble une mesure de bon sens. C'est vrai qu'il est important de sécuriser les moyens de paiement électroniques, qui ailleurs se développent de plus en plus. Mais faire passer la garantie sur les chèques de 15 à 30 euros ne me paraît pas impossible.

L'amendement 102, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 187 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié - « Nous, les socialistes, nous sommes là pour défendre les PME », dites-vous. Mais pas question de garantir les chèques impayés, pas question de définir ce qu'est une petite entreprise, et en plus, avec la loi NRE vous empêchez un dirigeant de coopérative d'avoir plusieurs mandats.

Notre amendement 104 vise à permettre aux directeurs généraux de coopérative de commerçants d'exercer cette fonction au sein de plusieurs coopératives. Je ne vois pas pourquoi vous vous y opposeriez. Qu'on veuille éviter que la même personne soit PDG de plusieurs entreprises de 15 000 personnes, cela peut se défendre. Mais empêcher une personne de diriger deux coopératives de commerçants, c'est entraver le dynamisme des PME.

M. Jean-Louis Dumont - Mon amendement 4 a le même objet. L'économie sociale et solidaire intéresse des parlementaires sur tous les bancs et le groupe interparlementaire sur ce sujet comprend 110 à 120 députés venant de tous les groupes. Il n'est donc pas étonnant que nous présentions des amendements identiques.

La loi sur les nouvelles régulations économiques limite le nombre de mandats sociaux détenus par une personne. Une dérogation a finalement été octroyée dans le cadre de la consolidation. Mais les coopératives n'entrent pas dans ce cadre et ne peuvent bénéficier de cette dérogation.

Après moult discussions, nous avons réussi à convaincre certains membres du Gouvernement du bien-fondé de l'amendement, auquel les Verts se sont aussi ralliés.

M. le Rapporteur - Les deux amendements visent à permettre au directeur général d'une coopérative constituée sous forme de société anonyme de cumuler cette fonction avec celle de directeur général d'une autre société anonyme. La commission y est favorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement estime qu'il n'est pas souhaitable d'introduire des exceptions au dispositif de la loi sur les nouvelles régulations économiques. La règle de non-cumul vise à instaurer plus de transparence.

M. Jean-Louis Dumont - Je sais que l'amendement suscite certaines réticences, mais dans certains secteurs cette dérogation est nécessaire et c'est pourquoi elle a obtenu l'assentiment de la commission des finances et de la commission de la production. Personne ne comprendrait, Monsieur le ministre, que vous vous acharniez à obtenir le rejet de l'amendement.

M. Serge Poignant - Ce sont effectivement des amendements identiques et si le Gouvernement s'oppose, sans grande justification, à des dispositions adoptées à l'unanimité en commission, la discussion ne va guère progresser.

M. Jean-Paul Charié - Je retire l'amendement 104 des groupes RPR, UDF et DL au profit de l'amendement 4 de M. Dumont, afin de bien montrer l'unanimité de l'Assemblée sur ce point.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité.

M. Jean-Paul Charié - L'amendement 260 vise à accorder aux petites entreprises du commerce et de l'artisanat un crédit d'impôt pour leur contribution au passage du franc à l'euro. Le crédit d'impôt, égal à 2 % du montant des euros retirés auprès des banques entre le 1er décembre 2001 et le 17 février 2002, serait réservé aux entreprises ayant moins de 10 salariés et un chiffre d'affaires inférieur à 3 millions d'euros.

Si nous défendons cet amendement, c'est pour que l'Assemblée nationale, au-delà des compliments adressés aux commerçants, qui ont permis le passage à l'euro, traduise en actes cette reconnaissance.

M. le Rapporteur - La commission de la production ne l'a pas examiné, mais elle a donné un avis défavorable à un amendement similaire. C'est un texte de circonstance, qui n'a rien à voir avec l'objet de cette loi.

Le passage à l'euro est derrière nous et des mesures appropriées ont été prises pour satisfaire les commerçants.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable parce que cette mesure coûterait 180 millions d'euros et parce que nous avons déjà pris, dans la loi de finances rectificative, des dispositions sur les cartes bancaires qui ont donné satisfaction aux commerçants.

Si le passage à l'euro a été réussi, c'est grâce à tout le monde !

L'amendement 260, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié - Vous prétendez que vous êtes dans les actes et nous dans les paroles, mais vous venez de démontrer le contraire ! Vous refusez 180 millions aux PME alors que vous donnez des milliards aux grandes entreprises étrangères qui viennent investir en France !

L'amendement 192 est un article de principe. Il affirme que, compte tenu de leurs spécificités, les entreprises artisanales doivent bénéficier de mesures discriminatoires positives. L'engagement de la France en faveur des entreprises immatriculées au répertoire des métiers sera ainsi scellé par la loi. Les aides publiques leur faciliteront l'accès au crédit bancaire, favoriseront la création, le développement et la transmission des entreprises et encourageront leur adaptation aux exigences économiques, environnementales et sociales. Mais aucune aide aux entreprises ne doit créer une distorsion de concurrence entre celles qui se créent et les autres. Lorsque nous avons été au gouvernement, nous avons suspendu les mesures financières qui favorisaient les créations d'entreprises, qui étaient une source impressionnante d'inégalité. Enfin, toutes les entreprises doivent bénéficier de ces mesures positives, qu'elles soient individuelles ou constituées en société.

Ainsi, comme aux Etats-Unis, en Grande Bretagne ou en Allemagne, il est normal qu'on prenne en France des mesures discriminatoires en faveur des petites entreprises, mais les bénéficiaires ne doivent pas être différenciés selon le statut ou le moment de la vie de l'entreprise.

M. Gilbert Biessy - L'amendement 261 insère un titre V nouveau dans le code de l'artisanat. Il précise les objectifs des aides financières accordées par l'Etat et les collectivités territoriales aux entreprises immatriculées au répertoire des métiers. Une politique publique de soutien aux entreprises artisanales est parfaitement légitime - elle est d'ailleurs réclamée par les chambres de métiers - dans la mesure où les entreprises artisanales contribuent au développement local. Les aides permettraient de faciliter l'accès au crédit, de favoriser la création et la transmission des entreprises et d'encourager la modernisation et l'adaptation aux normes en vigueur.

Le rapport de la commission d'enquête sur les pratiques des grands groupes a montré que les PME et PMI étaient réduites à la portion congrue dans l'ensemble des aides publiques.

M. Jean-Paul Charié - Très bien !

M. Gilbert Biessy - Ce soutien de la collectivité à un secteur décisif pour l'aménagement du territoire peut d'ailleurs être assorti d'engagements de la part de l'entreprise en matière d'effectifs ou de formation. Cela permettrait de passer d'une logique de subside à une logique d'incitation. Enfin, ce nouveau titre n'est pas une aberration juridique. Jusqu'en 1962 existait un titre V intitulé « Du crédit à l'artisanat ».

Je vous invite à voter cet amendement car le milieu rural et les quartiers sensibles ont besoin d'une réimplantation de l'artisanat.

M. Germain Gengenwin - L'amendement 184 est semblable aux deux précédents. L'aide de l'Etat doit compenser pour les très petites entreprises les handicaps en matière d'accès au crédit bancaire, favoriser leur création, développement et transmission et encourager leur adaptation. Par ailleurs, le volet du texte relatif aux très petites entreprises est nettement insuffisant. L'amendement 185 demande que dans les six mois à compter de la publication de la loi, le Gouvernement présente un rapport qui définisse clairement ses engagements en matière de financement des petites entreprises.

M. Nicolas Forissier - Au nom du groupe DL, je reprends l'amendement 165, qui va dans le même sens que les précédents. Il faut affirmer clairement que l'Etat porte un regard particulier sur les petites entreprises, notamment en forme individuelle. C'est un geste symbolique qui est très attendu. Par ailleurs, le rôle de l'Etat est d'abord d'assurer l'équité, par l'accompagnement des plus petits. C'est ce que rappelle l'amendement, sans poser de traduction concrète. Enfin, cette mesure serait bénéfique aux zones rurales et aux quartiers en difficulté.

M. le Rapporteur - Si tous ces amendements n'ont pas été examinés par la commission, ils posent tous des principes de valeur générale, mais n'ont aucune valeur normative. On passe d'ailleurs, selon les rédactions, du « financement par l'Etat » au « financement par l'Etat et les collectivités territoriales », ce qui est d'ailleurs plus logique.

M. Jean-Paul Charié - Merci !

M. le Rapporteur - Avis donc défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Ces amendements n'ont en effet aucune application concrète. Par ailleurs, ils poseraient un problème d'égalité de traitement entre les entreprises inscrites au répertoire des métiers et celles qui sont au registre des sociétés. Sur 2 200 000 petites entreprises, trois quarts sont inscrites au RCS. Deux entreprises dans des situations identiques, mais l'une inscrite et l'autre non ne recevraient donc pas le même traitement, alors même que le projet vise à réduire les disparités causées par le statut des entreprises. Enfin, le Gouvernement peut, par voie réglementaire, mettre en place de semblables dispositions de discrimination positive. Il l'a déjà fait, et vous aussi lorsque vous aviez la majorité.

Ces amendements n'apportent ni garantie d'aides, ni sécurité juridique. Ce ne sont que des déclarations d'intention. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Charié - Il s'agit en effet d'un article additionnel de portée générale, mais mesurez sa dimension ! Il est important d'inscrire dans la loi que l'Etat ou les collectivités locales peuvent soutenir les petites entreprises. Plusieurs lois d'orientation, dans les domaines agricole, de l'éducation nationale ou de la recherche-développement par exemple, ont ainsi une portée générale.

Par ailleurs, si ces amendements n'ont vraiment aucune valeur normative, il est difficile de les rejeter en expliquant qu'on peut prendre les mêmes dispositions par voie réglementaire ! Et je ne crois pas que l'on puisse dire qu'un amendement qui supprime toute discrimination entre la création et le développement des entreprises n'a aucune portée concrète.

Enfin, ces amendements ne créent pas de distorsion. Ainsi, toutes les entreprises artisanales du bâtiment seront soumises aux mêmes dispositions. Ne me faites pas l'injure d'objecter qu'elles créeront une concurrence déloyale vis-à-vis des coiffeurs ! Ceux qui pratiquent la même activité sont inscrits soit au répertoire des métiers, soit au RCS.

Votre refus n'est que la preuve, une nouvelle fois, que vous ne souhaitez rien faire pour le développement des petites entreprises. Vous vous contentez de déclarations d'intention, sans passer aux actes.

L'amendement 92, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 261, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 184, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 165 et 185.

M. Jean-Paul Charié - Les amendements 93 à 96 reprennent chacun une partie de mon précédent amendement. Vous auriez pu en effet, Monsieur le secrétaire d'Etat, être favorable à l'une d'elles mais pas à telle autre. Malheureusement, je vois que vous comptez vous en tenir aux mesurettes de votre projet qui n'est qu'un écran de fumée. Je considère donc mes amendements comme défendus mais j'accuse le Gouvernement...

Mme Monique Denise - Il se prend pour Zola !

M. Jean-Paul Charié - ...de n'en rester qu'aux bonnes paroles.

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour les raisons déjà dites. Les principes affirmés ici relèvent plus de l'exposé des motifs ou du plan de développement que du corps de la loi.

M. le Secrétaire d'Etat - Je n'admets pas la caricature, Monsieur Charié. Les « mesurettes » dont vous parlez ont un coût bien réel. Au lieu de vous plaindre de ce qui ne figure pas dans ce projet, pourquoi ne votez-vous pas ce qui s'y trouve ?

M. Jean-Paul Charié - En tout cas, ce que je propose ici ne coûterait rien mais améliorerait l'environnement des entreprises. D'ailleurs, les communistes sont d'accord, ce qui prouve bien que ce n'est pas un problème de clivage politique.

L'amendement 93, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 94 à 96.

M. Jean-Paul Charié - Il est parfois difficile d'interpréter les textes et règlements. Même les services concernés ont parfois du mal et il arrive qu'ils prennent des décisions différentes selon les départements. Je propose donc, dans mon amendement 57, que chaque entreprise puisse consulter a priori les administrations fiscales ou sociales pour obtenir leur position sur les conséquences fiscales, sociales ou financières d'une opération envisagée. Il s'agit en somme de développer la pratique des rescrits. On rapprocherait ainsi l'administration française, qui est d'une haute qualité, du monde des petites entreprises. Elle est prête à faire cet effort. Je ne vois donc vraiment pas pourquoi vous refuseriez cet amendement, Monsieur le secrétaire d'Etat, à moins que vous préfériez une administration qui sanctionne et qui perquisitionne à une qui conseille.

M. le Rapporteur - Si M. Charié avait été présent en commission lorsque cet amendement a été examiné, il saurait que sa demande est satisfaite dans le plan de développement par la mise en place d'un correspondant fiscal.

M. le Secrétaire d'Etat - Un article de loi n'est pas nécessaire pour définir un engagement de service, qui figure d'ailleurs dans le plan qui accompagne la loi. Il est surprenant que ceux qui nous reprochent de trop légiférer veuillent en même temps encombrer la loi d'articles de principe. La loi doit être moins bavarde.

M. Jean-Paul Charié - Vous avez souvent salué ma bonne foi...

M. le Secrétaire d'Etat - Pas ce soir.

M. Jean-Paul Charié - ...mais pouvez-vous vous-même de bonne foi me reprocher de mettre dans mon amendement quelque chose qui figure déjà, me dites-vous, dans le plan de développement alors que ce document que vous nous aviez promis et que le rapporteur a eu, nous l'attendons toujours, de même d'ailleurs que les projets de décret. L'opposition et la majorité ne sont pas traitées de la même manière. J'ajoute que le correspondant fiscal ne représente qu'une petite partie de ce que nous demandons.

M. Nicolas Forissier - Je souscris aux propos de M. Charié. Nous n'avons pas été associés à ce plan de développement dont on nous parle tant.

Je ne suis pas d'accord avec vous, Monsieur le secrétaire d'Etat. La loi est aussi faite pour poser des principes et elle peut le faire sans être pour autant verbeuse. Il s'agit ici d'affirmer un principe important, celui de la sécurité juridique. Cela ne coûterait rien mais constituerait un geste.

Resterait ensuite à définir par décret les modalités de la réponse de l'administration. On peut en tout cas aller au-delà du correspondant fiscal.

M. le Secrétaire d'Etat - Le plan d'accompagnement est à la distribution et vous l'avez, puisque l'exposé des motifs le reprend intégralement (Protestations sur les bancs du groupe du RPR). Il serait dangereux, Monsieur Charié, de mettre en place le rescrit car l'on risquerait par ce biais de mettre l'administration fiscale en situation d'arbitre entre vendeur et repreneur.

M. Jean-Paul Charié - Mais non !

L'amendement 57, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié - Mieux vaut de toute façon que l'administration soit arbitre avant qu'après, en sanctionnant. Je suis très déçu par vos réponses, Monsieur le secrétaire d'Etat. De toute évidence, vous voulez en rester à votre texte, même quand - je le sens bien - vous approuvez nos amendements.

Mon amendement 55 dit que les positions des administrations fiscales et sociales doivent être harmonisées sur l'ensemble du territoire. On ne peut pas admettre qu'elles fassent des réponses différentes selon les départements. L'entreprise n'a pas à être victime de leurs divergences. Si nous voulons vraiment améliorer l'environnement des petites entreprises, c'est aux administrations de faire un effort. Je propose simplement qu'en cas de désaccord entre deux départements, l'entreprise puisse opposer la position qui lui est la plus favorable et en bénéficier.

M. le Rapporteur - Jean-Paul Charié a un discours imparable : la véhémence, la répétition et la pensée personnelle en lieu et place de ce qu'il croit être celle des autres. L'harmonisation entre les décisions des administrations d'un département à un autre est certes souhaitable, mais comment l'assurer concrètement ? Le texte de l'amendement est d'ailleurs contradictoire : point n'est besoin d'opposer une position à une autre si ces positions sont harmonisées !

M. le Secrétaire d'Etat - Il n'appartient pas aux entreprises d'imposer la norme : l'administration unifie les positions, les tribunaux tranchent le cas échéant : Avis défavorable.

L'amendement 55, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié - Laissez-moi vous citer le cas de cette entreprise qui, exploitant un ballon gonflable au-dessus du château de Chambord, acquittait la TVA de 5,5 % applicable aux activités de tourisme. Ayant étendu son activité à un autre département, elle s'est vu soumettre à une TVA de 20 % et a dû déposer son bilan faute de pouvoir payer.

M. Germain Gengenwin - C'est un cas pour le médiateur !

M. Jean-Paul Charié - L'amendement 56 vise à faire bénéficier le salarié qui démissionne pour créer ou reprendre une entreprise, pendant six mois au plus, des allocations de chômage, dès lors qu'il remplit les conditions d'ouverture des droits et est accompagné par une structure adaptée ou labellisée.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement revient à détourner les fonds de l'assurance chômage. Mieux vaut renforcer comme nous le proposerons les dispositifs d'aide à la création d'entreprise.

M. le Secrétaire d'Etat - Le PARE comporte des dispositions favorables aux créateurs et repreneurs. Les salariés licenciés et ceux qui ont démissionné pour créer leur entreprise peuvent bénéficier du reste de leurs droits aux allocations chômage, selon les conditions fixées par les partenaires sociaux, dans les trois ans qui suivent la démission ou l'échec de l'entreprise.

M. Germain Gengenwin - Le demandeur d'emploi qui crée son entreprise bénéficie des allocations chômage, et le salarié qui démissionne pour faire de même ne reçoit aucune aide. Il faut absolument le soutenir !

M. Nicolas Forissier - Je soutiens cet amendement qui répond à un vrai problème. 14 millions de Français rêvent de créer leur entreprise, 2 millions ont un projet concret, mais les freins à la création d'entreprise restent nombreux. Le bénéfice des allocations chômage pendant six mois les aiderait à franchir le pas. Je rappelle que le PARE ne s'adresse qu'à un public précis.

M. Jean-Paul Charié - Monsieur le ministre, je retirerai mon amendement si vous me confirmez qu'un salarié qui démissionne pour créer son entreprise peut bénéficier, pendant trois ans, si son projet échoue, des allocations chômage.

M. le Secrétaire d'Etat - Il peut les retrouver !

M. Jean-Paul Charié - Ce n'est pas la même chose. Je maintiens donc mon amendement.

L'amendement 56, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 40.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            Louis REVAH

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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