S O M M A I R E

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IV.  des propositions POUR UNE STratégie durable et crédible de l’état en Corse *

A.– un État ferme prêt à sanctionner les infractions aux lois républicaines *

1.– Maintenir le cap de la fermeté *

a) Les manquements les plus graves doivent être rapidement réprimés *

·  Le dossier de la caisse régionale de Crédit agricole doit être instruit sans tarder *

·  L’arme fiscale et financière doit être utilisée de manière offensive *

·  La lutte contre le grand banditisme doit être menée sans faiblesse *

·  Tout accommodement avec les mouvements clandestins prônant la violence doit être banni *

b) Un état des lieux complet est indispensable *

·  La mise en place de missions d’inspection doit être systématique *

·  Le choix de la Chambre régionale des comptes d’orienter ses contrôles sur les grands comptes doit être conforté *

c) L’application du droit de l’urbanisme constitue une priorité *

·  L’État doit définir une doctrine claire en matière de protection du littoral *

·  L’État doit repenser la mise à disposition des collectivités locales de ses services *

·  L’État doit définir une politique pénale de l’urbanisme *

2.  Recomposer, consolider et remobiliser les services de l’État *

a) Recomposer : l’organisation administrative de l’État doit être revue *

·  L’unité de commandement doit être renforcée *

·  La Corse doit bénéficier prioritairement de la modernisation de l’État *

b) Consolider : les services de l’État doivent être renforcés parfois quantitativement et surtout qualitativement *

·  Les manques localisés d’effectifs doivent être comblés *

·  La politique de recrutement doit être repensée *

·  La mobilité des personnels doit être organisée *

c) Remobiliser : les services de l’État doivent pouvoir travailler dans la stabilité *

3.  Redonner à la justice sérénité et crédibilité *

 

IV.  des propositions POUR UNE STratégie durable et crédible de l’état en Corse

Tout au long de ses six mois d’enquête, la commission a cherché à cerner la situation au-delà des péripéties du quotidien. Mais elle a considéré que sa tâche ne pouvait se borner à un simple constat.

Sans prétendre apporter des solutions définitives à des problèmes dont elle a pu mesurer la diversité et la complexité, la commission d’enquête a souhaité dessiner les principales orientations qui, selon elle, doivent inspirer l’action des pouvoirs publics et proposer des mesures concrètes.

Trois impératifs majeurs doivent être retenus et s’inscrire dans la durée, faute de quoi les meilleures intentions perdraient toute crédibilité.

Pour que les Corses reprennent confiance en l’État, il faut qu’ils puissent compter sur son appui ferme et constant dans les missions qui lui incombent : faire respecter par tous les lois républicaines est la première d’entre elles.

Il appartient également aux acteurs locaux d’assumer pleinement les responsabilités qui leur ont été dévolues par le statut de 1991. L’État peut les y aider, dans le respect des compétences de chacun, mais des choix sont à faire qui ne doivent pas être éludés. La préparation du nouveau contrat de plan, les prochaines échéances communautaires peuvent être des moments privilégiés pour dégager des lignes d’action fortes, des priorités et des échéanciers qui permettent aux Corses de savoir où ils vont.

Enfin, pour que ces choix soient compris et acceptés par la population, il importe que celle-ci se reconnaisse dans ceux qui les auront faits. S’il n’est ni utile ni opportun de remettre en chantier le statut de l’île dont il est apparu à la commission d’enquête que les possibilités n’avaient pas été jusqu’ici totalement explorées, il est indispensable que des aménagements puissent être envisagés à plus ou moins longue échéance afin d’améliorer le fonctionnement démocratique des institutions.

 

 

A.– un État ferme prêt à sanctionner les infractions aux lois rÉpublicaines

La commission d’enquête a pu mesurer les dérives constatées depuis des décennies. Ces " mauvaises habitudes " ne changeront pas du jour au lendemain.

Parce que l’État a fait preuve d’une grave inconstance au gré des alternances, des amnisties, des effacements de dettes, des volte-face, l’important aujourd’hui est la durée et la sérénité dans son action. Il s’agit de faire échec à une possible coalition de tous les intérêts " négatifs " qui ne serait rien d’autre qu’une spéculation sur un prochain revirement. Dès lors, il est du devoir de la commission d’appeler solennellement les gouvernements actuel et futurs de la France à " maintenir le cap ".

Il convient également de réaffirmer que l’État de droit, n’est pas l’état d’exception mais la simple norme républicaine. C’est ce que la République doit à l’immense majorité des Corses. Les lois de la République ne sont pas oppressives mais, au contraire, protectrices et libératrices et les Corses ont besoin d’être protégés de la violence.

L’État de droit constitue donc un passage obligé pour l’avenir de l’île, car il ne saurait y avoir de développement durable et équilibré hors du droit.

1.– Maintenir le cap de la fermeté

Beaucoup l’ont dit devant la commission d’enquête, l’œuvre de restauration de l’État de droit demandera beaucoup de temps et donc beaucoup d’efforts. Comme l’a souligné un ministre en exercice, " nous rencontrerons des obstacles, peut-être même devrons nous affronter quelques coups de tabac. Nous subirons même, peut-être, des revers provisoires. Il nous faudra garder le cap. "

Le préfet Claude Erignac avait été nommé sur l’île en janvier 1996 pour initier cette démarche. Il avait choisi de l’engager à un rythme progressif alliant rigueur et pédagogie pour faire sortir la Corse de longues années de dérive.

Comme le soulignait le Président de la République dans le discours qu’il a prononcé lors de l’hommage national à Ajaccio quelques jours après son assassinat, à travers le préfet Claude Erignac c’est " l’État dont il était l’incarnation et le symbole " qui était visé.

Dès lors, ce coup grave porté à la République ne pouvait qu’entraîner une accélération de l’action de redressement entreprise. " La Corse, c’est une succession de moments " a dit un haut fonctionnaire qui connaît bien le dossier.

a) Les manquements les plus graves doivent être rapidement réprimés

La Corse et ses habitants ont trop connu, au cours des dernières décennies, ce que plusieurs témoins ont appelé des " moulinets sécuritaires " ou des " gesticulations ". Il importe donc que l’attente qu’ils manifestent aujourd’hui ne soit pas, une fois de plus, déçue. " Les Corses sont des gens qui vous attendent au tableau d’affichage " a dit un magistrat qui a été en poste sur l’île.

·  Le dossier de la caisse régionale de Crédit agricole doit être instruit sans tarder

La révélation des errements de la caisse régionale de Crédit agricole, en ce qu’elle laisse soupçonner l’existence d’un véritable " système ", constitue sans nul doute l’autre dossier essentiel du moment. Par le nombre des personnes mises en cause, par les responsabilités qu’elles exerçaient ou exercent encore, par l’ancienneté des pratiques mises au jour, ce dossier a pris une importance emblématique. Même si le " temps judiciaire " a son rythme propre, toujours trop lent pour l’observateur extérieur, la justice doit ici aussi passer le plus rapidement possible.

·  L’arme fiscale et financière doit être utilisée de manière offensive

L’arme fiscale et financière a été trop longtemps négligée en Corse.

Depuis 1994, le nombre de plaintes pour fraude fiscale transmises aux parquets d’Ajaccio et de Bastia par les directions des services fiscaux après avis de la commission des infractions fiscales a été, on l’a vu, particulièrement faibles.

Certes, même au niveau national, le nombre de plaintes de ce type ne se compte pas par milliers chaque année. Cependant, dans une île où les manquements à la législation fiscale sont aussi nombreux et où les soupçons de blanchiment d’argent sale existent, l’arme fiscale et, plus largement financière, devrait donner des résultats appréciables. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle M. Gérard Bougrier, ancien préfet délégué pour la sécurité était parvenu, après d’autres, dans une note transmise au cabinet du ministre de l’Intérieur.

L’action en matière fiscale ne se résume pas à la lutte contre la fraude organisée. Elle doit également s’attacher à faire en sorte que l’application de la loi fiscale redevienne en Corse identique à ce qu’elle est dans les autres régions françaises. A cet égard, la mise en œuvre du " plan d’action pour le respect de la loi fiscale en Corse ", que le ministère de l’économie et des finances a défini en octobre 1997 doit être poursuivie. D’autant plus que, d’après les informations transmises à la commission d’enquête, les premiers résultats apparaissent encourageants.

Ce plan comportent 14 mesures, dont 5 d’initiative locale, visant à renforcer et dynamiser l’action des services fiscaux et des services chargés du recouvrement.

PLAN D’ACTION POUR LE RESPECT DE LA LOI FISCALE EN CORSE

 

I) Les mesures d’initiative locale

    • Augmenter la fréquence des contrôles fiscaux sur pièces et sur place.
    • Traiter plus rapidement les déclarations d’impôt sur le revenu.
    • Réduire le nombre de retardataires en TVA.
    • Maintenir, si possible intensifier, le nombre de plaintes pour fraude fiscale.
    • Réduire le volume du courrier non distribué.
    • Coordonner les actions de recouvrement entre la direction de la comptabilité publique et la direction générale des impôts.
    • Améliorer la productivité des postes comptables.
    • Dynamiser le recouvrement contentieux.
    • Renforcer les contrôles en matière de ventes d’alcools.

 

 

II) Les mesures d’initiative nationale

  • Accélérer la reconstruction de la partie démolie de l’hôtel des impôts de Bastia.
  • Consolider ou renforcer les effectifs des deux directions des services fiscaux.
  • Soutenir l’action des agents par des formations adaptées.
  • Procéder à quelques contrôles ciblés effectués par des vérificateurs des directions spécialisées nationales.
  • Faire le point à échéances régulières.

·  La lutte contre le grand banditisme doit être menée sans faiblesse

On l’a vu, la Corse connaît une " dérive mafieuse ". Les observateurs, comme les services de police, signalent l’existence d’un grand banditisme qui, pour être discret, n’en est pas moins actif et constitue l’un des pôles du " système " dont la mise en place commence à s’ébaucher.

L’État a trop longtemps donné l’impression d’être désarmé face à un tel processus. Beaucoup de temps a sans doute été perdu, qui rendra la tâche peut-être plus difficile.

Mais, les nouveaux outils dont il se dote enfin aujourd’hui, au travers notamment du pôle économique et financier et du renforcement des élements spécialisés des services de police et de gendarmerie, doivent servir à ébranler les positions acquises dans la plus parfaite illégalité, avant qu’elles ne soient définitivement consolidées.

En ce domaine plus qu’ailleurs, il n’y a pas de place pour une quelconque résignation.

·  Tout accommodement avec les mouvements clandestins prônant la violence doit être banni

Les contacts et négociations qui se sont noués au fil des années avec tel ou tel groupe nationaliste n’ont jamais abouti à des résultats durables. Cet insuccès a été constaté, qu’il se soit agi d’accorder des solutions institutionnelles, des aides publiques supplémentaires ou des dérogations à la loi commune en contrepartie d’un abandon toujours hypothétique de la violence. Chaque fois, comme l’a dit un ministre devant la commission d’enquête, elles " ont conduit à l’impasse et à la ridiculisation des pouvoirs publics ".

Aujourd’hui, tout préalable institutionnel doit être rejeté, la restauration de l’État de droit ne saurait être partielle ou négociée, et l’efficacité, plus que l’ampleur, de l’effort de solidarité de l’État en faveur de la Corse doit être privilégiée. Il n’y a plus de place pour un quelconque marchandage.

La ligne de conduite est claire. Il importe de s’y tenir.

b) Un état des lieux complet est indispensable

Il ne se passe guère de semaine sans que la presse ne révèle l’arrivée en Corse de telle ou telle mission d’inspection. Depuis celle concernant la caisse régionale de Crédit agricole en avril dernier, leur nombre est impressionnant. Ainsi, par exemple, des enquêtes de l’Inspection générale des affaires sociales sont en cours sur les secteurs de l’emploi, de la formation professionnelle, des hôpitaux et du RMI. D’autres équipes s’attachent à la gestion de la MSA ou de la Chambre d’agriculture de Haute-Corse.

·  La mise en place de missions d’inspection doit être systématique

Il convient de s’en féliciter. Mettre un terme aux dysfonctionnements qui ont conduit la Corse à la situation qu’elle connaît aujourd’hui, suppose, en effet, qu’ils soient d’abord clairement mis au jour et analysés. Aucun aspect de la réalité corse, aucune institution ne doit pouvoir échapper à cet état des lieux indispensable.

D’autant plus indispensable qu’il apparaît que la Corse a paradoxalement été peu visitée au cours des dernières années. De plus, lorsqu’elle l’était, les rapports restaient bien souvent lettre morte ou à peu près.

La commission d’enquête ne partage pas le scepticisme manifesté à cet égard devant elle par un ancien ministre.

Il est par exemple incompréhensible que les services relevant du ministère de la justice n’aient fait l’objet d’aucune inspection générale depuis 1990 alors que le rôle de cette institution est primordial, que le malaise des magistrats qui la composent avait été mis sur la place publique et que son fonctionnement était aussi décrié.

Dès lors, tous les ministères doivent, s’ils ne l’ont déjà fait, programmer le plus rapidement possible des inspections en s’assurant, comme l’a souhaité un haut responsable sur l’île, de " leur vocation opérationnelle sur des points très précis ".

·  Le choix de la Chambre régionale des comptes d’orienter ses contrôles sur les grands comptes doit être conforté

Jusqu’en 1998, il apparaît que la Chambre régionale des comptes avait négligé, dans le cadre de ses contrôles, les collectivités les plus importantes ou qui utilisent les financements les plus conséquents.

Ce choix avait été explicité devant la mission d’information sur la Corse par le précédent président de la Chambre par le souci d’une " démarche pédagogique vis-à-vis des gestionnaires et des comptables publics ", démarche qui, si elle s’est révélée à maints égards positives, a eu l’inconvénient d’être beaucoup trop orientée vers les petites communes.

Ce n’est plus le cas du programme de contrôle que la Chambre a adopté en janvier 1998 pour l’année en cours. Comme l’explique le document publié par la Chambre : " à compter de 1998, la programmation annuelle est une partie d’un programme quadriennal (1998-2001) qui :

    • met la priorité des contrôles sur les grands comptes et les comptes importants de la région, et notamment sur le contrôle approfondi de leur gestion,
    • place en apurement simplifié les comptes retraçant des budgets inférieurs à 5 millions de francs, sauf si le dispositif d’alerte, progressivement mis en place en 1998, montre une situation de certains de ces comptes particulièrement dégradée,
    • traite les saisines budgétaires dans la stricte application de leur cadre législatif et réglementaire, en respectant notamment les délais prescrits,
    • et, au total, permet d’examiner l’ensemble des comptes au cours de la période quadriennale ".

Le programme porte donc sur la gestion passée de grands comptes, dont :

    • pour la Collectivité territoriale de Corse : la Collectivité elle-même et trois de ses offices (office des transports, office d’équipement hydraulique, office de développement agricole et rural) ainsi que la société d’économie mixte Compagnie Corse Méditerranée,
    • pour les communes : Ajaccio (ainsi que le centre communal d’action sociale), Porto-Vecchio, Propriano (ainsi que son port), Calvi, Corte, Aleria, opération du port Toga (concernant Bastia et une commune voisine),
    • pour les Chambres consulaires : la Chambre régionale d’agriculture ainsi que les deux Chambres départementales.

Un magistrat de la Chambre régionale des comptes a expliqué à la commission d’enquête les objectifs poursuivis : La Chambre ne va pas s’orienter vers un contrôle systématique. Dans la situation où se trouve la région, ce n’est pas d’un contrôle systématique dont on a besoin, mais plutôt d’indications et d’informations sur des gestions de secteurs précis des collectivités, pour montrer leurs limites ou leur caractère plus ou moins acceptable. On ne va pas se perdre dans l’examen de secteurs qui ne présenteraient que peu d’intérêt donnant lieu à des lettres d’observations extrêmement lourdes qui ne seraient lues par personne. Il vaut mieux aller à l’essentiel, concentrer l’effort sur des sujets lourds, quitte à revenir quelque temps après, puisqu’en matière de contrôle de gestion, la Chambre n’est pas enserrée dans des exercices, elle peut contrôler les exercices et les thèmes qu’elle souhaite. Cette perspective est retenue par la Chambre, à la fois pour être assez présente dans la collectivité, marquer son territoire et donner des informations précises ".

Pour asseoir la place qu’elle doit occuper, en Corse comme dans les autres régions et pour que l’opinion de l’île soit pleinement informée de la gestion des institutions locales, il apparaît en outre indispensable que la Chambre organise une audience solennelle de rentrée et procède à la publication annuelle de l’ensemble des lettres d’observations ou avis qu’elle aura rendus dans l’année écoulée.

c) L’application du droit de l’urbanisme constitue une priorité

Enjeu majeur pour le développement de l’île dans les années à venir, l’application des règles de l’urbanisme rencontre en Corse de lourdes difficultés mettant en danger les règles de protection du littoral et des espaces montagneux.

·  L’État doit définir une doctrine claire en matière de protection du littoral

Il est essentiel que l’État définisse une doctrine en ce qui concerne les différentes responsabilités dont il a la charge : l’application des lois littoral et montagne et, à travers celles-ci, la préservation des espaces agricoles, sites et paysages, les modalités d’extension de l’urbanisation et la prévention contre les risques naturels (inondations) ou non (incendies de forêt). En effet, l’application moins laxiste de la loi littoral et la définition précise de modalités d’application adaptées aux particularités géographiques locales constitueraient un puissant moyen pour éradiquer les opérations immobilières et touristiques suspectes ou douteuses.

Sans méconnaître les compétences de la Collectivité territoriale en matière de schéma de mise en valeur de la mer, l’État ne doit pas s’interdire d’élaborer sa propre doctrine, quitte à la confronter ensuite avec les autorités territoriales. C’est pourquoi la commission d’enquête préconise de s’inspirer de ce qui a été fait en Martinique ou à la Réunion, où l’État a prêté une assistance technique et juridique forte pour aider ces régions à élaborer leur schéma.

En effet, la mise au point des dispositions du schéma d’aménagement valant schéma de mise en valeur de la mer connaît des difficultés. Après consultations des divers ministères, le préfet de Corse a en effet, en janvier 1998, fait savoir au président du Conseil exécutif, qui les lui avaient transmises en novembre 1997, qu’il ne pouvait les avaliser. Il a estimé que le projet ne comportait aucun périmètre concret en ce qui concerne sa partie terrestre, que des éléments importants d’orientation manquaient et que certaines dispositions apparaissaient contraires à l’esprit de la loi littoral. La position du préfet était confortée par les avis négatifs rendus, chacun de leur côté, par le conseil des sites de la Corse et le Conseil économique, social et culturel de la Corse en décembre 1997.

En matière de documents d’urbanisme, l’État devra également, sur la base des modalités d’application de la loi littoral qu’il se sera fixées, modifier ou réviser ces documents après mise en demeure faite auprès des communes de les mettre en compatibilité, comme le lui autorise le code de l’urbanisme.

Préalable à cette définition des modalités d’application de la loi littoral, l’État doit achever la délimitation du domaine public maritime partout où celle-ci s’avère essentielle, notamment sur les plages.

·  L’État doit repenser la mise à disposition des collectivités locales de ses services

Il importe également que l’État se montre attentif aux conditions dans lesquelles ses services sont amenés à exercer leurs missions pour le compte des collectivités locales, notamment en matière de délivrance des permis de construire.

On sait que les directions départementales de l’équipement instruisent les dossiers de demandes de permis de construire, soit de droit dans les communes dépourvues de POS, soit dans le cadre de conventions qui peuvent être passées avec les communes lorsque celles-ci sont couvertes par un POS

Cette situation peut être source de difficultés et d’ambiguïtés en raison de la proximité qui en résulte entre les services instructeurs d’une part, et les services chargés du contrôle hiérarchique au sein des directions départementales et ceux chargés du contrôle de légalité d’autre part. Il est évident que la crédibilité de l’État peut être entamée et sa responsabilité engagée si un permis de construire, délivré après instruction par ses services, est contesté lors du contrôle de légalité et annulé en justice.

 

·  L’État doit définir une politique pénale de l’urbanisme

Aujourd’hui, le contentieux de l’urbanisme, et en particulier le contentieux pénal, présente de graves dysfonctionnements : nombre relativement faible de procès-verbaux, non-recouvrement des astreintes, non-exécution des décisions de justice – notamment des décisions de démolition, de remise en état des lieux ou de mise en conformité avec la loi -, même si ce dernier point n’est peut-être pas spécifique à la Corse.

Cette politique pénale concerne un grand nombre de services de l’État, qu’il s’agisse de la direction de l’équipement, de la direction de l’environnement, des services d’architecture, des directions de l’agriculture, de la gendarmerie, des comptables publics. Ceux-ci doivent donc être étroitement coordonnés à un niveau qui ne peut être que celui de la préfecture.

L’exécution des décisions de justice en ce domaine, qu’il s’agisse du recouvrement des astreintes ou de la démolition effective des constructions jugées illégales, est une impérieuse nécessité.

De ce point de vue, la commission d’enquête se félicite des mesures prises par les deux préfets de mener, au besoin à l’aide de moyens militaires, la destruction de quelques unes des constructions les plus exemplaires et dont la survie constituait, à l’évidence, une provocation connue de tous.

2.  Recomposer, consolider et remobiliser les services de l’État

Dans la situation que connaît aujourd’hui la Corse, la responsabilité de l’État et de ses services est évidemment engagée. Les carences de l’État sont évidentes et devront être réparées au terme d’une démarche qui ne peut être que de longue haleine. Le choix des hommes, la remise à plat des organisations publiques, les stratégies et les comportements doivent faire l’objet, en Corse, d’attentions constantes.

 

 

a) Recomposer : l’organisation administrative de l’État doit être revue

Face à une Assemblée dotée de pouvoirs, il faut un représentant de l’État doté de moyens " a estimé, devant la commission d’enquête, un ancien ministre de l’Intérieur.

Ce sentiment, que partage la commission, plaide à la fois pour un renforcement de l’unité de commandement et pour la modernisation des services de l’État.

·  L’unité de commandement doit être renforcée

La décentralisation innovante et très poussée qu’a constitué le statut de 1991 aurait dû être accompagnée par une déconcentration plus ambitieuse et surtout par une meilleure coordination de l’activité de l’État entre les mains de son principal représentant, le préfet de Corse. Ce mouvement, qui vaut en Corse comme pour les autres régions françaises, est ici d’autant plus nécessaire que la tâche est difficile et ne souffre guère de dissonances ou de divergences.

Il n’est donc sans doute pas pertinent, à moyen terme, de maintenir la coexistence du préfet de Corse – qui est aussi le préfet de l’un des deux départements - , du préfet du second département, d’un préfet délégué pour la sécurité ainsi que de quatre sous-préfets sur un territoire aussi réduit que la Corse. La qualité des hommes en place n’est pas en cause, mais la dispersion de l’autorité de l’État dans une région où le caractère dissemblable des problèmes entre le nord et le sud n’est pas très marqué est dommageable.

Un premier renforcement des pouvoirs du préfet de région est intervenue récemment sur un point important. Un décret du 3 juin 1998 lui a, en effet, reconnu une responsabilité analogue à celle d’un préfet de zone de défense. Désormais, le ministre de l’Intérieur pourra lui confier la mission de coordonner l’action des préfets sur l’île en matière de sécurité en cas de crise menaçant gravement l’ordre public, nécessitant la mise en œuvre de moyens exceptionnels et affectant plusieurs départements.

La mise en place à terme d’un triptyque préfet de Corse – préfet délégué en Haute-Corse – préfet délégué à la sécurité mériterait d’être étudiée.

Le renforcement de l’unité de commandement passe également par l’organisation des services déconcentrés dans les deux départements.

Déjà aujourd’hui, le directeur régional de l’équipement est aussi directeur départemental pour la Corse-du-Sud. Il en va de même en ce qui concerne les services déconcentrés du ministère de l’agriculture. Par ailleurs, la fusion de la direction départementale des affaires sociales de Corse-du-Sud avec la direction régionale est en cours. Les justifications données par la ministre de l’emploi et de la solidarité dans une lettre au préfet sont particulièrement éclairantes : " le statut particulier de la Corse, qui confie à la Collectivité territoriale des responsabilités importantes, rend nécessaire que l’intervention de l’État soit toujours plus cohérente ". De plus, continue-t-elle, " les régions comportant un petit nombre de départements présentent des caractéristiques permettant d’envisager des modes d’organisation nouveaux ".

C’est précisément cette réflexion sur ce que pourraient être ces nouveaux modes d’organisation que la commission d’enquête appelle de ses vœux. La Corse n’est à l’évidence pas la seule région concernée. Elle pourrait cependant être un bon terrain d’expérimentation. C’est d’ailleurs ce que soulignait également un ancien préfet de Corse entendu par la commission.

Outre la fusion des structures, il serait opportun de procéder à une nouvelle répartition des compétences à l’intérieur même des directions afin de renforcer le contrôle hiérarchique. L’instruction des demandes d’autorisation d’occupation des sols pourrait, par exemple, utilement être reconcentrée soit au siège même de la direction régionale de l’équipement, soit au niveau des arrondissements afin de réduire, autant que possible, les risques de pressions.

·  La Corse doit bénéficier prioritairement de la modernisation de l’État

Dans son rapport sur la consommation des crédits publics en Corse au cours des années 1994 et 1995, le préfet Claude Erignac présentait un certain nombre de propositions de " portée technico-administrative " propres, selon lui, à améliorer la gestion des crédits publics.

Outre la mise au point d’un outil performant de suivi des dépenses de l’État, le préfet plaidait pour une gestion plus souple des délégations de crédits. Celles-ci interviendraient dès le début de l’exercice et devraient s’accompagner d’une marge d’appréciation donnée aux ordonnateurs secondaires délégués dans la gestion de ces crédits. De même, il souhaitait que la Corse puisse expérimenter la possibilité, offerte par une circulaire de 1996, de modifier en cours d’exercice la répartition des crédits inutilisés entre les différents services, évitant ainsi que les crédits non engagés en fin d’exercice ne " retournent " aux administrations centrales.

Le préfet regrettait également l’éclatement des lignes et chapitres budgétaires pour les mêmes actions, qui nuit à la clarté et à l’efficacité des engagements budgétaires. Il estimait qu’un regroupement de ces lignes ou une fongibilité dans leur gestion permettrait d’améliorer la mise en place de certains crédits qui, en Corse, transitent par des circuits complexes.

Le préfet plaidait enfin pour le développement d’une gestion interministérielle des moyens communs à différents services de l’État auprès du préfet de région. Cette gestion interministérielle pourrait porter à la fois sur les allocations d’emplois (concours unique de recrutement pour des postes de catégorie C, capacité conférée au préfet de ré-affectation d’emplois entre les administrations déconcentrées) ou sur les moyens budgétaires interministériels.

Sur ce point, il prônait " la création en Corse, à caractère expérimental, d’un fonds unique placé auprès des préfets, qui regrouperait la quasi-totalité des fonds existants. Utilisable plus rapidement et en tous domaines, en fonctionnement comme en investissement et sans règle d’emploi contraignante a priori, ce fonds permettrait au préfet de Corse, ainsi qu’aux préfets de département selon la nature et le montant des opérations, ainsi que par la voie de délégation aux sous-préfets d’arrondissement, de jouer pleinement leur rôle dans l’animation locale, dans les bassins d’emploi. Ce fonds pourrait être utilisé en complément des interventions de la Collectivité territoriale, ou directement par l’État, seul, en faveur des collectivités locales ou d’entreprises dans le cadre d’une assistance à la maîtrise d’ouvrage et de subventions qui ne fassent pas systématiquement appel à des financements croisés ".

Il s’agit en fait d’améliorer simultanément la réactivité de l’État et sa souplesse d’intervention, ce qui n’est possible, en Corse comme ailleurs, que si les méthodes d’évaluation et de contrôle interne progressent très fortement.

Ces propositions, nourries par les particularités de la situation de l’île, mériteraient de recevoir des administrations centrales une attention favorable. La substitution, à des négociations parfois bureaucratiques, d’une gestion partagée avec Paris sur ces différents sujets éviterait, en effet, aux représentants de l’État en Corse une perte d’énergie et de temps considérable.

b) Consolider : les services de l’État doivent être renforcés parfois quantitativement et surtout qualitativement

On l’a vu, la Corse n’est pas globalement mal dotée en nombre de fonctionnaires. Cependant, cette situation globale n’empêche pas l’existence dans certains domaines de l’action de l’État de manque d’effectifs. De même, les difficultés du recrutement et l’absence de mobilité devraient conduire les administrations centrales à repenser leur politique de gestion des hommes.

·  Les manques localisés d’effectifs doivent être comblés

Au cours de ses investigations, la commission d’enquête a pu constater un certain nombre de manque de moyens dans des domaines essentiels de l’action de l’État. De même, certaines des orientations supposent un renforcement préalable des effectifs.

 Les effectifs spécialisées de la police et de la gendarmerie doivent être renforcés

Si le nombre de membres des forces de l’ordre par rapport au nombre d’habitants fait de la Corse une des régions les mieux dotées du pays, cette situation n’est pas totalement satisfaisante en raison d’une part, du poids trop important des forces non permanentes qui se succèdent au rythme de brèves rotations, et, d’autre part, du manque de personnels dotés de compétences plus spécialisées.

La situation actuelle peut s’avérer en partie satisfaisante en matière de maintien de l’ordre public. Cependant, elle est à l’origine d’insuffisances qui ont été évoquées, à plusieurs reprises, devant la commission d’enquête.

La première de ces insuffisances a des conséquences catastrophiques : il s’agit de celle constatée, hélas, en matière de renseignement. Il en va de même des brigades anti-criminalité, un ancien responsable de l’île ayant confié son regret de ne pas avoir disposé d’effectifs plus importants.

Enfin, il a été souligné à plusieurs reprises l’accaparement des unités de police judiciaire par les affaires en cours, assassinat du préfet Claude Erignac pour la police, affaire du Crédit agricole et attentat de Pietrosella pour la gendarmerie. Leur renforcement par des éléments spécialisés constitue un impératif dans un contexte de probable multiplication des procédures judiciaires.

Dès lors, les efforts consentis par le ministère de la Défense au profit des services de gendarmerie dans l’île méritent d’être mentionnés. En effet, les effectifs de la section de recherche ont été doublés – ils sont passés de 28 à 55 – au point de faire de celle de Corse l’une des plus importantes de France. De même, la création d’une nouvelle unité d’intervention - le groupement de protection et de sécurité – a été récemment annoncée et celle-ci devrait être opérationnelle en septembre. Cette unité, composée de 95 hommes, sera chargée de missions de maintien de l’ordre, de protection de personnalités et de renseignement.

Le fait que cette unité soit constituée, pour environ la moitié de ses effectifs, de gendarmes déjà présents en Corse au sein d’un escadron de gendarmerie mobile dissous en juin dernier, montre que l’efficacité future des services de police et de gendarmerie résultera avant tout d’une restructuration interne et non pas forcément d’un renforcement continu des effectifs globaux.

 

 Les services d’enquête des services fiscaux doivent être étoffés

En raison du souhait de voir l’arme fiscale et financière utilisée de manière plus offensive, le renforcement des moyens des services fiscaux apparaît nécessaire.

Il a été expliqué, à plusieurs reprises à la commission d’enquête, que le rôle des brigades de recherche et de contrôle était inappréciable dans la recherche du renseignement. Or, pour des raisons historiques, ces brigades sont bien moins dotées que leurs homologues du continent.

 Des moyens d’études des services de l’urbanisme doivent être affectés temporairement

La nécessité pour l’État de déterminer une doctrine claire en matière d’urbanisme et d’application de la loi littoral et d’assister la Collectivité territoriale dans la mise au point du schéma d’aménagement suppose un renforcement momentané des services d’études en matière d’urbanisme. Une équipe temporaire composée de plusieurs chargés de mission de haut niveau devrait donc être mise à la disposition de la direction régionale de l’équipement.

·  La politique de recrutement doit être repensée

En Corse, il faut une politique de nomination qui sorte de l’ordinaire " estimait devant la commission d’enquête un magistrat qui a été en poste sur l’île. Il ajoutait qu’ " il faut prendre des professionnels, des gens dont la compétence et le profil forcent le respect ".

Ce constat n’est pas nouveau. Déjà au XIXème siècle, le procureur Mottet notait : " de ce que les fonctions en Corse sont pénibles et périlleuses, (le gouvernement) n’en conclut pas qu’elles méritent de plus grandes récompenses, mais au contraire qu’elles sont d’un rang inférieur. Aussi ne songe-t-il le plus souvent à envoyer en Corse que les hommes de moindre mérite ou même les fonctionnaires qui ont encouru sa disgrâce ".

 Seuls des personnels expérimentés doivent être affectés en Corse

Quelques mesures récentes prises par le gouvernement montrent que celui-ci n’est pas insensible au problème de la qualité des recrutements des responsables administratifs. La trésorerie générale de Corse-du-Sud a ainsi été reclassée en deuxième catégorie (et non plus en quatrième comme auparavant) et le secrétariat général de la préfecture de ce même département en première catégorie. Statutairement, ces reclassements supposent la nomination de personnes d’un rang hiérarchique supérieur et ayant donc plus d’ancienneté.

Mais, plus généralement, il est impossible de continuer à affecter en Corse des personnels qui sortent des écoles et n’ont donc aucune expérience professionnelle. Cette politique a eu des conséquences dommageables en ce qui concerne la justice. Il est donc – a priori – regrettable que les magistrats supplémentaires affectés, cette année, à la Chambre régionale des comptes le soient pour l’un directement à sa sortie de l’école nationale d’administration et pour l’autre, directement issu du tour extérieur.

 Stimuler le volontariat des personnels affectés en Corse

La mise au point de " contrats de carrière ", pour reprendre la formule proposée par le magistrat déjà cité, devrait être de nature à susciter un plus grand nombre de candidatures spontanées ou à éviter trop de refus.

Il s’agirait, en effet, de déterminer avec le candidat la durée prévisible de son séjour en Corse et de définir les conditions du déroulement ultérieur de sa carrière. En effet, poursuivait le magistrat " quelqu’un qui va (…) à Ajaccio ou à Bastia, qui donne le meilleur de lui-même avec une équipe de qualité, doit, à un moment, pouvoir sortir la tête haute et non se faire passer devant par des gens qui ne se sont pas mouillés comme lui pour la République ".

 Les affectations doivent être faites avec prudence

Il ne s’agit pas pour la commission d’enquête de dire, comme elle a pu l’entendre, qu’il ne faut plus nommer de Corses en Corse et jeter ainsi le soupçon sur un certain nombre de nos concitoyens. Le désir de venir " travailler au pays " est tout aussi légitime en Corse que dans le reste de la France.

Cependant, il est des domaines où les conditions d’exercice sont telles que le principe de prudence s’impose dans certains cas. Il s’agit même d’une mesure de protection du fonctionnaire lui-même contre les pressions qu’il pourrait subir dans son travail.

Un ancien ministre a avoué devant la commission d’enquête avoir " refusé de nommer des fonctionnaires corses en Corse ". " Je les écartais même systématiquement. C’était peut-être exagéré, mais je ne pouvais pas faire autrement " a-t-il précisé.

Les fonctions régaliennes de l’État – police, justice – relèvent évidemment de ces domaines où la prudence et le choix raisonné des candidatures s’imposent. D’ailleurs, on peut observer que c’est la méthode choisie par la gendarmerie. Celle-ci, en effet, s’efforce d’éviter d’affecter dans une région quelconque – en Corse comme ailleurs - un gendarme qui y aurait des liens, notamment familiaux, trop importants.

·  La mobilité des personnels doit être organisée

La plupart des rapports d’inspection le soulignent : la rotation trop rapide des fonctionnaires d’autorité (directeurs, adjoints,…) s’accompagnent d’un mobilité quasi inexistante dans les autres échelons de la hiérarchie administrative. Ce n’est certainement pas un problème propre à la Corse. Cependant, il y a des conséquences beaucoup plus dommageables.

Les administrations centrales devront s’attacher à organiser une plus grande mobilité des agents, à quelque niveau de la hiérarchie qu’ils appartiennent. Ce n’est une bonne chose, ni pour l’agent lui-même ni pour le service, de voir des postes occupés par la même personne pendant dix ans, voire des durées supérieures.

Cette mobilité ne signifie pas un retour sur le continent. Elle peut aussi, sans doute plus aisément et de manière plus acceptable pour les personnels, s’effectuer dans l’île dans un autre service ou dans une commune avoisinante.

La mise en place d’une telle politique de mobilité s’avère sans doute plus nécessaire pour les services des ministères des finances ou de l’équipement. On a constaté, par exemple, le rôle essentiel et stratégique joué, en Corse comme ailleurs, par le réseau des comptables publics. L’instauration d’une règle de mobilité au bout d’une certaine durée d’affectation – 5 ans par exemple – constituerait à n’en pas douter un moyen efficace de prémunir les fonctionnaires concernés des pressions de toute nature qui s’exercent régulièrement sur eux.

c) Remobiliser : les services de l’État doivent pouvoir travailler dans la stabilité

Rien ne pourra se faire en Corse sans que l’ensemble des personnels se sentent mobilisés dans le cadre d’une stratégie clairement affichée et conduite dans la durée. Seule cette certitude de la durée et de l’absence de revirement permettra qu’ils remplissent leurs missions avec rigueur et détermination.

La mobilisation des hommes passe aussi parfois par des problèmes d’intendance. La commission d’enquête a pu mesurer la véritable misère matérielle de certains services de l’État, et non des moindres.

Un magistrat d’Ajaccio confiait qu’il avait fallu installer le bureau du nouveau procureur-adjoint qui y avait été nommé…dans la bibliothèque du palais de justice.

Un magistrat de la Chambre régionale des comptes décrit ainsi également les locaux que cette juridiction loue à Bastia : " (ils) sont situés au fin fond d’un quartier de Bastia que personne ne trouve, au-dessus d’un Super-U – on connaît le Super-U, mais pas la Chambre ! L’entrée est située en plein virage et il faut prendre d’infinies précautions avant d’entrer et de sortir ". La commission a pu hélas constater sur place l’exactitude de cette description.

Enfin, comment s’expliquer que la reconstruction de l’hôtel des impôts de Bastia, partiellement détruit par un attentat en décembre 1995, n’a même pas encore commencé, le permis de construire n’ayant été déposé en mairie que le 7 avril dernier ?

Les conditions de vie des fonctionnaires affectés dans l’île mériteraient également d’être améliorées. Il ne s’agit certes pas d’imaginer une nouvelle prime d’insularité mais de s’attacher à résoudre certains problèmes pratiques évoquées par plusieurs personnes entendues : difficultés matérielles rencontrées lors de l’installation sur l’île et faiblement compensées, déplacements entre l’île et le continent pour celles qui y ont notamment laissé leur famille, sécurité des biens personnels…

3.  Redonner à la justice sérénité et crédibilité

La justice aura un rôle éminent à jouer dans la restauration de l’État de droit puisque c’est elle, et elle seule, qui est habilitée à sanctionner pénalement les manquements qui ne relèveraient pas seulement d’un simple dysfonctionnement mais, au contraire, révéleraient des comportements frauduleux et délictueux.

La justice en Corse est en crise. La commission d’enquête a pu le constater d’elle-même. Sa solution réclamera vraisemblablement du temps. Des magistrats nouveaux ont déjà été nommés au cours des tous derniers mois, des magistrats ont été affectés en surnombre.

Au total, sur un effectif budgétaire de 46 magistrats, 50 magistrats seront en poste dans le ressort de la Cour d’appel de Bastia dès le mois d’octobre prochain, soit 4 magistrats en surnombre.

A l’avenir, il conviendra de prendre toutes les dispositions pour assurer la qualité des recrutements ultérieurs et d’explorer les moyens de favoriser une plus grande mobilité des magistrats, y compris s’agissant de ceux du siège.

Un pôle financier sera créé d’ici la fin de l’année à Bastia. Cette décision vivement attendue sur l’île est heureuse. Elle devrait permettre le renforcement de la lutte contre la délinquance économique et financière en Corse.

Comme l’a indiqué la ministre de la Justice après l’audience solennelle d’installation du nouveau procureur général près la Cour d’appel de Bastia, ce pôle sera constitué du procureur général, d’un juge d’instruction spécialisé dans les affaires financières et d’un procureur-adjoint. Il devrait également être renforcé par des assistants spécialisés venant du ministère de l’économie et des finances.

Il est essentiel que ce pôle bénéficie de locaux dont la sécurité soit réellement assurée. L’articulation avec les services de police et de gendarmerie, que l’on aurait pu souhaiter plus intégrés à ce pôle, devra faire l’objet d’une attention particulière.

Ce pôle de lutte contre la délinquance financière devra être à la base d’une étroite coopération entre l’ensemble des institutions qui ont en charge la restauration de l’État de droit. Dans le climat que connaît l’action publique en Corse, les clivages et susceptibilités, qui encombrent trop souvent les procédures judiciaires, sont, plus qu’ailleurs, inacceptables.

Les premières déclarations du nouveau procureur général montrent que telle est bien son intention : " mon but est de parvenir à une parfaite harmonisation des actions judiciaires. Je vais également renforcer les rapports entre la police et la gendarmerie, ainsi qu’avec l’autorité administrative, la Chambre régionale des comptes et les professionnels de la comptabilité. La justice ne peut plus naviguer à vue. Il faut donc que nous ayons des instruments fiables d’évaluation de nos actions ".

 

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B.– Un Etat capable d’accompagner efficacement l’action locale pour le développement de l’île

 

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