Un magistrat de la Chambre régionale des comptes a expliqué à la
commission denquête les objectifs poursuivis : " La
Chambre ne va pas sorienter vers un contrôle systématique. Dans la situation où
se trouve la région, ce nest pas dun contrôle systématique dont on a
besoin, mais plutôt dindications et dinformations sur des gestions de
secteurs précis des collectivités, pour montrer leurs limites ou leur caractère plus ou
moins acceptable. On ne va pas se perdre dans lexamen de secteurs qui ne
présenteraient que peu dintérêt donnant lieu à des lettres dobservations
extrêmement lourdes qui ne seraient lues par personne. Il vaut mieux aller à
lessentiel, concentrer leffort sur des sujets lourds, quitte à revenir
quelque temps après, puisquen matière de contrôle de gestion, la Chambre
nest pas enserrée dans des exercices, elle peut contrôler les exercices et les
thèmes quelle souhaite. Cette perspective est retenue par la Chambre, à la fois
pour être assez présente dans la collectivité, marquer son territoire et donner des
informations précises ".
Pour asseoir la place quelle doit occuper, en Corse comme
dans les autres régions et pour que lopinion de lîle soit pleinement
informée de la gestion des institutions locales, il apparaît en outre indispensable que
la Chambre organise une audience solennelle de rentrée et procède à la publication
annuelle de lensemble des lettres dobservations ou avis quelle aura
rendus dans lannée écoulée.
c) Lapplication du droit de lurbanisme constitue une
priorité
Enjeu majeur pour le développement de lîle dans
les années à venir, lapplication des règles de lurbanisme rencontre en
Corse de lourdes difficultés mettant en danger les règles de protection du littoral et
des espaces montagneux.
· LÉtat doit définir une
doctrine claire en matière de protection du littoral
Il est essentiel que lÉtat définisse une
doctrine en ce qui concerne les différentes responsabilités dont il a la charge :
lapplication des lois littoral et montagne et, à travers celles-ci, la
préservation des espaces agricoles, sites et paysages, les modalités dextension de
lurbanisation et la prévention contre les risques naturels (inondations) ou non
(incendies de forêt). En effet, lapplication moins laxiste de la loi littoral
et la définition précise de modalités dapplication adaptées aux particularités
géographiques locales constitueraient un puissant moyen pour éradiquer les opérations
immobilières et touristiques suspectes ou douteuses.
Sans méconnaître les compétences de la Collectivité territoriale en
matière de schéma de mise en valeur de la mer, lÉtat ne doit pas sinterdire
délaborer sa propre doctrine, quitte à la confronter ensuite avec les autorités
territoriales. Cest pourquoi la commission denquête préconise de
sinspirer de ce qui a été fait en Martinique ou à la Réunion, où lÉtat a
prêté une assistance technique et juridique forte pour aider ces régions à élaborer
leur schéma.
En effet, la mise au point des dispositions du schéma
daménagement valant schéma de mise en valeur de la mer connaît des difficultés.
Après consultations des divers ministères, le préfet de Corse a en effet, en janvier
1998, fait savoir au président du Conseil exécutif, qui les lui avaient transmises en
novembre 1997, quil ne pouvait les avaliser. Il a estimé que le projet ne
comportait aucun périmètre concret en ce qui concerne sa partie terrestre, que des
éléments importants dorientation manquaient et que certaines dispositions
apparaissaient contraires à lesprit de la loi littoral. La position du préfet
était confortée par les avis négatifs rendus, chacun de leur côté, par le conseil des
sites de la Corse et le Conseil économique, social et culturel de la Corse en décembre
1997.
En matière de documents durbanisme, lÉtat devra
également, sur la base des modalités dapplication de la loi littoral quil se
sera fixées, modifier ou réviser ces documents après mise en demeure faite auprès des
communes de les mettre en compatibilité, comme le lui autorise le code de
lurbanisme.
Préalable à cette définition des modalités dapplication de la
loi littoral, lÉtat doit achever la délimitation du domaine public maritime
partout où celle-ci savère essentielle, notamment sur les plages.
· LÉtat doit repenser la mise à disposition des
collectivités locales de ses services
Il importe également que lÉtat se montre
attentif aux conditions dans lesquelles ses services sont amenés à exercer leurs
missions pour le compte des collectivités locales, notamment en matière de délivrance
des permis de construire.
On sait que les directions départementales de léquipement
instruisent les dossiers de demandes de permis de construire, soit de droit dans les
communes dépourvues de POS, soit dans le cadre de conventions qui peuvent être passées
avec les communes lorsque celles-ci sont couvertes par un POS
Cette situation peut être source de difficultés et
dambiguïtés en raison de la proximité qui en résulte entre les services
instructeurs dune part, et les services chargés du contrôle hiérarchique au sein
des directions départementales et ceux chargés du contrôle de légalité dautre
part. Il est évident que la crédibilité de lÉtat peut être entamée et sa
responsabilité engagée si un permis de construire, délivré après instruction par ses
services, est contesté lors du contrôle de légalité et annulé en justice.
·
LÉtat doit définir une politique pénale de lurbanisme
Aujourdhui, le contentieux de lurbanisme, et
en particulier le contentieux pénal, présente de graves dysfonctionnements : nombre
relativement faible de procès-verbaux, non-recouvrement des astreintes, non-exécution
des décisions de justice notamment des décisions de démolition, de remise en
état des lieux ou de mise en conformité avec la loi -, même si ce dernier point
nest peut-être pas spécifique à la Corse.
Cette politique pénale concerne un grand nombre de services de
lÉtat, quil sagisse de la direction de léquipement, de la
direction de lenvironnement, des services darchitecture, des directions de
lagriculture, de la gendarmerie, des comptables publics. Ceux-ci doivent donc être
étroitement coordonnés à un niveau qui ne peut être que celui de la préfecture.
Lexécution des décisions de justice en ce domaine, quil
sagisse du recouvrement des astreintes ou de la démolition effective des
constructions jugées illégales, est une impérieuse nécessité.
De ce point de vue, la commission denquête se félicite des
mesures prises par les deux préfets de mener, au besoin à laide de moyens
militaires, la destruction de quelques unes des constructions les plus exemplaires et dont
la survie constituait, à lévidence, une provocation connue de tous.
2. Recomposer, consolider
et remobiliser les services de lÉtat
Dans la situation que connaît aujourdhui la Corse, la
responsabilité de lÉtat et de ses services est évidemment engagée. Les carences
de lÉtat sont évidentes et devront être réparées au terme dune démarche
qui ne peut être que de longue haleine. Le choix des hommes, la remise à plat des
organisations publiques, les stratégies et les comportements doivent faire lobjet,
en Corse, dattentions constantes.
a) Recomposer : lorganisation administrative de
lÉtat doit être revue
" Face à une Assemblée dotée de
pouvoirs, il faut un représentant de lÉtat doté de moyens " a
estimé, devant la commission denquête, un ancien ministre de lIntérieur.
Ce sentiment, que partage la commission, plaide à la fois pour un
renforcement de lunité de commandement et pour la modernisation des services de
lÉtat.
· Lunité de commandement
doit être renforcée
La décentralisation innovante et très poussée
qua constitué le statut de 1991 aurait dû être accompagnée par une
déconcentration plus ambitieuse et surtout par une meilleure coordination de
lactivité de lÉtat entre les mains de son principal représentant, le
préfet de Corse. Ce mouvement, qui vaut en Corse comme pour les autres régions
françaises, est ici dautant plus nécessaire que la tâche est difficile et ne
souffre guère de dissonances ou de divergences.
Il nest donc sans doute pas pertinent, à moyen terme, de
maintenir la coexistence du préfet de Corse qui est aussi le préfet de lun
des deux départements - , du préfet du second département, dun préfet délégué
pour la sécurité ainsi que de quatre sous-préfets sur un territoire aussi réduit que
la Corse. La qualité des hommes en place nest pas en cause, mais la dispersion de
lautorité de lÉtat dans une région où le caractère dissemblable des
problèmes entre le nord et le sud nest pas très marqué est dommageable.
Un premier renforcement des pouvoirs du préfet de région est
intervenue récemment sur un point important. Un décret du 3 juin 1998 lui a, en effet,
reconnu une responsabilité analogue à celle dun préfet de zone de défense.
Désormais, le ministre de lIntérieur pourra lui confier la mission de coordonner
laction des préfets sur lîle en matière de sécurité en cas de crise
menaçant gravement lordre public, nécessitant la mise en uvre de moyens
exceptionnels et affectant plusieurs départements.
La mise en place à terme dun triptyque préfet de Corse
préfet délégué en Haute-Corse préfet délégué à la sécurité mériterait
dêtre étudiée.
Le renforcement de lunité de commandement passe également par
lorganisation des services déconcentrés dans les deux départements.
Déjà aujourdhui, le directeur régional de léquipement
est aussi directeur départemental pour la Corse-du-Sud. Il en va de même en ce qui
concerne les services déconcentrés du ministère de lagriculture. Par ailleurs, la
fusion de la direction départementale des affaires sociales de Corse-du-Sud avec la
direction régionale est en cours. Les justifications données par la ministre de
lemploi et de la solidarité dans une lettre au préfet sont particulièrement
éclairantes : " le statut particulier de la Corse, qui confie à la
Collectivité territoriale des responsabilités importantes, rend nécessaire que
lintervention de lÉtat soit toujours plus cohérente ". De
plus, continue-t-elle, " les régions comportant un petit nombre de
départements présentent des caractéristiques permettant denvisager des
modes dorganisation nouveaux ".
Cest précisément cette réflexion sur ce que pourraient être
ces nouveaux modes dorganisation que la commission denquête appelle de ses
vux. La Corse nest à lévidence pas la seule région concernée. Elle
pourrait cependant être un bon terrain dexpérimentation. Cest
dailleurs ce que soulignait également un ancien préfet de Corse entendu par la
commission.
Outre la fusion des structures, il serait opportun de procéder à une
nouvelle répartition des compétences à lintérieur même des directions afin de
renforcer le contrôle hiérarchique. Linstruction des demandes dautorisation
doccupation des sols pourrait, par exemple, utilement être reconcentrée soit au
siège même de la direction régionale de léquipement, soit au niveau des
arrondissements afin de réduire, autant que possible, les risques de pressions.
· La Corse doit bénéficier
prioritairement de la modernisation de lÉtat
Dans son rapport sur la consommation des crédits
publics en Corse au cours des années 1994 et 1995, le préfet Claude Erignac présentait
un certain nombre de propositions de " portée technico-administrative "
propres, selon lui, à améliorer la gestion des crédits publics.
Outre la mise au point dun outil performant de suivi des
dépenses de lÉtat, le préfet plaidait pour une gestion plus souple des
délégations de crédits. Celles-ci interviendraient dès le début de lexercice et
devraient saccompagner dune marge dappréciation donnée aux
ordonnateurs secondaires délégués dans la gestion de ces crédits. De même, il
souhaitait que la Corse puisse expérimenter la possibilité, offerte par une circulaire
de 1996, de modifier en cours dexercice la répartition des crédits inutilisés
entre les différents services, évitant ainsi que les crédits non engagés en fin
dexercice ne " retournent " aux administrations centrales.
Le préfet regrettait également léclatement des lignes et
chapitres budgétaires pour les mêmes actions, qui nuit à la clarté et à
lefficacité des engagements budgétaires. Il estimait quun regroupement de
ces lignes ou une fongibilité dans leur gestion permettrait daméliorer la mise en
place de certains crédits qui, en Corse, transitent par des circuits complexes.
Le préfet plaidait enfin pour le développement dune gestion
interministérielle des moyens communs à différents services de lÉtat auprès du
préfet de région. Cette gestion interministérielle pourrait porter à la fois sur les
allocations demplois (concours unique de recrutement pour des postes de catégorie
C, capacité conférée au préfet de ré-affectation demplois entre les
administrations déconcentrées) ou sur les moyens budgétaires interministériels.
Sur ce point, il prônait " la création en Corse, à
caractère expérimental, dun fonds unique placé auprès des préfets, qui
regrouperait la quasi-totalité des fonds existants. Utilisable plus rapidement et en tous
domaines, en fonctionnement comme en investissement et sans règle demploi
contraignante a priori, ce fonds permettrait au préfet de Corse, ainsi quaux
préfets de département selon la nature et le montant des opérations, ainsi que par la
voie de délégation aux sous-préfets darrondissement, de jouer pleinement leur
rôle dans lanimation locale, dans les bassins demploi. Ce fonds pourrait
être utilisé en complément des interventions de la Collectivité territoriale, ou
directement par lÉtat, seul, en faveur des collectivités locales ou
dentreprises dans le cadre dune assistance à la maîtrise douvrage et
de subventions qui ne fassent pas systématiquement appel à des financements croisés ".
Il sagit en fait daméliorer simultanément la réactivité
de lÉtat et sa souplesse dintervention, ce qui nest possible, en Corse
comme ailleurs, que si les méthodes dévaluation et de contrôle interne
progressent très fortement.
Ces propositions, nourries par les particularités de la situation de
lîle, mériteraient de recevoir des administrations centrales une attention
favorable. La substitution, à des négociations parfois bureaucratiques, dune
gestion partagée avec Paris sur ces différents sujets éviterait, en effet, aux
représentants de lÉtat en Corse une perte dénergie et de temps
considérable.
b) Consolider : les services de lÉtat doivent être
renforcés parfois quantitativement et surtout qualitativement
On la vu, la Corse nest pas globalement mal
dotée en nombre de fonctionnaires. Cependant, cette situation globale nempêche pas
lexistence dans certains domaines de laction de lÉtat de manque
deffectifs. De même, les difficultés du recrutement et labsence de mobilité
devraient conduire les administrations centrales à repenser leur politique de gestion des
hommes.
· Les manques localisés
deffectifs doivent être comblés
Au cours de ses investigations, la commission
denquête a pu constater un certain nombre de manque de moyens dans des domaines
essentiels de laction de lÉtat. De même, certaines des orientations
supposent un renforcement préalable des effectifs.
Les effectifs spécialisées de la police et de la gendarmerie doivent être
renforcés
Si le nombre de membres des forces de lordre par
rapport au nombre dhabitants fait de la Corse une des régions les mieux dotées du
pays, cette situation nest pas totalement satisfaisante en raison dune part,
du poids trop important des forces non permanentes qui se succèdent au rythme de brèves
rotations, et, dautre part, du manque de personnels dotés de compétences plus
spécialisées.
La situation actuelle peut savérer en partie satisfaisante en
matière de maintien de lordre public. Cependant, elle est à lorigine
dinsuffisances qui ont été évoquées, à plusieurs reprises, devant la commission
denquête.
La première de ces insuffisances a des conséquences
catastrophiques : il sagit de celle constatée, hélas, en matière de
renseignement. Il en va de même des brigades anti-criminalité, un ancien responsable de
lîle ayant confié son regret de ne pas avoir disposé deffectifs plus
importants.
Enfin, il a été souligné à plusieurs reprises laccaparement
des unités de police judiciaire par les affaires en cours, assassinat du préfet Claude
Erignac pour la police, affaire du Crédit agricole et attentat de Pietrosella pour la
gendarmerie. Leur renforcement par des éléments spécialisés constitue un impératif
dans un contexte de probable multiplication des procédures judiciaires.
Dès lors, les efforts consentis par le ministère de la Défense au
profit des services de gendarmerie dans lîle méritent dêtre mentionnés. En
effet, les effectifs de la section de recherche ont été doublés ils sont
passés de 28 à 55 au point de faire de celle de Corse lune des plus
importantes de France. De même, la création dune nouvelle unité
dintervention - le groupement de protection et de sécurité a été
récemment annoncée et celle-ci devrait être opérationnelle en septembre. Cette unité,
composée de 95 hommes, sera chargée de missions de maintien de lordre, de
protection de personnalités et de renseignement.
Le fait que cette unité soit constituée, pour environ la moitié de
ses effectifs, de gendarmes déjà présents en Corse au sein dun escadron de
gendarmerie mobile dissous en juin dernier, montre que lefficacité future des
services de police et de gendarmerie résultera avant tout dune restructuration
interne et non pas forcément dun renforcement continu des effectifs globaux.
Les services
denquête des services fiscaux doivent être étoffés
En raison du souhait de voir larme fiscale et
financière utilisée de manière plus offensive, le renforcement des moyens des services
fiscaux apparaît nécessaire.
Il a été expliqué, à plusieurs reprises à la commission
denquête, que le rôle des brigades de recherche et de contrôle était
inappréciable dans la recherche du renseignement. Or, pour des raisons historiques, ces
brigades sont bien moins dotées que leurs homologues du continent.
Des moyens détudes des services de lurbanisme doivent être affectés
temporairement
La nécessité pour lÉtat de déterminer une doctrine
claire en matière durbanisme et dapplication de la loi littoral et
dassister la Collectivité territoriale dans la mise au point du schéma
daménagement suppose un renforcement momentané des services détudes en
matière durbanisme. Une équipe temporaire composée de plusieurs chargés de
mission de haut niveau devrait donc être mise à la disposition de la direction
régionale de léquipement.
· La politique de recrutement doit
être repensée
" En Corse, il faut une politique de
nomination qui sorte de lordinaire " estimait devant la commission
denquête un magistrat qui a été en poste sur lîle. Il ajoutait qu
" il faut prendre des professionnels, des gens dont la compétence et le
profil forcent le respect ".
Ce constat nest pas nouveau. Déjà au XIXème
siècle, le procureur Mottet notait : " de ce que les fonctions en Corse
sont pénibles et périlleuses, (le gouvernement) nen conclut pas
quelles méritent de plus grandes récompenses, mais au contraire quelles sont
dun rang inférieur. Aussi ne songe-t-il le plus souvent à envoyer en Corse que les
hommes de moindre mérite ou même les fonctionnaires qui ont encouru sa disgrâce ".
Seuls des personnels expérimentés doivent être affectés en Corse
Quelques mesures récentes prises par le gouvernement
montrent que celui-ci nest pas insensible au problème de la qualité des
recrutements des responsables administratifs. La trésorerie générale de Corse-du-Sud a
ainsi été reclassée en deuxième catégorie (et non plus en quatrième comme
auparavant) et le secrétariat général de la préfecture de ce même département en
première catégorie. Statutairement, ces reclassements supposent la nomination de
personnes dun rang hiérarchique supérieur et ayant donc plus dancienneté.
Mais, plus généralement, il est impossible de continuer à affecter
en Corse des personnels qui sortent des écoles et nont donc aucune expérience
professionnelle. Cette politique a eu des conséquences dommageables en ce qui concerne la
justice. Il est donc a priori regrettable que les
magistrats supplémentaires affectés, cette année, à la Chambre régionale des comptes
le soient pour lun directement à sa sortie de lécole nationale
dadministration et pour lautre, directement issu du tour extérieur.
Stimuler le volontariat des personnels affectés en Corse
La mise au point de " contrats de carrière ",
pour reprendre la formule proposée par le magistrat déjà cité, devrait être de nature
à susciter un plus grand nombre de candidatures spontanées ou à éviter trop de refus.
Il sagirait, en effet, de déterminer avec le candidat la durée
prévisible de son séjour en Corse et de définir les conditions du déroulement
ultérieur de sa carrière. En effet, poursuivait le magistrat " quelquun
qui va (
) à Ajaccio ou à Bastia, qui donne le meilleur de lui-même avec une
équipe de qualité, doit, à un moment, pouvoir sortir la tête haute et non se faire
passer devant par des gens qui ne se sont pas mouillés comme lui pour la République ".
Les affectations doivent être faites avec prudence
Il ne sagit pas pour la commission denquête de
dire, comme elle a pu lentendre, quil ne faut plus nommer de Corses en Corse
et jeter ainsi le soupçon sur un certain nombre de nos concitoyens. Le désir de venir
" travailler au pays " est tout aussi légitime en Corse que dans le
reste de la France.
Cependant, il est des domaines où les conditions dexercice sont
telles que le principe de prudence simpose dans certains cas. Il sagit même
dune mesure de protection du fonctionnaire lui-même contre les pressions quil
pourrait subir dans son travail.
Un ancien ministre a avoué devant la commission denquête avoir " refusé
de nommer des fonctionnaires corses en Corse ". " Je les
écartais même systématiquement. Cétait peut-être exagéré, mais je ne pouvais
pas faire autrement " a-t-il précisé.
Les fonctions régaliennes de lÉtat police, justice
relèvent évidemment de ces domaines où la prudence et le choix raisonné des
candidatures simposent. Dailleurs, on peut observer que cest la méthode
choisie par la gendarmerie. Celle-ci, en effet, sefforce déviter
daffecter dans une région quelconque en Corse comme ailleurs - un gendarme
qui y aurait des liens, notamment familiaux, trop importants.
· La mobilité des personnels doit
être organisée
La plupart des rapports dinspection le
soulignent : la rotation trop rapide des fonctionnaires dautorité (directeurs,
adjoints,
) saccompagnent dun mobilité quasi inexistante dans les autres
échelons de la hiérarchie administrative. Ce nest certainement pas un problème
propre à la Corse. Cependant, il y a des conséquences beaucoup plus dommageables.
Les administrations centrales devront sattacher à organiser une
plus grande mobilité des agents, à quelque niveau de la hiérarchie quils
appartiennent. Ce nest une bonne chose, ni pour lagent lui-même ni pour le
service, de voir des postes occupés par la même personne pendant dix ans, voire des
durées supérieures.
Cette mobilité ne signifie pas un retour sur le continent. Elle peut
aussi, sans doute plus aisément et de manière plus acceptable pour les personnels,
seffectuer dans lîle dans un autre service ou dans une commune avoisinante.
La mise en place dune telle politique de mobilité savère
sans doute plus nécessaire pour les services des ministères des finances ou de
léquipement. On a constaté, par exemple, le rôle essentiel et stratégique joué,
en Corse comme ailleurs, par le réseau des comptables publics. Linstauration
dune règle de mobilité au bout dune certaine durée daffectation
5 ans par exemple constituerait à nen pas douter un moyen efficace de
prémunir les fonctionnaires concernés des pressions de toute nature qui sexercent
régulièrement sur eux.
c) Remobiliser : les services de lÉtat doivent
pouvoir travailler dans la stabilité
Rien ne pourra se faire en Corse sans que
lensemble des personnels se sentent mobilisés dans le cadre dune stratégie
clairement affichée et conduite dans la durée. Seule cette certitude de la durée et de
labsence de revirement permettra quils remplissent leurs missions avec rigueur
et détermination.
La mobilisation des hommes passe aussi parfois par des problèmes
dintendance. La commission denquête a pu mesurer la véritable misère
matérielle de certains services de lÉtat, et non des moindres.
Un magistrat dAjaccio confiait quil avait fallu installer
le bureau du nouveau procureur-adjoint qui y avait été nommé
dans la bibliothèque
du palais de justice.
Un magistrat de la Chambre régionale des comptes décrit ainsi
également les locaux que cette juridiction loue à Bastia : " (ils) sont
situés au fin fond dun quartier de Bastia que personne ne trouve, au-dessus
dun Super-U on connaît le Super-U, mais pas la Chambre ! Lentrée
est située en plein virage et il faut prendre dinfinies précautions avant
dentrer et de sortir ". La commission a pu hélas constater sur place
lexactitude de cette description.
Enfin, comment sexpliquer que la reconstruction de lhôtel
des impôts de Bastia, partiellement détruit par un attentat en décembre 1995, na
même pas encore commencé, le permis de construire nayant été déposé en mairie
que le 7 avril dernier ?
Les conditions de vie des fonctionnaires affectés dans lîle
mériteraient également dêtre améliorées. Il ne sagit certes pas
dimaginer une nouvelle prime dinsularité mais de sattacher à résoudre
certains problèmes pratiques évoquées par plusieurs personnes entendues :
difficultés matérielles rencontrées lors de linstallation sur lîle et
faiblement compensées, déplacements entre lîle et le continent pour celles qui y
ont notamment laissé leur famille, sécurité des biens personnels
3. Redonner à la justice
sérénité et crédibilité
La justice aura un rôle éminent à jouer dans la
restauration de lÉtat de droit puisque cest elle, et elle seule, qui est
habilitée à sanctionner pénalement les manquements qui ne relèveraient pas seulement
dun simple dysfonctionnement mais, au contraire, révéleraient des comportements
frauduleux et délictueux.
La justice en Corse est en crise. La commission denquête a pu le
constater delle-même. Sa solution réclamera vraisemblablement du temps. Des
magistrats nouveaux ont déjà été nommés au cours des tous derniers mois, des
magistrats ont été affectés en surnombre.
Au total, sur un effectif budgétaire de 46 magistrats, 50 magistrats
seront en poste dans le ressort de la Cour dappel de Bastia dès le mois
doctobre prochain, soit 4 magistrats en surnombre.
A lavenir, il conviendra de prendre toutes les dispositions pour
assurer la qualité des recrutements ultérieurs et dexplorer les moyens de
favoriser une plus grande mobilité des magistrats, y compris sagissant de ceux du
siège.
Un pôle financier sera créé dici la fin de lannée à
Bastia. Cette décision vivement attendue sur lîle est heureuse. Elle devrait
permettre le renforcement de la lutte contre la délinquance économique et financière en
Corse.
Comme la indiqué la ministre de la Justice après
laudience solennelle dinstallation du nouveau procureur général près la
Cour dappel de Bastia, ce pôle sera constitué du procureur général, dun
juge dinstruction spécialisé dans les affaires financières et dun
procureur-adjoint. Il devrait également être renforcé par des assistants spécialisés
venant du ministère de léconomie et des finances.
Il est essentiel que ce pôle bénéficie de locaux dont la sécurité
soit réellement assurée. Larticulation avec les services de police et de
gendarmerie, que lon aurait pu souhaiter plus intégrés à ce pôle, devra faire
lobjet dune attention particulière.
Ce pôle de lutte contre la délinquance financière devra être à la
base dune étroite coopération entre lensemble des institutions qui ont en
charge la restauration de lÉtat de droit. Dans le climat que connaît laction
publique en Corse, les clivages et susceptibilités, qui encombrent trop souvent les
procédures judiciaires, sont, plus quailleurs, inacceptables.
Les premières déclarations du nouveau procureur général montrent
que telle est bien son intention : " mon but est de parvenir à une
parfaite harmonisation des actions judiciaires. Je vais également renforcer les rapports
entre la police et la gendarmerie, ainsi quavec lautorité administrative, la
Chambre régionale des comptes et les professionnels de la comptabilité. La justice ne
peut plus naviguer à vue. Il faut donc que nous ayons des instruments fiables
dévaluation de nos actions ".