TOME III (volume 1)
Perrier Vittel

Audition de la direction (Partie 2)

Audition de MM. Hans Dieter KALSCHEUER,
Président,

Alain DORFNER,
Directeur général,

Daniel ROLLAND,
Directeur financier

et Christian RUFFAT,
Directeur général des ressources humaines

chez PERRIER VITTEL

(extrait du procès-verbal de la séance du 9 mars 1999)

Présidence de M. Alain FABRE-PUJOL, Président

MM. Hans Dieter Kalscheuer, Alain Dorfner, Daniel Rolland et Christian Ruffat sont introduits.

M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête leur ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. Hans Dieter Kalscheuer, Alain Dorfner, Daniel Rolland et Christian Ruffat prêtent serment.

En Europe, nous avons des implantations dans toute l'Europe de l'Ouest, sauf en Hollande. Nous en possédons également en Roumanie, en Pologne et en Grèce. Notre présence est particulièrement forte en Italie et en France, où sont mentionnées nos sources principales.

Sur la page suivante, vous trouvez l'évolution des ventes d'eau embouteillée dans le monde. Vous noterez qu'en France elles sont stables, environ 1,9 milliard de cols. Au total, près de 9 milliards de cols sont vendus dans le monde, en forte augmentation depuis 1992. Depuis cette date, nous avons développé assez fortement nos affaires, notamment en 1998 avec l'acquisition de San Pellegrino.

Entre 1993 et 1998, nous passons ainsi de 5,9 à 9,8 milliards de litres, grâce à un très fort développement aux Etats-Unis et en Italie, dû à l'acquisition de San Pellegrino. En France et en Allemagne, pays où nous étions particulièrement bien implantés dans le passé, nous avons subi une retombée des ventes : ces deux pays n'ont pas connu la même croissance que les autres.

En France, nous avions déjà, dès 1993, une très forte consommation de près de 110 litres par habitant. C'est surtout la distribution qui a changé et les premières marques ont gagné beaucoup de parts de marché durant cette période.

Je voudrais maintenant faire le point sur notre stratégie de marques et nos priorités de développement par zone.

Notre stratégie s'appuie tout d'abord sur nos quatre marques premium internationales : Perrier et Vittel, les deux marques françaises, et San Pellegrino et Panna qui sont des marques italiennes. Vittel et San Pellegrino le sont dans 60 et nous travaillons à élargir l'implantation de Panna.

Nous sommes en train de développer une marque d'eau de boisson mondiale appelée Nestlé Pure Life. Nous avons commencé il y a trois mois, au Pakistan, nous continuons le mois prochain au Brésil. Il s'agit d'une eau de boisson traitée qui présente de multiples qualités : elle est bonne, saine, équilibrée. Sa sécurité est garantie, son prix de vente moyen, abordable pour les consommateurs. Son embouteillage local et sa commercialisation visent les pays émergents.

Ce n'est pas en contradiction avec les politiques d'exportation de nos marques internationales mais il est impossible de les vendre au même prix à quelques milliers de kilomètres, étant donné les coûts, de transport notamment. Or, il faut aussi que les consommateurs, dans les pays émergents, puissent acheter des eaux abordables et de bonne qualité.

Une troisième stratégie porte sur les marques locales d'origine contrôlée : les eaux minérales naturelles qui bénéficient d'une forte notoriété locale. Le coût de vente est, en général, élevé et elles présentent une bonne rentabilité.

Quant à notre stratégie de développement par zone, nous devons évidemment rééquilibrer un peu nos ventes et asseoir notre présence, notamment en Asie (Chine, Indonésie, Thaïlande, Pakistan, Inde, Vietnam et Philippines) ; en Amérique Latine  (Brésil, pays du Mercosur, Mexique) ainsi qu'en Europe de l'Est.

J'en ai fini avec la description de notre société Perrier-Vittel S.A.

Monsieur Dorfner, pourriez-vous nous faire un bref résumé sur Perrier-Vittel France ?

M. Alain DORFNER : Quelques mots sur l'entreprise, le marché des eaux embouteillées en France et la stratégie de l'entreprise sur son marché.

Perrier-Vittel France, qui emploie près de 4 000 personnes, a obtenu en 1998 un chiffre d'affaires de 4,4 milliards de francs, dont environ 20 % réalisés à l'export.

Son activité essentielle consiste à gérer des ressources d'eaux minérales naturelles, à les embouteiller et les commercialiser. En 1998, les ventes totales en France et à l'export ont représenté 2,3 milliards de bouteilles, dont 1,7 ont été vendues en France via huit marques, toutes distribuées sur le territoire français et qui offrent un portefeuille complet à nos consommateurs et à nos clients.

Comme les eaux minérales naturelles, les eaux de source sont soumises à une obligation d'embouteillage sur le lieu d'émergence. Les marques de Perrier-Vittel France sont réparties sur quatre sites d'embouteillage :

- l'usine de Vittel, qui embouteille les marques Vittel, Hépar et l'eau de Source Vitelloise ;

- l'usine de Contrexéville qui embouteille la marque Contrex ;

- l'usine de Vergèze qui embouteille la marque Perrier ;

- l'usine de Quézac, en Lozère, inaugurée en 1995, qui embouteille une eau minérale naturelle gazeuse, lancée nationalement la même année.

Les marques Valvert et San Pellegrino, les deux dernières, sont embouteillées respectivement en Belgique et en Italie et représentent environ 7,5 % des ventes sur le territoire français, en nombre de bouteilles.

Deux activités complémentaires sont regroupées sous différentes filiales :

- la Verrerie du Languedoc, qui fabrique sur le site de Vergèze les bouteilles de verre, consignées ou perdues, pour Perrier et dont l'effectif est d'environ 550 personnes ;

- les stations thermales et touristiques de Vittel et de Contrexéville qui emploient une quarantaine de personnes.

Sur quel marché travaillons-nous ? La France est l'un des trois plus importants d'Europe, avec l'Allemagne et l'Italie. La consommation annuelle en 1998 est estimée à près de 7 milliards de litres. Ce volume est à 80 % composé d'eau plate, à l'inverse du marché allemand.

L'évolution de ce marché, qui était de l'ordre de +15 % par an pendant les années 1989-1990, s'est maintenant ralentie autour de +3 ou 4 % suivant les années.

La distribution de ce volume jusqu'aux consommateurs, qui correspond à environ 5,4 milliards de cols (c'est-à-dire de bouteilles), se partage entre la distribution alimentaire en grandes et moyennes surfaces, pour environ 85 %, essentiellement en emballages perdus, et la consommation hors domicile, cafés et hôtels, restaurants, l'eau étant livrée en bouteilles de verre consignées.

La concurrence la plus agressive s'est développée sur le principal segment des eaux plates en grande surface, qui représente 3,5 milliards de bouteilles par an. Au cours des dix dernières années, des eaux de source à prix bas - en général autour de 1 franc le litre et demi qui doit être comparé à plus de 3 francs pour les eaux de marque - se sont développées sous l'impulsion de beaucoup d'entreprises mais surtout de deux groupes, récemment alliés : celui de Pierre Castel et celui de Pierre Papillaud.

Sur cette période, l'ensemble des marques nationales a perdu près de 20 points de parts de marché. Pour ce qui concerne nos marques, en huit ans, Vittel et Contrex ont perdu plus de 5 points de parts de marché.

Les marques à bas prix, les marques de distributeurs et les marques régionales représentent la moitié du marché des eaux plates, avec une part qui ne cesse de grandir de 1,5 à 2 points de parts de marché par an. Peu de personnes savent que la marque leader en hypermarché est l'eau Cristalline : elle est embouteillée par ces deux groupes et vendue autour d'un franc la bouteille d'un litre et demi.

L'investissement, signalé dans le rapport de la commission d'enquête, de plus de 600 millions de francs, a été réalisé entre 1995 et 1998, dans les usines de Vittel et de Contrexéville, pour changer le matériau composant les bouteilles, ce qui n'a représenté en fait qu'un avantage fugitif, puisque ce nouveau matériau s'est rapidement généralisé à tous les sourciers sur le territoire français.

Etant donnée cette situation, comment avons-nous défini les stratégies de l'entreprise ?

En 1993, au moment de la création du groupe, nous avions deux objectifs.

Le premier était de maintenir nos parts de marché en France, malgré des risques évidents, liés à la fusion des sociétés Vittel et GGS, la société du Groupe Perrier. Nous y sommes parvenus en définissant, le plus précisément possible notre "positionnement" par rapport aux marques concurrentes : Hépar par rapport à Vittel ou cette dernière marque par rapport à Contrex, et en complétant notre gamme, par une série de nouvelles marques : la marque Valvert, puis San Pellegrino et enfin Quézac.

Notre deuxième objectif consistait à trouver une solution qui fût à la fois humaine et économique à la situation dramatique du site de Perrier à Vergèze. Après plusieurs phases et une difficile adaptation de l'outil industriel, nous sommes sur une voie qui, à la suite d'un accord social récent, nous permet d'espérer aujourd'hui la suppression progressive des pertes d'exploitation et un avenir durable pour la marque Perrier.

A l'heure actuelle, nous concentrons en effet nos efforts et nos moyens sur nos trois marques majeures - Perrier, Vittel et Contrex -, qui représentent 75 % des nos ventes en France et l'essentiel de nos ventes à l'export, au travers de quatre stratégies principales :

- concentration sur le développement des ventes de Perrier. Nous avons créé un secteur spécifique à cette dernière marque, c'est-à-dire un responsable et une équipe qui ont les moyens de développer les ventes de Perrier dans tous les pays du monde ; c'est donc une organisation transversale,

- des efforts continus et réguliers en matière d'amélioration de la productivité, en particulier sur les sites lourds de production comme Vittel, Contrex et Vergèze, afin d'arriver à maîtriser cet écart de prix pour les consommateurs et supporter la pression de la grande distribution,

- maintenir un niveau d'investissement soutenu en marketing, c'est-à-dire promotion, publicité et sponsoring, afin de consolider en permanence l'image de nos marques, de soutenir la demande de nos consommateurs et de justifier auprès du plus grand nombre possible de clients le fait de payer trois fois plus pour l'une de nos marques que pour une autre marque d'eau plate disponible sur le marché,

- accorder la priorité à l'innovation pour enrichir nos gammes en permanence, par la création de produits à plus forte valeur ajoutée. Par exemple, nous avons créé, pour Vittel, un bouchon « sport », adaptation du bouchon des gourdes des cyclistes, qui a obtenu un grand succès. Nous travaillons à l'adéquation du contenant avec son usage : nous lançons, dans deux mois, une bouteille de Contrex d'un litre et non plus un litre et demi, pour les dames qui ont l'habitude de l'amener à leur travail ; nous proposons de nouveaux modes de consommation aux enfants, comme le P'tit Vittel, mélange de sirop et d'eau de Vittel, qui est une sorte de brique avec une paille.

Pour conclure, le marché sur lequel nous évoluons nous impose d'atteindre nos objectifs dans ces quatre directions si nous voulons améliorer un rentabilité qui n'est pas très brillante en France, maintenir notre position de leader et notre niveau d'activité.

M. le Rapporteur : L'activité eau mobilise, à l'évidence, depuis plusieurs années, beaucoup de trésorerie en raison d'investissements très lourds.

Le groupe Nestlé s'est-il fixé une échéance pour que l'activité soit génératrice de profits ? Si c'est le cas, croyez-vous qu'elle puisse être tenue alors que le marché est de plus en plus concurrentiel et difficile, et que le pouvoir de la grande distribution, que vous avez évoqué tout à l'heure, vient peser sur les marges ?

Ma deuxième question portera sur les aides. Quel est le montant des subventions d'investissement et d'exploitation que le groupe a perçu en France depuis 1992 ? Quelles sont les aides fiscales, les dégrèvements fiscaux dont le groupe a bénéficié depuis cette date ?

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Pour la première question, je peux vous répondre que, naturellement, la patience des actionnaires a des limites. Nous avons eu, en particulier en France, un cash flow négatif considérable depuis 1992.

Pour cette raison, comme M. Dorfner l'a décrit, nous avons mis en place des programmes qui devraient améliorer la situation par des investissements mais également par une diminution des coûts de gestion courants.

Or aujourd'hui, nous avons été informés du résultat, très désagréable, d'un jugement rendu à Nancy, qui condamne une externalisation que nous avions réalisée.

La vie et les circonstances changent, des spécialisations se développent dans le monde entier. Si la France est le seul pays où l'on ne peut pas faire d'externalisation, de changements de structure, nous serons contraint de ne pouvoir rester en France si elle nous impose d'y maintenir des structures dépassées.

Cela dit, nous n'avons pas fixé de date pour un éventuel départ de France car nous avons toujours l'espoir de pouvoir trouver des accords raisonnables permettant de continuer à travailler, comme nous en avons trouvés à Vergèze.

Quant à la deuxième question, je demande à monsieur M. Rolland d'y répondre, s'il a les informations nécessaires.

M. Daniel ROLLAND : Votre deuxième question portait sur les subventions d'investissement. En fait, sur l'activité eau minérale, nous n'avons pas reçu de subventions d'investissement depuis 1992.

Pour être complet toutefois, je précise que, dans le groupe, nous avons d'autres activités, et je signale que le Casino de Contrexéville, qui fait partie du groupe, a reçu 3,1 millions de francs de l'Etat par une réduction de la taxe sur les jeux, qui était conditionnée par la rénovation hôtelière que nous avons réalisée en 1995.

Pour la Verrerie du Languedoc, nous avons touché près de 1 million de francs de l'ADEME, dans le cadre de la protection de l'environnement.

Mais pour notre activité proprement dite, il n'y a pas de subventions d'investissement.

M. le Rapporteur : Des dégrèvements fiscaux ?

M. Daniel ROLLAND : Je n'en vois pas : vous devez savoir que nous participons à l'intégration fiscale de Nestlé Entreprise, mais pour nous, c'est une opération totalement neutre dans la mesure où nous payons nos impôts à la société tête d'intégration au lieu de les verser au Trésor public. Il n'y a pas d'aide particulière à ce titre. Nous utilisons le report déficitaire.

M. le Rapporteur : Donc, la maison-mère déduit vos éventuels déficits de ses résultats.

J'en reviens au jugement dont vous avez parlé tout à l'heure. Il est intervenu très récemment, si j'ai bien compris.

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Aujourd'hui même.

M. Christian RUFFAT : Nous avons eu le résultat d'une procédure d'appel à la suite de la plainte des organisations syndicales relative à l'externalisation lancée il y a un an à Contrexéville concernant un atelier qui faisait du tri de palettes. En première instance, nous avons eu raison mais la Cour d'appel nous a donné tort et nous avons donc l'obligation de continuer sur la base des contrats de travail conclus antérieurement.

Nous ne connaissons pas les motivations car nous n'avons pas encore reçu la décision officielle.

M. Christian FRANQUEVILLE : Je viens d'apprendre, et vous venez de nous le confirmer, que la Cour d'appel de Nancy demande la réintégration des salariés, en affirmant que l'article L.122-12 du Code du travail ne s'applique pas à cette externalisation.

J'ai eu l'occasion de parler avec les dirigeants de votre société, plus particulièrement ceux de Vittel, notamment avec M. Dorfner, qui nous ont toujours dit combien votre société était attachée à sa spécialisation dans la production et la commercialisation de l'eau et qu'elle souhaitait impérativement se désengager de métiers qui ne sont pas les siens.

Aujourd'hui, ce jugement de la Cour d'appel de Nancy remet en cause votre stratégie. Je souhaiterais que vous nous disiez quelles peuvent être les conséquences d'une telle décision, même si, vous nous l'avez dit tout à l'heure, vous avez quelques états d'âme.

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Je ne peux encore rien vous dire sur ce sujet, nous ne savons pas ce qu'il est possible de faire pour régler ce problème. Nous devons voir si nous pouvons maintenir les mêmes objectifs avec un traitement différent de cette affaire.

M. Alain DORFNER : Pour replacer cette affaire dans un cadre plus général, il s'agit de la décision prise de confier la gestion des palettes qui supportent nos produits lors de leur transport vers les clients, d'un système que nous gérions en propre à un système de palettes louées, comme cela se pratique de plus en plus en Europe. Cette décision est prise, elle est en application et ne peut être changée sans remettre en cause le fonctionnement de l'entreprise.

Aujourd'hui, nous n'avons pas la solution, mais il faudra en trouver une. Il s'agit de savoir comment faire pour que notre partenaire, L.P.R., puisse continuer à fonctionner avec les salariés qui venaient de notre groupe et que nous sommes dans l'obligation de reprendre sur la base de leurs contrats de travail.

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Si des jugements pareils devaient continuer ils nous obligeraient à conserver des activités non conformes aux demandes commerciales, et il nous faudrait fermer l'usine, car les clients n'accepteraient pas des palettes non conformes à leurs demandes.

Ce jugement est tellement ridicule que nous ne pouvons qu'en être surpris.

M. Christian FRANQUEVILLE : Il est bien naturel que ce problème de tri et de réparation de palettes vous préoccupe au plus haut point aujourd'hui. Ma question était d'ordre plus général puisque vous avez d'autres activités, notamment hôtelières, un casino : cette décision de justice remet-elle en cause l'ensemble de votre stratégie ?

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Cela ne remet pas en cause notre stratégie. Nous voulions faire comme en 1972, quand nous nous avons signé un contrat avec le Club Méditerranée pour les hôtels.

Aujourd'hui, ce type d'opération ne serait plus possible, il faudrait donc fermer les hôtels et les laisser à l'abandon ! Pour nous actuellement, gérer des hôtels, sans appartenir à une association comme le Club n'est pas possible. Voilà pourquoi nous avons externalisé les hôtels en 1972 : les employés de ces hôtels ne sont donc plus les nôtres.

M. Alain DORFNER : Il en est ainsi à Vittel, en effet.

M. Hans Dieter KALSCHEUER : A Contrex, c'est différent, nous assurons toujours la gestion de l'établissement. Si nous trouvons quelqu'un qui soit prêt à gérer l'hôtel, j'espère que nous aurons les mêmes possibilités qu'en 1972 à Vittel.

M. le Président : Pour ce qui concerne les externalisations, vous nous dites que votre métier consiste à traiter les eaux minérales, à embouteiller, à vendre, mais aussi à conditionner. Vous vous heurtez à un problème relatif au traitement des palettes, mais cela ne fait-il pas partie de votre métier de base ?

Les externalisations touchent souvent à la restauration, au nettoyage : êtes-vous dans cette situation et quelles sont, le cas échéant, vos relations avec ceux qui deviennent ainsi vos sous-traitants ?

D'ailleurs, Perrier-Vittel n'est-il pas finalement un exemple majeur d'externalisation d'une partie des activités d'une multinationale ?

M. Hans Dieter KALSCHEUER : M. Dorfner répondra à la plupart de vos questions. Toutefois, je tiens à souligner un point : dans le commerce d'alimentation, la plupart des pays utilisent des pools de palettes et nos clients - le commerce d'alimentation - exigent, de plus en plus, de travailler avec des palettes en plastique qui sont plus faciles à manipuler que celles qui sont en bois. Or il ne nous est pas possible de créer nos propres palettes en plastique et des pools de palettes. Ce matériel ne peut être fabriquée que par des sociétés spécialisées comme L.P.R.

Si nous devions garder des palettes en bois, ce serait nous obliger à travailler comme au siècle dernier. Nous ne pouvons pas produire des palettes en plastique chez nous. Il s'agit d'un métier complètement différent du nôtre.

Nous sommes soumis à de nombreux changements. Nous ne pouvons pas attendre, sinon il sera trop tard et on pourra nous reprocher, en terme de management, de ne pas avoir fait à temps ce qui était nécessaire.

M. le Rapporteur : Quel est le différentiel de coût entre vos palettes et celles de L.P.R. ? J'ai le sentiment que ce problème est mineur...

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Ce n'est pas un problème de coût, mais de principe, en effet, les palettes en plastique et celles en bois sont des éléments complètement différents. Si le commerce exige des palettes en plastique, nous ne pouvons pas livrer avec des palettes en bois.

M. le Rapporteur : L'externalisation qui a eu lieu avait-elle pour objectif de servir les clients ? L'entreprise ainsi créée, livrait-elle d'autres clients que vous ?

M. Alain DORFNER : L.P.R est une entreprise concurrente d'une autre entreprise qui gère des pools de palettes, livre et reprend des palettes dans tous les points de vente de France. Elle est obligée d'avoir d'autres clients, sinon elle ne pourrait pas vivre. En fait, L.P.R. a aussi Heineken pour client et il intervient sur une autre partie du marché de l'eau puisque je crois qu'elle fait partie du groupe Castel.

Ce problème est important car la tendance est à la normalisation des éléments qui servent à la grande distribution. Dans les années qui viennent, nous aurons à gérer un autre problème lié aux palettes. Pour l'instant, deux dimensions sont utilisées en Europe mais, un jour, il n'y en aura plus qu'une.

Le passage à la palette européenne, qui n'est pas celle que nous utilisons, va générer des modifications lourdes dans nos usines, qui seraient encore plus importantes si nous avions gardé notre ancien parc de palettes.

Il existe parfois des cas où nous élargissons et que nous considérons comme le coeur de nos métiers.

Les efforts qui ont porté sur Vittel, Perrier et Contrex font que l'entreprise a développé des métiers nouveaux, pour maintenir la qualité de l'eau dans les vingt ans qui viennent. Comme la qualité de l'eau est fonction des pratiques agricoles qui ont cours sur le territoire du bassin de recueillement, nous avons développé des activités et même des entreprises qui s'en occupent. Il n'y a pas seulement un mouvement de repli sur le c_ur de notre métier. Il y a parfois des élargissements.

Un dernier point sur les pratiques d'externalisation : nous pensons que le transfert de l'un de nos métiers vers l'extérieur peut se faire de différentes façons : soit en nous adressant à d'autres sociétés, soit en prenant en charge des personnes de l'entreprise pour les transférer vers des prestataires avec qui nous passons un contrat à long terme. C'est cette dernière solution que nous avions l'intention d'adopter, or, vraisemblablement, nous ne pourrons pas le faire.

M. Jean LAUNAY : Nous concevons, après lecture des tableaux que vous nous avez remis tout à l'heure, que le marché est éclaté puisque Perrier-Vittel et Danone en représentent 25 %. Les autres groupes ne sont pas cités, qu'en est-il du reste de la concurrence ? Tout cela conditionne-t-il déjà pour vous les stratégies de conquêtes, de regroupements ou d'alliances ?

Que pouvez-vous dire de l'un des derniers axes que vous avez évoqués, c'est-à-dire la stratégie de développement par zone ? Allez-vous vous appuyer davantage, pour essayer de les pénétrer, sur la production de certains sites de ces pays, en essayant de les intégrer à votre groupe ou bien en développant les sites français ?

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Il n'était pas possible, dans les pays émergents qui sont très éloignés, de leur fournir les eaux françaises qui sont des produits de luxe. Notre intérêt n'est pas de travailler seulement pour la classe aisée qui peut acheter les produits de luxe, nous devons aussi être au service des ouvriers, des personnes moins aisées mais qui eux aussi ont besoin d'eau de table.

Nous avons commencé à fournir de l'eau Nestlé au Pakistan, où le pouvoir d'achat est d'environ 500 dollars par habitant. Dans ce cas, même si le prix que nous demandons est de 20 % inférieur à celui des eaux qui sont sur le marché, ce produit ne peut être acheté par tous. Malgré tout, nous réalisons aussi des ventes d'eau de Perrier, environ 100 000 bouteilles par an, destinés surtout aux hôtels de luxe.

Pour la plupart des pays émergents, c'est la même chose. Il faut produire localement et nous avons alors le choix entre utiliser les stations d'embouteillage que nous possédons déjà, en construire de nouvelles, ou acheter des concurrents. Nous étudions ces trois options et ferons ce qui est le mieux pour la société.

M. le Rapporteur : Quand vous vous implantez dans d'autres pays, en Amérique du sud par exemple, bénéficiez-vous d'aides, compte tenu de la situation économique de ces pays qui sont dans des situations difficiles ?

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Non, nous ne recevons aucune subvention.

Je peux citer l'exemple du Pakistan où nous avons importé la plupart des machines d'embouteillage. Le tarif normal pour importer les machines est de 45 % et pour quelques produits essentiels, c'est 35 %. Nous avons obtenu de verser 35 % de droits de douane. Toutefois nous ne considérons pas comme une subvention une économie de 10 % sur les droits maximum ! Je ne connais aucun pays où nous ayons reçu des aides pour nous installer.

M. le Rapporteur : Ce concept d'eau mondiale, internationale, me surprend. Est-il lié à un objectif de plus grande rentabilité ou au fait que vous constatez que dans ces différents pays la situation sanitaire et économique, interdit d'utiliser les sources et les approvisionnements qui existent ?

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Clairement, la politique que nous avons fixée chez Nestlé est de donner aux consommateurs un produit "sécurisé" au plus bas prix possible. Pour ce faire, il faut embouteiller près des agglomérations, des grandes villes. Mais on n'y trouve pas nécessairement de sources. Pour cette raison, il faut traiter l'eau, ce qui est plus économique que de l'importer sur de longues distances.

En effet, si nous voulons vendre à Delhi, les seules sources de qualité sont celles de l'Himalaya ce qui nous obligerait de transporter l'eau sur 600, 700 ou 1000 kilomètres.

En revanche, à 60 kilomètres de Delhi, on trouve de l'eau en quantité raisonnable, mais il faut la traiter, l'embouteiller, la reminéraliser afin qu'elle soit saine pour la population. On obtient ainsi de l'eau semblable à de l'eau minérale et à meilleur prix que l'eau naturelle que l'on transporterait sur de longues distances.

M. le Rapporteur : La première question que je vous ai posée tout à l'heure portait sur le fait que votre actionnariat pourrait, à un certain moment, s'impatienter.

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Il m'est difficile de comprendre où vous voulez en venir : naturellement, le principe de notre économie est de gagner de l'argent.

On ne peut pas demander à des actionnaires de verser de l'argent sans en percevoir les intérêts. Personne dans le monde entier ne peut obtenir de crédits sans payer d'intérêts. Pour cette raison, il est tout à fait normal qu'une société veuille gagner de l'argent et recevoir des intérêts sur les capitaux investis.

Si, comme je l'ai dit à Vergèze, nous ne voyons pas au bout du tunnel la lumière du profit, nous cesserons d'avancer. Notre objectif en France est toujours de nous battre, même avec les difficultés que nous rencontrons pour gagner de l'argent et montrer à nos actionnaires la lumière au bout du tunnel.

Jusqu'à présent nous avons toujours gardé espoir. S'il n'y en a plus, nous courrons le danger que les investissements s'arrêtent. Dans ce cas, l'entreprise ne s'arrêtera pas brutalement, mais elle disparaîtra très lentement du fait de la réduction des investissements.

Un danger se profile donc qui menace l'emploi à long terme.

Nous nous fixons comme obligation de maintenir l'emploi à long terme. Si nous voulons pouvoir le garantir, nous devons nous adapter au développement, à la modernisation à la concurrence, avec les investissements nécessaires. Si nous n'allons pas dans ce sens, à long terme, nous disparaîtrons. Aujourd'hui, nos coûts sont presque deux fois plus élevés en France qu'en Italie.

M. le Rapporteur : Comment expliquez-vous cette différence de coûts ? Comment se décompose le prix d'une bouteille d'eau ? Quelle est la charge sur les salaires, les investissements, les différentes structures ?

M. Hans Dieter KALSCHEUER : M. Rolland pourra vous donner la structure de nos coûts en France.

En fait nous sommes moins dans le métier de l'eau que dans celui de l'emballage. Le coût principal c'est celui de l'emballage. Viennent ensuite celui de la main d'oeuvre et tous les frais administratifs, les frais fixes et enfin les amortissements.

Si vous observez tous ces coûts vous verrez que, en principe, en Italie, les frais d'emballage sont à peu près les mêmes. Mais l'efficacité de la production et de l'administration est beaucoup plus grande qu'en France, où nous n'avons pas fait les mêmes efforts de rationalisation au cours des vingt ou vingt-cinq dernières années. Voilà où est la différence.

Vous pouvez observer également que les prix de détail en Italie sont moins élevés que chez nous.

M. Daniel ROLLAND : Nous pouvons, peut-être, avoir une double approche.

D'abord l'approche par nature de dépenses : on constate que dans des marques françaises, comme Perrier, on atteint un taux de main d'_uvre rapporté au chiffre d'affaires qui tourne autour de 40 %.

Mais ce ne sont pas tellement les personnels, les dépenses directes - proportionnelles à la production - qui font la différence. Là où il existe une réelle différence, notamment avec l'Italie, c'est dans la masse des frais fixes, dans la structure qui gravite autour, qui représente des dépenses permanentes, quel que soit le niveau de production, et qui nous rend vulnérable si la conjoncture nous est défavorable.

M. Hans Dieter KALSCHEUER : A Vergèze, nous occupons aujourd'hui 1 400 personnes.

M. Alain DORFNER : Ce site regroupe différentes entités. Pour l'embouteillage, il s'agit effectivement d'environ 1 500 personnes.

M. Hans Dieter KALSCHEUER : ...et pour un embouteillage du même ordre, il n'y a que 300 personnes à Padoue.

M. Alain DORFNER : La différence provient de ce que disait M. Rolland : elle est historique. Des usines comme celles de Vittel, Contrex ou Vergèze ont été créées, il y a des dizaines d'années, sur des territoires qui étaient, en fait, de simples champs d'où l'eau émergeait et, sue ces champs, les fondateurs y ont créé un grand nombre de métiers.

A présent, lors de l'installation d'une usine moderne, on atteint des performances très différentes.

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Les métiers ne sont pas pratiqués toute l'année, mais seulement quelques heures par jour ou par semaine. Toutefois, les hommes sont là car on ne veut pas externaliser.

En Italie, toutes ces charges n'existent pas. Si on a besoin d'un métier, on le fait venir et on paie les trois, quatre, dix heures ou les deux jours nécessaires. Ensuite, le travail se poursuit avec les trois cents salariés permanents. Voilà la différence.

Je travaille maintenant en France et j'aime beaucoup la France, mais les limites imposées à tout changement me font peur. Dans aucun pays du monde je n'ai constaté de telles limites. Cette manière de faire peut entraîner une sclérose de la société à moyen terme. Voilà pourquoi je suis parfois choqué, non pas seulement pour la société Perrier-Vittel, mais pour le pays tout entier.

M. le Président : Nous pouvons essayer de comprendre votre raisonnement sur la gestion plus tendue de certains frais dans l'entreprise. Il n'empêche qu'au moins deux questions se posent dans ce domaine : le statut des anciens salariés lors d'une externalisation et le maintien des emplois.

M. Alain DORFNER : Il y a certainement beaucoup de réponses possibles. Toutefois, je ne peux vous parler que de ce que nous avons essayé de mettre en _uvre et qui partait du principe que, pour les personnes qui allaient être transférées de notre entreprise vers un prestataire, nous devions nous préoccuper au moins de deux problèmes : savoir comment allait évoluer leur rémunération et quelle était la garantie de leur emploi.

En principe, dès lors qu'elles intègrent une autre entreprise, ce n'est plus nous qui, formellement, décidons de leur sort mais nous souhaitons leur accorder une indemnité, sous une forme quelconque, leur permettant de conserver leur rémunération pendant un certain nombre d'années éventuellement suivi d'une diminution progressive pour les années ultérieures.

Une autre manière de résoudre ce problème est de contracter avec un prestataire sur la base de contrats de durée assez longue, au moins cinq ans, et surtout de contracter avec de grandes entreprises qui encourent peu le risque de rencontrer des difficultés.

Ce n'est pas idéal, mais ce sont les choix que nous avons faits pour répondre à ce problème : il y a sûrement d'autres solutions.

M. Hans Dieter KALSCHEUER : De toute façon, lorsque nous externalisons, nous contribuons à créer des entreprises porteuses de nouveaux métiers dont nous ne sommes pas les seuls clients.

Naturellement, pour nos syndicats, c'est difficile à accepter. De leur point de vue, garder l'emploi au sein du groupe est une priorité mais, pour la région, c'est vraiment un enrichissement car cela crée davantage d'entreprises qui ne travaillent pas seulement pour nous mais pour d'autres clients, ce qui donne à une région une stabilité beaucoup plus forte.

Partout dans le monde, on cherche à développer des entreprises de moyenne dimension pour obtenir une plus grande stabilité. Chez nous, cette promotion a été refusée, pas seulement pour les palettes, mais aussi pour les autres métiers.

M. le Président : Je ne partage pas cette analyse, mais chaque entreprise choisit ses stratégies.

En revanche, une question se pose au niveau de Perrier-Vittel, à propos de l'accumulation d'acquisitions extérieures au groupe, au fur et à mesure des années, les deux dernières marques phares étant Perrier et San Pellegrino. Vous venez de nous parler du lancement d'un produit mondial, et vous avez évoqué la différenciation des stratégie de Perriet et de Vittel : ne craignez-vous pas un éventuel risque de "cannibalisation" entre les différentes eaux ou marques de votre entreprise ?

Une autre question se pose qui se traduit par une inquiétude qu'expriment les salariés : ne peut-il pas y avoir un « effet boomerang » avec une eau moins coûteuse, à la production et à l'embouteillage, qui pourrait revenir éventuellement en concurrence sur le marché national ?

Enfin, n'y aurait-il pas - je m'exprime au conditionnel - une perspective, comme pour d'autres entreprises assurant d'autres productions, de faire de la gestion des marques une priorité, au détriment du produit lui-même ? En clair, la conception, la commercialisation, le merchandising pourraient-ils, à terme, constituer le métier central de votre société ?

M. Alain DORFNER : Quant à l'accumulation d'acquisitions du groupe, je ne peux répondre que pour la partie française. Cela concerne surtout San Pellegrino : je signale que cette marque a été introduite en France deux ans avant que le groupe ne l'achète, ce qui faisait donc partie d'une stratégie indépendante de l'acquisition. San Pellegrino avait exactement le profil du produit et de la marque dont nous avions besoin pour être efficace dans le domaine des hôtels et restaurants.

A l'époque il y avait un eau plate, Vittel, qui était très bien pour les repas, une eau Perrier parfaite pour la consommation entre les repas, mais aucune eau pour la consommation dans les restaurants susceptible de faire concurrence à Badoit. La réponse que nous avons trouvée a été San Pellegrino. Voilà pourquoi nous l'avons introduite en France.

Votre deuxième question reprend un problème que nous tentons de résoudre. Comment agir de façon efficace sur ce marché français face à des eaux plates à 1 franc ? Allons-nous laisser les eaux à 1 franc se développer, ou bien y a-t-il de la place entre 1 et 2 francs ?

C'est une question de pur marketing : comment percevons-nous l'évolution du marché ? Nous n'avons pas apporté de réponse à cette question puisque nous ne sommes pas présents de façon sensible dans les marques à 1 franc. Toutefois nous devons nous poser cette question, nous devons trouver la manière d'intervenir sur le marché qui, si nous n'agissons pas d'une manière décisive, risque de se réduire à une peau de chagrin pour les marques nationales.

Il est évident qu'il faut que nous défendions nos marques nationales et que nous trouvions le moyen de les rendre moins vulnérables. En tout cas, sur le marché français, je ne juge pas adaptée l'offre d'une eau standardisée, traitée, qui s'appellerait Nestlé. La France est un marché d'eau naturelle : les consommateurs français sont très satisfaits et ont une grande confiance dans toutes les eaux naturelles, minérales ou de source. L'eau standardisée est donc un besoin qui n'existe pas.

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Concernant le risque de "cannibalisation" : avant que nous ne l'ayons acheté, San Pellegrino jouissait d'un grand succès dans le monde et avait certainement pris des parts de marchés qui échappaient à notre groupe. Désormais, nous pouvons contrôler son développement.

Naturellement, les personnes ne boivent pas davantage au motif que nous avons deux marques à leur offrir. Pour cette raison, il existe une certaine possibilité de substitution, mais elle est mieux contrôlée que si l'entreprise San Pellegrino était gérée indépendamment de nous. Donc, cette question de "cannibalisation" est une fausse question. Par cette acquisition, nous avons renforcé notre entreprise et nous lui avons donné plus de rentabilité.

Quant à l'antithèse entre produit et marketing, vous dites que, d'un côté, nous avons la valeur du produit et, de l'autre, la valeur ajoutée du marketing et que si nous mettons plus de valeur ajoutée sur le marketing, peut-être oublierions nous le produit.

Aujourd'hui, on ne peut pas vendre des produits de marque sans marketing sinon ce ne sont pas des produits de marque et s'il nous fallait les vendre comme les bas de gamme, ce serait à un tiers du prix et, dans ce cas, nous ne pourrions garder nos structures. Ce serait possible, mais avec des structures différentes, avec un tiers ou un quart des emplois actuels.

Les produits de marque garantissent l'emploi d'une certaine façon, ce que les produits bon marché ne font pas. Ces produits de marque, que ce soit Nestlé ou Vittel impliquent un besoin en ressources humaines beaucoup plus important que les marques premier prix. Pour cette raison ces derniers détruisent de l'emploi s'ils prennent trop de parts de marché.

M. le Rapporteur : Vous disiez tout à l'heure qu'en France, compte tenu de notre culture, de nos traditions, les produits à bas prix pourraient difficilement détrôner les eaux de marque.

Pourtant, vous avez indiqué qu'une marque comme Cristalline, premier prix, avait conquis des parts de marché considérables. Pourquoi ? Si vraiment c'est une tendance forte de la société française, pourquoi le groupe ne s'installe-t-il pas sur ce secteur de marché, avec une eau compétitive ?

M. Alain DORFNER : Je me suis mal fait comprendre. J'ai dit que je ne voyais pas de place pour une eau, type eau Nestlé, traitée, reminéralisée, donc qui n'aurait pas les caractères d'eau de source naturelle qu'ont les eaux françaises.

Quand on interroge les consommateurs français, plus de la moitié ne fait pas la différence entre l'eau de source et l'eau minérale. Ils accordent une grande confiance à toutes les eaux naturelles, de source ou minérale existant sur le marché. Voilà pourquoi les eaux moins chères, telle que Cristalline, se sont développées si vite.

Pour défendre nos marques, nous devons trouver, pour le consommateur, des raisons additionnelles pour qu'il paie trois fois plus cher des marques comme Contrex ou Vittel. D'où ces notions de positionnement, c'est-à-dire les efforts réalisés pour convaincre le consommateur que ces marques ont un avantage, un effet global favorable sur la santé : la ligne pour Contrex, le magnésium pour Hépar.

C'est cette différence, en termes de performance réelle et d'image, qui justifie le fait que le consommateur paie trois fois le prix d'une première marque.

Il est vrai que le marché des eaux de source est important, nous n'y participons pas, car ce n'est pas notre manière d'entrer dans ce marché et aussi parce que nous n'en avons pas eu l'opportunité. D'ailleurs, nous n'en aurions pas la possibilité suite à l'ordonnance de Bruxelles de 1992.

M. le Rapporteur : En quelques mots : êtes-vous optimistes ou pessimistes ? Indépendamment des conséquences du jugement de la Cour d'appel de Nancy, compte tenu de la situation du groupe, comment voyez-vous son avenir ?

Tout à l'heure, vous avez eu des paroles un peu dures à l'égard des résistances sociales qui s'exercent face à vos tentatives pour "flexibiliser",  pour  moderniser. Quel est votre état d'esprit dans ce domaine ?

Avez-vous le sentiment que, comme il est dit dans le rapport établi sous le sceau de la commission d'enquête, la situation du groupe s'améliore année après année ? Ou bien les dirigeants que vous êtes, comme vos actionnaires, estiment-ils que vos objectifs ne sont pas atteints ? Dans ce contexte que constituent les grandes surfaces, l'eau Cristalline et certaines contraintes réglementaires, avez-vous le sentiment que le groupe Perrier-Vittel peut surmonter les obstacles qui sont face à lui ?

M. Hans Dieter KALSCHEUER : Je suis neutre, je ne suis ni optimiste ni pessimiste.

Je crois qu'il faudra travailler très dur pour améliorer nos résultats, spécialement en France. Nous avons des différends, mais je pense qu'il faut continuer à se battre pour le bien, à long terme, du pays et de nos employés.

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