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SOMMAIRE

INTRODUCTION 3

PREMIÈRE PARTIE A LA RECHERCHE D'UNE NÉCESSAIRE CLARIFICATION 9

I. - LES GROUPES 9

A. - L'approche statistique 10

B. - L'approche comptable 11

C. - L'approche fiscale 14

D. - L'approche du droit du travail 22

INTRODUCTION

Le 24 mars 1998, M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges, et les membres du groupe communiste et apparentés déposaient une proposition de résolution n° 775 visant à la création d'une commission d'enquête sur certaines pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels, de services et financiers et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire.

Renvoyée à la commission de la production et des échanges, celle-ci en considérait le bien-fondé le 1er juillet 1998 sur le rapport n° 1034 de M. Philippe Duron.

Examinée en séance publique le 9 décembre 1998, l'Assemblée nationale en approuvait, à son tour, les termes.

Dès lors, le mécanisme prévu par l'article 6 de l'ordonnance n° 58-100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires était enclenché.

Chacun des groupes de notre Assemblée procédait à la nomination de ses membres.

La réunion institutive devait avoir lieu le 22 décembre 1998 au cours de laquelle la commission nommait son bureau et désignait son rapporteur.

Dès sa nomination, M. le président Fabre-Pujol s'enquérait auprès de Mme la Garde des sceaux des éventuelles poursuites judiciaires susceptibles de borner le champ d'investigation de la commission.

La réponse négative de Mme Élisabeth Guigou autorisait aussitôt la commission à entamer ses travaux à compter 12 janvier 1999 conformément au mandat que constituaient le texte de la résolution et celui de l'exposé des motifs qui précédait le projet initial.

Cet exposé des motifs s'inquiétait de l'importance prise sur les plans économique et financier par les groupes industriels, financiers et de service et soulignait la puissance des moyens humains, matériels et financiers considérables dont les groupes disposent aujourd'hui, la masse très importante des aides publiques auxquelles ils ont accès - tant sur le plan financier que sur celui des aides en nature telles que la formation de leurs collaborateurs ou l'utilisation des infrastructures mises à leur disposition par l'État ou les collectivités territoriales -, enfin la masse des crédits bancaires qui leur sont accordés.

Il rappelait, en contrepartie, que les groupes se devaient d'assumer des devoirs à l'égard de la collectivité nationale tels que le maintien et le développement de l'emploi, l'essor des qualifications de leur personnel, la contribution à l'aménagement du territoire, la mise en place de réseaux au sein des bassins d'emploi par l'établissement de relations financières, commerciales et de recherche privilégiées entre eux-mêmes et les PME-PMI situées sur ces bassins, une meilleure insertion internationale de la France et, d'une façon générale, une meilleure contribution à la création de la richesse nationale.

Or estimait l'exposé des motifs, jamais la responsabilité sociale des groupes n'avait été aussi peu assumée.

Ceux-ci semblent déployer, en effet, des stratégies de mise en concurrence des sites qui se traduisent par des délocalisations, lesquelles ont un impact particulièrement défavorable sur l'emploi, la croissance et le développement équilibré du territoire.

Ils externalisent leurs activités soit en se dessaisissant de certaines de leurs filiales sans se soucier de l'avenir de leurs salariés voués à des conditions et à des perspectives de travail dégradées pouvant aller jusqu'au licenciement, soit en s'adressant à des sous-traitants sur lesquels les exercent une pression excessive en terme de prix.

Ils pratiquent des transferts financiers entre filiales et holdings, ou bien mettent à contribution leur importante trésorerie pour effectuer des placements spéculatifs non sans affaiblir artificiellement les entreprises qui leur sont soumises.

Partant de cette analyse, la résolution adoptée par l'Assemblée nationale fixait à la commission trois missions conjointes :

1°) enquêter sur les pratiques des groupes nationaux et multinationaux pour ce qui concerne les délocalisations, les externalisations d'activités, les transferts financiers, l'insuffisante modernisation des filiales ;

2°) enquêter conjointement sur l'efficacité des aides versées à ces groupes au regard de l'emploi, de l'aménagement du territoire et la création de richesses sur le territoire national ;

3°) avancer des propositions pour inciter ces groupes à jouer un rôle d'entraînement favorable à l'emploi et au développement des ressources humaines.

Afin de remplir cette mission la commission procédait à l'audition de nombreuses personnalités venues témoigner sous serment, dont les dépositions figurent au sein du tome II du présent rapport.

Il lui apparaissait vite que le rôle joué désormais par l'Union européenne lui imposait de se rendre à Bruxelles afin d'y rencontrer la Commission et ses services, non sans être consciente qu'un tel déplacement reposait sur une base juridique devenue avec le temps assez incertaine, l'ordonnance de 1958 qui donne aux rapporteurs des commissions d'enquête tout pouvoir d'investigation sur pièces et sur place ayant été conçue en un temps où nul ne pouvait imaginer combien des décisions aussi déterminantes que les règles de la concurrence, les aides publiques ou la monnaie échapperaient à la souveraineté nationale.

Aussi bien les investigations de la commission d'enquête auront-elles été à Bruxelles davantage fondées sur l'entregent de nos diplomates et la courtoisie de nos interlocuteurs que sur des moyens de contrainte inopérants à l'égard d'une institution internationale dont les agents, fussent-ils pour certains de nationalité française, ne sont nullement assujettis à des obligations limitées au périmètre national.

De même, la commission décidait de lancer par voie de questionnaire une vaste enquête auprès des cent premières entreprises françaises, toutes ou presque ayant le statut de chef de Groupe. Portant sur les dix années passées, cette investigation était vraisemblablement source de beaucoup de travail de la part des services comptables des entreprises concernées et la commission leur sait gré, au moment de clore ses travaux, de leur souci de répondre avec la rapidité et la fiabilité qui ont été la leur.

Toutefois, un grand nombre de réponses devaient se révéler hétérogènes du fait notamment des importants changements de périmètres intervenus au cours des dix dernières années. D'autres retenaient des normes comptables qui n'étaient pas en cohérence avec l'ensemble. Aussi la commission d'enquête choisissait-elle d'examiner la situation de dix grands groupes, son choix reposant sur la volonté de couvrir autant que faire se peut le champ des grandes structures capitalistiques de droit français.

Ont ainsi été retenus :

·  trois groupes manufacturiers : le groupe Rhône-Poulenc, le groupe Usinor et le groupe Moulinex ;

·  deux groupes agro-alimentaires liés au sein d'une même holding : Nestlé-France et Perrier-Vittel ;

·  deux groupes de l'informatique : IBM France et Hewlett-Packard France ;

·  un groupe bancaire d'origine mutualiste : le Crédit agricole ;

·  un groupe de la grande distribution : le groupe Promodès ;

·  enfin un groupe, insolite par sa diversification : le groupe Bolloré.

La procédure suivie par la commission aura été à la fois soucieuse du plus grand respect de son champ de compétence des règles légales et du triple souci d'exhausitivité, de clarté et de confidentialité.

1°) respect scrupuleux de son champ de compétences : c'est ainsi que, par une démarche qui a valeur de précédent, M. le président Alain Fabre-Pujol, non content d'avoir sollicité le quitus de la Chancellerie pour l'ensemble des travaux de la commission d'enquête tenait à demander à Mme la Garde des sceaux si aucune procédure judiciaire n'était en cours concernant les dix groupes précités.

La Chancellerie ayant fait valoir qu'une plainte était à l'instruction concernant la caisse du Crédit agricole de la Corse, décision immédiate était prise d'interdire toute évocation relative à cette caisse.

De même la commission ayant appris le jour même de l'audition du Président directeur général de Perrier-Vittel que cette entreprise venait d'être condamnée, au civil, par la cour d'appel de Nancy pour irrespect de l'article L. 122-12 du code du travail, le rapporteur se contentait de demander communication du jugement rendu publiquement au nom du Peuple français sans poursuivre au delà ses investigations à propos de l'affaire précitée ;

2°) exhaustivité : la commission devait demander à chaque groupe l'ensemble des pièces comptables relative aux dix dernières exercices et procéder pour chacun d'entre eux à une analyse minutieuse qui débouchait sur une monographie que le lecteur trouvera au sein du tome III du présent rapport ;

3°) clarté : chaque monographie aura été adressée conjointement aux membres de la commission d'enquête, au président-directeur général concerné et à tous les délégués syndicaux membres du comité de groupe.

Chaque direction comme chaque responsable syndical aura été invité, si tel était son souhait, à produire des observations écrites. Sur la base de cette monographie, chaque président-directeur général aura pu dialoguer avec la commission d'enquête, entouré des directeurs et conseillers de son choix. Le lendemain les représentants syndicaux auront été entendus dans les mêmes conditions au cours de réunions dont certaines ont dépassé les trois heures d'audience. L'intégralité des procès-verbaux figurent au sein du tome III à la suite de chaque monographie ;

4°) confidentialité : afin d'éviter toute interprétation qui, en l'occurrence, eût été sans fondement, les noms des groupes auditionnés par la commission n'ont pas été divulgués. Le président Fabre-Pujol n'aura eu de cesse de rappeler à tous les intervenants qu'ils étaient soumis à la règle du secret.

Acte doit être donné à la Commission que, nonobstant le nombre inhabituel des personnes auditionnées, aucune indiscrétion ne s'est produite jusqu'à l'adoption du présent rapport, l'enquête conduite sans désemparer durant quatre mois valant d'abord par les témoignages qui figurent aux tomes II et III qui complètent la synthèse que constitue le tome I.

Ayant à répondre conjointement aux questions que posent les pratiques des groupes et l'efficacité des aides qui leur sont accordées, la Commission s'est trouvée devant une situation pour le moins insolite :

· d'une part une multiplicité de textes statutaires qui prive le concept de groupe de toute cohérence ;

· d'autre part une puissance publique qui ne s'est jamais souciée d'avoir aucune vue d'ensemble des aides qu'elle octroie.

Aussi a-t-elle donné mandat à son rapporteur de préciser, au préalable, la notion de groupe à travers les règles qui leur sont applicables comme elle lui a demandé de faire le point sur les multiples régimes d'aides publiques accordées aux entreprises, avant d'analyser les stratégies des groupes et l'interaction entre les aides qu'ils reçoivent et leur apport en termes d'emploi et d'aménagement du territoire.

PREMIÈRE PARTIE
A LA RECHERCHE D'UNE NÉCESSAIRE CLARIFICATION

I. - LES GROUPES

L'étude des dispositions de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales semblerait devoir constituer le point de départ d'une réflexion sur le concept de groupe en droit français.

Or la loi du 24 juillet 1966 laisse de côté le problème de la définition des groupes, qu'elle semble purement et simplement ignorer. Il faut déduire de son silence et de la jurisprudence (par exemple, Cass. comm. 2 avr. 1996) que les groupes n'ont pas la personnalité morale et seraient ainsi, par exemple, dépourvus de la capacité de contracter.

La loi préfère se concentrer sur les moyens, c'est-à-dire sur les modalités selon lesquelles une entreprise passe sous le contrôle d'une autre. Son article 354 pose ainsi le principe bien connu selon lequel « lorsqu'une société possède plus de la moitié du capital d'une autre société, la seconde est considérée (...) comme filiale de la première ».

La détention d'une fraction majoritaire du capital apparaît comme une modalité particulière du contrôle, dont la réalité est établie dans les trois cas mentionnés par son article 355-1 (dans sa rédaction issue de la loi n° 87-705 du 12 juillet 1985) :

· lorsque l'entreprise dominante détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;

· lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ;

· lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société.

Le même article précise que l'entreprise est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose, directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.

Le deuxième alinéa de l'article 357-1 de la loi du 24 juillet 1966 définit les obligations d'information et de consolidation comptable pesant sur les sociétés commerciales dès lors qu'elles « contrôlent de manière exclusive » ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises. Ce texte indique que le contrôle exclusif résulte :

· soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise - dispositions proches des termes de l'article 355 ;

· soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise1 ;

· soit du droit d'exercer un influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet et que la société dominante est actionnaire ou associée de cette entreprise.

Le silence du droit des sociétés conduit à se tourner vers les nomenclatures statistiques ou le droit comptable, fiscal ou social pour espérer trouver une définition opératoire.

A. - L'approche statistique

L'étude statistique du comportement des acteurs économiques s'appuie aujourd'hui sur le règlement n° 696/93/CEE du 15 mars 1993 relatif aux unités statistiques d'observation et d'analyse du système productif dans la Communauté. La nomenclature européenne est ainsi conduite à distinguer huit niveaux différents - l'entreprise, l'unité institutionnelle, le groupe d'entreprises, l'unité d'activité économique, l'unité de production homogène, l'unité locale, l'unité d'activité économique au niveau local et l'unité de production homogène au niveau local.

L'entreprise correspond à « la plus petite combinaison d'unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et de services jouissant d'une certaine autonomie de décision, notamment pour l'affectation de ses ressources courantes ».

Le groupe rassemble des entreprises tenues par des liens juridico-financiers. Comportant une pluralité de centres de décision en matière de politique de production, de vente et de répartition des bénéfices, il peut « unifier certains aspects de la gestion financière et de la fiscalité » et « constitue une entité économique qui peut effectuer des choix qui concernent notamment les unités alliées qui le composent ». Il est intéressant d'observer que le règlement n° 696/93/CEE se réfère expressément à la septième directive n° 83/349/CEE précitée mais n'en reprend pas toutes les dispositions : « [La définition des groupes donnée par la septième directive] ne convient pas sans traitement pour l'analyse statistique, car les "groupes comptables» ne constituent pas des ensembles disjoints et additifs d'entreprises. [Il faut donc] définir une unité statistique "groupe d'entreprises» dérivée du "groupe comptable» par [une série de] transformations ». En toute hypothèse, la pertinence du concept de groupe semble incertaine aux statisticiens eux-mêmes, puisque le règlement précise si l'unité « groupe d'entreprises » est particulièrement utile pour les analyses financières et stratégiques, « elle est trop hétérogène et trop instable pour devenir l'unité centrale d'observation et d'analyse, qui reste l'entreprise ».

B. - L'approche comptable

Le droit comptable connaît les groupes à travers la septième directive des communautés européennes n° 83/349/CEE du 13 juin 1983 concernant les comptes consolidés, transposée en droit national par la loi n° 85-11 du 3 janvier 1985 modifiant la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et le décret n° 86-221 du 17 février 1986. Cette directive s'appuie sur le g) du III de l'article 54 du traité modifié instituant la Communauté européenne, aux termes duquel le Conseil et la Commission « coordonnent, dans la mesure nécessaire et en vue de les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l'article 58, al. 2 pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers ».

L'article 4, § I a) de la directive considère qu'entrent seules dans le cadre de la consolidation l'entreprise mère et toutes les entreprises filiales lorsque soit l'entreprise mère, soit une ou plusieurs de ses filiales sont organisées selon l'une des formes suivantes : société anonyme, société en commandite par actions ou société à responsabilité limitée2.

La septième directive ne concerne que les entreprises situées au sein de l'Union européenne et donc soumises au droit d'un État membre. En revanche, l'entreprise mère et l'ensemble de ses filiales entrent dans le périmètre de consolidation, quel que puisse être par ailleurs le lieu du siège desdites filiales (art. 3, § I) et toute filiale d'une filiale est considérée comme celle de l'entreprise mère qui est à la tête des unités à consolider (art. 3, § II).

Au-delà des conditions formelles et territoriales, se pose la question des règles de fond caractérisant une entité économique susceptible d'être assujettie à l'obligation d'établir des comptes consolidés et un rapport de gestion. Une telle obligation est imposée, en premier lieu, à toute entreprise mère qui a la majorité des droits de vote des associés3 d'une entreprise (filiale) ou qui a le droit de nommer ou révoquer la majorité des membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance d'une entreprise dont elle est l'associé (art. premier, § I, a et b).

Ces deux premiers cas correspondent à un contrôle exclusif de droit par des techniques sociétaires, traduisant classiquement l'existence d'un lien de subordination.

Il faut y ajouter l'hypothèse des groupes créés par convention, c'est-à-dire celle d'une entreprise qui a le droit d'exercer une influence dominante sur une autre en vertu d'un contrat conclu avec celle-ci ou d'une clause de ses statuts, lorsque le droit dont relève la filiale autorise de tels contrats ou clauses statutaires (art. premier, § I e).

Dans le souci de cerner la réalité économique au plus près, la directive requiert que l'obligation d'établir des comptes consolidés soit également imposée aux groupes de fait reposant sur une participation minoritaire. Il s'agit d'appréhender des ensembles dans lesquels la dispersion du capital, la fréquence de participation des actionnaires aux assemblées générales, la répartition des probabilités de vote et la constitution de coalitions assurent la maîtrise d'une entreprise à un associé minoritaire. Sont ainsi visées les entreprises associés d'une autre entreprise, dont la majorité des dirigeants en fonction au cours des deux derniers exercices a été nommée par l'effet du seul exercice de leurs droits de vote. L'entreprise, associé d'une autre entreprise (filiale) dont elle contrôle seule la majorité des droits de vote en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés (art. premier, § I, d-bb), entre également dans un tel cadre.

La directive contient enfin quelques précisions relatives à la prise en considération et au décompte des droits de vote, de nomination ou de révocation. Afin de saisir les situations de contrôle indirect, le calcul des droits ajoute ainsi à ceux de l'entreprise mère ceux de ses filiales ainsi que ceux d'une personne interposée. Il déduit en revanche les droits afférents aux actions ou parts détenues pour le compte d'une personne autre que la mère ou filiale et ceux afférents aux parts ou actions détenues en garantie (si l'exercice des droits de vote est conforme à l'intérêt du donneur de garantie).

Le droit comptable classe les relations interentreprises en trois types distincts selon l'étendue du contrôle ou de l'influence exercée par l'entreprise mère, auxquels une méthode particulière de consolidation se trouve spécifiquement associée.

Cette articulation est aujourd'hui reprise à l'article 357-3 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés, qui dispose que « les comptes des entreprises placées sous le contrôle exclusif de la société consolidante sont consolidés par intégration globale. Les comptes des entreprises contrôlées conjointement avec d'autres actionnaires ou associés par la société consolidante sont consolidés par intégration proportionnelle. Les comptes des entreprises sur lesquelles la société consolidante exerce une influence notable sont consolidés par mise en équivalence ».

C. - L'approche fiscale

Dépourvus de la personnalité juridique, les groupes de sociétés ne sont pourtant pas inconnus du droit fiscal. 

C'est au contraire la multiplicité des options possibles qui suscite la perplexité. Le régime d'intégration fiscale de droit commun, qui permet à la société mère de se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés à raison du résultat d'ensemble réalisé par le groupe, coexiste en effet avec les régimes spéciaux du bénéfice mondial et du bénéfice consolidé. Mais le tableau ne serait pas complet si l'on ne mentionnait de surcroît les dispositions spécifiquement applicables aux sociétés mères et filiales.

Créé par l'article 68 de la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 portant loi de finances pour 1988, le régime de l'intégration fiscale permet à une société mère dite « tête de groupe » de se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés à raison du résultat d'ensemble réalisé par le groupe qu'elle forme avec les sociétés dont elle détient directement ou indirectement 95 % au moins du capital de manière continue au cours d'un exercice.

En d'autres termes, ce régime - qui remplace le régime d'intégration des filiales à 95 % octroyé sur agrément dans le cadre de l'article 209 sexies du code général des impôts - autorise une compensation intégrale des résultats bénéficiaires à l'intérieur du groupe.

C'est le régime qu'utilise IBM France, comme l'indique M. Louis-Marie Launay, directeur des services financiers du groupe : « Nous procédons toujours par intégration fiscale. Nous ne publions qu'un seul résultat global, afin que les décisions individuelles ne soient pas viciées par des intérêts particuliers d'entreprises, qui chercheraient à optimiser certains résultats, ne serait-ce qu'au plan du personnel, par exemple pour la participation ».

L'encadré ci-dessous démontre sur un exemple l'intérêt du régime fiscal de groupe, la mutualisation des pertes et profits permettant de réduire l'assiette soumise à l'impôt sur les sociétés.

ENCADRÉ
Les avantages du régime d'intégration fiscale

Considérons l'exemple, donné par M. Jean Schmidt dans son précis de fiscalité (Lamy, 1996), d'un groupe constitué d'une société mère M et trois filiales F1, F2 et F3 : M détient directement 95 % du capital de F1, 95 % du capital de F2 et 5 % du capital de F3 ; F1 et F2 détiennent respectivement 75 % et 15 % du capital de F3.

Les résultats fiscaux des différentes sociétés sont respectivement de + 5 000 pour M, - 2 000 pour F1, + 2 500 pour F2 et + 1 000 pour F3.

M a consenti une subvention déductible de 500 à F1 et une subvention non déductible d'un montant de 600 à F3. Par ailleurs, F1 a des amortissements réputés différés (ARD) pour un montant de 200, M a reçu des dividendes sur le résultat de n-1 de F2 pour un montant de 1 100, F2 a constitué en n une provision pour dépréciation de créance sur F3 d'un montant de 300. Enfin, F2 a acquis le 1er janvier n-1 un matériel d'une valeur de 500, amortissable sur 5 ans au taux de 20 % ; F2 le cède à F3 le 1er janvier n pour un montant de 460, qui décide de l'amortir sur 4 ans (taux = 25 %).

 

M

F1

F2

F3

Total

Résultat fiscal

5 000

-2 000

- 2500

1 000

6 500

Subventions

500

-500

 

-600

-600

ARD

 

-200

   

-200

Dividendes

-55 (1)

     

-55

Provisions

   

300

 

300

Matériel

   

-60+15 (2)

 

-45

Résultat d'ensemble

5 445

-2 700

2 755

400

5 900

(1) 1 100 × 5 % = 55. (2) 60 = 460 (prix de cession) - 400 (valeur nette comptable) et 15 = suramortissement = amortissement chez le cessionnaire (460 × 25 % = 115) - amortissement chez le cédant (400 × 25 %= 100).

En définitive, l'impôt dû par le groupe est de 5 500 × taux IS - soit 1 967 avec un taux à 33,3 %. En revanche, si le régime d'intégration fiscale n'est pas appliqué, l'impôt dû par M, F2 et F3 est de (5 000 + 2 500 + 1 000) × 33,3 % soit 2 833. En d'autres termes, le régime d'intégration fiscale a coûté 866 au budget de l'État.

Le régime des sociétés mère et filiales (smf) a été introduit pour éviter que les bénéfices des filiales ne soient soumis à une double imposition au titre de l'impôt sur les sociétés. Si l'institution du régime d'intégration fiscale des groupes en a réduit l'intérêt, il ne l'a pas supprimé. Au contraire, les deux régimes peuvent se cumuler car l'objet plus restreint du régime smf a pour contrepartie un domaine d'application élargi, à travers des conditions de participation minimale peu contraignantes.

A l'instar du régime d'intégration, le régime smf est facultatif et son application subordonnée à une option annuelle de la société mère, résultant simplement de l'inscription des dividendes sur la ligne adéquate des imprimés de déclaration.

Les sociétés mères bénéficiaires du régime smf sont les personnes morales ou organismes, quelle que soit leur nationalité, soumis de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés au taux normal sur tout ou partie de leur activité. Lorsque les conditions d'obtention se trouvent réunies, les produits des actions ou parts d'intérêts de la filiale perçus au cours de l'exercice par la société mère sont retranchés du bénéfice net total de cette dernière pour l'établissement de l'impôt dont elle est redevable, sous réserve de la défalcation d'une quote-part de frais et charge prévue par l'article 43 de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998.

Au cours de son audition devant la commission d'enquête, M. Hervé Le Floc'h-Louboutin (Direction générale des impôts, service de la législation fiscale) a observé que « l'avantage donné à la société mère est un avantage de trésorerie : au moment où cette société redistribue les dividendes provenant de ses filiales, une mécanique de taxation s'enclenche - souvent jugée infernale et difficile à comprendre - à savoir la mise en place d'un système de précompte. Les résultats sont initialement exonérés au niveau de la filiale puis taxés au niveau de la mère où la distribution des dividendes ouvre droit à l'avoir fiscal. Par ailleurs, c'est un régime neutre au regard de la nationalité des filiales, qui ne crée pas de distorsion au profit ou au détriment de telle ou telle catégorie de filiales, qui s'applique indistinctement et indifféremment aux produits remontant des filiales étrangères ou françaises ».

En toute hypothèse, « ce régime est assez comparable à celui de nos partenaires européens même si, en fait, il existe chez eux deux régimes. Certains appliquent des régimes du type régime mère-fille, c'est-à-dire l'exonération puis la taxation au moment de la redistribution par la mère : ainsi du Danemark, de l'Espagne, du Luxembourg, des Pays-Bas. D'autres pays appliquent un système dans lequel les dividendes de filiales sont taxés. Si ces filiales sont de sociétés étrangères, un crédit d'impôt égal à l'impôt sur les sociétés supporté à l'étranger est ristourné à la société-mère, ristourne en général plafonné dans la limite de l'impôt sur les sociétés payé dans l'État de résidence. C'est le régime britannique qui revient, en fait, au même que le régime d'exonération de type mère-fille. Ce régime mère-fille est, en fait, d'application générale au sein des pays de l'Union européenne ou de l'OCDE ».

Enfin, les régimes du bénéfice mondial et du bénéfice consolidé institués par l'article 22 de la loi n° 65-566 du 12 juillet 1955, constituent des dispositifs dérogatoires au principe de territorialité puisqu'ils prévoient que des sociétés françaises agréées par le ministre de l'économie et des finances peuvent retenir l'ensemble des résultats de leurs exploitations directes ou indirectes, situées en France ou à l'étranger, pour l'assiette des impôts établis sur la réalisation et la distribution de leurs bénéfices.

ENCADRÉ
Les modalités de calcul du bénéfice consolidé

Dans le système du bénéfice consolidé, chaque entité conserve son autonomie fiscale, dépose une déclaration et acquitte l'impôt sur les sociétés. L'économie générale du dispositif se présente comme suit :

 

Résultat de la société agréée (art. 116-1, ann. II)

+

Somme algébrique des résultats des sociétés intégrées (art. 114-5 et 116-1 a), ann. II)

+

Somme algébrique des résultats des sociétés françaises consolidées (art. 11-6-1 c), ann. II)

+

Somme algébrique des résultats des sociétés par pays (art. 116-1 a)

 

Résultat brut

+

Ajustement résultant des sorties du périmètre de consolidation (art. 121, ann. II)

_

Ajustements relatifs aux doubles emplois (art. 118, ann. II)

 

Résultat net

La francisation des résultats d'une filiale à l'étranger s'opère en ajoutant au résultat local les amortissements, impôt payés et provisions non déductibles locaux, dont on soustrait le montant des amortissements et provisions francisés.

Au niveau du groupe, après détermination du résultat net, on calcule successivement le montant des amortissements réputés différés, les reports en arrière des déficits à opérer et l'imposition éventuelle des plus-values à long terme. On impute ensuite l'impôt étranger comparable à l'impôt sur les sociétés ainsi que la retenue à la source. Enfin, on impute l'impôt sur les sociétés des filiales françaises.

Le tableau ci-après résume les principales caractéristiques des régimes fiscaux précédemment étudiés.

Dispositions applicables

Régime de groupe
Art. 223 A et suiv. code général des impôts

Régime des sociétés mères
Art. 145, 146 et 216 CGI

Régime du bénéfice consolidé
Art. 209 quinquies et ann . II, 103 et suiv. CGI

Définition
de la société mère

Société française soumise à l'IS, non détenue à 95 % au moins par une autre société.

Société française soumise à l'IS, quelle que soit la composition de son capital.

Société française soumis à l'IS, chef de file d'un grand groupe industriel.

Définition
des filiales

Sociétés françaises détenues directement ou par l'intermédiaire d'autres sociétés du groupe à 95 % au moins et soumises à l'IS dans les conditions de droit commun.

Sociétés françaises ou étrangères, de capitaux ou assimilées, détenues à 10 % au moins (ou participation 150 MF) et assujetties à l'IS ou à un impôt étranger comparable.

Exploitations françaises et étrangères (filiales et établissements) retenues dans la décision d'agrément ou les avenants.

Modalités d'application

Option de la société mère et accord des filiales + date de clôture des exercices identiques.

Option de la société mère, si les conditions sont remplies.

Agrément ministériel + date de clôture des exercices identique.

Résultat imposable

Résultat d'ensemble égal à la somme algébrique des résultats des sociétés du groupe, sous réserve de rectifications

Résultat des filiales : droit commun.

Résultat de la société mère : déduction des dividendes reçus des filiales.

Résultat d'ensemble égal à la somme algébrique des résultats des exploitations consolidées, sous réserve de rectifications.

Paiement de l'impôt

Par la société mère, sauf acomptes du premier exercice (restitution éventuelle du trop versé sur ces acomptes).

Par chaque société.

Par chaque société consolidée (exemption pour les filiales françaises détenues à 95 % au moins) et par la société agréée (après imputation des impôts payés par les exploitations).

Possibilité de restitution de l'excédent.

Distribution
par les filiales

Franchise de précompte et pas d'avoir fiscal si prélevée sur des bénéfices de la période d'intégration.

Droit commun.

Franchise de précompte si prélevée sur des bénéfices compris dans le résultat d'ensemble (pour des filiales à 95 % au moins seulement).

Distribution
par la société mère

Franchise de précompte à hauteur du bénéfice net d'ensemble.

Franchise de précompte si redistribution au plus égale au double des avoirs fiscaux et crédits d'impôts attachés aux produits reçus des filiales.

Franchise de précompte à hauteur du résultat consolidé.

Les particularités du régime de l'intégration fiscale méritent d'être relevées. Il faut d'abord rappeler que ce régime a suscité des observations critiques de la part du treizième rapport du Conseil national des impôts (Fiscalité et vie des entreprises, I, chap. II : « Les structures de groupe et l'optimisation fiscale », 1994, p. 65 et suiv.).

Surtout, la possibilité de diminuer le bénéfice imposable par imputation des pertes subies par les filiales, fait totalement ou partiellement échapper à l'impôt des groupes que leur situation économique d'ensemble devrait au contraire assujettir. M. Jean-Pierre Ribout (CGT) l'observe ainsi chez Nestlé : « depuis 1992, Nestlé bénéficie de la convention d'intégration fiscale, ce qui est un scandale. Malgré sa richesse et les énormes profits que fait cette entreprise, elle n'a pas payé un centime d'impôt en France depuis 1992 alors que onze de ses douze filiales alimentaires sont bénéficiaires. Cet artifice lui a permis de racheter Perrier aux frais du contribuable français ». M. François Sanson (CGC) partage cette analyse : « depuis 1992, le groupe ne paie plus d'impôt sur les sociétés grâce à l'intégration fiscale au niveau de Nestlé Entreprise. En effet, ayant racheté Perrier 12 milliards de francs fin 1992, elle déduit 300 à 500 millions de francs de frais financiers chaque année. L'amendement Charasse, qui avait été proposé autrefois, aurait pu empêcher des rachats par ce système ».

Il est regrettable enfin que l'administration fiscale se refuse désormais à publier une estimation du coût du régime d'intégration fiscale pour les finances publiques. A une question écrite de M. Louis Pierna (n° 45042 du 11 novembre 1996) observant que, dans la présentation du fascicule des « voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 1997, le chiffrage du coût du régime d'intégration fiscale n'est plus indiqué, le Gouvernement a en effet répondu (Journ. off. Ass. nat., 3 févr. 1997, p. 524) en estimant que ce régime ne dépasse guère, dans la plupart des cas, l'octroi d'un avantage en trésorerie :

« Le coût du régime optionnel du régime fiscal des groupes de sociétés précédemment indiqué dans les fascicules budgétaires correspondait à l'imputation immédiate des déficits du groupe. Or, la dépense fiscale doit représenter le coût budgétaire supplémentaire par rapport aux dispositifs de droit commun. Au cas particulier, en l'absence du régime de groupe, les déficits des filiales auraient été soit imputés sur les résultats des exercices suivants, soit absorbés dans le cadre d'autres dispositifs fiscaux. Il conviendrait donc, en toute rigueur, de déduire du coût immédiat de la mesure l'économie résultant, pour les finances publiques, de l'absence de report ou d'utilisation des mécanismes de consolidation existants. Dans la majorité des cas, ce régime ne confère en effet aux groupes qui en bénéficient qu'un avantage en trésorerie lié a une imputation plus rapide des déficits ».

D. - L'approche du droit du travail

La protection des intérêts salariés ne serait plus assurée si n'étaient pas transposées, fût-ce partiellement, au niveau des groupes les institutions de représentation créées par le droit du travail au sein des entreprises.

Le chapitre IX du titre III du livre IV du code du travail (articles L. 439-1 à L. 439-5) définit la composition et les attributions du comité de groupe. A cette occasion, le législateur a été conduit à préciser la liste des entreprises auxquelles ces dispositions sont applicables. Aux termes de l'article L. 439-1 du code du travail, le comité de groupe doit être constitué au sein du groupe formé par une entreprise qualifiée de « dominante » et les entreprises qu'elle contrôle. Ce contrôle est lui-même défini par référence aux dispositions des articles 354, 355-1 et 357-1, al. 2 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

L'article L. 439-1 du code du travail ajoute à la liste des entreprises résultant de l'application des dispositions de la loi de 1966, le cas de l'entreprise qui exerce une influence dominante sur une autre entreprise, dont elle détient au moins 10 % du capital « lorsque la permanence et l'importance des relations de ces entreprises établissent l'appartenance de l'une et de l'autre à un même ensemble économique ».

ENCADRÉ
Les comités de groupe

Aux termes de l'article L. 439-1 du code du travail, la constitution d'un comité de groupe est obligatoire au sein du groupe formé par une entreprise, appelée entreprise dominante, et les entreprises qu'elle contrôle.

Le comité de groupe est composé, d'une part, du chef de l'entreprise dominante ou de son représentant, assisté de deux personnes de son choix ayant voix consultative et, d'autre part, de représentants du personnel des entreprises constituant le groupe.

Le nombre des représentants du personnel ne peut excéder un maximum fixé par voie réglementaire : aux termes de l'article D. 439-1 du code du travail, ce plafond se situe à trente membres. Toutefois, lorsque le nombre d'entreprises constitutives du groupe et dotées d'un comité d'entreprise est inférieur à quinze, le nombre de membres du comité de groupe ne peut être supérieur au double du nombre de ces entreprises. Les représentants du personnel sont désignés par les organisations syndicales de salariés parmi leurs élus aux comités d'entreprise ou d'établissement de l'ensemble des entreprises du groupe et sur la base des résultats des dernières élections.

Présidé par le chef de l'entreprise dominante ou son représentant, le comité de groupe se réunit au moins une fois par an (art. L. 439-4).

Le comité de groupe reçoit des informations sur l'activité, la situation financière, l'évolution et les prévisions d'emploi annuelles ou pluriannuelles et les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces prévisions dans le groupe et dans chacune des entreprises qui le composent. Il reçoit communication, lorsqu'ils existent, des comptes et du bilan consolidés ainsi que du rapport du commissaire aux comptes correspondant.

Il est informé dans les domaines indiqués ci-dessus des perspectives économiques du groupe pour l'année à venir.

Le comité de groupe peut se faire assister par un expert-comptable ; celui-ci est rémunéré par l'entreprise dominante. Pour opérer toute vérification ou tout contrôle qui entre dans l'exercice de ces missions, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que les commissaires aux comptes des entreprises constitutives du groupe.

Dès que le chef d'entreprise dominante a connaissance du dépôt d'une offre publique d'achat ou d'une offre publique d'échange dont son entreprise fait l'objet, il en informe le comité de groupe. L'information du comité de groupe exclut celle prévue à l'article L. 432-1 pour les comités d'entreprise des sociétés appartenant au groupe. Le comité de groupe invite, s'il l'estime nécessaire, l'auteur de l'offre pour qu'il expose son projet devant lui (art. L. 439-2).

Quant au chapitre X du titre III du livre IV du code du travail (articles L. 439-6 à L. 439-24), il porte sur le comité d'entreprise européen et les procédures d'information et de consultation dans les entreprises de dimension communautaire.

La définition du groupe européen s'appuie tout à la fois sur des critères d'implantation géographique et sur des critères de contrôle économique, repris des principes utilisés pour les entreprises dominantes sur le plan national. L'article L. 439-6, al. 2 indique d'une part que « l'entreprise de dimension communautaire » est une entreprise au sens du I de l'article L. 439-1 qui emploie au moins mille salariés dans les États membres de la communauté européenne et comporte au moins un établissement employant au moins cent cinquante salariés dans au moins deux États de la communauté. Par extension, le « groupe d'entreprises de dimension communautaire » correspond au groupe au sens du II de l'article L. 439-1 qui remplit les conditions d'effectifs et d'activité mentionnées à l'article L. 439-6, al. 2 et comporte au moins une entreprise employant au moins cent cinquante salariés dans au moins deux États de la communauté (art. L. 439-6, al. 3).

Les difficultés nées du droit comparé ne sont pas les seules que rencontre une réflexion sur le concept de groupe. M. Michel Hébert, directeur des statistiques d'entreprises à l'INSEE, a en effet rappelé à la commission d'enquête qu'au-delà des liens de droit, le groupe comme réalité économique se manifeste par des contrôles et relations de dépendance entre sociétés juridiquement placées sur un pied d'égalité.

L'organisation en « entreprise complexe » ou en réseau en constituent une parfaite illustration. « [L'entreprise complexe] se rencontre notamment lorsqu'une entreprise veut se démembrer : c'est l'entreprise complexe dont Renault constitue un bon exemple. Cette entreprise, qui a gardé l'ensemble des contrats de travail de ses personnels, ne construit en effet plus de voiture depuis un an. Elle a filialisé l'ensemble de ses établissements de production, lesquels sont devenus des entreprises à part entière détenant les locaux et les machines, mais n'ayant pas de personnel. C'est ainsi que Renault compte cinq filiales "en râteau». Il existe un autre exemple de même nature puisque Auchan est en train de se dédoubler : l'entreprise conserve le personnel mais transfère à une autre entreprise qui s'appelle Samadoc l'ensemble de ses magasins. En conséquence, Samadoc possède les murs, les mètres carrés, les rayonnages et la marchandise, sans avoir de personnel. Il est difficile de prévoir la date à laquelle l'opération qui est en train de se dérouler prendra fin ; dans le cas de Renault, elle s'est étalée sur deux ans.

Le réseau constitue l'antithèse de l'entreprise complexe : « Il existe des réseaux de tous types. D'une part, les réseaux qu'on pourrait appeler "descendants» qui correspondent au système de la franchise. L'exemple-type est celui du système complexe des entreprises Leclerc, composé d'une petite entreprise mère et d'une grande quantité de franchisés, les relations entre celle-ci et celles-là n'étant régies que par des conventions. D'autre part, les réseaux qui sont plutôt de type "ascendant» puisqu'ils reposent sur la création par un ensemble d'entreprises d'une centrale d'achats commune.

« A côté du groupe, peuvent donc se tisser d'autres formes de liaisons entre entreprises, et qui peuvent se jumeler plusieurs formes. Je n'en prendrai qu'un exemple : celui de la location de voitures. En effet, si Avis est essentiellement un groupe, Europcar comprend une entreprise principale et des franchisés et Hertz est organisé selon une formule mixte qui comprend une partie groupe et une partie franchisée. Toutes les solutions sont donc possibles et peuvent coexister, ce qui complique énormément l'approche des entreprises considérées ».

Les informations communiquées par M. Michel Hébert font d'ailleurs état d'une croissance rapide du nombre de groupes au cours des années récentes, puisqu'il passe de 1 300 à 7 800 unités entre 1980 et 1996. Il apparaît toutefois que cette progression est essentiellement imputable à celle des « microgroupes », qui comprennent moins de cinq cents salariés et tendent à se comporter comme des PME, alors que les « grands groupes » (effectifs supérieurs à dix mille personnes) restent stables sur la période en dépit de quelques fluctuations. Le phénomène de croissance mesuré concerne donc essentiellement des entreprises de taille moyenne.

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1

La société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu'elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d'une fraction supérieure à 40 % des droits de vote et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détenait directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.

2

Depuis la publication de la septième directive, la Commission a présenté au Conseil le 5 mai 1986 une proposition ayant pour objet d'étendre le champ d'application de la directive aux sociétés en nom collectif et aux sociétés en commandite simple. Ce projet a abouti à la directive du conseil n° 90/605/CEE en date du 8 novembre 1990, aux termes de laquelle la consolidation s'impose dès lors que la société mère ou l'une des filiales est organisée sous forme de société en nom collectif ou de société en commandite simple, lorsque tous les associés indéfiniment responsables sont des sociétés de capitaux (ou des sociétés ne relevant pas du droit d'un État membre mais de forme juridique comparable aux sociétés de capitaux).

3

Les actionnaires ne représentant qu'une catégorie particulière d'associés, il est sous-entendu qu'ils sont implicitement inclus dans le terme plus large « d'associés ».