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Volume 5

RISQUE VOLCANIQUE 125

1. LA CONNAISSANCE DU PHÉNOMÈNE 125

1.1. Les grands types de régimes éruptifs 125

1.1.1. Les éruptions « explosives » 125

1.1.2. Les coulées de lave 125

1.1.3. Les éruptions volcaniques 125

1.2. Les risques volcaniques 125

1.2.1. Risques induits directement par une éruption 125

1.2.2. Risques induits indirectement par une éruption 125

1.2.3. Autres risques 125

1.3. Physique des phénomènes volcaniques 125

1.3.1. Principes de base et modèles 125

1.3.2. Compréhension des phénomènes 125

2. LES OUTILS D'OBSERVATION ET DE SURVEILLANCE 125

2.1. L'observation des volcans 125

2.2. Compte rendu des missions dans quelques observatoires 125

3. PRÉVENTION ET PRÉVISION 125

3.1. Prévention 125

3.2. Prévision 125

3.3. Les événements exceptionnels 125

4. EXPERTISE ET COMMUNICATION 125

4.1. Conflits d'interprétation et d'idées scientifiques 125

4.2. Attitude en cas d'alerte 125

4.3. Information préventive avant la crise 125

4.4. Information préventive pendant la crise 125

4.5. Plans de secours 160

5. RECOMMANDATIONS 125

5.1. Progrès techniques attendus 125

5.2. Recherches prioritaires 125

5.3. La communication 125

RISQUE VOLCANIQUE

1. LA CONNAISSANCE DU PHÉNOMÈNE

Plus de 1 000 volcans sont en activité dans le monde dont les noms font la une des actualités par moment : Kilauea, Soufrière de Montserrat, Mont Saint Helens, Pinatubo, Merapi, Nevado del Ruiz, Vatnajökull, Rabaul, Mont Utzen, Vésuve, Etna. Mais il est très difficile d'établir le nombre exact de volcans actifs, car en dehors des périodes de fièvre, ils peuvent connaître de très longs repos avant de se réveiller brusquement. Ce fut le cas du Pinatubo, non répertorié au Catalogue des volcans actifs de 1981 et qui en 1991, en moins de deux mois, va se réveiller, tuant plus de 600 personnes, et plonger l'île de Luçon dans une nuit artificielle à l'atmosphère acide, comme ce fut le cas du Vésuve explosant en l'an 79 après un calme de 16 siècles succédant lui même à un autre calme de 50 siècles.

Le territoire français comprend plusieurs volcans actifs et des régions susceptibles d'être réactivées. Les volcans actifs sont tous situés dans les départements d'outre mer : la Soufrière dans l'île de la Guadeloupe, la Montagne Pelée dans l'île de la Martinique et le Piton de la Fournaise dans l'île de la Réunion. Il ne faut cependant pas oublier les volcans de l'océan Pacifique : Matthews, Hunter, au Sud-Est de la Nouvelle Calédonie, Clipperton à l'ouest du Nicaragua et Mehetia, Teahitia et Macdonald en Polynésie française.

Le territoire métropolitain comprend deux autres régions volcaniques qu'il faut surveiller : le Massif Central et à un degré moindre le fossé Rhénan.

On ne peut considérer ces volcans comme éteints puisque la dernière éruption remonte à 6 000 ans, un âge faible comparé à la durée de vie d'un système volcanique (le Piton de la Fournaise, l'Etna ont plus de 500 000 ans, le Vésuve, la Montagne Pelée quelque 300 000 ans), et faible comparé aux périodes de repos qui ont séparé des périodes de grande activité volcanique dans le passé.

1.1. Les grands types de régimes éruptifs

Les volcans font l'objet de classification suivant les grands types de régimes éruptifs :éruptions explosives, coulées de lave, et éruptions volcaniques.

1.1.1. Les éruptions « explosives »

Ce sont celles où le magma est pulvérisé en morceaux de tailles diverses, portés par un jet de gaz. Claude JAUPART, de l'Institut de Physique du Globe de Paris, distingue :

    ù les éruptions pliniennes, où le jet volcanique étant moins dense que l'atmosphère, monte par poussée d'Archimède comme un panache convectif ;

    ù les éruptions à coulées pyroclastiques, où le mélange éjecté est plus dense que l'atmosphère. Le mélange s'écoule le long des pentes de l'édifice volcanique à haute température et à haute vitesse ;

    ù les fontaines de lave par assimilation aux coulées formées par les fragments de lave pour magmas peu visqueux ;

    ù les explosions stromboliennes dans un conduit qui reste ouvert, de grosses poches de gaz viennent éclater à la surface de manière intermittentes projetant à faible altitude des fragments de leur enveloppe liquide ;

    ù les éruptions phréatiques où le magma réchauffe l'eau contenu dans les roches encaissantes perméables et la vaporise, faisant exploser la partie superficielle de l'édifice volcanique. Ces éruptions peuvent se faire sans magma visible à la surface, et projettent des fragments du volcan ;

    ù les coulées à blocs et cendres « nuées ardentes » qui sont des mélanges gazeux portant des cendres et des fragments de lave solidifiées formés par l'explosion de coulées épaisses de lave visqueuse.

1.1.2. Les coulées de lave

Les coulées de lave sont de plusieurs types en fonction de la viscosité du magma et du taux d'éruption. La morphologie de la coulée est variable et l'écoulement peut se faire de manière continue ou intermittente. Les diverses formes d'écoulement traduisent les effets du refroidissement et de la formation d'une croûte plus ou moins épaisse autour du magma chaud et fluide.

1.1.3. Les éruptions volcaniques

Une seule et même éruption volcanique peut être caractérisée par plusieurs régimes éruptifs différents. Il est par exemple courant d'observer le passage d'un régime plinien à un régime à coulée pyroclastique, puis à un régime de coulée de lave. Des alternances entre régimes sont aussi possibles. L'une des grandes difficultés pour l'évaluation des risques est que ces transitions sont soudaines.

1.2. Les risques volcaniques

1.2.1. Risques induits directement par une éruption

Ce sont les pluies de cendres et de ponces qui peuvent durer plusieurs heures et s'accumuler sur plusieurs dizaines de centimètres, voire plusieurs mètres. Elles sont mortelles pour l'homme à forte concentration, c'est-à-dire à quelques kilomètres du volcan, et destructrices pour les bâtiments, les structures et les activités agricoles sur de plus grandes distances.

Les coulées pyroclastiques sont rapides, et donc brèves mais puissantes et détruisant tout sur leur passage.

Les éruptions phréatiques se caractérisent par des projections de gros blocs pouvant aller jusqu'à plusieurs dizaines de tonnes, généralement à faible distance, mais certaines éruptions, comme celle du Bandai San au Japon, ont été extrêmement violentes et leurs effets ont été importants sur plusieurs dizaines de kilomètres.

Les coulées de lave détruisent tout sur leur passage. Elles peuvent être très rapides (quelques dizaines de kilomètres/heure) pour des volcans basaltiques dans des zones de forte pente.

1.2.2. Risques induits indirectement par une éruption

Les coulées torrentielles de boue où les cendres volcaniques se mélangent à l'eau, font monter le niveau des cours d'eau et engendrent des coulées rapides et denses.

Par contre, sous l'effet d'une éruption, des pans entiers de l'édifice volcanique peuvent être déstabilisés et provoquer des glissements de terrain.

1.2.3. Autres risques

Les glissements de terrain et éruptions phréatiques sont le cas inverse du précédent. Un glissement des pentes du volcan, rendues fragiles par les altérations hydrothermales, peut engendrer des explosions phréatiques par chute brutale de pression dans la nappe d'eau.

Les lacs volcaniques où les gaz volcaniques viennent s'accumuler en solution dans les eaux des lacs de cratère jusqu'à la saturation. La stratification en densité est instable et le lac peut se retourner en libérant les gaz dissous de manière catastrophique. Ce fut le cas du lac Nyos, au Cameroun. Un risque plus localisé est le débordement du lac et l'écoulement des eaux acides.

Les émanations gazeuses dont les effets sont localisés au voisinage de fractures, avec des possibilités d'accumulation mortelle dans des grottes (grotte du chien près de Naples) ou des souterrains.

1.3. Physique des phénomènes volcaniques

1.3.1. Principes de base et modèles

Une éruption volcanique est engendrée par le mouvement vertical de magma vers la surface terrestre. Lors de ce mouvement, la pression diminue ce qui provoque l'exsolution et la dilatation d'une phase gazeuse. La fraction volumique de gaz dépend du contenu initial du magma échantillonné dans le réservoir, et de l'importance des pertes de gaz dans les roches perméables de l'édifice.

On dispose de modèles de calcul qui reposent sur les équations de la mécanique des fluides. A partir d'une description de la géométrie du système et de l'état initial du réservoir, on est capable de calculer les caractéristiques de l'écoulement avec une bonne précision.

1.3.2. Compréhension des phénomènes

Les modèles ne peuvent pas prédire les volumes éruptés, les changements de régime éruptif et la durée d'une éruption. De telles informations nécessiteraient des connaissances fines de la taille du réservoir de magma et des conduits d'éruption, en d'autres termes de la « plomberie » du volcan, et du contenu en volatils du magma. Ces connaissances sont impossibles à obtenir avec les techniques géophysiques actuelles. On peut par contre extrapoler à partir d'éruptions anciennes et, une fois l'éruption commencée, encadrer les valeurs des variables à l'aide de mesures in situ.

A l'aide des modèles, on connaît donc les variables importantes, qu'il faudrait mesurer : la profondeur du réservoir, le flux de masse de l'éruption, et sa variation dans le temps, et la composition chimique du magma, qui détermine sa rhéologie. Ces données peuvent être obtenues avec des moyens d'investigation plus importants que ceux déployés à l'heure actuelle. Chaque régime éruptif est associé à des valeurs assez précises des variables.

A l'aide d'analyses statistiques sur les séries temporelles des temps de repos entre éruptions, on peut déterminer le nombre de variables indépendantes qui jouent un rôle. On peut aussi connaître les « attracteurs étranges » qui font que le comportement du volcan n'est pas complètement aléatoire, avec d'énormes variations des temps de repos sans logique.

2. LES OUTILS D'OBSERVATION ET DE SURVEILLANCE

2.1. L'observation des volcans

La connaissance d'un volcan donné est obtenue avant tout par une étude géologique de terrain qui détermine son histoire, ainsi que la nature et l'étendue des dépôts des ses éruptions passées. La datation des divers épisodes éruptifs, les variations de composition chimique permettent de déterminer l'évolution temporelle du système et de reconnaître les divers cycles éruptifs. Il est donc possible de replacer l'évolution récente du volcan dans un cycle et de prédire les conditions éruptives.

2.2. Compte rendu des missions dans quelques observatoires

Votre Rapporteur s'est rendu dans quelques observatoires, tant en France qu'à l'étranger, dont celui de Montserrat au moment de la crise de décembre 1996.

Une impression d'ensemble concernant ces laboratoires : il s'en dégage une grande sérénité, même au moment de la crise.

Chaque volcan ayant sa spécificité, même à l'intérieur des familles définies, la surveillance doit être adaptée. En Italie, le Vésuve et les Champs Phlégréens sont actifs, depuis 20 000 ans. L'Observatoire est commun aux deux volcans, et est rattaché à l'Université de Naples. Si le Vésuve est calme actuellement, et ce depuis 1944, il a connu auparavant trois siècles d'activité continue. Or, rappelons que plus la période de repos est longue, plus la prochaine explosion est forte. La dernière grande éruption, qui date tout de même de 1631, avait fait 5 000 morts. La prochaine devrait être d'une puissance similaire. L'Observatoire pense pouvoir identifier des précurseurs, notamment une déformation du sol et des séismes dans les 15 jours qui précèdent l'éruption.

La réactivation du magma est toujours très longue, de l'ordre de plusieurs semaines. Il existe bien une surveillance satellitaire, mais l'activité industrielle interfère sur les capteurs. Un projet de 10 capteurs à 300 m de profondeur dans le Vésuve et les Champs Phlégréens, capteurs à large bande et faible fréquence, a donc été monté.

Ce projet évalué à 1 500 000 Euros est financé pour un quart par l'Union européenne, le reste étant partagé entre les Universités de Naples, Salerne et par un fonds spécial de la Recherche italienne. Une autre observation se fait par un relevé des dilatations.

Il est nécessaire d'avoir une prévision à court terme très fiable, après avoir au préalable déterminé le magma et compris l'extension de la structure. En cas d'éruption, les coulées arriveront au bout de 5 à 6 minutes.

La Protection civile de Naples aura donc la lourde charge d'évacuer les 600 000 personnes qui habitent la zone rouge, ce qui nécessitera au moins 7 jours. La zone rouge, d'un rayon de 10 km, comporte 18 communes, soit 600 000 personnes. La zone jaune comprend 59 communes, soit environ 1 million d'habitants, mais la difficulté principale est l'impossibilité de prévoir la zone touchée.

Le plan présenté en 1996 a rencontré une forte opposition dans les administrations locales, la contre-proposition de reconstruire les villes à l'identique dans des zones sûres n'a pas eu plus de succès.

Le plan d'urgence prévoit donc une répartition dans tous les hôtels proches et un jumelage entre les communes du volcan et les régions italiennes à l'initiative de la Vénétie. Cette grande solidarité affichée se heurtera à un énorme problème, celui d'organiser sans panique une évacuation par très peu de voies de communication. Il faudra gagner la mer ou la gare, mais les accès en seront-ils possibles, car il est impossible de prévoir la zone touchée.

La seule quasi-certitude concerne le vent qui est toujours E-SE. Dans une deuxième phase, après l'effondrement de la colonne, la nuée ardente (gaz et particules de magma) est attendue.

La recherche pourtant est développée. En 1993, est lancé le projet VESUVE qui consiste en un programme de tomographie sismique, permettant de localiser les zones d'anomalie, et des études de gravimétrie, liées à la densité des corps dans les champs magnétiques et électriques.

En 1994, l'étude est complétée par les enregistrements par capteurs en surface des ondes sismiques provoquées par les explosions. Le Vésuve est connu surtout par la surface ; il y a actuellement un capteur tous les 250 m en surface, ce qui permet de mieux le connaître en profondeur et surtout de contrôler l'activité sismique et la profondeur du magma.

Ce type d'observations a déjà été expérimenté, notamment au Kilauea à Hawaii.

Le point fondamental est de comprendre ce qui se passe avant l'éruption. Le plus important est de connaître la profondeur d'une poche magmatique, le caractère explosif augmentant avec la viscosité.

Les autres zones d'activités volcaniques de l'Italie sont, toujours à proximité de Naples, les Champs Phlégréens et en Sicile, l'Etna.

Les Champs Phlégréens sont restés 3 500 ans au repos mais, depuis 25 ans, ils connaissent des mouvements, la surélévation du sol a atteint depuis 1984 environ 3,5 m. L'activité sismique de cette zone est au moins au niveau 1, mais il n'y a pas de plan d'urgence élaboré, alors que 300 000 habitants, au minimum, sont concernés.

Si l'Etna est bien en activité, les précurseurs sont repérés au moins 36 heures avant et l'éruption est peu dangereuse dans un premier temps.

Aux Antilles, le souvenir des éruptions est vivace. La réserve de magma est située à 6/10 km de profondeur, susceptible d'arriver en surface. En 1976, avec la crise de la Soufrière de Guadeloupe, va se développer le réseau de surveillance. La surveillance par sismologie y est très développée, 85 % des phénomènes de surface étant précédés par des séismes.

Conséquence de 1976, les observatoires des autres volcans actifs de nos départements d'Outre-Mer verront leur réseau de surveillance se développer.

La manifestation la plus récente des Petites Antilles est celle de la Soufrière de Montserrat, île située à 55 km de la Guadeloupe.

Depuis le séisme de 1992, 3 années de secousses ont été enregistrées. Le dôme a commencé à grandir en 1995 ; le 3 avril 1996, les premières nuées ardentes sont apparues ; d'avril à novembre, les nuées se dirigent vers la mer. Le 17 septembre, une première explosion verticale, après 10 à 12 heures de nuées ardentes provoquent d'importants dégâts : maisons brûlées par les roches ardentes projetées et les cendres volent vers la Guadeloupe, ce qui nécessite de fermer l'aéroport de Pointe-à-Pitre.

Un nouveau cratère s'est formé et un nouveau dôme est apparu. A la date de la mission, une zone importante est déjà interdite d'accès, la population déplacée vers le nord de l'île ou évacuée hors de l'île.

Des volontaires, âgés de 18 à 38 ans, vivent ensemble depuis le début de la crise et ont deux responsabilités : une assistance de la police et une aide à la reconstruction. L'aide à la police consiste surtout en une protection des biens abandonnés en zone interdite ou contrôlée, biens qui suscitent la convoitise de quelques très rares pillards. Les travaux publics sont effectués par 40 ouvriers, qui évacuent la cendre essentiellement. Votre Rapporteur a été surpris de voir l'épaisseur de cendres se déposant en quelques minutes seulement, le véhicule ayant dû être nettoyé le temps de s'arrêter au port de Plymouth, seul point de ravitaillement important pour toute une partie de l'île.

L'hôpital de Plymouth était abandonné, 29 lits seulement étaient disponibles à St John, mais il y avait déjà 42 occupants. L'aide de médecine spécialisée était fortement souhaitée, le Gouverneur se montrant reconnaissant de l'aide proposée par la Guadeloupe et comptant beaucoup sur les bateaux français pour évacuer les 3 000 personnes concernées en cas de rupture du dôme, comme cela était alors prévisible, avec un risque d'explosions latérale et verticale.

Vous trouverez en annexe une étude détaillée de cette éruption qui a pu être suivie dans le monde entier, au jour le jour, dès que le site INTERNET fut en service.

A la Réunion, l'Observatoire du Piton de la Fournaise a été créé en 1979,et il a bénéficié d'un très bon équipement. Lorsque votre Rapporteur l'a visité, la dernière éruption remontait à 1992 et la coulée de lave avait presque atteint la mer.

Chaque éruption est précédée d'un séisme, mais la population n'est pas inquiète. La surveillance se fait à l'aide de plusieurs réseaux : surveillance sismique, déformation juste avant et pendant l'éruption, émission de radon. Alors que France Télécom accordait des tarifs préférentiels pour les transmissions liées à ces réseaux, l'abandon de cette politique discrétionnaire ampute le budget de fonctionnement de l'observatoire de 50 % de ses ressources, les 8 lignes téléphoniques nécessaires aux transmissions coûtant 150 000 francs par an.

Le développement des échantillons de gaz se fait à Paris, et nécessite 4 à 7 jours pour une réponse, ce qui en cas de crise est un peu long.

Lorsque 10 séismes sont enregistrés dans la journée, il y a préalerte. Lorsque 10 séismes sont enregistrés dans l'heure, il y a éruption imminente. Le magma peut monter dans la cheminée en 20 minutes ou en 2 heures. Mais, à ce jour et depuis la création du réseau de surveillance, toutes les éruptions ont pu être prévues, permettant aux autorités de prendre les mesures de prévention souhaitables.

3. PRÉVENTION ET PRÉVISION

3.1. Prévention

Les dommages dus aux éruptions volcaniques sont d'une ampleur telle qu'il n'est pas réaliste d'imaginer pouvoir les empêcher. Pour protéger les vies humaines, lorsqu'une éruption s'annonce, la seule solution est l'évacuation des régions menacées. Pour minimiser les destructions de bâtiments et de récoltes, il faut tout simplement éviter l'occupation des zones les plus dangereuses.

On peut réduire les dégâts causés par les coulées de lave, de blocs et de cendres et de coulées de boue en implantant des barrages qui freinent la propagation et qui retiennent les blocs les plus gros. On peut détourner les coulées de lave momentanément en détruisant les levées qu'elles édifient et qui canalisent leur écoulement. De telles solutions ont été expérimentées avec succès à l'Etna et sur divers volcans japonais (projet Sabo sur les volcans Sakurajima, Usu, Unzen, etc.). Ce ne sont que des solutions temporaires qui permettent de ralentir les coulées, mais en aucun cas de les arrêter, car les énergies mises en jeu sont trop importantes.

3.2. Prévision

La prévision doit porter sur six points :

    ù la périodicité des éruptions et la probabilité de réveil dans un temps donné (en années ou en dizaines d'années),

    ù une fois l'éruption probable, le jour de son début,

    ù le type de l'éruption et son intensité,

    ù la durée de l'éruption,

    ù l'étendue des dommages,

    ù les changements possibles de régime éruptif en cours d'éruption.

En ce qui concerne le premier point, on procède de manière historique en reconstituant l'histoire passée du volcan et en faisant une étude statistique des périodes de repos. On connaît les ordres de grandeur des temps de repos pour chaque type de volcan (une année pour les volcans boucliers de type Hawaiien comme le Piton de la Fournaise, une centaine d'années pour les volcans de type Soufrière). On ne peut prédire par un modèle théorique a priori les temps de repos : les incertitudes sur les valeurs des paramètres importants (volume du réservoir, contenu en volatils, âge du réservoir) et sur les conditions initiales sont trop grandes.

On peut être sûr du réveil du volcan et donc d'une éruption proche si l'on observe de manière simultanée un certain nombre de phénomènes : séismicité peu profonde et anormalement forte, déformation localisée importante, petites explosions phréatiques. Il est important de remarquer que c'est la simultanéité de tous ces indices qui rend la prédiction fiable. En l'absence des autres, un seul de ces phénomènes pourrait être interprété de plusieurs manières différentes. Dans tous les exemples connus où des appareils de surveillance ont été déployés en nombre suffisant, on a pu déceler le réveil du volcan au moins une semaine avant l'éruption. Cette période transitoire a duré environ deux mois pour les éruptions récentes du Mont St Helens aux Etats-Unis d'Amérique à partir du moment où les premiers séismes ont été enregistrés, et du Mont Pinatubo aux Philippines à partir des premières manifestations de surface. L'éruption célèbre et mortelle de la Montagne Pelée en 1902 s'est annoncée par une activité fumerollienne dès 1889, et par des signes d'activité importants plus d'un an avant le paroxysme du mois de mai 1902 : séismes ressentis par la population, explosions phréatiques projetant des cendres à plusieurs kilomètres de distance, jusqu'à la ville de Saint-Pierre. Au Piton de la Fournaise, dont les laves sont peu visqueuses et s'écoulent rapidement dans les conduits du volcan, la période transitoire qui précède l'éruption est plus courte avec une durée typique de deux semaines.

Une fois le réveil du volcan avéré, la prédiction de la date de l'éruption se fait à l'aide d'enregistrements en continu, par exemple de la déformation et de la migration des séismes. On suit ainsi la progression du magma et l'extrapolation des données donne le jour et parfois, l'heure de son arrivée à la surface, c'est-à-dire l'éruption. De telles prédictions ont été faites avec succès sur le Piton de la Fournaise dans l'île de la Réunion.

Les prédictions sur le type d'éruption qui va se produire reposent essentiellement sur l'histoire passée du volcan. L'intensité de la déformation, que l'on peut mesurer, permet d'évaluer le volume déplacé et donc l'importance de l'événement qui s'annonce. On n'a eu jusqu'à présent que peu de surprises : les volcans ont un comportement reproductible. Néanmoins, il faut tenir compte de modifications qui sont des détails pour le volcan, mais qui peuvent avoir des conséquences très importantes pour les êtres humains. Par exemple, l'éruption de mai 1980 du Mont St Helens a provoqué l'effondrement d'une moitié seulement de l'édifice, laissant intact une structure en forme d'amphithéâtre. Cette structure a fait obstacle lors de l'explosion initiale et a « dirigé » celle-ci vers le côté ouvert, donnant une impulsion horizontale qui a causé des dommages sur de plus grandes distances que prévu.

En ce qui concerne la durée d'une éruption, on peut aussi se référer aux exemples passés et à la systématique observée sur les volcans du même type. Les éruptions qui durent moins d'un mois sont très rares, et il est courant qu'elles se poursuivent pendant plusieurs années. Les dommages sont souvent les mêmes d'une éruption à l'autre, et les dépôts s'accumulent aux mêmes endroits.

La prédiction la plus difficile à faire dans l'état actuel de nos connaissances et de nos moyens d'observation concerne l'évolution des conditions éruptives et les changements de régime. Une éruption peut alterner entre des phases peu dangereuses, comme par exemple l'édification d'un dôme de lave dans le cratère, et des phases explosives meurtrières, comme les nuées ardentes. Dans certains cas, comme par exemple au Mont Unzen au Japon, ces transitions s'annoncent quelques heures auparavant par une microséismicité particulière. Encore faut-il disposer d'un dispositif de surveillance assez dense et maintenu en état d'alerte même lorsque l'éruption semble se calmer. Une transition courante est celle du régime plinien à celui des coulées pyroclastiques, beaucoup plus dangereuses, qui est due soit à l'agrandissement du conduit volcanique par érosion, soit à la décroissance de la teneur en éléments volatils du magma. On ne sait pas encore faire la part des choses après l'éruption et, a fortiori, pendant l'éruption.

3.3. Les événements exceptionnels

Les catastrophes volcaniques les plus importantes, et donc les plus dangereuses, sont rares et n'ont jamais été observées par l'homme. Elles se caractérisent par l'effondrement de tout le système volcanique et l'éjection d'énormes quantités de cendres et de ponces qui viennent recouvrir des surfaces gigantesques.

Dans l'exemple proche des Champs Phlégréens, près de Naples, 250 000 millions de tonnes de débris volcaniques ont été répartis sur un million de kilomètres il y a 34 000 ans. On connaît ces catastrophes par leurs dépôts et par les structures géologiques qu'elles laissent : les caldeiras, qui sont les dépressions laissées par la vidange du réservoir volcanique. On n'en connaît pas les mécanismes faute de données adéquates et de modèles réalistes. La prédiction de tels événements est donc difficile.

4. EXPERTISE ET COMMUNICATION

L'un des problèmes les plus importants posé par les éruptions volcaniques réside dans la communication entre les scientifiques, les autorités civiles et la population. On peut identifier deux sources de difficultés.

4.1. Conflits d'interprétation et d'idées scientifiques

Les systèmes volcaniques sont complexes et peu de scientifiques en ont une vision globale, c'est-à-dire rassemblant divers types d'observations, de mesures et de modèles dans un seul et même cadre cohérent. Chaque scientifique aura naturellement tendance à privilégier le type de données avec lequel il est le plus familiarisé. Les différentes données sont sensibles à des phénomènes différents, et plusieurs interprétations seront possibles. C'est la confrontation des différentes hypothèses qui permet le diagnostic le plus sûr. Malheureusement, la convergence ne peut être acquise instantanément et, dans un stade préliminaire, on doit s'attendre à une bataille d'idées et de raisonnements. Il est crucial de faire comprendre ce processus fondamental de la recherche de la vérité aux autorités civiles et d'éviter les confusions et les inquiétudes qu'il peut entraîner chez le public. Plusieurs exemples récents de crises volcaniques ont montré que le nécessaire débat d'idées est mal accepté en temps de crise. Accessoirement, ils ont aussi montré la tendance naturelle des journalistes à rechercher les opinions dissidentes et à monter en épingle les divergences entre scientifiques. Il est donc important de bien organiser les relations avec les médias, et de nommer un correspondant scientifique unique chargé de donner les informations et de répondre aux questions.

Des scientifiques étrangers peuvent être amenés à se rendre sur place. Il faut s'assurer de leur soutien et de leur collaboration, afin d'éviter les déclarations tonitruantes et les critiques de l'organisation locale. C'est pour cette raison que le scientifique nommé responsable doit être une personnalité incontestable et reconnue sur le plan international.

4.2. Attitude en cas d'alerte

Après les premiers signes de réveil, plusieurs mois peuvent s'écouler avant l'éruption proprement dite. La perception du danger est en général mauvaise et la soudaineté de la catastrophe impossible à faire comprendre. Les êtres humains ont naturellement tendance à réagir progressivement au fur et à mesure qu'une situation évolue et à ne pas maintenir un état d'alerte pendant longtemps. Il a été maintes fois prouvé que les meilleures explications du monde ne pouvaient convaincre les populations du bien-fondé des décisions d'évacuation. La seule méthode est la démonstration par l'exemple. C'est pour cette raison que l'Association Internationale de Volcanologie a réalisé un film sur les divers effets catastrophiques des éruptions volcaniques et qui illustre bien les énormes dimensions des zones affectées. Ce film fut largement diffusé dans les villes et villages autour du Mont Pinatubo aux Philippines avant l'éruption de mai 1991 et a évité les malentendus et les résistances des habitants.

Dans la plupart des cas, la difficulté est que la situation n'évolue pas de manière sensible, seuls les instruments géophysiques fins sont capables de détecter la progression du magma. Les populations sont souvent amenées à douter de l'imminence du danger et à contester la maintien de l'état d'alerte qui dérange leur vie et l'activité économique. Il est donc important de publier régulièrement des bulletins d'information.

4.3. Information préventive avant la crise

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler, l'information préventive sur les risques majeurs est devenue un droit depuis la loi du 22 juillet 1987 ; elle s'applique en particulier aux risques naturels prévisibles (et donc au risque volcanique) auxquels la population se trouve exposée.

L'information doit être aussi complète que possible. Elle ne doit surtout pas se limiter au simple « porté à connaissance » (affichage des aléas volcaniques) mais apporter également des éléments en matière de moyens de prévention.

Le rôle et la responsabilité de l'Etat sont d'afficher la connaissance du risque volcanique (nature, localisation, caractéristiques, ...) en réalisant un « dossier synthétique » (ex. : atlas départemental ; atlas communaux des risques ; atlas par bassin de risque ; cartes d'aléas volcaniques, ...).

C'est à travers tout le système éducatif que doivent se faire, en aval, la prise de conscience du risque et de la mise en place des comportements appropriés.

Le rôle et la responsabilité des communes est d'organiser l'information préventive des populations sur le risque volcanique à partir du dossier synthétique préparé par l'Etat, informations écrites et exercices d'évacuation.

4.4. Information préventive pendant la crise

La Préfecture, relayée par les communes et par la presse et notamment les radios locales, publie régulièrement des bulletins d'information.

Bulletins périodiques d'information sur l'évolution de la crise éruptive :

    ù Dans la plupart des cas, la difficulté d'informer vient de ce que la situation n'évolue pas de manière sensible : seuls les instruments géophysiques fins sont capables de détecter la progression de certains « ingrédients » de l'éruption (montée de magma, ...).

    ù Les populations sont souvent amenées à douter de l'imminence du danger (devant l'absence de signes visibles) et à constater que le maintien de l'état d'alerte dérange leur vie et l'activité économique. Maintien de la vigilance entre les premiers signes précurseurs et l'éruption.

    ù Après les premiers signes précurseurs de réveil du volcan, plusieurs mois peuvent s'écouler avant l'éruption proprement dite. La perception du danger est en général mauvaise et la soudaineté de la catastrophe difficile à admettre par la population.

    ù Il est toujours très difficile de maintenir un état d'alerte pendant longtemps, et ensuite de convaincre les populations du bien-fondé des décisions en particulier lorsqu'une évacuation est décidée.

    ù L'un des problèmes les plus difficiles posé par les éruptions volcaniques réside dans les relations complexes de communication entre les scientifiques, les autorités civiles et la population, chacun obéissant à sa logique ou ses intérêts propres.

4.5. Plans de secours

Hormis le plan ORSEC-Volcan qui existe pour chaque volcan actif français, il existe le plan de secours spécialisé (PSS) « Volcan », qui est plus un aide-mémoire qu'un document opérationnel.

5. RECOMMANDATIONS

5.1. Progrès techniques attendus

Les progrès techniques proviendront surtout de réseaux d'observation à maillage fin. Comme on l'a dit plus haut, l'incertitude la plus grande provient de la mauvaise connaissance du système d'alimentation du volcan et de ses dimensions. A l'heure actuelle, on peut déterminer la structure interne d'un volcan par la sismologie avec une précision de quelques centaines de mètres. Pour faire mieux, il faut déployer un grand nombre de récepteurs et gérer le grand nombre de données enregistrées. Pour fixer les idées, il faudrait un maillage d'à peu près cent mètres de côté, soit pour une surface de 5 x 5 km, 2 500 récepteurs. Les réseaux actuels comportent une centaine d'instruments au plus. La solution est dans la miniaturisation des appareils qui rend aisés leur transport et leur mise en place, et dans des méthodes informatiques permettant l'enregistrement simultané de tous les signaux.

Un autre progrès technique est l'utilisation systématique de sondeurs à distance pour déterminer la structure interne des panaches pliniens et des coulées pyroclastiques, et suivre leurs variations. Ces sondeurs sont employés pour l'étude de la haute atmosphère (radars, lidars), on pourra ainsi comprendre et, dans un deuxième temps, prédire en temps réel la transition d'un régime à l'autre.

On peut aussi attendre des progrès importants grâce aux satellites et, en particulier, aux études de déformation par SAR (radar à ouverture synthétique). Le problème est qu'à l'heure actuelle, la déformation n'est détectable que si elle est localisée et importante. On ne peut donc déceler les mouvements profonds qui sont les premiers à se produire, parce qu'ils affectent l'édifice sur de grandes distances avec une amplitude faible. Grâce aux données satellite, le problème devient soluble.

5.2. Recherches prioritaires

Les recherches prioritaires concernent la dynamique des régimes explosifs et des mécanismes de la fragmentation, c'est-à-dire l'explosion de magma chargé de bulles de gaz. L'autre aspect est la rhéologie des mélanges magma-bulles-cristaux, en fonction de la composition du magma et de la teneur en eau. De manière générale, l'accent doit être mis sur la simulation des phénomènes.

Un autre axe de recherche est les méthodes de détermination des zones de faiblesse de l'édifice, afin d'identifier les zones instables pouvant engendrer des glissements de terrain.

5.3. La communication

Dans chaque document, tel l'annuaire des télécommunications, ou lieu public, un rappel des règles figure. Ce document mériterait cependant d'être diffusé davantage encore, peut-être sous une forme moins littéraire.