RAPPORT SUR LAPPLICATION DE LA LOI N° 94-654 DU 29 JUILLET 1994 M. Alain CLAEYS, Député et M. Claude HURIET, Sénateur AUDITION Comptes rendus des auditions *
Liste des sigles et abréviations utilisés *
M. BYK distingue trois grandes périodes dans lévolution de la bioéthique. De 1965 à 1975, apparaissent les premiers appareils de dialyse rénale. La question qui se pose est alors de déterminer qui peut, en priorité, bénéficier de ces nouveaux traitements, compte tenu de lécart entre loffre et la demande. Entre 1975 et 1988, les autorités publiques mettent en uvre une politique dévaluation, aux Etats-Unis dabord, puis en Europe (Danemark, France). Des commissions parlementaires se saisissent du sujet en Grande-Bretagne et en Espagne. Depuis 1988, des normes législatives sont établies en Espagne (1988), en Grande-Bretagne (1990) puis en France. Lordre juridique noffre pas tous les repères de clarté souhaitables en ce domaine. Un phénomène de désétatisation se manifeste dans les états fédéraux mais aussi dans des états unitaires où sont mises en uvre des politiques régionales (cas de lItalie). La bioéthique est marquée aujourdhui par trois tendances :
Il convient de souligner la part que les ordres professionnels ont prise dans lélaboration des règles, tant dans le domaine du don dorganes que dans celui de la procréation assistée. Les divergences existant dun état à lautre encouragent le " tourisme médical ", dautant plus que la circulation intra-européenne est légale en ces domaines.
Le CNO a constitué un groupe de travail commun avec lAcadémie nationale de médecine. Sur les grands principes (gratuité, consentement, anonymat), aucune modification ne paraît souhaitable. Le principe dune révision périodique devrait être reconduit. Le problème du clonage na pas été traité par la loi : cette omission devra être réparée en prenant en compte tous les aspects du problème (clonage reproductif et clonage thérapeutique). Don et transplantation dorganes, tissus et cellules :
Assistance médicale à la procréation :
Professeurs Claude LAROCHE et Claude SUREAU, président et membre de lAcadémie nationale de médecine 1) Loi n° 94-653 Larticle 16-3 du Code civil, interprété restrictivement, conduit à condamner des pratiques obstétricales dont les indications thérapeutiques ne concernent que le ftus (césariennes, amniocentèses). Larticle 16-4, 2ème alinéa, interdisant les pratiques eugéniques ne distingue pas assez nettement laspect individuel et laspect collectif de ces pratiques. 2) Loi n° 94-654 Dispositions relatives au don dorganes :
Dispositions relatives à lAMP :
Préparés par une réflexion approfondie (rapports BRAIBANT, MATTEI, LENOIR...), les textes de 1994 sont d'une qualité digne des grandes lois du XIXe siècle. Les principes posés (intégrité du corps, non-patrimonialité, intégrité de la personne et de l'espèce humaine) ne nécessitent pas de modification et peuvent s'adapter aux évolutions scientifiques (problème du clonage). Cette construction législative est d'autant plus remarquable qu'elle va bien au-delà des dispositions prises par d'autres pays développés. Aussi a-t-elle pu inspirer plusieurs conventions internationales (UNESCO, Conseil de l'Europe). Il est cependant indispensable, dans le cadre de cette mission d'évaluation, de prendre l'avis des professionnels pour relever les dispositions qui entravent l'exercice de leur activité et les lacunes éventuelles (prélèvements d'organes, diagnostic préimplantatoire). Il existe d'autre part un point central qui mérite un réexamen approfondi : c'est celui de la recherche sur l'embryon. Le compromis auquel est parvenu le Parlement au terme de la navette est porteur d'ambiguïté. La distinction entre l'expérimentation prohibée et les études autorisées (mais très strictement encadrées par le décret d'application) est obscure. Ces études ne peuvent porter atteinte à l'intégrité de l'embryon mais la loi permet par ailleurs sa destruction. Il y a de toute évidence une " malfaçon législative ". La question aujourd'hui posée est de savoir s'il est préférable de se cantonner dans cette situation floue qui a pu présenter, en son temps, des avantages " politiques " ou d'adopter une position claire. Une indication en ce sens a été donnée par le Comité national d'éthique dans son avis de 1997 sur la constitution de cellules souches embryonnaires. C'est là un vrai problème de fond dès lors qu'on est sur la voie, dans les pays où l'expérimentation est autorisée, de découvertes fondamentales touchant la multiplication cellulaire qui trouveront des applications décisives, notamment en cancérologie. L'intérêt thérapeutique de la personne " totale " confronté à la préservation éthique de la personne " potentielle ", tel est le véritable dilemme devant lequel se trouve placé le législateur. La loi n'a pas voulu régler explicitement le sort des embryons surnuméraires créés après son entrée en vigueur. Mais la logique de destruction à laquelle aboutit inévitablement cette situation n'est-elle pas moins défendable que la fixation de protocoles de recherche très rigoureux sur ces embryons " orphelins ", encadrés par un dispositif de contrôle efficace et assortis de sanctions pénales ? A cet égard, le système actuel, qui ne donne pas à la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et de diagnostic prénatal les moyens d'exercer efficacement sa mission, constitue le modèle de ce qu'il ne faut pas faire. Tout dépend, en définitive, de la réponse que l'on apportera à une interrogation philosophique essentielle : l'embryon est-il, dès l'origine, assimilable à une personne humaine ? MM. STASSE et SALAT-BAROUX se réfèrent, sur ce point, à l'opinion négative du Professeur FRYDMAN (in " Dieu, la médecine et l'embryon "). M. SALAT-BAROUX estime souhaitable que la réflexion de l'Office porte également sur certains points de la loi 94-653 et, notamment, sur la nouvelle rédaction donnée à l'article 16-11 du Code civil relatif à l'utilisation des empreintes génétiques pour l'établissement d'un lien de filiation. La Cour d'appel de Paris en a fourni une lecture surprenante s'agissant de l'identification d'une personne décédée, en donnant le pas au droit de connaître ses origines sur le principe de consentement. Il y a là une source de tension juridique que la loi devrait s'efforcer de réduire. Il conviendrait d'autre part de revoir l'article 16-4 du Code civil issu de la même loi qui interdit les transformations des caractères génétiques de la personne humaine sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques. La possibilité de traitement devrait être également admise. La position des deux intervenants se divise sur la question de l'insémination post mortem. Pour M. STASSE qui fut confronté à ce problème dans ses précédentes fonctions de directeur général de l'Assistance publique avant l'intervention de la loi, il n'appartient pas à la société d'apporter son concours à la naissance d'un enfant sans père qui ne peut résulter que des aléas du destin. M. SALAT-BAROUX estime, en revanche, qu'indépendamment de la réflexion plus générale qui peut se développer sur l'évolution de la notion de famille, il devrait être fait droit à la volonté d'une veuve qui souhaite accueillir un embryon conçu avant le décès de son époux. A bien des égards, la loi votée en 1994 constitue un excellent compromis mais elle ne peut rester en l'état pour ce qui concerne la situation de l'embryon. Le législateur a voulu rendre la recherche possible sans en banaliser l'objet. Ce compromis est générateur de redoutables incertitudes. La pire des situations, pour un biologiste, est que naisse de son action un enfant handicapé. Or la loi actuelle, en interdisant toute recherche sur l'embryon qui nuirait à son développement, conduit précisément à cette situation puisque la seule façon de respecter cette obligation est de laisser le développement se poursuivre quelles que soient les anomalies dont ce projet d'être humain est porteur. L'embryon est humain mais ce n'est pas une personne et son devenir est grevé d'une grande incertitude. C'est un espoir, un projet de personne. Pour cette raison, et quelles que soient les techniques employées, elles ne doivent viser qu'à la création d'un être humain inscrit dans un projet parental. Cependant, si élevé que soit le niveau de dignité où on le place, il n'y a aucune raison de soustraire totalement l'embryon à la recherche, dès lors que le projet parental est abandonné, que les géniteurs ont donné leur accord et que l'alternative se réduit, soit à la destruction pure et simple de l'embryon, soit à une expérimentation préalable à cette destruction. Les Britanniques ont " botté en touche " en autorisant l'expérimentation pendant les quatorze premiers jours du développement de l'embryon mais il s'agit là, pour le biologiste, d'une séparation artificielle et M. KAHN préfère qu'on ne recoure pas à cette solution de facilité tout en admettant qu'il y a, au fil de la multiplication cellulaire, une dignité croissante de l'embryon. Il serait néanmoins paradoxal que la période prénatale soit la seule où la recherche serait quasiment impossible. Les perspectives ouvertes par cette recherche concernent, outre les techniques d'assistance médicale à la procréation proprement dites, l'expérimentation de nouveaux milieux de développement. Par ailleurs, la culture de cellules souches embryonnaires, qui n'a été réalisée jusqu'ici que sur des souris, ouvrirait de larges possibilités thérapeutiques compte tenu du caractère totipotent de ces cellules. M. KAHN est réservé sur la création de ces cellules par clonage mais souligne qu'en tout état de cause, il n'est possible à l'heure actuelle d'en obtenir que dans les pays où la recherche est plus libéralement autorisée. Selon l'exégèse dominante, l'interdiction du clonage reproductif résulterait de l'article 16-4 du Code civil dans la rédaction que lui a donné la loi n° 94-653. Ce texte ne vise que les pratiques eugénistes mais la notion même de procréation n'est nulle part définie. Il conviendrait donc, pour plus de sécurité, de compléter en ce sens le Code de la santé publique. En ce qui concerne le développement de la médecine prédictive sur la base des tests génétiques, la loi actuelle ne garantit pas une assurance tous-risques contre d'éventuelles dérives. Il sera de plus en plus facile, pour chaque individu, de connaître sa destinée biologique, sa prédisposition à certaines maladies, ses capacités intellectuelles ou physiques et d'en tirer parti pour assurer sa position sociale, comme l'illustre l'exemple récent des découvertes touchant les performances sportives. " L'idéal sportif est l'idéal du triomphe de l'inégalité biologique. " Les " kits " individuels, déjà disponibles sur le marché américain, risquent de se répandre en Europe et il sera difficile d'édifier des barrières (Agence nationale ou européenne du médicament) pour limiter leur utilisation inconsidérée. Cependant, il serait intéressant d'analyser les législations des divers états américains qui ont, dans cette matière, un objectif éducatif. En ce qui concerne l'ICSI dont l'innocuité semble se confirmer, il est frappant de constater qu'elle a été développée, en dépit de ses risques théoriques, sans expérimentation préalable contrairement aux règles fixées dans le code de Nuremberg et la déclaration d'Helsinki.
Si l'étude de l'Office parlementaire doit être essentiellement centrée sur la loi n° 94-654, seule explicitement soumise à révision quinquennale, il faut néanmoins relier les trois textes qui constituent le corpus juridique de la bioéthique et couvrent trois champs très différenciés :
Les travaux préparatoires explicitent le principal enjeu : encadrer les nouvelles pratiques médicales consistant à intervenir sur un corps humain en vue d'un objectif thérapeutique qui lui est étranger. L'activité thérapeutique peut être définie comme la prise en charge d'un individu par un médecin : le receveur d'organe entre bien dans ce champ traditionnel mais non le donneur qui est utilisé dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. La même personne, hospitalisée à la suite d'un accident, peut d'ailleurs être placée successivement dans ces deux situations. La loi a créé implicitement des intérêts contradictoires mais il n'existe dans les hôpitaux aucun système de représentation de ces différents intérêts permettant de distinguer clairement, au moment de l'hospitalisation :
L'article 16-3 du Code civil ne fait pas ressortir l'intérêt thérapeutique pour autrui. L'article 672-4 du Code de la santé publique n'est pas plus explicite. Quant à l'article 672-1 relatif aux déchets opératoires, il est totalement incompréhensible. Dans une matière qui a une forte valeur symbolique, on se trouve face à des règles juridiques qui n'organisent pas clairement le régime du consentement. Il en résulte, dans certains hôpitaux, des comportements attentistes qui conduisent à un blocage de l'activité de prélèvement. Mme THOUVENIN juge inapproprié le recours à la notion de " don " qui, outre la gratuité, impliquerait que le donneur soit connu et exprime son consentement alors que celui-ci peut être présumé en l'état actuel de la loi. La rédaction du 671-7 qui enjoint au médecin de " s'efforcer " de recueillir le témoignage de la famille n'a pas grande valeur juridique. En tout état de cause, il serait souhaitable que la recherche du consentement associe aux médecins des représentants des associations qui se consacrent à la défense des droits des patients. Il manque, dans le dispositif actuel, un médiateur chargé de représenter l'intérêt des donneurs. S'agissant de l'élargissement éventuel du cercle des donneurs vivants, Mme THOUVENIN souligne qu'il ne faut pas confondre la parenté biologique et les solidarités fondées sur un lien affectif fort qui permet de garantir le caractère désintéressé du don. L'évolution des pratiques sociales devrait conduire à admettre les concubins au nombre des donneurs potentiels. En ce qui concerne le statut de l'embryon, la question ne doit pas être posée en terme de personnalité car il n'est pas nécessaire d'être un sujet de droit pour bénéficier d'une protection juridique. Ainsi le Code pénal punit-il les mauvais traitements infligés aux animaux. Compte tenu de la pénurie d'organes prélevables post mortem, il est souhaitable d'élargir les possibilités de prélèvement sur personnes vivantes à des parents plus éloignés (oncles et tantes, notamment). La condition d'urgence imposée pour les dons entre époux n'a pas lieu d'être s'agissant des greffes rénales qui constituent la très grande majorité des prélèvements pratiqués dans ce cas de figure. Par ailleurs, il n'est pas logique d'exclure les concubins de la liste des donneurs. S'agissant de l'assistance médicale à la procréation, convient-il de maintenir l'enfant dans l'ignorance du mode de fécondation et de l'identité du géniteur, dans le cas d'une insémination artificielle avec donneur (IAD) ? On a invoqué, à l'appui d'une modification de la loi, la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France, qui confère à celui-ci le droit, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d'être élevé par eux. Mais le trouble que peut créer chez l'enfant la levée de l'anonymat va à l'encontre de la stabilité familiale et sociale. L'exemple suédois démontre en outre que le recrutement des donneurs risque de s'en trouver tari. La formulation très large de l'article L 152-1 (" Toute technique d'effet équivalent ") a autorisé le recours à l'ICSI qui confère à l'assistance médicale une dimension nouvelle et dont les effets sur l'enfant ainsi conçu n'ont pas encore été évalués avec certitude. L'interdiction du transfert de l'embryon après le décès du père, édictée par la jurisprudence et confirmée par la loi, s'appuie sur deux arguments : la règle des 300 jours et les difficultés que soulèverait la transposition de cette faculté à l'homme. Un système plus libéral prenant en considération la date à laquelle le décès est intervenu pourrait cependant être envisagé. Le problème de la conservation des embryons surnuméraires ne se pose pas en Allemagne où une règle, rigoureusement appliquée, limite la production d'embryons au nombre strictement nécessaire à la mise en uvre de la procréation et exclut par là même toute possibilité de recherche. Trois solutions sont théoriquement envisageables :
Est-il inconcevable de procéder à certaines recherches sur un embryon voué à disparaître, soit naturellement, soit par destruction volontaire ? On pourrait considérer ces recherches comme possibles avant la fusion des noyaux. A titre personnel, M. MICHAUD considère que l'embryon n'existe véritablement que lorsqu'il est implanté. La convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la bioéthique signée à Oviedo en 1996 n'a pu, en l'absence de consensus, que renvoyer aux Etats le soin de réglementer la recherche tout en prohibant la constitution d'embryons à cette fin spécifique. La France a suspendu sa ratification dans l'attente des décisions qui pourraient être prises l'an prochain par le législateur. La loi a édicté des sanctions pénales très lourdes, trop lourdes pour être vraisemblablement infligées. Alors que certaines équipes poursuivent leurs recherches, aucune poursuite n'a été engagée. M. MICHAUD aurait souhaité qu'en dehors même de toute action répressive, une réflexion concertée s'engage entre les parquets et les DDASS. Si les nouvelles orientations tracées en cette matière par l'avis n° 53 du Comité national d'éthique trouvent une traduction dans le droit positif, elles conféreront un rôle décisif à la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal. M. MICHAUD souligne que la faiblesse des moyens dont dispose actuellement cette instance ne lui permet pas d'assurer correctement sa mission en ce qui concerne la délivrance des agréments et autorisations aux praticiens et établissements pratiquant l'assistance médicale à la procréation. M. MICHAUD estime qu'une certaine contradiction existe, à l'article L 162-17 relatif au diagnostic préimplantatoire, entre les cas où il peut être pratiqué (maladie reconnue comme incurable) et l'objectif curatif qui lui est assigné. Il souligne enfin la nécessité de compléter l'article 16-11 du Code civil en ce qui concerne l'expression du consentement pour l'identification génétique d'une personne décédée. Professeur Thomas TURSZ, directeur de lInstitut Gustave-Roussy de Villejuif La situation actuelle de la recherche thérapeutique est relativement bonne. Les problèmes qui se posent sont liés à la formation et au financement, plus quà la réglementation. La loi, en comblant un vide juridique, a doté la recherche dun cadre qui en a amélioré la qualité. Cet encadrement na pas eu la rigidité redoutée et les progrès de la recherche clinique doivent beaucoup, depuis dix ans, à cette réforme. Sur le plan financier, en revanche, la situation est moins bonne : les laboratoires pharmaceutiques accentuent leur mainmise sur la recherche thérapeutique, faute pour les hôpitaux et établissements de pouvoir développer leurs études sans laide dun partenaire industriel. Se pose le problème de la recherche dune bonne pratique médicamenteuse, les essais conduits par les laboratoires poussant à la consommation de médicaments. Les chercheurs ont du mal à se situer dans cette stratégie industrielle. On assiste dautre part à un reflux de la thérapie génique, promue par les industriels, en raison des difficultés procédurières : trop davis redondants sont demandés à des commissions qui se réunissent très épisodiquement, ce qui conduit à la prise de décisions obsolètes. De surcroît, les dispositions de la loi du 28 mai 1996 relatives aux thérapies géniques et cellulaires nont pu, faute de décret, entrer en application. Le professeur TURSZ indique quil a déposé, en 1993, le premier dossier mondial relatif à lutilisation dadénovirus en cancérologie dont une étude a démontré la faisabilité. Il manque, dans le dispositif légal, une agence publique de la recherche thérapeutique et clinique qui ferait contrepoids au secteur privé et coordonnerait les études. Encore faudrait-il quelle ne soit pas perçue comme un guichet supplémentaire. Dans le domaine des thérapies cellulaires, les budgets hospitaliers ne permettent pas toujours le financement des recherches, ce qui oblige ici encore à lier des partenariats industriels. Par ailleurs, lédiction de règles de bonnes pratiques est assurément nécessaire mais risque, si elle impose un niveau élevé de technicité, de limiter le nombre des établissements capables de les mettre en uvre.
Appréciation générale La loi du 29 juillet 1994 est intervenue dans une période de crise après l'affaire d'Amiens (1991), le problème posé dans certains centres par les patients non résidents et l'affaire du sang contaminé. Dans ce climat général, l'activité de prélèvement avait fortement diminué : - 30 % pour les cornées, - 20 % pour les organes de 1991 à 1994. La loi a, sans aucun doute, contribué à rétablir la confiance du public et à lui donner une perception positive du don et de la greffe d'organes. Les personnels, sensibles dans un premier temps à la rigidité de l'encadrement de leurs activités, commencent maintenant à en ressentir les bénéfices. Les règles sanitaires édictées sont les plus élevées au monde. Peut-être faudra-t-il ultérieurement les assouplir légèrement pour trouver un juste équilibre et laisser toute sa place à la décision médicale. Depuis 1994, on note, pour les cornées, une remontée des prélèvements au niveau antérieur à la crise, l'objectif étant de n'avoir plus aucun patient en attente plus de quelques semaines d'ici l'an 2000. Pour les organes, la chute a été stabilisée en 1995-1996. L'information faite auprès du public et la mise en place d'une organisation du prélèvement y ont été pour beaucoup. L'objectif est de passer de 15 à 20 prélèvements par million d'habitants en l'an 2000. Parmi les textes d'application non encore parus, figure le décret relatif à la vigilance qui doit tenir compte des dispositions figurant dans la récente loi sur la sécurité sanitaire. Il faut souligner que, hormis les xénogreffes, les greffes n'exposent pas aux risques collectifs que l'on rencontre dans d'autres activités. Le problème est de définir le champ de la vigilance. Si la greffe augmente les risques de cancer ou les risques infectieux, ne s'agit-il pas du simple suivi de complications attendues ? Il serait souhaitable de donner une base législative à la balance bénéfice-risque déjà prise en compte dans le décret du 9 octobre 1997 relatif à la sécurité sanitaire, qui permet de déroger aux règles qu'il fixe, en cas d'urgence vitale. Il s'agit de permettre au médecin d'exercer pleinement sa responsabilité et non de s'en exonérer. Les grands principes posés (consentement, gratuité, anonymat) ne doivent pas être remis en question.
Manifestation du consentement La mise en place récente du registre des refus a conduit à l'inscription, en un mois et demi, de 15 000 personnes qui s'opposent à toutes les finalités (don, recherche scientifique, autopsie clinique). Il convient d'homogénéiser le système du consentement sans faire un sort à part au prélèvement à des fins scientifiques. L'article L 671-9 devrait être modifié en ce sens. Le registre ne doit pas être le moyen exclusif de manifestation de l'opposition. Le témoignage des familles devra continuer à être recherché, même s'il leur confère parfois un pouvoir que la loi ne leur avait pas explicitement attribué. Les résidus opératoires doivent être soumis au même régime de consentement que les organes et tissus. C'est souvent déjà le cas en pratique.
Donneurs vivants La loi a imposé un encadrement très strict qui doit être assez largement maintenu pour ne pas prêter le flanc aux soupçons de pratiques lucratives. Cela étant, la pratique est très en dessous du niveau d'encadrement (4 % seulement des greffes de reins). Dans la mesure où les greffes entre non-apparentés donnent de bons résultats, il convient de les permettre sur un mode très dérogatoire sans que cet assouplissement puisse avoir pour objectif de pallier les insuffisances de prélèvements post mortem. Cet élargissement ne doit être qu'une réponse à des demandes individuelles dont aucune raison éthique ne justifie le rejet. Il faut abandonner le recours à la notion d'urgence, actuellement imposée aux conjoints, et instituer un encadrement strict contrôlé par une commission d'experts sur le modèle anglo-saxon. Oncles, tantes, cousins et grands-parents pourraient ainsi être admis dans le cadre des donneurs. S'agissant des cellules hématopoïétiques, il faut instaurer un régime unique quelle que soit leur origine (moelle, sang périphérique, placenta), ce régime pouvant être celui des organes, préférablement, ou celui des cellules.
Questions diverses Xénogreffes : les dispositions inscrites dans la loi sur la sécurité sanitaire sont satisfaisantes.
Suivi de l'AMP : l'EFG pourrait se voir confier une compétence d'évaluation et d'information.
Consécration du don : cette qualification doit être assortie d'une reconnaissance qui peut prendre deux formes : suivi de proximité de la famille du donneur et manifestations symboliques.
La loi de 1994, dans sa partie relative aux greffes de moelle, est appliquée sans aucun détournement. On relève cependant des difficultés liées à la pratique et à l'évolution scientifique. Si la majorité des greffes de cellules souches hématopoïétiques continue à se faire à partir de prélèvements de moelle osseuse, on assiste à un développement des greffes à partir de sang périphérique et de sang placentaire. Ce dernier présente l'avantage de créer moins de réactions immunitaires et l'inconvénient de fournir un faible nombre de cellules ; il n'est donc utilisable que pour de très jeunes receveurs. La loi n'avait pas pris en considération ces nouveaux types de prélèvements qui peuvent donc être mis actuellement en uvre sans aucun consentement. Il serait souhaitable d'unifier le régime des cellules souches en les soumettant soit au régime des organes (avec certaines adaptations) soit à celui des cellules. S'agissant du prélèvement sur mineur, il n'est actuellement possible que sur un frère ou une sur du receveur. Cette disposition est trop restrictive, sachant qu'un cousin germain peut parfois être le seul donneur HLA identique pour un patient donné. S'agissant du recueil du consentement, il faut maintenir la compétence du président du Tribunal de grande instance mais il est préférable que le mineur ne soit mis en relation qu'avec le membre du comité d'experts désigné en raison de sa compétence dans le domaine de la psychologie. Il conviendrait par ailleurs, afin d'éviter des déplacements pénibles, que le TGI et le comité d'experts territorialement compétents puissent être, au choix, ceux du lieu de prélèvement ou du lieu de résidence du donneur. Le sang placentaire doit, préalablement à son utilisation, faire l'objet d'une conservation. Des banques sont en voie de constitution sous la double responsabilité de l'Agence française du sang et de l'Etablissement français des greffes.
Auditions organisées à la Maternité régionale de Nancy, le 17 septembre 1998 Le docteur Francine JACOB souligne les effets très positifs que la loi a produits sur le public en renforçant l'encadrement et la sécurité des prélèvements. Les contraintes supplémentaires qui en résultent étaient sans doute nécessaires. Elles ont été parfois accentuées par les décrets d'application : ainsi, la signature concomitante du procès-verbal du constat de la mort et du certificat de décès ne permet plus au corps d'être transporté. La prise en charge du retour du corps après transfert et décès sur le lieu de transplantation devrait être rendue obligatoire, même si elle est toujours effective en pratique. La prise en compte de la balance bénéfice-risque pose des problèmes d'application, certains médecins n'acceptant pas d'accorder le prélèvement s'ils n'ont pas de certitude. Lorsqu'à la suite d'un accident, les parents sont décédés en même temps que l'enfant, le prélèvement d'organes sur ce dernier ne peut être autorisé, par délégation, que par le juge de tutelle qui hésite à prendre cette responsabilité et intervient trop tard. Le texte d'application relatif à la conservation des tissus n'est pas encore paru. Le CHU de Nancy finance une banque pour la conservation des os, des cornées et prochainement des vaisseaux. La catégorie des donneurs vivants pourrait être élargie aux concubins et un suivi des donneurs devrait être organisé. Le professeur Danièle SOMMELET évoque le cas d'un mineur dont le cousin était HLA identique. Le prélèvement de moelle a dû être effectué en Suisse compte tenu des dispositions restrictives de la loi française. Ce type de situation se présente fréquemment dans les familles à forte consanguinité. Il serait souhaitable que le pédiatre siégeant au comité d'experts soit spécialisé dans le domaine des greffes. Le professeur Jean-Pierre VILLEMOT critique les dispositions de l'article L 671-9 sur le consentement applicable aux autopsies. Le régime de ces prélèvements devrait être distinct de celui des organes destinés à une greffe. Il serait utile d'instaurer pour les cornées, comme pour les autres types de tissus, des listes d'attente afin d'éviter que les établissements à but lucratif ne soient traités prioritairement. Dans ces mêmes établissements, l'utilisation publicitaire des résultats ne conduit-elle pas à sélectionner les receveurs en fonction des chances de succès plus qu'en considération des exigences thérapeutiques ? Le professeur Jacques HUBERT estime nécessaire un suivi des donneurs selon un protocole semblable à celui qui s'applique aux néphrectomisés " classiques ". Le docteur Frédérique GUILLET-MAY considère que la recherche sur l'embryon est indispensable pour limiter les grossesses multiples et les réductions embryonnaires. Les modifications apportées à la loi doivent prendre en compte la souffrance des couples en attente d'enfant. Le docteur Frédérique BARBARINO formule plusieurs observations :
Le professeur Hubert GERARD s'interroge sur les conditions dans lesquelles peut être pratiquée une autopsie des embryons qui ont arrêté leur développement ou qui, à l'évidence, ne le poursuivront pas. Il souligne le caractère scientifiquement flou de la distinction entre " bons " et " mauvais " embryons. Certains de ceux qui sont qualifiés de " mauvais " seraient susceptibles d'un développement alors que les " bons " embryons qui ont de meilleures chances d'implantation peuvent être porteurs d'anomalies non détectées. Les médecins se substituent, pour la fécondation et l'implantation, au processus naturel mais le laissent ensuite se dérouler sans s'être prémunis contre les risques d'anomalies. Ce n'est pas un comportement très responsable. L'étude de l'embryon par autopsie devrait pouvoir être menée sur les embryons dont le développement a été arrêté, soit spontanément, soit par intervention médicale. La loi ne donne pas de solutions :
Le docteur Alain MITON pose le problème du statut du ftus et déplore les retards qui affectent l'agrément des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal. Une journée de réflexion organisée par la Société française de transplantation et sept autres sociétés savantes s'est tenue la semaine dernière pour étudier les trois thèmes suivants :
La synthèse de cette journée sera communiquée aux rapporteurs. Praticien de la greffe rénale depuis 25 ans, le professeur Charpentier a pu mesurer les effets des législations successives sur la pratique médicale. Le cadre juridique posé par la loi de 1994 -et notamment la création de l'EFG- a été bien accepté par la profession. On peut simplement regretter les conditions un peu précipitées dans lesquelles ont été recueillis ses avis et la réunion dans un même débat de questions qui auraient gagné à être examinées séparément. Dans la pratique, même si la loi ne trace une nette frontière qu'entre le constat de la mort d'une part, le prélèvement et la transplantation d'autre part, une séparation trop nette s'est instaurée entre les équipes chargées de ces deux dernières activités. La circulation de l'information transitant par l'EFG ne facilite pas l'établissement de la traçabilité. Ce cloisonnement est en partie pallié par l'existence des infirmières coordinatrices qui assurent l'accueil et l'information des familles. L'opposition fréquente des familles a conduit à une diminution des prélèvements cadavériques et les greffons provenant de sujets trop âgés affectent les chances de succès durable des transplantations. Quant aux transplants xénogéniques, y compris ceux provenant d'animaux transgéniques, ils n'ont pour l'instant qu'un avenir incertain. Deux autres ressources sont exploitables :
Conditions de prélèvement sur donneur vivant Les professionnels sont unanimement opposés à l'instauration du " reward and gift " (don contre récompense) usité aux Etats-Unis. S'agissant de l'élargissement de la parenté, il convient d'avancer avec prudence. Certes, le critère de l'histocompatibilité n'a pas la valeur médicale qu'on a voulu lui conférer mais son objectivité en rend l'application incontestable. Assouplir les conditions du don expose à des pressions familiales qui conduiront à préférer le cousin moins histocompatible mais célibataire au frère chargé de famille. S'agissant des époux, la condition d'urgence actuellement imposée est inapplicable pour les greffes de rein. Faut-il la faire disparaître sachant par ailleurs que, dans 70 % des cas, le don se fait de la femme vers l'homme ? On pourrait envisager des dérogations exceptionnelles après une procédure contradictoire où des médecins représentant le donneur entendraient l'équipe médicale de transplantation, la famille et le couple. Quant aux donneurs n'entrant dans aucune de ces catégories mais " émotionnellement relatés " (couples homosexuels, amis très proches), il s'agit de situations peu fréquentes dont l'appréciation pourrait être laissée à l'EFG. En tout état de cause, la prise en considération de ces cas très particuliers ne doit pas aboutir à une remise en cause des règles générales posées en 1994. Le passage devant le président du Tribunal de grande instance, par la dimension symbolique qu'il confère au don, est également une des dispositions très positives de la loi.
Prélèvement sur donneur à cur arrêté Ce prélèvement est techniquement possible pour le rein qui peut supporter un certain degré d'ischémie et permettrait une augmentation sensible des transplantations rénales. Mais les conditions actuelles de recueil du consentement imposent des délais qui rendent cette opération impraticable.
Aléa thérapeutique A la différence d'un médicament, la qualité de l'organe obtenu par prélèvement cadavérique ne peut être rigoureusement contrôlée et garantie. Elle est fonction de l'âge et de l'état général du donneur qui peut être porteur -le cas s'est présenté- d'une affection virale indétectable dans les conditions de rapidité où s'effectue la transplantation. Celle-ci expose par ailleurs le receveur à des risques infectieux et cancéreux. L'ensemble de ces aléas devrait faire l'objet d'une information plus systématique avant l'intervention. On ne peut exclure, même si le cas ne s'est pas encore présenté, que la responsabilité des praticiens soit mise en cause par les familles devant le juge.
Le professeur Lemaire souligne en préambule que son approche du problème de l'autopsie ne peut être totalement identique à celle des anatomopathologistes qui ne sont pas en contact direct avec les familles des défunts alors que cette confrontation est le lot permanent d'un service de réanimation. La chute des autopsies est un phénomène incontestable (de 15 % à 5 % des décès de 1993 à 1997 dans les hôpitaux de l'AP-HP) mais c'est un phénomène mondial : les Etats-Unis, pris communément comme une référence, ont vu ce même pourcentage passer en 50 ans de 50 à 12 %. On ne peut donc en imputer en France la responsabilité exclusive à la législation de 1994. Cette décroissance est liée au développement considérable des biopsies et des techniques d'imagerie (scanner, IRM, ...) qui permettent aujourd'hui, dans la très grande majorité des cas, de connaître avec précision la pathologie qui est cause du décès. Cette discipline, loin de se marginaliser (le service d'anatomopathologie d'Henri-Mondor regroupe le nombre le plus élevé de praticiens à temps plein), a multiplié des modes d'investigation qui sont utilisés du vivant des patients et concourent à l'établissement du diagnostic. Très sollicités, ces spécialistes, pour beaucoup d'entre eux, ont peu de goût pour l'autopsie compte tenu, notamment, des risques de contamination VIH auxquels elle expose. L'autopsie n'est plus, depuis 1970, un critère de qualité aux Etats-Unis pour les établissements de soins. La loi de 1994 s'est inspirée de la nécessité de créer un climat de confiance fondé sur la transparence et la recherche du consentement. Il est inconcevable de revenir à la législation antérieure qui ne permettait pas une information satisfaisante des familles. La loi a incontestablement changé les données de l'autopsie en imposant cette information. Elle n'a pas été immédiatement appliquée dans bon nombre d'hôpitaux où le chiffre des autopsies s'est maintenu pendant les trois premières années. La mise en place de formulaires types permettant de vérifier le respect des dispositions légales dans un certain nombre d'établissements de l'AP-HP a conduit à une réduction du nombre des autopsies (5 % en 1997). L'autopsie conserve une réelle utilité, notamment en neurochirurgie (pour la détection de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, en particulier). Le pourcentage actuellement constaté correspond probablement à cette finalité. Sur 165 décès annuels à Henri-Mondor, 11 autopsies ont été demandées et 9 acceptées. Les principes posés par la loi ne doivent donc pas être remis en cause, sauf à simplifier les différents régimes de consentement et à imposer plus explicitement l'information de la famille avant l'autopsie. La rédaction très imparfaite, voire contradictoire, des articles L 671-7 et L 671-9 provient de la longueur des débats et des compromis qu'il a fallu trouver in extremis en commission mixte paritaire pour lever les blocages qui s'étaient manifestés au cours de la navette entre les deux assemblées. Mise à part l'affaire d'Amiens, la loi CAILLAVET n'avait créé dans le domaine des autopsies que des problèmes mineurs mais elle était entachée d'une certaine hypocrisie dans la mesure où elle n'organisait pas la manifestation du refus (lacune partiellement comblée au niveau des textes et circulaires d'application). Le projet initial restait très proche de la loi CAILLAVET et ne présentait donc pas de difficultés particulières. Au fil des débats, s'y sont ajoutées :
Ce dispositif législatif n'a aucun équivalent dans d'autres pays développés. Il est vrai que les Etats-Unis imposent un accord explicite mais cette règle s'applique dans un contexte juridico-médical radicalement différent : l'autopsie est automatiquement pratiquée si le décès se produit 24 heures après l'admission dans un établissement hospitalier. D'autre part, les familles réclament une autopsie chaque fois -le phénomène est de plus en plus fréquent- qu'elles engagent une action en responsabilité devant les tribunaux. La famille ne devrait fournir qu'un témoignage sur la volonté présumée du défunt. Mais les travaux préparatoires du Sénat lui confèrent un véritable pouvoir de décision appuyé sur la conviction qu'elle ne souhaitera pas s'opposer aux prélèvements dans l'immense majorité des cas. Or, tous les sondages menés dans les différents pays européens démentent ce pronostic, sauf en néonatalogie où le désir des parents de connaître le causes du décès reste prédominant. C'est d'ailleurs le seul domaine dans lequel le nombre des autopsies n'a pas diminué. Dans les autres secteurs, en revanche, les chiffres ont chuté avec la mise en place d'un formulaire permettant d'appliquer strictement la loi. M. GOT indique que l'élaboration de ce formulaire s'est faite à l'initiative des hôpitaux de l'AP sans instruction précise du ministère de la Santé. On a assisté alors à la manifestation d'un phénomène d'autocensure, les médecins ne voulant pas que les familles puissent avoir connaissance d'un doute sur les causes exactes du décès. A Ambroise-Paré où le nombre d'autopsies oscillait entre 80 et 100 par an, situation d'équilibre que l'on pouvait retrouver dans les autres hôpitaux universitaires, on est tombé à 3 autopsies pour la première année d'application effective de la loi. Le développement des nouvelles techniques d'investigation (imagerie, biopsies) frapperait-il l'autopsie " classique " d'obsolescence ? Le professeur GOT ne le pense pas mais voit plutôt une des causes du déclin de cette pratique dans l'augmentation des problèmes médico-légaux, elle-même liée au champ croissant de l'intervention médicale. Les médecins appréhendent une mise en cause de leur responsabilité. D'autre part, les anatomopathologistes préfèrent l'immunologie à cette activité qu'ils jugent datée, ingrate et peu rentable en termes de mesure de leur volume d'activité compte tenu de son caractère très chronophage. Néanmoins, elle conserve un caractère irremplaçable pour assurer l'information des médecins sur des accidents inexpliqués et doit continuer à faire partie du contrôle de qualité. Dans les faits, les hôpitaux dans lesquels elle continue à être pratiquée à un rythme soutenu sont ceux qui s'en tiennent à la loi CAILLAVET et n'appliquent pas les dispositions nouvelles. A droit inchangé, cette situation a peu de chances d'évoluer, les anatomopathologistes étant de moins en moins demandeurs d'autopsies pour les raisons indiquées précédemment. Pour parer à cette situation, il faut que le fichier national puisse permettre à tout individu majeur d'exprimer sa volonté, d'une part, pour des prélèvements à des fins thérapeutiques, d'autre part, pour des prélèvements à des fins médico-scientifiques, dans des conditions assurant la stricte confidentialité de l'information. Les ressources de l'informatique permettent la mise en place et la gestion d'un tel fichier. Il serait d'autre part souhaitable, pour une exacte application de la loi, qu'y figure la notion d'autopsie qui ne se confond pas avec celle de prélèvement, seule utilisée à l'heure actuelle. La mise en place du registre national des refus (RNR) constitue une gabegie qu'on aurait pu éviter. L'étude de faisabilité réclamée par France-Adot depuis 1983 n'a pas été réalisée. On aurait cependant pu tirer la leçon de l'expérience belge, le fichier mis en place il y a dix ans ne recensant aujourd'hui que 1,7 % de la population (contre 2,3 à l'origine) qui s'est exprimé à 98 % de façon négative. L'EFG, qui a succédé à France Transplant, se présente trop nettement comme le représentant de la haute administration. Il a voulu organiser la campagne d'information en trois étapes : secteur hospitalier (1996), professions médicales et paramédicales (1997) et grand public. Cette dernière étape n'aura lieu qu'en 1999, après le lancement du RNR. Mais l'EFG n'a pas de réseaux et refuse pourtant de s'appuyer sur le mouvement associatif auquel il n'apporte plus qu'un soutien financier très limité. France-Adot, qui a vu ses ressources diminuer, souhaiterait obtenir le financement d'un organisme indépendant afin de ne pas dépendre de l'administration. S'agissant de la loi de 1994, dont la révision périodique devrait être maintenue au-delà de 1999, il est anormal que le mineur ne puisse exprimer son accord à un prélèvement avant 18 ans alors qu'il peut s'inscrire dès 13 ans sur le registre des refus. D'autre part, le consentement d'un seul titulaire de l'autorité parentale serait suffisant. M. LEFORT s'interroge enfin sur le régime juridique applicable aux étrangers résidant en France. La loi est bien faite pour l'ensemble de ses dispositions relatives aux dons et greffes. Certaines observations peuvent néanmoins être faites sur son interprétation et ses applications. L'article L 665-14 n'autorise la levée de l'anonymat du lien entre donneur et receveur que pour des raisons thérapeutiques. Ce principe ne doit pas empêcher la mise en uvre d'une certaine transparence entre les équipes de prélèvement et de greffe. D'autre part, les infirmières coordinatrices chargées d'assurer le lien avec la famille sont trop peu nombreuses et insuffisamment formées à cette fonction difficile. Pour le prélèvement sur donneur décédé, il faut maintenir le principe du consentement présumé associé au registre des refus et maintenir la famille dans un rôle de témoignage. Le ministère de l'Education nationale devrait être associé aux campagnes d'information en faveur du don. En ce qui concerne les prélèvements sur personne vivante, la notion d'urgence imposée au don entre époux n'a pas lieu d'être en matière de transplantation rénale. Quant au foie, il ne semble pas opportun d'élargir la pratique actuelle. La pénurie actuelle de greffons conduit à des prélèvements d'organes ne présentant pas toutes les garanties sur le plan fonctionnel et sanitaire. L'information du receveur sur les risques doit donc être renforcée et les responsabilités des choix médicaux clairement définies. Enfin, les réseaux de soins assurant le suivi des transplantés doivent faire l'objet d'une attention particulière. Madame BRIARD rappelle qu'elle a participé, dans les années 80, au sein de l'Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l'enfant, à l'organisation du diagnostic prénatal et à la détermination des tests biologiques susceptibles d'être pris en charge par les assurances sociales. Les dispositions législatives et réglementaires édictées depuis 1994 se sont inspirées très directement des principes qui avaient été précédemment mis en uvre. Elle souligne la nécessité primordiale d'une information de la femme enceinte sur les risques inhérents aux prélèvements, afin qu'elle puisse donner un consentement éclairé. La loi étant muette sur ce point, cette lacune a été comblée par voie réglementaire. Deux situations doivent être distinguées :
L'échographie peut être aujourd'hui pratiquée de façon très précoce ; par la mesure de l'épaisseur du cou, elle peut annoncer une trisomie 21 dont la confirmation sera recherchée par l'établissement d'un caryotype. 7 à 8 % d'anomalies chromosomiques sont diagnostiquées chez les sujets présentant une malformation à l'échographie. L'amniocentèse à des fins de caryotype est une méthode invasive qui ne peut donc être pratiquée systématiquement. Cependant, sa prescription pose un problème médico-légal, l'abstention du médecin pouvant être constitutive d'une faute. Le risque de trisomie 21, qui est à 1,5 % entre 38 et 40 ans, s'approche de 3 % pour les femmes de 43 ans. 40 000 grossesses sont soumises annuellement à caryotype et permettent de déceler 900 trisomies qui conduisent à une interruption thérapeutique de grossesse dans la quasi-totalité des cas. Les centres de diagnostic prénatal pluridisciplinaires sont appelés à jouer un rôle déterminant pour la fiabilité du diagnostic prénatal. Compte tenu de la parution tardive du décret d'application, l'examen des dossiers d'agrément par la CNMBRDP ne sera achevé qu'à la fin de l'année. Mme BRIARD souhaite que de tels centres puissent être créés dans des établissements privés offrant toutes garanties de compétence à condition d'y prévoir la gratuité de l'expertise. Il conviendrait par ailleurs :
S'agissant du diagnostic préimplantatoire, Mme BRIARD y voit un DPN ultra précoce. Deux types de situations peuvent être distingués :
Le DPI ne peut, en l'état actuel des textes, être utilisé pour détecter une anomalie génétique en cas de grossesse tardive. Aucun laboratoire de DPI n'a encore été autorisé compte tenu de la publication très récente du texte réglementaire. La loi de 1994, en ordonnant et en clarifiant les pratiques de procréation assistée, a fait disparaître les angoisses et les fantasmes que nourrissait l'opinion publique sur ce sujet. Il reste cependant une confusion entretenue par le recours à la dénomination unique d'embryon pour désigner deux réalités distinctes :
A tout le moins, il conviendrait de préciser que l'interdiction de la recherche s'applique à l'embryon in vitro, ce qui ne lèvera pas la contradiction consistant à protéger cet embryon au nom du principe de la dignité humaine tout en autorisant, par ailleurs, sa destruction. Sur les exigences imposées aux couples par l'article L 152-2 du Code de la Santé publique, deux observations peuvent être faites :
Le don d'embryon à un autre couple peut être, aux termes de l'article L 152-5, organisé dans tous les centres de PMA détenant un stock d'embryons congelés alors que le don de gamètes ne peut être le fait que d'organismes et établissements soumis à des conditions d'autorisation très strictes fixées par l'article L 673-5. Il y a là une discordance qui nécessiterait une harmonisation de ces deux régimes et qui explique que le décret d'application relatif au don d'embryon n'ait pas été publié. S'agissant des études sur l'embryon visées à l'article L 152-8, trois situations doivent être distinguées :
Cette double évaluation aurait dû, déjà, être appliquée à l'ICSI. La pratique de la stimulation ovarienne, actuellement développée en dehors de l'AMP, devrait être plus strictement contrôlée. Le délai de cinq ans imposé à la conservation des embryons existants à la date de promulgation de la loi pourrait être assorti d'un sursis. L'anonymat du don de gamètes doit être préservé. Toutefois, pour la minorité de couples (15 % environ) qui n'y sont pas favorables, on pourrait envisager, dans un ou deux centres, une pratique dérogeant à ce principe dans le cadre d'un protocole de recherche et d'évaluation. L'article L 673-2 impose au donneur de faire partie d'un couple ayant procréé. Cette double exigence est tout à fait justifiée mais il ne paraît pas indispensable que la première soit encore satisfaite au moment où s'effectue le don. En application du décret du 12 novembre 1996 qui fixe les règles de sécurité sanitaire applicables au don de gamètes, les embryons conçus avec les ovocytes soumis à ce contrôle doivent être congelés jusqu'à l'expiration du délai de six mois qui sépare les deux séries d'examens. Cette congélation réduit les chances de grossesse sans apporter une amélioration significative de la sécurité sanitaire. Il faudrait donc en informer le couple et lui laisser le choix entre cette méthode et un simple contrôle sur les ovocytes au moment de la fécondation. Le diagnostic préimplantatoire, qui n'est pas encore entré en application, ne pourra être pratiqué que s'il existe chez l'un des parents une anomalie exposant l'enfant à un risque élevé de maladie génétique. Ne pourrait-on élargir l'indication à un risque éventuel, comme celui de la trisomie 21, auquel se trouve exposée la femme de 38 ans ? Le diagnostic préconceptionnel pratiqué sur le globule polaire permet de contourner les limites imposées au DPI. Il devrait, en tout état de cause, être reconnu et encadré par la loi. Pour éviter toute dérive eugénique, l'indication du DPI doit rester limitée à la prévention de maladies particulièrement graves, sans que celles-ci fassent pour autant l'objet d'une énumération limitative. M. FRYDMAN est favorable à une proscription plus explicite du clonage, dont il rappelle qu'il aboutit à la création d'un être doté d'un seul patrimoine génétique. La récente expérience américaine consistant à transférer le noyau d'un ovocyte d'une femme stérile dans celui d'une donneuse fertile ne constitue nullement une étape nouvelle dans cette voie.
En sa qualité de chercheur, M. JEGOU se situe à linterface entre activité clinique, recherche et industrie pharmaceutique. Compte tenu de sa spécialité, il a porté une attention particulière à l'AMP lorsqu'ont été tentées des expériences de fécondation par injection de spermatides. Il a découvert un monde fier, à juste titre, de sa pratique, sensible à la détresse des patients et, pour des raisons " culturelles " (formation, histoire de lAMP ), souvent fermé sur lui-même et déconnecté de la recherche biologique et génétique la plus avancée dans le domaine de la reproduction et du développement. Il existe donc un décalage sensible entre le développement de la recherche et celui des techniques de l'AMP qui se ramènent à des gestes, certes spectaculaires, mais assez simples. L'ICSI a constitué un " coup d'état biologique " qui sinscrit dans un contexte de banalisation incessante du risque, au regard de laquelle le travail du biologiste fondamental s'apparente à un combat d'arrière-garde face à des digues déjà rompues. Plusieurs lacunes doivent être soulignées à propos de la pratique de l'AMP :
Les praticiens de l'AMP invoquent pour leur défense la durée limitée de la fertilité féminine, la marge d'incertitude et le coût de l'expérimentation animale, les réussites antérieures et la charge de la preuve incombant aux scientifiques en ce qui concerne le danger éventuel de leurs pratiques. C'est oublier que la technique doit être au service de la science, que dans le domaine du médicament ce sont des tragédies comme celle de la thalidomide qui ont imposé les modèles animaux, et que l'industrie de la procréation assistée (cliniques, fabricants dhormones ), à la différence de l'industrie pharmaceutique, ne réinvestit aucun profit dans la recherche. Il faut également mettre en évidence :
M. JEGOU formule plusieurs propositions :
S'agissant de l'organisation des activités d'AMP, la pluridisciplinarité est contrariée par la séparation des activités cliniques et biologiques. Cet inconvénient est particulièrement sensible pour l'insémination intraconjugale et contribue à accroître le taux d'échec. La séparation des activités cliniques et biologiques ne répond pas aux exigences de l'AMP, qui impliquent une association étroite et permanente de ces deux activités et devraient conduire à la création de centres pluridisciplinaires. Se pose par ailleurs le problème de la responsabilité ; chaque praticien assurant les actes d'AMP souhaite obtenir l'agrément prévu à l'article L 152-9. Plus les praticiens agréés sont nombreux et moins la notion de responsabilité a un sens. Les moyens dont dispose la CNMBRDP pour assurer la surveillance des centres sont insuffisants face au développement des nouvelles techniques (l'ICSI qui représente désormais 40 % de l'activité des centres, la coculture sur tissus d'origine humaine ou animale, l'éclosion assistée). Ils ne permettent pas non plus d'assurer un suivi satisfaisant des enfants conçus par FIV et, plus particulièrement, des fécondations obtenues par ICSI. Les premières évaluations font apparaître une légère augmentation des malformations, notamment cardiaques, et de certaines anomalies chromosomiques mais elles sont sujettes à caution compte tenu, dans le premier cas, du nombre trop limité de naissances sur lesquelles elles portent, dans le second, du biais introduit par une pratique du DPN plus systématique que dans les grossesses classiques. La CNMBDRP ne peut assurer un contrôle sur place des déclarations faites par les centres. Les DDASS et les DRASS ne disposent pas de la compétence requise. Il serait intéressant de s'inspirer de l'exemple britannique, où une commission indépendante est dotée de véritables pouvoirs et d'un corps d'inspection spécialisée. Faut-il, sur le modèle britannique et allemand, limiter dans la loi le nombre d'embryons transférés ? La question appelle une réponse nuancée car le risque de grossesses multiples est moins élevé chez la femme de plus de quarante ans alors que l'implantation de trois ou quatre embryons accroît dans ce cas les chances de succès. La progression des stimulations ovariennes commence à poser un problème de santé publique. Bien que l'on ne dispose pas de données précises, on peut, par déduction du nombre d'inducteurs vendus, évaluer à 200 000 le nombre de cycles stimulés en France hors FIV, ce qui correspond à environ 50 000 patientes. Ce chiffre doit être doublé si l'on prend en compte les prescriptions de citrate de clomiphène (dont 30 000 sont le fait de généralistes). Parallèlement, l'augmentation des grossesses triples a été de 400 % dans les vingt dernières années. Même si la prescription de ces inducteurs va devenir un acte réservé, la mise en uvre d'un contrôle s'avère difficile compte tenu du nombre de praticiens impliqués (8 000 gynécologues en France). M. de MOUZON formule en conclusion trois observations :
M. JOUANNET indique préalablement qu'il s'exprime au double titre de responsable d'un service d'AMP, concerné par toutes les dispositions de la loi se rapportant à cette activité, et de président de la Fédération des CECOS, auxquels s'appliquent spécifiquement les règles touchant la procréation par don et l'autoconservation des gamètes. La mise en uvre d'une évaluation constitue l'un des nombreux aspects positifs d'une loi sur laquelle la profession manifeste des sentiments partagés. Un certain nombre de points ne soulèvent aucune contestation :
M. JOUANNET estime que l'article L 152-2 du CSP qui réserve l'AMP à des indications médicales doit être maintenu pour le moment, même si cette exigence conduit au développement dun " tourisme procréatif " pour des motifs de convenance, dont les conséquences ne pourront être ignorées longtemps. Il existe, en revanche, des dispositions floues ou ambiguës :
Plusieurs souhaits sont par ailleurs exprimés par les CECOS :
Mme SHENFIELD souligne que l'édiction de textes législatifs très détaillés dans le domaine des dons d'organes et de la procréation médicalement assistée constitue un fait assez remarquable dans un pays où prévaut la " common law ". L'encadrement juridique de la PMA résulte de la loi sur la fécondation et l'embryologie humaine de 1990 qui a créé un organisme public autonome : l'Autorité de la fécondation et de l'embryologie humaine (HFEA). Composé de 21 membres dont la moitié seulement sont des médecins et des biologistes, cet organisme a compétence pour :
La recherche sur l'embryon est admise jusqu'à l'apparition de la gouttière primitive, soit quatorze jours après la fécondation. Elle doit être limitée à des fins thérapeutiques ou diagnostiques (traitement de la stérilité, diagnostic, recherche sur fausses couches, contraception, méthode de détection d'anomalies génétiques). L'embryon ayant fait l'objet de manipulations pour la recherche ne peut être implanté ultérieurement. Chaque projet de recherche est agréé pour une durée de trois ans par la HFEA qui en assure le suivi. Malgré l'existence d'un registre donnant la possibilité à un enfant majeur d'obtenir certaines informations, l'anonymat du don de gamètes reste le principe. Ce registre permet au requérant, sans connaître l'identité du donneur, d'être éclairé sur sa conception et de savoir s'il est issu ou non d'une PMA, notamment afin d'éviter certains risques de consanguinité en cas de mariage. Le nombre d'embryons transférables est limité à trois et cette disposition est très strictement contrôlée.
M. TESTART souligne, en préambule, la nécessaire clarification des compétences respectives du CCNE, de la CNMBRDP et des CCPPRB. Ainsi le CCNE, qui devrait être chargé des problèmes généraux touchant la bioéthique, a-t-il renvoyé à la CNMBRDP l'appréciation sur la pratique de l'ICSI. Plus discutable encore est la compétence exclusive de cette dernière sur la mise en uvre du diagnostic préimplantatoire qui a des implications dans le devenir même de l'humanité. Confier à une commission technique un pouvoir général d'appréciation sur un des domaines les plus sensibles de la recherche bioéthique ne constitue pas une solution souhaitable. Il est également fâcheux que renaissent ici et là des comités locaux d'éthique qui, parfois, sur la base de relations personnelles, se substituent sans aucun fondement légal au comité national. S'agissant de la situation de l'embryon au regard de la recherche, question à laquelle la loi n'est pas parvenue à fournir une réponse précise, une première clarification pourrait être apportée par la détermination de ce qui n'est pas encore un embryon et entre donc sans restriction dans le champ de la recherche, à savoir les gamètes et le zygote, stade d'interaction gamétique précédant la fusion des noyaux. Le zygote ne doit pas être confondu avec le " préembryon " sur lequel les Anglo-Saxons admettent l'expérimentation jusqu'à l'apparition, au quatorzième jour, de la ligne primitive, ébauche du système nerveux. M. TESTART note à ce propos qu'en renvoyant aux législations nationales la fixation des règles en matière de recherche, la Convention européenne de bioéthique laisse ainsi ouverte, en Grande-Bretagne, la possibilité du clonage. S'agissant de l'embryon proprement dit, qui existe à partir de la fusion des noyaux, deux hypothèses peuvent être distinguées :
En réalité, le problème essentiel ne porte pas sur la définition du matériel biologique mais sur les finalités mêmes de la recherche, qui doivent être soumises à une expertise éthique systématique. Quant au DPI, sa mise en uvre expose à un risque d'eugénisme difficilement évitable. Employé dans un premier temps pour prévenir la transmission d'une anomalie génétique ou chromosomique, il pourra être ultérieurement utilisé afin de détecter chez l'embryon, aussi précisément que chez l'adulte, les prédispositions à la survenance d'une maladie ou au développement d'une infirmité. Dans cette perspective, il sera tentant de créer, pour un couple donné, un nombre élevé d'embryons permettant de pratiquer la sélection aboutissant au " meilleur " embryon. Celui-ci pourra alors être cloné en plusieurs exemplaires pour parer aux risques de transplantation infructueuse. Le législateur français arrive probablement trop tard pour enrayer une évolution qui bouleverse la notion même d'humanité et se trouve à un stade déjà plus avancé dans d'autres pays (Grande-Bretagne, Espagne). Des barrières peuvent néanmoins être posées en n'autorisant le diagnostic que sur une seule mutation génétique et sur les anomalies chromosomiques ayant de très graves conséquences. La recherche du sexe devrait être proscrite en tout état de cause. A l'heure actuelle, les chercheurs français poursuivent leur activité en collaborant avec des laboratoires dans des régions du monde où la législation est moins contraignante (Italie, Espagne, Singapour, Egypte, Arabie saoudite). M. TESTART évoque, pour conclure, un certain nombre de points particuliers :
Le professeur GOOSSENS précise qu'il est professeur de génétique, spécialiste du diagnostic moléculaire des maladies héréditaires, ancien membre de la CNMBRDP, et qu'il participe, au plan européen, à la mise en place de guides de bonnes pratiques en matière génétique. Les dispositions de la loi relatives au diagnostic prénatal sont encore marquées par une vision historique de la génétique, très liée à la pédiatrie, qui ne prend pas suffisamment en compte les bouleversements apportés par la génétique moléculaire et les techniques modernes d'investigation ftale (notamment d'imagerie) depuis le début des années 80. Même si un consensus se crée progressivement, des divergences d'écoles sur la façon de concevoir cette discipline restent sensibles entre les tenants d'une génétique pédiatrique et ceux qui souhaitent développer une vision plus large, prenant en compte l'expertise des différentes spécialités. Le débat s'est retrouvé au stade de l'élaboration des décrets d'application, les obstétriciens et les échographistes insistant, face aux généticiens pédiatriques, sur la nécessité -qui n'a pas été admise- de resituer le DPN dans le contexte de la médecine ftale et de prendre en considération son caractère pluridisciplinaire. Si la consultation préalable de conseil génétique est assurément utile, elle devrait être associée à celle du spécialiste de la pathologie en cause. De plus en plus de maladies ont une origine génétique. Il faut donc que généticiens et spécialistes travaillent ensemble dans des consultations jointes. S'agissant des centres de DPN pluridisciplinaires, le professeur GOOSSENS s'interroge sur la portée du terme " établissements ". Pourra-t-il s'agir à Paris de l'AP-HP, d'un CHU ou d'un simple hôpital ? En tout état de cause, le travail en réseaux transhospitaliers doit s'imposer en Ile-de-France. Se pose en outre le problème de la composition et des moyens de la CNMBRDP, sachant que ses avis feront autorité auprès du ministère de la Santé : l'évaluation des établissements candidats à l'agrément impose une visite des sites et une expertise menée par des spécialistes, toutes choses qui sont impossibles actuellement. De même, pour ce qui concerne le DPI, le praticien responsable doit justifier d'une expérience particulière dans le prélèvement embryonnaire appréciée par la CNMBRDP. Encore faudrait-il que cette appréciation soit faite par des experts ayant eux-mêmes l'expérience d'une pratique dans ce domaine, or ils sont très peu nombreux aujourd'hui car cette expérience (recherche à des fins médicales sur l'embryon humain) ne peut, pour respecter la loi, être obtenue qu'à l'étranger. Enfin, il convient de veiller à organiser les délibérations de la commission de sorte que ses membres n'apparaissent pas comme juges et parties. L'organisation du DPN reste marquée par les orientations données à l'origine par l'Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l'enfant (AFDPHE). Il est anormal que des actions de santé publique aient pu être, et soient encore en partie (pour certains dépistages), conduites par une association privée. Le troisième alinéa de l'article L. 162-17 relatif aux conditions auxquelles est subordonnée la mise en uvre du DPI (identification préalable et précise, chez l'un des parents, des anomalies susceptibles de provoquer chez l'enfant une grave maladie génétique) ne semble pas laisser ouvert, comme cela serait souhaitable, le choix entre le diagnostic direct (cas où l'on analyse précisément l'anomalie génotypique) et le diagnostic indirect à l'aide de marqueurs génétiques du gène anormal (cas où l'on ne peut analyser l'anomalie génotypique d'une affection héréditaire identifiée). En ce qui concerne enfin la terminologie employée en matière de médecine prédictive, il serait préférable de réserver les vocables " identification " et " empreintes " au domaine judiciaire et de n'utiliser, en matière médicale, que celui de " caractéristiques génétiques ". Le professeur GOOSSENS insiste, pour conclure, sur l'importance du contrôle de qualité qui doit être exercé sur les actes techniques de laboratoire ou d'imagerie grâce, notamment, à la tenue de registres de conservation des données. En cours d'évaluation au plan européen, l'assurance qualité en génétique moléculaire et chromosomique (qui nécessite quelques moyens financiers) n'est pas véritablement mise en uvre en France. Ce problème renvoie à celui, déjà évoqué, des moyens et de l'expertise de la CNMBRDP. Il est actuellement difficile d'apprécier la nature et la qualité de la formation des praticiens que la CNMBRDP doit agréer au titre de l'AMP puisqu'aucun diplôme spécifique n'existait jusqu'à une date récente. Cette lacune est en voie d'être comblée mais la commission devrait compter parmi ses membres un représentant de l'Université pour évaluer ces formations. La protection qui entoure l'embryon paralyse toute étude, même sous forme d'autopsie. Par ailleurs, le problème de la durée de conservation des embryons reste en suspens. (Il existait, fin 1996, dans la région PACA, 4 à 5 000 embryons destinés à un projet parental ou abandonnés). La procédure préalable à la mise en uvre de l'AMP est peu respectée par les médecins, soit parce qu'ils la jugent trop lourde et hors de leur compétence (vérification d'identité), soit parce qu'ils ne la connaissent pas, cette ignorance étant également manifeste dans certaines DDASS. Dans ces dernières, les médecins, accaparés par une multitude de tâches techniques, n'ont pas de formation en médecine de la reproduction, celle-ci se résumant pour beaucoup de couples à la pratique de la FIV. Il est regrettable que l'insémination avec conjoint ne soit soumise à agrément que pour la partie biologique. De même, la stimulation ovarienne en dehors de l'AMP, qui est d'un coût très élevé et provoque un nombre croissant de grossesses gémellaires, ne fait l'objet d'aucun encadrement. L'encadrement trop strict de la recherche conduit à des pratiques sauvages : ainsi en va-t-il pour les milieux de fécondation et de culture que les laboratoires font tester par des biologistes contre rémunération. Les prescriptions de la loi touchant la gratuité et l'anonymat du don d'ovocytes sont fréquemment violées mais ne font l'objet d'aucune poursuite faute de plaintes émanant des particuliers ou des DDASS. Bien que l'ICSI ait réduit de 30 % la demande d'insémination avec donneur, la chute des dons crée, dans ce domaine, une situation de pénurie qui devrait conduire à élever le plafond instauré par l'article L. 673-4 tout en substituant la notion de fratrie à celle d'enfant. Une femme soumise à un traitement stérilisant n'a, en l'état actuel de la technique qui ne permet pas de congeler les ovocytes, d'autre solution que de recourir à la FIV. La loi ne l'y autorise pas dans cette hypothèse. Le ferait-elle qu'il conviendrait en outre de régler le sort de l'embryon conservé dans le cas où le risque de stérilité ne se réalise pas. La loi ne permet pas à un chirurgien procédant à une investigation pour déceler une cause d'infertilité masculine de procéder à cette occasion à un prélèvement de spermatozoïdes en vue d'une fécondation in vitro. Le professeur CZYBA souligne en conclusion qu'en dépit de ces diverses imperfections, la loi de 1994 a constitué un grand progrès dans un domaine où, jusqu'à sa mise en vigueur, n'importe qui faisait n'importe quoi. M. SELE précise qu'il présentera, au nom des BLEFCO, les observations qui font l'objet d'un consensus parmi les adhérents à cette Fédération. Modalités d'exercice de la biologie de la reproduction L'exercice de cette biologie très particulière en raison de son caractère interventionnel a été régulé par la loi qui reconnaît le partage de responsabilités entre cliniciens et biologistes. Ces derniers jugent ces dispositions très satisfaisantes. Elles constituent d'ailleurs une spécificité française : dans les pays anglo-saxons, la procréation assistée est entièrement placée entre les mains des cliniciens. Se pose cependant un problème de cohérence entre la loi de 1994 et celle du 11 juillet 1975 qui n'envisage l'activité des biologistes que sous son aspect diagnostique. En cas de contrariété de point de vue entre le clinicien et le biologiste, il n'y a pas actuellement d'arbitrage possible, le biologiste, considéré comme un exécutant, ne pouvant que s'incliner devant la position du clinicien qui est, légalement, le seul prescripteur. Cette subordination est plus sensible dans le secteur libéral que dans le secteur public où biologistes et cliniciens sont rattachés à des services distincts et autonomes et où les antagonismes sont, de ce fait, plus marqués. La coresponsabilité devrait entraîner la codécision et, par conséquent, l'attribution aux uns et aux autres d'un pouvoir propre de prescription permettant au biologiste d'intervenir sur le choix de la technique de fécondation. Le problème se posera d'ailleurs dans les mêmes termes en matière de thérapie génique et cellulaire. Il pourrait être résolu en s'inspirant des mesures édictées dans le domaine de la transfusion sanguine. Devenir de l'embryon Le 30 juillet 1999 expirera le délai de conservation des embryons conçus après la promulgation de la loi. Ce problème des embryons surnuméraires continuera à se poser quels que soient les progrès des techniques. En effet, 50 % seulement des ufs fécondés sont viables, qu'il s'agisse de procréation naturelle ou artificielle et cette donnée inéluctable imposera toujours la création d'un nombre d'embryons supérieur à ceux qui seront effectivement transférés pour faire face aux risques d'échec. Cette situation ne pourra être que partiellement corrigée par l'éventuelle congélation des ovocytes et par les cultures multiséquentielles jusqu'au stade de blastocyste qui améliorent les chances d'implantation. M. SELE note à ce propos que la réglementation allemande, qui limite à deux le nombre d'embryons transférables, n'élimine pas le problème des embryons surnuméraires, ceux-ci étant immédiatement détruits au lieu d'être conservés. La réponse ne peut venir du don d'embryons qui ne correspond qu'à des situations rarissimes de double stérilité. Si aucune mesure n'est prise pour faciliter le don d'ovocytes -quasi inexistant à l'heure actuelle-, la solution pourrait être de le transformer en don d'embryon, sous réserve d'un assouplissement des justifications médicales imposées dans cette hypothèse. Don d'ovocytes La loi a confondu sperme et ovocytes dans le don de gamètes alors qu'il s'agit de démarches soumises à des contraintes très différentes : le recueil de sperme est un acte indolore tandis que le don d'ovocyte nécessite une intervention chirurgicale, donc une motivation particulière dont la manifestation est entravée par la règle de l'anonymat. Les raisons qui ont conduit à imposer une telle obligation pour ce type de don devraient être réexaminées, faute de quoi la loi risque de ne jamais trouver sur ce point une réelle application. Recherches sur l'embryon L'article L 152-8 utilise divers termes : études, recherche, expérimentation, et n'autorise que les études ayant une finalité médicale et ne portant pas atteinte à l'embryon. Dans le décret d'application du 27 mai 1997 apparaît, pour la première fois, l'interdiction de modifier le patrimoine génétique de l'embryon. L'encadrement de la recherche pourrait s'organiser à partir de cette prohibition qui autoriserait, de façon tacite, les " mises au point techniques " permettant aux pratiques d'AMP de progresser, notamment dans le domaine du diagnostic préimplantatoire. Une distinction pourrait être opérée entre la recherche sur l'embryon viable qui concernerait son environnement (la mise au point des milieux de culture), et l'autopsie de l'embryon ayant arrêté son développement qui permettrait de perfectionner la technique du DPI. Observations générales Les retards qui ont affecté la publication d'un certain nombre de textes réglementaires ne tiennent pas à des problèmes d'ordre éthique mais à des difficultés techniques, notamment pour la partie de la loi relative aux dons d'organes.
Textes d'application relatifs à l'AMP
Textes d'application relatifs aux greffes Les publications tardives concernent :
Les publications en attente concernent :
Enfin, l'application des dispositions de la loi du 28 mai 1996 portant DMOS posait des problèmes de frontières et de guichet simplifiés par la loi du 1er juillet 1998. Le professeur MUNNICH indique que le centre de génétique qu'il dirige à l'hôpital Necker assure un conseil et un suivi en matière génétique et constitue un point de rencontre entre chercheurs et médecins qui établit un lien entre recherche sur les gènes et application pratique : il accueille 5 000 patients par an et est orienté sur les seules maladies congénitales, à l'exclusion des maladies neurodégénératives de l'adulte. Ces affections ne sont pas en voie de disparition et l'accès aux centres d'expertise s'est développé sous l'influence de plusieurs facteurs : évolution du regard porté sur le handicap, espoir de guérison, hantise de la récidive. La loi est bonne ; elle protège les patients et répond à la demande des praticiens. On peut simplement s'interroger, en ce qui concerne les dispositions touchant la génétique, sur le caractère un peu prématuré d'une révision quinquennale, un délai plus long permettant de mieux apprécier son adaptation à l'évolution scientifique. S'agissant du diagnostic préimplantatoire, M. MUNNICH indique qu'il a déposé une demande de création de centre de consultation en binôme avec le professeur FRYDMAN. Il considère que la demande de DPI est légitime lorsqu'elle fait suite à des interruptions de grossesse à répétition et, plus encore, lorsque le recours à la FIV s'avère nécessaire, l'interruption de grossesse revêtant dans ce cas un caractère particulièrement dramatique. En pratique, trois types de cas se présentent dans une proportion égale de 30 % :
Deux à trois demandes sur dix relèvent effectivement du DPI. Le dispositif législatif et réglementaire, tel qu'il est aujourd'hui en place, correspond aux besoins et n'a pas à être modifié mais il rencontre des difficultés d'application pour trois types de raisons :
La loi française, très représentative du génie national, s'écarte sensiblement des règles anglo-saxonnes, beaucoup plus laxistes. Un état comparatif des différentes législations va faire prochainement l'objet d'un colloque organisé par la revue canadienne Clinical Genetics. Un débat devrait être suscité à l'échelon européen pour mieux faire connaître le point de vue français à la communauté internationale. S'exprimant au nom du Collège national des gynécologues obstétriciens et de l'Association nationale pour l'étude de la stérilisation volontaire, le professeur TOURNAIRE indique que ce type de stérilisation crée des problèmes que la loi ne permet pas de résoudre dans sa rédaction actuelle :
Le manque de clarté crée ainsi une situation unique en Europe. Dès 1975, le Conseil de l'Europe avait recommandé que cet acte soit reconnu comme médical. Dans son avis du 3 avril 1996, le Comité consultatif national d'éthique n'a pas pris position sur son utilisation. En revanche, le Conseil de l'ordre a suggéré que le terme " thérapeutique " employé par l'article 16.3 du Code civil soit entendu dans son sens le plus large, incluant la visée préventive. Mais cette recommandation n'est pas prise en compte par les compagnies d'assurance qui ne souhaitent plus couvrir les gynécologues obstétriciens pour cette partie de leur activité. La rédaction actuelle de l'article 16.3 pose également problème pour la chirurgie plastique et reconstitutive. Elle a été préférée à l'emploi du terme " médical " afin d'exclure plus sûrement la recherche du champ d'application du texte. Ce type de stérilisation n'est plus aujourd'hui irréversible pour des patientes jeunes grâce à l'évolution des techniques (préservation des trompes, recours à la FIV). La portée de la loi devrait donc être étendue soit par un amendement, soit par une interprétation résultant des travaux préparatoires. Un forum consacré à l'évaluation de la loi du 20 décembre 1988 se tiendra à Nancy à l'initiative de la Conférence en mai 1999. Le docteur CHAPUIS tire de son expérience récente un constat sur l'hétérogénéité des CCPPRB, qu'il s'agisse de la composition, de la qualité, du mode de fonctionnement ou des modalités d'évaluation. La loi pose sur deux points des problèmes de compréhension :
Les CCPPRB doivent-ils être considérés comme des organismes scientifiques, éthiques ou administratifs ?
Le docteur CAMBON-THOMSEN est responsable d'une équipe de recherche sur " Génétique en population, éthique et décision en santé publique " rattachée à une unité INSERM de Toulouse intitulée " Epidémiologie et analyse en santé publique : risques, maladies chroniques et handicaps ". Ces recherches visent à retracer l'histoire des populations en utilisant les marqueurs génétiques. Elles portent sur des grands nombres, donc sur des sujets qui ne sont pas nécessairement porteurs de pathologies. Les chercheurs sont satisfaits du cadre législatif instauré par la loi du 20 décembre 1988. Un problème se pose toutefois pour les recherches sans bénéfice individuel direct menées, pour l'essentiel, à partir de prélèvements sanguins :
M. CAVERNI, qui dirige à l'INSERM le centre de recherche en psychologie cognitive, indique que certaines dispositions de la loi imposent des contraintes qui contrarient la recherche dans les sciences du comportement sans qu'elles aient quelque rapport que ce soit avec la protection des personnes :
D'autre part, les CCPPRB devraient comporter, ès qualité, des chercheurs en sciences du comportement humain et non des cliniciens. D'une façon générale, les recherches ne portant pas atteinte à l'intégrité du corps humain, non contraignantes et non invasives, devraient être placées hors du champ d'application de la loi, sous réserve de l'édiction d'un guide de conduite et de la soumission des projets à un comité d'éthique spécifique. La loi de 1988 a constitué un progrès important pour l'encadrement des essais thérapeutiques et un consensus général s'est fait sur l'exigence du consentement éclairé. Les recherches génétiques sont sans bénéfice pour le sujet. L'application de la loi leur pose problème sur plusieurs points :
Le département des sciences de la vie regroupe 6 000 chercheurs dans 280 laboratoires associés aux universités et étudie la vie sous tous ses aspects depuis le génome jusquau comportement. Recherche fondamentale et recherche appliquée y sont étroitement associées. M. SAMARUT estime souhaitable que les dispositions de la loi de 1994 relatives à lembryon tiennent compte des avancées constatées ou prévisibles de la recherche en ce domaine. Deux étapes doivent être distinguées dans lévolution de lembryon :
Cest au premier stade de développement, précédant la gastrulation, que lembryon intéresse les chercheurs. En effet, le modèle animal nest pas ici transposable dans la mesure où le passage de la phase où lembryon vit sur les réserves de lovocyte à celle où il se développe sur ses ressources propres ne se fait pas au même moment chez la souris et chez lhomme. Ce franchissement pourrait constituer le critère de partage entre recherche autorisée et recherche interdite. Les cellules totipotentes isolables dans ce premier état sont porteuses de deux types davancées thérapeutiques également décisives :
Elles pourraient être prélevées sur des embryons congelés privés de projet parental. Le recours au clonage ne garantirait pas un matériel biologique sûr, compte tenu de limportance de lempreinte parentale sur la fonctionnalité des gènes issus dun double patrimoine. Le maintien dune interdiction touchant ce type de recherche conduirait à une situation embarrassante dès lors que de telles cellules seront produites à létranger, hypothèse dont la réalisation est proche compte tenu des progrès récemment accomplis en ce domaine aux Etats-Unis. En ce qui concerne les biopsies post mortem, la loi a abouti à un blocage, les médecins ne voulant plus solliciter laccord des familles pour des prélèvements à fins scientifiques et privant de ce fait les chercheurs de matériaux auxquels ils avaient précédemment accès sans la moindre difficulté. Sagissant de la loi du 20 décembre 1988, son application pose plusieurs problèmes :
Il convient de remarquer, sur un plan général, qualors même que lactivité de recherche est reconnue par la loi, la rédaction des décrets issus de ladministration de la santé ne prend pas en compte ses besoins spécifiques et que lédiction dun Code de la recherche à côté de celui de la santé publique permettrait dapporter les clarifications nécessaires. Les compétences des autorités déconcentrées touchant les établissements pratiquant lAMP se situent à trois niveaux :
Au premier niveau, les DDASS se prononcent au vu dun dossier qui fait apparaître les besoins, les normes techniques et la qualification du personnel. Il est bon que la décision finale soit prise à un échelon central en raison des problèmes dexpertise et des enjeux de terrain que soulève ce type dautorisation. Pour ce qui concerne lintervention de la CNMBRDP, elle se ressent sans aucun doute du caractère trop cloisonné de cet organisme, dont la composition devrait être élargie à un plus grand nombre de disciplines médico-scientifiques. Sagissant du contrôle, compte tenu de sa complexité extrême, létablissement dun guide serait nécessaire. Un modèle proposé par la DASS de Paris na pas été officiellement validé. Les médecins inspecteurs :
Par ailleurs, une meilleure liaison devrait sétablir entre les agences, la DGS, lEFG et les services déconcentrés. Le docteur DUMONT souligne que la définition réglementaire des activités dAMP ne permet pas de contrôler la pratique des gynécologues de ville. Sagissant de la vérification, par les médecins, des conditions daccès à lAMP, il conviendrait dimposer des règles plus précises touchant la vérification didentité et la justification de vie commune. Dautre part, la loi ne permet pas aux praticiens dopposer un refus sils lestiment justifié, notamment pour des raisons dordre psychologique ou social. En ce qui concerne le contrôle des activités dAMP, il porte, dans la région PACA, sur 7 établissements autorisés. Plusieurs difficultés se rencontrent dans ce domaine :
Les refus dautorisation sappuient davantage sur des considérations liées à la planification ou à labsence de personnel titulaire (dans les centres rattachés à des CHU). Des avis contradictoires sont parfois délivrés par la CNMBRDP dune part, le Comité national de lorganisation sanitaire et sociale dautre part, ce dernier prenant en compte les contraintes de la planification. Lévaluation des établissements pose le problème :
Les éléments dévaluation dont dispose la Chancellerie ne peuvent procéder de lapplication jurisprudentielle qui est actuellement très réduite, notamment au plan pénal. On peut citer larrêt de la Cour dappel de Paris sur lutilisation post mortem des empreintes génétiques pour létablissement dun lien de filiation et celui de la Cour de Lyon, frappé dun pourvoi en cassation, sur lapplication de la notion de personne humaine au ftus. Par ailleurs, une seule poursuite a été intentée pour autorisation irrégulière dun établissement pratiquant des activités dAMP. Participant aux travaux de la CNMBRDP, M. ALBERT a pu y constater dautre part la remontée dun certain nombre de questions touchant notamment aux rôles respectifs du juge et de léquipe médicale. Des actions de formation des magistrats à ces missions spécifiques sont organisées dans le cadre de lEcole nationale de la magistrature. Une mission de recherche " Droit et justice " créée à la Chancellerie a engagé, en liaison avec le Centre régional juridique de lOuest (Université de Rennes), une étude sur lapplication des lois de bioéthique. Pour linstant, aucune position na été arrêtée, ni par le Gouvernement, ni par le Cabinet du garde des sceaux, sur la nature et létendue des modifications qui pourraient être apportées aux textes à loccasion de la révision. Un groupe de travail interministériel Santé-Justice-Recherche devrait entamer une réflexion au début de lannée prochaine. Sagissant de larticle L 152-5 du Code de la santé publique relatif à laccueil de lembryon par un autre couple, le projet de décret dapplication ne posait pas de difficulté particulière au ministère de la Justice pour la partie concernant les pouvoirs dinvestigation dévolus à lautorité judiciaire. Il na donc aucune responsabilité dans le retard qui affecte la parution de ce texte. La Convention européenne de bioéthique devait être initialement complétée par quatre protocoles additionnels relatifs, respectivement, à la transplantation dorganes et de tissus, à la recherche biomédicale, à la protection de lembryon et à la génétique. Ce programme a été bousculé par lannonce des progrès expérimentaux dans le domaine du clonage qui ont conduit à ladoption dun protocole spécifique sur ce sujet précis. Sur la transplantation dorganes et de tissus ainsi que sur la recherche biomédicale, les travaux du Comité directeur de bioéthique sont déjà très avancés et une première version de ces textes pourrait être déclassifiée dans le courant de lhiver. Il faut noter quune très grande diversité de positions sexprime sur la question des donneurs vivants, à légard de laquelle les pays de lEurope du Nord adoptent un point de vue très libéral. Plusieurs réunions exploratoires ont déjà été tenues sur le statut de lembryon. Les travaux sur la génétique débuteront au printemps et risquent de mettre en lumière de très nettes divergences, certains états de lEurope du Nord tentant déjà de faire prévaloir des dispositions que la France juge peu protectrices de la personne, telles que la communication obligatoire aux assureurs des tests prédictifs au-dessus dun certain plafond de souscription. Mme de PARSEVAL indique quelle travaille, depuis 1974, avec les CECOS sur le problème de la paternité dans le cadre de linsémination artificielle avec donneur. Elle souligne tout dabord la fragilité de la paternité consacrée par la loi de 1994 dans le domaine de lAMP avec don, puisquelle a été rattachée à la filiation naturelle et non à la filiation adoptive établie par un jugement. Elle peut ainsi aboutir à des enfants très éloignés de leur père légitime, voire totalement privés de paternité. LAustralie (état de Victoria) a instauré un système optionnel de don, anonyme ou non. En Suède, la suppression de lanonymat obligatoire est, aujourdhui, bien acceptée par les couples et a entraîné, après un temps de raréfaction, un regain de dons provenant dune nouvelle population composée essentiellement de pères de famille plus âgés. En réalité, le débat français est faussé par une confusion entre la levée de lanonymat et létablissement dun lien de filiation. Dans son état actuel, la loi ne facilite pas le dialogue parents-enfant en rattachant la filiation avec donneur à la filiation charnelle. Des dispositions spécifiques devraient être prévues pour le don dovocytes qui aboutit à la coexistence de trois maternités, génétique, utérine et sociale, les deux dernières étant assumées par la mère receveuse, tandis que la première est très facilement " métabolisable " par le psychisme du couple et révélable à lenfant. Lanonymat du don devrait pouvoir être levé à linitiative conjointe du couple donneur et du couple receveur. Dautre part, linterdiction du don au sein dune même famille, qui contribue à la pénurie dovocytes aujourdhui constatée, nest pas nécessairement justifiée par lintérêt des familles. Quelle que soit la décision prise à légard de lanonymat, le donneur devrait être reconnu à linstar de ce qui se pratique pour le don de sang. Linterdiction du transfert dembryon post mortem est en contradiction avec lesprit de la loi puisque celle-ci est axée sur la demande parentale. Le devenir de lenfant né orphelin nest pas nécessairement hypothéqué, comme le démontre lanalyse des situations de ce type créées par la guerre de 14-18. La " ressource " offerte à la mère veuve don de lembryon à un autre couple- est, en tout état de cause, inconcevable. Quant à lenfant qui naîtrait dun transfert post mortem, il ne serait pas privé de père et le souvenir de celui-ci resterait présent dans sa mémoire. Il est paradoxal dinterdire le transfert post mortem et dadmettre par ailleurs linsémination intraconjugale dans le cas dun homme séropositif dont lespérance de vie est incertaine dans létat actuel de la thérapeutique.
Le docteur GOLFE précise quil est également psychanalyste et travaille en liaison avec le professeur JOUANNET au CECOS de Cochin. Evoquant tout dabord les dispositions législatives relatives à ladoption, il fait état du découragement de nombreux couples face aux différents obstacles factuels (pénurie denfants adoptables en France) et au comportement des organismes daccueil. Si certains parents sont, au moins en apparence, favorables au respect du droit à la connaissance des origines, beaucoup y voient, en réalité, un facteur de difficultés dans les rapports avec lenfant. Ce droit ne doit pas être imposé sans certaines précautions psychologiques inscrites dans une démarche daccompagnement. Sagissant du don dovocytes, il a pu constater un très net désir danonymat de la part des donneuses, toute remise en cause de ce principe risquant de déclencher, selon lui, un réflexe de fuite, sauf dans le cas de parenté ou damitié très proche. Mais ce type de don peut être psychologiquement ambigu, porteur de fantasmes dinceste ou dadultère, et à ce titre préjudiciable à lenfant à naître. Dans le cadre du COPES, association qui offre une consultation aux parents en attente dadoption, une enquête a été menée auprès de couples candidats à une insémination avec donneur : 75 % dentre eux ne souhaitaient pas révéler les conditions de la conception à lenfant ou à lentourage familial. Un an après la naissance, ce pourcentage sélève à 90 %.
Audition du professeur Jean-François MATTEI les 25 novembre et 22 décembre 1998 Président de la sous-commission Santé du Conseil de lEurope et membre du Comité directeur de bioéthique, le professeur MATTEI souligne limportance, pour la révision de la loi, des travaux menés actuellement dans ce cadre européen. Il indique que lOMS lui a confié la direction dun rapport visant à définir les règles de bonnes pratiques à léchelon international, afin de parer à linfluence du pragmatisme anglo-saxon. Il rappelle, dautre part, que la convention sur le génome humain adoptée par lONU et la convention européenne de bioéthique se sont très largement inspirées des lois votées en 1994. La première question qui se pose est de savoir si lon peut réexaminer la seule loi explicitement soumise à révision sans aborder également celle qui touche à la protection de la personne, même si les juristes sont réservés sur une modification trop fréquente du Code civil. Le principal point de révision devrait concerner la médecine prédictive et les empreintes génétiques compte tenu des progrès de la science en ce domaine. Le professeur MATTEI a créé à cette fin, à lAssemblée nationale, un groupe détude sur les techniques génétiques et leurs aspects éthiques. La seconde question est celle du calendrier qui sera fixé pour cette révision. Il paraît difficile de faire léconomie dune commission spéciale dans les deux assemblées et nécessaire de leur laisser un temps suffisant pour organiser des auditions. Comment, en troisième lieu, organiser la révision ? Doit-elle être globale ou parcellaire, limitée à lobjet primitif de la loi ou étendue à dautres sujets tels que la fin de vie, les soins palliatifs, la stérilisation des handicapés ? Plusieurs problèmes se posent dans le domaine de la transplantation : 1) Le champ dapplication du consentement présumé mérite dêtre précisé :
2) Le régime des prélèvements sur donneur vivant doit être modifié pour soumettre au principe de consentement les greffes en domino et les résidus opératoires. Mais lélargissement des catégories de donneurs doit être envisagé avec prudence afin de protéger les donneurs contre les pressions affectives et financières. Dune façon générale, il faut laisser une plus large marge dappréciation aux médecins en encadrant leurs activités par un code de déontologie et des règles de bonnes pratiques. La loi, quant à elle, ne doit fixer que des principes généraux et des règles souples et évolutives. En ce qui concerne lassistance médicale à la procréation : Lencadrement des techniques est satisfaisant et il ne faut pas rechercher des définitions trop précises, même sil a manqué, pour lICSI, une phase dexpérimentation préalable. Le clonage cellulaire ou tissulaire nest pas condamnable. Seul le clonage reproductif doit être interdit. Il lest déjà en droit puisquil ne correspond pas à la définition des techniques dAMP établie par la loi et quil est par ailleurs contraire aux règles posées en matière de respect de la personne humaine. Néanmoins, une interdiction explicite et solennelle aurait valeur de symbole. Le consentement préalable devant un juge ou un notaire est généralement approuvé. Les médecins sont ainsi affranchis dune responsabilité qui troublerait la sérénité de leur pratique. Si le notaire, conseiller habituel des familles, paraît linterlocuteur le plus désigné, il faudrait supprimer les droits denregistrement sur les actes de ce type. Sagissant de la recherche sur lembryon, les scientifiques soulignent le retard de la France par rapport à dautres pays et invoquent la cherté des expérimentations sur lanimal. On ne peut sen tenir à une conception aussi utilitaire car elle conduit à une instrumentalisation de la vie humaine inacceptable, même à son stade le plus précoce. On ne peut légiférer sans des références strictes et précises que lembryon ne peut fournir puisquil nest quun moment dune vie. La vie elle-même peut, en revanche, être définie : elle commence à la fécondation et cest très précisément la définition sur laquelle se fondait déjà la loi relative à lIVG. Sil a été décidé, en 1994, douvrir la possibilité du don dembryon à un autre couple, cest, dune part, eu égard à la pénurie denfants adoptables (4 000 annuellement pour 14 000 couples candidats), dautre part, pour offrir aux embryons privés de projet parental une chance daccomplir ce qui était fondamentalement leur destinée, cest-à-dire de vivre. Il aurait été inconcevable et inapplicable pratiquement de contraindre la mère biologique à accueillir un projet denfant dont elle ne voulait plus. Mais le mélange des genres opéré par la loi (dun côté, la notion de don qui ne peut sappliquer quà un objet, de lautre, la procédure daccueil qui se calque sur ladoption) explique que ces dispositions naient pu être mises en application. Il nest pas certain quelles doivent être maintenues car, par delà le problème conceptuel, existe une difficulté juridique : comment assimiler à ladoption une mise au monde qui a toute lapparence dune procréation naturelle et rend quasi impossible la révélation de la vérité à lenfant ? En ce qui concerne le transfert dembryon post mortem, le professeur MATTEI estime que tous les arguments invoqués en faveur dune levée de linterdiction ne tiennent pas face aux problèmes inextricables que posent les délais et les conditions de mise en uvre, ainsi que la situation matrimoniale éventuelle de la mère. Quid, dautre part, lorsque le survivant est le mari ? La congélation des embryons a été admise en 1994 pour tenir compte, en premier lieu, dune situation de fait et, en second lieu, du caractère très temporaire que devait revêtir cette solution dans la perspective, supposée proche, de la congélation des ovocytes. Cela étant, la congélation encourage la réification de lembryon et lautorisation de procéder à des recherches sur les embryons congelés accentuerait cette dérive inacceptable. Comme la souligné le cardinal LUSTIGER, mieux vaut, pour la dignité de lêtre humain, quon le laisse mourir plutôt que de linstrumentaliser. En matière de médecine prédictive, la loi na autorisé que son usage individuel à des fins médicales. Les assureurs avaient accepté un moratoire qui parvient à son terme et il va falloir arbitrer entre les considérations morales et la logique assurancielle qui repose sur une estimation du risque. Rien, de surcroît, ninterdit le recours à un test favorable pour bénéficier dun tarif plus avantageux. Cette pratique est déjà admise, avec une certaine modulation, par la législation hollandaise. Les empreintes génétiques peuvent désormais être relevées à partir de prélèvements infimes et à linsu de lintéressé. La question se pose des conditions daccès à ces marqueurs génétiques, sachant notamment quun enfant sur huit nest pas issu du père présumé. Le législateur doit-il favoriser la tendance croissante à la recherche de lidentité biologique corrélée à léclatement des structures familiales traditionnelles ? Si le jugement prononcé dans laffaire MONTAND nest pas choquant compte tenu des circonstances de lespèce, la possibilité de recherches génétiques post mortem pour létablissement dune filiation doit néanmoins être strictement encadrée par le droit. En matière de brevetabilité du génome, il convient de distinguer lisolation dun gène qui ne saurait être brevetable et les applications qui en découlent qui ne doivent pas tomber sous le coup de la même interdiction. Pour conclure, le professeur MATTEI souligne linsuffisance des moyens dont dispose la CNMBRDP pour exercer ses attributions dagrément, de contrôle et dévaluation. Sa composition ne lui permet pas de se prononcer en toute indépendance et son recrutement est en outre limité par labsence de toute rémunération accordée à ses membres.
Liste des sigles et abréviations utilisés
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