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RAPPORT

SUR

L’APPLICATION DE LA LOI N° 94-654 DU 29 JUILLET 1994
RELATIVE AU DON ET À L’UTILISATION DES ÉLÉMENTS ET
PRODUITS DU CORPS HUMAIN, À L’ASSISTANCE MÉDICALE
À LA PROCRÉATION ET AU DIAGNOSTIC PRÉNATAL
par

M. Alain CLAEYS, Député et M. Claude HURIET, Sénateur

AUDITION

Comptes rendus des auditions *

Auditions du 28 mai 1998 *

1. M. Christian BYK *

2. Professeurs Jean LANGLOIS et Marc LERAT *

Audition du 4 juin 1998 *

Professeurs Claude LAROCHE et Claude SUREAU *

Auditions du 11 juin 1998 *

1. MM. François STASSE et Frédéric-SALAT-BAROUX *

2. M. Axel KAHN *

Auditions du 18 juin 1998 *

1. Mme Dominique THOUVENIN *

2. M. Jean MICHAUD *

Audition du 2 juillet 1998 *

Professeur Thomas TURSZ *

Auditions du 16 septembre 1998 *

1. MM. Didier HOUSSIN et Dominique DURAND *

2. Professeur Jean-Pierre JOUET *

Auditions à la Maternité régionale de Nancy, le 17 septembre 1998 *

Auditions du 23 septembre 1998 *

1. Professeur Bernard CHARPENTIER *

2. Professeur François LEMAIRE *

Auditions du 30 septembre 1998 *

1. Professeur Claude GOT *

2. M. Christian LEFORT *

3. M. Gérard TORPIER *

Audition du 8 octobre 1998 *

Professeur Marie-Louise BRIARD *

Auditions du 15 octobre 1998 *

1. Professeur René FRYDMAN *

2. Docteur Bernard JEGOU *

3. Docteur Jacques de MOUZON *

Auditions du 22 octobre 1998 *

1. Professeur Pierre JOUANNET *

2. Docteur Françoise SHENFIELD *

Auditions du 29 octobre 1998 *

1. Mme Chantal RAMOGIDA *

2. Professeur Jacques TESTART *

Auditions du 5 novembre 1998 *

1. Professeur Michel GOOSSENS *

2. Professeur Jean-Claude CZYBA *

Auditions du 19 novembre 1998 *

1. Professeur Bernard SELE *

2. Madame Hélène KHODOSS *

Auditions du 26 novembre 1998 *

1. Professeur Arnold MUNNICH *

2. Professeur Michel TOURNAIRE *

3. Docteur François CHAPUIS *

Auditions du 3 décembre 1998 *

1. Docteur Anne CAMBON-THOMSEN et M. Jean-Paul CAVERNI *

2. Docteurs Roland BERGER et Josué FEINGOLD *

Auditions du 10 décembre 1998 *

1. MM. Jacques SAMARUT, Robert NAQUET et Mme Odile FICHOT *

2. Mme Annick MOREL et le docteur Annick BIGORRIE *

3. Docteur Marie-Claude DUMONT *

Auditions du 17 décembre 1998 *

1. M. André ALBERT *

2. Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL *

3. Docteur Bernard GOLFE *

Audition les 25 novembre et 22 décembre 1998

du professeur Jean-François MATTEI *

 

Liste des sigles et abréviations utilisés *

 

 

Comptes rendus des auditions

Auditions du 28 mai 1998

1. M. Christian BYK, magistrat, secrétaire général de l’Association internationale Droit, Ethique et Science

M. BYK distingue trois grandes périodes dans l’évolution de la bioéthique.

De 1965 à 1975, apparaissent les premiers appareils de dialyse rénale. La question qui se pose est alors de déterminer qui peut, en priorité, bénéficier de ces nouveaux traitements, compte tenu de l’écart entre l’offre et la demande.

Entre 1975 et 1988, les autorités publiques mettent en œuvre une politique d’évaluation, aux Etats-Unis d’abord, puis en Europe (Danemark, France). Des commissions parlementaires se saisissent du sujet en Grande-Bretagne et en Espagne.

Depuis 1988, des normes législatives sont établies en Espagne (1988), en Grande-Bretagne (1990) puis en France.

L’ordre juridique n’offre pas tous les repères de clarté souhaitables en ce domaine. Un phénomène de désétatisation se manifeste dans les états fédéraux mais aussi dans des états unitaires où sont mises en œuvre des politiques régionales (cas de l’Italie).

La bioéthique est marquée aujourd’hui par trois tendances :

    • l’institutionnalisation avec le développement des comités d’éthique chargés de fixer les protocoles de recherche. On compte aujourd’hui une cinquantaine de comités consultatifs nationaux à travers le monde ;
    • l’internationalisation avec l’élaboration de la Convention de biomédecine élaborée par le Conseil de l’Europe, puis de la Déclaration sur le génome humain adoptée par l’UNESCO. L’Union européenne développe, de son côté, sa propre logique ;
    • la juridicisation avec la multiplication des textes à l’échelon national et international, ce qui pose le problème de la spécificité et de la cohérence du droit ainsi développé.

Il convient de souligner la part que les ordres professionnels ont prise dans l’élaboration des règles, tant dans le domaine du don d’organes que dans celui de la procréation assistée.

Les divergences existant d’un état à l’autre encouragent le " tourisme médical ", d’autant plus que la circulation intra-européenne est légale en ces domaines.

2. Professeurs Jean LANGLOIS et Marc LERAT, membres du Conseil national de l’ordre des médecins

Le CNO a constitué un groupe de travail commun avec l’Académie nationale de médecine. Sur les grands principes (gratuité, consentement, anonymat), aucune modification ne paraît souhaitable. Le principe d’une révision périodique devrait être reconduit.

Le problème du clonage n’a pas été traité par la loi : cette omission devra être réparée en prenant en compte tous les aspects du problème (clonage reproductif et clonage thérapeutique).

– Don et transplantation d’organes, tissus et cellules :

    • la loi n’a pas distingué assez clairement les transplantations et les autopsies quant au régime de consentement qui leur est applicable ;
    • la loi considère la moelle osseuse comme un organe mais ne tient pas compte des nouveaux modes de prélèvement des cellules hématopoïétiques dans le sang placentaire et le sang périphérique ;
    • pour les donneurs vivants, les possibilités de prélèvement devraient être élargies aux ascendants et collatéraux. La notion d’urgence appliquée au don du conjoint n’a pas d’utilité pratique et devrait être supprimée ;
    • le dépistage des maladies transmissibles devrait faire l’objet d’une coordination à l’échelon européen ;
    • la loi devrait réglementer la pratique, récemment développée, de la greffe cardiaque " en domino ".

– Assistance médicale à la procréation :

    • un statut de l’embryon humain, dont l’absence actuelle favorise les abus, devrait être établi ;
    • la loi ne définit pas l’état de mort de l’embryon, ni les conditions dans lesquelles sa destruction peut être autorisée ;
    • une position devrait être prise sur la possibilité d’utiliser les embryons surnuméraires à des fins de recherche ;
    • le contrôle des centres d’AMP devrait être renforcé et les sanctions pénales appliquées en cas d’infraction aux dispositions de la loi.

Audition du 4 juin 1998

Professeurs Claude LAROCHE et Claude SUREAU, président et membre de l’Académie nationale de médecine

1) Loi n° 94-653

– L’article 16-3 du Code civil, interprété restrictivement, conduit à condamner des pratiques obstétricales dont les indications thérapeutiques ne concernent que le fœtus (césariennes, amniocentèses).

– L’article 16-4, 2ème alinéa, interdisant les pratiques eugéniques ne distingue pas assez nettement l’aspect individuel et l’aspect collectif de ces pratiques.

2) Loi n° 94-654

– Dispositions relatives au don d’organes :

    • les cellules souches hématopoïétiques recueillies dans le sang du donneur ou le sang placentaire devraient être prises en compte par la loi et assimilées à des organes comme la moelle osseuse ;
    • l’élargissement des recherches de donneurs compatibles aux cousins germains devrait être autorisé ;
    • la garantie judiciaire est nécessaire mais le double contrôle magistrat-comité d’experts est parfois trop lourd et facteur de retards pour les équipes de transplantation ;
    • la notion d’apparentement devrait être dépassée en se référant à l’existence d’un lien affectif, tout en prévoyant un dispositif d’encadrement pour éviter les dérives ;
    • toute confusion devrait être évitée entre les prélèvements thérapeutiques et les prélèvements pratiqués, au cours des autopsies, dans un but scientifique. L’inscription sur le registre national doit constituer le seul mode d’expression des refus et ne concerner que les prélèvements à but thérapeutique.

– Dispositions relatives à l’AMP :

    • la recherche sur les processus de fécondation, de conservation et d’implantation de l’embryon conditionne le progrès thérapeutique. Elle doit donc être rendue possible, dans une finalité de bénéfice indirect, sur les embryons surnuméraires mais non sur des embryons conçus pour cet usage spécifique ;
    • la vitalité de l’embryon doit être établie à partir de critères objectifs conditionnant sa soumission à une expérimentation, préalablement à sa destruction éventuelle ;
    • l’insémination post mortem, interdite, ne doit pas être confondue avec le transfert d’un embryon après le décès du conjoint qui pourrait être admis dans certaines conditions ;
    • la sécurité sanitaire de l’AMP doit être renforcée. La CNMBRDP doit disposer de moyens appropriés pour encadrer les activités des établissements, ce qui n’est pas actuellement le cas ;
    • les investigations autorisées à l’égard de la famille d’accueil en cas de don d’embryon mettent en cause le respect du secret médical.

Auditions du 11 juin 1998

1. MM. François STASSE, conseiller d'Etat, et Frédéric-SALAT-BAROUX, maître des requêtes

Préparés par une réflexion approfondie (rapports BRAIBANT, MATTEI, LENOIR...), les textes de 1994 sont d'une qualité digne des grandes lois du XIXe siècle. Les principes posés (intégrité du corps, non-patrimonialité, intégrité de la personne et de l'espèce humaine) ne nécessitent pas de modification et peuvent s'adapter aux évolutions scientifiques (problème du clonage). Cette construction législative est d'autant plus remarquable qu'elle va bien au-delà des dispositions prises par d'autres pays développés. Aussi a-t-elle pu inspirer plusieurs conventions internationales (UNESCO, Conseil de l'Europe).

Il est cependant indispensable, dans le cadre de cette mission d'évaluation, de prendre l'avis des professionnels pour relever les dispositions qui entravent l'exercice de leur activité et les lacunes éventuelles (prélèvements d'organes, diagnostic préimplantatoire).

Il existe d'autre part un point central qui mérite un réexamen approfondi : c'est celui de la recherche sur l'embryon.

Le compromis auquel est parvenu le Parlement au terme de la navette est porteur d'ambiguïté. La distinction entre l'expérimentation prohibée et les études autorisées (mais très strictement encadrées par le décret d'application) est obscure. Ces études ne peuvent porter atteinte à l'intégrité de l'embryon mais la loi permet par ailleurs sa destruction.

Il y a de toute évidence une " malfaçon législative ". La question aujourd'hui posée est de savoir s'il est préférable de se cantonner dans cette situation floue qui a pu présenter, en son temps, des avantages " politiques " ou d'adopter une position claire. Une indication en ce sens a été donnée par le Comité national d'éthique dans son avis de 1997 sur la constitution de cellules souches embryonnaires. C'est là un vrai problème de fond dès lors qu'on est sur la voie, dans les pays où l'expérimentation est autorisée, de découvertes fondamentales touchant la multiplication cellulaire qui trouveront des applications décisives, notamment en cancérologie. L'intérêt thérapeutique de la personne " totale " confronté à la préservation éthique de la personne " potentielle ", tel est le véritable dilemme devant lequel se trouve placé le législateur.

La loi n'a pas voulu régler explicitement le sort des embryons surnuméraires créés après son entrée en vigueur. Mais la logique de destruction à laquelle aboutit inévitablement cette situation n'est-elle pas moins défendable que la fixation de protocoles de recherche très rigoureux sur ces embryons " orphelins ", encadrés par un dispositif de contrôle efficace et assortis de sanctions pénales ? A cet égard, le système actuel, qui ne donne pas à la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et de diagnostic prénatal les moyens d'exercer efficacement sa mission, constitue le modèle de ce qu'il ne faut pas faire.

Tout dépend, en définitive, de la réponse que l'on apportera à une interrogation philosophique essentielle : l'embryon est-il, dès l'origine, assimilable à une personne humaine ? MM. STASSE et SALAT-BAROUX se réfèrent, sur ce point, à l'opinion négative du Professeur FRYDMAN (in " Dieu, la médecine et l'embryon ").

M. SALAT-BAROUX estime souhaitable que la réflexion de l'Office porte également sur certains points de la loi 94-653 et, notamment, sur la nouvelle rédaction donnée à l'article 16-11 du Code civil relatif à l'utilisation des empreintes génétiques pour l'établissement d'un lien de filiation. La Cour d'appel de Paris en a fourni une lecture surprenante s'agissant de l'identification d'une personne décédée, en donnant le pas au droit de connaître ses origines sur le principe de consentement. Il y a là une source de tension juridique que la loi devrait s'efforcer de réduire.

Il conviendrait d'autre part de revoir l'article 16-4 du Code civil issu de la même loi qui interdit les transformations des caractères génétiques de la personne humaine sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques. La possibilité de traitement devrait être également admise.

La position des deux intervenants se divise sur la question de l'insémination post mortem. Pour M. STASSE qui fut confronté à ce problème dans ses précédentes fonctions de directeur général de l'Assistance publique avant l'intervention de la loi, il n'appartient pas à la société d'apporter son concours à la naissance d'un enfant sans père qui ne peut résulter que des aléas du destin. M. SALAT-BAROUX estime, en revanche, qu'indépendamment de la réflexion plus générale qui peut se développer sur l'évolution de la notion de famille, il devrait être fait droit à la volonté d'une veuve qui souhaite accueillir un embryon conçu avant le décès de son époux.

2. M. Axel KAHN, généticien, directeur de l'unité de recherche en physiologie et pathologie génétiques et moléculaires à l'Institut Cochin de génétique moléculaire, membre du Comité consultatif national d'éthique

A bien des égards, la loi votée en 1994 constitue un excellent compromis mais elle ne peut rester en l'état pour ce qui concerne la situation de l'embryon.

Le législateur a voulu rendre la recherche possible sans en banaliser l'objet. Ce compromis est générateur de redoutables incertitudes. La pire des situations, pour un biologiste, est que naisse de son action un enfant handicapé. Or la loi actuelle, en interdisant toute recherche sur l'embryon qui nuirait à son développement, conduit précisément à cette situation puisque la seule façon de respecter cette obligation est de laisser le développement se poursuivre quelles que soient les anomalies dont ce projet d'être humain est porteur.

L'embryon est humain mais ce n'est pas une personne et son devenir est grevé d'une grande incertitude. C'est un espoir, un projet de personne. Pour cette raison, et quelles que soient les techniques employées, elles ne doivent viser qu'à la création d'un être humain inscrit dans un projet parental. Cependant, si élevé que soit le niveau de dignité où on le place, il n'y a aucune raison de soustraire totalement l'embryon à la recherche, dès lors que le projet parental est abandonné, que les géniteurs ont donné leur accord et que l'alternative se réduit, soit à la destruction pure et simple de l'embryon, soit à une expérimentation préalable à cette destruction.

Les Britanniques ont " botté en touche " en autorisant l'expérimentation pendant les quatorze premiers jours du développement de l'embryon mais il s'agit là, pour le biologiste, d'une séparation artificielle et M. KAHN préfère qu'on ne recoure pas à cette solution de facilité tout en admettant qu'il y a, au fil de la multiplication cellulaire, une dignité croissante de l'embryon. Il serait néanmoins paradoxal que la période prénatale soit la seule où la recherche serait quasiment impossible.

Les perspectives ouvertes par cette recherche concernent, outre les techniques d'assistance médicale à la procréation proprement dites, l'expérimentation de nouveaux milieux de développement. Par ailleurs, la culture de cellules souches embryonnaires, qui n'a été réalisée jusqu'ici que sur des souris, ouvrirait de larges possibilités thérapeutiques compte tenu du caractère totipotent de ces cellules. M. KAHN est réservé sur la création de ces cellules par clonage mais souligne qu'en tout état de cause, il n'est possible à l'heure actuelle d'en obtenir que dans les pays où la recherche est plus libéralement autorisée.

Selon l'exégèse dominante, l'interdiction du clonage reproductif résulterait de l'article 16-4 du Code civil dans la rédaction que lui a donné la loi n° 94-653. Ce texte ne vise que les pratiques eugénistes mais la notion même de procréation n'est nulle part définie. Il conviendrait donc, pour plus de sécurité, de compléter en ce sens le Code de la santé publique.

En ce qui concerne le développement de la médecine prédictive sur la base des tests génétiques, la loi actuelle ne garantit pas une assurance tous-risques contre d'éventuelles dérives. Il sera de plus en plus facile, pour chaque individu, de connaître sa destinée biologique, sa prédisposition à certaines maladies, ses capacités intellectuelles ou physiques et d'en tirer parti pour assurer sa position sociale, comme l'illustre l'exemple récent des découvertes touchant les performances sportives. " L'idéal sportif est l'idéal du triomphe de l'inégalité biologique. "

Les " kits " individuels, déjà disponibles sur le marché américain, risquent de se répandre en Europe et il sera difficile d'édifier des barrières (Agence nationale ou européenne du médicament) pour limiter leur utilisation inconsidérée. Cependant, il serait intéressant d'analyser les législations des divers états américains qui ont, dans cette matière, un objectif éducatif.

En ce qui concerne l'ICSI dont l'innocuité semble se confirmer, il est frappant de constater qu'elle a été développée, en dépit de ses risques théoriques, sans expérimentation préalable contrairement aux règles fixées dans le code de Nuremberg et la déclaration d'Helsinki.

Auditions du 18 juin 1998

1. Mme Dominique THOUVENIN, professeur de droit privé à l'Université Paris VII

Si l'étude de l'Office parlementaire doit être essentiellement centrée sur la loi n° 94-654, seule explicitement soumise à révision quinquennale, il faut néanmoins relier les trois textes qui constituent le corpus juridique de la bioéthique et couvrent trois champs très différenciés :

    • l'intérêt de la personne (modification du Code civil par la loi n° 94-653),
    • les pratiques médicales (modification du Code de la santé publique par la loi n° 94-654),
    • la recherche et l'épidémiologie (modification de la loi informatique et libertés par la loi n° 94-548).

Les travaux préparatoires explicitent le principal enjeu : encadrer les nouvelles pratiques médicales consistant à intervenir sur un corps humain en vue d'un objectif thérapeutique qui lui est étranger. L'activité thérapeutique peut être définie comme la prise en charge d'un individu par un médecin : le receveur d'organe entre bien dans ce champ traditionnel mais non le donneur qui est utilisé dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. La même personne, hospitalisée à la suite d'un accident, peut d'ailleurs être placée successivement dans ces deux situations.

La loi a créé implicitement des intérêts contradictoires mais il n'existe dans les hôpitaux aucun système de représentation de ces différents intérêts permettant de distinguer clairement, au moment de l'hospitalisation :

    • la finalité thérapeutique pour la personne,
    • la finalité thérapeutique pour autrui,
    • la finalité scientifique.

L'article 16-3 du Code civil ne fait pas ressortir l'intérêt thérapeutique pour autrui. L'article 672-4 du Code de la santé publique n'est pas plus explicite. Quant à l'article 672-1 relatif aux déchets opératoires, il est totalement incompréhensible. Dans une matière qui a une forte valeur symbolique, on se trouve face à des règles juridiques qui n'organisent pas clairement le régime du consentement. Il en résulte, dans certains hôpitaux, des comportements attentistes qui conduisent à un blocage de l'activité de prélèvement.

Mme THOUVENIN juge inapproprié le recours à la notion de " don " qui, outre la gratuité, impliquerait que le donneur soit connu et exprime son consentement alors que celui-ci peut être présumé en l'état actuel de la loi.

La rédaction du 671-7 qui enjoint au médecin de " s'efforcer " de recueillir le témoignage de la famille n'a pas grande valeur juridique. En tout état de cause, il serait souhaitable que la recherche du consentement associe aux médecins des représentants des associations qui se consacrent à la défense des droits des patients. Il manque, dans le dispositif actuel, un médiateur chargé de représenter l'intérêt des donneurs.

S'agissant de l'élargissement éventuel du cercle des donneurs vivants, Mme THOUVENIN souligne qu'il ne faut pas confondre la parenté biologique et les solidarités fondées sur un lien affectif fort qui permet de garantir le caractère désintéressé du don. L'évolution des pratiques sociales devrait conduire à admettre les concubins au nombre des donneurs potentiels.

En ce qui concerne le statut de l'embryon, la question ne doit pas être posée en terme de personnalité car il n'est pas nécessaire d'être un sujet de droit pour bénéficier d'une protection juridique. Ainsi le Code pénal punit-il les mauvais traitements infligés aux animaux.

2. M. Jean MICHAUD, vice-président du Comité consultatif national d'éthique, président de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal

Compte tenu de la pénurie d'organes prélevables post mortem, il est souhaitable d'élargir les possibilités de prélèvement sur personnes vivantes à des parents plus éloignés (oncles et tantes, notamment). La condition d'urgence imposée pour les dons entre époux n'a pas lieu d'être s'agissant des greffes rénales qui constituent la très grande majorité des prélèvements pratiqués dans ce cas de figure. Par ailleurs, il n'est pas logique d'exclure les concubins de la liste des donneurs.

S'agissant de l'assistance médicale à la procréation, convient-il de maintenir l'enfant dans l'ignorance du mode de fécondation et de l'identité du géniteur, dans le cas d'une insémination artificielle avec donneur (IAD) ? On a invoqué, à l'appui d'une modification de la loi, la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France, qui confère à celui-ci le droit, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d'être élevé par eux. Mais le trouble que peut créer chez l'enfant la levée de l'anonymat va à l'encontre de la stabilité familiale et sociale. L'exemple suédois démontre en outre que le recrutement des donneurs risque de s'en trouver tari.

La formulation très large de l'article L 152-1 (" Toute technique d'effet équivalent ") a autorisé le recours à l'ICSI qui confère à l'assistance médicale une dimension nouvelle et dont les effets sur l'enfant ainsi conçu n'ont pas encore été évalués avec certitude.

L'interdiction du transfert de l'embryon après le décès du père, édictée par la jurisprudence et confirmée par la loi, s'appuie sur deux arguments : la règle des 300 jours et les difficultés que soulèverait la transposition de cette faculté à l'homme. Un système plus libéral prenant en considération la date à laquelle le décès est intervenu pourrait cependant être envisagé.

Le problème de la conservation des embryons surnuméraires ne se pose pas en Allemagne où une règle, rigoureusement appliquée, limite la production d'embryons au nombre strictement nécessaire à la mise en œuvre de la procréation et exclut par là même toute possibilité de recherche. Trois solutions sont théoriquement envisageables :

    • accueil de l'embryon " orphelin " par un autre couple ; c'est la voie choisie en 1994 mais l'article L 152-5 n'a encore fait l'objet d'aucun décret d'application ;
    • recherche suivie de destruction ;
    • destruction pure et simple (sur les modalités de laquelle la loi n'a pas tranché).

Est-il inconcevable de procéder à certaines recherches sur un embryon voué à disparaître, soit naturellement, soit par destruction volontaire ? On pourrait considérer ces recherches comme possibles avant la fusion des noyaux. A titre personnel, M. MICHAUD considère que l'embryon n'existe véritablement que lorsqu'il est implanté.

La convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la bioéthique signée à Oviedo en 1996 n'a pu, en l'absence de consensus, que renvoyer aux Etats le soin de réglementer la recherche tout en prohibant la constitution d'embryons à cette fin spécifique. La France a suspendu sa ratification dans l'attente des décisions qui pourraient être prises l'an prochain par le législateur.

La loi a édicté des sanctions pénales très lourdes, trop lourdes pour être vraisemblablement infligées. Alors que certaines équipes poursuivent leurs recherches, aucune poursuite n'a été engagée. M. MICHAUD aurait souhaité qu'en dehors même de toute action répressive, une réflexion concertée s'engage entre les parquets et les DDASS.

Si les nouvelles orientations tracées en cette matière par l'avis n° 53 du Comité national d'éthique trouvent une traduction dans le droit positif, elles conféreront un rôle décisif à la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal. M. MICHAUD souligne que la faiblesse des moyens dont dispose actuellement cette instance ne lui permet pas d'assurer correctement sa mission en ce qui concerne la délivrance des agréments et autorisations aux praticiens et établissements pratiquant l'assistance médicale à la procréation.

M. MICHAUD estime qu'une certaine contradiction existe, à l'article L 162-17 relatif au diagnostic préimplantatoire, entre les cas où il peut être pratiqué (maladie reconnue comme incurable) et l'objectif curatif qui lui est assigné.

Il souligne enfin la nécessité de compléter l'article 16-11 du Code civil en ce qui concerne l'expression du consentement pour l'identification génétique d'une personne décédée.

Audition du 2 juillet 1998

Professeur Thomas TURSZ, directeur de l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif

La situation actuelle de la recherche thérapeutique est relativement bonne. Les problèmes qui se posent sont liés à la formation et au financement, plus qu’à la réglementation. La loi, en comblant un vide juridique, a doté la recherche d’un cadre qui en a amélioré la qualité. Cet encadrement n’a pas eu la rigidité redoutée et les progrès de la recherche clinique doivent beaucoup, depuis dix ans, à cette réforme.

Sur le plan financier, en revanche, la situation est moins bonne : les laboratoires pharmaceutiques accentuent leur mainmise sur la recherche thérapeutique, faute pour les hôpitaux et établissements de pouvoir développer leurs études sans l’aide d’un partenaire industriel.

Se pose le problème de la recherche d’une bonne pratique médicamenteuse, les essais conduits par les laboratoires poussant à la consommation de médicaments. Les chercheurs ont du mal à se situer dans cette stratégie industrielle.

On assiste d’autre part à un reflux de la thérapie génique, promue par les industriels, en raison des difficultés procédurières : trop d’avis redondants sont demandés à des commissions qui se réunissent très épisodiquement, ce qui conduit à la prise de décisions obsolètes. De surcroît, les dispositions de la loi du 28 mai 1996 relatives aux thérapies géniques et cellulaires n’ont pu, faute de décret, entrer en application. Le professeur TURSZ indique qu’il a déposé, en 1993, le premier dossier mondial relatif à l’utilisation d’adénovirus en cancérologie dont une étude a démontré la faisabilité.

Il manque, dans le dispositif légal, une agence publique de la recherche thérapeutique et clinique qui ferait contrepoids au secteur privé et coordonnerait les études. Encore faudrait-il qu’elle ne soit pas perçue comme un guichet supplémentaire.

Dans le domaine des thérapies cellulaires, les budgets hospitaliers ne permettent pas toujours le financement des recherches, ce qui oblige ici encore à lier des partenariats industriels. Par ailleurs, l’édiction de règles de bonnes pratiques est assurément nécessaire mais risque, si elle impose un niveau élevé de technicité, de limiter le nombre des établissements capables de les mettre en œuvre.

Auditions du 16 septembre 1998

1. MM. Didier HOUSSIN, directeur de l'Etablissement français des greffes (EFG), et Dominique DURAND, président du Conseil médical et scientifique de l'EFG

 

Appréciation générale

La loi du 29 juillet 1994 est intervenue dans une période de crise après l'affaire d'Amiens (1991), le problème posé dans certains centres par les patients non résidents et l'affaire du sang contaminé. Dans ce climat général, l'activité de prélèvement avait fortement diminué : - 30 % pour les cornées, - 20 % pour les organes de 1991 à 1994.

La loi a, sans aucun doute, contribué à rétablir la confiance du public et à lui donner une perception positive du don et de la greffe d'organes. Les personnels, sensibles dans un premier temps à la rigidité de l'encadrement de leurs activités, commencent maintenant à en ressentir les bénéfices. Les règles sanitaires édictées sont les plus élevées au monde. Peut-être faudra-t-il ultérieurement les assouplir légèrement pour trouver un juste équilibre et laisser toute sa place à la décision médicale.

Depuis 1994, on note, pour les cornées, une remontée des prélèvements au niveau antérieur à la crise, l'objectif étant de n'avoir plus aucun patient en attente plus de quelques semaines d'ici l'an 2000. Pour les organes, la chute a été stabilisée en 1995-1996. L'information faite auprès du public et la mise en place d'une organisation du prélèvement y ont été pour beaucoup. L'objectif est de passer de 15 à 20 prélèvements par million d'habitants en l'an 2000.

Parmi les textes d'application non encore parus, figure le décret relatif à la vigilance qui doit tenir compte des dispositions figurant dans la récente loi sur la sécurité sanitaire. Il faut souligner que, hormis les xénogreffes, les greffes n'exposent pas aux risques collectifs que l'on rencontre dans d'autres activités. Le problème est de définir le champ de la vigilance. Si la greffe augmente les risques de cancer ou les risques infectieux, ne s'agit-il pas du simple suivi de complications attendues ?

Il serait souhaitable de donner une base législative à la balance bénéfice-risque déjà prise en compte dans le décret du 9 octobre 1997 relatif à la sécurité sanitaire, qui permet de déroger aux règles qu'il fixe, en cas d'urgence vitale. Il s'agit de permettre au médecin d'exercer pleinement sa responsabilité et non de s'en exonérer.

Les grands principes posés (consentement, gratuité, anonymat) ne doivent pas être remis en question.

 

Manifestation du consentement

La mise en place récente du registre des refus a conduit à l'inscription, en un mois et demi, de 15 000 personnes qui s'opposent à toutes les finalités (don, recherche scientifique, autopsie clinique). Il convient d'homogénéiser le système du consentement sans faire un sort à part au prélèvement à des fins scientifiques. L'article L 671-9 devrait être modifié en ce sens.

Le registre ne doit pas être le moyen exclusif de manifestation de l'opposition. Le témoignage des familles devra continuer à être recherché, même s'il leur confère parfois un pouvoir que la loi ne leur avait pas explicitement attribué.

Les résidus opératoires doivent être soumis au même régime de consentement que les organes et tissus. C'est souvent déjà le cas en pratique.

 

Donneurs vivants

La loi a imposé un encadrement très strict qui doit être assez largement maintenu pour ne pas prêter le flanc aux soupçons de pratiques lucratives. Cela étant, la pratique est très en dessous du niveau d'encadrement (4 % seulement des greffes de reins). Dans la mesure où les greffes entre non-apparentés donnent de bons résultats, il convient de les permettre sur un mode très dérogatoire sans que cet assouplissement puisse avoir pour objectif de pallier les insuffisances de prélèvements post mortem. Cet élargissement ne doit être qu'une réponse à des demandes individuelles dont aucune raison éthique ne justifie le rejet. Il faut abandonner le recours à la notion d'urgence, actuellement imposée aux conjoints, et instituer un encadrement strict contrôlé par une commission d'experts sur le modèle anglo-saxon. Oncles, tantes, cousins et grands-parents pourraient ainsi être admis dans le cadre des donneurs.

S'agissant des cellules hématopoïétiques, il faut instaurer un régime unique quelle que soit leur origine (moelle, sang périphérique, placenta), ce régime pouvant être celui des organes, préférablement, ou celui des cellules.

 

Questions diverses

Xénogreffes : les dispositions inscrites dans la loi sur la sécurité sanitaire sont satisfaisantes.

 

Suivi de l'AMP : l'EFG pourrait se voir confier une compétence d'évaluation et d'information.

 

Consécration du don : cette qualification doit être assortie d'une reconnaissance qui peut prendre deux formes : suivi de proximité de la famille du donneur et manifestations symboliques.

2. Professeur Jean-Pierre JOUET, responsable de l'Unité moelle et cellules de l'EFG

La loi de 1994, dans sa partie relative aux greffes de moelle, est appliquée sans aucun détournement. On relève cependant des difficultés liées à la pratique et à l'évolution scientifique.

Si la majorité des greffes de cellules souches hématopoïétiques continue à se faire à partir de prélèvements de moelle osseuse, on assiste à un développement des greffes à partir de sang périphérique et de sang placentaire. Ce dernier présente l'avantage de créer moins de réactions immunitaires et l'inconvénient de fournir un faible nombre de cellules ; il n'est donc utilisable que pour de très jeunes receveurs.

La loi n'avait pas pris en considération ces nouveaux types de prélèvements qui peuvent donc être mis actuellement en œuvre sans aucun consentement. Il serait souhaitable d'unifier le régime des cellules souches en les soumettant soit au régime des organes (avec certaines adaptations) soit à celui des cellules.

S'agissant du prélèvement sur mineur, il n'est actuellement possible que sur un frère ou une sœur du receveur. Cette disposition est trop restrictive, sachant qu'un cousin germain peut parfois être le seul donneur HLA identique pour un patient donné.

S'agissant du recueil du consentement, il faut maintenir la compétence du président du Tribunal de grande instance mais il est préférable que le mineur ne soit mis en relation qu'avec le membre du comité d'experts désigné en raison de sa compétence dans le domaine de la psychologie. Il conviendrait par ailleurs, afin d'éviter des déplacements pénibles, que le TGI et le comité d'experts territorialement compétents puissent être, au choix, ceux du lieu de prélèvement ou du lieu de résidence du donneur.

Le sang placentaire doit, préalablement à son utilisation, faire l'objet d'une conservation. Des banques sont en voie de constitution sous la double responsabilité de l'Agence française du sang et de l'Etablissement français des greffes.

 

Auditions organisées à la Maternité régionale de Nancy, le 17 septembre 1998

1. Dons d'organes, tissus et cellules

– Le docteur Francine JACOB souligne les effets très positifs que la loi a produits sur le public en renforçant l'encadrement et la sécurité des prélèvements. Les contraintes supplémentaires qui en résultent étaient sans doute nécessaires. Elles ont été parfois accentuées par les décrets d'application : ainsi, la signature concomitante du procès-verbal du constat de la mort et du certificat de décès ne permet plus au corps d'être transporté.

La prise en charge du retour du corps après transfert et décès sur le lieu de transplantation devrait être rendue obligatoire, même si elle est toujours effective en pratique.

La prise en compte de la balance bénéfice-risque pose des problèmes d'application, certains médecins n'acceptant pas d'accorder le prélèvement s'ils n'ont pas de certitude.

Lorsqu'à la suite d'un accident, les parents sont décédés en même temps que l'enfant, le prélèvement d'organes sur ce dernier ne peut être autorisé, par délégation, que par le juge de tutelle qui hésite à prendre cette responsabilité et intervient trop tard.

Le texte d'application relatif à la conservation des tissus n'est pas encore paru. Le CHU de Nancy finance une banque pour la conservation des os, des cornées et prochainement des vaisseaux.

La catégorie des donneurs vivants pourrait être élargie aux concubins et un suivi des donneurs devrait être organisé.

– Le professeur Danièle SOMMELET évoque le cas d'un mineur dont le cousin était HLA identique. Le prélèvement de moelle a dû être effectué en Suisse compte tenu des dispositions restrictives de la loi française. Ce type de situation se présente fréquemment dans les familles à forte consanguinité.

Il serait souhaitable que le pédiatre siégeant au comité d'experts soit spécialisé dans le domaine des greffes.

– Le professeur Jean-Pierre VILLEMOT critique les dispositions de l'article L 671-9 sur le consentement applicable aux autopsies. Le régime de ces prélèvements devrait être distinct de celui des organes destinés à une greffe.

Il serait utile d'instaurer pour les cornées, comme pour les autres types de tissus, des listes d'attente afin d'éviter que les établissements à but lucratif ne soient traités prioritairement. Dans ces mêmes établissements, l'utilisation publicitaire des résultats ne conduit-elle pas à sélectionner les receveurs en fonction des chances de succès plus qu'en considération des exigences thérapeutiques ?

– Le professeur Jacques HUBERT estime nécessaire un suivi des donneurs selon un protocole semblable à celui qui s'applique aux néphrectomisés " classiques ".

2. Assistance médicale à la procréation

– Le docteur Frédérique GUILLET-MAY considère que la recherche sur l'embryon est indispensable pour limiter les grossesses multiples et les réductions embryonnaires. Les modifications apportées à la loi doivent prendre en compte la souffrance des couples en attente d'enfant.

– Le docteur Frédérique BARBARINO formule plusieurs observations :

    • Sur l'article L 152-2 : la notion de couple en âge de procréer permet les grossesses tardives avec don d'ovocyte ; le délai de deux ans est trop long pour la femme âgée et dont la stérilité est définitivement établie ; la preuve du statut marital contraint le praticien à sortir de son rôle purement médical.
    • Sur l'article L 152-4 : en cas de décès d'un membre du couple, à quel moment doit intervenir la consultation du conjoint survivant sur l'accueil de l'embryon par un autre couple ?
    • Sur l'article L 152-6 : la notion d'ultime indication impose le recours systématique à toutes les techniques de procréation assistée.
    • Le don d'ovocytes est très fortement entravé par l'exigence de l'anonymat.

– Le professeur Hubert GERARD s'interroge sur les conditions dans lesquelles peut être pratiquée une autopsie des embryons qui ont arrêté leur développement ou qui, à l'évidence, ne le poursuivront pas. Il souligne le caractère scientifiquement flou de la distinction entre " bons " et " mauvais " embryons. Certains de ceux qui sont qualifiés de " mauvais " seraient susceptibles d'un développement alors que les " bons " embryons qui ont de meilleures chances d'implantation peuvent être porteurs d'anomalies non détectées. Les médecins se substituent, pour la fécondation et l'implantation, au processus naturel mais le laissent ensuite se dérouler sans s'être prémunis contre les risques d'anomalies. Ce n'est pas un comportement très responsable.

L'étude de l'embryon par autopsie devrait pouvoir être menée sur les embryons dont le développement a été arrêté, soit spontanément, soit par intervention médicale.

La loi ne donne pas de solutions :

    • pour les études sur les gamètes,
    • pour la destruction des embryons surnuméraires.

– Le docteur Alain MITON pose le problème du statut du fœtus et déplore les retards qui affectent l'agrément des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal.

Auditions du 23 septembre 1998

1. Professeur Bernard CHARPENTIER, président de la Société française de transplantation, doyen de la Faculté de médecine Paris-Sud

Une journée de réflexion organisée par la Société française de transplantation et sept autres sociétés savantes s'est tenue la semaine dernière pour étudier les trois thèmes suivants :

    • le prélèvement sur donneur vivant ;
    • l'extension du prélèvement au donneur à cœur arrêté ;
    • transplantation et aléa thérapeutique.

La synthèse de cette journée sera communiquée aux rapporteurs.

Praticien de la greffe rénale depuis 25 ans, le professeur Charpentier a pu mesurer les effets des législations successives sur la pratique médicale. Le cadre juridique posé par la loi de 1994 -et notamment la création de l'EFG- a été bien accepté par la profession. On peut simplement regretter les conditions un peu précipitées dans lesquelles ont été recueillis ses avis et la réunion dans un même débat de questions qui auraient gagné à être examinées séparément.

Dans la pratique, même si la loi ne trace une nette frontière qu'entre le constat de la mort d'une part, le prélèvement et la transplantation d'autre part, une séparation trop nette s'est instaurée entre les équipes chargées de ces deux dernières activités. La circulation de l'information transitant par l'EFG ne facilite pas l'établissement de la traçabilité. Ce cloisonnement est en partie pallié par l'existence des infirmières coordinatrices qui assurent l'accueil et l'information des familles.

L'opposition fréquente des familles a conduit à une diminution des prélèvements cadavériques et les greffons provenant de sujets trop âgés affectent les chances de succès durable des transplantations.

Quant aux transplants xénogéniques, y compris ceux provenant d'animaux transgéniques, ils n'ont pour l'instant qu'un avenir incertain.

Deux autres ressources sont exploitables :

    • le prélèvement sur donneur vivant dont le régime pourrait faire l'objet de certains aménagements ;
    • l'embryogenèse dont les perspectives sont très prometteuses ; déjà utilisée pour les greffes de peau, elle pourrait permettre dans un proche avenir la production, à partir de cellules souches, d'organes développés dans des animaux-relais. Il s'agirait alors d'un combiné " allo-xéno " n'exposant pas aux mêmes risques que les xénogreffes proprement dites (cas des cellules souches bronchiques fournissant des poumons provisoirement implantés dans des porcs).

 

Conditions de prélèvement sur donneur vivant

Les professionnels sont unanimement opposés à l'instauration du " reward and gift " (don contre récompense) usité aux Etats-Unis.

S'agissant de l'élargissement de la parenté, il convient d'avancer avec prudence. Certes, le critère de l'histocompatibilité n'a pas la valeur médicale qu'on a voulu lui conférer mais son objectivité en rend l'application incontestable. Assouplir les conditions du don expose à des pressions familiales qui conduiront à préférer le cousin moins histocompatible mais célibataire au frère chargé de famille.

S'agissant des époux, la condition d'urgence actuellement imposée est inapplicable pour les greffes de rein. Faut-il la faire disparaître sachant par ailleurs que, dans 70 % des cas, le don se fait de la femme vers l'homme ? On pourrait envisager des dérogations exceptionnelles après une procédure contradictoire où des médecins représentant le donneur entendraient l'équipe médicale de transplantation, la famille et le couple.

Quant aux donneurs n'entrant dans aucune de ces catégories mais " émotionnellement relatés " (couples homosexuels, amis très proches), il s'agit de situations peu fréquentes dont l'appréciation pourrait être laissée à l'EFG.

En tout état de cause, la prise en considération de ces cas très particuliers ne doit pas aboutir à une remise en cause des règles générales posées en 1994. Le passage devant le président du Tribunal de grande instance, par la dimension symbolique qu'il confère au don, est également une des dispositions très positives de la loi.

 

Prélèvement sur donneur à cœur arrêté

Ce prélèvement est techniquement possible pour le rein qui peut supporter un certain degré d'ischémie et permettrait une augmentation sensible des transplantations rénales. Mais les conditions actuelles de recueil du consentement imposent des délais qui rendent cette opération impraticable.

 

Aléa thérapeutique

A la différence d'un médicament, la qualité de l'organe obtenu par prélèvement cadavérique ne peut être rigoureusement contrôlée et garantie. Elle est fonction de l'âge et de l'état général du donneur qui peut être porteur -le cas s'est présenté- d'une affection virale indétectable dans les conditions de rapidité où s'effectue la transplantation. Celle-ci expose par ailleurs le receveur à des risques infectieux et cancéreux. L'ensemble de ces aléas devrait faire l'objet d'une information plus systématique avant l'intervention. On ne peut exclure, même si le cas ne s'est pas encore présenté, que la responsabilité des praticiens soit mise en cause par les familles devant le juge.

2. Professeur François LEMAIRE, chef du service de réanimation médicale à l'Hôpital Henri-Mondor

Le professeur Lemaire souligne en préambule que son approche du problème de l'autopsie ne peut être totalement identique à celle des anatomopathologistes qui ne sont pas en contact direct avec les familles des défunts alors que cette confrontation est le lot permanent d'un service de réanimation.

La chute des autopsies est un phénomène incontestable (de 15 % à 5 % des décès de 1993 à 1997 dans les hôpitaux de l'AP-HP) mais c'est un phénomène mondial : les Etats-Unis, pris communément comme une référence, ont vu ce même pourcentage passer en 50 ans de 50 à 12 %. On ne peut donc en imputer en France la responsabilité exclusive à la législation de 1994.

Cette décroissance est liée au développement considérable des biopsies et des techniques d'imagerie (scanner, IRM, ...) qui permettent aujourd'hui, dans la très grande majorité des cas, de connaître avec précision la pathologie qui est cause du décès. Cette discipline, loin de se marginaliser (le service d'anatomopathologie d'Henri-Mondor regroupe le nombre le plus élevé de praticiens à temps plein), a multiplié des modes d'investigation qui sont utilisés du vivant des patients et concourent à l'établissement du diagnostic. Très sollicités, ces spécialistes, pour beaucoup d'entre eux, ont peu de goût pour l'autopsie compte tenu, notamment, des risques de contamination VIH auxquels elle expose. L'autopsie n'est plus, depuis 1970, un critère de qualité aux Etats-Unis pour les établissements de soins.

La loi de 1994 s'est inspirée de la nécessité de créer un climat de confiance fondé sur la transparence et la recherche du consentement. Il est inconcevable de revenir à la législation antérieure qui ne permettait pas une information satisfaisante des familles.

La loi a incontestablement changé les données de l'autopsie en imposant cette information. Elle n'a pas été immédiatement appliquée dans bon nombre d'hôpitaux où le chiffre des autopsies s'est maintenu pendant les trois premières années. La mise en place de formulaires types permettant de vérifier le respect des dispositions légales dans un certain nombre d'établissements de l'AP-HP a conduit à une réduction du nombre des autopsies (5 % en 1997).

L'autopsie conserve une réelle utilité, notamment en neurochirurgie (pour la détection de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, en particulier). Le pourcentage actuellement constaté correspond probablement à cette finalité. Sur 165 décès annuels à Henri-Mondor, 11 autopsies ont été demandées et 9 acceptées.

Les principes posés par la loi ne doivent donc pas être remis en cause, sauf à simplifier les différents régimes de consentement et à imposer plus explicitement l'information de la famille avant l'autopsie.

Auditions du 30 septembre 1998

1. Professeur Claude GOT

La rédaction très imparfaite, voire contradictoire, des articles L 671-7 et L 671-9 provient de la longueur des débats et des compromis qu'il a fallu trouver in extremis en commission mixte paritaire pour lever les blocages qui s'étaient manifestés au cours de la navette entre les deux assemblées.

Mise à part l'affaire d'Amiens, la loi CAILLAVET n'avait créé dans le domaine des autopsies que des problèmes mineurs mais elle était entachée d'une certaine hypocrisie dans la mesure où elle n'organisait pas la manifestation du refus (lacune partiellement comblée au niveau des textes et circulaires d'application).

Le projet initial restait très proche de la loi CAILLAVET et ne présentait donc pas de difficultés particulières. Au fil des débats, s'y sont ajoutées :

    • la consultation de la famille ;
    • la distinction très contestable (et inopérante en pratique) entre autopsie clinique et autopsie scientifique ;
    • l'information de la famille en cas d'autopsie clinique, sans que la loi précise à quel moment doit se faire cette information (les praticiens ont fait une interprétation correcte de cette disposition en assurant une information préalablement à l'autopsie).

Ce dispositif législatif n'a aucun équivalent dans d'autres pays développés. Il est vrai que les Etats-Unis imposent un accord explicite mais cette règle s'applique dans un contexte juridico-médical radicalement différent : l'autopsie est automatiquement pratiquée si le décès se produit 24 heures après l'admission dans un établissement hospitalier. D'autre part, les familles réclament une autopsie chaque fois -le phénomène est de plus en plus fréquent- qu'elles engagent une action en responsabilité devant les tribunaux.

La famille ne devrait fournir qu'un témoignage sur la volonté présumée du défunt. Mais les travaux préparatoires du Sénat lui confèrent un véritable pouvoir de décision appuyé sur la conviction qu'elle ne souhaitera pas s'opposer aux prélèvements dans l'immense majorité des cas. Or, tous les sondages menés dans les différents pays européens démentent ce pronostic, sauf en néonatalogie où le désir des parents de connaître le causes du décès reste prédominant. C'est d'ailleurs le seul domaine dans lequel le nombre des autopsies n'a pas diminué.

Dans les autres secteurs, en revanche, les chiffres ont chuté avec la mise en place d'un formulaire permettant d'appliquer strictement la loi. M. GOT indique que l'élaboration de ce formulaire s'est faite à l'initiative des hôpitaux de l'AP sans instruction précise du ministère de la Santé. On a assisté alors à la manifestation d'un phénomène d'autocensure, les médecins ne voulant pas que les familles puissent avoir connaissance d'un doute sur les causes exactes du décès.

A Ambroise-Paré où le nombre d'autopsies oscillait entre 80 et 100 par an, situation d'équilibre que l'on pouvait retrouver dans les autres hôpitaux universitaires, on est tombé à 3 autopsies pour la première année d'application effective de la loi.

Le développement des nouvelles techniques d'investigation (imagerie, biopsies) frapperait-il l'autopsie " classique " d'obsolescence ? Le professeur GOT ne le pense pas mais voit plutôt une des causes du déclin de cette pratique dans l'augmentation des problèmes médico-légaux, elle-même liée au champ croissant de l'intervention médicale. Les médecins appréhendent une mise en cause de leur responsabilité.

D'autre part, les anatomopathologistes préfèrent l'immunologie à cette activité qu'ils jugent datée, ingrate et peu rentable en termes de mesure de leur volume d'activité compte tenu de son caractère très chronophage.

Néanmoins, elle conserve un caractère irremplaçable pour assurer l'information des médecins sur des accidents inexpliqués et doit continuer à faire partie du contrôle de qualité.

Dans les faits, les hôpitaux dans lesquels elle continue à être pratiquée à un rythme soutenu sont ceux qui s'en tiennent à la loi CAILLAVET et n'appliquent pas les dispositions nouvelles. A droit inchangé, cette situation a peu de chances d'évoluer, les anatomopathologistes étant de moins en moins demandeurs d'autopsies pour les raisons indiquées précédemment.

Pour parer à cette situation, il faut que le fichier national puisse permettre à tout individu majeur d'exprimer sa volonté, d'une part, pour des prélèvements à des fins thérapeutiques, d'autre part, pour des prélèvements à des fins médico-scientifiques, dans des conditions assurant la stricte confidentialité de l'information. Les ressources de l'informatique permettent la mise en place et la gestion d'un tel fichier.

Il serait d'autre part souhaitable, pour une exacte application de la loi, qu'y figure la notion d'autopsie qui ne se confond pas avec celle de prélèvement, seule utilisée à l'heure actuelle.

2. M. Christian LEFORT, président de France-Adot

La mise en place du registre national des refus (RNR) constitue une gabegie qu'on aurait pu éviter. L'étude de faisabilité réclamée par France-Adot depuis 1983 n'a pas été réalisée. On aurait cependant pu tirer la leçon de l'expérience belge, le fichier mis en place il y a dix ans ne recensant aujourd'hui que 1,7 % de la population (contre 2,3 à l'origine) qui s'est exprimé à 98 % de façon négative.

L'EFG, qui a succédé à France Transplant, se présente trop nettement comme le représentant de la haute administration. Il a voulu organiser la campagne d'information en trois étapes : secteur hospitalier (1996), professions médicales et paramédicales (1997) et grand public. Cette dernière étape n'aura lieu qu'en 1999, après le lancement du RNR. Mais l'EFG n'a pas de réseaux et refuse pourtant de s'appuyer sur le mouvement associatif auquel il n'apporte plus qu'un soutien financier très limité.

France-Adot, qui a vu ses ressources diminuer, souhaiterait obtenir le financement d'un organisme indépendant afin de ne pas dépendre de l'administration.

S'agissant de la loi de 1994, dont la révision périodique devrait être maintenue au-delà de 1999, il est anormal que le mineur ne puisse exprimer son accord à un prélèvement avant 18 ans alors qu'il peut s'inscrire dès 13 ans sur le registre des refus. D'autre part, le consentement d'un seul titulaire de l'autorité parentale serait suffisant.

M. LEFORT s'interroge enfin sur le régime juridique applicable aux étrangers résidant en France.

3. M. Gérard TORPIER, président de Transhépate

La loi est bien faite pour l'ensemble de ses dispositions relatives aux dons et greffes. Certaines observations peuvent néanmoins être faites sur son interprétation et ses applications.

L'article L 665-14 n'autorise la levée de l'anonymat du lien entre donneur et receveur que pour des raisons thérapeutiques. Ce principe ne doit pas empêcher la mise en œuvre d'une certaine transparence entre les équipes de prélèvement et de greffe. D'autre part, les infirmières coordinatrices chargées d'assurer le lien avec la famille sont trop peu nombreuses et insuffisamment formées à cette fonction difficile.

Pour le prélèvement sur donneur décédé, il faut maintenir le principe du consentement présumé associé au registre des refus et maintenir la famille dans un rôle de témoignage. Le ministère de l'Education nationale devrait être associé aux campagnes d'information en faveur du don.

En ce qui concerne les prélèvements sur personne vivante, la notion d'urgence imposée au don entre époux n'a pas lieu d'être en matière de transplantation rénale. Quant au foie, il ne semble pas opportun d'élargir la pratique actuelle.

La pénurie actuelle de greffons conduit à des prélèvements d'organes ne présentant pas toutes les garanties sur le plan fonctionnel et sanitaire. L'information du receveur sur les risques doit donc être renforcée et les responsabilités des choix médicaux clairement définies.

Enfin, les réseaux de soins assurant le suivi des transplantés doivent faire l'objet d'une attention particulière.

Audition du 8 octobre 1998

Professeur Marie-Louise BRIARD, ancien directeur de recherche à l'INSERM, Unité 393 Handicaps génétiques de l'enfant, Hôpital Necker-Enfants malades

Madame BRIARD rappelle qu'elle a participé, dans les années 80, au sein de l'Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l'enfant, à l'organisation du diagnostic prénatal et à la détermination des tests biologiques susceptibles d'être pris en charge par les assurances sociales. Les dispositions législatives et réglementaires édictées depuis 1994 se sont inspirées très directement des principes qui avaient été précédemment mis en œuvre.

Elle souligne la nécessité primordiale d'une information de la femme enceinte sur les risques inhérents aux prélèvements, afin qu'elle puisse donner un consentement éclairé. La loi étant muette sur ce point, cette lacune a été comblée par voie réglementaire.

Deux situations doivent être distinguées :

    • celle des couples porteurs d'un risque génétique et pour lesquels des examens biologiques doivent être envisagés d'emblée pour détecter " une affection d'une particulière gravité " selon les termes de l'article L 162-16 ;
    • celle où l'échographie conduit à suspecter une anomalie chez une femme ne présentant pas d'antécédents à risque.

L'échographie peut être aujourd'hui pratiquée de façon très précoce ; par la mesure de l'épaisseur du cou, elle peut annoncer une trisomie 21 dont la confirmation sera recherchée par l'établissement d'un caryotype. 7 à 8 % d'anomalies chromosomiques sont diagnostiquées chez les sujets présentant une malformation à l'échographie.

L'amniocentèse à des fins de caryotype est une méthode invasive qui ne peut donc être pratiquée systématiquement. Cependant, sa prescription pose un problème médico-légal, l'abstention du médecin pouvant être constitutive d'une faute.

Le risque de trisomie 21, qui est à 1,5 % entre 38 et 40 ans, s'approche de 3 % pour les femmes de 43 ans. 40 000 grossesses sont soumises annuellement à caryotype et permettent de déceler 900 trisomies qui conduisent à une interruption thérapeutique de grossesse dans la quasi-totalité des cas.

Les centres de diagnostic prénatal pluridisciplinaires sont appelés à jouer un rôle déterminant pour la fiabilité du diagnostic prénatal. Compte tenu de la parution tardive du décret d'application, l'examen des dossiers d'agrément par la CNMBRDP ne sera achevé qu'à la fin de l'année. Mme BRIARD souhaite que de tels centres puissent être créés dans des établissements privés offrant toutes garanties de compétence à condition d'y prévoir la gratuité de l'expertise.

Il conviendrait par ailleurs :

    • de séparer nettement le diagnostic prénatal de l'AMP en créant dans le code de la santé publique un chapitre spécifique introduisant la notion de médecine fœtale ;
    • de ne pas restreindre au conseil génétique la consultation médicale préalable aux prélèvements qui doit être adaptée à la pathologie concernée.

S'agissant du diagnostic préimplantatoire, Mme BRIARD y voit un DPN ultra précoce. Deux types de situations peuvent être distingués :

    • un couple stérile, contraint de faire appel à l'AMP, est par ailleurs exposé à avoir un enfant atteint d'une maladie génétique. Les grossesses multiples, fréquentes en cas d'AMP, accroissent les risques d'avoir un enfant atteint. L'intérêt du DPI est de permettre le dépistage précoce de l'anomalie et d'éviter une interruption de grossesse ;
    • un couple fécond ne voulant pas renouveler un DPN et une interruption de grossesse souhaite recourir au DPI et doit se soumettre à une FIV avec un taux de succès limité.

Le DPI ne peut, en l'état actuel des textes, être utilisé pour détecter une anomalie génétique en cas de grossesse tardive.

Aucun laboratoire de DPI n'a encore été autorisé compte tenu de la publication très récente du texte réglementaire.

Auditions du 15 octobre 1998

1. Professeur René FRYDMAN, chef du service de gynécologie obstétrique à l'Hôpital Antoine-Béclère de Clamart

La loi de 1994, en ordonnant et en clarifiant les pratiques de procréation assistée, a fait disparaître les angoisses et les fantasmes que nourrissait l'opinion publique sur ce sujet. Il reste cependant une confusion entretenue par le recours à la dénomination unique d'embryon pour désigner deux réalités distinctes :

    • celle de l’embryon préimplantatoire qui peut être cultivé in vitro jusqu'au 7ème jour, période au cours de laquelle les cellules conservent un caractère totipotent et où diverses évolutions, allant de la division gémellaire à l'apparition d'une tumeur trophoblastique, peuvent se manifester ;
    • celle de l'embryon proprement dit qui correspond à l'établissement d'un lien avec la mère par l'implantation dans l'utérus.

A tout le moins, il conviendrait de préciser que l'interdiction de la recherche s'applique à l'embryon in vitro, ce qui ne lèvera pas la contradiction consistant à protéger cet embryon au nom du principe de la dignité humaine tout en autorisant, par ailleurs, sa destruction.

Sur les exigences imposées aux couples par l'article L 152-2 du Code de la Santé publique, deux observations peuvent être faites :

    • la condition de deux ans de vie commune ne semble pas justifiée sur le plan moral et est inadaptée, en pratique, au cas de plus en plus fréquent des candidates à la procréation assistée âgées de 38 ans et plus ;
    • en cas de décès du mari, on pourrait envisager, après un délai de six mois permettant le travail de deuil, de confier à une commission le soin de statuer cas par cas sur l'opportunité d'un transfert d'embryon.

Le don d'embryon à un autre couple peut être, aux termes de l'article L 152-5, organisé dans tous les centres de PMA détenant un stock d'embryons congelés alors que le don de gamètes ne peut être le fait que d'organismes et établissements soumis à des conditions d'autorisation très strictes fixées par l'article L 673-5. Il y a là une discordance qui nécessiterait une harmonisation de ces deux régimes et qui explique que le décret d'application relatif au don d'embryon n'ait pas été publié.

S'agissant des études sur l'embryon visées à l'article L 152-8, trois situations doivent être distinguées :

    1. Celle où l'embryon, porteur d'une anomalie, est voué à la destruction ; l'étude, s'apparentant ici à une autopsie à fins scientifiques, doit pouvoir être pratiquée sans restrictions.
    2. Celle où l'embryon, " normal " mais devenu surnuméraire par abandon du projet parental et absence d'un couple d'accueil, n'a d'autre alternative que la destruction pure et simple ou la destruction après étude. Celle-ci devrait pouvoir être autorisée, sous réserve que la loi précise que les études à caractère invasif ne peuvent s'appliquer qu'à des embryons non transférés. Des couples consultés en 1986 sur le sort à donner à leur embryon abandonné se partageaient en proportions égales entre trois solutions : don à un autre couple, destruction, recherche et destruction.
    3. Celle où des études à visée cognitive, actuellement interdites, devraient pouvoir être menées sur l'embryon. La question se pose aujourd'hui pour la fécondation d'ovocytes qui ont été soumis à congélation, pratique déjà couronnée de succès en Pologne, Australie et Corée du Nord. Pour progresser dans cette voie, il faut, dans certaines situations, pouvoir mener des études invasives avant le transfert éventuel. De telles études seraient au préalable subordonnées :
    • à une évaluation scientifique, qui pourrait être confiée à l'INSERM, afin de vérifier la nécessité de l'étude ;
    • à une évaluation éthique du CCNE garantissant la régularité de sa mise en œuvre (recueil du consentement, etc.)

Cette double évaluation aurait dû, déjà, être appliquée à l'ICSI.

La pratique de la stimulation ovarienne, actuellement développée en dehors de l'AMP, devrait être plus strictement contrôlée.

Le délai de cinq ans imposé à la conservation des embryons existants à la date de promulgation de la loi pourrait être assorti d'un sursis.

L'anonymat du don de gamètes doit être préservé. Toutefois, pour la minorité de couples (15 % environ) qui n'y sont pas favorables, on pourrait envisager, dans un ou deux centres, une pratique dérogeant à ce principe dans le cadre d'un protocole de recherche et d'évaluation.

L'article L 673-2 impose au donneur de faire partie d'un couple ayant procréé. Cette double exigence est tout à fait justifiée mais il ne paraît pas indispensable que la première soit encore satisfaite au moment où s'effectue le don.

En application du décret du 12 novembre 1996 qui fixe les règles de sécurité sanitaire applicables au don de gamètes, les embryons conçus avec les ovocytes soumis à ce contrôle doivent être congelés jusqu'à l'expiration du délai de six mois qui sépare les deux séries d'examens. Cette congélation réduit les chances de grossesse sans apporter une amélioration significative de la sécurité sanitaire. Il faudrait donc en informer le couple et lui laisser le choix entre cette méthode et un simple contrôle sur les ovocytes au moment de la fécondation.

Le diagnostic préimplantatoire, qui n'est pas encore entré en application, ne pourra être pratiqué que s'il existe chez l'un des parents une anomalie exposant l'enfant à un risque élevé de maladie génétique. Ne pourrait-on élargir l'indication à un risque éventuel, comme celui de la trisomie 21, auquel se trouve exposée la femme de 38 ans ? Le diagnostic préconceptionnel pratiqué sur le globule polaire permet de contourner les limites imposées au DPI. Il devrait, en tout état de cause, être reconnu et encadré par la loi. Pour éviter toute dérive eugénique, l'indication du DPI doit rester limitée à la prévention de maladies particulièrement graves, sans que celles-ci fassent pour autant l'objet d'une énumération limitative.

M. FRYDMAN est favorable à une proscription plus explicite du clonage, dont il rappelle qu'il aboutit à la création d'un être doté d'un seul patrimoine génétique. La récente expérience américaine consistant à transférer le noyau d'un ovocyte d'une femme stérile dans celui d'une donneuse fertile ne constitue nullement une étape nouvelle dans cette voie.

2. Docteur Bernard JEGOU, directeur du groupe d'étude de la reproduction chez le mâle à l'INSERM

En sa qualité de chercheur, M. JEGOU se situe à l’interface entre activité clinique, recherche et industrie pharmaceutique. Compte tenu de sa spécialité, il a porté une attention particulière à l'AMP lorsqu'ont été tentées des expériences de fécondation par injection de spermatides. Il a découvert un monde fier, à juste titre, de sa pratique, sensible à la détresse des patients et, pour des raisons " culturelles " (formation, histoire de l’AMP…), souvent fermé sur lui-même et déconnecté de la recherche biologique et génétique la plus avancée dans le domaine de la reproduction et du développement. Il existe donc un décalage sensible entre le développement de la recherche et celui des techniques de l'AMP qui se ramènent à des gestes, certes spectaculaires, mais assez simples.

L'ICSI a constitué un " coup d'état biologique " qui s’inscrit dans un contexte de banalisation incessante du risque, au regard de laquelle le travail du biologiste fondamental s'apparente à un combat d'arrière-garde face à des digues déjà rompues.

Plusieurs lacunes doivent être soulignées à propos de la pratique de l'AMP :

    • l'absence de publications véritablement scientifiques, dont les annonces faites dans les revues destinées au grand public ou les congrès ne peuvent tenir lieu ;
    • l'absence d'avis préalable à l'expérimentation ;
    • la quasi-absence, voire l’absence, d’expérimentation animale ;
    • l'absence de délai entre l'annonce d'une percée dans l'expérimentation animale et sa transposition chez l'homme, qui se fait donc sans validation des résultats ;
    • l’absence de " bonnes pratiques de laboratoire ".

Les praticiens de l'AMP invoquent pour leur défense la durée limitée de la fertilité féminine, la marge d'incertitude et le coût de l'expérimentation animale, les réussites antérieures et la charge de la preuve incombant aux scientifiques en ce qui concerne le danger éventuel de leurs pratiques. C'est oublier que la technique doit être au service de la science, que dans le domaine du médicament ce sont des tragédies comme celle de la thalidomide qui ont imposé les modèles animaux, et que l'industrie de la procréation assistée (cliniques, fabricants d’hormones…), à la différence de l'industrie pharmaceutique, ne réinvestit aucun profit dans la recherche.

Il faut également mettre en évidence :

    • la mondialisation de l’AMP, qui génère un " tourisme " procréatif contournant les contraintes légales ;
    • la subjectivité du suivi des enfants ainsi conçus, puisque le monde de l'AMP est juge et partie et opère sur le mode déclaratoire sans l'intervention de techniciens/inspecteurs spécialisés dans les essais cliniques. Même si elles doivent beaucoup à la conscience des praticiens de l’AMP, les évaluations actuelles sur les résultats de l’ICSI souffrent de diverses limites dont un taux de perdus de vue important.

M. JEGOU formule plusieurs propositions :

    • rompre le caractère trop autogéré de l'AMP (illustré notamment par la composition de la CNMBRDP). Pourquoi ne pas créer dans ce domaine une instance type " Agence du médicament " ?
    • développer la formation à la recherche, animale et humaine, des praticiens de l’AMP et pratiquer une politique volontariste d'appel d'offres en faveur de la recherche biologique fondamentale et appliquée en reproduction. Il convient de noter à ce propos les contraintes actuelles limitant gravement les possibilités de recherche sur les cellules testiculaires humaines (conséquence des règles de consentement relatives au prélèvement de tissus à des fins scientifiques) qui, paradoxalement, favorisent l’expérimentation humaine au détriment de la recherche cognitive et " en tube à essai ". Un exemple de cette situation est que les spermatides peuvent être injectées dans l’ovocyte humain alors qu’elles ne sont pas accessibles pour être étudiées isolées ;
    • mettre en place un suivi des enfants offrant toutes les garanties méthodologiques.

3. Docteur Jacques de MOUZON, INSERM U292, Hôpital de Bicêtre

S'agissant de l'organisation des activités d'AMP, la pluridisciplinarité est contrariée par la séparation des activités cliniques et biologiques. Cet inconvénient est particulièrement sensible pour l'insémination intraconjugale et contribue à accroître le taux d'échec.

La séparation des activités cliniques et biologiques ne répond pas aux exigences de l'AMP, qui impliquent une association étroite et permanente de ces deux activités et devraient conduire à la création de centres pluridisciplinaires.

Se pose par ailleurs le problème de la responsabilité ; chaque praticien assurant les actes d'AMP souhaite obtenir l'agrément prévu à l'article L 152-9. Plus les praticiens agréés sont nombreux et moins la notion de responsabilité a un sens.

Les moyens dont dispose la CNMBRDP pour assurer la surveillance des centres sont insuffisants face au développement des nouvelles techniques (l'ICSI qui représente désormais 40 % de l'activité des centres, la coculture sur tissus d'origine humaine ou animale, l'éclosion assistée). Ils ne permettent pas non plus d'assurer un suivi satisfaisant des enfants conçus par FIV et, plus particulièrement, des fécondations obtenues par ICSI.

Les premières évaluations font apparaître une légère augmentation des malformations, notamment cardiaques, et de certaines anomalies chromosomiques mais elles sont sujettes à caution compte tenu, dans le premier cas, du nombre trop limité de naissances sur lesquelles elles portent, dans le second, du biais introduit par une pratique du DPN plus systématique que dans les grossesses classiques.

La CNMBDRP ne peut assurer un contrôle sur place des déclarations faites par les centres. Les DDASS et les DRASS ne disposent pas de la compétence requise. Il serait intéressant de s'inspirer de l'exemple britannique, où une commission indépendante est dotée de véritables pouvoirs et d'un corps d'inspection spécialisée.

Faut-il, sur le modèle britannique et allemand, limiter dans la loi le nombre d'embryons transférés ? La question appelle une réponse nuancée car le risque de grossesses multiples est moins élevé chez la femme de plus de quarante ans alors que l'implantation de trois ou quatre embryons accroît dans ce cas les chances de succès.

La progression des stimulations ovariennes commence à poser un problème de santé publique. Bien que l'on ne dispose pas de données précises, on peut, par déduction du nombre d'inducteurs vendus, évaluer à 200 000 le nombre de cycles stimulés en France hors FIV, ce qui correspond à environ 50 000 patientes. Ce chiffre doit être doublé si l'on prend en compte les prescriptions de citrate de clomiphène (dont 30 000 sont le fait de généralistes). Parallèlement, l'augmentation des grossesses triples a été de 400 % dans les vingt dernières années.

Même si la prescription de ces inducteurs va devenir un acte réservé, la mise en œuvre d'un contrôle s'avère difficile compte tenu du nombre de praticiens impliqués (8 000 gynécologues en France).

M. de MOUZON formule en conclusion trois observations :

    • le don d'embryon devrait être encouragé ;
    • le DPI doit être encadré mais demeure préférable en tout état de cause au DPN ou à l'interruption médicale de grossesse ;
    • la sacralisation de l'embryon bloque actuellement toute possibilité de recherche.

Auditions du 22 octobre 1998

1. Professeur Pierre JOUANNET, président de la Fédération des CECOS, directeur du Laboratoire de biologie de la reproduction, Hôpital Cochin

M. JOUANNET indique préalablement qu'il s'exprime au double titre de responsable d'un service d'AMP, concerné par toutes les dispositions de la loi se rapportant à cette activité, et de président de la Fédération des CECOS, auxquels s'appliquent spécifiquement les règles touchant la procréation par don et l'autoconservation des gamètes.

La mise en œuvre d'une évaluation constitue l'un des nombreux aspects positifs d'une loi sur laquelle la profession manifeste des sentiments partagés.

Un certain nombre de points ne soulèvent aucune contestation :

    • les grands principes visant à la protection de la personne et du corps humain. On pourrait souhaiter cependant une meilleure insertion de l'AMP dans l'organisation générale des soins utilisant des cellules d’origine humaine, qu’elles soient données ou non, et de la sécurité sanitaire ;
    • l'encadrement juridique des pratiques ;
    • l'identification et l'affirmation claires des responsabilités professionnelles.

M. JOUANNET estime que l'article L 152-2 du CSP qui réserve l'AMP à des indications médicales doit être maintenu pour le moment, même si cette exigence conduit au développement d’un " tourisme procréatif " pour des motifs de convenance, dont les conséquences ne pourront être ignorées longtemps.

Il existe, en revanche, des dispositions floues ou ambiguës :

    • L'article L 152-6, qui fait de la procréation avec donneur une " ultime indication ", traduit sans doute une réticence du législateur à l'égard de cette solution. Le praticien peut se trouver ainsi incité à l'acharnement thérapeutique et à l'utilisation de techniques dont l'innocuité n'est pas démontrée. A l'extrême, le recours au clonage pourrait trouver là une justification. De la même façon, dans le cas d'un couple séro-différent, on pourrait être amené à privilégier le traitement du sperme de l'homme séropositif (y compris sans pouvoir garantir une diminution du risque de transmission virale) plutôt que de recourir à l'IAD qui peut être choisie par certains couples.
    • L'autoconservation des gamètes n'a pas été traitée par la loi. Techniquement maîtrisée pour le sperme depuis les années 50 et utilisée par les CECOS depuis 1973, elle le sera très prochainement pour les ovules. Elle peut être employée dans deux situations :
    • pour une utilisation à court terme dans le cadre d'une AMP ;
    • pour parer à la survenance prévisible d'une stérilité (consécutive, par exemple, à une chimiothérapie). Dans ce cas, le sujet concerné peut être un célibataire, même mineur.

Les fragments ovariens pourraient, dans les prochaines années, offrir à cet égard de nouvelles perspectives lorsque se confirmera leur utilisation, déjà réussie chez l'animal, soit pour une FIV après maturation de l'ovocyte in vitro, soit pour une autogreffe permettant la reprise de la procréation in vivo. La congélation de ces fragments chez un sujet aujourd'hui très jeune lui permettrait de bénéficier ultérieurement de cette technique lorsqu'elle sera transposable à l'être humain.

La conservation de ces gamètes à long terme suscite des questions spécifiques. Cette activité devrait être identifiée dans la loi. Elle devrait être assurée selon une réglementation et avec un encadrement qui doivent être précisés.

    • Enfin, certaines dispositions ne sont pas entrées en vigueur soit parce qu'elles étaient inapplicables, soit parce qu'une volonté de blocage liée à des pesanteurs administratives y a fait obstacle. Ainsi, un projet d'étude sur l'embryon financé par la Délégation à la recherche clinique de l’AP-HP en 1996 a dû attendre, pour être soumis à l'agrément de la CNMBRDP, la parution, en mai 1997, d'un décret d'application puis celle, en avril 1998, d'un formulaire réglementaire sans qu'une décision ait pu être prise à ce jour.

Plusieurs souhaits sont par ailleurs exprimés par les CECOS :

    • L'article L 665-12 qui distingue la publicité, interdite, et l’information, autorisée, est d'une interprétation malaisée. Le ministère de la Santé, chargé de cette information, a tardé à la mettre en œuvre puisque la première campagne ne s'ouvre que dans les prochains jours. Une délégation de ces actions à d'autres organismes serait sans doute souhaitable.
    • Le régime de conservation des gamètes devrait distinguer l'utilisation immédiate et la conservation à long terme qui intéresse également les embryons en prenant en considération les données sanitaires, éthiques et relationnelles qui justifient un agrément spécifique.
    • L'exigence pour le donneur de faire partie d'un couple ayant procréé posée par l'article L 673-2 devrait être remplacée par celle de la parentalité, plus large et plus adaptée à l'esprit de la loi (et, de fait, pratiquée par les CECOS).
    • La limitation du nombre de naissances à l'origine desquelles peut se trouver un même donneur, fixée à cinq par l'article L 673-4, vise à réduire les risques de consanguinité. Ce risque n'existant pas à l'intérieur d'une même famille, il serait plus opérant d'énoncer cette limitation en termes de familles ou de fratries.
    • La notion de centre pluridisciplinaire doit être conservée sans qu'elle conduise à une dilution des responsabilités dans un milieu où sont associés biologistes, médecins, généticiens, psychologues et personnels paramédicaux. Le rôle déterminant que joue ici la biologie -interventionnelle et thérapeutique- est très différent de sa fonction habituelle d'analyse. Elle nécessite une formation adaptée qui vient d'être mise en place avec la création, l'année dernière, d'un DESS de biologie de la reproduction.
    • Le développement des pratiques d'AMP, sans que les recherches préalables aient été réalisées, semble encouragé par la loi dans son état actuel. Cette recherche devrait être replacée dans le droit commun avec quelques adaptations tenant compte de sa spécificité. Elle devrait, en tout état de cause, pouvoir être menée sans restriction sur les embryons qui sont jugés intransférables en raison des anomalies manifestes dont ils sont affectés (20 % des embryons conçus in vitro) et qui sont immédiatement détruits.

L'AMP devrait être dotée d'un organisme gestionnaire comparable à la HFEA britannique. Conçue comme un office spécifique ou un sous-ensemble de l'EFG, cette structure devrait disposer de l'autonomie et des moyens qui font défaut à la CNMBRDP :

    • elle exercerait les missions actuellement dévolues à cette dernière pour l'agrément des établissements et des praticiens avec des moyens renforcés d'inspection et d'expertise ;
    • elle évaluerait l'activité d'AMP, non pas seulement d'un point de vue quantitatif, mais sous l'angle des conséquences des actes accomplis, de la qualité des pratiques et de leurs répercussions sociales ;
    • elle favoriserait et démocratiserait la réflexion dans le domaine de l'AMP, prenant modèle ici encore sur les consultations nationales organisées en Grande-Bretagne par la HFEA ;
    • elle mènerait, en direction des personnes touchées par le problème de la stérilité mais aussi du grand public, des actions d'information sur l'évolution des connaissances et des pratiques, les causes et les effets de la stérilité, les conséquences des traitements ;
    • elle élaborerait les règles de bonne pratique, développerait l'assurance qualité et organiserait la formation des praticiens.

Interface entre les pouvoirs publics, les professionnels, les usagers et la société tout entière, elle exercerait une fonction régulatrice dans le cadre des principes généraux fixés par le législateur.

2. Docteur Françoise SHENFIELD, obstétricienne à la London Women's Clinic, membre du corps de contrôle de la HFEA (Autorité de la fécondation et de l'embryologie humaine)

Mme SHENFIELD souligne que l'édiction de textes législatifs très détaillés dans le domaine des dons d'organes et de la procréation médicalement assistée constitue un fait assez remarquable dans un pays où prévaut la " common law ".

L'encadrement juridique de la PMA résulte de la loi sur la fécondation et l'embryologie humaine de 1990 qui a créé un organisme public autonome : l'Autorité de la fécondation et de l'embryologie humaine (HFEA).

Composé de 21 membres dont la moitié seulement sont des médecins et des biologistes, cet organisme a compétence pour :

    • agréer les activités de traitement, de stockage et de recherche ;
    • assurer un suivi des établissements pratiquant ces activités ;
    • exercer une fonction de conseil aux établissements, aux patients et aux donneurs ;
    • faire connaître au public les services assurés en vertu d'un agrément ;
    • organiser des consultations des citoyens sur l'évolution des pratiques de PMA et les règles qui les régissent (cryoconservation des embryons, prélèvement d'ovocytes sur fœtus, rétribution des donneurs...).

La recherche sur l'embryon est admise jusqu'à l'apparition de la gouttière primitive, soit quatorze jours après la fécondation. Elle doit être limitée à des fins thérapeutiques ou diagnostiques (traitement de la stérilité, diagnostic, recherche sur fausses couches, contraception, méthode de détection d'anomalies génétiques). L'embryon ayant fait l'objet de manipulations pour la recherche ne peut être implanté ultérieurement. Chaque projet de recherche est agréé pour une durée de trois ans par la HFEA qui en assure le suivi.

Malgré l'existence d'un registre donnant la possibilité à un enfant majeur d'obtenir certaines informations, l'anonymat du don de gamètes reste le principe. Ce registre permet au requérant, sans connaître l'identité du donneur, d'être éclairé sur sa conception et de savoir s'il est issu ou non d'une PMA, notamment afin d'éviter certains risques de consanguinité en cas de mariage.

Le nombre d'embryons transférables est limité à trois et cette disposition est très strictement contrôlée.

Auditions du 29 octobre 1998

1. Mme Chantal RAMOGIDA, directrice exécutive de l'association " Pauline et Adrien "

    • Exigence de deux ans de vie commune pour bénéficier de l'AMP (art. L. 152-2)

Ce délai de deux ans n'est pas adapté à l'évolution sociale qui conduit les femmes à envisager la procréation à un âge plus avancé qu'autrefois. Il serait donc souhaitable de le supprimer ou, au moins, de le réduire à un an.

    • Congélation des embryons

Sur le modèle australien, il conviendrait d'instaurer un protocole permettant au couple de prendre clairement ses responsabilités en ce qui concerne le devenir de l'embryon à l'issue du délai de conservation prévu par la loi.

    • Information des couples

Les statistiques de FIVNAT sur les taux de réussite de l'AMP ne font pas l'objet d'une diffusion publique et les couples en sont réduits à des informations présentées dans la presse sous une forme qui peut les induire en erreur sur les " performances " des centres d'AMP et les chances réelles de succès d'une FIVETE.

    • Pratique du don d'ovocytes

- La loi ne favorise pas l'information permettant de développer ce type de don.

- Contrairement aux dispositions de l'article L. 673-7, les couples candidats sont incités à présenter une donneuse à défaut de laquelle le délai d'attente est beaucoup plus long.

- L'établissement de l'acte de consentement devant un juge compromet l'anonymat de la démarche et ne s'impose pas pour un don d'ovocytes puisque toute femme qui accouche est mère de fait.

- Les délais très longs imposés par la pénurie de donneuses (18 mois en moyenne) sont encore aggravés par les exigences de sécurité sanitaire qui imposent la congélation de l'embryon pendant six mois et réduisent les chances de succès de l'opération.

- Le don d'ovocytes n'est pas reconnu par la Sécurité sociale et le décret fixant les modalités de remboursement des frais n'a pas été publié. D'une façon générale, rien n'est fait pour valoriser les donneurs.

De ce fait, la loi encourage implicitement le tourisme procréatif et amène l'instauration d'une médecine de riches et d'une médecine de pauvres.

    • Réimplantation post mortem

69 % des couples consultés par la Revue du Praticien se sont déclarés favorables à l'implantation de l'embryon après le décès du mari alors que le corps médical reste très réservé à cet égard. L'association partage l'avis du Comité national d'éthique tendant à autoriser, dans cette hypothèse, le transfert d'embryon après un certain délai permettant le travail de deuil.

    • Don d'embryon

Il existe actuellement 10 000 embryons orphelins alors que le décret précisant les conditions du don n'a pas été publié. Conformément au souhait des couples, il serait souhaitable d'alléger la procédure en instituant un protocole type qui garantirait, sauf difficulté particulière, le contrôle judiciaire du consentement éclairé.

    • Recherche sur l'embryon

Le principe d'une recherche sur l'embryon est très majoritairement admis par les couples qui sont conscients de son utilité pour l'amélioration des techniques d'AMP. Cette recherche doit être strictement encadrée, contrôlée et évaluée.

L'association préconise l'institution d'un carnet de traitement de l'infertilité mettant à la disposition du corps médical toutes les informations concernant les traitements antérieurs et permettant de connaître, sans création d'un fichier national, le nombre des embryons congelés. D'autre part, tous les gynécologues devraient transmettre au ministère de la Santé, comme les équipes d'AMP, un rapport d'activité afin que soient mieux contrôlées les inductions d'ovulation responsables d'un taux élevé de grossesses multiples.

2. Professeur Jacques TESTART, directeur de l'Unité U355 (maturation gamétique et fécondation) de l'INSERM

M. TESTART souligne, en préambule, la nécessaire clarification des compétences respectives du CCNE, de la CNMBRDP et des CCPPRB. Ainsi le CCNE, qui devrait être chargé des problèmes généraux touchant la bioéthique, a-t-il renvoyé à la CNMBRDP l'appréciation sur la pratique de l'ICSI. Plus discutable encore est la compétence exclusive de cette dernière sur la mise en œuvre du diagnostic préimplantatoire qui a des implications dans le devenir même de l'humanité. Confier à une commission technique un pouvoir général d'appréciation sur un des domaines les plus sensibles de la recherche bioéthique ne constitue pas une solution souhaitable. Il est également fâcheux que renaissent ici et là des comités locaux d'éthique qui, parfois, sur la base de relations personnelles, se substituent sans aucun fondement légal au comité national.

S'agissant de la situation de l'embryon au regard de la recherche, question à laquelle la loi n'est pas parvenue à fournir une réponse précise, une première clarification pourrait être apportée par la détermination de ce qui n'est pas encore un embryon et entre donc sans restriction dans le champ de la recherche, à savoir les gamètes et le zygote, stade d'interaction gamétique précédant la fusion des noyaux.

Le zygote ne doit pas être confondu avec le " préembryon " sur lequel les Anglo-Saxons admettent l'expérimentation jusqu'à l'apparition, au quatorzième jour, de la ligne primitive, ébauche du système nerveux. M. TESTART note à ce propos qu'en renvoyant aux législations nationales la fixation des règles en matière de recherche, la Convention européenne de bioéthique laisse ainsi ouverte, en Grande-Bretagne, la possibilité du clonage.

S'agissant de l'embryon proprement dit, qui existe à partir de la fusion des noyaux, deux hypothèses peuvent être distinguées :

    • les embryons grossièrement anormaux (triploïdes, par exemple) peuvent constituer des objets de recherche sans restriction particulière. Quatre demandes d'études de ce type ont obtenu l'accord de la CNMBRDP ;
    • les embryons surnuméraires doivent également pouvoir entrer dans le champ de la recherche à condition qu'elle soit codifiée. Quant aux conséquences pour l'humanité, elles doivent être appréciées par le CCNE.

En réalité, le problème essentiel ne porte pas sur la définition du matériel biologique mais sur les finalités mêmes de la recherche, qui doivent être soumises à une expertise éthique systématique.

Quant au DPI, sa mise en œuvre expose à un risque d'eugénisme difficilement évitable. Employé dans un premier temps pour prévenir la transmission d'une anomalie génétique ou chromosomique, il pourra être ultérieurement utilisé afin de détecter chez l'embryon, aussi précisément que chez l'adulte, les prédispositions à la survenance d'une maladie ou au développement d'une infirmité. Dans cette perspective, il sera tentant de créer, pour un couple donné, un nombre élevé d'embryons permettant de pratiquer la sélection aboutissant au " meilleur " embryon. Celui-ci pourra alors être cloné en plusieurs exemplaires pour parer aux risques de transplantation infructueuse.

Le législateur français arrive probablement trop tard pour enrayer une évolution qui bouleverse la notion même d'humanité et se trouve à un stade déjà plus avancé dans d'autres pays (Grande-Bretagne, Espagne). Des barrières peuvent néanmoins être posées en n'autorisant le diagnostic que sur une seule mutation génétique et sur les anomalies chromosomiques ayant de très graves conséquences. La recherche du sexe devrait être proscrite en tout état de cause.

A l'heure actuelle, les chercheurs français poursuivent leur activité en collaborant avec des laboratoires dans des régions du monde où la législation est moins contraignante (Italie, Espagne, Singapour, Egypte, Arabie saoudite).

M. TESTART évoque, pour conclure, un certain nombre de points particuliers :

    • l'insuffisance des moyens de la CNMBRDP, qui ne peut exercer un véritable contrôle sur les centres agréés ni vérifier l'exactitude des résultats affichés alors que le public ne dispose en ce domaine d'aucune information sérieuse ;
    • la conservation des embryons dont la destruction n'est pas autorisée et qui pose de sérieux problèmes aux centres d'AMP ;
    • les excès de la stimulation ovarienne qui devrait faire l'objet, par les gynécologues, de comptes rendus d'activité ;
    • les médiocres résultats des CECOS en matière d'insémination artificielle et les difficultés qu'entraîne l'anonymat pour le don d'ovocytes (M. TESTART étant plutôt partisan du don de gamètes personnalisé) ;
    • l'insuffisante mise en œuvre de la pluridisciplinarité dans l'organisation de l'AMP.

Auditions du 5 novembre 1998

1. Professeur Michel GOOSSENS, directeur de l'unité U 468 " Génétique moléculaire et physiopathologie " à l'Hôpital Henri-Mondor de Créteil

Le professeur GOOSSENS précise qu'il est professeur de génétique, spécialiste du diagnostic moléculaire des maladies héréditaires, ancien membre de la CNMBRDP, et qu'il participe, au plan européen, à la mise en place de guides de bonnes pratiques en matière génétique.

Les dispositions de la loi relatives au diagnostic prénatal sont encore marquées par une vision historique de la génétique, très liée à la pédiatrie, qui ne prend pas suffisamment en compte les bouleversements apportés par la génétique moléculaire et les techniques modernes d'investigation fœtale (notamment d'imagerie) depuis le début des années 80. Même si un consensus se crée progressivement, des divergences d'écoles sur la façon de concevoir cette discipline restent sensibles entre les tenants d'une génétique pédiatrique et ceux qui souhaitent développer une vision plus large, prenant en compte l'expertise des différentes spécialités.

Le débat s'est retrouvé au stade de l'élaboration des décrets d'application, les obstétriciens et les échographistes insistant, face aux généticiens pédiatriques, sur la nécessité -qui n'a pas été admise- de resituer le DPN dans le contexte de la médecine fœtale et de prendre en considération son caractère pluridisciplinaire. Si la consultation préalable de conseil génétique est assurément utile, elle devrait être associée à celle du spécialiste de la pathologie en cause. De plus en plus de maladies ont une origine génétique. Il faut donc que généticiens et spécialistes travaillent ensemble dans des consultations jointes.

S'agissant des centres de DPN pluridisciplinaires, le professeur GOOSSENS s'interroge sur la portée du terme " établissements ". Pourra-t-il s'agir à Paris de l'AP-HP, d'un CHU ou d'un simple hôpital ? En tout état de cause, le travail en réseaux transhospitaliers doit s'imposer en Ile-de-France.

Se pose en outre le problème de la composition et des moyens de la CNMBRDP, sachant que ses avis feront autorité auprès du ministère de la Santé : l'évaluation des établissements candidats à l'agrément impose une visite des sites et une expertise menée par des spécialistes, toutes choses qui sont impossibles actuellement. De même, pour ce qui concerne le DPI, le praticien responsable doit justifier d'une expérience particulière dans le prélèvement embryonnaire appréciée par la CNMBRDP. Encore faudrait-il que cette appréciation soit faite par des experts ayant eux-mêmes l'expérience d'une pratique dans ce domaine, or ils sont très peu nombreux aujourd'hui car cette expérience (recherche à des fins médicales sur l'embryon humain) ne peut, pour respecter la loi, être obtenue qu'à l'étranger. Enfin, il convient de veiller à organiser les délibérations de la commission de sorte que ses membres n'apparaissent pas comme juges et parties.

L'organisation du DPN reste marquée par les orientations données à l'origine par l'Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l'enfant (AFDPHE). Il est anormal que des actions de santé publique aient pu être, et soient encore en partie (pour certains dépistages), conduites par une association privée.

Le troisième alinéa de l'article L. 162-17 relatif aux conditions auxquelles est subordonnée la mise en œuvre du DPI (identification préalable et précise, chez l'un des parents, des anomalies susceptibles de provoquer chez l'enfant une grave maladie génétique) ne semble pas laisser ouvert, comme cela serait souhaitable, le choix entre le diagnostic direct (cas où l'on analyse précisément l'anomalie génotypique) et le diagnostic indirect à l'aide de marqueurs génétiques du gène anormal (cas où l'on ne peut analyser l'anomalie génotypique d'une affection héréditaire identifiée).

En ce qui concerne enfin la terminologie employée en matière de médecine prédictive, il serait préférable de réserver les vocables " identification " et " empreintes " au domaine judiciaire et de n'utiliser, en matière médicale, que celui de " caractéristiques génétiques ".

Le professeur GOOSSENS insiste, pour conclure, sur l'importance du contrôle de qualité qui doit être exercé sur les actes techniques de laboratoire ou d'imagerie grâce, notamment, à la tenue de registres de conservation des données. En cours d'évaluation au plan européen, l'assurance qualité en génétique moléculaire et chromosomique (qui nécessite quelques moyens financiers) n'est pas véritablement mise en œuvre en France. Ce problème renvoie à celui, déjà évoqué, des moyens et de l'expertise de la CNMBRDP.

2. Professeur Jean-Claude CZYBA, chef du service de la biologie de la reproduction à l'Hôpital Edouard-Herriot de Lyon, membre de la CNMBRDP

Il est actuellement difficile d'apprécier la nature et la qualité de la formation des praticiens que la CNMBRDP doit agréer au titre de l'AMP puisqu'aucun diplôme spécifique n'existait jusqu'à une date récente. Cette lacune est en voie d'être comblée mais la commission devrait compter parmi ses membres un représentant de l'Université pour évaluer ces formations.

La protection qui entoure l'embryon paralyse toute étude, même sous forme d'autopsie. Par ailleurs, le problème de la durée de conservation des embryons reste en suspens. (Il existait, fin 1996, dans la région PACA, 4 à 5 000 embryons destinés à un projet parental ou abandonnés).

La procédure préalable à la mise en œuvre de l'AMP est peu respectée par les médecins, soit parce qu'ils la jugent trop lourde et hors de leur compétence (vérification d'identité), soit parce qu'ils ne la connaissent pas, cette ignorance étant également manifeste dans certaines DDASS. Dans ces dernières, les médecins, accaparés par une multitude de tâches techniques, n'ont pas de formation en médecine de la reproduction, celle-ci se résumant pour beaucoup de couples à la pratique de la FIV.

Il est regrettable que l'insémination avec conjoint ne soit soumise à agrément que pour la partie biologique. De même, la stimulation ovarienne en dehors de l'AMP, qui est d'un coût très élevé et provoque un nombre croissant de grossesses gémellaires, ne fait l'objet d'aucun encadrement.

L'encadrement trop strict de la recherche conduit à des pratiques sauvages : ainsi en va-t-il pour les milieux de fécondation et de culture que les laboratoires font tester par des biologistes contre rémunération.

Les prescriptions de la loi touchant la gratuité et l'anonymat du don d'ovocytes sont fréquemment violées mais ne font l'objet d'aucune poursuite faute de plaintes émanant des particuliers ou des DDASS.

Bien que l'ICSI ait réduit de 30 % la demande d'insémination avec donneur, la chute des dons crée, dans ce domaine, une situation de pénurie qui devrait conduire à élever le plafond instauré par l'article L. 673-4 tout en substituant la notion de fratrie à celle d'enfant.

Une femme soumise à un traitement stérilisant n'a, en l'état actuel de la technique qui ne permet pas de congeler les ovocytes, d'autre solution que de recourir à la FIV. La loi ne l'y autorise pas dans cette hypothèse. Le ferait-elle qu'il conviendrait en outre de régler le sort de l'embryon conservé dans le cas où le risque de stérilité ne se réalise pas.

La loi ne permet pas à un chirurgien procédant à une investigation pour déceler une cause d'infertilité masculine de procéder à cette occasion à un prélèvement de spermatozoïdes en vue d'une fécondation in vitro.

Le professeur CZYBA souligne en conclusion qu'en dépit de ces diverses imperfections, la loi de 1994 a constitué un grand progrès dans un domaine où, jusqu'à sa mise en vigueur, n'importe qui faisait n'importe quoi.

Auditions du 19 novembre 1998

1. Professeur Bernard SELE, chef du service de génétique au CHU de Grenoble, président de la Fédération nationale des BLEFCO (biologistes des laboratoires d'étude de la fécondation et de la conservation de l’œuf)

M. SELE précise qu'il présentera, au nom des BLEFCO, les observations qui font l'objet d'un consensus parmi les adhérents à cette Fédération.

– Modalités d'exercice de la biologie de la reproduction

L'exercice de cette biologie très particulière en raison de son caractère interventionnel a été régulé par la loi qui reconnaît le partage de responsabilités entre cliniciens et biologistes. Ces derniers jugent ces dispositions très satisfaisantes. Elles constituent d'ailleurs une spécificité française : dans les pays anglo-saxons, la procréation assistée est entièrement placée entre les mains des cliniciens.

Se pose cependant un problème de cohérence entre la loi de 1994 et celle du 11 juillet 1975 qui n'envisage l'activité des biologistes que sous son aspect diagnostique. En cas de contrariété de point de vue entre le clinicien et le biologiste, il n'y a pas actuellement d'arbitrage possible, le biologiste, considéré comme un exécutant, ne pouvant que s'incliner devant la position du clinicien qui est, légalement, le seul prescripteur. Cette subordination est plus sensible dans le secteur libéral que dans le secteur public où biologistes et cliniciens sont rattachés à des services distincts et autonomes et où les antagonismes sont, de ce fait, plus marqués.

La coresponsabilité devrait entraîner la codécision et, par conséquent, l'attribution aux uns et aux autres d'un pouvoir propre de prescription permettant au biologiste d'intervenir sur le choix de la technique de fécondation. Le problème se posera d'ailleurs dans les mêmes termes en matière de thérapie génique et cellulaire. Il pourrait être résolu en s'inspirant des mesures édictées dans le domaine de la transfusion sanguine.

– Devenir de l'embryon

Le 30 juillet 1999 expirera le délai de conservation des embryons conçus après la promulgation de la loi. Ce problème des embryons surnuméraires continuera à se poser quels que soient les progrès des techniques. En effet, 50 % seulement des œufs fécondés sont viables, qu'il s'agisse de procréation naturelle ou artificielle et cette donnée inéluctable imposera toujours la création d'un nombre d'embryons supérieur à ceux qui seront effectivement transférés pour faire face aux risques d'échec. Cette situation ne pourra être que partiellement corrigée par l'éventuelle congélation des ovocytes et par les cultures multiséquentielles jusqu'au stade de blastocyste qui améliorent les chances d'implantation. M. SELE note à ce propos que la réglementation allemande, qui limite à deux le nombre d'embryons transférables, n'élimine pas le problème des embryons surnuméraires, ceux-ci étant immédiatement détruits au lieu d'être conservés.

La réponse ne peut venir du don d'embryons qui ne correspond qu'à des situations rarissimes de double stérilité. Si aucune mesure n'est prise pour faciliter le don d'ovocytes -quasi inexistant à l'heure actuelle-, la solution pourrait être de le transformer en don d'embryon, sous réserve d'un assouplissement des justifications médicales imposées dans cette hypothèse.

– Don d'ovocytes

La loi a confondu sperme et ovocytes dans le don de gamètes alors qu'il s'agit de démarches soumises à des contraintes très différentes : le recueil de sperme est un acte indolore tandis que le don d'ovocyte nécessite une intervention chirurgicale, donc une motivation particulière dont la manifestation est entravée par la règle de l'anonymat. Les raisons qui ont conduit à imposer une telle obligation pour ce type de don devraient être réexaminées, faute de quoi la loi risque de ne jamais trouver sur ce point une réelle application.

– Recherches sur l'embryon

L'article L 152-8 utilise divers termes : études, recherche, expérimentation, et n'autorise que les études ayant une finalité médicale et ne portant pas atteinte à l'embryon. Dans le décret d'application du 27 mai 1997 apparaît, pour la première fois, l'interdiction de modifier le patrimoine génétique de l'embryon.

L'encadrement de la recherche pourrait s'organiser à partir de cette prohibition qui autoriserait, de façon tacite, les " mises au point techniques " permettant aux pratiques d'AMP de progresser, notamment dans le domaine du diagnostic préimplantatoire. Une distinction pourrait être opérée entre la recherche sur l'embryon viable qui concernerait son environnement (la mise au point des milieux de culture), et l'autopsie de l'embryon ayant arrêté son développement qui permettrait de perfectionner la technique du DPI.

2. Madame Hélène KHODOSS, sous-directeur du système de santé et de la qualité des soins à la Direction générale de la santé (accompagnée de plusieurs collaboratrices)

– Observations générales

Les retards qui ont affecté la publication d'un certain nombre de textes réglementaires ne tiennent pas à des problèmes d'ordre éthique mais à des difficultés techniques, notamment pour la partie de la loi relative aux dons d'organes.

    • Ces textes abordaient des champs nouveaux nécessitant le recours à une expertise médico-scientifique afin d'en garantir l'adéquation à la science et l'applicabilité. C'était notamment le cas pour les banques de tissus, activité mal connue impliquant une reconnaissance du terrain avec le concours de l'EFG et une inspection des services déconcentrés précédée d'une formation des personnels. L'expertise n'a pu être mise en œuvre qu'après l'installation du Conseil médical et scientifique de l'EFG.

Pour certains textes, l'élaboration des règles de bonne pratique devait précéder la parution du décret d'application. Pour d'autres (constat de la mort, registre des refus, banques de tissus, thérapie cellulaire, médecine prédictive), une coordination devait s'établir entre plusieurs centres d'expertise.

    • Certaines dispositions de la loi sont d'une particulière complexité :
    • les modalités du consentement doivent être mises en œuvre par des médecins qui n'ont pas une formation juridique ;
    • les cellules à usage thérapeutique sont soumises à des régimes très diversifiés : cellules sanguines, cellules souches hématopoïétiques, cellules à autre destination que la thérapie cellulaire, thérapie cellulaire, thérapie génique, moelle osseuse.
    • Certaines dispositions posent des problèmes d'interprétation : ainsi en va-t-il des règles touchant le consentement des personnes décédées.
    • L'abondance des textes d'application à élaborer (32 au total) contraste avec les moyens limités en personnel de la DGS (2 fonctionnaires du cadre A, effectif récemment porté à 3).

Il a donc fallu établir un ordre de priorités tenant compte de la mise en place des structures de conservation (soumises à l'agrément de la CNMBRDP), sachant par ailleurs que les textes existant dans le cadre de la législation antérieure permettaient dans certains cas de parer au risque de vide juridique.

– Textes d'application relatifs à l'AMP

    • Article L 152-8 (études sur l'embryon) : le texte présente des imprécisions (" recherches " qui ne figure qu'au 1er alinéa, " porter atteinte "). Six projets d'étude sont en cours d'examen à la CNMBRDP. Un seul pose problème au regard de la loi (demande d'étude en vue du DPI sur un embryon triploïde mais toujours en développement).

Deux catégories d'études peuvent être envisagées :

    • recherche sur l'environnement avec bénéfice direct pour l'implantation ;
    • recherche invasive sur un embryon non destiné à l'implantation.
    • Article L 162-17 (DPI) : le décret d'application était conditionné par le texte sur les centres pluridisciplinaires de DPN qui posait également problème (sens du mot " organismes " figurant dans l'article L 162-16). Six dossiers de DPI ont déjà été déposés.
    • Accueil de l'embryon (article L 152-5) : le décret est étudié en liaison avec la chancellerie. Il pose cinq problèmes : cohérence avec l'article 9 sur la procédure de consentement, modalités de réception du consentement, sécurité sanitaire (l'embryon posant des problèmes inédits), conciliation entre anonymat et traçabilité, absence d'autorisation spécifique pour les établissements organisant l'accueil.

– Textes d'application relatifs aux greffes

Les publications tardives concernent :

    • les conditions d'autorisation des établissements effectuant des prélèvements pour lesquels il existait un texte antérieur ;
    • le registre des refus qui posait un problème interprétatif et pratique si l'on y incluait les prélèvements à fins d'autopsie. Le Conseil d'Etat a refusé la limitation aux prélèvements à des fins thérapeutiques ;
    • la sécurité sanitaire déjà régie par deux décrets antérieurs à la loi mais qui étaient très restrictifs sur la définition de la balance bénéfice-risque et, par voie de conséquence, défavorables aux patients.

Les publications en attente concernent :

    • les prélèvements de tissus et cellules sur personnes décédées (pratiqués à cœur arrêté) pour lesquels l'exigence d'un décret en Conseil d'Etat est sans doute excessive ;
    • le remboursement des donneurs qui pose un problème particulier pour la prise en charge des dons d'ovocytes ;
    • la vigilance pour laquelle existaient des difficultés de coordination avec d'autres domaines (pharmacovigilance, hémovigilance) avant la création de l'Agence de sécurité sanitaire par la loi du 1er juillet 1998 ;
    • l'organisation des activités de greffe de tissus et de cellules requérant une haute technicité pour laquelle un texte concernant l'ensemble des cellules est préparé par la Direction des hôpitaux ;
    • l'autorisation des établissements effectuant la conservation, la transformation, la distribution, la cession des tissus et cellules qui pose problème pour la définition des activités de haute technicité, investissement et innovation ne coïncidant pas nécessairement ;
    • les règles financières et économiques, la fixation de tarifs soulevant des difficultés.

Enfin, l'application des dispositions de la loi du 28 mai 1996 portant DMOS posait des problèmes de frontières et de guichet simplifiés par la loi du 1er juillet 1998.

Auditions du 26 novembre 1998

1. Professeur Arnold MUNNICH, directeur de l'unité " Handicaps génétiques de l'enfant " de l'INSERM, directeur du centre de génétique de l'hôpital Necker-Enfants malades

Le professeur MUNNICH indique que le centre de génétique qu'il dirige à l'hôpital Necker assure un conseil et un suivi en matière génétique et constitue un point de rencontre entre chercheurs et médecins qui établit un lien entre recherche sur les gènes et application pratique : il accueille 5 000 patients par an et est orienté sur les seules maladies congénitales, à l'exclusion des maladies neurodégénératives de l'adulte. Ces affections ne sont pas en voie de disparition et l'accès aux centres d'expertise s'est développé sous l'influence de plusieurs facteurs : évolution du regard porté sur le handicap, espoir de guérison, hantise de la récidive.

La loi est bonne ; elle protège les patients et répond à la demande des praticiens. On peut simplement s'interroger, en ce qui concerne les dispositions touchant la génétique, sur le caractère un peu prématuré d'une révision quinquennale, un délai plus long permettant de mieux apprécier son adaptation à l'évolution scientifique.

S'agissant du diagnostic préimplantatoire, M. MUNNICH indique qu'il a déposé une demande de création de centre de consultation en binôme avec le professeur FRYDMAN. Il considère que la demande de DPI est légitime lorsqu'elle fait suite à des interruptions de grossesse à répétition et, plus encore, lorsque le recours à la FIV s'avère nécessaire, l'interruption de grossesse revêtant dans ce cas un caractère particulièrement dramatique.

En pratique, trois types de cas se présentent dans une proportion égale de 30 % :

    • la consultation de DPI ne peut être mise en œuvre faute d'une consultation préalable de génétique. Se pose à ce sujet la question du nombre insuffisant de centres de génétique ;
    • la consultation, précédée d'une bonne indication, peut avoir lieu ;
    • le demandeur renonce, en définitive, à consulter.

Deux à trois demandes sur dix relèvent effectivement du DPI.

Le dispositif législatif et réglementaire, tel qu'il est aujourd'hui en place, correspond aux besoins et n'a pas à être modifié mais il rencontre des difficultés d'application pour trois types de raisons :

    • L'hétérogénéité des niveaux de compétence dans le domaine de la génétique crée des inégalités de qualité entre les centres et une injustice devant la maladie génétique. Le poids des spécialités traditionnelles entrave la mise en place de ces centres.
    • Les centres de diagnostic pluridisciplinaires n'ont pas encore été créés, même si, comme à Necker, ils existent déjà en pratique.
    • Le système du budget global ne favorise pas les disciplines innovantes, ce qui aboutit à des disparités considérables d'une région à l'autre. Pour autant, on ne peut multiplier les centres de génétique car il y a un problème de masse critique (documentation, accès, équipement du laboratoire). La meilleure solution consiste donc à limiter le nombre des centres tout en organisant des consultations avancées.

La loi française, très représentative du génie national, s'écarte sensiblement des règles anglo-saxonnes, beaucoup plus laxistes. Un état comparatif des différentes législations va faire prochainement l'objet d'un colloque organisé par la revue canadienne Clinical Genetics. Un débat devrait être suscité à l'échelon européen pour mieux faire connaître le point de vue français à la communauté internationale.

2. Professeur Michel TOURNAIRE, chef du service de gynécologie obstétrique à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul

S'exprimant au nom du Collège national des gynécologues obstétriciens et de l'Association nationale pour l'étude de la stérilisation volontaire, le professeur TOURNAIRE indique que ce type de stérilisation crée des problèmes que la loi ne permet pas de résoudre dans sa rédaction actuelle :

    • les compagnies d'assurance, considérant qu'elle n'a pas de base légale, ont tendance à refuser de couvrir les risques qu'elle peut engendrer ;
    • alors que la CNAM serait sur le point d'en admettre la prise en charge, les caisses régionales exigent des praticiens le remboursement des actes de ligature des trompes.

Le manque de clarté crée ainsi une situation unique en Europe. Dès 1975, le Conseil de l'Europe avait recommandé que cet acte soit reconnu comme médical. Dans son avis du 3 avril 1996, le Comité consultatif national d'éthique n'a pas pris position sur son utilisation. En revanche, le Conseil de l'ordre a suggéré que le terme " thérapeutique " employé par l'article 16.3 du Code civil soit entendu dans son sens le plus large, incluant la visée préventive. Mais cette recommandation n'est pas prise en compte par les compagnies d'assurance qui ne souhaitent plus couvrir les gynécologues obstétriciens pour cette partie de leur activité.

La rédaction actuelle de l'article 16.3 pose également problème pour la chirurgie plastique et reconstitutive. Elle a été préférée à l'emploi du terme " médical " afin d'exclure plus sûrement la recherche du champ d'application du texte.

Ce type de stérilisation n'est plus aujourd'hui irréversible pour des patientes jeunes grâce à l'évolution des techniques (préservation des trompes, recours à la FIV). La portée de la loi devrait donc être étendue soit par un amendement, soit par une interprétation résultant des travaux préparatoires.

3. Docteur François CHAPUIS, directeur de l'unité de méthodologie en recherche clinique aux Hospices civils de Lyon, président de la Conférence nationale des CCPPRB

Un forum consacré à l'évaluation de la loi du 20 décembre 1988 se tiendra à Nancy à l'initiative de la Conférence en mai 1999.

Le docteur CHAPUIS tire de son expérience récente un constat sur l'hétérogénéité des CCPPRB, qu'il s'agisse de la composition, de la qualité, du mode de fonctionnement ou des modalités d'évaluation.

La loi pose sur deux points des problèmes de compréhension :

    • L'un est celui de son champ exact d'application. Le docteur CHAPUIS cite deux exemples (réalisation d'un myélogramme en préinclusion dans des essais, administration d'eau sucrée à un groupe de femmes enceintes avant prise de sang pour une recherche sur le diabète gestationnel).
    • L'autre concerne la définition du bénéfice thérapeutique en cas de maladie chronique. Ne conviendrait-il pas de prendre en compte le risque plutôt que le bénéfice ?

Les CCPPRB doivent-ils être considérés comme des organismes scientifiques, éthiques ou administratifs ?

    • Scientifiquement, chaque membre d'un comité n'a pas la compétence d'un investigateur. Collectivement, la compétence du comité est en revanche supérieure.
    • Les comités ont une responsabilité éthique en matière de recherche, mais non dans les autres domaines.
    • Administrativement, on constate une volonté centralisatrice de la tutelle, qui se manifeste notamment par la requalification d'avis favorables.

Auditions du 3 décembre 1998

1. Docteur Anne CAMBON-THOMSEN et M. Jean-Paul CAVERNI, directeurs de recherche au CNRS

Le docteur CAMBON-THOMSEN est responsable d'une équipe de recherche sur " Génétique en population, éthique et décision en santé publique " rattachée à une unité INSERM de Toulouse intitulée " Epidémiologie et analyse en santé publique : risques, maladies chroniques et handicaps ".

Ces recherches visent à retracer l'histoire des populations en utilisant les marqueurs génétiques. Elles portent sur des grands nombres, donc sur des sujets qui ne sont pas nécessairement porteurs de pathologies.

Les chercheurs sont satisfaits du cadre législatif instauré par la loi du 20 décembre 1988. Un problème se pose toutefois pour les recherches sans bénéfice individuel direct menées, pour l'essentiel, à partir de prélèvements sanguins :

    • l'organisation des enquêtes n'est pas, dans bien des cas, conforme aux règles (prélèvement à domicile ou dans un laboratoire situé à proximité) ;
    • les prélèvements sont conservés dans des " banques d'ADN " et peuvent être utilisés ultérieurement pour un autre axe de recherche. Or, les modalités de recueil du consentement ne prévoient pas cette hypothèse et ne précisent pas clairement la durée de la recherche pour laquelle le prélèvement est effectué ;
    • l'activité de recherche est encadrée par un corpus législatif complexe (loi de 1988, lois du 29 juillet 1994). Il serait souhaitable qu'une seule instance traite l'ensemble des dossiers (présentation du protocole, protection des données nominatives) ;
    • en cas d'interruption de la recherche, la conservation et l'utilisation ultérieure des collections, qui constituent une ressource scientifique considérable, n'est pas organisée.

M. CAVERNI, qui dirige à l'INSERM le centre de recherche en psychologie cognitive, indique que certaines dispositions de la loi imposent des contraintes qui contrarient la recherche dans les sciences du comportement sans qu'elles aient quelque rapport que ce soit avec la protection des personnes :

    • un chercheur non médecin devrait pouvoir saisir un CCPPRB ;
    • la visite médicale préalable ne devrait pas être obligatoire pour ce type de recherche, le CCPPRB pouvant cependant l'imposer s'il la juge nécessaire.

D'autre part, les CCPPRB devraient comporter, ès qualité, des chercheurs en sciences du comportement humain et non des cliniciens.

D'une façon générale, les recherches ne portant pas atteinte à l'intégrité du corps humain, non contraignantes et non invasives, devraient être placées hors du champ d'application de la loi, sous réserve de l'édiction d'un guide de conduite et de la soumission des projets à un comité d'éthique spécifique.

2. Docteurs Roland BERGER, président, et Josué FEINGOLD, vice-président de la Société française de génétique humaine

La loi de 1988 a constitué un progrès important pour l'encadrement des essais thérapeutiques et un consensus général s'est fait sur l'exigence du consentement éclairé.

Les recherches génétiques sont sans bénéfice pour le sujet. L'application de la loi leur pose problème sur plusieurs points :

    • les conditions relatives au lieu de prélèvement sont trop contraignantes lorsqu'il s'agit d'une simple prise de sang et leur application stricte vouerait beaucoup d'études à l'échec ;
    • la durée de stockage des prélèvements dans des banques n'est pas précisée ;
    • la possibilité pour un matériau de servir de témoin pour une autre étude n'est pas prévue par la loi ;
    • les banques ont une finalité mixte (diagnostic et recherche). La formulation du consentement n'est pas assez précise pour tenir compte de cette dualité et ouvre la voie à des interprétations variables des CCPPRB ;
    • l'application du secret médical soulève des difficultés lorsque la maladie génétique ne touche pas un seul individu mais une famille entière ;
    • la multiplication des commissions compétentes impose un délai de 18 mois entre le dépôt d'un projet de recherche et son aboutissement. Il serait préférable de mettre en place une instance unique avec possibilité d'appel ;
    • la loi ne favorise pas la génétique des populations qui est, par ailleurs, peu soutenue financièrement en raison de l'absence de toute retombée économique ;
    • des comités d'éthique locaux se reconstituent pour régler des problèmes qui ne peuvent être traités par les CCPPRB (cas, par exemple, de l'identification incidente d'une maladie à l'occasion d'une recherche). Tout ne peut être réglé par ces comités et il conviendrait que soient édictés des guides de bonne conduite en matière génétique.

Auditions du 10 décembre 1998

1. MM. Jacques SAMARUT, directeur du département des sciences de la vie au CNRS, Robert NAQUET, président du Comité opérationnel pour l’éthique dans les sciences de la vie du CNRS, et Mme Odile FICHOT, chargée de mission Ethique au département des sciences de la vie, membre du Comité consultatif national d’éthique

Le département des sciences de la vie regroupe 6 000 chercheurs dans 280 laboratoires associés aux universités et étudie la vie sous tous ses aspects depuis le génome jusqu’au comportement. Recherche fondamentale et recherche appliquée y sont étroitement associées.

M. SAMARUT estime souhaitable que les dispositions de la loi de 1994 relatives à l’embryon tiennent compte des avancées constatées ou prévisibles de la recherche en ce domaine.

Deux étapes doivent être distinguées dans l’évolution de l’embryon :

    • une première phase où il ne constitue qu’une grappe de cellules ;
    • une seconde phase où s’organise le développement vers le stade fœtal.

C’est au premier stade de développement, précédant la gastrulation, que l’embryon intéresse les chercheurs. En effet, le modèle animal n’est pas ici transposable dans la mesure où le passage de la phase où l’embryon vit sur les réserves de l’ovocyte à celle où il se développe sur ses ressources propres ne se fait pas au même moment chez la souris et chez l’homme. Ce franchissement pourrait constituer le critère de partage entre recherche autorisée et recherche interdite. Les cellules totipotentes isolables dans ce premier état sont porteuses de deux types d’avancées thérapeutiques également décisives :

    • isolées et cultivées, elles permettraient de produire des tissus de substitution offrant des garanties de tolérance très supérieures aux greffes classiques (neurones, cellules hépatiques, sang) ;
    • elles offrent à la cancérologie un terrain d’étude particulièrement intéressant puisqu’elles constituent des cellules cancéreuses en sursis, à la frontière des cellules normales.

Elles pourraient être prélevées sur des embryons congelés privés de projet parental. Le recours au clonage ne garantirait pas un matériel biologique sûr, compte tenu de l’importance de l’empreinte parentale sur la fonctionnalité des gènes issus d’un double patrimoine.

Le maintien d’une interdiction touchant ce type de recherche conduirait à une situation embarrassante dès lors que de telles cellules seront produites à l’étranger, hypothèse dont la réalisation est proche compte tenu des progrès récemment accomplis en ce domaine aux Etats-Unis.

En ce qui concerne les biopsies post mortem, la loi a abouti à un blocage, les médecins ne voulant plus solliciter l’accord des familles pour des prélèvements à fins scientifiques et privant de ce fait les chercheurs de matériaux auxquels ils avaient précédemment accès sans la moindre difficulté.

S’agissant de la loi du 20 décembre 1988, son application pose plusieurs problèmes :

    • la définition du champ d’application pour ce qui concerne les conditions de prélèvement de l’échantillon biologique à partir duquel la recherche est effectuée (" tube en plus " lors d’un acte thérapeutique, par exemple) ;
    • l’obligation d’un investigateur médecin : il conviendrait de dissocier la direction scientifique et la surveillance médicale d’une recherche.

Il convient de remarquer, sur un plan général, qu’alors même que l’activité de recherche est reconnue par la loi, la rédaction des décrets issus de l’administration de la santé ne prend pas en compte ses besoins spécifiques et que l’édiction d’un Code de la recherche à côté de celui de la santé publique permettrait d’apporter les clarifications nécessaires.

2. Mme Annick MOREL, directeur de la DASS de Paris, et le docteur Annick BIGORRIE, chef du service de l’Inspection médicale

Les compétences des autorités déconcentrées touchant les établissements pratiquant l’AMP se situent à trois niveaux :

    • avis sur l’autorisation de l’établissement ;
    • visites de conformité ;
    • visites de contrôle.

Au premier niveau, les DDASS se prononcent au vu d’un dossier qui fait apparaître les besoins, les normes techniques et la qualification du personnel. Il est bon que la décision finale soit prise à un échelon central en raison des problèmes d’expertise et des enjeux de terrain que soulève ce type d’autorisation. Pour ce qui concerne l’intervention de la CNMBRDP, elle se ressent sans aucun doute du caractère trop cloisonné de cet organisme, dont la composition devrait être élargie à un plus grand nombre de disciplines médico-scientifiques.

S’agissant du contrôle, compte tenu de sa complexité extrême, l’établissement d’un guide serait nécessaire. Un modèle proposé par la DASS de Paris n’a pas été officiellement validé.

Les médecins inspecteurs :

    • ne sont pas en nombre suffisant (1 emploi de médecin à temps plein pour 45 sites à Paris) ;
    • ne sont pas suffisamment formés. Le ministère de la Santé préconise une spécialisation et une mutualisation des moyens à l’échelon régional mais les moyens sont insuffisants.

Par ailleurs, une meilleure liaison devrait s’établir entre les agences, la DGS, l’EFG et les services déconcentrés.

3. Docteur Marie-Claude DUMONT, médecin inspecteur de la DDASS des Bouches-du-Rhône, membre de la CNMBRDP

Le docteur DUMONT souligne que la définition réglementaire des activités d’AMP ne permet pas de contrôler la pratique des gynécologues de ville.

S’agissant de la vérification, par les médecins, des conditions d’accès à l’AMP, il conviendrait d’imposer des règles plus précises touchant la vérification d’identité et la justification de vie commune. D’autre part, la loi ne permet pas aux praticiens d’opposer un refus s’ils l’estiment justifié, notamment pour des raisons d’ordre psychologique ou social.

En ce qui concerne le contrôle des activités d’AMP, il porte, dans la région PACA, sur 7 établissements autorisés. Plusieurs difficultés se rencontrent dans ce domaine :

    • les médecins inspecteurs ne possèdent pas la formation adaptée à ce type de contrôle ;
    • les arguments réglementaires (formation des praticiens, organisation et fonctionnement des centres) peuvent rarement être utilisés pour fonder un refus d’autorisation ;
    • l’agrément multiple est inévitable dès lors que les conditions de compétence sont satisfaites mais cette multiplicité, liée à la spécialité, n’encourage pas la constitution d’équipes et ce d’autant plus que l’on n’agrée pas une équipe mais des activités, cliniques ou biologiques.

Les refus d’autorisation s’appuient davantage sur des considérations liées à la planification ou à l’absence de personnel titulaire (dans les centres rattachés à des CHU).

Des avis contradictoires sont parfois délivrés par la CNMBRDP d’une part, le Comité national de l’organisation sanitaire et sociale d’autre part, ce dernier prenant en compte les contraintes de la planification.

L’évaluation des établissements pose le problème :

    • d’indicateurs fiables éliminant les incidences de la " course aux résultats " ;
    • d’un corps d’inspection techniquement compétent et professionnellement neutre, alors que la CNMBRDP est affectée d’un certain corporatisme, encore trop sensible malgré les correctifs apportés à sa composition en 1994.

Auditions du 17 décembre 1998

1. M. André ALBERT, magistrat, direction des affaires civiles

Les éléments d’évaluation dont dispose la Chancellerie ne peuvent procéder de l’application jurisprudentielle qui est actuellement très réduite, notamment au plan pénal. On peut citer l’arrêt de la Cour d’appel de Paris sur l’utilisation post mortem des empreintes génétiques pour l’établissement d’un lien de filiation et celui de la Cour de Lyon, frappé d’un pourvoi en cassation, sur l’application de la notion de personne humaine au fœtus. Par ailleurs, une seule poursuite a été intentée pour autorisation irrégulière d’un établissement pratiquant des activités d’AMP.

Participant aux travaux de la CNMBRDP, M. ALBERT a pu y constater d’autre part la remontée d’un certain nombre de questions touchant notamment aux rôles respectifs du juge et de l’équipe médicale. Des actions de formation des magistrats à ces missions spécifiques sont organisées dans le cadre de l’Ecole nationale de la magistrature. Une mission de recherche " Droit et justice " créée à la Chancellerie a engagé, en liaison avec le Centre régional juridique de l’Ouest (Université de Rennes), une étude sur l’application des lois de bioéthique.

Pour l’instant, aucune position n’a été arrêtée, ni par le Gouvernement, ni par le Cabinet du garde des sceaux, sur la nature et l’étendue des modifications qui pourraient être apportées aux textes à l’occasion de la révision. Un groupe de travail interministériel Santé-Justice-Recherche devrait entamer une réflexion au début de l’année prochaine.

S’agissant de l’article L 152-5 du Code de la santé publique relatif à l’accueil de l’embryon par un autre couple, le projet de décret d’application ne posait pas de difficulté particulière au ministère de la Justice pour la partie concernant les pouvoirs d’investigation dévolus à l’autorité judiciaire. Il n’a donc aucune responsabilité dans le retard qui affecte la parution de ce texte.

La Convention européenne de bioéthique devait être initialement complétée par quatre protocoles additionnels relatifs, respectivement, à la transplantation d’organes et de tissus, à la recherche biomédicale, à la protection de l’embryon et à la génétique.

Ce programme a été bousculé par l’annonce des progrès expérimentaux dans le domaine du clonage qui ont conduit à l’adoption d’un protocole spécifique sur ce sujet précis.

Sur la transplantation d’organes et de tissus ainsi que sur la recherche biomédicale, les travaux du Comité directeur de bioéthique sont déjà très avancés et une première version de ces textes pourrait être déclassifiée dans le courant de l’hiver. Il faut noter qu’une très grande diversité de positions s’exprime sur la question des donneurs vivants, à l’égard de laquelle les pays de l’Europe du Nord adoptent un point de vue très libéral.

Plusieurs réunions exploratoires ont déjà été tenues sur le statut de l’embryon. Les travaux sur la génétique débuteront au printemps et risquent de mettre en lumière de très nettes divergences, certains états de l’Europe du Nord tentant déjà de faire prévaloir des dispositions que la France juge peu protectrices de la personne, telles que la communication obligatoire aux assureurs des tests prédictifs au-dessus d’un certain plafond de souscription.

2. Mme Geneviève DELAISI de PARSEVAL, psychanalyste, consultante à la Maternité de l’Hôpital Saint-Antoine

Mme de PARSEVAL indique qu’elle travaille, depuis 1974, avec les CECOS sur le problème de la paternité dans le cadre de l’insémination artificielle avec donneur.

– Elle souligne tout d’abord la fragilité de la paternité consacrée par la loi de 1994 dans le domaine de l’AMP avec don, puisqu’elle a été rattachée à la filiation naturelle et non à la filiation adoptive établie par un jugement. Elle peut ainsi aboutir à des enfants très éloignés de leur père légitime, voire totalement privés de paternité.

L’Australie (état de Victoria) a instauré un système optionnel de don, anonyme ou non. En Suède, la suppression de l’anonymat obligatoire est, aujourd’hui, bien acceptée par les couples et a entraîné, après un temps de raréfaction, un regain de dons provenant d’une nouvelle population composée essentiellement de pères de famille plus âgés. En réalité, le débat français est faussé par une confusion entre la levée de l’anonymat et l’établissement d’un lien de filiation. Dans son état actuel, la loi ne facilite pas le dialogue parents-enfant en rattachant la filiation avec donneur à la filiation charnelle.

– Des dispositions spécifiques devraient être prévues pour le don d’ovocytes qui aboutit à la coexistence de trois maternités, génétique, utérine et sociale, les deux dernières étant assumées par la mère receveuse, tandis que la première est très facilement " métabolisable " par le psychisme du couple et révélable à l’enfant.

L’anonymat du don devrait pouvoir être levé à l’initiative conjointe du couple donneur et du couple receveur. D’autre part, l’interdiction du don au sein d’une même famille, qui contribue à la pénurie d’ovocytes aujourd’hui constatée, n’est pas nécessairement justifiée par l’intérêt des familles.

Quelle que soit la décision prise à l’égard de l’anonymat, le donneur devrait être reconnu à l’instar de ce qui se pratique pour le don de sang.

– L’interdiction du transfert d’embryon post mortem est en contradiction avec l’esprit de la loi puisque celle-ci est axée sur la demande parentale. Le devenir de l’enfant né orphelin n’est pas nécessairement hypothéqué, comme le démontre l’analyse des situations de ce type créées par la guerre de 14-18.

La " ressource " offerte à la mère veuve –don de l’embryon à un autre couple- est, en tout état de cause, inconcevable. Quant à l’enfant qui naîtrait d’un transfert post mortem, il ne serait pas privé de père et le souvenir de celui-ci resterait présent dans sa mémoire. Il est paradoxal d’interdire le transfert post mortem et d’admettre par ailleurs l’insémination intraconjugale dans le cas d’un homme séropositif dont l’espérance de vie est incertaine dans l’état actuel de la thérapeutique.

3. Docteur Bernard GOLFE, chef du service de pédopsychiatrie à l’Hôpital Saint-Vincent-de-Paul

Le docteur GOLFE précise qu’il est également psychanalyste et travaille en liaison avec le professeur JOUANNET au CECOS de Cochin.

Evoquant tout d’abord les dispositions législatives relatives à l’adoption, il fait état du découragement de nombreux couples face aux différents obstacles factuels (pénurie d’enfants adoptables en France) et au comportement des organismes d’accueil. Si certains parents sont, au moins en apparence, favorables au respect du droit à la connaissance des origines, beaucoup y voient, en réalité, un facteur de difficultés dans les rapports avec l’enfant. Ce droit ne doit pas être imposé sans certaines précautions psychologiques inscrites dans une démarche d’accompagnement.

S’agissant du don d’ovocytes, il a pu constater un très net désir d’anonymat de la part des donneuses, toute remise en cause de ce principe risquant de déclencher, selon lui, un réflexe de fuite, sauf dans le cas de parenté ou d’amitié très proche. Mais ce type de don peut être psychologiquement ambigu, porteur de fantasmes d’inceste ou d’adultère, et à ce titre préjudiciable à l’enfant à naître.

Dans le cadre du COPES, association qui offre une consultation aux parents en attente d’adoption, une enquête a été menée auprès de couples candidats à une insémination avec donneur : 75 % d’entre eux ne souhaitaient pas révéler les conditions de la conception à l’enfant ou à l’entourage familial. Un an après la naissance, ce pourcentage s’élève à 90 %.

 

Audition du professeur Jean-François MATTEI les 25 novembre et 22 décembre 1998

Président de la sous-commission Santé du Conseil de l’Europe et membre du Comité directeur de bioéthique, le professeur MATTEI souligne l’importance, pour la révision de la loi, des travaux menés actuellement dans ce cadre européen. Il indique que l’OMS lui a confié la direction d’un rapport visant à définir les règles de bonnes pratiques à l’échelon international, afin de parer à l’influence du pragmatisme anglo-saxon. Il rappelle, d’autre part, que la convention sur le génome humain adoptée par l’ONU et la convention européenne de bioéthique se sont très largement inspirées des lois votées en 1994.

La première question qui se pose est de savoir si l’on peut réexaminer la seule loi explicitement soumise à révision sans aborder également celle qui touche à la protection de la personne, même si les juristes sont réservés sur une modification trop fréquente du Code civil. Le principal point de révision devrait concerner la médecine prédictive et les empreintes génétiques compte tenu des progrès de la science en ce domaine. Le professeur MATTEI a créé à cette fin, à l’Assemblée nationale, un groupe d’étude sur les techniques génétiques et leurs aspects éthiques.

La seconde question est celle du calendrier qui sera fixé pour cette révision. Il paraît difficile de faire l’économie d’une commission spéciale dans les deux assemblées et nécessaire de leur laisser un temps suffisant pour organiser des auditions.

Comment, en troisième lieu, organiser la révision ? Doit-elle être globale ou parcellaire, limitée à l’objet primitif de la loi ou étendue à d’autres sujets tels que la fin de vie, les soins palliatifs, la stérilisation des handicapés ?

Plusieurs problèmes se posent dans le domaine de la transplantation :

1) Le champ d’application du consentement présumé mérite d’être précisé :

    • l’autopsie qui est le prolongement d’un acte médical doit être facilitée ;
    • le prélèvement d’organes à visée thérapeutique pourra se développer grâce à la publicité donnée au registre automatisé, qui doit rester un mode d’expression du refus ;
    • le prélèvement à but scientifique requiert un consentement explicite, compte tenu de sa finalité.

2) Le régime des prélèvements sur donneur vivant doit être modifié pour soumettre au principe de consentement les greffes en domino et les résidus opératoires. Mais l’élargissement des catégories de donneurs doit être envisagé avec prudence afin de protéger les donneurs contre les pressions affectives et financières.

D’une façon générale, il faut laisser une plus large marge d’appréciation aux médecins en encadrant leurs activités par un code de déontologie et des règles de bonnes pratiques. La loi, quant à elle, ne doit fixer que des principes généraux et des règles souples et évolutives.

En ce qui concerne l’assistance médicale à la procréation :

– L’encadrement des techniques est satisfaisant et il ne faut pas rechercher des définitions trop précises, même s’il a manqué, pour l’ICSI, une phase d’expérimentation préalable.

– Le clonage cellulaire ou tissulaire n’est pas condamnable. Seul le clonage reproductif doit être interdit. Il l’est déjà en droit puisqu’il ne correspond pas à la définition des techniques d’AMP établie par la loi et qu’il est par ailleurs contraire aux règles posées en matière de respect de la personne humaine. Néanmoins, une interdiction explicite et solennelle aurait valeur de symbole.

– Le consentement préalable devant un juge ou un notaire est généralement approuvé. Les médecins sont ainsi affranchis d’une responsabilité qui troublerait la sérénité de leur pratique. Si le notaire, conseiller habituel des familles, paraît l’interlocuteur le plus désigné, il faudrait supprimer les droits d’enregistrement sur les actes de ce type.

– S’agissant de la recherche sur l’embryon, les scientifiques soulignent le retard de la France par rapport à d’autres pays et invoquent la cherté des expérimentations sur l’animal. On ne peut s’en tenir à une conception aussi utilitaire car elle conduit à une instrumentalisation de la vie humaine inacceptable, même à son stade le plus précoce.

On ne peut légiférer sans des références strictes et précises que l’embryon ne peut fournir puisqu’il n’est qu’un moment d’une vie. La vie elle-même peut, en revanche, être définie : elle commence à la fécondation et c’est très précisément la définition sur laquelle se fondait déjà la loi relative à l’IVG.

S’il a été décidé, en 1994, d’ouvrir la possibilité du don d’embryon à un autre couple, c’est, d’une part, eu égard à la pénurie d’enfants adoptables (4 000 annuellement pour 14 000 couples candidats), d’autre part, pour offrir aux embryons privés de projet parental une chance d’accomplir ce qui était fondamentalement leur destinée, c’est-à-dire de vivre. Il aurait été inconcevable et inapplicable pratiquement de contraindre la mère biologique à accueillir un projet d’enfant dont elle ne voulait plus. Mais le mélange des genres opéré par la loi (d’un côté, la notion de don qui ne peut s’appliquer qu’à un objet, de l’autre, la procédure d’accueil qui se calque sur l’adoption) explique que ces dispositions n’aient pu être mises en application. Il n’est pas certain qu’elles doivent être maintenues car, par delà le problème conceptuel, existe une difficulté juridique : comment assimiler à l’adoption une mise au monde qui a toute l’apparence d’une procréation naturelle et rend quasi impossible la révélation de la vérité à l’enfant ?

– En ce qui concerne le transfert d’embryon post mortem, le professeur MATTEI estime que tous les arguments invoqués en faveur d’une levée de l’interdiction ne tiennent pas face aux problèmes inextricables que posent les délais et les conditions de mise en œuvre, ainsi que la situation matrimoniale éventuelle de la mère. Quid, d’autre part, lorsque le survivant est le mari ?

– La congélation des embryons a été admise en 1994 pour tenir compte, en premier lieu, d’une situation de fait et, en second lieu, du caractère très temporaire que devait revêtir cette solution dans la perspective, supposée proche, de la congélation des ovocytes. Cela étant, la congélation encourage la réification de l’embryon et l’autorisation de procéder à des recherches sur les embryons congelés accentuerait cette dérive inacceptable. Comme l’a souligné le cardinal LUSTIGER, mieux vaut, pour la dignité de l’être humain, qu’on le laisse mourir plutôt que de l’instrumentaliser.

En matière de médecine prédictive, la loi n’a autorisé que son usage individuel à des fins médicales. Les assureurs avaient accepté un moratoire qui parvient à son terme et il va falloir arbitrer entre les considérations morales et la logique assurancielle qui repose sur une estimation du risque. Rien, de surcroît, n’interdit le recours à un test favorable pour bénéficier d’un tarif plus avantageux. Cette pratique est déjà admise, avec une certaine modulation, par la législation hollandaise.

Les empreintes génétiques peuvent désormais être relevées à partir de prélèvements infimes et à l’insu de l’intéressé. La question se pose des conditions d’accès à ces marqueurs génétiques, sachant notamment qu’un enfant sur huit n’est pas issu du père présumé. Le législateur doit-il favoriser la tendance croissante à la recherche de l’identité biologique corrélée à l’éclatement des structures familiales traditionnelles ? Si le jugement prononcé dans l’affaire MONTAND n’est pas choquant compte tenu des circonstances de l’espèce, la possibilité de recherches génétiques post mortem pour l’établissement d’une filiation doit néanmoins être strictement encadrée par le droit.

En matière de brevetabilité du génome, il convient de distinguer l’isolation d’un gène qui ne saurait être brevetable et les applications qui en découlent qui ne doivent pas tomber sous le coup de la même interdiction.

Pour conclure, le professeur MATTEI souligne l’insuffisance des moyens dont dispose la CNMBRDP pour exercer ses attributions d’agrément, de contrôle et d’évaluation. Sa composition ne lui permet pas de se prononcer en toute indépendance et son recrutement est en outre limité par l’absence de toute rémunération accordée à ses membres.

 

 

 

 

Liste des sigles et abréviations utilisés

AMP

:

Assistance médicale à la procréation

AP-HP

:

Assistance publique-Hôpitaux de Paris

BLEFCO

:

Biologistes des laboratoires d’étude de la fécondation et de la conservation de l’œuf

CCNE

:

Comité consultatif national d’éthique

CCPPRB

:

Comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale

CECOS

:

Centres de conservation de l’œuf et du sperme humains

CNMBRDP

:

Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal

CRJO

:

Centre régional juridique de l’Ouest

CSH

:

Cellules souches hématopoïétiques

DDASS

:

Directions départementales de l’action sanitaire et sociale

DPI

:

Diagnostic préimplantatoire

DPN

:

Diagnostic prénatal

EFG

:

Etablissement français des greffes

ES

:

Embryonic stem (cellule souche embryonnaire)

FIV

:

Fécondation in vitro

FIVETE

:

Fécondation in vitro et transfert d’embryon

GEE

:

Groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies

GIFT

:

Gamete intra-fallopian transfer (procréation assistée par transfert de gamètes dans les trompes)

HFEA

:

Human Fertilization and Embryology Authority (organisme public d’encadrement de l’AMP en Grande-Bretagne)

IAC

:

Insémination artificielle avec sperme du conjoint

IAD

:

Insémination artificielle avec sperme d’un donneur

ICSI

:

Intra cytoplasmic sperm injection (fécondation in vitro par micro-injection d’un spermatozoïde)

IGAS

:

Inspection générale des affaires sociales

INRA

:

Institut national de la recherche agronomique

INSERM

:

Institut national de la santé et de la recherche médicale

PMA

:

Procréation médicalement assistée

SUZI

:

Subzonal insemination (fécondation par injection de spermatozoïdes sous la zone pellucide)

ZIFT

:

Zygote intra-fallopian transfer (procréation assistée par transfert dans les trompes d’un embryon fécondé in vitro)

 

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