N° 261
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2002.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2003 (n° 230),
TOME VII - 2ème partie
OUTRE-MER
PAR M. DIDIER QUENTIN,
Député.
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Voir le numéro : 256 (annexes 34 et 35).
Lois de finances.
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : UN BILAN EN DEMI-TEINTE
I. - LE BILAN INSTITUTIONNEL : UNE DÉCENTRALISATION INACHEVÉE
II. - LE BILAN ÉCONOMIQUE ET SOCIAL : DES SOCIÉTÉS SOUS TENSION
A. les DOM, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon : entre attentisme et stagnation
B -- La Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis et Futuna et les TAAF
II. - Les perspectives institutionnelles : pour une synthèse républicaine renouvelée
En 2003, le ministère de l'outre-mer consacrera aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie 227,573 millions d'euros en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit une hausse d'environ 4 % par rapport à 2002. Il convient de souligner que, par souci de réalisme, les autorisations de programme ont été revues à la baisse avec 51,233 millions d'euros.
Ce budget ne représente que 12 % des sommes consacrées par l'État aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie en 2003. Ces sommes augmenteront significativement pour atteindre 1 852,319 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une hausse de 3,5 % par rapport à 2001, et 183,731 millions d'euros en autorisations de programme, soit une hausse de 0,6%.
Les crédits du ministère de l'outre-mer dans les TOM et en Nouvelle-Calédonie permettront de soutenir les actions de formation et d'insertion professionnelle, de remettre à niveau les dotations de fonctionnement des collectivités et de poursuivre les politiques contractuelles engagées.
En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle relève de la compétence des autorités du territoire. A Wallis-et-Futuna, il demeure de la responsabilité de l'État, mais les dispositifs définis pour la métropole ou les DOM ne s'appliquent pas. Dans l'ensemble de ces territoires, l'État contribue au financement et à la mise en _uvre d'actions de formation et d'insertion professionnelle, soit au travers de dispositifs d'insertion spécifiques, soit dans le cadre de la politique contractuelle.
_ Les crédits consacrés par le ministère de l'outre-mer au financement de dispositifs d'insertion spécifiques que constituent « les chantiers de développement local » et le programme des « jeunes stagiaires pour le développement » (chapitre 44-03, article 52) bénéficieront d'une dotation de 10 977 033 €. Celle-ci augmente de 55 % en raison notamment du redéploiement des crédits du chapitre 68-93 « Actions diverses pour le développement de la Nouvelle-Calédonie ».
Les chantiers de développement local pour les jeunes (CDJ) et pour les adultes (CDA) ont été mis en place par une circulaire du ministère de l'emploi en 1971. A l'origine, ils concernaient l'ensemble de l'outre-mer. Ils n'existent plus désormais que dans les trois territoires du Pacifique Sud et Mayotte, les DOM n'en bénéficiant plus depuis 1990, compte tenu du développement des actions d'insertion menées dans le cadre du RMI et de la création de contrats aidés. Financé par le ministère de l'outre-mer depuis 1996, ce dispositif permet aux services de l'État, aux collectivités locales et à leurs établissements publics de donner à des personnes particulièrement défavorisées et sans emploi une aide financière temporaire en contrepartie d'un travail d'intérêt général. Les chantiers de développement local pour les jeunes sont des contrats à mi-temps qui s'adressent à des personnes de 16 à 25 ans, pour une durée maximum d'un an cumulable jusqu'à leur 26ème anniversaire. Ils permettent d'acquérir une première expérience professionnelle ou de compléter une formation. Les CDA sont des emplois d'une durée maximum de 3 mois par an.
Le dispositif des « Jeunes stagiaires pour le développement » existe uniquement en Nouvelle-Calédonie. Il permet à des jeunes sans emploi, âgés de plus de 18 ans et de moins de 26 ans, de recevoir une formation et une préparation à la vie professionnelle au sein d'organismes publics et parapublics en recevant une rémunération financée par l'État.
_ Sur le plan de la formation initiale, les dotations allouées pour les bourses des étudiants des TOM et de la Nouvelle-Calédonie qui suivent en métropole des enseignements non disponibles sur leur territoire seront doublées en 2003, atteignant un montant global de 1 403 033 € (chapitre 46-94, article 50). Les jeunes originaires des TOM et de la Nouvelle-Calédonie bénéficieront, en outre, du passeport mobilité qui leur permettra d'élargir leurs perspectives de formations et d'accéder plus facilement à des emplois, notamment en métropole.
_ Au niveau de la formation professionnelle, 7 430 443 € seront consacrés à la formation des cadres de Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna. En Nouvelle-Calédonie, le programme « Cadre Avenir », qui résulte de l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 et succède au programme « 400 cadres », sera poursuivi. Animé par le haut-commissaire de la République, il vise à rééquilibrer le partage des responsabilités entre les communautés. Les formations dispensées, qui peuvent durer de quelques mois à plusieurs années, s'adressent à deux catégories de candidats : ceux qui possèdent déjà un emploi et souhaitent valoriser leurs capacités spécifiques, et les étudiants qui poursuivent leur formation. Le bilan des deux programmes au 31 décembre 2001 montre que, sur les 459 personnes qui ont achevé leur cursus, 394 stagiaires sont revenus en Nouvelle-Calédonie et 349 sont titulaires du diplôme sanctionnant leur formation, soit un taux de réussite de 76 %. L'insertion professionnelle est effective à ce jour pour 338 stagiaires. Le taux de placement a atteint 97 % pour l'ensemble des stagiaires revenus en Nouvelle-Calédonie et ayant achevé leur parcours. Deux tiers des personnes issues des programmes travaillent dans le secteur public, contre seulement un tiers dans le secteur privé.
_ Les crédits du service militaire adapté (SMA) viendront renforcer l'effort pour l'emploi et la formation professionnelle des jeunes originaires des territoires de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie. Le service militaire adapté (SMA) constitue désormais une forme de volontariat dans les armées prévue par la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national. Il permet aux jeunes ultramarins de recevoir une formation professionnelle dans un cadre militaire et s'adresse essentiellement à ceux qui se trouvent en situation d'échec scolaire, pour lesquels la composante éducation et « resocialisation » doit souvent accompagner la formation professionnelle. Les crédits alloués au SMA dans les territoires du Pacifique sud sont en hausse de 10,11 % par rapport à 2002 pour tenir compte de l'augmentation programmée des effectifs.
Le groupement du SMA de Polynésie française qui est réparti sur les sites de Hiva-Oa (Marquises), de Hao (Tuamotu Gambier), de Tubuaï (Australes) et de Mahina pour le poste de commandement (Tahiti), est passé de 55 personnes en 1995 à 235 en 2002. Ces effectifs devraient être portés à 284 personnes en 2003, avec le recrutement de 49 nouveaux volontaires. En Nouvelle-Calédonie, le groupement du SMA situé sur les sites de Koumac et de Koné, a vu ses effectifs augmenter de 30 nouveaux volontaires en 2002. Cette évolution se poursuivra en 2003 avec le recrutement de 43 nouveaux volontaires.
Les collectivités locales des territoires d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie perçoivent certaines dotations globales de fonctionnement dans des conditions très voisines de celles applicables aux communes de métropole ou des départements d'outre-mer. Ainsi, les communes de Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie et les circonscriptions administratives de Wallis et Futuna perçoivent la dotation globale de fonctionnement ainsi que la dotation globale d'équipement. Les crédits correspondants sont inscrits au budget du ministère de l'intérieur. En 2003, ils s'élèveront à 140 millions d'euros.
Par ailleurs, le ministère de l'outre-mer apporte une contribution essentielle aux budgets de fonctionnement des différentes institutions des territoires d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie, afin de compenser notamment les transferts de compétence qui ont été opérés en leur faveur.
_ Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit une augmentation de 5 % des « dotations globales pour la Nouvelle-Calédonie » qui comprennent la dotation globale de compensation, la dotation globale de fonctionnement et la dotation globale de construction et d'équipement des collèges (chapitre 41-56, articles 10, 20 et 30). Leur total passera de 80 308 570 € à 84 330 044 €. Cette augmentation est notamment due au transfert des crédits correspondant à la subvention de fonctionnement versée à l'Institut de formation des personnels administratifs, dont la compétence a été transférée à la Nouvelle-Calédonie. Une subvention de fonctionnement de 8 788 000 € en faveur du budget des provinces de Nouvelle-Calédonie et une subvention de 304 200 € au titre de l'assistance technique et administrative aux communes de ce territoire sont également programmées.
Par ailleurs, il convient de souligner que le ministère continuera à verser une subvention de fonctionnement en faveur de l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF) et de l'Agence pour le développement de la culture Kanak (ADCK), établissements publics d'État, dont le Congrès de la Nouvelle-Calédonie n'a pas encore demandé le transfert.
- L'ADRAF a été créée par l'article 94 de la loi 88-1028 du 9 novembre 1988 pour répondre à la demande des Mélanésiens de retrouver leurs terres ancestrales. Elle a pour mission principale de conduire la réforme foncière et de promouvoir le développement rural et l'aménagement foncier. A cette fin, elle est autorisée à acquérir des terres à vocation agricole et à les rétrocéder, soit à titre gratuit à des groupements de droit particulier local, soit à titre onéreux, dans le cadre de projets individuels. Depuis le début de son activité, l'ADRAF a pu acquérir 150 000 hectares et redistribuer 100 000 hectares à des Mélanésiens regroupés au sein de groupements de droit particulier local. Par son action, elle a contribué à un rééquilibrage foncier entre les deux principales communautés du territoire sur l'île principale (Grande-Terre) et a favorisé la réinstallation de nombreuses familles sur leurs terres d'origine, ce qui a permis d'apaiser les tensions existantes. En 2003, la dotation du ministère de l'outre-mer à l'ADRAF restera stable à 1 128 218 euros (chapitre 36-01, article 10).
- La création de l'ADCK a été prévue à la demande de Jean-Marie Tjibaou dans les accords Oudinot du 20 août 1998, qui ont complété les accords de Matignon. L'agence a pris la relève de l'ancien Office culturel scientifique et technique canaque (OCSTC). Le décret n° 89-524 du 27 juillet 1989 a conféré à l'ADCK un statut d'établissement public national à caractère administratif en lui attribuant quatre missions principales : la valorisation du patrimoine archéologique et linguistique kanak, le soutien des formes contemporaines d'expression de la culture kanak, en particulier dans les domaines artisanal, audiovisuel et artistique, la promotion des échanges culturels, notamment dans la région du Pacifique sud et, enfin, la définition et la conduite des programmes de recherche. Le centre culturel Jean-Marie Tjibaou est le principal outil de l'agence. Il a été ouvert au public en mai 1998 et a organisé le premier festival des arts du Pacifique en 2000.
L'ADCK est très dépendante des subventions publiques puisque ces ressources propres ne représentent que 8 % de son budget. Depuis 1998, les dotations de l'Etat versées par le ministère de l'outre-mer et le ministère chargé de la culture ont été stables. On remarquera que les Provinces et le Congrès n'ont jusqu'à présent pas tenu leur engagement de fournir un effort financier égal à celui de l'Etat. Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit d'augmenter la dotation du ministère de l'outre-mer à l'ADCK de 30,7 %, celle-ci passera de 816 461 euros à 1 067 261 euros.
_ La subvention de fonctionnement versée à Wallis et Futuna d'un montant de 926 698 € (chapitre 41-91, article 10) augmente de 83 %, cette hausse importante étant destinée à aider le territoire à prendre en charge la desserte inter-îles.
_ La subvention versée aux Terres australes et antarctiques (chapitre 41-91, article 21) de 528 7732 € augmente pour sa part de 3 %. Quant aux Iles Éparses, elles bénéficient d'une dotation d'un montant stable de 60 213 € qui sera versée au préfet de la Réunion, administrateur de ces îles et destinée au fonctionnement des services de météorologie (chapitre 41-91, article 50).
Afin de combler les retards de développement dont souffrent les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, le projet de loi de finances pour 2003 maintient en leur faveur un niveau élevé de subventions d'investissement d'environ 46 millions d'euros en autorisations de programme. Elles permettront de poursuivre les politiques contractuelles en cours tout en les renforçant pour Wallis-et-Futuna par une convention de développement spécifique.
Les crédits de la section générale du fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outre-mer (FIDES) s'élèveront à 46 222 000 € en autorisations de programme et à 49 409 000 € en crédits de paiement. Il convient de rappeler que le FIDES, régi par le décret n° 92-758 du 4 août 1992, comporte une section générale, regroupant les interventions relevant de l'action directe de l'État (chapitre 68-90), et une section des territoires regroupant les interventions relevant des compétences des territoires (chapitre 68-92), qui n'est plus abondée en loi de finances initiale. La loi référendaire n° 88-1028 du 9 novembre 1988 a créé, en outre, au sein du FIDES, un Fonds d'équipement et de promotion de la Nouvelle-Calédonie (FEPNC) qui était alimenté par une dotation en provenance du chapitre 68-93 : « Actions diverses pour le développement de la Nouvelle-Calédonie ». L'utilisation du chapitre 68-93, créé en 1986 pour faciliter la réalisation des opérations inscrites dans la loi n° 86-844 du 17 juillet 1986 relative à la Nouvelle-Calédonie, a fait l'objet d'importantes critiques de la Cour des comptes. Le projet de loi de finances pour 2003 procède, en conséquence, à sa suppression et redéploie ses crédits sur d'autres chapitres conformément à leur destination réelle.
En plus des crédits du FIDES, il convient de souligner que la Polynésie française continuera de bénéficier des dotations du fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française, mis en place pour compenser les pertes de revenus occasionnées par l'arrêt du centre d'expérimentation nucléaire. Une dotation de 151 millions d'euros est ainsi inscrite au du budget des charges communes (chapitre 68-01, article 10).
La répartition des autorisations de programme du FIDES sera la suivante :
RÉPARTITION DES AUTORISATIONS DE PROGRAMME
(en euros)
Contrat de développement (2000-2003) pour la Polynésie française |
8 615 500 | ||
Contrat de développement (2000-2004) Wallis et Futuna |
1 396 500 | ||
Contrats de développement 2000-2004 Nouvelle Calédonie |
23 129 000 | ||
Convention de développement (2003) Wallis et Futuna |
2 500 000 | ||
Autres opérations |
7 211 000 | ||
Transferts de crédits en provenance du chapitre 68-93 (chapitre supprimé en LFI 2003) |
26 499 000 | ||
Autres opérations |
3 370 000 | ||
Source : ministère de l'outre-mer. |
L'essentiel des crédits du FIDES sera destiné à la poursuite de la politique contractuelle, qui constitue un instrument privilégié pour assurer le développement équilibré des territoires d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie dans une perspective de long terme. Faute d'éléments d'information précis, le bilan de la politique contractuelle est difficile à établir, ce qui est regrettable.
Les contrats de développement en cours ont été conclus pour une durée de cinq ans avec la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, pour une durée de quatre ans avec la Polynésie française.
Le tableau ci-après retrace les montants des différents contrats en cours et la participation de l'État à ces contrats.
CONTRATS DE PLAN ET DE DÉVELOPPEMENT (en millions d'euros) | ||||
Nouvelle- |
Polynésie |
Wallis- |
Total | |
Total contrats |
|
|
|
|
Total contrats/Parts État |
|
|
|
|
Dont outre-mer |
246 |
69 |
15 |
330 |
Dont autres ministères |
108 |
102 |
22 |
232 |
Territoires/Provinces |
253 |
171 |
2 |
|
Autres partenaires |
51 |
|||
Source : ministère de l'outre-mer. |
_ En Nouvelle-Calédonie, conformément à l'article 210-1 de la loi organique du 19 mars 1999, six contrats de développement ont été signés par l'État pour une participation totale de 355 millions d'euros qui sera prise en charge par le ministère de l'outre-mer à hauteur de 246 millions d'euros. Au 31 décembre 2001, les taux d'exécution de ces différents contrats étaient encore faibles :
(en millions d'euros) | ||||
(signé le 17 novembre 2000) |
67,40 |
7,32 |
11 % | |
Province Nord (signé le 24 octobre 200) |
112,52 |
6,35 |
6 % | |
Province Iles Loyauté (signé le 3 novembre 2000) |
53,05 |
9,46 |
18 % | |
Nouvelle-Calédonie (signé le 7 décembre 2000) |
39,47 |
4,70 |
12 % | |
Inter-collectivités (signé le 18 mai 2001) |
15,78 |
3,65 |
23 % | |
Agglomération (signé le 17 novembre 200) |
47,72 |
10,30 |
22 % | |
Source : projet de loi de finances pour 2003 - Territoires d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie. |
En outre, 10 contrats associant l'Etat aux communes ont été conclus : 8 pour la Province Nord (communes de Canala, Hienghene, Koné, Ouega, Poindimié, Pouembout, Poum, Voh) et deux pour la Province Sud (communes de Farino, La Foa).
_ La Polynésie française est concernée par deux contrats.
La loi d'orientation du 5 février 1994 a prévu que les contrats de développement entre l'État et le territoire de la Polynésie française devaient s'étaler sur dix ans. Compte tenu de la durée du premier contrat de développement (six ans), le contrat en cours a été conclu pour quatre ans.
Il porte sur un montant de 341 millions d'euros, dont 170,74 millions d'euros à la charge de l'État, et s'articule principalement autour de quatre axes : le développement économique (146,94 millions d'euros), l'aménagement du territoire (74,09 millions d'euros), le renforcement de la couverture sanitaire et la cohésion sociale (115,83 millions d'euros) ainsi que les actions d'évaluation et de communication (1,28 millions d'euros).
Ce contrat, qui a démarré avec quasiment une année de retard, en raison de sa signature tardive, le 31 octobre 2000, n'était engagé au 31 décembre 2001 qu'à hauteur de 21,40 %, soit 36,54 millions d'euros. On note toutefois en 2001 une avancée significative des actions consacrées à l'éducation et à la formation, au logement social, à l'agriculture, à l'adduction d'eau potable et à la politique de la ville.
Le contrat de ville de l'agglomération de Papeete a été signé le 14 novembre 2000 pour une durée de trois ans. Il associe l'Etat, le territoire et les communes d'Arue, Mahina, Papeete, Punaaiua, Paea, Puae et Faa'a.
Il s'articule autour de cinq axes : la définition de politiques communales de lutte contre les exclusions, la mise en cohérence des différentes actions initiées à l'échelle des communes dans le cadre de l'agglomération, le renforcement de l'action des associations d'habitants, la déconcentration des actions de l'équipe opérationnelle d'agglomération à l'échelle des communes et enfin le développement des actions de formation des acteurs de la politique de la ville. Dans ce cadre, il est envisagé de créer un poste de chef de projet dans chaque commune et de mettre en place une évaluation permanente du contrat de ville.
_ Le contrat de développement conclu entre l'Etat avec Wallis-et-Futuna été signé le 4 mai 2000 pour cinq ans. Il représente 39 millions d'euros. La part de l'État, portée à 37,17 millions d'euros, a crû de 12 % par rapport au précédent contrat.
Ce contrat vise tout d'abord à poursuivre la réalisation des infrastructures et des équipements publics de base (extension des réseaux d'eau potable et d'assainissement, amélioration des routes, poursuite des travaux maritimes avec le balisage des chenaux de Mata-Utu, de Halalo et l'accès au quai de Léava et modernisation des hôpitaux). Il doit permettre également de renforcer la cohésion sociale grâce à l'aménagement du cadre de vie et le développement des équipements sportifs, de préparer les jeunes aux spécificités de la vie locale et de contribuer au développement de l'offre de débouchés professionnels en particulier dans le secteur agricole.
Pour tenir compte des difficultés particulières de Wallis et Futuna, le Gouvernement a prévu la conclusion d'une convention spécifique avec le territoire pour un montant de 2,5 millions d'euros. Elle permettra d'apporter rapidement une réponse aux besoins les plus urgents, en complément de ce qui est actuellement prévu dans le contrat de développement, dont la procédure de mise en _uvre est beaucoup plus lourde.
II. - LES PERSPECTIVES INSTITUTIONNELLES : POUR UNE SYNTHÈSE RÉPUBLICAINE RENOUVELÉE
L'année 2002 devrait rester, pour les collectivités territoriales d'outre-mer, comme celle qui aura vu se concrétiser un nouveau pacte entre la République et l'outre-mer. En effet, la révision constitutionnelle, actuellement débattue au Parlement, consacre l'avènement d'une véritable démocratie de proximité et de responsabilité. Pour l'outre-mer, cela signifie la possibilité, pour les collectivités concernées, de mieux maîtriser leur intervention dans les domaines économique et social où tant de défis restent à relever. Cette évolution institutionnelle ouvre également la voie à une meilleure insertion dans leur environnement régional, alors que la clarification de leur place dans l'Union européenne leur ouvre de nouvelles perspectives. Elle implique enfin que l'État joue pleinement le jeu de la responsabilisation, en se recentrant sur les missions qui sont les siennes et en se donnant les moyens de le faire.
Le Président de la République s'est engagé à moderniser les institutions des collectivités d'outre-mer pour renforcer la démocratie de proximité en responsabilisant davantage les élus locaux. Comme il le soulignait le 6 avril 2002, lors d'un déplacement à la Guadeloupe, « L'indispensable adaptation à l'évolution du monde implique que moins de décisions soient prises à Paris et que davantage de responsabilités soient déléguées localement. Cette nouvelle répartition des pouvoirs est encore plus nécessaire pour les collectivités d'outre-mer en raison de leur grand éloignement géographique des centres de décisions nationaux - jusqu'à 20 000 kilomètres - et des problèmes spécifiques qu'elles rencontrent par rapport à ceux du reste du pays, et de l'environnement international particulier dans lequel elles évoluent. » Mais pour ne pas ouvrir la porte à toutes les dérives, cette évolution institutionnelle doit s'inscrire dans des limites clairement établies. Il s'agit :
- de respecter l'unité et l'indivisibilité de la République ;
- d'interdire toute dérogation aux principes qui fondent le pacte républicain et figurent dans la Constitution ;
- de garantir le maintien des relations avec l'Europe ;
- de consulter obligatoirement les populations concernées sur des projets qui doivent être conformes à la Constitution ; aucune collectivité d'outre-mer ne doit être entraînée dans des évolutions qui ne seraient pas implicitement souhaitées par sa population ; c'est pourquoi, si la Réunion choisit de rester dans son statut départemental actuel, ce choix doit être respecté.
Conformément à ces principes, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, déposé au Sénat le 16 octobre dernier, va permettre d'assouplir et de clarifier le cadre institutionnel de l'outre-mer, tout en inscrivant dans la Constitution un certain nombre de garanties nouvelles. Ce texte permettra de consacrer solennellement l'appartenance de l'outre-mer à la République, en inscrivant dans le texte même de la Constitution le nom de chacune des collectivités concernées. Cette disposition est particulièrement importante pour Mayotte, dont le nom apparaît toujours dans la Constitution de l'État étranger qui la revendique (Les Comores). En outre, il pouvait sembler anormal que seule la Nouvelle-Calédonie figure dans la Constitution. Tout en conservant la ligne de partage entre les collectivités où s'appliquent de plein droit les lois et règlements et celles qui se voient reconnaître une spécialité législative, le projet de loi constitutionnelle permettra d'appliquer des règles plus diversifiées répondant aux attentes particulières de chacune des collectivités concernées.
Ce projet de loi définit deux catégories statutaires :
- le statut de département et de région d'outre-mer, soumis au principe d'assimilation législative et régi par l'article 73 de la Constitution ;
- le statut de collectivité, soumis au principe de spécialité législative et relevant de l'article 74 ; les actuels départements d'outre-mer continueront de relever de l'article 73 et les autres collectivités d'outre-mer de l'article 74.
Le passage de l'un à l'autre de ces régimes sera subordonné à l'intervention d'une loi organique, à condition que le consentement préalable de la population de la collectivité intéressée ait été recueilli.
Pour les collectivités relevant de l'article 73, trois sortes d'assouplissements sont prévues par rapport au texte actuel. Les adaptations aux lois et règlements dont elles pourront bénéficier seront plus larges, puisqu'elles pourront être justifiées par l'ensemble de leurs caractéristiques et contraintes particulières. Par ailleurs, le législateur pourra habiliter les collectivités qui le souhaitent à fixer elles-mêmes ces adaptations, lorsque les dispositions en cause relèveront de leur domaine de compétence. Enfin, ces collectivités pourront être habilitées, dans les conditions fixées par une loi organique, à édicter elles-mêmes la norme applicable sur leur territoire, sous réserve que l'habilitation ne porte pas sur certaines compétences régaliennes. La création d'une collectivité nouvelle se substituant à une région ou un département d'outre-mer de même que l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités seront subordonnées au consentement des électeurs concernés.
Les collectivités d'outre-mer régies par le nouvel article 74 disposeront chacune d'un statut particulier défini par une loi organique. Ce statut pourra leur transférer de nouvelles attributions, à l'exception d'un certain nombre de compétences régaliennes. La nationalité, les droits civiques, les libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes ainsi que le droit électoral resteront dans le giron de l'État. Toutefois, ce dernier pourra associer les collectivités à leur exercice. En outre, les collectivités concernées pourront mieux défendre leurs prérogatives. Leur statut pourra prévoir un contrôle juridictionnel spécifique pour les actes qu'elles prendront dans des matières relevant du domaine de la loi. Par ailleurs, une procédure permettant à la collectivité de modifier les dispositions législatives qui interviendront dans son domaine de compétence pourra être prévue. Enfin, il pourra être reconnu aux autorités locales le droit de prendre des mesures en faveur de leur population dans des matières concernant l'accès à l'emploi, l'exercice d'une activité professionnelle et la protection du patrimoine foncier.
La dynamique institutionnelle actuellement à l'_uvre devrait conduire à une plus grande responsabilisation des échelons locaux et au renforcement de la démocratie de proximité. Mais que signifient ces notions, que valent tous les transferts de compétences en matière sociale, économique, etc., si le principe même de toute cohésion sociale - la possibilité de vivre sereinement ensemble - est bafoué ?
Tel est pourtant aujourd'hui le risque qui pèse sur les sociétés d'outre-mer, notamment aux Antilles. D'ailleurs, la responsabilité fondatrice de l'État moderne, qui consiste à assurer la sécurité des populations, a été gravement négligée au cours des années passées. Cette démission de l'État n'est certes pas propre à l'outre-mer. Mais dans des zones où les tensions économiques sont promptes à devenir des crises sociales, dans des régions où cohabitent de telles disparités de richesses, dans un environnement connu pour sa place dans le trafic international de stupéfiants, cette démission est porteuse de conséquences délétères.
Le corollaire nécessaire de la responsabilisation accrue des collectivités d'outre-mer, c'est le recentrage de l'État sur ses missions régaliennes, voire, dans certains cas, leur réaffirmation. Il en va du retour de la cohésion sociale outre-mer.
Le retour de l'État outre-mer, c'est d'abord un État respecté, ce qui implique notamment qu'il soit doté des moyens d'action adéquats. Le présent rapport, qui présente le seul effort budgétaire du ministère de l'outre-mer, ne donne par là même qu'une présentation partielle de l'effort budgétaire de la nation en faveur de l'outre-mer. En termes budgétaires, le ministère de l'outre-mer n'est, en effet, qu'un vecteur minoritaire des moyens consacrés aux régions ultrapériphériques de la République française. Ainsi, d'après le document budgétaire récapitulant l'effort budgétaire de l'État dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer :
-- les crédits de paiement inscrits au budget du ministère représenteront, en 2003, 10,93 % du total des crédits de paiement destinés à l'outre-mer, qui s'élève à 7,834 milliards d'euros ; après les ministères de l'Éducation nationale (2,33 milliards d'euros de crédits de paiement pour le seul ministère de l'enseignement scolaire) et de l'intérieur (1,563 milliard d'euros), le ministère de l'outre-mer est le troisième contributeur, avec 856,568 millions d'euros de crédits de paiement ;
-- en autorisations de programme, la part du ministère de l'outre-mer s'établit, pour 2003, à 364,35 millions d'euros, ce qui représente le premier budget contributeur et 33 % du total des autorisations de programme dédiées à l'outre-mer ;
-- en termes d'effectifs enfin, sur les 78 145 emplois budgétaires outre-mer inscrits dans le projet de budget pour 2003, c'est, sans surprise, le ministère de l'éducation nationale qui en fournit la plus grande partie (45 659), devant le ministère de l'outre-mer (4 357) et le ministère de la défense (4 284).
Il serait cependant réducteur de se limiter à cette approche strictement quantitative, qui néglige le rôle d'impulsion qui revient au ministère de l'outre-mer dans l'élaboration de la politique gouvernementale à l'égard de l'outre-mer. A cet égard, la spécificité de ce ministère demeure trop souvent insuffisamment mise en valeur : c'est, en effet, le seul qui pratique l'interministériel au quotidien, tâche d'une réelle difficulté dans un système qui privilégie encore, trop souvent, le cloisonnement ministériel.
Il importe, par conséquent, de donner à ce ministère les moyens de mener à bien sa mission et de faire entendre sa voix parmi les quinze départements ministériels qui participent à l'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer. Plus encore, alors que les révisions institutionnelles qui se profilent vont se traduire par l'émergence de collectivités aux compétences étendues, il est nécessaire qu'elles puissent disposer d'un interlocuteur qui, au sein de l'appareil d'État, ait les moyens de jouer un véritable rôle d'impulsion et de coordination.
Dans le même esprit, le projet de budget pour 2003 s'avère un outil de transition vers les réformes à venir, en donnant au ministère de l'outre-mer, et donc à l'État, des moyens d'action renforcés et modernisés. Ainsi, le ministère de l'intérieur ayant obtenu une revalorisation du régime indemnitaire du cadre national des préfectures, une mesure similaire a été accordée au ministère de l'outre-mer pour son personnel. Les crédits inscrits dans le projet de budget à ce titre s'accroissent, par conséquent, de 7,13 % pour le personnel servant en administration centrale et de 5,64 % pour le personnel d'outre-mer. Par ailleurs, l'administration centrale bénéficie également de mesures de modernisation : elle a aussi obtenu plusieurs transformations de poste destinées à adapter les besoins en personnel aux nouvelles missions du ministère et à renforcer ses capacités d'expertise. Enfin, en matière d'investissement, les crédits inscrits dans le projet de budget - 7,75 millions d'euros en autorisations de programme et 5,35 millions d'euros en crédits de paiement - devraient permettre une remise à niveau du parc immobilier du ministère de l'outre-mer. Ils concernent notamment l'amélioration de l'immobilier de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont la dotation est doublée en 2003, et les travaux de réhabilitation et de mise en sécurité du parc du SMA.
Enfin, cet effort budgétaire s'accompagne d'une modernisation de la gestion des crédits du ministère. L'outre-mer entend participer activement aux efforts de modernisation de la gestion des crédits publics et prendre toute sa part à la réforme de l'État. Dans cette optique, afin de rendre son budget plus lisible et d'optimiser la ressource, le ministère devrait notamment expérimenter la déconcentration des crédits du FEDOM en 2003 et mettre en place une cellule de contrôle de gestion. Par ailleurs, au cours de l'été 2002, il a activement participé aux travaux d'amélioration de la gestion des fonds structurels européens, dont les enjeux sont fondamentaux pour l'outre-mer.
2. Un État qui reprend en main sa mission de sécurité publique outre-mer
Le retour de l'État, c'est également l'application d'une véritable politique de sécurité publique : seuls l'État et ses forces de sécurité sont, en effet, à même d'enrayer la croissance d'une délinquance de plus en plus violente. De même, qui d'autre peut lutter efficacement contre le trafic de drogue, fléau dont souffrent notamment les Antilles ou encore de mener de véritables actions d'envergure contre les réseaux d'immigration clandestine ?
Une action volontariste dans les DOM
La dégradation de la situation de la délinquance outre-mer n'a, comme en métropole, rien d'inéluctable, d'autant que l'indice de criminalité est, dans les DOM, inférieur en moyenne de près de douze point à celui de métropole.
ÉVOLUTION DE L'INDICE DE CRIMINALITÉ DANS LES DOM EN 2001
TAUX DÉPARTEMENTAL |
POPULATION | |||
1999 |
2000 | |||
Guadeloupe |
63,33 0/00 |
60,6 0/00 |
57,5 0/00 422 496 | |
Martinique |
57,05 0/00 |
58,4 0/00 |
59,7 0/00 381 427 | |
Guyane |
108,71 0/00 |
100,9 0/00 |
96,4 0/00 |
157 213 |
La Réunion |
37,71 0/00 |
40,6 0/00 |
46,6 0/00 |
706 300 |
Mayotte |
30,22 0/00 |
40,78 0/00 |
45,28 0/00 |
131 368 |
St Pierre et Miquelon |
16,15 0/00 |
18,21 0/00 |
14,57 0/00 |
6 316 |
TOTAL DOM + Mayotte + St Pierre et Miquelon |
53,36 0/00 |
54,43 0/00 |
56,42 0/00 |
1 805 120 |
TOTAL NATIONAL (1) |
60,97 0/00 |
64,21 0/00 |
68,8 0/00 |
59 039 173 |
(1) Estimation INSEE 2001. Source : ministère de l'outre-mer. |
La reprise en main par l'État de sa mission de sécurité outre-mer réside, par conséquent, avant tout dans l'affirmation d'une réelle volonté politique. Celle-ci a, d'ores et déjà, commencé à se manifester : l'outre-mer, comme la métropole, bénéficie, depuis l'été 2002, d'une politique de sécurité cohérente.
La mise en place des groupements d'intervention régionaux (GIR) en représente la principale manifestation à ce jour. Tous les DOM disposent ainsi, depuis le mois de juin 2002, de GIR opérationnels, prenant en compte la spécificité de l'organisation des deux forces de sécurité dans chaque collectivité concernée.
Ainsi, en Martinique, le GIR, installé dans ce département le 24 juin 2002, repose sur une structure permanente de coordination (l'unité d'organisation et de commandement ou UOC) qui a été confiée à la gendarmerie nationale, la police nationale assurant les fonctions d'adjoint. Quatre priorités ont été définies dans son action :
-- lutte contre le trafic de stupéfiants et ses conséquences ;
-- actions ciblées sur certains quartiers ;
-- lutte contre les trafics de matériels et de véhicules volés ;
-- lutte contre les vols à main armée.
En Guadeloupe, le GIR, opérationnel dans l'archipel depuis le 18 juin 2002, prend en compte les spécificités de la délinquance et des trafics constatés sur les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. D'où une structure totalement différente de celle mise en place à la Martinique, fondée sur trois volets, avec, tout d'abord, une cellule d'orientation animée par le service régional de police judiciaire (SRPJ), une UOC en Guadeloupe continentale dont le commandement est assuré par un représentant du SRPJ, enfin, une UOC détachée à Saint-Martin, placée sous la responsabilité de la gendarmerie nationale. La répression de la délinquance financière et économique constitue l'objectif prioritaire du GIR.
En Guyane, en revanche, c'est, comme en Martinique, à la gendarmerie nationale que revient la direction de l'UOC, même si l'antenne locale du SRPJ a été intégrée au sein de ce dispositif opérationnel, le représentant de la police judiciaire assumant les fonctions d'adjoint de cette structure. Là encore, la souplesse de cet instrument a été mise à profit dans la définition des missions qui lui sont assignées : lutte contre les trafics internationaux y compris d'animaux protégés, lutte contre l'activité minière illicite, lutte contre l'immigration clandestine et le travail illicite et lutte contre l'économie souterraine.
A la Réunion, le GIR mis en place par le préfet le 7 juin 2002 associe tous les services déconcentrés de l'État, le commandement de l'UOC étant assuré par la police nationale et le poste d'adjoint, par un officier de la gendarmerie. Cette structure comprend également des agents des services fiscaux et des douanes.
A Mayotte, c'est avant tout, dans un premier temps du moins, vers la répression de l'immigration clandestine et de ses conséquences directes (travail illicite, trafics variés...) qu'est orienté le GIR, qui ne fonctionnera pas cependant comme une structure permanente, mais sur la base de réunions hebdomadaires au cours desquelles les renseignements recueillis par les différents services seront confrontés. Le commandement de l'UOC a été rattaché à la brigade de recherche de la gendarmerie nationale, seule à disposer des infrastructures nécessaires à son fonctionnement.
Le caractère non permanent du GIR de Mayotte peut paraître surprenant au vu de l'importance des problèmes d'immigration clandestine, évoqués ci-après. La collectivité partage ainsi cette caractéristique avec Saint-Pierre-et-Miquelon, dont le taux de criminalité est trois fois inférieur. Sans doute la priorité de l'action publique à Mayotte réside-t-elle dans l'ancrage des moyens favorisant un véritable développement. Mais, précisément, l'ampleur du phénomène de l'immigration clandestine invite à ne pas adopter une approche cloisonnée des problèmes.
Pour déterminante qu'elle soit, la mise en place des GIR ne représente qu'un des aspects de la politique de sécurité de l'État outre-mer. Comme la métropole, l'outre-mer n'échappera pas à la redéfinition des zones de compétences entre les deux forces de sécurité de l'État, dont la répartition actuelle est inadaptée aux réalités opérationnelles. Cette nécessité est d'ailleurs inscrite dans ce cahier des charges du gouvernement que représente la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI), qui, en son annexe 1, fixe comme objectif de parvenir, d'ici à 2006, à un redéploiement rationnel et équilibré des forces de police sur le territoire national.
« En septembre 1999, une délégation parlementaire conduite par Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des Lois, visitait la maison d'arrêt de Saint-Denis de la Réunion. L'état lamentable de cet établissement, " une honte pour la République ! " comme a cru devoir le qualifier un des membres de la délégation a permis d'entamer une nécessaire réflexion sur le système pénitentiaire français ».
Cette première phrase du rapport de la commission d'enquête sur les prisons établi en 2000 suffirait à justifier l'accent que votre rapporteur, qui faisait alors partie de la délégation, souhaite mettre sur cet autre pan de l'action de l'État en matière de sécurité publique : la politique pénitentiaire. Malheureusement, la prison de Saint-Denis est loin d'être une exception dans le paysage carcéral de l'outre-mer : « Les conditions de détention qui ont été constatées dans la maison d'arrêt de Basse-Terre en Guadeloupe ont conduit les membres de la Commission d'enquête qui s'y sont rendus à saisir sans attendre le garde des sceaux, afin d'attirer son attention sur l'urgence qu'il y a à porter remède à des conditions d'enfermement proprement inhumaines. Les détenus, en l'absence totale d'activité sont confinés 20 heures par jour, dans des cellules très mal aérées, sans aucune possibilité de s'asseoir ou de s'attabler. Les dortoirs peuvent comprendre jusqu'à 12 lits superposés, les cours de promenade y sont exiguës, se réduisant pour l'une d'elles à un sombre corridor. Le fonctionnement de l'unité de soins y est également alarmant ».
Ces constats, approuvés en 2000 sur tous les bancs de cette assemblée, demeurent encore valides en 2002, dans l'attente d'un aboutissement des projets en cours :
-- En Guadeloupe, l'administration pénitentiaire a décidé de confier à l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du Ministère de la Justice le soin d'engager deux études concernant respectivement une extension - rénovation de la prison de Basse-Terre et sa reconstruction sur un autre site. Les premiers résultats disponibles sont favorables à la construction d'une nouvelle prison dans l'agglomération de Basse-Terre. Le choix du site pourrait être effectif avant la fin de l'année 2002 ;
-- A Mayotte, le schéma directeur de restructuration de la prison de Majivaco prévoit deux phases opérationnelles, l'une prévoyant la construction de nouveaux bâtiments - dont un quartier pour mineurs de 26 places -, qui devrait débuter en 2003, l'autre relative à l'extension de la capacité d'un établissement, dont la surpopulation chronique est inacceptable ;
-- A la Réunion, le calendrier de construction d'un nouveau centre pénitentiaire de 635 places visant à remplacer la maison d'arrêt de la rue Juliette Dodu à Saint-Denis prévoit, en l'état actuel du dossier, une livraison à la fin de l'année 2006 ou au début de l'année 2007. A ce jour, parmi les divers sites susceptibles de convenir à l'implantation d'un établissement pénitentiaire, le ministère de la justice a fait connaître ses préférences pour le site de Beauséjour sur le territoire de la commune de Sainte-Marie.
S'il ne remet nullement en question la nécessité de construire une nouvelle prison à la Réunion, votre rapporteur ne peut toutefois qu'exprimer son plus grand scepticisme quant à la pertinence du site choisi. Est-il vraiment souhaitable de priver l'agriculture réunionnaise, confrontée à une pression foncière structurelle et à la décroissance continue de la surface agricole utilisable, de terres classées en zone agricole par le schéma d'aménagement régional ? De fait, dans sa totalité, le projet devrait réduire la surface agricole de 100 hectares environ. En l'occurrence, l'État ne devrait-il pas plutôt donner l'exemple en choisissant de construire à mi-hauteur, sur des terres inutilisables pour l'agriculture, même si le coût de construction en est majoré ? Les partisans du statu quo argueront sans doute du retard que le choix d'un nouveau site imprimerait au projet. A quoi on objectera que l'existence d'un secrétariat spécialement dédié aux programmes immobiliers de la justice est précisément destinée à assurer un meilleur suivi, technique et politique, des projets en cours. Votre rapporteur plaide, par conséquent, pour le lancement d'une véritable concertation entre l'État et les acteurs locaux, de façon à concilier l'urgence morale et sanitaire de fermer la prison de Saint-Denis et l'intérêt à long terme de la Réunion, en matière économique comme d'aménagement du territoire.
La Nouvelle-Calédonie, la Polynésie et Wallis et Futuna : un devoir de vigilance
Le phénomène de la délinquance demeure encore marginal en Nouvelle-Calédonie et dans les territoires d'outre-mer. Le taux de criminalité est de 46 0/00 en Nouvelle-Calédonie et de 38,11 0/00 en Polynésie, alors qu'il se situe à 68,8 0/00 au plan national et à 57,45 0/00 dans les DOM. Pour ces deux collectivités, il est fortement concentré dans les zones urbanisées relevant de la compétence de la police. Il est ainsi de 81,2 0/00 à Nouméa, où se concentrent 64 % de la délinquance générale, alors qu'il se situe à 28,61 0/00 dans le reste de la Nouvelle-Calédonie. Si le taux de criminalité apparaît très fort sur la ville de Papeete 128 0/00, le reste de la Polynésie, qui regroupe 88 % de la population, n'affiche encore qu'un taux de 28,9 0/00.
Toutefois, l'État, qui reste le garant de l'ordre et de la sécurité publics dans ces territoires, doit demeurer vigilant. Les chiffres l'y invitent.
En Nouvelle-Calédonie, après une forte hausse en 1995, pendant six ans de 1996 à 2001, les crimes et délits constatés par la police et la gendarmerie ont augmenté globalement de 40,7 %, passant de 7 360 faits à 10 734. Par rapport à 2000, la délinquance a augmenté de 35,36 % en 2001. La progression de la délinquance s'explique largement par la modification du mode de recueil des statistiques, mais elle est également la résultante d'une forte hausse de la délinquance sur la voie publique. Celle-ci a augmenté de 49,5 % de 2000 à 2001. La part des vols et recels dans la délinquance globale reste inférieure à celle constatée dans des DOM et au plan national ; la part de la délinquance financière est supérieure en revanche, tandis que les crimes et délits contre les personnes atteignent un niveau comparable à celui constaté dans les DOM, qui est supérieur à celui en métropole. La proportion des mineurs parmi les mis en cause a augmenté de façon inquiétante ; le taux de délinquance chez les jeunes est pratiquement équivalent à celui de la métropole. La consommation excessive d'alcool est l'une des principales causes des dégradations constatées.
Les tableaux ci-après présentent l'évolution de la délinquance et de la criminalité.
ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ ET DE LA DÉLINQUANCE
EN NOUVELLE-CALÉDONIE DE 1997 À 2001
GENDARMERIE |
TOTAL |
|||||||||||||||||||||||||||||||||
1997 |
1998 |
1999 | ||||||||||||||||||||||||||||||||
|
Total des faits constatés |
4129 |
4593 |
4844 |
4776 |
6362 |
33,21% |
3577 |
3212 |
4261 |
3192 |
3757 |
17,70% |
7706 |
7805 |
9105 |
7968 |
10119 |
27,00% |
|||||||||||||||
Délinquance de voie publique |
22640 |
22688 |
22695 |
11625 |
33119 |
991,94% |
8876 |
9989 |
11231 |
9997 |
11222 |
222,57% |
33516 |
33677 |
33926 |
22622 |
44341 |
665,56% | ||||||||||||||||
Source : ministère de l'outre-mer. |
- 69 -
ÉVOLUTION DE LA DÉLINQUANCE ET DE LA CRIMINALITÉ CONSTATÉE PAR LES SERVICES DE POLICE EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Total des faits |
Faits élucidés |
Délinquance de voie publique |
Personnes mises en cause |
Personnes écrouées |
Mineurs mis en cause |
% mineurs | |||||||
1991 |
3 574 |
1 073 |
1 609 |
907 |
44 |
117 |
12,90 | ||||||
en % |
5,46 |
- 14,02 |
24,83 |
- 6,01 |
- 75,42 |
- 23,03 |
|||||||
1992 |
2 678 |
1 380 |
1 277 |
852 |
180 |
130 |
15,29 | ||||||
en % |
- 25,97 |
28,61 |
- 20,63 |
- 6,28 |
309,10 |
11,11 |
|||||||
1993 |
2 199 |
1 417 |
1 042 |
919 |
179 |
132 |
14,36 | ||||||
en % |
- 17,89 |
2,68 |
- 18,40 |
8,12 |
- 0,56 |
1,54 |
|||||||
1994 |
2 398 |
1 193 |
989 |
1 018 |
137 |
166 |
16,31 | ||||||
en % |
9,05 |
- 15,81 |
- 5,09 |
10,77 |
- 23,46 |
25,76 |
|||||||
1995 |
3 451 |
2 109 |
1 554 |
1 539 |
206 |
219 |
14,23 | ||||||
en % |
43,91 |
76,78 |
57,13 |
51,18 |
50,36 |
31,93 |
|||||||
1996 |
3 845 |
2 278 |
1 646 |
1 743 |
165 |
196 |
11,24 | ||||||
en % |
11,42 |
8,01 |
5,92 |
13,26 |
- 19,90 |
- 10,50 |
|||||||
1997 |
4 129 |
2 358 |
1 848 |
1 923 |
142 |
210 |
10,92 | ||||||
en % |
7,39 |
3,51 |
12,27 |
10,33 |
- 13,94 |
7,14 |
|||||||
1998 |
4 612 |
2 381 |
1 709 |
2 243 |
104 |
376 |
16,76 | ||||||
en % |
11,70 |
0,98 |
- 7,52 |
16,64 |
- 26,76 |
79,05 |
|||||||
1999 |
4 820 |
2 707 |
1 686 |
2 375 |
139 |
455 |
19,16 | ||||||
en % |
4,51 |
13,69 |
- 1,35 |
5,88 |
33,65 |
21,01 |
|||||||
2000 |
4 738 |
2 326 |
1 506 |
2 090 |
137 |
349 |
16,70 | ||||||
en % |
- 1,70 |
- 14,07 |
- 10,68 |
- 12,00 |
- 1,44 |
- 23,30 |
|||||||
2001 |
6 977 |
2 747 |
3 124 |
2 514 |
123 |
588 |
23,39 | ||||||
en % |
47,26 |
18,10 |
107,44 |
20,29 |
- 10,22 |
68,48 |
|||||||
% 1991-2001 |
95,21 |
156,01 |
94,16 |
177,18 |
179,54 |
402,56 |
|||||||
Source : ministère de l'outre-mer. |
En Polynésie, la délinquance a diminué globalement de 17,96 % de1997 à 2001, les crimes et délits constatés passant de 10 134 à 8 314. Cependant, en 2001, la délinquance a progressé de 2,85 %. Si la grande criminalité ou la criminalité organisée demeurent quasi inexistantes en Polynésie française, les infractions les plus courantes restent majoritairement liées aux délits d'appropriation, aux affaires de stupéfiants et aux atteintes aux personnes. On assiste à une importante augmentation de la délinquance sur la voie publique et des vols avec violence. La délinquance des mineurs devient par ailleurs un sujet de préoccupation majeur. Les tableaux ci-après présentent l'évolution de la délinquance et de la criminalité.
ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ ET DE LA DÉLINQUANCE
EN POLYNÉSIE FRANÇAISE DE 1997 À 2001
POLICE |
GENDARMERIE |
TOTAL | ||||||||||||||||
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Evol. 00- 01 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Evol. 00- 01 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Evol. 00- 01 | |
Total des faits |
3441 |
2851 |
2780 |
2711 |
3338 |
23,13% |
7535 |
6619 |
5959 |
5376 |
5615 |
4,45% |
10976 |
9470 |
8739 |
8087 |
8953 |
10,71% |
Délinquance de |
1775 |
1278 |
1056 |
1048 |
2040 |
94,66% |
2236 |
1823 |
1718 |
1611 |
1508 |
-6,39% |
4011 |
3101 |
2774 |
2659 |
3548 |
19,95% |
Source : ministère de l'outre-mer. |
- 71 -
ÉVOLUTION DE LA DÉLINQUANCE ET DE LA CRIMINALITÉ CONSTATÉE PAR LA POLICE NATIONALE
SUR SA SEULE ZONE DE COMPÉTENCE (PAPEETE) ET HORS STATISTIQUES DE LA POLICE DE L'AIR ET DES FRONTIÈRES
Total des faits |
Délinquance de voie publique |
Faits élucidés |
Personnes mises en cause |
Personnes écrouées |
Mineurs mis en cause |
% mineurs | |||||||
1991 |
1935 |
1 036 |
441 |
400 |
30 |
60 |
15,00 | ||||||
en % |
7,38 |
17,73 |
45,08 |
- 31,15 |
- 21,05 |
- 24,05 |
|||||||
1992 |
2 015 |
1 174 |
432 |
430 |
3 |
90 |
20,93 | ||||||
en % |
4,13 |
13,32 |
- 2,04 |
7,50 |
- 90,00 |
50,00 |
|||||||
1993 |
2 647 |
1 769 |
705 |
687 |
16 |
151 |
21,98 | ||||||
en % |
31,36 |
50,68 |
63,19 |
59,77 |
433,30 |
67,78 |
|||||||
1994 |
3 026 |
1 826 |
746 |
733 |
19 |
96 |
13,10 | ||||||
en % |
14,32 |
3,22 |
5,82 |
6,70 |
18,75 |
- 36,42 |
|||||||
1995 |
3 586 |
2 098 |
932 |
869 |
33 |
150 |
17,26 | ||||||
en % |
18,51 |
14,90 |
24,93 |
18,35 |
73,68 |
56,25 |
|||||||
1996 |
3 551 |
2 224 |
932 |
906 |
42 |
90 |
9,93 | ||||||
en % |
0,98 |
6,01 |
0,00 |
4,26 |
27,27 |
- 40,00 |
|||||||
1997 |
3 441 |
1 775 |
748 |
750 |
11 |
104 |
13,87 | ||||||
en % |
- 3,10 |
- 20,19 |
- 19,74 |
- 17,22 |
- 73,81 |
15,56 |
|||||||
1998 |
2 849 |
1 278 |
612 |
642 |
19 |
102 |
15,89 | ||||||
en % |
- 17,20 |
- 28,00 |
- 18,18 |
- 14,40 |
72,73 |
- 1,92 |
|||||||
1999 |
2 780 |
1 056 |
806 |
757 |
21 |
94 |
12,42 | ||||||
en % |
- 2,42 |
- 13,37 |
31,70 |
17,91 |
10,53 |
- 7,84 |
|||||||
2000 |
2 708 |
1 048 |
513 |
525 |
15 |
89 |
16,95 | ||||||
en % |
- 2,59 |
- 0,76 |
- 36,35 |
- 30,65 |
- 28,57 |
- 5,32 |
|||||||
2001 |
3 329 |
1 803 |
682 |
809 |
14 |
201 |
24,85 | ||||||
en % |
22,93 |
35,97 |
32,94 |
54,10 |
- 6,67 |
125,84 |
|||||||
% 1991-2001 |
72,04 |
74,03 |
54,65 |
102,25 |
- 53,30 |
235 |
|||||||
Source : ministère de l'outre-mer. |
Pour faire face à l'évolution de la délinquance, l'État doit d'abord maintenir ses effectifs de police et de gendarmerie. Les effectifs de la police ont progressé depuis 1997 : le ratio policier/habitant est très favorable en Nouvelle-Calédonie, où il atteint 1 policier pour 256 habitants, comme en Polynésie française où il est de 1 policier pour 185, alors qu'il se situe à 1 policier pour 441 habitants en métropole.
SITUATION DES EFFECTIFS DANS LES TOM ET EN NOUVELLE-CALÉDONIE | ||||||||||||||||||||
6 |
65 |
307 |
378 |
18 |
66 |
462 |
332 |
204 019 |
77 453 |
1/233 | ||||||||||
Polynésie-Française |
4 |
31 |
135 |
170 |
20 |
35 |
225 |
157 |
224 300 |
25 932 |
1/165 | |||||||||
Wallis-et-Futuna |
2 |
2 |
2 (2) |
0 |
14 166 |
0 |
0 | |||||||||||||
Source : ministère de l'outre-mer. |
Le ratio effectifs de police/population en France métropolitaine 1/441.
- 73 -
Les effectifs de la gendarmerie nationale sont restés stables. Le ratio gendarmes par habitant est plus faible en Polynésie (1 gendarme pour 1 169 habitants) qu'en Nouvelle-Calédonie (1 gendarme pour 543 habitants). Il convient de souligner que l'un des deux escadrons de gendarmerie mobile de Polynésie a été affecté en Nouvelle-Calédonie pour faire face aux émeutes de Saint-Louis.
FORCE MILITAIRES STATIONNÉES DANS LES TERRITOIRES D'OUTRE-MER
ET EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Polynésie française |
Nouvelle-Calédonie |
Wallis et Futuna | ||||
Population |
227 800 |
209 448 |
14 166 | |||
Effectifs |
Ratio |
Effectifs |
Ratio |
Effectifs |
Ratio | |
Gendarmerie Départ |
380 |
599 |
424 |
494 |
11 |
1 288 |
Gendarmerie Mobile |
75 |
3 037 |
375 |
559 |
||
Total |
455 |
501 |
799 |
262 |
11 |
1 288 |
Source : ministère de l'outre-mer. |
Le Gouvernement s'est montré soucieux de transposer le plus rapidement possible aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie sa politique de sécurité. La mise en place des groupements d'intervention régionaux (GIR), sous une forme adaptée aux spécificités de ces territoires, est intervenue rapidement. Un décret devrait transposer bientôt les dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance, prévus par le décret n° 2002-999 du 17 juillet 2002. En outre, il importe de souligner que le Gouvernement souhaite rendre applicable à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux îles Wallis-et-Futuna la plus grande partie des dispositions du projet de loi relatif à la sécurité intérieur présenté en Conseil des ministres le 23 octobre dernier
Du fait de leur situation géographique, les départements français d'Amérique sont confrontés de manière structurelle au problème du trafic de stupéfiants. Sans doute, par comparaison avec les pays environnants, sont-ils relativement épargnés par le phénomène : leur développement économique les rend ainsi moins fragiles que Sainte-Lucie ou Saint-Vincent, par exemple, au narcotrafic, de même que le dispositif juridique et répressif français en fait des territoires moins attractifs que les zones sous influence hollandaise notamment, où des trafiquants notoires font fructifier leur activité, parfois dans l'indifférence absolue des pouvoirs publics locaux.
Reste que les évolutions récentes dans l'organisation du trafic international de stupéfiants ne sont pas sans rejaillir sur ces départements. L'échec aujourd'hui avéré des programmes de destruction ou de substitution des cultures en Colombie, cumulé à la déforestation et à la démilitarisation de certaines zones, ne fait qu'accroître les surfaces disponibles pour la culture de la coca. Par ailleurs, d'après les organismes internationaux spécialisés dans l'étude du narcotrafic, l'implication de pays d'Amérique du Sud dans la production d'héroïne ne cesse de croître, à telle enseigne que 60 % de l'héroïne consommée sur le territoire des États-Unis provient aujourd'hui des nouveaux pays producteurs en Amérique du Sud. Même s'il semble que, à ce jour, les trafics aient plutôt suivi les voies terrestres, les experts sont unanimes pour considérer que le succès du lancement commercial de l'héroïne sud-américaine, considérée comme d'excellente qualité, devrait conduire les trafiquants à utiliser les réseaux déjà existants dans la zone caraïbe pour le trafic de cocaïne. Enfin, c'est peut-être concernant l'ecstasy que l'évolution sur la zone est la plus nouvelle et la plus rapide. Le Mexique et Saint-Domingue apparaissent comme les principales portes d'entrée du produit sur le marché américain qui est en pleine explosion. Selon INTERPOL, les douanes américaines auraient saisi en 2000 une quantité globale d'environ huit millions de cachets. Plusieurs saisies récentes à Porto Rico et en Guadeloupe de produits en provenance directe des Pays-Bas montrent que ces filières se développent à une extrême rapidité sans emprunter nécessairement les voies habituelles du trafic.
Les opérations de saisie récentes confirment la perméabilité des départements français d'Amérique : les statistiques de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) de 1990 à 2000 montrent que les plus grosses saisies de cocaïne chiffrable en tonnes et opérées durant cette période en métropole provenaient des Antilles et de la Guyane. En 2001, le niveau des saisies est resté soutenu.
SAISIES DE STUPÉFIANTS OPÉRÉES DANS LES DOM EN 2001
Cannabis |
Cocaïne |
Crack | ||||||||||
Guadeloupe |
751 kg |
5,5 kg |
0,85 kg |
|||||||||
Martinique |
160 kg |
3,6 kg |
0,915 kg | |||||||||
Guyane |
105 kg |
42,2 kg |
0,26 kg |
|||||||||
TOTAL |
1 016 kg |
51,3 kg |
2,025 kg | |||||||||
Source : ministère de l'outre-mer. |
C'est, semble-t-il, en Guyane que la situation est la plus évolutive. Les données nouvelles dont l'OCRTIS dispose aujourd'hui confirment le rôle de la Guyane comme point de passage important de la drogue vers l'Europe, mais également comme lieu de consommation en pleine expansion. Jusqu'en 1984-1986, la consommation des drogues illicites en Guyane restait anecdotique et d'usage restreint ; les chiffres du trafic y étaient faibles. Le problème a changé de nature, notamment avec le développement d'une immigration clandestine massive d'une part, et le lancement de l'héroïne sud-américaine évoqué ci-dessus. Il semble, en effet, que la Guyane ait été ciblée à la fois comme point de transit et comme marché de consommation locale.
S'agissant du cas guyanais, nos partenaires de coopération dans la région se sont régulièrement étonnés de ce qu'ils estiment être un manque d'intérêt accordé par la France au trafic de drogue en Guyane. Les services compétents reconnaissent qu'ils ont été surpris par l'ampleur et la complexité récemment acquise par le phénomène. Néanmoins, les moyens mis en place par l'État français sont loin d'être négligeables :
-- l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) dispose, au plus près des zones de production et de transit, d'officiers de liaison spécialisés « drogue », basés à Bogota en Colombie, à Caracas au Venezuela, à Miami et à Key West aux Etats-Unis, à Porto Rico et au Brésil ;
-- par ailleurs, le service régional de police judiciaire, dont l'état-major est situé à Pointe-à-Pitre, dispose de trois antennes opérationnelles à Saint-Martin, à Fort-de-France et à Cayenne. Les autres services de la police nationale, les forces de la gendarmerie nationale et de la douane complètent les structures répressives chargées de la lutte contre le trafic des stupéfiants ;
-- en outre, la coopération maritime organisée par la circulaire interministérielle du 5 mai 1997 a mis en place des structures anti-drogue régionales spécifiques aux Antilles-Guyane ;
-- la coopération internationale s'articule également autour de la coopération opérationnelle avec les Etats-Unis (Joint Interagency Task Force East) de Key West en Floride, du réseau Interpol, des attachés de police du service de coopération technique internationale de police (SCTIP), du centre interministériel de formation anti-drogue (CIFAD) et de TRACFIN ; elle mobilise également de multiples organisations et enceintes internationales auxquelles la France participe.
S'agissant des moyens techniques, des dispositifs conséquents de surveillance des secteurs de souveraineté maritime éloignés, ainsi que des espaces côtiers proches, ont été mis en place. La Marine nationale déploie en permanence, au titre de ces missions, une frégate équipée d'un hélicoptère de recherche et deux patrouilleurs de haute mer. Un avion de patrouille maritime (Guardian) a, par ailleurs, été affecté en Martinique au cours de second semestre 2001. Les douanes disposent également d'un avion de recherche spécialisé ainsi que de deux unités adaptées aux patrouilles de longue durée. La gendarmerie nationale et la police aux frontières entretiennent des bateaux permettant de réaliser des interceptions dans les eaux nationales. Enfin, la marine nationale va procéder au déploiement d'un remorqueur de haute mer à Fort-de-France, afin de compléter son dispositif d'intervention.
D'aucuns ont pu regretter que ces moyens importants n'aient peut-être pas été utilisés, à ce jour, à leur pleine valeur et que les services impliqués manquent de synergie au quotidien. Par ailleurs, les moyens français maritimes et aéromaritimes affectés en permanence aux Antilles, relativement conséquents et performants, ne sont, dans les faits, que très peu disponibles pour une action coordonnée. Ce problème, commun à l'ensemble des matériels militaires, devrait rapidement trouver une solution avec l'effort budgétaire sans précédent en faveur de l'entretien des équipements des armées.
Les développements qui précèdent sur la délinquance et le trafic de stupéfiants dans les DOM font apparaître en filigrane la question de l'immigration clandestine. De fait, le développement de l'immigration clandestine en Guyane, à Mayotte et à Saint-Martin constitue sans conteste un enjeu important sur le plan de la sécurité outre-mer. C'est pourquoi le Gouvernement est décidé à mettre un terme à la dérive constatée au cours des dernières années.
D'ores et déjà, la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (LOPSI) a posé les jalons d'une action déterminée. La qualité du contrôle aux frontières s'est notoirement accrue dans ces zones géographiques. Des efforts opérationnels supplémentaires doivent cependant être accomplis par les services concernés. C'est notamment ce que souligne l'annexe II de la LOPSI qui précise que « certaines frontières particulièrement sensibles, notamment le tunnel trans-Manche et la frontière guyanaise, exigent des renforts urgents ». Sur le plan international, rappelons que les efforts diplomatiques s'étaient traduits par l'entrée en vigueur, le 24 août 2001, d'un accord de réadmission franco-brésilien et par la négociation d'accords similaires avec le Surinam, le Guyana, Sainte-Lucie et la Dominique.
A Mayotte, c'est un double effort qui a été accompli en vue de limiter un phénomène incompatible à terme avec un réel développement de la collectivité. Ainsi, sur le plan juridique, l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, réalise un progrès considérable par rapport à l'état du droit antérieur, en instaurant, dans le respect des droits fondamentaux des individus, un régime dotant les pouvoirs publics des moyens juridiques nécessaires à une action efficace en matière de régulation des flux migratoires. Sur le plan technique, ce renforcement des moyens juridiques de lutte contre l'immigration clandestine s'accompagne, depuis décembre 2001, d'une amélioration sensible des moyens de lutte contre les faux papiers. Le logiciel DELPHINE de délivrance de passeports sécurisés a été installé avec succès au début du mois de décembre 2001 et le premier passeport sécurisé a été délivré par le préfet le mardi 4 décembre 2001.
S'agissant plus particulièrement des moyens mis à la disposition de la police aux frontières (PAF), un premier plan - dit « plan Lagon » - avait été mis en _uvre à partir de la fin de l'année 1999. Il comportait notamment l'installation d'un radar mobile destiné à identifier les bateaux de clandestins en approche. Ce plan s'est toutefois soldé par un échec, faute pour les autorités de l'époque d'avoir pris toute la mesure du phénomène et d'avoir su coordonner l'ensemble des services de l'État engagés dans ce type d'intervention. Par conséquent, dès le mois d'août 2002, des dispositions nouvelles ont été retenues, qui entreront en vigueur dès le début de l'année 2003 :
-- Désormais, c'est à la police aux frontières (PAF) que revient la totalité des missions de lutte contre l'immigration clandestine (y compris en mer). Dotée de deux vedettes rapides adaptées aux spécificités de la navigation dans le lagon (soit un engagement d'un million d'euros), la PAF se verra renforcée par l'adjonction de trente fonctionnaires supplémentaires, en deux étapes, de même qu'est créée une unité spécialisée dans les aspects judiciaires de cette mission (rédaction des procédures de reconduite à la frontière, mise en _uvre des enquêtes visant à démanteler les filières clandestines et répression du travail illégal).
-- Par ailleurs, les moyens humains de la gendarmerie nationale sont également renforcés, de manière à renforcer le ratio gendarme/habitant à Mayotte.
-- Les capacités de détections radar mises en place en 2000 vont être modernisées, grâce à l'installation d'un dispositif de détection fixe, installé sur la partie nord de l'archipel, tout comme les moyens nautiques actuellement employés par le service des douanes (une embarcation neuve devrait être opérationnelle au début de l'année 2003).
-- Enfin, les pouvoirs publics ont affirmé leur détermination à assurer une véritable coordination des services de l'État concourant aux missions de souveraineté en mer.
Longtemps marqué par une ambiguïté très inconfortable, le statut des DOM dans l'Union européenne est aujourd'hui clarifié. Le traité d'Amsterdam, en son article 299 § 2, a, en effet, permis de mettre fin à l'incertitude née du traité de Rome. Les DOM disposent désormais d'une place à part entière dans l'Union européenne, qui reconnaît sept régions ultrapériphériques : la Réunion, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Madère, les Açores et les Canaries. Pour le dire autrement, l'Union européenne a inscrit, dans ses textes fondateurs, ses nouvelles frontières dans la zone caraïbe, en Amérique du Sud ou dans l'Océan Indien.
Ainsi, le principe d'adaptation est désormais étendu à l'ensemble des dispositions d'ordre communautaire, sans qu'il y ait de distinction entre les mesures directement applicables et celles d'application différée, comme c'était le cas dans la rédaction initiale du traité de Rome.
La clarification de la place de l'outre-mer dans l'édifice européen dépasse de loin les seuls enjeux juridiques qui viennent d'être évoqués : avec la reconnaissance de leur statut de région ultrapériphérique, les collectivités précitées, qui font partie de la zone euro (), se voient donner des moyens supplémentaires d'une relance profonde de leur développement économique et social. Pour rappeler brièvement les enjeux financiers en cause, ce sont au total, pour la période 2000 - 2006, plus de 7 milliards d'euros en provenance de l'Union européenne qui devraient être versés aux quatre DOM, conformément aux documents uniques de programmation (DOCUP) approuvés par la Commission au dernier trimestre de l'année 2000.
LES DOTATIONS EUROPÉENNES EN FAVEUR DES DOM
Région |
Date d'approbation du DOCUP |
Dotation globale du DOCUP |
Dont dotation au titre des fonds structurels | |
Guadeloupe |
23/11/2000 |
1 986,388 |
808,545 | |
Guyane |
29/12/2000 |
730,448 |
370,582 | |
Martinique |
21/12/2000 |
1 681,224 |
673,783 | |
Réunion |
30/10/2000 |
2 878,203 |
1 516,003 | |
TOTAL |
7 276,263 |
3 368,913 |
||
Source : ministère de l'outre-mer. |
C'est d'ailleurs au nom de ces enjeux de premier plan pour le développement économique des DOM que le Président de la République a très clairement posé l'article 299 § 2 du traité d'Amsterdam comme l'une des quatre limites, avec l'unité et l'indivisibilité de la République, le respect de ses principes fondamentaux et la consultation des populations concernées, que les évolutions institutionnelles probables de certains DOM ne pourront pas franchir. Tel est le rappel solennel qu'il a adressé aux élus de l'outre-mer, le 6 avril 2002, lors de son déplacement à la Martinique : « l'évolution de chaque collectivité ne peut remettre en cause son appartenance à l'Europe. L'article 299-2 du Traité d'Amsterdam, qui vous a donné le statut de région ultrapériphérique, de même que votre intégration réussie dans la zone euro ont renforcé votre dimension européenne. En vous éloignant de l'Europe, on irait à l'encontre du but recherché : donner à chaque collectivité les meilleures chances, lui ouvrir les plus larges perspectives d'avenir ».
Cet acquis récent ne saurait non plus se voir remis en cause par l'élargissement de l'Union européenne. En effet, dans une Union européenne à vingt-sept, le territoire européen augmenterait de 35%, la population de 30% et le PIB de seulement 7 %. On aboutirait ainsi, par exemple, à un quasi-doublement de l'écart entre la région la plus riche et la région la plus pauvre. Dans ce cadre, il est essentiel que les régions d'outre-mer gardent le bénéfice des fonds européens et restent éligibles à l'objectif 1 qui les régissent, à savoir « le développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement ». Le Président de la République s'y est solennellement engagé pendant la campagne présidentielle.
Dans cette perspective, le Premier ministre a confié une mission à M. Jean-Paul Virapoullé, sénateur de la Réunion, en vue du mémorandum commun que les sept régions ultrapériphériques de l'Union (Canaries, Madère, Açores, Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion) doivent remettre à la Commission européenne, présentant leurs propositions pour approfondir la mise en _uvre de l'article 299 § 2 du traité. Celles-ci s'inscriront dans le cadre du rapport que la Commission doit présenter prochainement sur les régions ultrapériphériques de l'Union, ainsi que l'y a invitée le Conseil européen de Séville.
En réalité, l'un des principaux objectifs de cette mission est de convaincre nos partenaires européens de ne pas s'en tenir à l'argument statistique, fondé sur la comparaison du PIB régional avec la moyenne communautaire. Nos partenaires doivent, en effet, comprendre la nature spécifique des handicaps des DOM, liés à leur éloignement du reste du territoire communautaire ou à leur isolement au sein d'un environnement géographique constitué souvent d'États ou d'entités souffrant d'un fort retard de développement. L'erreur, en la matière, serait de confondre les handicaps des pays d'Europe centrale et orientale avec ceux, d'une toute autre nature, de l'outre-mer. C'est notamment au travers des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe, créée par le Conseil européen de Laeken, en décembre 2001, que cette pédagogie devra être instillée. Il semble toutefois qu'au stade actuel de ses travaux, les thèmes spécifiques aux DOM n'aient pas été directement évoqués
L'affirmation de la spécificité de l'outre-mer ne doit pas, toutefois, constituer l'ultima ratio du discours pédagogique que la France doit faire entendre à ses partenaires sur l'outre-mer. Il serait préjudiciable à l'intérêt même des collectivités d'outre-mer que leur relation avec l'Union européenne soit perçue comme étant à sens unique et comme un lien exclusivement financier, forcément déséquilibré.
Certes, comme l'a rappelé le Président de la République aux Réunionnais, le 18 mai 2001, « l'Union européenne contribue pour une part importante au développement économique et social de vos régions. D'abord en soutenant les productions essentielles que sont le sucre, le rhum et la banane, qui tiennent une place centrale dans vos économies. Ensuite, en apportant une aide adaptée aux difficultés spécifiques qui sont celles de l'outre-mer. Enfin en encourageant la diversification et la modernisation de vos économies ».
Mais il a également souligné combien « l'outre-mer est une richesse pour l'Europe ». Cette richesse, c'est, par exemple, celle qu'offre le centre spatial européen de Kourou, qui constitue sans doute le symbole le plus fort de cette relation à double sens : n'est-ce pas l'outre-mer qui ouvre l'espace à l'Europe ? Que dire encore de cet atout immense que représente le premier espace forestier européen qu'est la Guyane, en termes économiques certes, mais également au regard de la conscience environnementale des Européens ? En matière d'énergies renouvelables, la Guadeloupe se positionne comme un pôle de compétence reconnu sur le plan national, en Europe et dans la Caraïbe. Comment ne pas citer, enfin, le patrimoine culturel particulièrement riche que l'outre-mer apporte à l'Europe ? Le message universel d'Aimé Césaire ne s'inscrit-il pas au c_ur du projet européen ?
Encore faut-il, pour mettre en valeur cette richesse dans un cadre européen, que les collectivités d'outre-mer elles-mêmes tirent tout leur profit de leur situation géographique en développant une véritable coopération avec les États voisins.
Les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie, Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon appartiennent à la catégorie communautaire des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) et, à ce titre, ne font pas partie de l'Union européenne. Ils lui sont toutefois associés selon un régime spécifique, en application de la quatrième partie du Traité instituant la Communauté. Des décisions successives du Conseil, dites « décisions d'association », précisent et mettent en _uvre ce régime. Il est caractérisé par une coopération commerciale fondée sur le libre accès des produits originaires des PTOM au marché communautaire, une coopération financière reposant en particulier sur le fonds européen de développement, et la mise en _uvre réciproque des principes de libre établissement et de libre prestation de service.
Le tableau ci-après illustre la grande diversité des PTOM.
ANNÉE 2000
PTOM |
PNB par habitant |
population | ||||
Groenland |
18 453 |
56 124 |
||||
Nouvelle-Calédonie |
14 579 |
189 389 | ||||
Polynésie française |
14 548 |
214 500 |
||||
Wallis et Futuna |
1 700 |
14 100 | ||||
Mayotte |
688 |
125 483 |
||||
Saint-Pierre-et-Miquelon |
12 613 |
6 105 | ||||
Aruba |
22 231 |
95 201 |
||||
Antilles néerlandaises |
13 961 |
210 134 | ||||
îles Cayman |
28 092 |
39 335 |
||||
îles Falkland |
17 988 |
2 826 | ||||
îles Vierges britanniques |
39 436 |
19 500 |
||||
îles Turks et Caïcos |
8 829 |
17 502 | ||||
Anguilla |
8 754 |
12 400 |
||||
Montserrat |
11 369 |
3 600 | ||||
Sainte-Hélène |
2 293 |
7 145 |
||||
îles Pitcairn |
54 | |||||
Source : ministère de l'outre-mer. |
Depuis 1958, l'aide communautaire en faveur des PTOM se fait essentiellement à travers le fond européen de développement (FED), qui finance également des actions de développement dans les pays Afrique-Caraïbe-Pacifique (ACP). Le FED est alimenté par les contributions de tous les États membres selon une clef de répartition différente de celle du budget communautaire, qui traduit l'intérêt que porte chaque État à cette action de l'Union en faveur du développement. Les PTOM bénéficient également de prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI), d'aides du système de stabilisation des recettes d'exportation (STABEX), de facilités de financement spéciales pour les produits miniers (SYSMIN) et de l'aide humanitaire. Cependant, ils perçoivent dix fois moins de crédits que les DOM en reçoivent des fonds structurels.
Estimant notamment que le régime qui leur était accordé était trop proche de celui dont bénéficient les États ACP, les PTOM français ont souhaité que leurs relations avec l'Union européenne soient modernisées. Il faut dire que les conditions d'utilisation du FED n'ont guère été satisfaisantes. Sa gestion très centralisée, adaptée pour les pays en développement s'est révélée inadéquate pour les PTOM français, qui disposent de bonnes structures administratives.
Dans un mémorandum déposé en janvier 1997, la France a dénoncé la trop grande dépendance des PTOM à l'égard du FED qui, pour 98,7 % de son montant, concerne les États ACP, la lourdeur des procédures utilisées et le caractère trop limité du partenariat. Soucieuse d'affranchir les PTOM des mécanismes d'aides applicables aux pays ACP, elle a proposé la création d'un fonds spécifique en leur faveur. Par ailleurs, à l'initiative de la France, les chefs d'État et de Gouvernement ont adopté , en juin 1997, une déclaration (n° 36) demandant une réforme du régime d'association des PTOM, qui a été annexée à l'acte final du Traité d'Amsterdam.
Une nouvelle décision d'association des PTOM est entrée en vigueur le 2 décembre 2001 et sera applicable jusqu'au 31 décembre 2011. Elle donne, sur certains points, satisfaction à la France en tenant compte des grandes orientations mentionnées dans la déclaration n° 36 annexée à l'acte final du Traité d'Amsterdam. Afin de promouvoir plus efficacement le développement économique et social des PTOM, cette décision prévoit une aide renforcée pour les territoires les moins avancés. La répartition des crédits du IXe FED s'effectue par PTOM et non plus par État membre, sur la base de critères où le poids du PNB par habitant est déterminant, ce qui profite largement à Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon, et Wallis et Futuna. Par ailleurs, il est prévu que l'aide financière de l'Union s'applique dans de nouveaux domaines et porte aussi sur les secteurs du commerce et des services - dont les nouvelles technologies de l'information - afin d'aider les territoires concernés à s'adapter aux changements de l'économie mondiale. Les PTOM seront enfin éligibles à un nombre élargi de programmes communautaires.
La nouvelle décision d'association entend approfondir les relations économiques entre les PTOM et l'Union européenne. Les produits de ces territoires continueront de bénéficier du libre accès au marché communautaire. La pratique du transbordement n'est pas totalement remise en cause, mais sera cependant soumise à autorisation de la Commission européenne. Enfin, la perspective d'une intégration de certains PTOM dans leur environnement régional et le développement des échanges avec les pays voisins est prévue dans l'exposé des motifs de la nouvelle décision d'association, mais il sera tenu compte de l'intérêt économique de chacun des PTOM et de l'évolution du régime commercial entre la Communauté européenne et les ACP. Reconnaissant la spécificité des PTOM, la décision d'association accepte que ceux-ci puissent donner une préférence à l'emploi et aux productions locales, à condition que tous les États membres soient placés sur un pied d'égalité. Enfin, pour améliorer la gestion du FED, les crédits seront accordés dans le cadre de documents uniques de programmation, comme pour les fonds structurels.
La répartition des crédits du IXe FED, qui figure dans la nouvelle décision d'association du 27 novembre 2001, est plus favorable aux PTOM français que ne l'était celle du VIIIe FED. De 1996 à 2000, ces derniers ont bénéficié de 32 % des crédits alloués par le FED à l'ensemble des PTOM ; pour la période allant du 1er mars 2000 au 28 février 2005, ils en percevront 37 %.
Le tableau ci-après récapitule la répartition des crédits du FED :
(en millions d'euros)
VIIIe FED (1996-2000) |
IXe FED (2000-2005) | |
Nouvelle-Calédonie |
15.8 |
13,75 |
Polynésie française |
14.1 |
13,25 |
Wallis et Futuna |
6.4 |
11.5 |
Mayotte |
10 |
15.2 |
St Pierre et Miquelon |
4 |
12.4 |
Antilles néerlandaises |
26.6 |
20 |
Falklands Islands |
0 |
3 |
Turks and Caicos |
2.2 |
8.4 |
Anguilla |
1.8 |
8 |
Montserrat |
8 |
11 |
Saint Helena and dependencies |
5.8 |
8.6 |
Pitcairn |
0.4 |
2 |
Aruba |
8.9 |
0 |
Iles vierges britanniques |
1 |
0 |
Total |
105.0 |
127,1 |
Source : ministère de l'outre-mer. |
Si la décision d'association du 27 novembre 2001 apporte des améliorations notables au régime d'association des PTOM, on peut cependant regretter que l'Union européenne n'ait pas choisi, comme l'y invitait la France, de créer un fonds spécial pour ces territoires. La Commission européenne estime que cette question devra être examinée à nouveau après l'élargissement. Comme pour les départements d'outre-mer, la France devra rester vigilante pour que les intérêts spécifiques de ces territoires continuent d'être pris en compte.
Les évolutions institutionnelles préfigurées par le projet de loi constitutionnelle actuellement en cours d'examen au Sénat reposent sur un pacte de confiance et de respect entre l'État et les collectivités locales. Or, comme l'a rappelé le Président de la République le 6 avril 2002, lors d'un déplacement à la Guadeloupe, cette confiance ne doit pas seulement s'exercer dans le dialogue bilatéral entre la métropole et les collectivités d'outre-mer, mais a également vocation à trouver son champ d'application dans les relations avec les tiers. M. Jacques Chirac a clairement exprimé le souhait que « les élus d'outre-mer puissent s'exprimer au nom de la France et signer des accords de coopération régionale engageant notre pays, que ce soit dans l'Atlantique, dans l'océan Indien ou dans le Pacifique », soulignant qu'il s'agissait à d'« une question de bon sens : la France ne peut pas trouver de meilleurs représentants pour défendre ses intérêts que des élus réellement au fait des réalités locales ».
C'est en vertu de cette confiance qu'en mars 2000, il y a déjà deux ans, le Président de la République a réuni, en Guadeloupe, un sommet des chefs d'État et de Gouvernement de la Caraïbe, auquel les élus des trois départements d'Amérique ont été pleinement associés. C'est encore guidé par cette conviction qu'il s'est fait représenter par les exécutifs de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane au sommet des chefs État de l'Association des États de la Caraïbe (AEC), qui s'est tenu au Venezuela en décembre 2001.
Il existe toutefois une ligne rouge que le Président de la République a clairement tracée et qui restera valide en cas d'évolution institutionnelle permise par le nouveau cadre constitutionnel, si, comme on peut l'espérer, le projet de loi constitutionnelle précité est définitivement adopté. Ainsi, lorsque le précédent gouvernement a prétendu que la France n'avait plus sa place dans l'AEC et que la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane devaient y siéger comme des États indépendants, le Président de la République a vigoureusement refusé cette dérive, pour les raisons qu'il a expliquées le 6 avril dernier : « Je m'y suis opposé parce que cette façon de faire était contraire au Traité ratifié par le Parlement, qui prévoit que la France est membre de l'Association des États de la Caraïbe. Je m'y suis opposé parce qu'elle était contraire à l'unité de la République. Je m'y suis opposé parce qu'elle assignait aux élus d'outre-mer un rôle réducteur, en refusant qu'ils puissent parler au nom de la France. Je m'y suis opposé enfin parce que c'était ne pas reconnaître aux élus d'outre-mer leur sens aigu des responsabilités et leur capacité de représenter dignement notre pays. J'y ai vu là un manque de respect et de confiance à leur égard ».
De fait, c'est une politique de coopération régionale trop souvent à géométrie variable qui a été menée au cours de la législature précédente : pourquoi, à la Commission de l'océan Indien, le gouvernement de M. Lionel Jospin persistait-il à faire représenter la France par le préfet de La Réunion, alors que dans la Caraïbe, il estimait que la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, devraient être traités comme des États indépendants ? Désormais, la ligne directrice est sans ambiguïté : lors de ce même discours à la Guadeloupe, le Président de la République a souhaité que ce soit les élus d'outre-mer qui conduisent les délégations françaises dans toutes les organisations internationales de coopération régionale. La jurisprudence du Conseil constitutionnel s'était d'ailleurs favorablement prononcée en ce sens, en estimant que, dans les cas où les présidents des conseils départementaux ou régionaux d'outre-mer étaient, conformément aux dispositions de la loi d'orientation du 13 décembre 2000, habilités par les autorités de la République à négocier et à signer des accords internationaux, ils « agissent comme représentants de l'État » (décision n° 2000-435 DC du 7 décembre 2000).
En la matière, la seule et vraie réforme qui doit être menée concerne la préparation de ces réunions. Ce doit être, en effet, une exigence pour les services de l'État de se mettre réellement à la disposition des élus, qui doivent être impérativement et systématiquement consultés de façon approfondie, avant l'élaboration de toute position française à défendre dans ces enceintes régionales. Il n'est pas nécessaire pour y parvenir d'adopter de nouveaux dispositifs juridiques : c'est une simple question de volonté politique.
Or, nous y avons tout intérêt, tant les enjeux d'une véritable insertion des collectivités d'outre-mer dans leur environnement régional sont importants. Qu'il y ait une communauté de destin entre la métropole et les collectivités d'outre-mer ne saurait, en effet, gommer cette autre évidence : l'existence d'une communauté d'intérêts entre ces mêmes collectivités et leurs voisins étrangers.
Ainsi, la Guyane, pour prendre cet exemple particulièrement significatif, partage de nombreux intérêts avec le Brésil et le Surinam, dans un objectif commun : le développement.
Ainsi, alors que les autorités fédérales brésiliennes ont longtemps considéré avec suspicion le thème de la coopération transfrontalière, dont les acteurs naturels sont les collectivités locales de Guyane d'une part et l'État fédéré d'Amapa de l'autre, force est de constater, aujourd'hui, que le développement des projets concrets de coopération et le renforcement général de nos relations avec le Brésil ont radicalement modifié cette attitude. Les troisièmes consultations franco-brésiliennes en matière de coopération transfrontalière, créées par l'accord-cadre du 28 mai 1996, se sont tenues à Macapa (Brésil) en janvier 2002. Elles ont permis de constater à nouveau l'excellence des relations franco-brésiliennes (et particulièrement entre la Guyane et l'Amapa) en termes de coopération régionale et de relancer celle-ci dans des secteurs importants tels que la santé, la sécurité, la circulation transfrontalière, l'environnement ou l'éducation et la culture.
Pour revenir sur les problèmes d'immigration clandestine dont votre rapporteur a déjà souligné le caractère préoccupant dans certains DOM, l'intérêt de la France est bien qu'existe une véritable coopération entre les DOM les plus concernés et leurs voisins. Sans cette coopération avec le Surinam, l'action des pouvoirs publics pour reconduire à la frontière les nombreux surinamiens attirés par cet eldorado que représente la Guyane s'apparente au travail de Sisyphe. De fait, les contrôles sur le Maroni, entre le Surinam et la Guyane, ne permettent pas à l'heure actuelle de maîtriser les trafics entre nos deux pays. Cette absence de sécurisation de la frontière entraîne principalement trois types de dysfonctionnements : d'importants trafics en matière de marchandises (essence, stupéfiants, biens de consommation...), l'absence de maîtrise des flux humains et la prolifération des activités liées à l'orpaillage - lesquelles ont des conséquences sur la Guyane en termes d'ordre public (conflits ou rixes liées au trafic de l'or) mais également en termes d'atteinte à l'environnement (pollution au mercure, déboisement...).
Seule une action à la source est de nature à résoudre ces difficultés : or, celle-ci passe nécessairement par une coopération accrue avec le Surinam. Deux principaux facteurs pénalisent le Surinam : les lacunes juridiques et le manque de moyens. Au plan juridique, le Surinam ne dispose ni d'un droit minier, ni d'un droit de l'environnement lui permettant de lutter efficacement, par exemple contre les problèmes d'orpaillage. Le BRGM a, par conséquent, proposé son aide à la rédaction d'un code minier permettant au Surinam de se doter d'une législation moderne en la matière. La France pourrait également apporter son aide pour doter le Surinam d'un droit de l'environnement adapté à ses besoins. Pour pallier la faiblesse des moyens surinamiens, la France essaie, par ailleurs, de faire progresser l'idée de patrouilles conjointes sur le fleuve Maroni, la frontière sur le fleuve n'étant pas fixée entre le Surinam et la Guyane. En outre, il existe un projet de réfection de la caserne d'Albina par les militaires français, qui permettrait de doter le Surinam d'une base avancée pour mener des opérations de sécurisation sur le Maroni. Ce projet s'accompagne d'un programme de fourniture de matériel (bottes, uniformes...). Enfin, le projet « Police, douanes, justice », financé sur trois ans par le fonds de solidarité prioritaire, est actuellement en cours de réalisation.
Cette obligation de la coopération régionale vaut tout autant dans l'océan Indien, en dépit d'un isolement géographique apparemment plus important. Pour prendre le seul exemple de la Réunion, la France ne gagnerait-elle pas à jouer plus systématiquement la carte réunionnaise dans sa politique régionale dans l'océan Indien ? Par exemple, à l'heure où notre pays est engagé dans la lutte contre le terrorisme international, la synthèse réunionnaise est là pour rappeler que la Réunion représente un symbole et, malheureusement, une exception dans un environnement régional traversé par de fortes tensions (Comores, Maurice, Madagascar, Inde, Pakistan). A cet égard, il n'est pas inutile de savoir que 600 étudiants comoriens étudient aujourd'hui à Khartoum, dans les écoles coraniques, et qu'un certain nombre se trouve en « formation » en Arabie saoudite. Sans nul doute serait-il préférable qu'ils soient accueillis dans le système d'éducation supérieur français à la Réunion...
Ce constat, qui vaut en matière culturelle, peut être étendu à d'autres secteurs, à commencer par le domaine économique. L'une des clés de la consolidation des économies des DOM réside dans l'accroissement des marchés à l'exportation de leurs produits. Or, la dépendance des DOM à l'égard de la métropole reste beaucoup trop forte, les importations en provenance de France métropolitaine demeurant largement majoritaire (environ 60 %), tandis que la France reste le premier marché à l'exportation dans la plupart des DOM.
Pour revenir au cas de la Réunion, la situation géographique de l'île est, à l'évidence, sous-utilisée. Votre rapporteur ne méconnaît pas les énormes progrès de la coopération régionale dans cette région. Et il s'en félicite : notamment, l'admission de la France en qualité de partenaire du dialogue au sein de l'association des Pays riverains de l'océan Indien pour la coopération régionale, née d'une idée lancée, en 1993, par l'Afrique du Sud et qui rassemble des États appartenant à des espaces géopolitiques différents (Australie, Asie du Sud-Est, sous-continent indien, Afrique australe et orientale). Mais précisément, ces développements politiques viennent plaider pour une meilleure intégration économique de l'île dans son environnement régional : la Réunion sera d'autant plus entendue dans cette association qu'elle se constituera en véritable pôle économique régional.
A cet égard, son rôle de port dans l'océan Indien, pourtant quasi-naturel pour qui se penche sur une carte, doit être développé. A la suite de la mission qu'il a effectuée à la Réunion en septembre 2002, votre rapporteur souhaiterait qu'une attention plus grande soit portée à cet outil potentiel de développement économique fantastique que représente l'infrastructure portuaire. Sans vouloir faire de la Réunion un nouveau Singapour, n'y a-t-il pas là, néanmoins, une marge de man_uvre négligée, d'autant que, dans ce domaine, l'inaction conduirait, non au statu quo, mais à la marginalisation, face à une Afrique du Sud particulièrement puissante ? Rappelons, en effet, que si les différents ports des îles du sud ouest de l'océan Indien sont de taille comparable (3,3 millions de tonnes pour la Réunion et 4 millions de tonnes pour Maurice), ils sont beaucoup plus petits que le port sud africain de Durban (30 millions de tonnes). Compte tenu du poids économique croissant de l'Afrique du Sud et de la tendance générale à la massification des flux dans le transport maritime, il existe un risque non négligeable que la Réunion, moins bien située sur les grandes routes maritimes actuelles, ne soit cantonnée au statut de port secondaire. Seul le développement d'un port d'éclatement serait de nature à contrer cette évolution, la construction de structures d'accueil de taille optimale et le niveau de qualité, et de prix, des services offerts représentant des facteurs clés de succès.
L'insertion des territoires d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie dans leur environnement régional est bien évidemment vitale pour assurer leur développement. Elle constitue également un atout pour la diplomatie française. Rappelons en effet que les micro-Etats du Pacifique disposent d'une voix égale à celle d'un grand pays au sein de l'Organisation des Nations Unies. Cette intégration régionale suppose une mobilisation des territoires comme de l'État, notamment grâce au fonds de coopération économique, sociale et culturelle pour le Pacifique Sud. Les statuts de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie donnent d'importantes prérogatives aux autorités locales pour développer la coopération régionale et il semble difficile d'aller plus loin sans remettre en cause le principe de l'indivisibilité de la République.
En Nouvelle-Calédonie, le Président du Gouvernement peut être autorisé par le Congrès à négocier et à signer des accords avec un ou plusieurs États, territoires ou organismes régionaux du Pacifique, et avec les organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations Unies, lorsque ces accords portent sur le domaine de compétence du territoire. Dans le domaine de compétence de l'État, le président du Gouvernement peut être associé à la signature de tels accords. Il peut même être autorisé par les autorités de la République à les signer lui-même. La Nouvelle-Calédonie peut, en outre, disposer d'une représentation auprès des États ou territoires du Pacifique, et être membre associé d'organisations internationales ou observateur auprès de celles-ci.
En Polynésie, les autorités locales disposent également d'importantes prérogatives pour assurer l'intégration régionale de leur territoire. Le Président du Gouvernement peut également être autorisé par les autorités de la République à négocier et à signer des accords internationaux dans la région Pacifique. Il doit, en outre, être obligatoirement associé aux négociations qui intéressent les domaines de compétence du territoire et peut négocier et signer des arrangements administratifs destinés à préciser des conventions internationales. Enfin, le Président du Gouvernement peut être autorisé par les autorités de la République à les représenter au sein des organismes régionaux ou internationaux du Pacifique.
La participation des territoires français du Pacifique aux organisations internationales régionales est assurée dans les principaux domaines de la coopération technique, culturelle, économique et scientifique ainsi que dans le secteur de la santé. C'est un atout pour la France et il convient de souligner que, grâce à la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna, notre pays est le seul État européen à avoir été admis dans le Conseil de coopération économique du Pacifique (PECC).
III. - LA NÉCESSITÉ D'UNE ACTION DE GRANDE ENVERGURE EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE : LE PROJET DE LOI PROGRAMME POUR L'OUTRE-MER
« Après l'égalité politique, après l'égalité sociale, mon objectif est d'atteindre l'égalité économique qui est avant tout une égalité des chances. Il s'agit de substituer une logique d'activité à une logique d'assistanat, autour d'un modèle de développement qui valorise les atouts de l'outre-mer, en particulier sa jeunesse et qui réduise ses handicaps, notamment ceux qui sont liés à l'éloignement. (...) Le chômage et l'inactivité ne sont nullement des fatalités outre-mer. L'expérience le montre : il est possible d'enregistrer des succès si l'on sait valoriser les atouts de vos régions, si l'on sait créer des instruments permettant de compenser leur isolement géographique et abaisser les coûts trop élevés du travail et du capital qui les pénalisent par rapport aux pays voisins ».
Comme l'a rappelé le Président de la République à la Guadeloupe le 12 avril 2002, le grand chantier à venir pour l'outre-mer s'appelle l'égalité économique.
D'ores et déjà, nos compatriotes d'outre-mer ont pu bénéficier de réformes majeures : la défiscalisation de la loi Pons en 1986, le lancement des programmes européens Poseidom en 1987, les exonérations de charges de la loi Perben en 1994, l'alignement du SMIC en 1995. Mais celles-ci relevaient davantage d'objectifs partiels de rattrapage que d'un véritable projet global. Or, ce nouvel élan pour l'outre-mer est, plus qu'un choix, une nécessité : il est temps de « sortir l'outre-mer de l'immobilisme et des faux-semblants pour le mettre vraiment sur la voie du progrès ». Les circonstances s'y prêtent particulièrement, alors que la révision institutionnelle à venir va donner les moyens aux acteurs de terrain de prendre en main leur destin et qu'un certain nombre des collectivités d'outre-mer se sont enfin vu reconnaître un statut dans l'Union européenne.
Ce nouvel élan doit marquer une rupture avec la démarche adoptée jusqu'alors, tant sur la forme que sur le fond.
· Sur la forme tout d'abord, seule une loi élaborée en concertation avec les acteurs locaux est à même de remplir l'objectif ambitieux d'égalité économique défini par le chef de l'Etat. L'ensemble des personnes auditionnées par votre rapporteur ont insisté sur ce point, soulignant, a contrario, l'insuffisante concertation qui avait présidé à l'élaboration de la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2001.
Par ailleurs, nos compatriotes d'outre-mer ont trop longtemps souffert de l'incessante modification des normes législatives ou réglementaires : au moment même où la prochaine révision constitutionnelle leur donne de véritables moyens d'action, il serait incohérent d'en rester au cadre quinquennal fixé par la récente loi d'orientation. La démarche de programmation sur quinze ans fixée par le Président de la République est la mieux à même de traiter au fond les handicaps structurels du développement des collectivités d'outre-mer. La Réunion, par exemple, ne peut plus se permettre de politique à court terme. Sa démographie - 1 million d'habitants en 2025, contre 250 000 en 1946 - lui impose de traiter les problèmes sur 25 ans.
S'agissant enfin de la méthode, il est temps d'en finir avec l'empilement des mesures, sans aucune évaluation de l'existant. Là encore, les acteurs du développement local sont unanimes à regretter la complexité technocratique des dispositions actuelles.
· Sur le fond, il ne s'agit pas, dans le présent rapport, de préempter le débat sur une loi qui est encore en cours d'élaboration. Votre rapporteur souhaite toutefois apporter un éclairage particulier sur quelques points qu'il estime importants, notamment à la suite des entretiens qu'il a eus, au cours des mois de septembre et d'octobre 2002, avec M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme, ainsi qu'avec plusieurs acteurs du développement économique et social de la Réunion.
Des procédures administratives simplifiées
En premier lieu, il est nécessaire que l'État réforme ses propres modes de fonctionnement. La lourdeur de ses procédures est, en effet, encore trop importante, par exemple dans la politique d'aide aux entreprises. Plus largement, le rythme économique des collectivités d'outre-mer est encore trop subordonné au rythme administratif, plus lent et irrégulier. Ainsi, est-il normal que la Réunion ne fonctionne à plein régime que huit mois sur douze ? En effet, aux ruptures saisonnières, bien connues également de la métropole, il faut ajouter les mutations dans la fonction publique et le départ des métropolitains en été et en hiver...
Des actions d'envergure dans certains domaines : le cas du tourisme
En deuxième lieu, un effort particulier doit être entrepris au profit des secteurs d'avenir. A cet égard, votre rapporteur souhaite vivement insister sur la nécessité de mettre en _uvre une action structurelle pour faire du tourisme l'un des piliers du développement de l'outre-mer. À cet égard, le plan d'action actuellement en cours d'élaboration pour relancer le tourisme aux Antilles doit s'inscrire dans le long terme : c'est ce que devrait permettre son adossement à la loi programme pour l'outre-mer et à un dispositif de défiscalisation revivifié.
A l'évidence, en effet, la clé du développement touristique outre-mer passe par une action combinée en matière fiscale tout d'abord, commerciale ensuite - via une diversification du produit touristique - et enfin dans le domaine social, afin de diminuer les tensions locales.
S'agissant tout d'abord de la Guadeloupe et de la Martinique, la valeur ajoutée du produit touristique antillais ne peut se définir qu'en termes de qualité : même avec des dispositifs d'exonération de charges sociales, le coût du travail sera toujours supérieur à celui qui est pratiqué dans les îles environnantes. C'est donc sur ce que les Anglo-Saxons appellent la « french touch » qu'il faut jouer. Les avantages comparatifs des Antilles françaises en la matière ne sont pas négligeables : « l'indice de développement humain » tel que défini par l'ONU y est bien supérieur à celui de la zone, notamment en matière d'infrastructures sanitaires, ce qui représente un atout de premier ordre, dont il faut assurer la promotion.
Le poids de l'économie touristique de la Guyane ne saurait, pour le moment, se comparer à celui des Antilles. Toutefois, à l'heure où la réflexion sur le développement durable et l'écotourisme se nourrit réciproquement, la Guyane ne peut-elle pas se forger une place bien particulière sur ce créneau du tourisme vert ? Épargné par le tourisme de masse, ce département peut mettre en avant ce formidable atout naturel que représente l'Amazonie et son statut de premier massif forestier européen. De fait, il existe aujourd'hui une véritable demande en ce sens, qui s'exprime à travers le thème du « tourisme vert ».
Enfin, la Réunion doit poursuivre sa remarquable expansion touristique. Le tourisme, premier produit export depuis 1994 ; reste un atout majeur de développement dans cette île qui manque cruellement de débouchés d'emploi suffisants. Toutefois, dans un environnement très concurrentiel en termes d'offres touristiques, la Réunion doit valoriser ses différences : là encore, le tourisme vert, de même que le tourisme sportif et la vulcanologie, représentent des créneaux d'avenir.
La diminution des charges sociales et fiscales : un outil à développer plus systématiquement
En troisième lieu, la politique d'exonération de charges sociales devrait également être poursuivie dans son principe et amplifiée dans ses modalités. Elle joue en effet un rôle qui dépasse largement les problèmes d'emploi, en agissant sur la structure économique des collectivités d'outre-mer, ainsi que sur l'aménagement de leur territoire.
C'est dans cette optique qu'ont été mis en place les premiers dispositifs d'exonération, en 1994 : les exonérations de cotisations patronales, qui étaient plafonnées à un salaire équivalent au SMIC, concernaient ainsi les entreprises privées des secteurs suivants : l'agriculture et la pêche, l'industrie, l'hôtellerie-restauration, la presse et la production audiovisuelle. La loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000, loin de revenir sur ce dispositif, l'a d'ailleurs étendu. D'une part, le plafond de l'exonération a été relevé à 1,3 SMIC ; d'autre part, celle-ci a été généralisée à la totalité des entreprises de moins de 11 salariés, cette condition d'effectif étant supprimée pour les entreprises dont l'activité se situe dans les secteurs dits exposés de la loi de 1994. Il convient de noter qu'y ont été ajoutées les entreprises exerçant leur activité dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication et dans le domaine des énergies renouvelables. Le secteur du bâtiment est également couvert par ce dispositif, mais avec un taux d'exonération de 50 % pour les entreprises de plus de 11 salariés. Votre rapporteur ne dispose pas des éléments permettant de mesurer précisément les effets de ce dispositif sur l'emploi. Il note seulement que, pour un coût brut de 399,2 millions d'euros, 27 987 entreprises et 128 007 salariés étaient concernés par cette mesure en 2001.
En dernier lieu, la loi programme à venir doit renouer avec l'esprit des lois Pons de défiscalisation. Instaurer une logique de croissance outre-mer, c'est en effet recréer un système efficace de soutien aux investissements. Or, entre 1997 et 2000, le nombre de projets ayant bénéficié de la défiscalisation, ainsi que le montant total de ces projets, ont été divisés par deux.
Pour remplir tout son rôle, le nouveau dispositif de défiscalisation devra inverser la logique actuelle qui consiste à énumérer limitativement les secteurs éligibles. Il serait, en conséquence, souhaitable que toutes les activités puissent en bénéficier, sauf exceptions liées, par exemple, aux réglementations communautaires. De même, le taux de l'aide pourrait également être modulé, de façon à s'adapter aux besoins de secteurs prioritaires, comme le logement, chaque territoire étant libre de choisir les axes de développement qu'il entend privilégier. Il est, enfin, nécessaire que la procédure d'agrément soit plus transparente.
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Avant d'émettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé, le 5 novembre 2002, à l'audition de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur les crédits de son ministère pour 2003.
Après avoir indiqué que le projet de budget pour l'outre-mer s'élevait 1,084 milliard d'euros, soit une augmentation de 0,56 % par rapport aux crédits votés en 2002, la ministre a observé que l'augmentation à périmètre constant était, en fait, de 1,50 %, l'expérimentation en cours de la gestion des crédits de la préfecture de la Martinique conduisant à transférer, en 2003, 10,5 millions d'euros de crédits de rémunérations du personnel de cette préfecture au ministère de l'intérieur. Elle a rappelé que ce projet de budget était la première étape de la concrétisation de la politique du Gouvernement pour l'outre-mer, dans l'attente de la loi de programme promise par le Président de la République qui ne trouvera sa pleine traduction budgétaire que dans la loi de finances pour 2004.
Évoquant les principales nouveautés de son budget, elle a expliqué qu'il procéderait à une réorientation des crédits du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM), afin de favoriser la création d'emplois durables, conformément à l'esprit de la loi ayant institué ce fonds. Elle a ensuite annoncé la mise en place d'un passeport-mobilité au profit de 11 000 étudiants et 5 000 jeunes en formation, soulignant que cette mesure répondait à une attente forte des jeunes. Présentant ce dispositif, elle a indiqué qu'il permettrait de prendre en charge l'intégralité des billets d'avion, vers la métropole ou d'autres collectivités territoriales, de jeunes poursuivant des études ou une formation ou postulant un premier emploi. Elle a ensuite évoqué les dotations supplémentaires destinées à préparer les deux conventions pour le développement économique et social de Mayotte et Wallis-et-Futuna.
Présentant l'action de son ministère en faveur de l'emploi, la formation et l'insertion professionnelle, qui sont au c_ur des priorités budgétaires, la ministre a indiqué qu'elle souhaitait favoriser la création d'emplois durables à travers le développement des contrats d'accès à l'emploi (CAE), rappelant que leur nombre avait été divisé par trois entre 1996 et 2002. Elle a indiqué qu'elle avait donné, en mai dernier, des directives au comité restreint du FEDOM pour mobiliser pleinement ce dispositif, après avoir constaté que le nombre de mesures affichées pour les CAE pour 2002 risquait de n'être pas atteint, précisant qu'elle attendait, pour 2003, une augmentation de plus de 11 % de ces mesures. Elle a observé que cette première réorientation des crédits du FEDOM vers la création d'emplois dans le secteur productif se ferait sans rupture, puisque les crédits consacrés aux contrats emploi solidarité (CES) et aux contrats emploi consolidé (CEC) seront augmentés, soulignant que le nombre total de mesures pour l'emploi passerait de 74 825 en 2002 à 80 545 en 2003.
Après avoir reconnu que la situation de l'emploi outre-mer, où il existe environ 10 000 emplois jeunes, restait néanmoins difficile, elle a indiqué qu'une part importante des crédits du FEDOM demeurait consacrée aux emplois aidés, afin d'assurer une transition harmonieuse avec le dispositif qui sera mis en place dans le cadre de la loi de programme. Précisant que tous les emplois jeunes iraient à leur terme, elle a annoncé qu'elle avait veillé à ce que les moyens consacrés à ces emplois soient préservés en 2003, avec une dotation de 150 millions d'euros, soit près de 15 % du budget du ministère, tandis qu'une solution de reclassement serait trouvée pour chacun, et a rappelé que ces moyens budgétaires étaient, par ailleurs, complétés par un dispositif d'accompagnement des jeunes en fin de contrat.
Évoquant les mesures prévues par la loi d'orientation pour l'outre-mer, elle a estimé que cette dernière était loin d'avoir eu les résultats escomptés, faisant valoir que le budget pour 2002 avait affiché de façon peu réaliste, 23 000 mesures pour le projet initiative jeune, le congé solidarité et l'allocation de retour à l'activité, alors que les résultats de cette année montraient que seulement un tiers de ces mesures devrait se réaliser. Elle a observé que les prévisions pour 2003 avaient été fixées avec plus de pragmatisme, le projet de budget prévoyant 46 millions d'euros pour 9 300 mesures, soit une augmentation de 23 % par rapport à ce qui sera effectivement réalisé en 2002. S'agissant des moyens consacrés à la formation et à l'insertion, la ministre a rappelé que le service militaire adapté (SMA) avait pour principale mission d'insérer dans la vie active les jeunes d'outre-mer en difficulté, grâce au suivi d'une formation professionnelle adaptée et spécifique, et précisé que plus de 70 % des jeunes passant par le SMA trouvaient un emploi à la sortie. Elle a annoncé que le nombre de volontaires affectés au SMA augmenterait de 500 personnes en 2003, permettant ainsi la formation d'environ 3 000 jeunes. Rappelant que l'objectif prioritaire du Gouvernement était de faire baisser significativement le niveau de chômage, en particulier celui des jeunes, elle a observé que le passeport-mobilité, qui permet aux bénéficiaires d'élargir leurs perspectives de formation et de postuler plus facilement à des emplois métropolitains, s'inscrivait aussi dans cette logique.
Présentant la deuxième priorité de son ministère, la ministre a fait part de sa volonté d'améliorer l'offre de logements, afin de mieux répondre aux besoins liées à la forte croissance démographique et à l'insuffisance manifeste du parc de logements, soulignant que cet effort était d'autant plus important que la lutte contre l'exclusion et la précarité constituait un engagement essentiel du Président de la République. Elle a annoncé, à cet égard, qu'une dotation de 287,5 millions d'euros serait consacrée au développement des actions en faveur de la construction de logements sociaux et de l'accession sociale et très sociale à la propriété, et précisé que ces moyens seraient complétés par la reconduction du dispositif d'aide au logement évolutif social, mis en place en 1997, qui devait normalement arriver à échéance en 2002. Elle a ajouté que la priorité en faveur du logement se traduirait également par une progression des moyens destinés à la résorption de l'habitat insalubre, avec une dotation de 30 millions d'euros, soit une hausse de 10 % par rapport aux crédits de l'année 2002, et par une augmentation de 7,5 % des crédits de paiement de la ligne budgétaire unique (LBU). Elle a indiqué que son objectif prioritaire serait de consommer effectivement les dotations budgétaires attribuées, afin d'éviter de connaître les reports de crédits observés ces dernières années, notamment pour la LBU.
Rappelant que la compensation des déséquilibres structurels subis par certaines collectivités d'outre-mer relevait de la responsabilité de l'État, la ministre a souligné l'effort financier consenti en faveur des collectivités d'outre-mer, qui bénéficient d'une enveloppe de 109 millions d'euros. Elle a précisé que l'augmentation des crédits prévue permettrait notamment d'assurer la desserte inter-îles à Wallis et Futuna, d'abonder la dotation de rattrapage et de premier équipement de Mayotte et d'augmenter les dotations globales en faveur de la Nouvelle-Calédonie, ajoutant que, dans ces deux derniers cas, le budget pour 2003 accompagnerait les évolutions institutionnelles des collectivités concernées. Elle a également rappelé que le soutien aux collectivités d'outre-mer ne se limitait pas aux seuls crédits inscrits dans son budget, la plupart des dotations étant intégrées dans le budget du ministère de l'intérieur et des libertés locales.
Après avoir souligné l'inadaptation de la gestion des crédits de son ministère et fait part de son souhait d'inscrire l'outre-mer dans le vaste mouvement de la réforme de l'État, la ministre a annoncé son intention de globaliser le budget de la préfecture de la Martinique et de déconcentrer certains crédits actuellement gérés au niveau de l'administration centrale, citant l'exemple des bourses pour les étudiants, des crédits pour la formation des cadres, de certains crédits de rémunération pour le personnel embauché localement. Elle a également insisté sur la nécessité de mettre en place un contrôle de gestion, afin d'être en mesure de suivre le taux de consommation des crédits. Elle a ensuite évoqué la mise en _uvre d'un dispositif d'évaluation, notamment pour les mesures du FEDOM, et fait état de l'expérimentation de déconcentration des crédits de ce fonds en Martinique, précisant qu'une action identique serait conduite pour les dotations consacrées à la réhabilitation de l'habitat insalubre.
Revenant sur le problème de la faible consommation des crédits, elle a observé que, si les moyens accordés au budget de l'outre-mer ces dernières années avaient augmenté de manière régulière et importante, ceux-ci n'avaient été consommés que de manière très insuffisante, le montant cumulé des reports au cours des quatre exercices précédents s'élevant à 727 millions d'euros, dont 423 millions d'euros pour les deux dernières années, soit l'équivalent du budget pour 1997.
En conclusion, après avoir rappelé que les moyens attribués à son ministère ne représentaient qu'un dixième des crédits consacrés à l'outre-mer, la ministre a insisté sur l'importance de son action auprès des autres ministères, afin que ceux-ci mettent en place les financements et les moyens propres à satisfaire les besoins de l'outre-mer.
M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis pour la commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire, s'est tout d'abord félicité de ce « budget vérité » en rupture avec les effets d'annonce et d'affichage des budgets antérieurs. Il a souligné qu'il s'agissait aussi d'un budget de transition, annonciateur d'une nouvelle politique pour l'outre-mer qui trouverait sa traduction dans la future loi de programme.
Puis il a interrogé la ministre sur plusieurs thèmes. Abordant en premier lieu la question des allocations logement, il a souhaité connaître les modalités de revalorisation de ces prestations et a demandé si les barèmes applicables outre-mer avaient été alignés sur ceux de la France métropolitaine. S'agissant du devenir des bénéficiaires de contrat emploi solidarité ou de contrat emploi consolidé, il a fait part de la préoccupation des élus locaux face aux multiples pressions, notamment syndicales, visant à intégrer ces personnes comme agents titulaires de la fonction publique territoriale. Il s'est demandé comment favoriser la pérennisation de ces emplois sans pour autant déséquilibrer les finances des collectivités locales, qui supportent déjà des charges de personnel particulièrement élevées, en raison notamment de la surrémunération des fonctionnaires en poste en outre-mer.
Après avoir constaté la fragilité de la filière de production de la banane du fait de l'organisation commune de marché (OCM) et de la concurrence exacerbée des pays producteurs latino-américains, il a souligné que la situation des producteurs guadeloupéens était aujourd'hui particulièrement critique, en raison de la baisse de production occasoinnée par divers événements climatiques. Soulignant que, dans le cadre des aides attribuées aux producteurs en cas de calamité agricole, l'ODADOM avait accordé des prêts aux groupements de producteurs de banane et que ces derniers demandaient aujourd'hui la transformation en subventions des prêts initialement accordés, le rapporteur a souhaité connaître l'état d'avancement des négociations entre les groupements de producteurs de banane, le ministère de l'outre-mer et le ministère de l'économie et des finances.
Abordant la question des concours financiers versés par l'Etat aux collectivités locales d'outre-mer, il a demandé à la ministre de lui préciser les critères de répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) entre les collectivités de l'outre-mer. Observant que le principal semblait être celui du niveau de la population des collectivités locales respectives, il a demandé des explications sur les distorsions importantes qui paraissent exister entre les collectivités locales de la Martinique et de la Guadeloupe pour le montant des DGF attribuées.
Évoquant ensuite le problème de la mise en place de la couverture maladie universelle et de ses conséquences sur les finances locales des collectivités de l'outre-mer, il a rappelé que la loi instituant la couverture maladie universelle avait supprimé, à compter de l'année 2000, les contingents d'aide sociale (dépenses d'aide médicale) versés par les communes aux départements et prévu, en compensation de cette perte de ressources pour les départements, un prélèvement sur la dotation forfaitaire des communes d'un montant égal à leur participation aux dépenses d'aide médicale au titre de 1999. Il a cité plus particulièrement le cas de la Guadeloupe où le conseil général avait majoré considérablement le montant des contingents communaux d'aide sociale pour les années 1998 et 1999, pénalisant ainsi les communes qui avaient dû supporter une réduction de leur DGF à concurrence des dépenses d'aide médicale qu'elles ne finançaient plus. Il a donc demandé à la ministre comment elle entendait indemniser les communes de la Guadeloupe qui ont vu pendant plusieurs années leur DGF anormalement diminuée en raison d'une évaluation erronée des dépenses d'aide médicale faite par le département. Il a enfin souligné, qu'à l'avenir, il conviendrait de rectifier les bases de calcul de la DGF pour les communes.
M. Didier Quentin, rapporteur pour avis pour la commission des Lois, a félicité la ministre pour son budget en soulignant qu'il s'agissait d'un budget de rupture et de transition. Il a estimé qu'il était indispensable de rompre avec la politique menée pour l'outre-mer par le précédent Gouvernement, observant que le bilan économique et social des collectivités d'outre-mer n'était guère positif, puisque celles-ci connaissent un chômage structurel persistant, malgré l'embellie économique des années récentes, et une très forte dégradation de la cohésion sociale. Il a relevé que le budget du ministère était tout d'abord en rupture avec la politique d'affichage pratiquée trop systématiquement au cours des années récentes, indiquant que plus de 423 millions d'euros avaient été reportés au cours de ces dernières années et 727 millions d'euros sur l'ensemble de la législature précédente, ce qui équivaut à plus de 90 % du budget de l'outre-mer en 1997. Il a également fait valoir que le projet de budget s'inscrivait en rupture avec la politique d'assistanat privilégiée depuis cinq ans, au détriment d'une véritable politique créatrice d'emplois, en procédant à la réorientation des crédits du FEDOM notamment par le développement des contrats d'accès à l'emploi.
Le rapporteur a ensuite souligné qu'il s'agissait d'un budget de transition, marquant le début d'une politique de l'outre-mer réaliste, cohérente et efficace. Il a indiqué qu'il concrétisait ainsi deux des engagements pris par le Président de la République au cours de sa campagne, en instaurant un passeport-mobilité qui, doté de 17,5 millions d'euros de crédits, permettra à des milliers de jeunes en cours d'études de bénéficier de la prise en charge de leurs billets d'avion, et en engageant un effort supplémentaire de rattrapage économique pour Wallis-et-Futuna et Mayotte, qui bénéficieront, à côté des contrats de plan, de conventions de développement, à hauteur de 22,5 millions d'euros. Il a ajouté que l'orientation donnée au budget était cohérente avec la loi programme annoncée par le Président de la République, qui devrait mettre l'accent sur le développement d'emplois durables, comme avec le projet de loi constitutionnel relatif à l'organisation décentralisée de la République, qui vise précisément à responsabiliser les acteurs locaux.
Soulignant que les habitants des DOM avaient exprimé leur mécontentement face à la montée de la délinquance, le développement de l'immigration clandestine et du trafic de drogues, il a ensuite souhaité connaître les lignes de force de l'action gouvernementale pour lutter contre ces phénomènes, qui mettent à mal la cohésion sociale dans des territoires d'ores et déjà confrontés à une équation économique et sociale délicate. Il a demandé, en particulier, si la coopération entre les différents intervenants institutionnels serait améliorée et si la coopération régionale avec les pays sources d'immigration et les pays également engagés dans la lutte contre le trafic de stupéfiants dans la zone caraïbe serait renforcée.
Rappelant que l'attribution aux DOM d'un statut de région ultrapériphérique au niveau communautaire représentait un énorme progrès, il a ensuite souhaité savoir comment le Gouvernement allait favoriser une meilleure consommation des crédits des fonds structurels et faire valoir la spécificité des collectivités d'outre-mer françaises au sein de l'Union européenne, alors que le prochain élargissement risquait de diluer la perception de leur spécificité. Il a également interrogé la ministre sur l'état d'avancement du projet de création d'un centre des affaires pour l'outre-mer en métropole, qui devrait faciliter les contacts entre les entreprises d'outre-mer et les réseaux de distribution ou les investisseurs en métropole. Enfin, il souhaité connaître les projets du Gouvernement en matière de desserte aérienne de l'outre-mer.
M. Jérôme Lambert a, tout d'abord, estimé que, contrairement à la présentation qu'en faisait la ministre, le projet de budget manquait d'orientations nouvelles et ne pouvait donc, en aucun cas, être considéré comme un budget de rupture. Il a estimé que la seule rupture perceptible était à rechercher dans la très faible progression des crédits, et même la forte réduction des crédits du FEDOM, en contraste avec les hausses importantes consenties dans les budgets précédents. Il a fait observer que le Gouvernement, qui dénonçait la faible consommation des crédits, problème lancinant du budget de l'outre-mer, n'allait pas jusqu'au bout de sa logique puisqu'il ne proposait pas de réductions de crédits corrélatives. Puis il a souligné que le projet de budget s'inscrivait dans le prolongement des orientations antérieures s'agissant notamment de l'insertion professionnelle des jeunes, du développement de l'emploi et de l'aide au logement. Il s'est d'ailleurs interrogé sur la réactivation de dispositifs tels que les contrats d'accès à l'emploi, jugeant que certaines faiblesses intrinsèques de ces mécanismes auraient justifié des réformes. Il a ensuite demandé des précisions sur l'évolution des subventions aux agences d'insertion. Enfin, il a considéré que la compagnie Air Lib devrait être aidée dans sa desserte de l'outre-mer, ce qui impliquerait que le Gouvernement fasse pression sur Swissair pour que cette compagnie tienne ses engagements.
M. Jean Besson a d'abord estimé que le projet de budget apparaissait réaliste et raisonnable et répondait au principe de sincérité. Puis, il a jugé que la mise en place du passeport-mobilité, facilitant la formation en métropole des jeunes d'outre-mer, pourrait utilement être accompagnée d'un dispositif favorisant le retour des bénéficiaires grâce à des mécanismes d'insertion professionnelle susceptibles de concourir au développement de l'outre-mer, afin d'éviter tout risque de paupérisation des compétences locales.
Après avoir rappelé les efforts entrepris par le précédent Gouvernement dans la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane, M. Christiane Taubira a souligné la nécessité de stabiliser une force de lutte contre ce fléau économique et écologique. Elle s'est félicitée de la possibilité de détruire les matériels saisis sur place, tout en regrettant que les autres propositions qu'elle avait formulées dans son rapport sur l'or en Guyane tendant à faciliter le démantèlement des réseaux, au-delà des sanctions susceptibles d'être imposées aux petits orpailleurs, n'aient pu encore être formalisées dans une loi.
M. Victorin Lurel a souhaité interroger la ministre sur la revalorisation de la recette forfaitaire de référence dans le secteur de la banane, sur la recapitalisation des deux groupements de producteurs de ce fruit en Guadeloupe, ainsi que sur la possibilité de mettre en _uvre, dans le secteur de la canne à sucre, un dispositif d'aide aux producteurs dont la production a été touchée par les intempéries, d'une part, et une restructuration de la filière, qui passerait, notamment, par la tenue des engagements pris sur le cas précis de l'usine de Gardel, d'autre part. Puis, il a demandé des précisions sur le devenir et la répartition des crédits inscrits sur trois ans dans la dotation globale de décentralisation. Il s'est ensuite inquiété de l'avenir du tourisme en Guadeloupe, en particulier dans les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, où le secteur hôtelier est en crise. Rappelant que le Président de la République avait promis que cette question serait réglée dans le cadre de la loi de programme, il a souhaité que soit mis en _uvre un dispositif d'aide spécifique. S'agissant de la desserte aérienne de l'outre-mer, il a estimé que la meilleure solution consistait à accorder un soutien à Air Lib, cette compagnie aérienne ayant le mérite d'exister. Après avoir rappelé les difficultés que connaissait RFO, il a demandé à la ministre quelles suites seraient données à l'engagement pris par le Président de la République en faveur de la création d'une radio consacrée à l'outre-mer, sur les ondes moyennes, en région parisienne. Enfin, il a regretté que les mesures prises en faveur du transport intérieur outre-mer, dans la dernière loi d'amnistie, ne soient pas accompagnées d'un véritable plan de modernisation, comme celui qui avait été mis en place par le précédent Gouvernement, et s'est interrogé sur les mesures prises en faveur du transport scolaire fluvial en Guyane.
M. Éric Jalton s'est tout d'abord réjoui de la volonté de la ministre de mettre un terme à la sous-consommation chronique des dotations budgétaires allouées au ministère de l'outre-mer. Il a ensuite émis le souhait que les moyens accordés aux services de la justice soient renforcés, afin de faire face à l'inquiétant accroissement de la délinquance observé en Guadeloupe. Après avoir déploré que les spécificités géographiques de l'archipel guadeloupéen soient insuffisamment prises en considération par les pouvoirs publics, notamment en matière de soutien aux transports maritimes, il a souhaité savoir si la ministre entendait prendre une initiative en faveur de l'activité du secteur industriel de la canne à sucre en général, et de l'usine de la « grande anse » en particulier, qui rencontraient de sérieuses difficultés financières. Puis, réagissant aux propos tenus par la ministre concernant le reclassement des emplois jeunes, il demandé des précisions sur le dispositif qui était envisagé en cette matière par le Gouvernement. Après avoir estimé souhaitable d'étendre le bénéfice du passeport-mobilité aux jeunes universitaires et sportifs originaires de l'outre mer afin de faciliter leurs déplacements, il a conclu son propos en insistant sur les difficultés considérables auxquelles se heurtent ces jeunes en matière d'accès au logement en métropole, exprimant le souhait qu'il y soit remédié le plus rapidement possible.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a ensuite apporté les précisions suivantes :
- Le budget 2003 de l'outre-mer est un budget qui a fait le choix de la sincérité et de la rupture en refusant de recourir à des effets d'annonces trop souvent utilisés par le précédent Gouvernement. En effet, il n'est pas souhaitable d'afficher une progression annuelle des dotations du ministère de l'outre-mer, comme cela a été souvent le cas par le passé, alors même que ses services ne sont pas en mesure de les consommer intégralement.
- Les priorités du budget pour 2003 sont les actions en faveur du logement et de l'emploi ultramarins s'ils s'inscrivent bien dans la continuité des objectifs de la loi d'orientation pour l'outre-mer adoptée sous la précédente législature, ceux-ci prolongeaient déjà les objectifs définies par la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre mer.
- Les contrats d'accès à l'emploi et le FEDOM, créés par la loi du 25 juillet 1994 afin de favoriser l'emploi des jeunes dans les entreprises du secteur marchand, ont été progressivement détournés de leur objectif initial par le précédent Gouvernement, qui les a utilisés au profit de la création d'emplois dans le secteur public. Cette réorientation ne sera pas poursuivie par le Gouvernement actuel car elle a pour effet de n'offrir aux jeunes de l'outre-mer que des emplois précaires.
- S'agissant des emplois aidés, il n'est pas possible de titulariser dans la fonction publique les bénéficiaires de contrats emploi solidarité et de contrats emploi consolidé, tant pour des raisons juridiques que financières, liées en particulier à la question de la surrémunération. Il conviendra de trouver une solution globale susceptible de s'appliquer également aux journaliers communaux, qui sont 12 000 à la Réunion. Le ministère est en train de réfléchir aux moyens de pérenniser les emplois des titulaires de contrats aidés en leur offrant un contrat à durée indéterminée rémunéré en fonction de la grille applicable à la fonction publique. Cette voie est explorée en particulier à la Réunion et sera évoquée lors du congrès des maires à la mi-novembre. Elle présenterait l'avantage d'offrir aux titulaires de contrats aidés un niveau de revenu acceptable, sans imposer de charges financières trop lourdes aux collectivités concernées.
- Pour les emplois jeunes, le ministère a mis en place un dispositif de reclassement. Chaque jeune fera l'objet d'un suivi individualisé et se verra proposer une solution d'insertion. Des crédits sont, par ailleurs, prévus dans le projet de loi de finances pour 2003, afin de prolonger les contrats des jeunes pour lesquels aucune solution n'aura été trouvée. Il faudra régler durablement la question des emplois jeunes dans le secteur associatif ; à cet égard, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, M. François Fillon, devrait proposer des mesures, comme le prolongement pendant trois ans de l'aide de l'État, que le ministère de l'outre-mer pourrait reprendre en les amplifiant pour l'outre-mer.
- L'allocation logement pour les locataires sera revalorisée et alignée sur le niveau 2 ou niveau intermédiaire de la métropole. Cette mesure aura un effet rétroactif à compter du 1er juillet 2002. Elle se traduira par une augmentation de 65 € pour une famille de trois enfants et de 98 € pour une famille de quatre enfants, la hausse moyenne étant de 25 %.
- Le soutien à la production de la banane est un souci constant du ministère de l'outre-mer depuis de nombreuses années. Un accord avec la Banque de développement des petites et moyennes entreprises (BDPME) a déjà été obtenu, pour que celle-ci préfinance à 100 % l'avance sur l'aide compensatoire communautaire. Par ailleurs, le ministère essaie d'obtenir la transformation des prêts de l'ODADOM aux groupements de producteurs de bananes en subventions, mais les arbitrages interministériels n'ont pas encore été rendus. Au niveau communautaire, il se bat pour défendre les intérêts des DOM, qu'il s'agisse du volet interne ou externe de l'Organisation commune des marchés de la banane, mais il a pour unique soutien l'Espagne et le Portugal. D'ores et déjà, il a été décidé de revaloriser l'aide compensatoire de 5 centimes par kilogramme de bananes.
- La dotation globale de fonctionnement (DGF) des collectivités d'outre-mer obéit aux mêmes règles que la DGF métropolitaine, mais bénéficie d'un double mécanisme permettant de prendre en compte leurs spécificités : la quote-part de la dotation d'aménagement est déterminée en appliquant une indexation majorée de 10 % de la population et les collectivités bénéficient d'un mécanisme d'indexation dit de « garantie d'évolution ». La DGF va faire l'objet d'une mesure spécifique dans la loi de programme pour l'outre-mer. Son montant devrait ainsi être revalorisé notamment pour les établissements publics de coopération intercommunale.
- La dotation de décentralisation (DGD) au titre de la couverture maladie universelle (CMU) a été mal mise en oeuvre. Des prélèvements injustifiés ont été effectués à l'égard des départements d'outre-mer, comme des autres départements. Ils s'élèvent à 23,3 millions d'euros en rythme annuel. Pour 2003, la situation sera corrigée, mais il restera à apurer le passé, ce qui sera difficile compte des masses financières en jeu.
- L'augmentation de la délinquance n'a pas épargné l'outre-mer ; les infractions commises sur la voie publique ont connu cette année un accroissement de près de 14 %. Le lien entre l'accroissement de cette délinquance et l'immigration clandestine est particulièrement sensible à Saint-Martin, à Mayotte et en Guyane. Pour ce département, on dénombre près de 30 000 étrangers en situation irrégulière sur une population totale de 150 000 habitants ; ces étrangers se trouvent impliqués dans près de 50 % des délits et 80 % des infractions avec violence. À Mayotte, 80 % des détenus sont en situation irrégulière et Mamoudzou, capitale économique de l'archipel, connaît une recrudescence de violence, imputable notamment à l'immigration clandestine, puisque 39 % des délits qui y sont commis sont le fait d'étrangers en situation irrégulière. Compte tenu de ces statistiques, il est tout à fait évident que la lutte contre l'immigration clandestine outre-mer constitue une priorité. Cette lutte implique une collaboration de tous les acteurs au niveau local, qui s'est traduite notamment par la mise en place de groupes d'intervention régionaux ; l'action de ces GIR a déjà été fructueuse, puisque un infléchissement de la progression de la délinquance a été constaté ; la taille réduite des structures outre-mer, avec des forces de police et de gendarmerie déjà habituées à travailler ensemble, explique très certainement les bons résultats constatés.
- Au niveau central, la participation du ministre chargé de l'outre-mer au Conseil de sécurité intérieure permet d'intégrer les impératifs de ces départements et territoires dans la lutte contre l'insécurité. La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure adoptée en juillet dernier a prévu des dispositions spécifiques pour l'outre-mer, qui sont le fruit de cette participation. S'agissant notamment de la Guyane, il a été décidé de revenir sur une décision du précédent Gouvernement qui consistait à renvoyer en métropole, aux fins d'assurer la sécurité des plages de la Méditerranée, un escadron de gendarmerie affecté actuellement à la lutte contre l'orpaillage clandestin. La décision de maintenir cet escadron n'a pas été simple, mais la lutte contre l'orpaillage clandestin nécessite des moyens importants ; c'est d'ailleurs pour mieux lutter contre cette activité qu'une disposition a été adoptée dans la loi de programmation pour la justice, destinée à faciliter la destruction par le Procureur de la République des moteurs utilisés par les orpailleurs. Cette disposition était proposée dans le rapport remis par Mme Christiane Taubira sur la lutte contre l'orpaillage en Guyane, mais le Gouvernement précédent n'y avait pas donné suite.
- La lutte contre l'immigration clandestine exige notamment qu'un effort particulier soit porté sur la politique de coopération régionale : des accords de réadmission ont déjà été signés avec le Brésil et sont en cours avec Guyana et le Surinam. Aux Antilles, des négociations sont déjà entamées avec Sainte-Lucie et la Dominique.
- La lutte contre le trafic de stupéfiants a déjà obtenu de bons résultats, dus notamment à une politique de coopération active avec les Etats-Unis, en particulier par le biais du réseau Interpol et des attachés de police du service de coopération technique internationale de police. La transformation du centre interministériel de formation anti-drogue en groupement d'intérêt public permettra, en outre, de conférer à cette structure une souplesse dans son fonctionnement administratif et financier, de nature à accroître sa crédibilité déjà très affirmée dans la zone Caraïbe.
- La reconnaissance des DOM par la Communauté européenne comme régions ultrapériphériques permet à ces départements d'être éligibles à l'objectif 1 pour les fonds structurels. Il est incontestable que, malgré les handicaps structurels dont souffrent les départements d'outre-mer, les perspectives d'élargissement de l'Union européenne font peser une menace sur le maintien de ces départements dans l'objectif 1. Il faut reconnaître que la consommation de ces fonds structurels n'est pas satisfaisante, en dépit du dispositif de préfinancement mis en place par l'Agence française de développement. La Commission européenne est toutefois consciente de la nécessité de simplifier les procédures, afin d'accroître le taux de consommation des crédits des fonds européens. La prochaine loi de programme pour l'outre-mer proposera un dispositif de simplification, permettant notamment d'affecter le solde non consommé à un fonds destiné à assurer la continuité territoriale.
- Le Président de la République et le Gouvernement sont très attachés à voir enfin aboutir le projet de création d'un centre culturel et des affaires dédié à l'outre-mer. A cette fin, un chargé de mission sera désigné tandis que le projet de loi de finances pour 2003 consacre 150 000 € à la réalisation d'études en vue de la création de ce centre. D'ores et déjà, il apparaît que certaines orientations retenues par le précédent Gouvernement doivent être corrigées : d'une part, les statuts envisagés ne doivent pas seulement conférer une vocation culturelle à cette association mais en faire un centre d'information économique unique pour les investisseurs ; d'autre part, le site retenu pour l'implantation de ce centre - la porte Dorée à Paris - n'est pas assez central, une localisation plus emblématique devant être recherchée.
- Une réforme profonde doit être engagée afin de garantir une desserte aérienne convenable de l'outre-mer - tant en termes de confort que de tarifs - et assurer ainsi le respect du principe de continuité territoriale. En effet, le monopole de fait qui existe en la matière n'est guère satisfaisant, comme le montre l'exemple de la desserte de la Guyane, dont le coût a été renchéri dès lors que celle-ci a été uniquement assurée par Air France. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite favoriser la viabilité d'une compagnie dont l'activité serait dédiée à l'outre-mer grâce à des mesures de défiscalisation et d'exonération de charges sociales, qui figureront dans le projet de loi de programme en cours d'élaboration, et au versement d'aides nationales, régionales et européennes destinées, à l'instar de ce qui est pratiqué en Corse, à réduire le coût de la desserte de l'outre mer.
- Un plan de modernisation des transports intérieurs aux Antilles est indispensable pour remédier aux très grandes difficultés qu'ils connaissent aujourd'hui. A ce titre, le Gouvernement ne serait pas hostile à ce que les élus, s'ils en expriment le souhait et en concertation avec les représentants socio-professionnels concernés, écartent l'application des dispositions de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques au profit d'une réglementation spécifique, comme la nouvelle rédaction de l'article 73 de la Constitution leur en laissera désormais la possibilité.
- Face à la baisse importante - de l'ordre de 20 % - de la fréquentation touristique à Saint-Martin, et sans attendre la loi de programme qui comportera des mesures en ce sens, un plan d'urgence, préparé en concertation avec le ministère du tourisme, sera présenté d'ici la fin de l'année. La loi de programme devrait permettre d'étendre le bénéfice du dispositif de défiscalisation aux travaux de rénovation des structures hôtelières.
- Le passeport-mobilité a pour objectif d'assurer aux jeunes une formation en métropole dès lors qu'elle ne peut être dispensée outre-mer, tout en favorisant leur réinsertion ultérieure dans leur collectivité d'origine. Les jeunes ultramarins pourront également bénéficier du passeport-mobilité pour aller étudier dans une université située dans une autre collectivité d'outre-mer que la leur. Loin de vouloir écarter les étudiants des universités locales, qui dispensent un enseignement de bonne qualité, ce dispositif permettra de soulager le marché de l'emploi local et de tenir compte de la saturation ou de l'inadaptation de certaines filières, par exemple en matière de formation aux métiers du tourisme. 11 000 étudiants seront concernés et s'il n'est pas exclu de l'étendre aux sportifs, il est sans doute préférable d'en faire préalablement une première évaluation.
- Les difficultés que rencontrent les étudiants originaires de l'outre-mer pour se loger en métropole constituent un problème sérieux que le Gouvernement entend résoudre. Une importante réforme de l'agence nationale de l'insertion des travailleurs d'outre mer est d'ores et déjà engagée et un nouveau président vient d'être désigné, sachant que ce poste était vacant depuis plusieurs années. Par ailleurs, il pourrait être envisagé de réserver une part des logements sociaux dévolus de droit à l'État aux étudiants originaires de l'outre-mer.
- Le Président de la République s'est engagé à ce que l'accès à la pluralité des opinions et des programmes soit aussi bien garanti outre-mer qu'il l'est en métropole. A cet égard, le Gouvernement a été saisi, peu de temps après son entrée en fonction, d'un projet de développement de RFO dont la mise en _uvre aurait inévitablement eu pour effet d'entraîner la disparition des stations de radio privées existantes, notamment en Guadeloupe. Ce projet, pourtant avalisé par le précédent ministre, n'était pas acceptable et c'est pourquoi, le Gouvernement actuel a demandé au président de RFO de le modifier et de négocier un partenariat avec les responsables des entreprises de radiodiffusion concernées afin que toutes les sociétés d'information et de presse, qu'elles soient publiques ou privées, puissent se développer librement.
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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'outre-mer pour 2003.
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
- Mme Brigitte GIRARDIN, ministre de l'outre-mer.
- M. Léon Bertrand, secrétaire d'État au tourisme.
- M. Daniel Constantin, Haut Commissaire en Nouvelle Calédonie.
- M. Michel Mathieu, Haut Commissaire en Polynésie.
- M. Philippe Leyssene, conseiller technique pour les affaires budgétaires au ministère de l'outre-mer.
- M. Gérard Rucay, conseiller technique pour l'emploi, la mobilité et la santé au ministère de l'outre-mer.
N°261-VII.- Avis de M. Didier Quentin sur le projet de loi de finances pour 2003 - (Outre-mer)
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ESTIMATION INSEE 2001
() Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte ne font pas partie de la zone euro. Cependant, et en vertu de la décision 1999/95 du 31 décembre 1998 du conseil de l'Union européenne, l'euro est la monnaie de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte. Par ailleurs, l'article 42 de la loi 98-546 du 2 juillet 1998 portant DDOF (article 711-1 du code monétaire et financier) a permis la mise en circulation des espèces en euros à compter du 1er janvier 1999.