PAR M. DIDIER QUENTIN,

Député.

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INTRODUCTION

Première partie : un bilan en demi-teinte

I. - LE BILAN INSTITUTIONNEL : UNE DÉCENTRALISATION INACHEVÉE

A. LES Départements d'outre-mer et mayotte : un bilan contrasté

1. Un acquis institutionnel : l'ancrage de Mayotte dans la République

2. Des collectivités fragiles et dépendantes

B. la nouvelle-calédonie, LA POLYNÉSIE FRANÇAISE ET WALLIS ET FUTUNA

1. La Nouvelle-Calédonie : « les prémices d'une communauté de destin »

2. La Polynésie française : dans l'attente d'un nouveau statut

3. Wallis et Futuna : le statu quo

II. - le bilan Économique et social : des sociÉtÉs sous tension

A. les DOM, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon : entre attentisme et stagnation

1. Des économies qui peinent à relever le défi démographique

2. L'aggravation des tensions sociales

B. la nouvelle-calédonie, la Polynésie FRANÇAISE et Wallis et futuna : des Économies à consolider

1. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française : des atouts en cours de valorisation

2. Wallis et Futuna : une situation préoccupante

deuxième partie : un budget qui s'inscrit dans un projet volontariste et cohérent pour l'outre-mer

I. -- Un budget de terrain assis sur des projets concrets

A. Les Départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon : un budget réaliste et sincère

1. La politique de l'emploi et de l'insertion sociale : des collectivités entre développement, rattrapage et restructuration

2. Le logement : un budget de combat

3. Le soutien aux collectivités territoriales

ACCES A LA DEUXIEME PARTIE

B -- LA NOUVELLE-CALÉDONIE, LA POLYNÉSIE FRANÇAISE, WALLIS ET FUTUNA ET LES TAAF

II. - LES PERSPECTIVES INSTITUTIONNELLES : POUR UNE SYNTHÈSE RÉPUBLICAINE RENOUVELÉE

III. - LA NÉCESSITÉ D'UNE ACTION DE GRANDE ENVERGURE EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE : LE PROJET DE LOI PROGRAMME POUR L'OUTRE-MER

AUDITION DE MME BRIGITTE GIRARDIN, MINISTRE DE L'OUTRE-MER, ET EXAMEN DES CRÉDITS EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR


 

MESDAMES, MESSIEURS,

L'outre-mer, une richesse pour la France et l'Europe... Cette phrase est beaucoup plus qu'une formule : c'est une réalité dont il est temps de prendre conscience pour la valoriser à sa juste mesure. L'outre-mer est une fenêtre ouverte sur un ailleurs qui semble parfois lointain aux Européens que nous sommes, nous métropolitains : mais n'oublions pas que, vue de la Réunion par exemple, l'Asie est non seulement une terre d'origine pour de nombreux habitants de l'île, mais également un partenaire naturel. Ainsi, c'est au Japon que se trouve le premier marché de consommateurs de la légine pêchée par les Réunionnais dans les terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

L'outre-mer nous offre une fenêtre sur le monde ; nous lui devons une vision de long terme. Ce projet de budget en marque les prémisses, d'une part en intervenant de manière quasi concomitante avec la loi constitutionnelle sur la décentralisation, d'autre part en préparant la voie à une loi de programme qui, en 2003, esquissera les contours de l'outre-mer que nous voulons dans quinze ans, un outre-mer qui aura su trouver les voies d'une croissance économique solide et les assises d'une cohésion sociale sereine.

*

Budget de transition, le projet de loi de finances pour 2003 est également, pour l'outre-mer, un budget de rupture.

Rupture, tout d'abord, avec la politique d'affichage pratiquée trop systématiquement au cours des années récentes. Lors de la présentation du projet de budget de l'outre-mer pour 2002, le secrétaire d'Etat de l'époque, s'était félicité des « moyens, jusqu'ici inégalés », dont bénéficiait l'outre-mer, « les crédits inscrits au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer étant passés, depuis 1997, de 4,8 milliards de francs à plus de 7 milliards en 2002, ce qui représente une progression de 46 %, et de 27 % à structure constante ». La réalité est tout autre, dès lors que l'on examine, non pas les crédits votés, mais ceux qui ont été réellement consommés. Ainsi, ce sont plus de 423 millions d'euros qui ont été reportés au cours de ces dernières années et 727 millions d'euros sur l'ensemble de la législature précédente ! Soit trois années de dotations de la ligne budgétaire unique, qui finance, rappelons-le, le logement et l'insertion, ou encore près de deux années de financement du Fonds pour l'emploi outre-mer (FEDOM)... Pour le dire autrement, ce sont plus de 90 % du budget de l'outre-mer en 1997, soit près d'un budget, qui n'ont pas été consommés !

Rupture ensuite, avec la politique d'assistanat privilégiée depuis cinq ans, au détriment d'une véritable politique créatrice d'emplois. Le présent projet de budget part, tout au contraire, du principe que la dépense publique en faveur de l'outre-mer doit, dès le premier euro, viser à créer les conditions d'un développement économique durable. Son objectif ne doit pas être de faire vivre des dispositifs aussi artificiels que coûteux, qui ne conduisent qu'à étendre aux domaines économique et social la marginalité géographique des collectivités d'outre-mer, là où il faudrait au contraire tenter de l'atténuer. Sans doute ces collectivités sont-elles caractérisées par des spécificités mais, aux Antilles comme à la Réunion, les lois qui régissent l'économie ne sont pas différentes de celles qui prévalent en métropole. C'est dans le développement du secteur privé marchand que réside la clé de la croissance : tel doit être, par conséquent, l'objectif de toute politique de l'emploi outre-mer.

*

Le temps est venu de pratiquer une politique de l'outre-mer réaliste, cohérente et efficace. Non seulement la crédibilité politique a tout à y gagner, mais, plus encore et surtout, l'outre-mer mérite mieux qu'une politique en trompe-l'_il. Ce projet de budget, qui s'élève à 1,084 milliard d'euros, soit une progression nette de 0,56 % par rapport au budget 2002 - et de 1,5 % hors mesures de transferts, c'est-à-dire à périmètre identique au budget de 2002 - concrétise d'ailleurs deux des engagements pris par le Président de la République, lors de la campagne présidentielle. D'une part, il met en _uvre un élément-clé de la continuité territoriale avec l'instauration du passeport-mobilité qui, doté de 17,5 millions d'euros de crédits, va permettre à des milliers de jeunes en cours d'études de bénéficier de la prise en charge de leurs billets d'avion. D'autre part, il engage un effort supplémentaire de rattrapage économique pour Wallis-et-Futuna et Mayotte qui bénéficieront, à côté des contrats de plan, de conventions de développement, à hauteur de 22,5 millions d'euros.

L'outre-mer est une véritable chance pour la France et l'Europe. Le projet de loi de finances pour 2003 marque la première étape d'une politique qui vise à donner un contenu concret à ces mots.

PREMIÈRE PARTIE : UN BILAN EN DEMI-TEINTE

Il serait abusif de dire que l'action menée depuis cinq ans à l'égard de l'outre-mer n'a eu aucun effet positif. Sur le plan institutionnel, il faut saluer certaines réalisations à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie. Mais l'action entreprise témoigne d'un manque de souffle et de volonté politique. Ce constat vaut particulièrement pour le bilan économique et social : malgré une relative amélioration de l'emploi dans la plupart des territoires et collectivités concernés, la situation sociale y est très dégradée et les attentes de tous ordres très fortes.

I. - LE BILAN INSTITUTIONNEL : UNE DÉCENTRALISATION INACHEVÉE

S'il fallait résumer l'état des lieux outre-mer en matière institutionnelle, c'est de progrès substantiels, mais encore insuffisants, qu'il convient de parler. Les avancées enregistrées à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie sont réelles, mais les attentes dans les départements français d'Amérique (DFA), en Polynésie, voire à Wallis, le sont tout autant.

S'il faut se réjouir que Mayotte ait enfin trouvé une place claire dans la République, les collectivités locales des DOM restent en revanche dans une situation précaire, ressentie par leurs représentants comme inadaptée aux défis qu'elles doivent relever.

La réforme du statut de Mayotte doit incontestablement être inscrite à l'actif du bilan de la législature précédente. En effet, après vingt-cinq ans d'incertitudes liées au caractère provisoire de son statut, Mayotte est devenue une collectivité territoriale à part entière depuis l'adoption de la loi du 11 juillet 2001, qui confirme l'ancrage de Mayotte dans la République. Cette loi, qui reprend en fait l'essentiel des termes de l'accord sur l'avenir de Mayotte négocié avec toutes les forces politiques de l'île, instaure un processus institutionnel dynamique, qui s'articule autour du triptyque « normalisation - responsabilisation - développement » :

--  Normalisation au sens où Mayotte est désormais érigée en collectivité départementale et devient, de ce fait, une collectivité territoriale au sens propre de l'article 72 de la Constitution. L'une des principales conséquences en est l'introduction du principe d'identité législative, qui vient singulièrement atténuer celui de la spécialité : désormais, sont directement applicables à Mayotte les lois, ordonnances et décrets portant sur la nationalité, l'état des personnes, le droit patrimonial de la famille, le droit pénal et la procédure pénale, la procédure administrative, le droit électoral, les postes et télécommunications, ou encore certaines dispositions du code de commerce. A compter de 2007, il faudra y ajouter les textes portant sur l'organisation et l'administration des conseils généraux et les règles relatives aux juridictions financières.

Normalisation également au regard de sa situation internationale dans la mesure où, Mayotte se rapproche un peu plus du statut de département d'outre-mer. Les revendications exprimées par la République fédérale islamique des Comores perdent donc tout fondement ;

--  Responsabilisation, par l'application à Mayotte d'un processus de décentralisation. La loi prévoit en effet une réforme statutaire progressive, fondée sur un transfert de compétences, jusqu'ici exercées par l'État : en 2004, l'exécutif sera ainsi transférée au président du Conseil général et le contrôle administratif a priori allégé ; en 2007, ce dernier disparaîtra, les actes de la collectivité ayant désormais un caractère exécutoire de plein droit. Enfin, en 2010, le Conseil général pourra, à la majorité des deux tiers, adopter une résolution sur la modification du statut de Mayotte. En parallèle, Mayotte recevra progressivement de nouvelles compétences, en matière d'aménagement du territoire et de développement économique notamment. Enfin, les communes mahoraises verront leurs organisation et compétences se rapprocher progressivement du droit commun ;

--  Développement enfin, les réflexions statutaires sur Mayotte ayant peut-être trop longtemps occulté le c_ur du problème, à savoir la mise en place d'une véritable politique de développement pour un territoire dont les caractéristiques et contraintes sont proches de celles de ses voisins du continent africain. A cet égard, la loi du 11 juillet 2001 a créé un fonds mahorais de développement, de même qu'elle a mis en place des procédures de transfert de dotations exceptionnelles en faveur des communes. C'est également dans cette optique de développement économique et social que le statut de droit local a été modifié, de manière à permettre aux femmes mahoraises d'exercer une profession.

Le statut de département d'outre-mer est aujourd'hui défini par l'article 73 de la Constitution, aux termes duquel le régime législatif et l'organisation administrative des DOM peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière. La portée de cette disposition a cependant été limitée par une décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre 1982, censurant le projet d'une assemblée unique, regroupant région et département, pour les DOM.

Sans doute, sur le papier, l'existence de deux assemblées (conseil général et conseil régional) élues au suffrage universel direct dans un territoire identique, mais avec des modes de scrutin - et donc une représentation - différents, ne présente pas d'inconvénients insurmontables. Il importe seulement que les compétences de ces assemblées soient suffisamment distinctes et que celles-ci soient attentives à délimiter et à coordonner leurs sphères d'activités respectives. En cette période de débat intense sur la décentralisation, il n'est pourtant nul besoin de souligner que le système a aujourd'hui atteint ses limites. S'il vaut pour l'ensemble des collectivités territoriales de la République, ce constat revêt toutefois une acuité particulière pour celles d'outre-mer, où la question de l'articulation entre les actions départementales et régionales se pose de façon plus nette qu'en métropole, compte tenu, d'une part, du caractère monodépartemental des régions d'outre-mer et, d'autre part, de l'ampleur des problèmes économiques et sociaux que ces collectivités doivent traiter.

Un cadre juridique qui n'est plus adapté à l'ampleur des besoins économiques et sociaux

La lettre de la Constitution, telle qu'interprétée par le Conseil constitutionnel, n'est plus adaptée à la situation économique et sociale des DOM : ces derniers sont, en effet, confrontés à une croissance démographique dont les effets induits en termes d'infrastructures routières, sanitaires et éducatives, de logements et d'emplois sont immenses.

· Au 8 mars 1999, 1 665 445 habitants étaient recensés dans les quatre DOM. Depuis le précédent recensement de 1990, la population des quatre DOM s'est ainsi accrue de 206 385 personnes, soit une croissance de 1,5 % par an. Ce rythme, quatre fois supérieur à celui de la métropole, est cependant en baisse d'un demi-point comparé à celui constaté sur la période précédente (1982-1990). Dynamique en terme démographique, cette population est également jeune : la part des jeunes de moins de 19 ans s'élève à 36 % contre 25,9 % en métropole. Toutefois, ce pourcentage tend à diminuer lentement, sauf en Guyane. De même, la Réunion garde, comparativement aux départements des Antilles, un plus grand dynamisme démographique. En outre, la population y étant plus importante, l'effet d'inertie joue davantage : selon l'insee, un nouveau Français sur quatre, dans les 25 années à venir, sera réunionnais.

A l'instar des départements d'outre-mer, mais dans des proportions bien supérieures, Mayotte est confrontée à un véritable défi démographique, dont il peut être difficile de prendre la mesure pour des observateurs européens davantage habitués au déficit des naissances et du vieillissement de la population.

Quelques chiffres permettent de prendre la mesure de ce phénomène :

--  entre 1958 et 1997, les six recensements organisés à Mayotte ont, à chaque fois, mis en évidence une forte évolution démographique ; ainsi, entre le premier recensement et celui de 1997, la population a été multipliée par plus de cinq, passant de 23 364 à 131 320 habitants en un peu moins de quarante ans ;

--  entre les recensements effectués en 1991 et 1997, le taux d'accroissement annuel s'est établi à 5,7 % : à ce rythme, on assisterait à un doublement de la population tous les treize ans environ () ;

--  la pyramide des âges correspond à une population jeune qui s'accompagne d'une forte natalité (40,53 pour 1000 en 2001), le niveau du taux de fécondité, toujours élevé, étant d'environ cinq enfants par femme et le nombre de femmes en âge de procréer étant passé de 20 000 en 1991 à 31 000 en 1997.

A Mayotte par conséquent, au contraire de la situation en Europe, l'heure est aux campagnes de communication sur le contrôle des naissances, le recensement général organisé en 2002 devant certainement conduire à une réévaluation à la hausse des données démographiques de 1997, après quatre années d'une croissance annuelle moyenne de 6,7 % de la population. En effet, du 30 juillet au 31 août 2002, a eu lieu la septième opération de recensement de la population de Mayotte. A partir des résultats recueillis, il sera possible de faire des projections pour 2010 et 2020 qui seront des éléments déterminants pour sensibiliser l'ensemble de la population, et notamment les élus, au problème de démographie que connaît la collectivité départementale.

ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DES DOM, DE MAYOTTEET DE SAINT-PIERRE ET MIQUELON DE 1990 À 1999

 

Population

Période 1990-1999

 

1990

1999


Guadeloupe

386 987

421 632

+ 34 645

65 247

21 066

+ 44 181

- 9 536

Martinique

359 572

381 467

+ 21 895

53 094

20 164

+ 32 930

- 11 035

Guyane

114 678

157 274

+ 42 596

37 209

4 953

+ 32 256

+ 10 340

Réunion

597 823

705 072

+ 107 249

121 817

30 003

+ 91 814

+ 15 435

Total DOM

1 459 060

1 665 445

+ 206 385

277 367

76 186

+ 201 181

+ 5 204

St-Pierre et
Miquelon

 

6 519

         

Mayotte
(en 1991 et 1997)

94 410

131 320

+ 36 900

29 000

4 000

+ 25 000

+ 12 000

Total

1 553 470

1 803 081

+ 243 285

306 367

80 186

+ 226 181

+ 17 204

(1) Solde des entrées-sorties de population

Source : INSEE

             

· Le dynamisme démographique n'est pas seul en cause dans l'accroissement de la population dans les départements d'outre-mer : les phénomènes migratoires revêtent, dans certains d'entre eux, une telle ampleur que le phénomène doit nécessairement être intégré à toute réflexion sur le développement économique.

De fait, en raison de leur prospérité économique dans le contexte régional, les DOM sont soumis à une immigration illégale soutenue. Quelques chiffres suffisent à illustrer l'énorme pouvoir d'attraction exercé par les départements d'outre-mer :

--  la Guyane disposait en 1997 d'un PIB par habitant (13 465 dollars) douze fois supérieur à celui du Surinam voisin (1 133 dollars) et quatorze fois plus important que celui du Guyana (959 dollars) ;

--  la Martinique, avec 14 352 dollars par habitant, avait un PIB trente-quatre fois supérieur à celui d'Haïti qui, avec 422 dollars par habitant, est le pays le plus pauvre de la région ; de même, l'écart en faveur de la Guadeloupe (12 480 dollars de PIB par tête) est considérable avec un pays qui bénéficie pourtant de forts revenus touristiques comme Cuba (737 dollars par tête) ;

--  de même, dans l'océan Indien, un Réunionnais disposait d'un PIB de 11 421 dollars, là où un Mauricien bénéficiait seulement de 3 686 dollars ; que dire, dès lors, de l'écart avec Madagascar (252 dollars de PIB par habitant) ou des Comores (40 dollars de PIB par habitant) ?

Il n'est pas besoin de multiplier les chiffres pour comprendre la pression que peut exercer l'immigration clandestine sur les différents départements concernés.

Si le phénomène se pose avec acuité dans tout l'outre-mer en raison de la relative prospérité économique des DOM-TOM, il se présente de façon hétérogène en raison de la grande diversité des situations et des spécificités géographiques locales.

Ainsi, la Guadeloupe est confrontée à une forte immigration clandestine en provenance de Haïti, même si les régularisations massives intervenues au cours des trois dernières années ont réduit de moitié la population clandestine, évaluée à 10 000 personnes en 1999. En 2001, 678 mesures de reconduite à la frontière ont été exécutées contre 766 en 2000 et 620 en 1999. 427 d'entre elles concernent les Haïtiens (63 %) et 151 les Dominicains (23 %). Plus de la moitié des non-admissions concernent également des Haïtiens (soit 198 sur 394).

La situation spécifique de Saint-Martin mérite un examen attentif : le problème de l'immigration clandestine est ici particulièrement délicat, en raison de la localisation du seul aéroport international (Princess Juliana) dans la zone hollandaise et de l'absence de contrôle à la frontière entre les deux parties de l'île. Pour une population totale de 35 000 habitants, la commune de Saint-Martin compte 8 000 étrangers dont 60 % d'Haïtiens. A ce chiffre, s'ajoutent près de 5 000 étrangers en situation irrégulière. L'accord franco-néerlandais du 17 mai 1994 relatif au contrôle conjoint dans les aéroports de Saint-Martin, ratifié par la France le 20 juillet 1995, ne l'a pas été par le Parlement hollandais et ne le sera pas en raison de l'opposition locale. En conséquence, le contrôle de l'immigration clandestine à Saint-Martin demeure très difficile.

La Martinique, pour sa part, subit une forte immigration clandestine provenant par ordre décroissant de Sainte-Lucie, d'Haïti, de la Dominique et de Saint-Domingue, pays dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa. Cette immigration utilise presque essentiellement la voie maritime, par nature difficilement contrôlable en raison de l'étendue et du relief des côtes.

Toutefois, dans la région, c'est la Guyane qui demeure le département le plus concerné par le phénomène. Si l'immigration est inscrite au c_ur même de l'identité guyanaise, dans la mesure où la population immigrée représente entre 30 et 40 % de la population totale, soit entre 50 000 et 70 000 personnes issues de 134 nationalités, la part de l'immigration irrégulière y est particulièrement importante. Au cours de l'année 2001, la pression migratoire irrégulière en provenance du Surinam et du Brésil, pays frontaliers, et du Guyana, même si elle est moins ressentie à travers les statistiques de la police (3 959 entrées et séjours irréguliers en 2001 contre 5 144 en 2000), est demeurée très forte.

ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE EN GUYANE EN 2001

Nationalités

1999

2000

2001

2000-2001

% du total

Surinamaise

1963

2120

1190

- 43,87 %

32,52 %

Brésilienne

1349

1948

1660

- 14,78 %

45,36 %

Guyanienne

527

609

467

- 23,32 %

12,76 %

Source : ministère de l'outre-mer.

Dans l'océan Indien, Mayotte est également confrontée à ce même phénomène. Selon le rapport de l'IEDOM sur Mayotte en 2001, « entre 1991 et 1997, près de 20 000 personnes, dont un peu plus de la moitié de femmes, sont arrivées à Mayotte. Parmi elles, 70 % proviennent des Comores et 19 % de la France métropolitaine. Globalement, les habitants d'origine étrangère représentent 21,5 % de la population (contre 13,7 % en 1991) ». Ainsi, dans une collectivité déjà caractérisée par un taux d'accroissement naturel très élevé, le tiers de l'augmentation de la population provient du solde migratoire. Le taux de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière à Mayotte est l'un des plus élevés en France.

· Les conséquences de la croissance démographique et de la pression migratoire sont considérables pour les collectivités d'outre-mer.
Pour prendre le seul exemple du secteur éducatif, les difficultés spécifiques des DOM sont essentiellement liées au problème de la croissance des effectifs, qui nécessite un effort particulier en matière d'infrastructures et d'augmentation de la capacité d'accueil des établissements scolaires. Comme le montre le tableau ci-dessous, entre 2001 et 2002, les effectifs des premier et second degrés se sont accrus de 7,37 %.

EFFECTIFS SCOLARISÉS DANS LES DOM EN SEPTEMBRE 2001 ET 2002

 

Effectifs 2001

Effectifs 2002

 

1er degré

2nd degré

Martinique

49 389

47 892

104 515

52 462

52 053

104 515

Guadeloupe

57 847

49 215

118 526

64 195

54 331

118 526

Guyane

31 311

19 723

55 416

33 838

21 578

55 416

Réunion

113 094

99 254

223 793

122 100

101 693

223 793

Total

251 641

216 084

467 725

272 595

229 655

502 250

Source : ministère de l'outre-mer.

           

Ainsi, comme l'a expliqué M. Paul Vergès, président du conseil régional de la Réunion, à votre rapporteur, qui a effectué une mission dans ce département en septembre 2002, alors que l'île ne comptait qu'un seul lycée jusqu'en 1960, la région en gère aujourd'hui 42 et en construit au rythme moyen d'1,5 par an !

Par ailleurs, ces données strictement quantitatives ne disent rien des problèmes de fond auxquels doivent faire face certains départements. La Guyane, notamment, est confrontée, non seulement à une poussée démographique supérieure à celle des autres DOM, mais également à une population multiculturelle et plurilingue non francophone importante, qui nécessite une approche pédagogique adaptée.

L'état des finances locales : un constat inquiétant

· De fait, les collectivités territoriales d'outre-mer disposent d'une faible capacité d'intervention, car elles ne peuvent collecter suffisamment de ressources. Leurs difficultés financières tiennent, en effet, à la structure très particulière de leurs ressources : alors que les recettes de fiscalité indirecte représentent seulement 20 % des recettes des communes métropolitaines, celles-ci comptent pour 80 % environ dans le cas de l'outre-mer. Or, la majeure partie de ces ressources est fournie par l'octroi de mer, taxe sur les marchandises importées, donc par définition soumise aux aléas de la conjoncture économique. D'où, en cas de difficultés économiques, l'enclenchement d'un véritable cercle vicieux, les besoins sociaux augmentant au moment où les ressources publiques se contractent mécaniquement. Qui plus est, la marge supplémentaire qu'offre, en théorie, l'outil de la fiscalité directe ne peut être pleinement mise à profit du fait de la faiblesse des revenus de la population et du régime fiscal dérogatoire qui caractérise les départements en particulier. Sans parler d'une collecte quelque peu chaotique, faute d'un état cadastral à jour.

Ces handicaps structurels en matière de ressources sont aggravés par la structure et le poids des dépenses auxquelles doivent faire face les collectivités territoriales d'outre-mer. Les développements qui précèdent, relatifs à l'ampleur des besoins sociaux, donnent la mesure des défis financiers qu'elles ont à relever.

Les dépenses de ces collectivités se caractérisent notamment par le poids très élevé des dépenses de personnels, alors même que, par comparaison avec la métropole, les collectivités territoriales d'outre-mer souffrent d'un relatif sous-encadrement, au profit d'une surreprésentation des agents de catégorie C. Cet apparent paradoxe est lié à l'application, aux fonctionnaires territoriaux, de la majoration de traitement dont bénéficient les fonctionnaires de l'État servant outre-mer, soit 40 % pour les départements français d'Amérique et 53 % pour la Réunion. Outre les distorsions économiques induites, ce dispositif est à l'origine de tensions sociales importantes localement, les collectivités territoriales ayant massivement recours, pour contourner le dispositif, à des agents non titulaires. Nul besoin de souligner que l'intégration dans la fonction publique territoriale de ces personnels, justifiée sur un plan éthique, voire juridique dans certains cas, ferait peser un risque financier insupportable sur les collectivités d'outre-mer. Votre rapporteur a pu juger, à la Réunion, du caractère proprement intenable, à moyen terme, de la situation qui s'est créée. Il convient en effet de se demander s'il revient au conseil général de prendre en charge le traitement social du chômage en employant plus de 900 personnes sur contrats aidés alors qu'il compte déjà 2 100 fonctionnaires titulaires.

· Faiblesse des ressources, structure rigide des dépenses : la précarité est le lot commun de nombreuses collectivités territoriales d'outre-mer.

Les communes des départements français des Antilles connaissent notamment d'importantes difficultés :

--  En Guadeloupe, l'année 2002 a été marquée par une forte progression du nombre de communes en situation financière difficile. En effet, seize communes sur les trente-quatre que compte le département de la Guadeloupe connaissent des difficultés financières identifiées contre treize l'année dernière. Le préfet a saisi la chambre régionale des comptes de douze comptes administratifs, au titre de 2001, sur le fondement de l'article L. 1612-14 du code général des collectivités territoriales. Sous réserve des avis de la chambre, le déficit cumulé de ces communes serait de 54 millions d'euros.

--  Quant aux communes de la Martinique, elles sont confrontées à un coefficient d'autofinancement courant très dégradé, sauf pour six d'entre elles, à un ratio de rigidité des charges de structure élevé et à un coefficient de mobilisation du potentiel fiscal important, ce qui signifie qu'elles ne disposent pas d'une réelle marge de man_uvre fiscale pour accroître leurs recettes. La commune de Fort-de-France, qui a connu, jusqu'en 2001, une très forte dégradation de sa situation justifiant le versement par l'État d'une subvention d'équilibre de 3,05 millions d'euros, est soumise à un plan de redressement drastique.

S'agissant des départements, le cas de la Réunion illustre parfaitement les difficultés évoquées précédemment :

-- Les dépenses réelles de fonctionnement présentent, en 2001, une hausse de 14 % par rapport à 2000. Les charges de personnel (+ 2,6 %) constituent 24 % des dépenses réelles de fonctionnement, la moyenne nationale étant de 18,1 % en 2001 ().

-- L'endettement reste important. L'annuité, certes en baisse de 7 % en 2002, s'établit à 112 euros par habitant, ce qui est très supérieur à la moyenne nationale 2001 des départements métropolitains expérimentant la M 52, soit 72 € par habitant. Par ailleurs, au 1er janvier 2002, l'encours de la dette par habitant s'élève à 562 euros, alors que la moyenne nationale, pour 2001, est de 394 euros ().

Le débat institutionnel ouvert dans certains DOM témoigne des attentes des acteurs de terrain

Les acteurs du développement local ressentent cette inadaptation de manière croissante, plus encore à l'heure où la reconnaissance des DOM comme Régions Européennes Ultrapériphériques implique de mettre en place une organisation efficace afin de tirer pleinement parti de ce statut désormais sans ambiguïté.

La richesse du débat institutionnel depuis quelques années témoigne de la nécessité d'une évolution rapide dans certaines collectivités territoriales.

Ce sentiment n'est pas uniforme. A la Réunion, la question institutionnelle ne semple plus à l'ordre du jour. Les acteurs sociaux et politiques réunionnais sont, en effet, très attachés au statu quo institutionnel. Le projet de loi constitutionnelle relatif à la décentralisation n'est d'ailleurs considéré que dans une perspective « métropolitaine » : donnera-t-il davantage de pouvoirs au département et à la région pour faire face aux défis sociaux et économiques qu'ils doivent relever ? Quelles opportunités représente-t-il en termes de développement de l'emploi ? En un mot, la Réunion n'a pas de problème statutaire spécifique ; elle est, comme les régions métropolitaines, en quête d'une décentralisation et d'une déconcentration accrues, ainsi que d'une clarification des compétences. Lors des entretiens que votre rapporteur a eus à la Réunion en septembre 2002, tous les acteurs locaux - institutionnels, économiques, sociaux - ont insisté sur la nécessité de mieux articuler celles-ci. La pluralité des intervenants dans le processus de décision est ressentie, en effet, comme un frein considérable. En matière économique, l'intervention des pouvoirs publics censés mettre en _uvre des dispositifs d'aide est même considérée par certains comme contre-productive, le conseil général, voire la région étant débordés par le social et ne pouvant plus, de fait, assumer leur rôle économique. Et pourtant, s'ils pouvaient mettre en _uvre les dispositifs prévus pour développer l'emploi, la pression exercée par les besoins sociaux serait moins forte...

In fine, aux yeux des Réunionnais, si réforme administrative spécifique il doit y avoir, c'est en matière de découpage communal et cantonal. Elle n'est toutefois en rien prioritaire par rapport au problème majeur qu'est le développement économique et social.

Telle n'est pas du tout l'approche dans les départements français d'Amérique où les revendications institutionnelles sont considérées comme prioritaires. Le Président de la République en a d'ailleurs pris acte, lorsqu'il évoquait, le 6 avril 2002, à la Martinique, « cette incertitude institutionnelle qui, ces derniers temps, s'est développée en Martinique, sur fond de malaise diffus ». De fait, aux Antilles notamment, la problématique institutionnelle s'exprime parfois à travers un questionnement identitaire, qui témoigne, ni plus ni moins, comme le soulignait M. Jacques Chirac, de « la difficulté d'être à la fois créole, caribéen, français et européen. Difficulté aggravée par un certain manque de respect, par les excès du centralisme, par le sentiment que la métropole ne sait pas écouter et que l'État peine à comprendre et à se réformer ».

De fait, ces trois DOM ont été particulièrement actifs dans la définition d'un nouveau projet institutionnel.

Ainsi, en Guadeloupe, le congrès des élus départementaux et régionaux s'est réuni à deux reprises, les 18 juin 2001 et 17 décembre 2001. Le débat institutionnel a connu une pause au premier semestre 2002 avec les élections présidentielle et législatives et le congrès ne s'est pas réuni. A l'issue de la deuxième réunion du congrès, les élus n'ont pas adopté la synthèse des travaux de la commission. En revanche, ils ont approuvé une résolution qui cadre, de façon générale, les compétences de la future assemblée territoriale unique que les élus souhaitent mettre en place et détaille, par ailleurs, la répartition des compétences, exclusives et conjointes, de la collectivité et de l'État.

La nouvelle collectivité souhaiterait se voir attribuer, outre les compétences actuelles du département et de la région, des compétences propres dans les domaines suivants : fiscalité, régime douanier, formation professionnelle, aménagement du territoire (y compris logement et littoral), patrimoine foncier et agricole, tourisme, culture (et moyens de sa diffusion), gestion de la fonction publique territoriale, sport, transports intérieurs et inter-îles, énergie, eau, coopération régionale, choix des emblèmes et signes distinctifs de l'identité de la nouvelle collectivité, à côté de ceux de la République.

En Martinique, après s'être réuni une première fois le 12 juin 2001, le congrès des élus départementaux et régionaux s'est réuni à deux reprises, en février et en mars 2002, et a adopté un projet d'évolution institutionnelle. Le conseil général, le conseil régional et le conseil économique et social régional ont adopté ce texte en avril 2002.

Le schéma institutionnel envisagé est, dans ses grandes lignes, proches de celui défini par la Guadeloupe : création d'une collectivité unique, dotée d'une assemblée bénéficiant des compétences dévolues précédemment au département et à la région, mais également de nouvelles compétences que l'État transférerait en même temps que les charges correspondantes. Ainsi, l'assemblée unique exercerait seule les compétences relatives au développement économique, à la culture, au patrimoine, à la jeunesse et aux sports (définition des modalités particulières d'organisation, gestion du patrimoine), à l'équipement et au logement, au transport (définition de la politique de transport interne et international), à l'agriculture et la pêche, au tourisme, à l'énergie, à la formation professionnelle, à l'insertion et à l'emploi (définition des règles, des politiques et des priorités d'accès) et au régime de la propriété et à la politique foncière (transfert de domanialité publique et privée forestière, définition de règles territoriales sur l'accès à la propriété et à la politique foncière).

Enfin, en Guyane, la réflexion des élus a été alimentée notamment par les travaux issus des états généraux du développement économique réel et durable de 1997. Elle trouve aussi son inspiration dans la Déclaration de Basse-Terre du 1er décembre 1999. Elle a débouché sur un projet de pacte de développement au mois de mars 2000. Ce document proposait la création d'une collectivité territoriale de Guyane et de quatre provinces, ainsi que des transferts de compétences de l'État vers la collectivité territoriale.

Par la suite, après des mois de préparation sous forme de séminaires hebdomadaires, toutes les forces politiques ont adopté, le samedi 9 juin 2001, un avant-projet sur les institutions qui a été soumis au congrès le 29 juin 2001. Seul le parti Walwari, qui souhaite une démarche moins précipitée et un bilan préalable de la décentralisation en Guyane, reste en retrait de ce processus. Ce texte s'inspire largement des évolutions institutionnelles de la Nouvelle-Calédonie (lois du pays, corps électoral spécial, modification des domaines respectifs de la loi et du règlement, ...). Il prévoit une nouvelle collectivité territoriale de Guyane dans le cadre de la République et de l'Europe, avec un pouvoir d'initiative législative et réglementaire dans certains domaines de compétences, doublé de mesures de rattrapage et d'accompagnement financées par l'État.

Les territoires d'outre-mer ont connu des évolutions diverses depuis 1997. Tout en restant une collectivité territoriale de la République, la Nouvelle-Calédonie s'est affranchie de son appartenance à la catégorie des TOM et a mis progressivement en place les institutions nées de l'accord de Nouméa et de la loi organique du 19 mars 1999. La Polynésie française est, elle, dans l'attente d'un nouveau statut. Pour Wallis et Futuna, la question institutionnelle n'a pas fait l'objet du débat que, pourtant, elle méritait.

Devenu un territoire d'outre-mer en 1946, la Nouvelle-Calédonie a connu, entre 1976 et 1988, cinq statuts différents qui furent sources d'insatisfaction, et parfois de troubles graves. Les accords de Matignon, signés le 26 juin 1988, lui ont permis de retrouver dix ans de stabilité. Dans la voie ainsi ouverte, l'accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998, a prévu qu'après une période de vingt ans au cours de laquelle s'effectueraient le transfert progressif de certaines compétences de l'État à la collectivité et la mise en place de nouvelles institutions, les citoyens de la Nouvelle-Calédonie se prononceront sur son éventuelle accession à la pleine souveraineté.

Prenant acte de l'accord de Nouméa, la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 a introduit dans notre texte fondamental un titre XIII consacré à des « dispositions transitoires en Nouvelle-Calédonie ». La loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 et la loi ordinaire n° 99-210 du même jour ont défini le nouveau statut de la collectivité. Dérogeant à certaines dispositions constitutionnelles, il confère à la Nouvelle-Calédonie une large autonomie, cherchant à établir une souveraineté partagée avec l'État, pour reprendre la terminologie de l'accord de Nouméa.

Si la mise en place des nouvelles institutions s'est faite sans grandes difficultés, des incertitudes demeurent cependant.

Le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie s'appuie sur deux types d'institutions :

- les institutions propres à la Nouvelle-Calédonie, qui relèvent du titre XIII de la Constitution, comprennent le Congrès, le Gouvernement, le Sénat coutumier, le Conseil économique et social et les conseils coutumiers ;

-  les provinces et les communes, qui sont régies par les dispositions du titre XII relatif aux collectivités territoriales de droit commun.

Les élections aux assemblées de province et au Congrès, lui-même composé des membres des assemblées de province, ont eu lieu le 9 mai 1999. Au sein du congrès, le RPCR - aujourd'hui dénommé Rassemblement - a passé une alliance avec la Fédération des comités de coordination des indépendantistes (FCCI) pour disposer d'une majorité absolue avec 28 sièges sur 54. M. Simon Loueckhote (RPCR) a été élu à la présidence du Congrès.

Le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, élu par le Congrès, a été constitué le 28 mai 1999. M. Jean Leques (RPCR) a été élu à sa présidence, tandis que M. Léopold Joredie (Fédération des comités de coordination indépendantistes-FCCI) était élu à la vice-présidence. Le FLNKS a exprimé sa déception, estimant que la vice-présidence devait lui revenir dans l'esprit de l'accord de Nouméa. Des divergences politiques se sont exprimées sur les modalités d'application de la collégialité au sein du Gouvernement et des contentieux entre le FLNKS et le Rassemblement ont été portés devant le juge administratif. A la suite de la démission de M. Jean Leques, en mars 2001, un nouveau gouvernement a été élu par le congrès le 3 avril 2001. La présidence du Gouvernement a été confiée à M. Pierre Frogier (Rassemblement ex. RPCR), également député, tandis que la vice-présidence est revenue cette fois-ci à une élue du FLNKS, Mme Dewe Gorodey. Cette élection a conduit à un apaisement des relations entres les différents partenaires. La seconde réunion du comité des signataires de l'accord de Nouméa a eu lieu le 22 janvier 2002 et ils se sont accordés pour poursuivre le travail engagé, en recherchant le consensus dans un esprit de dialogue conforme à la lettre et à l'esprit de l'accord de Nouméa. Le Sénat coutumier et le Conseil économique et social ont été officiellement installés les 27 août 1999 et le 2 février 2000.

Les transferts de compétences de l'État à la Nouvelle-Calédonie semblent s'être accomplis dans des conditions satisfaisantes, alors que le transfert des moyens des services n'a pas encore été réalisé concrètement. De ce fait, la dotation globale de compensation pour la Nouvelle-Calédonie n'a toujours pas été versée. Une vingtaine de lois du pays sont intervenues en application des articles 99 et suivants de la loi organique du 19 mars 1999, en particulier dans les domaines fiscaux et sociaux. Des exonérations fiscales pour les investissements dans le secteur de la métallurgie et des minerais ont été mises en place, ainsi que d'autres dispositifs d'encouragement à l'investissement. En application de l'article 23 de la loi organique du 19 mars 1999, le Congrès a proposé le transfert à la Nouvelle-Calédonie des établissements publics d'État suivants : l'Office des postes et télécommunications et l'Institut de formation des personnels administratifs. Les décrets nécessaires à la concrétisation de ces transferts ont été adoptés.

L'accord de Nouméa a affirmé la nécessité de poser les bases d'une citoyenneté néo-calédonienne réservée à une certaine catégorie de Français. Au nom de cette citoyenneté, des restrictions ont été apportées au corps électoral pour la consultation finale sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, mais également pour l'élection des institutions du territoire. Lors de l'examen de la loi organique portant statut de la Nouvelle-Calédonie, le Conseil constitutionnel a formulé une réserve interprétative concernant le corps électoral spécial pouvant participer aux élections du Congrès et des assemblées de province. L'article 188 de la loi organique, qui définit le corps électoral appelé à désigner les membres du Congrès et des assemblées de province, vise les électeurs « inscrits sur le tableau annexe et domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection au Congrès et aux assemblées de province ». Le tableau annexe est, quant à lui, défini par le I de l'article 189 : il comprend les électeurs qui ne sont admis à participer qu'aux autres élections (présidentielles, législatives, municipales et européennes). Le Conseil constitutionnel a considéré que, quelle que soit la date de son installation en Nouvelle-Calédonie, même postérieure à 1998, un Français qui, à la date de l'élection au Congrès et aux assemblées de province, est inscrit sur le tableau annexe et justifie de dix années de résidence en Nouvelle-Calédonie, est appelé à élire les membres de ces assemblées et doit être admis à la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie.

Cette interprétation, qui conduit à ne pas figer le corps électoral, a été contestée par les indépendantistes. A l'initiative du Gouvernement de M. Lionel Jospin a été inséré, dans le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française, déposé le 31 mai 1999, un article précisant que le tableau annexe, auquel se réfère l'accord de Nouméa pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au Congrès, est le tableau annexe établi pour la consultation référendaire de 1998, qui comprend des personnes installées en Nouvelle-Calédonie entre 1988 et 1998. Cette disposition, qui restreignait considérablement le corps électoral n'a pas été définitivement approuvée, le projet de loi constitutionnelle n'ayant pas été soumis au Congrès. Son adoption pourrait soulever des difficultés. En effet, il convient de souligner que la France a fait l'objet d'un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme pour avoir accepté de restreindre le corps électoral pour les élections aux assemblées de province et au Congrès.

Le statut de la Polynésie française est actuellement issu de la loi organique n° 96-312 et de la loi n° 96-313 du 12 avril 1996. Ces deux textes ont renforcé l'autonomie du territoire consacrée en 1984, accru ses compétences et amélioré le fonctionnement de ses institutions.

Le statut de septembre 1984, modifié à plusieurs reprises, a donné à la Polynésie une compétence de droit commun, l'État n'intervenant plus que dans les domaines qui lui sont expressément réservés : les relations et les communications extérieures, le contrôle de l'immigration et des étrangers, la monnaie et le crédit, la défense, l'état civil et la nationalité, la justice et l'organisation judiciaire, le maintien de l'ordre, les principes généraux du droit du travail et les principes fondamentaux des obligations commerciales, l'enseignement supérieur, l'organisation communale et la communication audiovisuelle.

La loi organique du 12 avril 1996 a élargi les compétences de la Polynésie française à de nouveaux domaines ou lui a permis d'exercer ses attributions de manière concurrente à celle de l'État, là où celui-ci est demeuré compétent. Ainsi, depuis 1996, la Polynésie exerce son autorité sur la quasi-totalité du domaine public maritime et dispose du droit d'exploration et d'exploitation des ressources de la mer. Dans le domaine des communications, la Polynésie française est exclusivement compétente pour les dessertes aériennes et maritimes internationales ayant son territoire comme seules escales, ainsi qu'en matière de postes et télécommunications. Les dessertes maritimes et aériennes entre l'archipel et les autres points du territoire de la République et les liaisons gouvernementales et de sécurité demeurent toutefois sous la responsabilité de l'État. Par ailleurs, la Polynésie réglemente la coopération et la mutualité et peut décider du placement de ses fonds libres.

En matière internationale, le rôle de la Polynésie française a été étoffé. Le statut de 1996 a repris les dispositions introduites par la loi de 1990 ouvrant aux autorités de la République la faculté de charger le président du territoire de représenter l'État au sein d'organismes régionaux ou de négocier et signer des accords avec les États ou organismes régionaux du Pacifique. Par ailleurs, il lui a reconnu le droit de négocier des conventions de coopération décentralisée avec des collectivités territoriales étrangères.

Les matières dans lesquelles la Polynésie française s'est vu reconnaître une compétence en concurrence avec l'État sont notamment l'organisation de filières d'enseignement supérieur, la réglementation relative à la sécurité civile et la définition de règles relatives aux jeux de hasard.

Enfin, en dehors des compétences dévolues au territoire, le statut de 1996 a prévu également la consultation des institutions locales dans de nombreux cas. Le Conseil des ministres doit émettre un avis sur les projets de décret touchant l'organisation particulière du territoire et sur la desserte aérienne entre la Polynésie française et les autres points du territoire national. L'Assemblée de la Polynésie française, quant à elle, se voit transmettre les propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature législative relevant du champ d'application de la décision d'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne et ressortissant au domaine de compétence du territoire.

Les lois de 1996 constituent l'aboutissement de l'évolution statutaire possible dans le cadre de l'article 74 de la Constitution. Aller plus loin n'est guère envisageable sans révision de notre texte fondamental. Dans sa décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 relative au statut de la Polynésie, le Conseil constitutionnel l'a montré en annulant plusieurs dispositions de la loi organique. Il a ainsi jugé que le Conseil des ministres de la Polynésie française ne pouvait se voir reconnaître le pouvoir d'organiser un régime discrétionnaire préalable à la réalisation de transferts de propriété, un tel régime portant une atteinte excessive au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le Conseil constitutionnel a également censuré la disposition limitant la compétence de l'État aux seules garanties fondamentales des libertés publiques, estimant que l'État devait assurer, sur l'ensemble du territoire national, les mêmes garanties des libertés publiques à tous, et non les seules garanties fondamentales. Dans le même sens, le Conseil a dénié aux autorités polynésiennes le pouvoir de fixer les règles relatives à la recherche des preuves et des auteurs des infractions aux réglementations territoriales, en jugeant qu'un tel pouvoir aurait conduit à organiser des disparités sur le territoire de la République en matière de libertés publiques. Enfin, il a censuré deux autres dispositions au motif qu'elles portaient atteintes à l'exercice de libertés publiques : la première habilitait le Conseil des ministres du territoire à désigner les services chargés de recueillir les déclarations des associations, la seconde restreignait le droit d'exercer un recours pour excès de pouvoir contre les actes pris en application des délibérations de l'Assemblée de Polynésie française.

Les limites de l'autonomie ont ainsi été atteintes dans le cadre constitutionnel actuel. Le partage des compétences entre le territoire et l'État se révèle dans certains cas insatisfaisant. L'État détient des compétences transversales, en droit pénal, en procédure pénale ou encore en matière de libertés publiques, qui se superposent à celles détenues par le territoire et les restreignent parfois excessivement.

La révision constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie a ouvert la voie à une réflexion sur l'évolution du statut de la Polynésie française. Le contexte politique, géographique, social et culturel des deux territoires est extrêmement différent et la solution adoptée pour la Nouvelle-Calédonie n'est pas transposable à la Polynésie française dont les habitants, dans leur très grande majorité, souhaitent demeurer au sein de la République française. Néanmoins, les autorités polynésiennes ont formulé le souhait d'une autonomie renforcée, comprenant de nouveaux transferts de compétence et un dispositif leur permettant de mettre en place les conditions d'une meilleure protection de l'emploi local et de l'activité économique.

Le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française, déposé en mai 1999, prévoyait de reconnaître à ce territoire le statut singulier de « pays d'outre-mer », d'organiser à son profit un nouveau transfert de compétences et de créer une citoyenneté polynésienne. Ce texte, adopté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat, n'a pas cependant été soumis au Congrès. A la réflexion, on peut s'interroger sur son approche, consistant à conférer à la Polynésie un statut constitutionnel spécifique. Par ailleurs, l'introduction d'une notion de citoyenneté polynésienne pouvait prêter à confusion. S'il s'agissait, en effet de reconnaître aux Polynésiens des droits spécifiques en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'activité économique et d'accession à la propriété foncière, il n'était, en revanche, nullement envisagé de limiter l'exercice du droit de vote. Le nouveau statut de la Polynésie française reste donc à redéfinir.

A l'exception de Papeete, Uturoa, Faa'a et Pirae, les quarante-huit communes de la Polynésie française ont été créées le 28 juin 1972 par décret en Conseil d'État pris en application de la loi communale n° 71-1028 du 24 décembre 1971. Le dispositif juridique existant ne permet pas à ces communes de jouer pleinement leur rôle d'institutions de proximité. Elles ne disposent pas de toutes les compétences reconnues aux autres communes de la République et leurs actes sont encore soumis au régime de la tutelle a priori. Les délibérations des conseils municipaux polynésiens relèvent aujourd'hui principalement de l'approbation tacite. Elles sont soumises à l'approbation préalable du représentant de l'État, dès lors qu'elles relèvent des domaines énumérés à l'article L. 121-38 du code des communes applicable en Polynésie française (emprunts, rémunération des personnels, interventions dans le domaine industriel et commercial...). De plus, sont nulles de plein droit les délibérations des conseils municipaux polynésiens portant sur des domaines étrangers à leurs compétences. Les communes de Polynésie restent également soumises à la tutelle financière de l'État. La chambre territoriale des comptes de Polynésie française, n'intervient, s'agissant de ces communes, que pour juger les comptes des comptables. Enfin, les ressources de ces communes sont insuffisantes pour financer l'équipement prioritaire et les services de proximité.

Le Gouvernement de M. Lionel Jospin avait déposé un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire relatifs au régime communal applicable dans le territoire de la Polynésie française qui n'ont cependant jamais été inscrits à l'ordre du jour des assemblées. Seul le mode de scrutin des communes de Polynésie a été modifié : la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a instauré une dose de proportionnelle qui devrait permettre à l'opposition d'être représentée dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants qui ne sont pas composées de communes associées. Ainsi sera donc appliqué le droit commun dans le domaine électoral. Huit communes sont concernées par cette disposition. Toutes sont situées dans les Îles du Vent et regroupent 64 % de la population polynésienne.

Le territoire de Wallis et Futuna demeure régi par la loi du 29 juillet 1961 modifiée par la loi de finances du 29 décembre 1971, les lois du 26 juin 1973 et du 18 octobre 1978 et par la loi organique du 20 février 1995. La loi du 29 juillet 1961 précise, en son article 3, que « La République garantit aux populations du territoire de Wallis et Futuna le libre exercice de leur religion ainsi que le respect de leurs croyances et de leurs coutumes en tant qu'elles ne sont pas contraires aux principes généraux du droit et aux dispositions de la présente loi ». Elle reconnaît implicitement le pouvoir coutumier en instituant un Conseil territorial et trois conseils de circonscription.

Le Conseil territorial est présidé par le Préfet, administrateur supérieur et chef du territoire, tandis que les trois chefs traditionnels des trois royaumes en sont les vice-présidents. Le Conseil territorial comprend également trois membres désignés par le chef du territoire, après accord de l'assemblée territoriale. Il examine notamment tous les projets de délibération qui doivent être soumis à l'assemblée territoriale.

Les trois conseils de circonscription, un à Wallis (Royaume d'Uvéa), deux à Futuna (Royaumes d'Alo et de Sigave), sont élus dans les conditions prévues par la coutume. Ils délibèrent sur tous les projets préparés par le chef de circonscription (à Wallis) et le délégué du Préfet à Futuna, et notamment sur le budget de la circonscription. L'Assemblée territoriale comprend vingt membres élus pour cinq ans au scrutin de liste (sans panachage ou liste incomplète) à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. Il existe cinq circonscriptions électorales (trois à Wallis, une dans chacun des deux Royaumes de l'île de Futuna). L'institution communale n'existe pas à Wallis et Futuna. Les circonscriptions en tiennent lieu.

Depuis de nombreuses années, le thème d'une modification du statut de Wallis et Futuna est évoqué sans que des propositions concrètes ne soient formulées par les autorités ou les forces vives du territoire. La commission d'études et de propositions sur le statut, sous la responsabilité du représentant de l'État, s'est réunie à plusieurs reprises en 2000 et 2001 : il avait été alors souligné qu'il appartenait aux institutions présentes au sein de la commission de préciser l'évolution souhaitée localement.

Les premiers mois de l'année 2002 ont été consacrés aux différentes campagnes électorales pour le renouvellement général de l'assemblée territoriale (le 10 mars 2002) et les scrutins nationaux (élections présidentielle et législatives). Le thème du statut n'a pratiquement pas été évoqué au cours de ces campagnes électorales. Les autorités coutumières, soucieuses de leurs prérogatives, sont plutôt favorables, dans l'immédiat, à une concertation pour établir le bilan de l'application de l'actuel statut de 1961 et définir les modalités d'exercice de toutes les compétences existantes. Sans répondre à tous les maux dont souffre le territoire, une réforme statutaire permettrait peut-être de redonner à l'archipel un regain de dynamisme.

La question des relations entre Wallis et Futuna et la Nouvelle-Calédonie occupe aujourd'hui les esprits dans ces deux territoires. La tension entre les Mélanésiens et les Wallisiens et Futuniens en Nouvelle-Calédonie a été particulièrement vive à Saint-Louis, dans la commune de Mont Dore, en février 2002 et a coûté la vie à deux personnes.

La communauté wallisienne en Nouvelle-Calédonie est nombreuse. Elle se chiffre à 18 000 personnes alors que la population de Wallis et Futuna n'atteint que 15 000 habitants. La Grande Terre demeure un exutoire démographique indispensable pour Wallis et Futuna. Conformément à l'accord de Nouméa, l'article 225 de la loi organique du 19 mars 1999 a prévu que les relations entre les deux territoires seraient précisées par un accord conclu au plus tard le 31 mars 2000. La signature d'un tel accord avait été envisagée à l'occasion de la réunion du comité des signataires de l'accord de Nouméa tenue à Paris en janvier 2002. Les délégations ont décidé de différer cette signature jusqu'à l'apaisement de la situation à Saint-Louis. On doit souhaiter que le processus arrive à son terme et que demeurent entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna des liens institutionnels forts à l'image des liens humains qui existent indissolublement entre ces deux territoires.

II. - LE BILAN ÉCONOMIQUE ET SOCIAL : DES SOCIÉTÉS SOUS TENSION

« Donner à l'outre-mer les instruments de la croissance, c'est d'abord assurer la continuité territoriale, c'est-à-dire mieux relier les collectivités d'outre-mer à l'extérieur. On les mettra ainsi sur un pied d'égalité avec les autres parties du territoire national. Les transports doivent cesser d'être le maillon faible de l'outre-mer, parce qu'ils conditionnent le développement de toutes les autres activités. C'est d'autant plus vrai pour vos économies qu'elles reposent largement sur l'exportation de produits frais, pour lesquels les délais et les coûts d'acheminement sont un élément essentiel de compétitivité. (...) Mais c'est un problème qui se pose plus profondément pour toutes les productions, un problème qui handicape l'outre-mer et qui doit être pris à bras-le-corps. C'est aussi un problème pour le développement du tourisme qui est une activité essentielle de votre région, car créatrice de nombreux emplois. Nous vivons dans une société d'échanges. Pour donner ses chances à une région, il faut d'abord la raccorder au réseau des autres territoires, il faut lui permettre de s'insérer dans les courants de communication. Alors donnons sa chance à votre région par une véritable politique de continuité territoriale ».

Ces mots prononcés par le Président de la République à la Guadeloupe, le 6 avril dernier, synthétisent parfaitement la problématique de la croissance durable de l'outre-mer, quelle que soit la collectivité concernée, et rappellent le lien consubstantiel qu'elle entretient avec la question de la continuité territoriale. A l'heure d'Internet et du courrier électronique, il n'est plus admissible, en effet, de voir pourrir sur les tarmacs d'un aéroport le fruit du travail des agriculteurs d'outre-mer, faute de moyens aériens pour les transporter. Tel est pourtant ce qui est arrivé en 2000 à une partie (1 100 tonnes !) de la production d'ananas Victoria de la Réunion, île qui subit de manière particulièrement choquante les conséquences de la désinvolture de la compagnie nationale, placée en situation de quasi-monopole sur cette liaison. Votre rapporteur a pu le constater : la situation qui prévaut actuellement sur la liaison assurée par Air France entre Paris et Saint-Denis de la Réunion n'a que trop duré, tant en ce qui concerne les tarifs, prohibitifs et sources de problèmes humains (séparations, mal du pays... pour les Réunionnais, notamment les jeunes, qui n'ont souvent pas d'autres choix que de chercher un emploi en métropole), que les conditions de voyage, indignes de la compagnie. La même remarque vaut en matière de fret où, semble-t-il, Maurice semble intéresser davantage la compagnie nationale. Les mêmes observations pourraient être faites s'agissant de la Guyane où, Air France s'étant retrouvée en situation de monopole, le « tarif de billet d'avion augmente brutalement de 20 % », comme s'en est indignée Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, lors de son premier déplacement à la Réunion, le 28 juillet 2002.

Conformément aux engagements pris par M. Jacques Chirac, au cours de sa campagne, il est urgent de permettre à nos compatriotes d'outre-mer de bénéficier d'une desserte aérienne de qualité et à un prix raisonnable. Avec la mise en place du passeport mobilité, qui bénéficie, dans le projet de loi de finances pour 2003, de 17,5 millions d'euros, l'amélioration de la continuité territoriale enregistre une avancée majeure et votre rapporteur s'en félicite. Reste maintenant à trouver une solution satisfaisante au problème de desserte aérienne, condition sine qua non d'une continuité territoriale digne de ce nom.

Comme la métropole, les DOM et Mayotte ont bénéficié, au cours des années récentes, d'une conjoncture économique relativement favorable. C'est pourquoi non seulement la persistance d'un chômage structurel très élevé, mais également la situation sociale de ces collectivités, particulièrement difficile aux Antilles, n'en sont que plus regrettables. De fait, en cette fin d'année 2002, le chômage reste l'un des maux les plus graves de l'outre-mer.

Dans un contexte de croissance démographique soutenue, les DOM et Mayotte n'ont d'autres choix que de maintenir un taux de croissance économique soutenue pour créer un nombre d'emplois adapté à leur démographie.

De fait, contrairement à une idée généralement reçue, fondée uniquement sur l'analyse des chiffres du chômage, les économies des DOM sont dynamiques, parfois plus que celle de la métropole. Votre rapporteur ne dispose pas de chiffres récents, la dernière étude de l'INSEE portant sur la période 1994-1997. Mais les résultats en sont particulièrement révélateurs.

TAUX DE CROISSANCE RÉELLE DU PIB EN MÉTROPOLE ET DANS LES DOM DE 1994 À 1997

(en %)

 

1994

1995

1996

1997

La Réunion

1,5

6,6

2,1

3,3

Martinique

2,9

1,8

4,6

3,2

Guadeloupe

2,4

1,4

5,1

3,8

Guyane

- 4,7

13,5

- 3,1

2,1

Métropole

2,1

1,7

1,1

1,9

Source : rapports IEDOM 2001.

Tel est également le constat qui ressort des entretiens que votre rapporteur a eus à la Réunion, en septembre 2002, avec l'ensemble des organisations syndicales d'employeurs, de salariés, de travailleurs indépendants et d'agents publics, les chambres des métiers, du commerce et de l'industrie, et de l'agriculture, ainsi qu'avec le conseil économique et social, le conseil général et le président du conseil régional. L'économie réunionnaise est une économie dynamique : c'est à la Réunion que l'on trouve le plus fort taux de création d'emplois dans le secteur marchand en France, l'offre d'emploi de ce secteur ayant augmenté, en 2001, de 32,7 %... mais la Réunion est aussi la région française qui a le plus fort taux de chômage (30,9 % à la fin du mois de mai 2002).

La véritable problématique économique des DOM se pose, par conséquent, en des termes assez différents par rapport à la métropole : la question n'est pas seulement de stimuler une croissance parfois atone, mais aussi, et surtout, de rendre ces économies plus dynamiques encore. Sans quoi elles sont condamnées au chômage structurel. A cet égard, s'il faut sans doute se réjouir de la décrue du chômage dans ces parties du territoire français depuis 1999, l'enthousiasme doit être mesuré, car, comme l'a souligné à votre rapporteur M. Jocelyn de Lavergne, président de la chambre des métiers de la Réunion, passer d'un taux de chômage de 36,5 % en 2000 à 30,9 % en 2002 représente un progrès tout relatif ! Votre rapporteur ne minimise en rien la décrue, réelle, du chômage dans les DOM au cours des trois dernières années. Le nombre de demandeurs d'emploi s'est, en effet, réduit de 4,9 % en 2001 outre-mer (comparaison de décembre à décembre), alors qu'il augmentait de 2,2 % en métropole. Il s'est réduit de 8,8 % en 2001 pour les moins de 25 ans et de 8,5 % pour les chômeurs de longue durée.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DES DEMANDEURS D'EMPLOI EN FIN DE MOIS (DEFM)
DANS LES DOM DE 1997 À 2001

 

1997

1998

1999

2000

2001

2001/2000

Guadeloupe

49 765

52 425

54 255

47 842

45 372

- 5,2%

Martinique

44 919

49 993

48 667

43 521

40 233

- 7,6%

Guyane

12 555

13 073

12 791

11 695

11 251

- 3,8%

Réunion

100 055

95 769

94 921

91 999

88 692

- 3,6%

TOTAL

207 294

211 260

210 634

195 057

185 548

- 4,9%

Reste que cette amélioration semble bien fragile. Ainsi, s'il faut se féliciter du fait que la baisse du chômage bénéficie prioritairement aux jeunes, il y a lieu, cependant, de tempérer ce constat favorable, seule une partie des jeunes au chômage s'inscrivant à l'ANPE. En outre, comme le montre le tableau suivant, la part des jeunes au chômage outre-mer reste trop élevée, comparée à la situation des jeunes de moins de 25 ans en métropole.

TAUX DE CHÔMAGE DES JEUNES (AU SENS DU BIT)

(en %)

 

1993

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Guadeloupe

48,0

49,7

54,1

54,4

61,4

61

57,5

Guyane

42,9

41,7

36,5

51,2

56,2

49,5

44,6

Martinique

49,4

55,4

52,4

63,12

57,8

60,1

49,3

Réunion

52,7

nc

nc

62,2

57,9

60,9

60,8

Métropole

24,6

25,9

26,4

28,1

25,4

25,2

20,7

Source : INSEE.

Par ailleurs, à en croire les indicateurs d'emploi les plus récents dont nous disposons (juin 2002), la décrue globale du chômage semble marquer le pas, sauf en Martinique et à la Réunion, où le mouvement à la baisse se poursuit.

ÉVOLUTION DES INDICATEURS DE CHÔMAGE

(en %)

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Total DOM

Métropole

Décembre 1998

29,4

29,4

22,2

35,6

31,2

11,5

Décembre 1999

30,4

28,6

21,8

36,0

31,4

10,6

Décembre 2000

26,8

25,6

19,9

34,9

29,0

9,2

Décembre 2001

23,6

24,0

19,1

28,6

25,5

9,0

Juin 2002

23,8

23,8

20,4

28,1

25,4

9,0

Source : INSEE.

Les économies des DOM restent donc des économies fragiles. Cet autre baromètre de la situation économique et sociale des DOM qu'est l'évolution du nombre de bénéficiaires du RMI confirme que, malgré quatre années d'embellie économique, aucune évolution structurelle vers une croissance solide et suffisante en emplois ne se fait jour.

Ainsi, à la Réunion, le nombre de bénéficiaires du RMI a augmenté de 6,5 % en 2001 selon le ministère de l'outre-mer, ce qui porte à 22 % la part de la population du département concernée par le RMI. On rappellera qu'elle est de 3 % en métropole...

En Guadeloupe, le nombre d'allocataires du RMI a progressé de 36 % sur cinq ans, l'augmentation en 2001 s'établissant à 4,8 %. Aujourd'hui, 31,3 % des allocataires de la caisse d'allocations familiales et 7,1 % de la population totale du département touchent le RMI.

La progression est légèrement inférieure à la Martinique (4 %), où 18 % de la population active reste tout de même concernée.

Quant à la Guyane, elle a connu une véritable explosion du nombre de bénéficiaires en 2001, avec une croissance de 12,7 %, qui porte à 16,3 % la part de la population active recevant le RMI.

Cette fragilité des économies domiennes est d'autant plus préoccupante qu'elle n'est pas seulement liée aux aléas subis par les productions agricoles, qu'il s'agisse de l'économie sucrière à la Réunion et aux Antilles, de la pêche crevettière, de l'exploitation du bois ou de l'or en Guyane et de la production de bananes en Guadeloupe et en Martinique. Ainsi, l'évolution du secteur touristique est tout à fait inquiétante, à telle enseigne qu'il faut se demander si le recul constaté depuis 1999, soit bien avant les événements du 11 septembre 2001, relève d'un phénomène conjoncturel ou d'un blocage structurel.

L'évolution de la situation des Antilles françaises en matière touristique est particulièrement préoccupante, voire alarmante.

Alors que, de 1993 à 1998, les DOM insulaires ont bénéficié des retombées bénéfiques, d'une part, de l'ouverture de la desserte aérienne à de nouveaux transporteurs et, d'autre part, du report sur d'autres destinations de la clientèle des pays du pourtour méditerranéen ayant connu des troubles (Égypte, Turquie, Israël, Maghreb), à partir de 1999, la tendance a été au plafonnement puis, depuis 2001, à la baisse du nombre de visiteurs. Pour ne citer que ce seul cas, ô combien révélateur, avec 506 140 visiteurs en 2001, contre 607 303 visiteurs en 1999, la Martinique a perdu près de 100 000 touristes en deux ans !

Les causes semblent assez bien identifiées : en 2000, la baisse de la fréquentation peut être imputée aux tarifs aériens, trop élevés, au manque de sièges offerts et à l'engouement des visiteurs pour l'hébergement chez l'habitant. A ces causes, il convient d'ajouter, comme pour la Guadeloupe, la concurrence accrue des destinations voisines (Cuba, République Dominicaine...). D'ailleurs, en 2001, cette concurrence a continué à faire sentir ses effets. Il faut y ajouter les conséquences de l'attentat du 11 septembre 2001, les difficultés rencontrées par le transporteur aérien AOM, ainsi que la qualité jugée peu satisfaisante des services et parfois même de l'accueil.

Au total, il est vrai que le marché a connu de nombreuses vicissitudes depuis les événements du 11 septembre 2001, risques que le récent attentat sur l'île de Bali ne fait que conforter. Il n'est pas certain, en effet, que joue en la matière un effet de vase communiquant. L'ensemble du secteur touristique pourrait au contraire pâtir des incertitudes stratégiques.

Il semble toutefois que le problème de l'industrie touristique aux Antilles dépasse ces aléas conjoncturels : la part de marché croissante prise par les îles des Antilles non francophones conduit à penser que le problème est structurel. Les chiffres sont là pour témoigner qu'avant même le retournement de conjoncture de 2001, la situation avait commencé à se dégrader. Si, comme il vient d'être dit, les causes conjoncturelles en sont multiples, in fine, les difficultés tiennent au fait que ni du côté de l'offre, ni du côté de la demande, souvent d'origine métropolitaine, les acteurs impliqués n'ont le sentiment de trouver dans le développement de ces relations commerciales le socle d'un échange et d'une découverte mutuelles. Découverte d'une histoire à la fois commune, dans la République, et différente, du fait de la situation géographique spécifique de ces territoires ; échanges susceptibles de permettre aux uns de découvrir le patrimoine naturel et culturel des autres. Alors qu'il devrait être un lien, le tourisme, souvent d'origine métropolitaine, est ressenti, d'un côté, comme un élément de fracture, voire comme une source de servitude et d'inégalités, et vécu, de l'autre, comme un produit commercial et de loisir, une « offre de soleil » et de dépaysement parmi d'autres.

Le bilan de la politique suivie outre-mer au cours des années récentes, en demi-teinte s'agissant de l'évolution économique, est, en revanche, plutôt négatif en matière sociale. Non seulement le dialogue social est resté trop longtemps balbutiant, mais, en outre, le développement d'une violence endémique dans les DOM ne laisse pas d'inquiéter.

Un dialogue social balbutiant

C'est en Guadeloupe que ce constat est le plus frappant, les grèves à répétition ayant, à nouveau, entaché l'activité économique en 2001. Les conflits sociaux ont été nombreux et longs, dégradant ainsi le moral des différents agents économiques du département et pénalisant l'activité. En 2001, la préfecture a recensé 217 conflits sociaux (+ 46,6 % en un an) et 1 964 journées non travaillées (+ 75,5 %). Les grèves concernent davantage les entreprises du commerce, des services et du tourisme, avec 206 litiges (+ 48,2 %) et 1 858 journées perdues. Les secteurs primaire (agriculture et pêche) et secondaire (industrie) affichent respectivement 4 et 7 litiges.

De même, en Guyane, le nombre de conflits du travail en 2001 est en légère progression par rapport à l'année précédente (9 contre 7 en 2000). Le total des journées non travaillées a, en revanche, fortement diminué (1 149 journées en 2001 contre 7 527 journées en 2000), en raison d'un nombre moins important de grévistes.

Mayotte n'a pas été épargnée par cette dégradation, l'année 2001 ayant même été marquée par une forte détérioration du climat social qui a touché l'ensemble des secteurs d'activité de l'économie mahoraise. Outre les deux grèves générales qui ont concerné le secteur public et le secteur privé, des mouvements très significatifs ont été conduits dans l'enseignement, à la société de transport maritime, à l'électricité de Mayotte, à la DASS et au centre hospitalier de Mayotte. Les principaux thèmes de ces mouvements de revendications ont été la revalorisation du revenu minimum interprofessionnel garanti (SMIG), le droit à une protection sociale, la régularisation des statuts des salariés, la normalisation des retraites et le refus de privatisation des services publics (STM, EDM, Hydrocarbures et Port de Longoni).

En revanche, en Martinique, la session pour le développement du dialogue social organisée en 2000, a connu un vif succès et a commencé à porter ses fruits. Sur l'année 2001, le relatif calme social qui avait prévalu en 2000 s'est poursuivi. Si le nombre de conflits sociaux a été sensiblement équivalent, 12 contre 11 en 2000, en termes de journées non travaillées, la hausse a été forte en 2001. La DTEFP a recensé 6 969 journées non travaillées (dont 5 843 dans le secteur agricole, soit 84 % du total) contre 1 849 en 2000 (et plus de 13 200 en 1999).

De même, à la Réunion, le climat social dans le secteur privé a été serein avec 11 conflits recensés par l'inspection du travail (15 en 2000 et 28 en 1999). L'amélioration des relations sociales est confirmée si l'on considère le nombre de journées individuelles non travaillées, qui s'établit à 4 330 contre 5 223 en 2000 (soit une baisse de 17 %). Les principaux conflits ont affecté des entreprises du secteur de la santé (73,3 % du total des journées perdues pour 2 conflits), du commerce (10,2 % pour 3 conflits) de l'industrie (4,8 % pour 2 conflits), les services opérationnels (4,6 % pour 1 conflit) et les autres secteurs (7,1 %).

L'inquiétant développement d'une violence endémique

L'outre-mer n'échappe pas à la hausse tendancielle de la délinquance observée en métropole depuis plusieurs années : la part de la délinquance constatée sur l'ensemble des DOM, tant en zone de police que dans les zones de gendarmerie, a progressé de 31,5 % depuis 1991. Sans doute cette croissance a-t-elle été infléchie en 2001, puisqu'elle n'a été « que » de 3,24 % en 2001, comme l'indique le tableau suivant. Ainsi, contrairement à l'année précédente, la délinquance en zone de police n'a pas progressé (- 0,71 %), alors que l'augmentation avait été de 16 % en 2000.

ÉVOLUTION DE LA DÉLINQUANCE DANS LES DOM DEPUIS 1999

 
 

1999

2000

2001

Guadeloupe

11 522

11 885

13 153

Martinique

9 148

9 300

8 181

-12,03%

12 614

13 030

14 606

12,10%

21 762

22 330

22 787

+2,05%

Guyane

9 583

10 868

9 816

-9,68%

7 508

5 000

5 338

6,76%

17 091

15 868

15 154

-4,50%

La Réunion

13 669

15 545

16 109

3,63%

12 968

13 266

16 822

26,81%

26 637

28 811

32 931

14,30%

Mayotte

1 312

2 197

2 763

25,76%

2 658

3 160

3 186

0,82%

3 970

5 357

5 949

11,05%

St Pierre et Miquelon

0

0

0

0

102

115

92

-20,00%

102

115

92

-20,00%

TOTAL

45 234

49 795

50 022

0,46%

51 083

48 462

51 814

6,92%

96 317

98 257

101 836

3,64%

Source : ministère de l'outre-mer.

                       

Il est pourtant difficile de se satisfaire de ce fléchissement de la délinquance.

En premier lieu, il faut rompre avec l'idée que, comme la hausse des prix, l'augmentation de la délinquance serait un phénomène presque « naturel » et que la seule limitation de cette croissance devrait être considérée comme un résultat positif.

En deuxième lieu, ce chiffre recouvre des réalités contrastées. Sensible en Martinique où les efforts de sécurisation à Fort de France ont commencé à porter leurs fruits, ainsi qu'à la Réunion (3,63 % en 2001 contre 13,72 % en 2000), la baisse est purement artificielle en Guyane, car due uniquement à la chute du chiffre des étrangers en situation irrégulière, qui représente, selon les années, près ou plus de la moitié des statistiques de la police dans ce DOM. En Guadeloupe, enfin, la tendance est toujours à la hausse en raison du caractère criminogène de Pointe à Pitre.

En troisième lieu, cette approche quantitative est trompeuse, car elle ne rend pas compte de l'évolution des formes de la délinquance qui est extrêmement préoccupante. Celle-ci se caractérise, en effet, par l'accroissement des faits de voie publique et, en particulier, des vols commis, de plus en plus souvent, avec violence. D'où, non seulement une réalité toujours plus prégnante de la délinquance, mais également un sentiment d'insécurité, croissant dans les principales villes des DOM. Il faut ajouter à cette violence accrue dans le mode d'exécution, une attitude de plus en plus agressive de leurs auteurs face aux forces de l'ordre (injures, jets de projectiles), sans parler de la dégradation considérable de l'environnement urbain qu'elle entraîne, avec le développement de quartiers insalubres abritant une population marginale (toxicomanes, dés_uvrés, clochards, alcooliques, aliénés...). Enfin, bien qu'il n'existe pas, au sens métropolitain du terme, de bandes organisées (hiérarchisées et structurées), des groupes, généralement spontanés, peuvent se constituer, de façon ponctuelle, en réaction à un incident considéré comme injuste par ces jeunes.

La problématique de la délinquance peut être, dans certains cas, directement reliée au problème de l'immigration clandestine évoquée précédemment. Celle-ci, outre son caractère illégal, fait peser des tensions multiples sur des sociétés d'outre-mer déjà en butte à de nombreuses difficultés.

En Guyane, à l'origine directe d'une augmentation de la violence criminelle (immigration brésilienne de plus en plus violente, car de plus en plus manipulée par la pègre brésilienne, absence totale de volonté d'intégration des Guyanais...), elle génère un profond sentiment d'insécurité, doublé d'une réaction de rejet qui se manifeste par l'apparition de mouvements xénophobes d'autodéfense.

En Guadeloupe, la pression migratoire haïtienne avec son corollaire, le travail clandestin dans le secteur du bâtiment et de l'agriculture, est à l'origine d'une délinquance particulièrement violente et d'une forte réaction xénophobe avec une incidence en terme d'ordre public.

Le bilan économique de la Nouvelle-Calédonie en 2001 s'est inscrit en retrait par rapport à celui de l'année 2000, qui avait été particulièrement positif. Ce constat n'est pas surprenant. L'économie néo-calédonienne se caractérise par sa très grande dépendance de l'extérieur, tant pour ses débouchés que pour ses approvisionnements ; les effets conjoncturels négatifs de chaque ralentissement économique mondial sont immédiatement répercutés sur son activité.

· Les spécificités démographiques de la Nouvelle-Calédonie constituent des contraintes importantes pour le développement économique du territoire. La répartition de la population, estimée à 216 132 habitants, sur un archipel de plus de 18 000 km², est peu harmonieuse : 68 % des Néo-Calédoniens résident dans la Province Sud et plus de 60 % à Nouméa et dans les communes périphériques. La jeunesse de sa population - près de la moitié des Néo-Calédoniens ont moins de 25 ans - et son accroissement régulier se traduisent par une progression continue du chômage. Les jeunes de moins de vingt-cinq ans représentent 31 % des demandeurs d'emploi, tandis que les chômeurs de longue durée en représentent 23,8 %. Le marché de l'emploi fait toujours ressortir une inadéquation durable à la fois quantitative, qualitative et géographique entre l'offre et la demande et une forte dépendance à l'égard du secteur public et semi-public. Ce dernier demeure le principal employeur de Nouvelle-Calédonie, avec 21,9 % des salariés déclarés en 2001. Pour assurer son développement, le territoire entend s'appuyer sur deux secteurs en particulier : la production et la transformation du nickel ainsi que le tourisme.

· L'extraction et la transformation métallurgique du minerai de nickel font partie intégrante de l'identité calédonienne. L'évolution économique du territoire est intimement liée aux différents cycles de cette production, dont le rôle est essentiel, non seulement pour l'emploi, les revenus, les recettes fiscales, les investissements ou les exportations, mais aussi pour l'aménagement du territoire. Au cours de l'année 2001, le nickel a représenté 88,8 % des exportations de la Nouvelle-Calédonie, qui demeure le troisième producteur mondial de ce minerai avec une production de 7,2 millions de tonnes, soit 17 % de la production mondiale. L'économie calédonienne est fortement tributaire des fluctuations du marché mondial du nickel. Par rapport à ses principaux concurrents (Canada, Russie, Indonésie...), elle est handicapée par des coûts de production plus élevés, mais dispose d'un minerai à forte teneur en nickel.

L'organisation de la branche a connu en 2000 une mutation avec la création de la Société territoriale calédonienne de participation industrielle (STCPI) détenue à part égale par Promosud, qui représente les intérêts de la province Sud, et par Nordil, qui regroupe les intérêts de deux autres provinces. Elle dispose désormais de 30 % des parts de la Société Le Nickel et 5 % de celles d'Eramet. La SCTPI permet aux Calédoniens d'être désormais directement impliqués dans la gestion de leur principale ressource.

Trois projets sont actuellement en voie de réalisation. Ils devraient conduire au triplement de la production métallurgique calédonienne dans les prochaines années. Le projet de création d'une usine à Goro, dans le Sud, où se trouve un très important gisement de latérites, par la société canadienne INCO, premier producteur mondial, est en cours de réalisation. Cette usine devrait produire 50 000 tonnes de nickel et 5000 tonnes de cobalt, et représente un investissement de 1,5 milliard d'euros. Elle devrait bénéficier du dispositif de défiscalisation, à condition que des critères liés à l'environnement et à l'emploi soient respectés.

Le projet d'usine métallurgique du Nord, qui associe la SMSP et le producteur canadien Falconbridge, et dont l'aboutissement permettrait un rééquilibrage du territoire, est encore en phase d'études. La décision de lancement est attendue pour le second semestre 2003. Ce projet vise une capacité de production de 50 000 tonnes de nickel par an et devrait générer, en phase de construction, 1 500 emplois directs, puis 800, en phase de production, et environ 2 000 emplois induits.

Enfin, les capacités de l'usine métallurgique de Doniambo appartenant à la SLN vont être accrues. L'objectif de produire 60 000 tonnes annuelles de nickel dès l'année 2001 a été atteint ; la capacité de production devrait passer à 75 000 tonnes en 2005. Cet accroissement de la production métallurgique sera réalisé notamment par la montée en puissance progressive du centre minier de Tiébaghi dont l'exploitation a débuté courant 1998, ce qui permettra de créer 200 emplois dans le Nord.

La mise en _uvre de nouveaux projets d'exploitation du nickel et le développement d'une production métallurgique locale, dont la valeur ajoutée est environ trois fois celle de l'exploitation minière, sont positifs. Il convient de souligner cependant que la dépendance de la Nouvelle-Calédonie à l'égard de la conjoncture mondiale sera encore accrue. Par ailleurs, si le territoire veut tirer le plus grand bénéfice de ses projets, il lui faudra former de la main d'_uvre dans un temps assez court.

· Le tourisme est le second pôle économique de développement de la Nouvelle-Calédonie. En 2001, il représentait 6,1 % de sa population salariée. Les atouts de l'archipel sont réels : il n'est nul besoin d'épiloguer sur sa beauté... Mais les handicaps sont également nombreux : la vie locale est chère et les infrastructures peu développées. Depuis 1997, la fréquentation touristique n'a pas véritablement décollé. Elle a même baissé de 8,3 % en 2001, avec seulement 100 515 touristes contre 109 587 en 2000, ce qui constituait un rebond prometteur. Le Pacifique sud est une destination dont la notoriété repose sur la réputation solidement établie d'Hawaii, des îles Fidji et de la Polynésie française. Dans ce concert d'îles à vocation touristique affirmée, la Nouvelle-Calédonie fait figure de nouvelle venue. Il lui faut donc se démarquer dans un espace très concurrentiel.

En outre, l'hétérogénéité de la clientèle touristique impose une politique commerciale très segmentée. Le marché japonais constitue le premier marché émetteur pour la Nouvelle-Calédonie : en 2001, il représentait, en effet, 27,8 % du nombre total de touristes. Toutefois, il convient de souligner que, de 2000 à 2001, la fréquentation des touristes japonais a baissé de 10 % en raison de la contraction de la desserte aérienne. Le tourisme en provenance de la France métropolitaine et du reste de l'Europe revêt un caractère affinitaire dans une large mesure, le choix de la destination calédonienne ayant pour première raison la présence de parents ou d'amis en Nouvelle-Calédonie. Il a connu également une forte baisse de 17,9 % de 2000 à 2001, en raison de la contraction de la desserte aérienne. Le tableau ci-après retrace l'évolution de la répartition de la fréquentation en Nouvelle-Calédonie depuis 1997.

RÉPARTITION DES TOURISTES PAR PAYS DE RÉSIDENCE

Provenance

1997

1998

1999
(1)

2000
(1)

2001
(2)

Variations 2001/2000

Parts de marché
en 2001

Japon

34 629

35 420

31 017

31 051

27 954

- 10,0 %

27,8 %

France métropolitaine

30 149

28 805

29 500

30 702

25 202

- 17,9 %

25,1 %

Australie

17 229

15 455

14 567

18 012

19 200

6,6 %

19,1 %

Nouvelle-Zélande

7 448

7 164

7 090

9 576

8 049

- 15,9 %

8,0 %

Divers

15 682

16 991

17 561

20 246

20 110

- 0,7 %

20,0 %

Total

105 137

103 835

99 735

109 587

100 515

- 8,3 %

100,0 %

(1) Chiffres estimés. En effet, à compter du mois de juillet 1999, les données ne comptabilisent plus la totalité des embarquements et des débarquements de passagers de nationalité française (ou de celle d'un pays de l'Union européenne) puisqu'ils ne sont plus tenus de renseigner la fiche de la police de l'air et des frontières lors de leur séjour en Nouvelle-Calédonie (décision « Ravel » du 24 juin 1999 du tribunal administratif).

(2) Depuis janvier 2001, l'ISEE a mis en place une enquête « passagers » permettant de mesurer tous les mois les arrivées de touristes et de résidents.

Source : ISEE, police de l'air et des frontières, port autonome.

             

Dans un contexte de baisse de la fréquentation touristique, la capacité hôtelière de la Nouvelle-Calédonie a diminué en 2001 : 302 chambres ont été supprimées avec la seule fermeture du Club Méditerranée à Nouméa et de l'hôtel Crusoé à l'île Saint-Ouen. Toutefois, la livraison de nouvelles unités viendra compléter le parc hôtelier, mais 80 000 touristes supplémentaires seraient nécessaires pour obtenir des coefficients d'occupation touristique satisfaisants. Au-delà des équipements hôteliers, la Nouvelle-Calédonie manque d'infrastructures sportives et de loisirs. A cet égard, l'ouverture d'un nouvel aquarium à Nouméa fin 2004 représentera une attraction touristique appréciable.

Quoi qu'il en soit, le secteur touristique ne pourra se développer réellement que si le problème de la desserte aérienne est durablement résolu. Au total, six compagnies aériennes ont desservi régulièrement le territoire en 2001 : Air Calédonie International (AIRCALIN), Air France, AOM Minerve jusqu'à la fin mars, Quantas, Air New Zealand et Air Vanuatu. Les efforts des compagnies présentes sur le réseau du Pacifique sud ont permis d'accroître le trafic régional, mais la desserte de la métropole reste problématique.

La liaison Nouméa-Paris (assurée depuis mars 2001 uniquement par Air France) s'effectue dans des conditions qui se sont détériorées : la desserte Nouméa- Tokyo est effectuée en Airbus A 340-300 au lieu des B 747 antérieurs, ce qui a diminué l'offre de sièges, et une fréquence a été supprimée. En parallèle, il est vrai, AIRCALIN a ouvert, depuis mars 2002, des fréquences hebdomadaires en A 310 sur Osaka, qui peuvent permettre une correspondance avec les vols sur Paris d'Air France ou de KLM, mais dans des conditions peu agréables.

L'accord-cadre de partenariat entre Air France et AIRCALIN, signé le 30 juin 2000, prévoit le retrait de la compagnie nationale sur la liaison Nouméa-Tokyo en 2003 (moyennant son entrée au capital d'AIRCALIN), au bénéfice de la seconde. AIRCALIN devrait mettre en service deux A 330-200 de 272 passagers, acquis avec le concours de la défiscalisation, pour assurer la liaison Nouméa-Tokyo cinq fois par semaine.

La Polynésie française a incontestablement amélioré sa situation économique depuis le début des années 1990. En 1991, un audit du cabinet Arthur Andersen concluait que le territoire était en quasi-cessation de paiement ; en 2000 et en 2001, l'agence de notation internationale Standard and Poor's lui a attribué une excellente note pour son bon niveau de performance financière, sa grande flexibilité en matière de recettes et le niveau modéré de sa dette.

Le Centre d'expérimentation du Pacifique a constitué, pendant une longue période, un élément essentiel de l'activité économique polynésienne. L'arrêt des essais nucléaires a obligé le territoire à réfléchir sur les moyens d'assurer durablement son développement. Depuis l'application de la loi n° 94-99 du 5 février 1994 d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française, des changements structurels sont intervenus. Le cycle de croissance, apparu dès 1996 et matérialisé par une hausse des principaux indicateurs, s'est poursuivi jusqu'à aujourd'hui, mais à un rythme moindre et variable selon les secteurs, compte tenu de la conjoncture internationale.

· La situation démographique de la Polynésie française est comparable à celle de la Nouvelle-Calédonie. Le taux d'accroissement naturel demeure nettement supérieur à celui la métropole ; il était de 16,6 %0 en 2000, comme l'indique le tableau ci-après.

INDICATEURS DÉMOGRAPHIQUES COMPARÉS

Le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, était de 13,2 % en 2001. Il est supérieur à celui de la métropole, mais demeure inférieur à celui observé dans les autres départements et territoires d'outre-mer, ce qui peut s'expliquer notamment par l'absence de système d'indemnisation du chômage et de revenu minimum garanti et par l'importance du secteur primaire et de l'économie traditionnelle. L'administration est restée le principal employeur du territoire, même si sa part relative dans le total des emplois salariés, qui atteint 32,9 %, a décru. La Polynésie mise sur trois secteurs pour assurer l'autonomie de son développement : le tourisme, la pêche et la perliculture.

· Le tourisme constitue le pilier de l'économie locale. La Polynésie s'est fixé pour objectif d'accueillir 350 000 touristes en 2005. En 2001, la fréquentation touristique a cependant pâti de la récession économique des principaux pays émetteurs et des conséquences des attentats. Elle a baissé de 9,7 % sur l'année avec 227 658 visiteurs. Cette baisse est en partie due au tourisme de croisière, qui a été marqué par l'arrêt brutal de l'activité des paquebots Renaissance. Les touristes américains supplantent désormais les touristes français, qui arrivent en deuxième position. Seul le nombre de ceux en provenance du Japon, quatrième marché émetteur (), a augmenté sur un rythme satisfaisant en 2001.

L'activité hôtelière (4 418 chambres) a connu une baisse de 6,8 %, mais les projets de développement hôtelier ont été maintenus. Depuis 1996, on constate l'essor de la petite hôtellerie, qui est mieux répartie géographiquement que les grands établissements et fournit plus d'emplois et de revenus. Bien que la Polynésie soit créditée d'une bonne image de marque sur le plan international, elle souffre d'un certain nombre de handicaps : le manque de diversité des activités proposées et l'insuffisante formation des professionnels du tourisme.

Bien évidemment la question de la desserte aérienne est vitale pour le développement du tourisme. Or, l'escale de Tahiti-Faa'a compte parmi les plus chères du monde ! En 2001, neuf compagnies régulières ont desservi la Polynésie française, offrant un large panel de destinations. Cependant, la desserte a été fragilisée par les difficultés d'Air Lib, qui a abandonné la ligne Paris-Papeete en mars 2002, et par les attentats du 11 septembre. Air Tahiti Nui, compagnie locale en pleine expansion, a repris la desserte assurée par Air Lib, l'État lui accordant les droits nécessaires pour ce faire. Cette compagnie devrait également pallier la défection de Corsair annoncée pour fin 2002.

· La pêche polynésienne, longtemps artisanale, a connu une profonde mutation au début des années 1990, ce qui a permis l'émergence d'une industrie d'exportation de poissons. Le secteur s'organise autour de deux secteurs complémentaires : une pêche de type semi-industriel tournée vers les marchés extérieurs, et une pêche artisanale de type familial, côtière ou lagonaire, qui satisfait correctement la demande locale, à Tahiti comme dans les archipels éloignés.

· La perliculture constitue un des secteurs moteurs de l'économie polynésienne et sa principale source d'exportation après la pêche. La Polynésie était le premier exportateur de perles en 1999 et le second en 2000. Absente du secteur de la perle de culture travaillée il y a six ans, elle est aujourd'hui au cinquième rang mondial. Après avoir enregistré des années d'expansion caractérisées par une forte croissance, le secteur de la perliculture a connu un retournement de conjoncture en 2001. L'environnement international joue un rôle essentiel dans cette situation de crise, mais d'autres facteurs propres à la Polynésie, comme le développement anarchique de la production ou encore la désorganisation des circuits de commercialisation, ont été à l'origine de cette détérioration. Dans ce contexte, le territoire essaie de mettre en place un train de mesures visant à restaurer l'image haut de gamme de la perle de Tahiti.

Si l'importance des transferts publics a permis des progrès rapides dans la satisfaction des besoins essentiels de la population de Wallis et Futuna, elle s'est surtout traduite dans le développement du commerce d'importation, les activités productives n'évoluant guère dans ce territoire.

La place prépondérante du secteur public tend à se renforcer. En 2001, il représentait 65 % des emplois et 79 % de la masse salariale globale. L'agriculture peine à se développer. Il faut dire que le régime foncier coutumier, basé sur l'indivision, ne favorise pas la mise en valeur des terres. Les agriculteurs ont souvent plusieurs activités et commercialisent peu leur production. Les cultures vivrières prédominent tandis que les cultures maraîchères sont peu développées, alors même qu'une demande existe. La zone économique exclusive (ZEE) du territoire, d'une étendue de 266 000 km2, représente un potentiel de développement important, mais il demeure largement méconnu et inexploité. La pêche conserve un caractère largement familial et se cantonne au lagon. L'activité touristique est encore très peu développée : les îles de Wallis et Futuna sont isolées, peu connues et très éloignées des marchés émetteurs ou même des relais que pourraient constituer l'archipel des Fidji, la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie. Pourtant, elles possèdent des atouts indéniables - des sites naturels attrayants et un patrimoine culturel relativement riche - qui pourraient être valorisés.

Si l'on note une amélioration de la desserte maritime de l'archipel, la desserte aérienne, vitale pour le territoire, n'évolue pas. Elle est assurée par la compagnie Air Calédonie International. Chaque semaine, le territoire est relié à Nouméa par deux vols faisant escale à Nandi. La liaison directe Wallis-Tahiti, ouverte en 1989, a été supprimée début 2000. Les tarifs pratiqués sur cette ligne commerciale sont un motif récurrent d'insatisfaction des élus et de la population du territoire. La desserte aérienne connaît un déficit d'exploitation traditionnel, couvert par une subvention d'équilibre versée par le territoire à la compagnie AIRCALIN dans le cadre d'une convention.

Enfin, la protection de l'environnement - et en particulier de l'eau - constitue un enjeu majeur pour les îles de Wallis et Futuna. Les ressources aquifères n'ont pas jusqu'à présent été atteintes par la pollution d'origine humaine ou porcine, mais le risque de dégradation de la qualité des eaux est croissant.

Globalement, la situation de Wallis et Futuna apparaît préoccupante. Les obstacles de tous ordres semblent se multiplier à l'encontre des projets d'équipements, même les plus nécessaires, alors même que leur financement pourrait être acquis facilement. L'extrême lenteur de la mise en _uvre des investissements publics est une donnée constante. Pour les investissements privés, le marché local offre des perspectives, mais le contexte institutionnel local pousse les chefs d'entreprise et les établissements de crédit à la prudence. Le caractère incomplet du dispositif d'appui, les avantages fiscaux consentis aux investisseurs paraissent inopérants faute de projet. Le recyclage des revenus provenant des transferts de l'État s'effectue pour une large mesure vers l'extérieur.

DEUXIÈME PARTIE :UN BUDGET QUI S'INSCRIT DANS UN PROJET VOLONTARISTE ET COHÉRENT POUR L'OUTRE-MER

A l'instar de leurs compatriotes de métropole, les citoyens français de l'outre-mer ont exprimé une forte demande de changement : l'état des lieux de la situation outre-mer qui vient d'être dressé montre effectivement qu'aussi bien en matière de sécurité que d'emploi, par exemple, il est plus que temps d'impulser un nouvel élan dans ces collectivités.

Dans cette optique, la transformation de ce qui était, sous la législature précédente, un secrétariat d'État, en un ministère apparaît comme un geste politique de première importance.

Le projet de budget pour 2003 représente une première réponse au message clair et fort envoyé par l'outre-mer en 2002 : non content de rompre avec la politique suivie au cours des années récentes, il constitue une première esquisse du projet pour l'outre-mer présenté par le Président de la République pendant la campagne présidentielle, dont il concrétise déjà certains engagements.


Ce projet, dont l'ambition est de redéfinir le pacte républicain avec l'outre-mer, repose sur deux piliers. En premier lieu, la révision constitutionnelle relative à la décentralisation, que le Parlement devrait adopter à l'automne 2002, va profondément modifier le cadre institutionnel dans lequel évoluent les collectivités d'outre-mer. S'agissant des DOM, il faut même remonter à la loi de départementalisation du 19 mars 1946 pour trouver un changement comparable. En second lieu, le projet de budget prépare la loi programme pour l'outre-mer qui, en 2003, devrait jeter les bases d'un nouveau contrat social.

I. -- UN BUDGET DE TERRAIN ASSIS SUR DES PROJETS CONCRETS

L'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer porté par le ministère de l'outre-mer peut être présenté de trois manières :

-- Par titre et par chapitre. Telle est la présentation qui en est faite dans les documents budgétaires. Selon cette présentation, le budget de l'outre-mer progresse de 0,56 % pour s'élever à 1,084 milliard d'euros. A périmètre constant, l'augmentation est de 1,5 %. Le titre III (personnel et fonctionnement) s'établit à 178,94 millions d'euros, en légère baisse par rapport à 2002, et représente 16,5 % du budget total du ministère. Le montant du titre IV, 809,56 millions d'euros, est, pour sa part, en très légère augmentation et confirme le caractère de budget d'intervention du budget du ministère de l'outre-mer. Il représente, en effet, 74,67 % du budget total. Le titre V, qui regroupe les investissements effectués par l'Etat, s'élève à 6,2 millions d'euros, en progression de 31,6 %. Enfin, les subventions d'investissement inscrites au titre VI sont également en hausse, à 268,28 millions d'euros.

Si elle fait ressortir la principale caractéristique du budget pour l'outre-mer, à savoir son statut de budget d'intervention, cette norme juridique et comptable ne permet pas cependant de prendre en compte l'extrême diversité des actions en faveur de l'outre-mer, pas plus qu'elle n'établit de distinction entre les différentes collectivités. L'outre-mer forme, certes, un tout d'un point de vue politique, mais les réalités économiques, institutionnelles et sociales, tout en présentant des caractéristiques communes dans certaines collectivités, sont suffisamment diverses pour justifier une analyse plus fine.

-- Par collectivité. Cette présentation a l'intérêt d'appréhender le poids démographique respectif des collectivités concernées : comme l'illustre le tableau suivant, la Réunion fait figure, à cet égard, de « poids lourd ». En aucun cas toutefois, cette grille de lecture ne saurait être interprétée comme dessinant une hiérarchisation des priorités entre les différentes collectivités. Il convient ensuite de noter, d'une part, qu'à ce stade, 102,418 millions d'euros en crédits de paiement et 8,916 millions d'euros en autorisations de programme ne sont pas encore répartis ; d'autre part, que 17,057 millions d'euros en crédits de paiement et 1,289 million d'euros en autorisations de programme sont dévolus à l'administration centrale.

LE PROJET DE BUDGET DE L'OUTRE-MER POUR 2003 :
PRÉSENTATION PAR COLLECTIVITÉ

(en millions d'euros)

 

Guyane

Réunion

Martinique

Guadeloupe

Mayotte

St-Pierre-et-Miquelon

 

Crédits de paiement

70,08

322,50

122,51

136,25

83,98

11,38

Autorisations
de programme

44,35

102,67

59,76

74,80

70,34

4,04

 

Source : ministère de l'outre-mer.

           

 

Nouvelle-Calédonie

Wallis et Futuna

Polynésie française

T.A.A.F.

 

Crédits de paiement

147,33

8,34

46,78

6,93

 

Autorisationsde programme

31,42

4,64

12,61

0,76

 

Source : ministère de l'outre-mer.

         

--  Par thème et secteur d'intervention. Cette grille de lecture du budget présente l'énorme avantage de faire apparaître tout à la fois les problèmes auxquels les différentes collectivités d'outre-mer ont à faire face et les moyens mis en _uvre pour y répondre. Cette approche dynamique n'est d'ailleurs pas exclusive de la précédente, dans la mesure où il est tout à fait possible, dans un second temps, de décliner, pour chaque département, territoire ou collectivité d'outre-mer, les interventions mises en _uvre dans chaque secteur.

Dans cette perspective, quels thèmes faut-il retenir ? La présentation du projet de loi de finances pour 2003 ne prend pas en compte, par définition, les nouvelles dispositions introduites par la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001, qui prévoit, à compter de 2006, une organisation par mission et par action. Toutefois, un groupe de travail a d'ores et déjà été mis en place au sein du ministère de l'outre-mer, dont les conclusions devraient être remises à la structure de pilotage de la réforme établie dans chaque ministère. Sans préjuger des résultats et arbitrages, il semble toutefois que l'on s'oriente vers la définition de quatre actions au sein de la mission générale « outre-mer » : emploi et insertion sociale, habitat, soutien aux collectivités territoriales et administration générale.

En matière d'emploi et d'insertion sociale, les collectivités précitées s'inscrivent dans trois problématiques distinctes : s'il faut parler, s'agissant de Mayotte, de développement, les quatre DOM se situent davantage dans une logique de rattrapage par rapport à la métropole. Quant à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, elle connaît une situation assez proche de celle de la métropole, même si les spécificités de son économie imposent des restructurations qui lui sont propres.

Sortie de l'incertitude institutionnelle et juridique, Mayotte doit désormais consacrer la totalité de ses forces vives à relever le défi du développement. Si l'emploi est au c_ur de ce nouveau combat, il est évident qu'il n'en représente qu'un aspect et que la problématique mahoraise est, à court et moyen termes, moins celle du rattrapage par rapport à la métropole que celle du développement. A cet égard, elle s'apparente davantage à celle des pays d'Afrique continentale environnants qu'à celle des départements d'outre-mer.

Avec ce projet de budget, l'État remplit pleinement sa part du contrat, en donnant à Mayotte des moyens d'une ampleur inégalée en faveur du développement et de l'emploi. Ainsi, en complément du contrat de plan en cours, une convention spécifique va venir renforcer les moyens mis en _uvre pour l'aide au développement économique et social : 20 millions d'euros sont inscrits à ce titre pour Mayotte. Cette convention nouvelle donnera à la collectivité davantage de souplesse dans la prise en compte de ses besoins, en complément de ce qui est actuellement prévu dans le contrat de plan.

Cette impulsion budgétaire apparaît dans tous les autres articles spécifiquement dédiés à Mayotte.

C'est tout d'abord 1,49 million d'euros qui est inscrit au chapitre 41-91 « subventions de caractère facultatif » et vient accroître de 50,46 % la dotation de rattrapage et de premiers équipements des communes de Mayotte.

De même, les crédits destinés au financement des actions de formation, d'emploi et d'insertion en faveur de Mayotte enregistrent une forte augmentation : en effet, alors qu'en 2002 l'article 70 du chapitre 46-94, dont le périmètre incluait également les actions de santé, représentait 3,064 millions d'euros, ce sont 3,911 millions d'euros qui sont inscrits dans le nouvel article 88 « Emploi, formation et insertion à Mayotte » du chapitre 44-03 « Fonds pour l'emploi dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon  et mesures en faveur de l'emploi à Mayotte», les actions de santé à Mayotte bénéficiant d'un article spécifique du chapitre 46-94 « Action sociale, culturelle et de coopération régionale », doté de 152 449 € pour 2003.

Sur les quelque 3,9 millions d'euros dédiés à l'emploi à Mayotte, 1,37 million d'euros est destiné au financement des chantiers de développement local.

Par ailleurs, 2 millions d'euros viendront financer le programme de formation de 300 cadres à Mayotte, l'objectif de ce programme, inscrit dans le contrat de plan Etat-Mayotte 2000 - 2004, étant de former, sur quatre ans, 200 à 300 personnes destinées à occuper des postes de cadres dans le secteur public et le secteur privé, pour un coût global de 4,573 millions d'euros. La très forte augmentation de l'enveloppe inscrite dans le projet de loi de finances pour 2003 (+ 238 %) s'explique vraisemblablement par la faible consommation des crédits à ce jour, alors que l'on est à mi-parcours de l'application de ce plan.

Le même effort budgétaire doit être souligné s'agissant des contrats emploi consolidé et des contrats emploi solidarité, dont la dotation passe de 7,9 millions d'euros en 2002 à 9,03 millions d'euros (+ 14,36%) dans le projet de loi de finances pour 2003. Quant aux autres mesures en faveur de l'emploi à Mayotte, elles bénéficient, une nouvelle fois, d'un financement de 10,214 millions d'euros.

Par ailleurs, en matière de formation, les étudiants de Mayotte verront le volume des bourses augmenter fortement, les dotations inscrites en leur faveur passant de 131 292 € en 2002 à 332 692 € dans le projet de budget pour 2003.

Problème commun à quatre départements d'outre-mer, l'emploi reste la question majeure et la clé d'un véritable rattrapage de l'outre-mer. Il bénéficie donc de moyens importants caractérisés, par rapport à la loi de finances pour 2002, à la fois par une lisibilité, une sincérité et une efficacité accrues.

La politique de l'emploi dans les DOM : un budget plus lisible

Le chapitre 44-03 supporte à lui seul 44 % des crédits dévolus au ministère de l'outre-mer. Son périmètre a été modifié depuis 2001, d'abord pour prendre en compte les changements législatifs, ensuite par souci de rationalisation. Ainsi, la loi de finances pour 2001 a modifié la nomenclature budgétaire du chapitre 44-03 du FEDOM, afin de disposer de lignes budgétaires spécifiques au financement de chacune des mesures inscrites dans la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer, qui a, d'une part, amplifié certains des dispositifs de la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, et en a, d'autre part, créé de nouveaux. Ainsi, la loi du 13 décembre 2000 a reconduit le dispositif de primes à la création d'emploi (article 40 du chapitre 44-03). Par ailleurs, outre des mesures d'allégement des charges sociales qui sont détaillées par la suite, il a également été ouvert, en 2001, de nouvelles dispositions destinées en particulier aux jeunes, avec notamment le projet initiative jeune (art. 11), l'allocation de retour à l'emploi (art. 28), le congé solidarité (art. 15), dont le financement est assuré par le ministère de l'outre-mer essentiellement sur les crédits du FEDOM.

En outre, à partir de l'exercice 2002, le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon (le FEDOM) a également été appelé à assurer la gestion des mesures en faveur de l'emploi ouvertes à Mayotte. A cet effet, les crédits destinés au financement des contrats emploi solidarité et des contrats emploi consolidé inscrits jusqu'alors sur le chapitre 46-94 du budget du ministère de l'outre-mer ont été transférés sur le chapitre 44-03 avec la création d'un nouvel article.

De même, dans le cadre de l'ordonnance relative au droit du travail et de l'emploi à Mayotte, la mise en place de nouveaux dispositifs d'aide à l'emploi a été définie (emplois jeunes, projet initiative jeune, contrat emploi développement et aide à la création d'emploi), avec l'ouverture d'une enveloppe budgétaire globale spécifique, destinée à assurer le financement de près de 12 250 mesures.

Enfin, la modification du périmètre de ce chapitre dans le présent projet de budget vise à en accroître la lisibilité et la sincérité, l'objectif à moyen terme étant de satisfaire aux exigences de la loi organique sur les finances publiques. C'est à cette fin qu'ont été rassemblées l'ensemble des mesures de préformation et de formation professionnelles dans les DOM (ainsi que les mesures d'insertion dans les TOM et en Nouvelle-Calédonie).

La politique de l'emploi dans les DOM : un budget plus sincère

Le projet de budget pour l'emploi dans les DOM en 2003 se démarque également du précédent par sa sincérité et son réalisme. Le tableau ci-après donne la mesure de la politique en trompe-l'_il qui caractérisait l'exercice 2001. C'est notamment sur les dispositifs de primes pour l'emploi, de CRE, PIJ, ARA et congé solidarité que l'effet d'affichage a été le plus flagrant.

DÉPENSES EFFECTUÉES SUR LE CHAPITRE 44-03 DU FEDOM
AU TITRE DE L'EXERCICE 2001

 
 

Chapitre 44-03




Article 11: CES

96 042 881 €

25 916 €

8 229 182,86 €

104 297 980,05 €

0,00 €

 
 

    Article 12 : CEC

51 222 870 €

   

49 901 937,78 €

1 320 932,01 €

    Article 20 : CIA

28 812 864 €

 

6 473 790,96 €

35 273 629,22 €

13 026,01 €

 
 

    Article 30 : CAE

53 052 258 €

   

46 707 803,56 €

6 344 454,44 €

    Article 40 : Primes

3 048 980 €

 

- 724 970,23 €

1 069 338,39 €

1 254 671,72 €

 
 

    Article 50 : "Créance"

7 622 451 €

23 638 745 €

 

31 261 195,47 €

0,00 €

    Article 60 : CRE (exo)

1 067 143 €

   

0,00 €

1 067 143,12 €

 
 

    Article 70 : Études

152 449 €

   

106 104,52 €

46 344,50 €

    Article 81 : Emplois Jeunes

126 380 235 €

32 014 294 €

-14 784 490,60 €

143 610 038,31 €

0,00 €

 
 

Article 90 : Restructuration

 

806 487,01 €

806 487,01 €

0,00 €

 

    Art. 82 : PIJ

15 244 902 €

   

4 101 060,13 €

11 143 841,59 €

 
 

    Art. 83 : Congé solidarité

6 097 961 €

   

0,00 €

6 097 960,69 €

    Art. 84 : ARA

13 720 412 €

   

762 245,09 €

12 958 166,47 €

 
 

    TOTAL

402 465 406 €

55 678 955 €

0,00 €

417 897 819,52 €

40 246 540,55 €

TOTAL LFI + CRÉANCE + CRÉDITS REPORTS :

458 144 360 €

         
 

Source : ministère de l'outre-mer.

         

S'agissant de l'exercice 2002 en cours, il est vraisemblable que les dispositifs prévus par la loi d'orientation pour l'outre-mer (LOOM) n'auront pas les résultats escomptés, car ils n'ont, pour la plupart, même pas trouvé de traduction concrète. Seulement un tiers des mesures programmées devraient être réalisées d'ici au 31 décembre 2002. En effet, sur les 23 000 mesures prévues dans le budget 2002 au titre de la LOOM (soit 10 000 projets initiative jeune, 10 000 bénéficiaires de l'allocation de retour à l'activité et 3 000 personnes éligibles au congé solidarité), seules 7 550 auront vraisemblablement été mises en _uvre d'ici au 31 décembre 2002 (4 000 PIJ, 2 750 ARA et 800 congés solidarité).

C'est au contraire à un exercice de réalisme et de vérité que s'efforce de correspondre le projet de loi de finances pour 2003 pour l'outre-mer dans ce domaine de première importance qu'est l'emploi.

477 millions d'euros sont inscrits à ce titre dans le projet de budget pour 2003, soit une réduction de 4,98 % par rapport à 2002, où 502 millions d'euros étaient inscrits. Par un réflexe quasi-pavlovien, il est courant de déplorer les réductions de crédits budgétaires, sous prétexte qu'elles seraient la marque d'un moindre intérêt politique, voire d'un renoncement. Il est temps de mettre fin à cette approche non seulement simpliste, mais, en l'occurrence, fausse. Non seulement il faut cesser d'assimiler « budget en hausse » et « bon budget », mais, plus encore, le cas du budget pour l'outre-mer montre à quel point l'augmentation ou la diminution d'un budget sont, en elles mêmes, dénuées de sens, s'agissant d'un budget d'intervention.

Ainsi, pour 2003, la diminution de 25 millions d'euros des crédits inscrits au chapitre 44-03 masque en réalité un accroissement de l'effort en faveur de l'emploi outre-mer. En effet, à la suite de l'alignement complet du RMI versé outre-mer par rapport à la métropole, la créance de proratisation, qui représentait le différentiel versé par l'État aux collectivités d'outre-mer pour compenser l'inégalité du niveau du RMI, soit 31 millions d'euros, a été supprimée. La baisse des crédits inscrits à ce chapitre était donc mécanique, puisqu'elle correspond à une économie de structure. Or, dans la mesure où elle n'est que de 25 millions d'euros, cela signifie un effort supplémentaire de 6 millions d'euros en faveur de l'emploi outre-mer. Et cette hausse, contrairement aux exercices précédents, est réaliste : elle correspond au financement de mesures supplémentaires dont on peut penser qu'elles pourront matériellement être mises en _uvre sur le terrain, par les acteurs concernés. Ainsi, alors qu'avec des crédits apparemment supérieurs, 75 000 mesures auront été financées à la fin de l'année 2002, 80 000 devraient l'être en 2003.

La politique de l'emploi dans les DOM : un budget plus efficace

Efficacité enfin, qui se traduit par un début de réorientation des crédits gérés par le FEDOM. Il ne s'agit plus, en effet, d'obtenir des statistiques apparemment en progrès en favorisant tous les types d'emplois, voire en donnant priorité à la création d'emplois publics non marchands, facile à réaliser, mais dont les résultats en termes de croissance durable sont plus que discutables. Priorité est désormais donnée aux emplois durables, dans le secteur privé marchand, ce qui signifie revenir à la vocation première du FEDOM, qui consistait à favoriser la création d'emplois durables dans les entreprises. Dans sa version initiale, le décret constitutif du FEDOM plaçait, en effet, les dispositifs d'insertion dans le secteur marchand au premier rang de sa mission : contrats d'insertion par l'activité, exonération de charges sociales, contrats d'accès à l'emploi. Or, au cours des dernières années, cette mission initiale a été infléchie, au profit d'une logique multipliant les contrats dans les secteurs d'utilité collective, alors que, dans la philosophie initiale, seuls les CES étaient intégrés au FEDOM.

C'est ainsi que, au titre de l'exercice 2000 et afin de renforcer l'action du FEDOM en matière d'insertion, les crédits nécessaires au financement des contrats emploi consolidé (CEC), prolongement des CES, ont été transférés du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité sur celui du ministère de l'outre-mer. Ensuite, à compter de l'exercice 2001, la gestion des principales mesures mises en place dans le cadre de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer a été confiée au FEDOM : projet initiative jeune (PIJ), congé de solidarité, prime à la création d'emplois et allocation de retour à l'activité (ARA). Enfin, au titre de l'exercice 2002, ces différentes mesures ont été complétées par le rattachement au fonds des dispositifs déjà existants d'aide à l'emploi à Mayotte (contrats emploi solidarité, contrat emploi consolidé), ou en cours d'élaboration (emplois jeunes, contrat emploi développement, projet initiative jeune et aide à la création d'emplois prévus par l'ordonnance du 21 février 2002).

Force est de constater, aujourd'hui, que cet empilement successif de mesures au sein du FEDOM en a quelque peu brouillé la lisibilité et la cohérence. A la vérité, cette confusion administrative est symptomatique de l'absence de définition d'une véritable ligne directrice de la politique d'emploi dans les DOM depuis quelques années. L'éclectisme des dispositifs, ainsi que la réduction du nombre de contrats d'accès à l'emploi (CAE), divisé par trois au cours des quatre derniers exercices, témoignent, en effet, plus d'une logique occupationnelle que d'une véritable politique d'emploi : la confusion dans les objectifs poursuivis - emploi, insertion professionnelle et lutte contre l'exclusion - a, en définitive, nui à l'objet premier, à savoir le développement de l'emploi dans le secteur marchand. Il est très révélateur, à cet égard, que les CAE aient été réaménagés en 1999, au motif qu'ils ne touchaient pas suffisamment les publics les plus en difficulté. En 2001, la même confusion entre les différents objectifs a également conduit à la suppression de 2 500 CAE au profit de  5 000 CES, 4 000 CIA et 1 000 CEC supplémentaires, ce qui entrait d'ailleurs en contradiction avec le fait que les CAE étaient supposés avoir été réformés en 1999 pour prendre en compte les publics les plus en difficulté.

C'est avec cette gestion confuse et sans véritable ligne de force que veut rompre aujourd'hui le ministère de l'outre-mer. D'où la volonté, inscrite dans le projet de budget pour 2003, de mettre l'accent sur les contrats d'accès à l'emploi, qui concernent le secteur privé marchand, seul le développement durable du secteur productif étant à même de garantir un niveau de croissance satisfaisant outre-mer. Grâce à l'extrême souplesse d'utilisation du FEDOM, dont les crédits sont régis par le principe de fongibilité - qui permet de redéfinir les priorités et de modifier les différentes enveloppes budgétaires en fonction du nombre de solutions retenues et de leur répartition -, le nombre de bénéficiaires de ce contrat devrait, par conséquent, augmenter de 11 %, et passer de 4 500 à 5 000. Il s'agit, là encore, de rompre avec la politique suivie auparavant qui s'est traduite par une réduction drastique des crédits ouverts en faveur de ce dispositif, sous le prétexte peu crédible qu'il risquait d'entrer en concurrence avec les mécanismes d'exonération de charges instaurés par la loi d'orientation sur l'outre-mer.

La réorientation du FEDOM devrait se faire par étapes successives : c'est pourquoi, afin d'éviter de mettre en difficulté les structures qui accueillent ce type de contrats, les moyens consacrés aux contrats emplois solidarités (CES) et aux contrats emplois consolidés (CEC) sont maintenus. Dans le même esprit qui consiste à aménager la transition entre une politique d'affichage statistique et une véritable politique d'emploi, les moyens consacrés aux emplois jeunes ont été préservés en 2003 afin qu'aucun jeune ne soit laissé au bord du chemin tant qu'une solution de reclassement n'aura pas été trouvée individuellement. Ainsi, les crédits dédiés aux contrats emplois jeunes s'élèvent à 150 millions d'euros, moyens budgétaires qui s'accompagnent de la mise en place de cellules de reclassement des jeunes en fin de contrat. A terme, l'objectif est bien de mettre en place des mesures offrant aux jeunes de vrais emplois durables.

L'ACTION POUR L'EMPLOI DANS LES DOM : CREDITS DU FEDOM POUR 2003

Articles du chapitre 44 - 03

Nombre de
mesures prévues

Dotation budgétaire
(en euros)

 
 

    Art. 11: CES

36 000

112 161 522

    Art. 12 : CEC

2 800

59 544 920

 
 

    Art. 20 : CIA

15 000

30 455 400

    Art. 30 : CAE

5 000

35 388 687

 
 

    Art. 40 : Primes

nd

3 000 000

    Art. 60 : CRE

nd

457 347

 
 

    Art. 70 : Études

nd

152 449

    Art. 81 : Emplois jeunes

nd

150 649 582

 
 

    Art. 82 : Projet initiative jeunes

4 300

20 000 000

    Art. 83 : Congé solidarité

1 500

14 244 902

 
 

    Art. 84 : Allocation retour à l'activité

3 500

12 388 859

    Art. 86 : CES CEC Mayotte

4 945

9 039 930

 
 

    Art. 90 : Mesures en faveur de l'emploi à Mayotte :

   

      -  CED

5 500

7 622 451

 
 

      -  Créations d'emplois

1 000

762 245

      -  PIJ

1 000

1 829 388

 
 

TOTAL

80 545

457 580 630

    Source : ministère de l'outre-mer.

     

Les jeunes ultramarins voient, en outre, les dispositifs d'insertion professionnelle confortés par l'augmentation sensible des moyens du service militaire adapté, qui progressent de 6 millions d'euros. La formation assurée par le service militaire adapté (SMA) concernera, en 2003, 500 jeunes volontaires stagiaires et techniciens supplémentaires, portant à 3000 l'effectif total du dispositif. Le SMA bénéficie également de moyens de fonctionnement accrus correspondants aux besoins liés au renforcement de ses effectifs, auxquels s'ajoute un plan spécifique de remise à niveau du parc immobilier, crédité de 3 millions d'euros. L'accroissement de l'effort en faveur du service militaire adapté (+ 11,7 %) ne fait d'ailleurs que confirmer l'évolution des exercices précédents, cet instrument ayant fait la preuve de toute sa pertinence dans l'insertion professionnelle des jeunes.

Contrairement aux collectivités qui viennent d'être évoquées, la situation de l'emploi à Saint-Pierre-et-Miquelon est, en termes statistiques, très comparable à celle qui prévaut en métropole. Ainsi, lors du recensement de mars 1999, il avait été dénombré 408 chômeurs pour une population active de 3 198, soit un taux de chômage de 12,8 %. Au 31 décembre 2001, le nombre de personnes à la recherche d'un emploi à plein temps s'élevait à 325, soit un taux de chômage de 10,2 %.

Cette relative bonne santé du marché de l'emploi ne doit pas tromper. Depuis une dizaine d'années, l'économie de l'archipel est fortement marquée par les problèmes de reconversion et de diversification économique. L'économie de Saint-Pierre-et-Miquelon, fondée auparavant sur la pêche industrielle et l'industrie de transformation du poisson, a connu, en effet, un retournement brutal en 1992 avec, d'une part, la sentence du tribunal arbitral de New-York qui a réduit considérablement la zone économique exclusive de l'archipel et, d'autre part, la décision du Canada de réduire le quota de pêche, puis d'interdire toute pêche de morue pour une période de cinq à sept ans (donc jusqu'à une date comprise entre 1997 et 1999), en raison du risque réel d'épuisement des stocks.

Si les accords passés depuis avec le Canada ont permis de limiter les difficultés des entreprises de la collectivité, la diversification n'en reste pas moins un impératif. Parmi les mesures prises pour relancer les activités liées à la pêche, figurent la tentative d'alimenter une unité industrielle (Archipel SA) par du poisson importé (russe au départ, puis canadien aujourd'hui), puis le lancement d'une activité nouvelle avec la pêche aux pétoncles (acquisition du navire coquillier Avel Mad). Actuellement, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, avec, notamment, la fermeture en mars 1998 de l'usine de traitement des pétoncles à Miquelon (Miquelon S.A.). En revanche, il semble bien que les efforts entrepris pour redéployer la pêche artisanale vers de nouvelles activités aient porté leurs fruits, avec l'exploitation des _ufs de lompe et du crabe des neiges. Cependant, ces dernières activités ont pâti en 2001, puis en 2002 d'une raréfaction de la ressource dont l'origine reste encore inexpliquée. L'aquaculture, avec deux projets en cours d'expertise portant sur le grossissement de morues en cage et sur la coquille Saint-Jacques à Miquelon, semble constituer, en revanche, un secteur prometteur pour l'avenir.

Deuxième domaine d'action prioritaire du ministère de l'outre-mer, avec un budget de 173 millions d'euros inscrit dans le projet de loi de finances pour 2003, le logement outre-mer se définit avant tout comme une urgence, qui se situe à la croisée de problématiques économiques, démographiques, sociologiques, géographiques, sanitaires et financières.

Les pouvoirs publics ont pris la mesure de la dimension multiforme du problème du logement, en y apportant une réponse elle-même diversifiée : derrière les trois grands domaines d'intervention de l'État - aide à la construction de logements neufs, aide à l'amélioration de l'habitat, aide à la résorption de l'habitat insalubre -, ce ne sont en effet pas moins de treize dispositifs différents qui sont proposés, couvrant toute la gamme des besoins, aussi bien à destination des locataires (logement locatif social ou très social, logement locatif intermédiaire, réhabilitation du parc locatif social, réduction du taux de TVA...) qu'à celles des propriétaires (accession sociale, accession intermédiaire, prêts construction - démolition...).

Techniquement cependant, un seul outil chapeaute l'ensemble de la gamme des dispositifs : les aides à la pierre sont en effet regroupées sur une ligne budgétaire unique (article 10 du chapitre 65 - 01, ce dernier incluant également, à l'article 20, les crédits destinés à la résorption de l'habitat insalubre et, à l'article 30, les crédits destinés à aider les ménages pour l'acquisition des terrains situés dans la zone des cinquante pas géométriques). 287,32 millions d'euros, sont inscrits, sur cette ligne, en autorisations de programme, dans le projet de loi de finances pour 2003, tandis que les crédits de paiement, d'un montant de 173 millions d'euros, dont 13 millions destinés à la réhabilitation de logements insalubres, progressent de 7,4 % par rapport à 2002.

D'aucuns objecteront peut-être que l'inscription d'un montant de crédits identique à celui de 2002, en autorisations de programme du moins, ne traduit pas véritablement la rupture que l'on serait en droit d'attendre également dans ce domaine. En réalité, d'une part, comme en matière d'emploi, le logement a pâti d'un effet d'affichage en 2002 : 39 millions d'euros viendront ainsi compléter la dotation initiale de 173 millions d'euros de crédits de paiement, faute d'avoir été consommés au cours de l'exercice 2002. D'autre part, l'apparent statu quo des autorisations de programme recouvre un effort budgétaire accru, dans la mesure où la créance de proratisation, qui correspondait aux crédits versés par l'État pour compenser le différentiel du RMI dans les DOM et étaient affectés pour partie au logement, appartient désormais au passé depuis l'alignement complet du niveau de RMI dans les DOM, réalisé au 1er janvier 2002. A périmètre égal, si l'État n'avait pas intégralement compensé la disparition de cette créance, le budget aurait dû être diminué d'autant. Rappelons qu'en 2001, le montant de cette créance était encore de 81,41 millions d'euros. En conséquence, conformément aux engagements du Président de la République, la disparition progressive de la part logement de la créance de proratisation est entièrement compensée. Il faut également rappeler qu'en complément des crédits inscrits sur la ligne budgétaire unique, les dispositions fiscales - taux préférentiels de TVA pour les opérations de logements locatifs sociaux (2,1% au lieu de 9,5%) - et l'intervention de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) en faveur des propriétaires bailleurs viennent conforter la politique du logement outre-mer.

Au total, ce sont environ 15 000 logements, dont 10 000 en construction neuve et 5 000 en amélioration, qui devraient être concernés par ces mesures, l'intervention publique visant, pour 2003, trois types d'objectifs :

--  La diversification des aides de l'État pour mieux tenir compte des besoins en logement des ménages. Celle-ci est permise par la fongibilité des crédits inscrits sur la ligne budgétaire unique, qui donne à l'action des pouvoirs publics une véritable souplesse d'action et une réelle capacité de réaction, seules, de toute façon, à permettre de traiter le problème avec l'urgence requise par la situation.

--  La poursuite de la résorption de l'habitat insalubre (RHI). C'est ainsi que l'effort entrepris à Mayotte depuis plusieurs années sera poursuivi : depuis 1998, en effet, les opérations de RHI font l'objet d'un cofinancement entre l'État (80 %), la collectivité départementale (10 %) et les communes (10 %). A la fin de l'année 2001, 44 opérations étaient en cours et 5 nouvelles avaient été engagées à hauteur de 8,23 millions d'euros.

--  L'augmentation de l'offre en terrains viabilisés, via l'action des fonds régionaux d'aménagements foncier et urbain (FRAFU). Mis en place dès 1994 à la Réunion, cet outil fonctionne depuis 2000 à la Martinique et devrait être prochainement mis en place à la Guadeloupe et en Guyane, à la suite de l'adoption du décret n° 2002-666 du 29 avril 2002. Cofinancé par les régions et départements concernés, ainsi que par l'État, via le fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM), et l'Union européenne (FEDER), ce fonds est destiné à épauler les communes insuffisamment dotées pour qu'elles disposent d'un foncier équipé et adapté aux besoins en logement social. Il peut également financer des études opérationnelles, le portage foncier à moyen terme, ainsi que les équipements de viabilisation primaire. Les engagements annuels totaux regroupant l'ensemble des financeurs sont de l'ordre de 10 millions d'euros pour la Réunion et 3 millions d'euros pour la Martinique.

Les objectifs sont, on le voit, très ambitieux : le sont-ils néanmoins suffisamment au regard des enjeux ? D'autant que, aux dires mêmes des services du ministère de l'outre-mer, ce dispositif, très complet en théorie, se heurte, dans la pratique, à de lourdes rigidités. C'est pourquoi le ministère a décidé de hiérarchiser les priorités de la politique du logement outre-mer, en favorisant plus particulièrement quatre secteurs : le logement locatif intermédiaire, la réhabilitation du patrimoine existant, l'accession sociale à la propriété, notamment sur la base de l'expérience acquise en matière de vente de logements locatifs, et, enfin, l'aide à la personne, qui sera modernisée.

Il est essentiel de lever ces rigidités, tant les besoins sont immenses. La situation à la Réunion présente, à cet égard, un caractère d'urgence particulièrement aigu. Lors du déplacement qu'il a effectué dans ce département en septembre 2002, votre rapporteur a, en effet, pu constater combien cette collectivité concentrait, à l'extrême, l'ensemble des facteurs physiques, démographiques, financiers et sociologiques qui concourent de l'urgence de la situation. Sur le papier, le problème se résume à une question : comment accueillir 200 000 habitants supplémentaires d'ici à 20 ans :

-  en préservant les espaces naturels, précieux atout touristique ;

-  en évitant de créer des zones de résidence criminogènes ;

-  en développant la production agricole sur une île dont la surface utile en termes d'implantation humaine et de mise en valeur agricole est particulièrement exiguë () ;

-  en insérant ce problème dans une réflexion globale sur les infrastructures (routes, écoles, ...) ;

-  en évitant d'aggraver la situation financière d'ores et déjà fragile des collectivités locales ;

-  enfin, en prenant en compte, autant que faire se peut, les desiderata des habitants dont le modèle de logement reste, comme en métropole, l'habitat pavillonnaire ?

le logement à la réunion

En termes quantitatifs, l'INSEE estime la demande potentielle en logements à 9000 par an à la Réunion, dont 6000 logements sociaux, à comparer aux besoins en logements neufs sociaux annuels évalués respectivement à 3 000 pour la Guadeloupe et la Martinique et à 1 800 pour la Guyane et Mayotte. A cette approche strictement quantitative, il convient d'ajouter une dimension qualitative : d'une part, en effet, l'évolution des modes de vie entraîne une préférence pour l'accession à la propriété en maison individuelle et une exigence toujours croissante en matière de sécurité et de qualité de vie (réseaux de télévision, parkings, etc.) ; d'autre part, le logement social étant parfois associé aux problèmes d'insécurité et aux questions d'environnement, certaines communes sont réticentes à accélérer le rythme de construction. Sans compter que le besoin de continuité architecturale implique de construire des logements qui soient en adéquation avec l'habitat réunionnais traditionnel.

Les données du problème réunionnais sont connues : c'est d'ailleurs pour y répondre que le département a mis en place le FRAFU dès 1994. Néanmoins, il semble bien que, pour importante qu'elle soit, l'enveloppe financière consacrée à ce fonds (590 millions de francs, soit 89,94 millions d'euros, pour la période 1994-2000), dont les subventions ont généré une dépense globale de 228,7 millions d'euros, semble encore insuffisante eu égard à l'ampleur des besoins, évalués à 533,57 millions d'euros sur la période 2005-2010.

D'où la mise en place très prochaine d'un second instrument d'intervention : un établissement public foncier (EPF) qui prendrait en charge la politique de réserve foncière, la lutte contre l'insalubrité et la sauvegarde du patrimoine, tandis que le FRAFU garderait la maîtrise en matière de réseaux (115,86 millions d'euros inscrits pour 2000-2006, dont 20 % engagés au 30 avril 2002). L'EPF serait financé par une enveloppe de 11,46 millions d'euros, répartie à parts égales entre l'État, la région et le département, et par une taxe spéciale d'équipement.

A l'instar de toutes les collectivités territoriales françaises, les DOM, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient de subventions de État, versées par le budget du ministère de l'intérieur :

--  Au titre de la dotation globale de fonctionnement (DGF), les communes des quatre collectivités citées auront reçu, en 2002, 340,7 millions d'euros, soit une augmentation de 4,16 % par rapport à 2001. Cette dotation représente un montant de 188,7 euros par habitant. Quant à la DGF des départements, elle progresse également, de 5,23 %, pour atteindre un montant global de 225, millions d'euros en 2002, soit124,7 euros par habitant.

--  La dotation globale d'équipement des communes reste stable en 2002, à 10,2 millions d'euros. Pour les départements, la dotation globale d'équipement étant fixée à partir des investissements réalisés dans l'année et en raison du mécanisme d'attribution différé sur un an de la DGE, le montant effectivement perçu par chaque département ne sera connu qu'à la fin du premier semestre 2003, en fonction des investissements financés en 2002. En 2001, elle s'est établie à 14,9 millions d'euros.

-- Enfin, au titre de la dotation globale de décentralisation (DGD) - une collectivité locale ne perçoit la DGD que lorsque les transferts de fiscalité ne compensent pas les transferts de charges -, les départements d'outre-mer ont reçu, en 2002, 404,2 millions d'euros, montant en forte augmentation par rapport à 2001 (386,1 millions d'euros), du fait, d'une part, de l'application du taux d'évolution de la DGF et, d'autre part, des compensations relatives à la vignette automobile. Toutefois, les départements d'outre-mer ne sont pas satisfaits des modalités financières du transfert de charges dû à la mise en place de la couverture maladie universelle par la loi du 27 juillet 1999. Le prélèvement contesté est loin d'être négligeable, puisqu'il s'élève à 23,3 M€ (153 MF) en rythme annuel. Le gouvernement examine la possibilité de corriger, pour l'avenir, cette situation, par un ajustement de la DGD des départements concernés. En effet, si cette situation n'est pas propre aux départements d'outre-mer, elle pèse toutefois de manière insupportable sur des départements d'ores et déjà confrontées à une énorme demande sociale.

Les départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient également de subventions spécifiques de la part du ministère de l'outre-mer, justifiées par leur statut particulier. Ainsi, en application des dispositions de l'article L. 2335-3 du code général des collectivités territoriales, il est fait obligation à l'État de verser une subvention aux communes des DOM, en compensation des pertes de ressources fiscales consécutives aux exonérations temporaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties. Inscrits au chapitre 41 - 51, ces crédits, qui représentaient 3,811 millions d'euros pour les années 2001 et 2002, s'élèvent à 4,1 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2003. La Réunion en est traditionnellement, et fort logiquement, le principal bénéficiaire (entre 66 et 67 % de la subvention selon les années).

A cette subvention obligatoire, il convient d'ajouter des subventions facultatives, qui concernent essentiellement Mayotte, hormis une subvention de 1,676 million d'euros en faveur de la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon et une subvention globale d'un peu moins d'un million d'euros à destination des offices de l'eau des DOM. Outre la dotation de rattrapage et de premier équipement pour les communes mahoraises, déjà évoquée, l'État verse environ 1 million d'euros à Mayotte, dont la moitié est destinée au fonds mahorais de développement.

A ces subventions de caractère administratif (titre IV du projet de loi de finances), s'ajoutent enfin des subventions d'investissement. Celles qui concernent le logement (173 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2003) ont été évoquées. Elles sont complétées par diverses subventions d'investissement en faveur du développement des DOM, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, inscrites au chapitre 68-01, qui représentent un montant global de 45,7 millions d'euros dans le projet de budget pour 2003 en crédits de paiement, soit une légère baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2002 (47,45 millions d'euros). Les autorisations de programme progressent au contraire de 60,53 millions d'euros en 2002 à 72,24 millions d'euros pour 2003. Il restera à voir toutefois, après la clôture de l'exercice 2002, si, à l'instar d'autres chapitres, celui qui porte les subventions d'investissement n'a pas pâti du même effet d'affichage évoqué précédemment en matière d'emploi. Le montant des crédits reportés en fournira un bon indicateur. Les subventions à destination de la section générale du fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM) représentent 82 % des crédits de paiement - 55 % des autorisations de programme - inscrits à ce chapitre.

Quatre subventions supplémentaires sont inscrites à ce chapitre :

--  Mayotte sera destinataire de trois d'entre elles, pour un montant total, en autorisations de programme, de 29,147 millions d'euros, et, en crédits de paiement, de 7,381 millions d'euros. Outre les subventions destinées au fonds mahorais de développement (0,38 million d'euros de crédits de paiement) et la dotation de rattrapage et de premier équipement (4 millions d'euros), il est créé une nouvelle subvention, dans le cadre de la convention spécifique de Mayotte. Cette nouvelle convention est dotée de 20 millions d'euros d'autorisations de programme et de 3 millions d'euros de crédits de paiement. Elle concrétise l'un des engagements pris par le Président de la République lors de la campagne pour les élections présidentielles et confirme la détermination des pouvoirs publics de lier l'évolution institutionnelle récente de Mayotte à un réel démarrage économique.

--  La Guyane bénéficiera pour sa part de 3,3 millions d'euros d'autorisations de programme et de 0,5 million d'euros de crédits de paiement, destinés au financement d'un plan global de développement de l'agriculture.

S'agissant de ce département, il convient également de rappeler qu'il bénéficie d'investissements directs réalisés par l'État en matière d'infrastructure, inscrits au chapitre 58-01. Cette spécificité trouve son origine dans les caractéristiques physiques du département : rappelons qu'avec une superficie de 83 534 km², la Guyane est d'une taille comparable au Portugal... mais dotée d'une densité moyenne de 2 habitants au km2. Cette intervention de l'État destinée au rattrapage de l'infrastructure en Guyane s'est toutefois infléchie au cours des années récentes : alors que, pour la période 1980-1994, les autorisations de programmes inscrites à ce titre, hors fonds de concours, ont été en moyenne de 6,3 millions d'euros, elles ont diminué sur la période 1995-2000, pour atteindre environ 2,8 millions d'euros - sauf en 1996 (5,64 millions d'euros) et en 1997 (3,82 millions d'euros). En 2001 et 2002, les autorisations de programmes inscrites ont été de 1,22 million d'euros, montant prorogé dans le projet de loi de finances 2003.

Ces crédits permettront notamment de poursuivre les études du pont sur l'Oyapock, la réalisation des revêtements de la liaison Régina-Saint-Georges et les travaux sur le port de Saint-Laurent du Maroni. Sur ce dernier point, les crédits inscrits en 2000 et 2001 avaient déjà permis de commencer les travaux d'aménagement du port de l'ouest guyanais à Saint-Laurent du Maroni, de toute première importance pour le développement économique du département, puisqu'ils sont destinés à favoriser les exportations de riz transitant actuellement par le port de Dégrad-des-Cannes. La totalité du programme, co-financé par l'État et l'Union européenne, devrait coûter environ 762 000 euros.

 

N° 0261 - 07 - Avis de M. Didier Quentin sur le projet de loi de finances pour 2003 - Outre-mer

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() En juin 2002, la population de Mayotte était estimée à 174 900 personnes.

()Moyenne des départements qui, comme la Réunion, expérimentent la nomenclature comptable M 52.

() Pour les départements expérimentant la nomenclature M 52.

() L'Europe, hors la France, se trouve en troisième position sur le marché du tourisme polynésien.

() Sur les 2 500 km² que compte le territoire réunionnais, une fois retranchés les secteurs montagneux tourmentés (1 500 km²), les terres agricoles (600 km²) et les espaces naturels à préserver (100 km²), ce sont seulement 300 km² qui sont utiles pour l'activité et l'habitat.